CONTRIBUTIONS DES GROUPES

I. Rassemblement démocratique et social européen (RDSE)

Le groupe RDSE salue l'initiative de Xavier Iacovelli, sénateur du groupe RDPI d'avoir demandé et rapporté la mission d'information sur les complémentaires santé et le pouvoir d'achat des Français.

Ce travail mené conjointement avec notre collègue Marie-Claire Carrère-Gée, présidente de la mission, et tous les sénatrices et sénateurs qui ont participé aux auditions, donne lieu à un constat préoccupant : les hausses régulières de tarifs chaque année pèsent de plus en plus sur le pouvoir d'achat et conduisent à l'affaiblissement de la couverture complémentaire de nombreux Français, certains d'entre eux renonçant aux soins, faute de mutuelles.

Si les recommandations du rapport corrigent, à la marge, les profondes incohérences du système actuel, nous considérons que l'occasion était donnée de revenir plus fondamentalement sur les aberrations des organismes de complémentaires maladie (Ocam).

« S'il fallait repartir de zéro, le système serait sans doute reconstruit différemment » est-il écrit en avant-propos du rapport. Aussi, avons-nous le devoir d'être plus ambitieux pour revenir profondément sur une situation qui remet en cause les fondements mêmes de notre protection sociale, son universalité en particulier.

Notre système est bâti sur des contributions en fonction de nos moyens pour une protection en fonction de nos besoins. Or, le virage pris au cours de ces dernières décennies par les complémentaires santé contredisent complètement ces principes, avec des contributions variables en fonction de la participation des entreprises, dont les plus florissantes peuvent offrir une protection majorée avec une participation moindre des bénéficiaires et une contribution supérieure des retraités dont la grande majorité sont modestes.

Et dans le « maquis » ou la « jungle » des contrats, comme le relève la mission, une différence de prise en charge est opérée entre « bons risques » et « mauvais risques ». Ce n'est pas le vocable « solidaire » d'un contrat qui corrige cette injustice.

S'il y avait un intérêt financier à recourir à la gestion des complémentaires santé par les Ocam, cela pourrait se justifier. Le rapport démontre qu'il n'en est rien ! Les groupes consacrent 20 % aux frais de gestion, à mettre au regard des moins de 4 % des frais de gestion pratiqués par la sécurité sociale et 1 % par le régime local d'Alsace-Moselle.

Et ce surcoût est justifié par les contraintes imposées aux Ocam qui naviguent dans un système concurrentiel. Pour élaborer des contrats sur mesure - et donc au fond non solidaires - les organismes recourent à des mécénats et des sponsorings qui interrogent. Ils mobilisent par ailleurs des réserves prudentielles investies dans un patrimoine conséquent qui, en outre, n'est pas sans impact sur certains segments du marché immobilier.

Dans le détail, on peut observer d'autres pratiques qui abusent les patients ou clivent l'accès aux soins. Notamment, les initiatives de remboursement thérapeutique sans preuve relèvent davantage de démarches commerciales que de réels progrès thérapeutiques. Quant à la prévention affichée comme une avancée de santé publique, elle cible des publics privilégiés et ne s'adresse pas à ceux qui en ont le plus besoin et qui ne relèvent pas de leurs clientèles.

Tous ces constats plaident pour la « Grande sécu », soit une extension du régime de base de la sécurité sociale, comme le préconise le rapport du 14 janvier 2022 du Haut Conseil à l'avenir de l'assurance-maladie, dont l'avis avait été sollicité par le gouvernement d'alors. Bousculant l'intérêt de nombreux protagonistes, la démarche s'est enrayée.

Une contribution juste à une « Grande sécu » dispensant du recours à une complémentaire santé augmenterait de toute évidence le pouvoir d'achat des retraités, comme cette mission d'information s'attache à vouloir le faire. A minima, il serait utile de travailler à une meilleure articulation entre un système public de qualité et des mutuelles replaçant l'équité au coeur de leur modèle pour une santé accessible à tous.

C'est pourquoi le groupe RDSE, fidèle à ses racines solidaristes et à ses valeurs d'égalité et d'humanisme, appelle à plus de courage et de volonté pour la correction de l'injustice qui caractérise le système actuel des complémentaires santé, tout en saluant le rôle essentiel qu'ont joué les mutuelles à leur origine.

II. Groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER)

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain salue le travail réalisé par la mission d'information sur les complémentaires santé et mutuelles : l'impact sur le pouvoir d'achat des Français, menée par sa présidente Marie-Claire Carrère-Gée et son rapporteur Xavier Iacovelli. Le groupe reconnaît la qualité de l'état des lieux exhaustif du régime de remboursement des frais de santé, basé sur l'articulation entre la sécurité sociale obligatoire et les complémentaires santé.

Un système complexe et inefficace

Le système de couverture santé actuel, bien qu'indispensable à la protection des Français, se caractérise par sa complexité et son manque de transparence, laissant souvent les assurés déconcertés et dans l'incapacité de faire un choix éclairé pour une mutuelle qui couvre leurs besoins réels. Ils sont tentés de sélectionner celle-ci sur le prix, espérant une bonne couverture à condition d'en avoir les moyens financiers. Le rapport indique que certains assurés consacrent 10 % de leurs dépenses à cette couverture. C'est une question de justice sociale et d'équité pour préserver le pouvoir d'achat de millions de Français. L'absence d'outils clairs de comparaison des offres de mutuelles renforce ce sentiment d'incompréhension.

Selon la Cour des comptes, dans son rapport du 21 juillet 2021 sur les complémentaires santé, ces dispositifs représentent un coût annuel d'environ 10 milliards d'euros, sans compter les frais de gestion supportés par l'assurance maladie. Ce système dual, mêlant assurance maladie obligatoire et complémentaires, engendre des frais de gestion élevés, notamment en raison de la superposition des dépenses, aggravant ainsi la facture.

La Cour des comptes souligne que, bien que les assurances maladie complémentaires (AMC) offrent une protection étendue et couvrent une grande majorité des Français (environ 96 % de la population), des inégalités subsistent. Outre les coûts de gestion élevés, le rapport confirme un accès inégalitaire aux complémentaires santé, les plus précaires bénéficiant d'une couverture insuffisante. Il met également en lumière l'écart entre les contrats collectifs, souvent plus protecteurs et avantageux pour les cotisants, et les contrats individuels, moins favorables.

Une refonte nécessaire pour plus de justice sociale

Nous défendons l'urgence d'une réforme en profondeur du système pour le rendre plus accessible, transparent et moins coûteux. Il est essentiel de simplifier les dispositifs, de promouvoir la solidarité intergénérationnelle et de mieux protéger les seniors face aux restes à charge, qui demeurent trop élevés. Nous soutenons les recommandations n° 1 et n° 2 du rapport, visant à renforcer la protection des seniors, notamment en revoyant les mécanismes de sortie des contrats collectifs, comme le prévoit l'article 4 de la loi Évin.

Nous nous interrogeons sur la proposition n° 3 de réformer le cadre solidaire et responsable afin de mieux adapter la couverture santé complémentaire aux besoins de chaque assuré. Cette réforme devra préserver le caractère solidaire de l'assurance maladie dans lequel chacun doit participer à la hauteur de ses moyens et bénéficier en fonction de ses besoins.

Par ailleurs, le non-recours aux dispositifs de couverture sociale reste un défi majeur. Malgré les réformes, les démarches administratives complexes continuent d'exclure une partie des populations les plus vulnérables. Favorables à la recommandation n° 10 du rapport, nous appelons à une simplification accrue de la Complémentaire Santé Solidaire (C2S) pour en garantir l'accessibilité et alléger les procédures administratives des caisses d'assurance maladie.

Afin de pallier le non-recours aux soins et les coûts élevés des mutuelles pour de nombreux usagers, les collectivités locales se sont engagées à négocier des contrats collectifs ouverts à leurs administrés. Cet engagement traduit une dérive du système existant qui est dans l'incapacité de s'adapter à la réalité des besoins de la population. Les collectivités viennent pallier la carence du système dual AMO/AMC. Cette implication des collectivités territoriales illustre la nécessité d'une réforme plus profonde de notre système de couverture sociale de base avec un panier de soins assuré, compatible avec les capacités des ménages à couvrir les risques.

Vers une approche de long terme et une meilleure prévention

Dans le cadre de la réflexion sur l'évolution de notre système de protection sociale, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain reste fermement attaché aux principes d'universalité et de solidarité qui fondent la sécurité sociale. Des solutions existent pour assurer la pérennité financière de ce système, telles que l'investissement dans la prévention, source d'économies sur le long terme, l'adaptation des prises en charge aux besoins spécifiques, la refonte des modes de rémunération, ainsi que la lutte contre les restes à charge, qui contribuent au renoncement aux soins et à l'aggravation de l'état de santé des Français.

Enfin, nous regrettons que les mesures d'économie avancées par le Gouvernement ne soient pas à la hauteur des enjeux structurels de notre système de santé. Face aux défis démographiques, à l'augmentation des maladies chroniques et aux impacts du changement climatique sur la santé, une approche plus globale s'impose.

Nous plaidons pour un financement de la protection sociale qui ne repose plus uniquement sur la taxation du travail, mais qui inclut d'autres sources de revenus. De plus, une politique ambitieuse de prévention est indispensable pour réduire les coûts sociaux de la protection.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain continuera à soutenir toutes les initiatives visant à garantir l'accès équitable aux soins pour tous les Français, dans une logique de justice sociale et d'équité.

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