C. MIEUX ACCOMPAGNER LES PARENTS FACE AUX RISQUES DE LA PÉRIODE POST-PARTUM

Les principales lacunes identifiées par les femmes interrogées dans le cadre de l'enquête d'opinion réalisée par l'institut CSA à la demande de la mission portent sur le post-partum. Si l'immense majorité des parents sont satisfaits de la prise en charge de la grossesse comme de l'accouchement, les appréciations portées sur la prise en charge après l'accouchement sont plus mitigées. Une femme sur cinq déclare ne pas être satisfaite des informations communiquées sur l'après-accouchement et ne pas avoir bénéficié d'un suivi post-natal.

1. Des problématiques de santé mentale mieux identifiées mais insuffisamment prises en charge
a) Une attention bienvenue pour les problématiques de santé mentale

Les évolutions de la société et notamment les mouvements féministes ont permis une libération de la parole et une prise de conscience des difficultés associées à la grossesse, l'accouchement et la maternité de façon plus générale.

L'enquête d'opinion réalisée par l'institut CSA montre que 96 % des femmes ayant accouché entre 2022 et 2024 connaissent la dépression du post-partum et y ont été sensibilisées par le personnel soignant, leur entourage, des reportages, des articles ou des réseaux sociaux.

Cependant, les professionnels de santé entendus par la mission ont témoigné de la culpabilisation et de la stigmatisation encore trop associées à la dépression périnatale. Il semble qu'en outre certaines femmes craignent que leur enfant leur soit retiré en raison de leur état dépressif et répugnent donc à faire état de leur souffrance auprès des professionnels.

Les réseaux sociaux jouent un rôle ambivalent en la matière. Ils diffusent des images d'une maternité idéale qui peuvent être anxiogènes. Pour autant, ils peuvent également jouer un rôle positif dans la libération de la parole, comme cela peut être le cas autour du mot clé #MonPostPartum. Élise Marcende, présidente de l'association Maman Blues a résumé cette ambivalence par ces mots : « Il y a vingt ans, on ne parlait pas de la santé mentale périnatale comme on le fait aujourd'hui. Les femmes étaient vues comme des folles lorsqu'elles évoquaient leurs difficultés. Les réseaux sociaux et leurs photos instagrammables d'une maternité idéale peuvent être très anxiogènes, mais il existe aussi de nombreux comptes sur lesquels les femmes évoquent leurs souffrances psychiques ou périnatales, mais aussi tous les aspects de la maternité. »

La communication autour des problématiques de santé mentale et des symptômes qui doivent amener à consulter, en particulier sur les réseaux sociaux des institutions publiques, est la bienvenue. Elle permet de sensibiliser les professionnels, les femmes concernées mais également leur entourage, qui a un rôle d'appui en la matière.

Dans ce cadre, alors que la Haute Autorité de santé doit publier en septembre 2024 une recommandation de bonne pratique portant sur le repérage, le diagnostic et la prise en charge des troubles psychiques périnatals, la mission appelle à utiliser tous les relais de communication possibles, y compris sur les réseaux sociaux, pour donner davantage de visibilité à ces problématiques.

b) Renforcer le repérage précoce des vulnérabilités psycho-sociales et des fragilités psychiques

Les professionnels doivent être en mesure de faire la distinction entre baby blues et dépression du post-partum et de repérer les symptômes qui relèvent de la dépression.

Dès lors, il convient de renforcer la sensibilisation et la formation des professionnels, et notamment des sages-femmes, à l'identification des symptômes dépressifs, ainsi qu'au repérage des vulnérabilités médicales, psychiques et sociales (notamment des situations de précarité et de violences) qui constituent des facteurs de risque de dépression au cours de la grossesse et après l'accouchement, et peuvent donc permettre d'anticiper ce risque dès la période prénatale.

Sur le site de pédagogie numérique en santé, il existe depuis 2023 un Mooc124(*) sur la santé mentale périnatale au cours des 1 000 premiers jours, dont l'accès est gratuit et dont la consultation devrait être recommandée à tous les professionnels de la périnatalité. Lors de son audition, le Dr Lucie Joly, psychiatre à l'Hôpital Saint-Antoine, responsable de l'unité de psychiatrie périnatale commune aux hôpitaux Pitié-Salpêtrière, Tenon et Armand-Trousseau, a également suggéré une surspécialisation en psychiatrie périnatale à envisager pour les sages-femmes, afin de les former au repérage précoce.

Afin de faciliter le repérage des fragilités psychiques, les professionnels peuvent s'appuyer sur différents outils. Ainsi, le questionnaire EPDS (inventaire de dépression post-natale d'Édimbourg) facilite l'identification de la dépression du post-partum.

En partenariat avec la maternité Saint Joseph, le centre de psychopathologie périnatale du GHU Paris propose à toutes les femmes qui y accouchent de bénéficier d'un dépistage systématique, via le questionnaire EPDS, et un rendez-vous avec les professionnels de santé mentale du centre est organisé pour toutes celles qui ont un score relevant un risque de dépression.

La mise à disposition du questionnaire EPDS sur le site et l'application des 1 000 premiers jours, depuis 2021, ainsi que sur de nombreux sites partenaires (dont la Caf, Doctissimo, Maman blues, Parents.fr), permet aux parents de répondre en autonomie à des questions et d'être mis, sur demande, en relation avec une personne pouvant les orienter vers une prise en charge. 125 000 tests ont été passés entre juillet 2021 et mars 2024 selon les statistiques disponibles sur le site125(*). Cependant, il semble qu'aucune pérennisation de ce dispositif « 1 000 jours blues » ne soit prévue, faute de moyens humains et financiers.

Pour compléter et peut-être prendre le relai de cette solution, l'équipe du Dr Lucie Joly à l'AP-HP développe actuellement une application numérique SmartPartum destinée au dépistage numérique des symptômes de dépression du post-partum et à la prise en charge des patientes, avec des niveaux graduels de réponse selon l'intensité de la symptomatologie dépressive.

Il apparaît nécessaire de développer également des outils pour analyser la vulnérabilité psychique des parturientes dès la période prénatale afin que le repérage puisse se faire le plus en amont possible.

Par ailleurs, afin de permettre un questionnement systématique et faciliter la libération de la parole des patientes, une réflexion doit être menée sur une meilleure valorisation des temps de consultation et des visites à domicile, en particulier par les sages-femmes.

Plusieurs professionnels de santé mentale entendus par la mission ont invité la France à s'inspirer du Royaume-Uni, où une stratégie nationale d'ampleur est consacrée à la santé mentale périnatale et au dépistage systématique des vulnérabilités psychiques et sociales de toutes les familles à l'occasion d'une grossesse126(*).

 

Une attention particulière à la détection de la dépression du post-partum est d'ores et déjà organisée dans le cadre de l'entretien post-natal précoce, qui constitue une étape obligatoire du parcours de soins des femmes depuis juillet 2022. Cet entretien, qui doit se tenir entre la 4e et la 8e semaine qui suit l'accouchement, a été institué précisément pour briser l'isolement après la naissance et détecter la dépression du post-partum. Il n'est pas uniquement médical et sa tenue à domicile, recommandée, doit permettre de tenir compte de l'environnement de la mère.

Cependant, selon la Cnam, 150 000 entretiens post-natals précoces ont été réalisés entre septembre 2022 et décembre 2023 ; moins de 15 % des femmes ayant accouché ont donc bénéficié d'un tel entretien.

Contrairement à l'entretien prénatal précoce, pris en charge à 100 % par l'Assurance maladie, l'entretien post-natal précoce n'est pris en charge qu'à 70 %, ce qui peut en partie expliquer un moindre recours à cet entretien et amène la mission à s'interroger sur l'opportunité d'une prise en charge à 100 %.

Une telle prise en charge doit cependant s'accompagner d'une campagne de communication afin d'inciter les professionnels de santé à proposer ce rendez-vous et les femmes à y recourir. En effet, le sous-recours à la vaccination antigrippale et à l'examen bucco-dentaire, pris en charge à 100 %, indique que cette prise en charge intégrale n'est pas, à elle seule, garante de la réalisation des actes de prévention. Au-delà de la sensibilisation par courrier menée par la Cnam, des actions de formations, à destination des sages-femmes, pourraient être envisagées pour les encourager à proposer systématiquement cet entretien, à l'instar de ce qui avait été réalisé pour l'entretien prénatal précoce dans le cadre du groupe de travail périnatalité piloté par la direction générale de la santé.

Par ailleurs, encourager la tenue de l'entretien post-natal précoce à domicile limiterait les contraintes organisationnelles pour la mère et permettrait de mieux appréhender l'environnement dans lequel la famille évolue.

c) Améliorer la prise en charge de la santé mentale des deux parents, avec une offre graduée et de proximité

Une fois les fragilités psychiques ou les troubles anxiodépressifs repérés, le professionnel de santé de première ligne doit être en mesure d'orienter rapidement les familles vers une prise en charge adaptée et graduée en fonction du niveau de sévérité. Cette prise en charge peut se traduire par un accompagnement par les professionnels de la PMI ou des TISF (technicien de l'intervention sociale et familiale qui peut suivre une formation complémentaire à la dépression du post-partum), des séances de consultations chez un psychologue, un suivi psychiatrique, voire une hospitalisation au sein de services spécialisés de psychiatrie périnatale.

Cela suppose à la fois que le professionnel de santé sache vers qui orienter son patient et qu'une offre de soins existe sur le territoire.

Or, alors que 20 % des mères et 10 % des pères devraient accéder à un professionnel de santé mentale dans les mois qui suivent la naissance de leur enfant, la majorité d'entre eux ne bénéficient pas d'une telle prise en charge. Ainsi, l'enquête d'opinion précitée montre qu'une mère sur deux estimant avoir connu une dégradation de sa santé mentale après son accouchement n'a bénéficié d'aucune prise en charge professionnelle. Lors de son audition, le Dr Romain Dugravier a confirmé ce déficit d'accès aux soins, relevant que seulement un quart des femmes déclarant vivre une souffrance psychique accède à un professionnel de santé mentale.

Depuis plusieurs années, les moyens attribués aux équipes de psychiatrie périnatale ont été renforcés et cette spécialité se transforme. Depuis le décret du 28 septembre 2022, les structures de psychiatrie périnatale doivent être dotées à la fois d'un psychiatre adulte et d'un pédopsychiatre, avec un regard porté à la fois sur les spécificités de la mère et sur le développement de l'enfant. En outre, une mention est dédiée aux équipes de psychiatrie périnatale dans le cadre de la réforme des autorisations d'activité de psychiatrie.

Cependant, ces moyens sont encore largement insuffisants. Il semble nécessaire d'augmenter le nombre de places au sein des unités mère-enfant ou parents-bébés spécialisées en psychiatrie périnatale, généralement situées au sein de centres hospitaliers universitaires. Ainsi, il n'existe que trois unités de ce type en Île-de-France et une centaine de lits au total en France.

Au-delà de ces structures spécialisées, la présence de professionnels de santé mentale en appui des équipes en maternité devrait être garantie, par exemple à hauteur d'un psychologue pour 1 000 naissances et un psychiatre ou pédopsychiatre pour 3 000 naissances, ratios proposés par le Dr Romain Dugravier lors de son audition. Plus globalement, le renforcement des staffs médico-psycho-sociaux au sein des maternités, d'ores et déjà prévu dans le cadre du déploiement du programme des 1 000 premiers jours, est une nécessité.

Créer des hôpitaux de jour dévolus à la psychiatrie périnatale permettrait également de prendre en charge des femmes avec des symptômes trop sévères pour s'améliorer avec un accompagnement par un professionnel de ville mais pas assez sévères pour nécessiter une hospitalisation à temps plein en unité spécialisée.

La mission soutient également le développement d'offres de proximité et de dispositifs mobiles qui permettent aux familles éloignées des établissements de santé de bénéficier d'une prise en charge adaptée.

Ainsi, l'équipe mobile de psychiatrie périnatale du centre hospitalier de la Côte basque (Emopsy) a entrepris une démarche d' « aller vers » afin de prendre en charge de façon précoce, en anténatal et en post-natal, les patientes présentant des vulnérabilités psychiatriques mais aussi répondre aux besoins du co-parent, du bébé à venir et de la triade, une fois l'enfant né. Ces patientes sont repérées lors de l'entretien prénatal précoce, à l'aide de l'auto-questionnaire de repérage des vulnérabilités émanant du réseau périnatal Nouvelle-Aquitaine, et lors de l'entretien post-natal précoce. La file active de cette équipe est passée de 142 patientes en 2021 à 403 en 2023, preuve du succès d'une telle initiative.

Ce type d'offre d'expertise en psychiatrie périnatale doit être complété d'offres de proximité permettant de répondre aux besoins des familles ayant besoin d'une prise en charge plus légère. Les PMI, en coordination avec les psychologues libéraux mais aussi avec les TISF, ont un rôle à jouer en la matière.

Dans le Maine-et-Loire, la santé périnatale a été identifiée par le département et les PMI comme un sujet de santé publique. Les puéricultrices ont donc été formées pour sensibiliser l'ensemble des professionnels à la dépression périnatale. Elles interviennent également auprès des familles dès le retour à domicile grâce à la mise en place d'une liaison hospitalière permettant à l'hôpital de signaler à la PMI les familles à accompagner quand des situations à risques sont identifiées.

Au-delà des moyens, les professionnels de première ligne que sont les sages-femmes, les gynécologues-obstétriciens, les médecins généralistes et les pédiatres doivent être mieux informés des partenariats à mettre en oeuvre dans le cadre de la prise en charge de patientes en situation de vulnérabilité psychique. Une meilleure lisibilité des réseaux d'offres de soins en santé mentale sur le territoire est nécessaire pour que ces professionnels identifient facilement la structure ou le professionnel auquel adresser leur patient. L'association Maman Blues a témoigné être régulièrement contactée par des professionnels de périnatalité qui ne savent pas vers qui orienter leur patiente.

Depuis 2023, les sages-femmes peuvent adresser leurs patientes à un psychologue conventionné dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy. Cependant, ce dispositif peine à monter en puissance.

Le projet Artemis de plateforme téléphonique nationale, présenté par le Dr Lucie Joly, a retenu l'attention de la mission. Sur le modèle du dispositif Vigilans pour la prévention du suicide, il s'agirait d'avoir une équipe dévolue à l'accueil téléphonique des mères et de les mettre en relation avec des équipes spécialisées dans la santé mentale maternelle sur tout le territoire.

Par ailleurs, lorsque des femmes sont suivies pour des troubles psychiques préexistants, une mise en relation est nécessaire entre le psychiatre et les professionnels qui vont assurer le suivi de la grossesse, notamment afin d'adapter le traitement médicamenteux ainsi que la prise en charge périnatale. Lors de son audition, le Dr Romain Dugravier, chef du centre de psychopathologie périnatale (CPPB) du GHU Paris, a déploré des discontinuités dans les soins pour ces femmes : discontinuité entre les périodes anté et post-natales, avec des changements de professionnels et de lieux, discontinuités entre la ville et l'hôpital, et discontinuité du regard des professionnels du fait de difficultés d'acculturation.

La lutte contre ces discontinuités est l'objectif du dispositif CICO dédié aux futurs parents ayant un trouble psychiatrique chronique, qu'il a mis en place : des conceptions pré-conceptionnelles et prénatales sont proposées afin d'accompagner les parents dans leur traitement et d'accéder aux services de soin et de prévention appropriés. Les unités de psychiatrie périnatale exerçant en maternité et proposant aussi une offre de soins d'aval peuvent également limiter les discontinuités de prise en charge.

Plus globalement, les professionnels de santé mentale gagneraient à être formés aux particularités de la grossesse afin d'accompagner les patientes avec des pathologies psychiatriques connues dans l'adaptation de leur traitement et de leur prise en charge, avec la définition d'un plan de soins personnalisé pendant la grossesse, en coordination avec les professionnels de la périnatalité, sur le modèle des consultations péri-conceptionnelles existant en neurologie pour les patientes atteintes d'épilepsie.

En outre, dès lors que des facteurs de risque sont identifiés, notamment des antécédents de dépression, un suivi psychologique ou psychiatrique devrait être proposé aux parturientes.

La coordination nécessaire entre professionnels et structures amène les professionnels entendus par la mission à revendiquer une valorisation des temps de concertation, alors que le financement du système hospitalier reste dominé par la tarification à l'activité. Les réseaux de santé périnatale pourraient être mobilisés pour faciliter cette coordination, sous réserve de renforcer leurs moyens, qui semblent insuffisants aujourd'hui pour réaliser l'ensemble de leurs missions.

Recommandation n° 7 : Améliorer la prise en charge de la santé mentale des jeunes parents, en développant une offre de soins graduée et de proximité et en proposant un suivi dès lors que des facteurs de risque sont identifiés.

Les problématiques de santé mentale doivent également inclure la prise en charge du deuil périnatal. Les parents confrontés à une mort foetale in utero (après 22 SA) ou dont l'enfant est mort-né bénéficient des congés parentaux, sont protégés contre le licenciement, peuvent célébrer des obsèques et, depuis 2020, donner un prénom à leur enfant né sans vie. La loi du 7 juillet 2023127(*) a également prévu la mise en place d'un parcours associant médecins, sages-femmes et psychologues pour mieux accompagner les femmes et leur partenaire confrontés à une interruption spontanée de grossesse et a supprimé le délai de carence pour les congés maladie consécutifs à des interruptions spontanées de grossesse. Cette prise en charge doit maintenant se concrétiser.

2. Un accompagnement post-natal à déployer sur tout le territoire

Au-delà des problématiques de santé mentale, l'accompagnement post-natal doit faire l'objet d'une démarche holistique, visant à répondre aux besoins de l'enfant comme à ceux des parents en impliquant tous les professionnels concernés par le soin, l'accompagnement et les services aux familles. Telle était l'ambition affichée par le programme des « 1000 premiers jours », qui apparaît aujourd'hui inaboutie.

a) Renforcer le suivi médical post-accouchement de la mère à domicile

Selon l'enquête d'opinion réalisée par l'institut CSA à la demande de la mission, la majorité des femmes jugent la longueur du séjour à la maternité appropriée et la quasi-totalité s'estimait apte à sortir au moment prévu. Cependant, 21 % d'entre elles déclarent n'avoir bénéficié d'aucun suivi post-natal à leur retour à domicile et 35 % auraient souhaité bénéficier de davantage de visites post-natales.

Actuellement les femmes sont censées bénéficier de la visite d'une sage-femme à leur domicile dans les jours suivant l'accouchement, d'un entretien post-natal quatre semaines après et d'un entretien à huit semaines.

Selon la dernière enquête périnatale, en 2021 plus de 80 % des mères avaient eu au moins une visite d'une sage-femme en post-partum immédiat à domicile, dont la moitié organisée par le Prado maternité (programme d'accompagnement du retour à domicile). Cela représente tout de même une femme sur cinq qui n'en a pas bénéficié. En outre, alors que l'organisation d'une visite à domicile est une condition nécessaire à toute sortie précoce, en 2021, 13 % des mères sorties précocement déclarent ne pas avoir bénéficié d'une telle visite.

Le Prado maternité avait été mis en place par l'Assurance maladie en 2010 pour accompagner le retour à domicile des familles dans les situations à bas risque médical et psychique, en les faisant bénéficier d'un accompagnement par une sage-femme. Selon la Cnam, ce programme a notamment favorisé la structuration d'une offre de sages-femmes libérales ou à activité mixte dont le nombre est passé de 3 890 en 2012 à 7 929 en 2021.

Le Prado maternité est désormais proposé en priorité aux familles en sortie précoce de maternité, à moins de 72 heures après un accouchement par voie basse ou 96 heures après un accouchement par césarienne. Ce recentrage semble avoir été mal compris par de nombreux acteurs qui ont déclaré à la mission que le Prado n'existait plus depuis le premier confinement de 2020. 

Selon la Cnam, malgré une diminution des accompagnements Prado, 75 % des mères voient une sage-femme ou un médecin dans les sept jours suivant leur retour à domicile. Afin d'augmenter cette proportion, un objectif minimal de 80 % de sorties de maternité donnant lieu à un accompagnement est désormais assigné aux CPAM.

Le collège des sages-femmes souhaite que l'accompagnement proposé par les sages-femmes soit valorisé d'un point de vue financier. De même, l'UNSSF a déploré un modèle de rémunération inadéquat, relevant qu'une sage-femme en situation d'astreinte, pour être en mesure d'assurer le suivi d'une femme sortant de maternité, n'est pas rémunérée pour ce temps bloqué dès lors qu'aucun acte de suivi n'est accompli.

Par ailleurs, alors que les frais médicaux liés à la grossesse sont pris en charge à 100 % par l'Assurance maladie du 6e mois de grossesse au 12e jour après l'accouchement, l'Association nationale des sages-femmes territoriales estime que certaines femmes sans mutuelle renoncent à un suivi post-partum après la première semaine faute de prise en charge à 100 %.

Recommandation n° 8 : Relancer et renforcer le Prado maternité pour faciliter un recours sécurisé à domicile post-accouchement.

b) Assurer un meilleur suivi des nourrissons et accompagner les parents dans les soins et interactions avec leur bébé, avec des solutions de proximité
(1) Encourager les « soins de développement » et les « interactions précoces » dès la maternité

Les professionnels entendus par la mission ont mis l'accent sur la nécessité de développer l'accompagnement post-natal et de soutenir les interactions précoces entre parents et enfant, ainsi que les soins de développement qui ont, selon Santé publique France, des effets positifs démontrés sur le développement psychoaffectif de l'enfant, sa santé et sa réussite scolaire, la santé de la mère et les compétences parentales.

Dans cette optique, les unités kangourou et les unités mères-enfant intégrées au sein des services de suites de couches permettent aux professionnels de santé d'accompagner les parents dans leurs premiers soins à leur nourrisson et leurs premières interactions. De même, les maternités labellisées IHAB (Initiative hôpital ami des bébés), telle la maternité de Ploërmel (56) visitée par la mission, s'engagent à apporter un accompagnement individualisé en plaçant les besoins et rythmes du nouveau-né et de sa mère au coeur du système de soins. La mission encourage de telles démarches de labellisation qui, outre un meilleur accompagnement des parents, constituent un facteur d'attractivité de l'établissement - un enjeu particulièrement important pour les maternités réalisant moins d'accouchements.

Le soutien à l'allaitement s'inscrit dans le cadre des soins de développement encouragés par Santé publique France et par l'Organisation mondiale de la santé, qui recommandent un allaitement exclusif jusqu'à six mois. Or en France, le taux d'allaitement est faible. Lors de l'ENP 2021, 70 % des mères allaitaient à la maternité mais elles n'étaient plus que 54 % deux mois après l'accouchement (34 % en allaitement exclusif et 20 % en allaitement mixte). À quatre mois, moins de 20 % des bébés sont allaités en France, contre la moitié en Allemagne et en Italie. En Norvège, 99 % des bébés sont allaités à la naissance, 89 % le sont toujours à deux mois et 71 % à six mois.

Lors de l'ENP 2021, 17 % des femmes ont déploré ne pas avoir eu de soutien à l'allaitement par un professionnel de santé et deux mois après l'accouchement un quart de ces femmes n'allaite plus. Selon l'ONSSF, une femme qui n'est pas accompagnée dans son allaitement arrête celui-ci au bout d'un mois. Il convient dès lors de renforcer l'accompagnement à l'allaitement, dès la maternité et par la suite, lors du retour à domicile, sans cependant que cet accompagnement se transforme en une injonction contre-productive pour la santé de la mère et la qualité des liens mère-enfant.

(2) Reconnaître pleinement le rôle des puéricultrices et auxiliaires de puériculture

Afin d'accompagner les parents dans les soins et les interactions avec leur bébé après leur retour à domicile, la mission réaffirme une nouvelle fois le rôle des PMI.

Si les sages-femmes libérales sont compétentes pour assurer le suivi de la mère et de l'enfant jusqu'au premier mois, elles doivent ensuite faciliter le transfert de la prise en charge vers la médecine de ville et la PMI, qui est parfois difficile.

Dans certains hôpitaux, tel le centre hospitalier Basse-Bretagne de Vannes visité par la mission, la PMI dispose de bureaux au sein de la maternité, assurant un repérage, directement au sein de la maternité, des éventuelles fragilités psycho-sociales et permettant une continuité du suivi après l'accouchement.

Dans la même optique, le programme PANJO (Promotion de la santé et de l'attachement des nouveau-nés et de leurs jeunes parents) de Santé publique France vise à accompagner des parents en situation de vulnérabilité, avec des visites à domicile par les sages-femmes et les infirmières puéricultrices de PMI.

Plus globalement, la mission estime que les infirmières puéricultrices et les auxiliaires de puériculture gagneraient à être davantage associées au suivi post-natal, voire à être associées dès le stade de la grossesse, dans la mesure où elles sont formées à l'accompagnement des familles, au repérage des difficulté d'attachement, aux soins de développement des nourrissons et aux enjeux de prévention. Elles peuvent venir en appui des activités des professionnels médicaux, en particulier dans des territoires marqués par des difficultés d'accès à ces professionnels.

Ainsi, sur le territoire du Haut-Morvan, un territoire particulièrement isolé, l'ARS Bourgogne-Franche-Comté finance un accompagnement des parents à domicile par des auxiliaires puéricultrices.

Dans le même esprit, le pôle territorial femme-parent-enfant du GHT Coeur Grand Est propose, depuis 2021, un dispositif de coaching parental (CoPa) par une auxiliaire de puériculture de la maternité ou du centre de périnatalité où ils ont été suivis. Dans une contribution adressée à la mission, la FNAAFP/CSF - Fédération de l'aide à domicile précise qu'elle a été sollicitée, dans le cadre de ce dispositif, pour explorer les possibilités d'articuler des interventions de TISF (technicien de l'intervention sociale et familiale) et d'auxiliaires de puériculture, dans le cadre d'un « partenariat social-santé »128(*). De tels partenariats, qui permettent de renforcer l'accompagnement dans l'établissement de liens parents-enfants de qualité, méritent d'être explorés.

En outre, de nombreuses consultations de nourrissons aux urgences relevant davantage de consultations en puériculture, les hôpitaux de Toulouse et de Lyon ont expérimenté des consultations d'infirmières puéricultrices.

Cependant, seulement 1 200 à 1 500 infirmières puéricultrices exercent en libéral et uniquement en tant qu'infirmières car les actes de puériculture ne font pas l'objet d'une nomenclature spécifique, avec une cotation. Ainsi, elles ne font pas partie du parcours de soins périnatal et leurs consultations en puériculture ne sont pas remboursées par l'Assurance maladie. Elles ne peuvent également pas prescrire de dispositif d'aide à l'allaitement.

De même, comme évoqué supra129(*), au sein des PMI, les actes des infirmières puéricultrices ne peuvent pas être facturés faute de nomenclature. Or selon Départements de France, les actes des puéricultrices représentent la moitié de l'ensemble des actes de PMI. Un remboursement par l'Assurance maladie permettrait de soutenir financièrement les PMI et ainsi de développer leurs activités de suivi des enfants et nourrissons.

Une piste alternative à la création d'une nomenclature spécifique pour les actes de puériculture serait d'ouvrir la formation d'infirmière en pratique avancée (IPA) aux puéricultrices. Selon la Cnam, cette solution pourrait être plus simple car elle pourrait travailler avec les représentants des puéricultrices pour ajuster les forfaits déjà existants et remboursés pour les IPA.

Dans une contribution adressée à la mission, la Cnam estime que la reconnaissance d'actes de puériculture au sein de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP), voire la création d'une consultation infirmière, pourraient être envisagés afin de renforcer l'offre de soins en pédiatrie et pourraient s'inscrire dans le cadre de la réforme du métier d'infirmier, la création d'une « consultation infirmière » étant un axe de travail envisagé par le ministère. La prise en charge d'une consultation d'infirmière en puériculture pourrait être discutée dans le cadre des prochaines négociations conventionnelles entre l'Assurance maladie et les organisations syndicales représentatives de la profession infirmière.

(3) Développer les offres d'accompagnement de proximité et d'« aller vers »

Alors que les parents bénéficient moins de relais familiaux que par le passé, le développement de solutions d'accompagnement pragmatiques et efficaces, au plus près des lieux de vie, apparaît essentiel.

Des maisons des 1 000 premiers jours sont actuellement expérimentées dans plusieurs départements, notamment par une transformation de PMI. Il n'existe pas de modèle unique national de ce type d'établissements mais plusieurs services sont généralement proposés : des informations, des séances de préparation à la naissance, à la parentalité et aux soins du bébé, un accueil des jeunes enfants, des groupes de parents...

Par ailleurs, de multiples initiatives ont vu le jour, en particulier dans une démarche d'« aller vers », dont la mission encourage le développement. Ainsi, en Auvergne, le camion Opti'soins assure les consultations des femmes enceintes sur 110 communes, au plus proche de leur domicile.

S'il semble pertinent de permettre le développement de différentes offres, adaptées aux besoins et aux opportunités des territoires, l'absence actuelle de label de l'État ouvre la porte à une multiplication d'initiatives erratiques, pas toujours en cohérence avec les objectifs de la stratégie nationale des 1 000 premiers jours.

Ces objectifs incluent notamment la question de l'accompagnement du handicap de l'enfant ou des parents. Une enquête réalisée par l'Unaf (Union nationale des associations familiales) montre que si les parents sont globalement satisfaits du suivi de la santé de leur nouveau-né, le taux de satisfaction est inférieur lorsque l'enfant est porteur d'un handicap ou de maladie chronique. Par ailleurs, dans le cadre de la contribution de France Assos Santé adressée à la mission, APF France Handicap déplore que le déploiement de services d'accompagnement à la parentalité des personnes en situation de handicap (SAPPH) dans chaque région ne soit pas encore effectif et reste peu connu du public auquel il s'adresse.

Recommandation n° 9 : Labelliser les offres d'accompagnement autour des 1 000 premiers jours, en encourageant les initiatives de proximité et d'« aller vers ».

Des solutions doivent être également trouvées pour les dizaines de mères qui restent à la maternité plusieurs semaines avec leur nouveau-né faute de solution d'hébergement, en particulier dans les hôpitaux de Saint-Denis et du nord et de l'est de Paris. Une expérimentation de lits halte soins santé (LHSS) pédiatriques a été lancée dans quatre régions en 2021, et prolongée jusqu'à fin 2024, pour les nouveau-nés sans domicile présentant un besoin de santé, ne nécessitant pas d'hospitalisation, mais dont la situation est incompatible avec une vie à la rue. Cependant, seuls 48 lits sont disponibles. Dans le cadre de la contribution de France assos santé adressée à la mission, le planning familial a souligné la nécessité d'étendre ce dispositif et, plus globalement, de trouver des solutions d'hébergement non médicalisées pour qu'aucun nouveau-né ne dorme dans la rue.

c) Faciliter la transition et l'articulation avec la vie professionnelle des jeunes parents

L'état de santé physique comme mentale des parents ne saurait être déconnecté de l'environnement dans lequel ils évoluent et de leurs conditions de vie. Dans le cadre de l'enquête d'opinion réalisée par l'institut CSA pour la mission, le principal souhait exprimé par les femmes concernant la prise en charge du post-partum n'est pas une demande strictement médicale, mais porte sur une augmentation de la durée du congé pour la mère et le co-parent.

Allonger les délais avant la reprise d'une activité professionnelle et faciliter des retours plus progressifs au travail pourraient contribuer à simplifier la prise en charge des jeunes enfants et à améliorer la santé mentale des parents. La prise d'un congé paternité est ainsi associée à une diminution de la dépression chez les pères130(*). De même, lors de son audition, le Dr Lucie Joly a estimé que l'allongement du congé maternité et du congé paternité, sous la forme d'un congé parentalité, constituait une piste pertinente pour réduire les troubles dépressifs périnatals.

Dans ce contexte, les Assises de la santé de l'enfant préconisent un travail d'expertise afin de fusionner les sept congés familiaux actuels en un seul congé parental, plus souple, mieux partagé entre parents et mieux rémunéré.

L'Unaf recommande quant à elle de davantage informer les futurs parents et les employeurs sur le congé parental et de le réformer afin de garantir une présence maternelle et paternelle accrue.


* 124 Cours en ligne ouvert à tous.

* 125  https://1000jours-blues.fabrique.social.gouv.fr/stats.

* 126 Alain Grégoire, et al, Santé mentale périnatale outre-Manche : une inspiration possible pour la France ? Spirale, 2019.

* 127 Loi n° 2023-567 du 7 juillet 2023 visant à favoriser l'accompagnement psychologique des femmes victimes de fausse couche.

* 128 Contribution écrite de la FNAAFP/CSF - Fédération de l'aide à domicile adressée à la mission d'information.

* 129 Voir le chapitre II.B.3d du présent rapport.

* 130 Barry et al, Paternity leave uptake and parental post-partum depression: findings from the ELFE cohort study, 2023.

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