C. DES EFFETS SUR LE SYSTÈME DE SANTÉ MAL ÉVALUÉS ET PEU MAÎTRISÉS

1. Des effets équivoques sur la régulation des dépenses de santé et la structuration de l'offre de soins dans les territoires

La financiarisation soutient l'accélération du processus de concentration de l'offre de soins. Il en résulte des situations d'oligopoles régionaux ou de quasi-monopoles, que l'Autorité de la concurrence a été amenée à souligner en pointant à plusieurs reprises un risque de réduction de la diversité de l'offre dans certains territoires.

Par ailleurs, elle fait craindre un amoindrissement du pouvoir de négociation des régulateurs - assurance maladie et ARS - face à des groupes puissants. Ainsi, les négociations du dernier protocole d'accord fixant le cadre d'évolution des tarifs pour 2024-2026 pour la biologie médicale ont été perturbées par un positionnement ambigu des syndicats, soumis à la pression des groupes pour que la profession s'oppose aux baisses de tarifs envisagées par l'assurance maladie.

Pour la Cnam, « la financiarisation entraîne nécessairement une modification de la structure de l'offre de soins, de sa représentation et donc de l'efficacité des outils de dialogue et de régulation. »

La financiarisation conduit donc à s'interroger sur la capacité des autorités de tutelle à contrôler le développement d'une offre financiarisée dans le respect des critères d'accessibilité, de qualité et de pertinence des soins, et à récupérer une partie des gains de productivité générés. Ses effets sur la régulation des dépenses de santé demeurent toutefois insuffisamment objectivés.

2. Un risque sérieux pour l'indépendance des professionnels de santé

L'indépendance professionnelle constitue un principe déontologique applicable à l'ensemble des professionnels de santé dotés d'un ordre. Elle doit conduire ces derniers à déterminer, en conscience, leurs actes professionnels dans le seul l'intérêt du patient.

L'exercice au sein de sociétés des professionnels de santé ne doit pas avoir pour conséquence de priver ces derniers de leur indépendance professionnelle. Afin que le respect de cet interdit puisse être contrôlé, les statuts de la société comme les conventions relatives à son fonctionnement, doivent être communiqués aux ordres professionnels concernés.

Malgré ces protections, les ordres ont souligné leurs inquiétudes quant au respect du principe d'indépendance dans certaines SEL, liées à la complexité des montages juridiques observés. L'influence des acteurs financiers au sein de la société peut, en effet, se trouver augmentée par :

- des actions de préférence distinguant le pourcentage de capital détenu, les droits de vote et les droits financiers attachés ;

- des clauses statutaires ou extra-statutaires, rendant incontournable la voix des investisseurs financiers dans la prise de décisions stratégiques.

Exemples de clauses renforçant l'influence des acteurs financiers dans les SEL

« Le Président est désigné, renouvelé ou remplacé par décision des associés (...), sur proposition des titulaires d'actions ordinaires », les actions ordinaires étant détenues intégralement par le tiers investisseur.

« Les décisions collectives sont adoptées à la majorité des quatre cinquièmes (4/5e) des voix des associés présents ou représentés... », empêchant les associés exerçants de contrôler la société.

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