N° 753

SÉNAT

2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 septembre 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la mission d'information (1) sur le thème de :
« L'
avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale »,

Présidente
Mme Annick JACQUEMET,

Rapporteure
Mme Véronique GUILLOTIN, 

Sénatrices

Tome I - Rapport

(1) Cette mission est composée de : Mme Annick Jacquemet, présidente ; Mme Véronique Guillotin, rapporteure ; M. Bruno Belin, Mme Marion Canalès, M. Olivier Bitz, Mmes Marie-Claude Lermytte, Florence Lassarade, Annie Le Houerou, Céline Brulin, Anne Souyris, vice-présidents ; Mmes Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, secrétaires ; Mme Annick Billon, M. Patrice Joly, Mmes Christine Lavarde, Laurence Muller-Bronn, Émilienne Poumirol, M. Laurent Somon, Mmes Jocelyne Guidez, Else Joseph, Marie Mercier, M. Saïd Omar Oili, Mme Elsa Schalck.

L'ESSENTIEL

À la demande du groupe RDSE, le Sénat a constitué une mission d'information sur l'avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale.

À l'issue de six mois de travaux, la mission d'information appelle à apporter une réponse organisée et assumée à la fragilité actuelle de l'offre de soins périnatals, qui fait peser des risques sur la santé des mères et des nouveau-nés, et menace l'équité sociale et territoriale.

Elle préconise une réorganisation de l'offre de soins assurant une sécurisation accrue des accouchements et, parallèlement, un renforcement du suivi en proximité durant la grossesse et après la naissance.

I. SE DONNER LES MOYENS DE MIEUX ANALYSER UN TABLEAU CLINIQUE ALARMANT

A. DES INDICATEURS DE SANTÉ PUBLIQUE DÉGRADÉS

La santé périnatale renvoie à la santé de la mère et de l'enfant, de la grossesse au premier anniversaire de l'enfant.

1. Davantage de décès de nouveau-nés et de bébés que dans les autres pays européens

Si la France a atteint de très bons résultats en matière de santé périnatale au début du XXIe siècle, l'absence d'amélioration voire la dégradation des indicateurs, depuis une dizaine d'années, la placent désormais aux 21e et 22e rangs européens en matière de mortinatalité spontanée et de mortalité infantile, avec sur ce second indicateur un taux de 4,0 pour 1 000 naissances vivantes en 2023.

Au-delà de six mois de grossesse, un bébé sur cent naît sans vie (mortinatalité spontanée ou consécutive à une interruption médicale de grossesse) ou décède au cours de sa première semaine de vie (mortalité néonatale précoce, qui représente près de la moitié de la mortalité infantile).

Comparaisons des taux de mortinatalité spontanée et mortalité infantile en Europe

Taux moyen de mortinatalité spontanée

(enfants nés sans vie après 24 semaines d'aménorrhée)

pour 1 000 naissances entre 2015 et 2019

Taux de mortalité infantile en 2022

(nombre de décès d'enfants de moins d'un an rapporté au nombre de naissances vivantes)

   

Source : Cartes réalisées par la mission d'information à partir de données d'Eurostat

Taux moyen de mortalité infantile sur la période 2020-2022

Un taux moyen de 3,5 %o en France hexagonale

Des taux 2 fois plus élevés dans les départements et régions d'outre-mer

Source : Cartes réalisées par la mission d'information à partir de données d'Eurostat

2. Un nombre élevé de nouveau-nés prématurés, à la santé plus fragile

55 000 enfants naissent prématurément (avant 37 semaines d'aménorrhée) en France chaque année, soit :

 

des naissances

 

de la mortalité néonatale

 

des handicaps d'origine périnatale

Leur prise en charge s'est améliorée, avec le développement des techniques de réanimation et d'assistance respiratoire et de traitements adaptés, ainsi qu'avec l'orientation de ces enfants vers des maternités adaptées, grâce à une gradation des maternités (types 1, 2a/b et 3). Cependant, elle n'atteint pas les niveaux des pays du nord de l'Europe.

En outre, leur prise en charge augmente la charge en soins des services de maternité.

3. Des complications et décès maternels encore trop fréquents

Si les décès maternels sont désormais rares (90 par an), les complications et les difficultés tant physiques que psychiques au cours de la grossesse, lors de l'accouchement ou en post-partum sont quant à elles fréquentes. Ainsi, les hémorragies du post-partum, survenant de manière soudaine et inattendue, concernent environ 10 % des accouchements.

B. DES CAUSES IDENTIFIÉES DE FAÇON SEULEMENT PARTIELLE

La fragmentation des bases de données rend difficile l'analyse précise des effets induits par l'organisation du système de santé et les pratiques des professionnels.

Recommandation : Créer un registre national des naissances et de la mortalité néonatale, et soutenir l'appariement de l'ensemble des bases de données donnant accès à des informations détaillées sur la mère et sur l'enfant pendant la grossesse, l'accouchement et la période néonatale.

II. DES PARENTS SOUVENT PERDUS : GARANTIR UN SUIVI ET UN ACCOMPAGNEMENT DE PROXIMITÉ DANS LES MOIS AUTOUR DE L'ACCOUCHEMENT

A. MIEUX INFORMER LES FUTURS ET JEUNES PARENTS

L'information médicale se concentre largement sur la grossesse et l'accouchement, laissant les parents démunis face aux soins à apporter à leur nouveau-né. Ils sont confrontés à une information plurielle et qualitativement inégale et exposés à des images et conseils contraires aux recommandations médicales (en particulier s'agissant du couchage des nourrissons).

Recommandation : Renforcer la communication grand public autour de la santé périnatale et développer des partenariats entre les pouvoirs publics et les médias et réseaux sociaux pour diffuser des informations de qualité sur la grossesse et les soins du nouveau-né.

B. MIEUX COORDONNER LE SUIVI MÉDICAL

Si globalement les femmes bénéficient, pendant leur grossesse, d'un suivi extensif et de qualité, la multiplication des professionnels et le manque de continuité entre l'anténatal et le post-natal peuvent être facteurs de stress et d'insécurité.

Alors que la sage-femme et le médecin généraliste sont les principaux interlocuteurs durant la grossesse, le rôle pivot des sages-femmes a été récemment renforcé par le dispositif de « sage-femme référente », qui doit pleinement s'intégrer dans le parcours de soins.

Les dispositifs spécifiques régionaux de périnatalité (DSRP) doivent prendre toute leur place dans la coordination des professionnels de santé et la formation continue de l'ensemble des professionnels aux spécificités de la santé périnatale.

Par leur maillage territorial dense, les services de protection maternelle et infantile (PMI) doivent jouer un rôle pivot dans le suivi périnatal et l'accompagnement global à la parentalité. Au-delà d'une augmentation de leurs financements, au regard de leurs besoins, cela suppose de développer les partenariats avec la médecine de ville et de l'hôpital, notamment par le développement d'antennes de PMI au sein des maternités.

Recommandation : Assurer un modèle viable de financement des services de PMI et clarifier la prise en charge de certains actes entre les départements et l'Assurance maladie.

Pour le suivi prénatal comme le suivi postnatal, la priorité doit être donnée à une offre de proximité.

C. MIEUX ACCOMPAGNER LES PARENTS FACE AUX RISQUES DE LA PÉRIODE POST-PARTUM

1. Déployer l'accompagnement post-natal sur tout le territoire

L'enquête nationale périnatale comme l'étude d'opinion, commandée à l'institut CSA, montrent que les principales lacunes dans l'accompagnement des femmes et des familles portent sur le post-partum.

Ainsi, une femme sur cinq déclare ne pas être satisfaite des informations communiquées sur cette période et ne pas avoir bénéficié d'un suivi post-natal. Les parents manquent en particulier d'accompagnement dans les soins à apporter à leur nouveau-né.

Recommandations :

- Relancer et renforcer le Prado maternité, pour faciliter un recours sécurisé à domicile post-accouchement ;

- Labelliser les offres d'accompagnement autour des 1 000 premiers jours, en encourageant les initiatives de proximité et d'« aller vers ».

2. Mieux prendre en charge la santé mentale des jeunes parents, dans un contexte de détérioration de celle-ci

Véritable enjeu de santé publique, la prise en charge de la santé mentale des parturientes et des jeunes parents doit être mieux appréhendée.

 

Symptômes de « baby blues »

Dépression du post-partum

Suicide

 
 
 
 
 
 

des femmes dans les jours qui suivent l'accouchement

avec des conséquences sur le développement du lien parent-enfant

décès par an,
1ère cause de décès maternels

Recommandations :

Renforcer le repérage des vulnérabilités psychosociales, via un questionnement systématique des futurs et jeunes parents ;

Améliorer leur prise en charge en développant une offre de soins en santé mentale graduée et de proximité et en proposant un suivi dès lors que des facteurs de risque sont identifiés.

III. UNE TRANSFORMATION INÉVITABLE DE L'OFFRE DE LIEUX ET DE MODES D'ACCOUCHEMENT : S'EN SAISIR POUR NE PAS SUBIR

A. UN RÉSEAU DE MATERNITÉS AUJOURD'HUI FRAGILE ET INADAPTÉ AUX BESOINS DE SANTÉ, AUX RESSOURCES DISPONIBLES ET AUX IMPÉRATIFS DE SÉCURITÉ

1. Un réseau de maternités aux fragilités multiples

2. Une transparence à renforcer

 

des femmes enceintes ou ayant accouché récemment n'ont pas entendu parler des différents types de maternité (1, 2a/b, 3) ou ne voient pas vraiment de quoi il s'agit.

La situation du système de soins est mal connue des usagères et usagers, tant sur son organisation que sur les conditions effectives de son fonctionnement ou les difficultés parfois rencontrées.

Recommandation : Renforcer la transparence sur la situation et les pratiques des maternités à destination des parents sur la base de la publication régulière d'une série d'indicateurs de qualité et de conditions d'activité.

B. ASSUMER LA TRANSFORMATION DE L'OFFRE DE SOINS PÉRINATALS

Alors que l'absence de décision politique conduit à une détérioration de l'offre de soins, la mission entend proposer une réponse ambitieuse et cohérente pour permettre à l'offre de soins périnatals de renouer avec des standards de qualité de haut niveau, en conjuguant accessibilité des soins et sécurisation accrue des structures.

1. Rétablir des instances de pilotage

Devant l'urgence d'une nouvelle politique de périnatalité reconnue par de nombreux acteurs, celle-ci doit retrouver un pilotage national et territorial.

Recommandation : Adopter une stratégie nationale de santé périnatale et rétablir les commissions nationale et régionales des naissances.

2. Renforcer l'encadrement et l'offre de soins

Les modalités d'encadrement au sein des activités de soins périnatals doivent être revues pour répondre aux évolutions des profils des patients, mieux prendre en compte la charge en soins dans un contexte d'effectifs contraints.

Recommandations :

Garantir des effectifs de professionnels médicaux (gynécologues-obstétriciens, pédiatres, anesthésistes-réanimateurs et sages-femmes) répondant aux besoins de santé, en formant davantage de praticiens et en améliorant l'attractivité de ces professions et de leur exercice hospitalier, et renforcer la formation initiale des infirmiers dans les activités de santé périnatale ;

- Publier, d'ici à 2025, une révision des décrets de 1998 renforçant les ratios d'encadrement pour prendre en compte l'évolution des profils des parturientes et des nourrissons, et permettre une modulation selon la charge en soins, tout en prévoyant une entrée en vigueur progressive ;

- Assurer, sur tout le territoire, un ratio minimal d'un lit de réanimation néonatale pour 1 000 naissances.

3. Engager une transformation répondant aux impératifs de sécurité des soins et aux réalités des territoires

Alors que le maintien de l'offre actuelle n'apparaît ni possible ni soutenable, une transformation des maternités doit être engagée.

Cependant, il serait tout à fait contre-productif d'afficher une réflexion sur la base d'un quelconque seuil d'activité : la mission appelle à engager une transformation de l'offre de soins sur la base d'une évaluation des structures et des besoins par bassin de naissance.

Recommandations :

- Réaliser un audit de l'offre de soins périnatals : cartographie des plateaux techniques, évaluation de chaque structure sur la base d'indicateurs définis au niveau national, et diagnostic des besoins et des risques pesant sur l'offre de soins par territoire et bassin de naissance ;

- Sur cette base, et non sur celle d'un seuil de naissances, engager une transformation globale de l'offre de maternités assurant :

* un haut niveau de sécurité sur des plateaux techniques moins nombreux mais permettant une pluralité de projets de naissances ;

* une accessibilité des structures au regard des contraintes territoriales et une amélioration de l'offre de transport médical d'urgence, intégrant des professionnels de santé périnatale ;

* une offre de proximité renforcée garantissant un meilleur suivi prénatal et post-natal immédiat sur le territoire.

LISTE DES RECOMMANDATIONS

Recommandation n° 1 : Assurer un véritable pilotage de la politique de périnatalité, en adoptant une stratégie nationale de santé périnatale et en rétablissant les commissions nationale et régionales des naissances.

Recommandation n° 2 : Créer un registre national des naissances et de la mortalité néonatale et soutenir l'appariement de l'ensemble des bases de données donnant accès à des informations détaillées sur la mère et sur l'enfant pendant la grossesse, l'accouchement et la période néonatale.

Recommandation n° 3 : Développer de nouveaux critères de certification spécifiques aux activités de maternité.

Recommandation n° 4 : Renforcer la communication grand public autour de la santé périnatale et développer des partenariats entre les pouvoirs publics et les médias et réseaux sociaux pour diffuser des informations de qualité sur la grossesse et les soins du nouveau-né.

Recommandation n° 5 : Assurer un modèle viable de financement des services de protection maternelle et infantile (PMI) et clarifier la prise en charge de certains actes entre les départements et l'Assurance maladie.

Recommandation n° 6 : Renforcer le repérage des vulnérabilités psychosociales et généraliser un questionnement systématique des professionnels de santé autour de l'état de santé mentale des futurs et jeunes parents, pendant la grossesse et l'année qui suit l'accouchement.

Recommandation n° 7 : Améliorer la prise en charge de la santé mentale des jeunes parents, en développant une offre de soins graduée et de proximité et en proposant un suivi dès lors que des facteurs de risque sont identifiés.

Recommandation n° 8 : Relancer et renforcer le Prado maternité pour faciliter un recours sécurisé à domicile post-accouchement.

Recommandation n° 9 : Labelliser les offres d'accompagnement autour des 1 000 premiers jours, en encourageant les initiatives de proximité et d'« aller vers ».

Recommandation n° 10 : Garantir des effectifs de professionnels médicaux (gynécologues-obstétriciens, pédiatres, anesthésistes-réanimateurs et sages-femmes) répondant aux besoins de santé en formant davantage de praticiens et améliorant l'attractivité de ces professions et de leur exercice hospitalier, et renforcer la formation initiale des infirmiers dans les activités de santé périnatale.

Recommandation n° 11 : Renforcer la transparence sur la situation et les pratiques des maternités à destination des parents sur la base de la publication régulière d'une série d'indicateurs de qualité et de conditions d'activité.

Recommandation n° 12 : Publier d'ici à 2025 une révision des décrets de 1998 renforçant les ratios d'encadrement pour prendre en compte l'évolution des profils des parturientes et des nourrissons et permettre une modulation selon la charge en soins, tout en prévoyant une entrée en vigueur progressive.

Recommandation n° 13 : Réaliser un audit de l'offre de soins périnatals comprenant une cartographie des plateaux techniques et une évaluation de chaque structure sur la base d'indicateurs définis au niveau national et établissant, par territoire et bassin de naissance, un diagnostic des besoins et des risques pesant sur l'offre de soins.

Recommandation n° 14 : Engager, à l'appui de diagnostics territoriaux et d'une évaluation de l'impact d'une réorganisation, une transformation globale de l'offre de maternités assurant :

- un haut niveau de sécurité sur des plateaux techniques moins nombreux mais permettant une pluralité de projets de naissances ;

- une accessibilité des structures au regard des contraintes territoriales ;

- une offre de proximité garantissant un suivi pré natal et post-natal immédiat sur le territoire.

Recommandation n° 15 : Assurer sur tout le territoire un ratio minimal d'un lit de réanimation néonatale pour 1 000 naissances.

Recommandation n° 16 : Mettre en place des cellules de régulation et transfert périnatals à l'échelle de chaque région et renforcer la présence de professionnels de la santé périnatale, notamment obstétriciens et sages-femmes, dans les plateformes de régulation des urgences ainsi qu'au sein des équipes de transports médicaux d'urgence.

AVANT PROPOS

Alors que les politiques de santé publique et l'organisation de l'offre de soins avaient permis d'atteindre, au début du XXIe siècle, de très bons résultats en matière de santé périnatale, la France connaît un décrochage marqué depuis plus d'une dizaine d'années par rapport à ses voisins européens. Ainsi, les principaux indicateurs de santé publique ne progressent plus, voire se dégradent : la France se classe désormais 20e sur 28 concernant les taux de mortinatalité (enfants nés sans vie) et 22e s'agissant des taux de mortalité infantile (enfants décédés dans leur première année de vie). Dans le même temps, la natalité diminue et se concentre davantage sur les territoires urbains.

C'est notamment dans ce contexte que l'Académie de médecine a publié en 2023 un rapport au retentissement médiatique important, dans lequel elle appelait à une urgente réforme de la planification en matière de périnatalité. Parfois mal compris, ce rapport a suscité une vive inquiétude sur l'état de l'offre de soins périnatals et la soutenabilité de structures souvent désignées comme de « petites maternités ».

Devant cette forte préoccupation, le groupe du Rassemblement démocratique, social et européen (RDSE) a souhaité consacrer son droit de tirage annuel à une mission d'information sur l'avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale.

La santé périnatale couvre une période définie de la santé de la mère et de l'enfant : au sens de l'organisation mondiale de la santé, elle s'étend de la 28e semaine de grossesse au 7e jour du nouveau-né. Plus globalement, elle désigne l'état de santé de la femme enceinte, du foetus et du nouveau-né au cours de la période qui va de la grossesse au post-partum, voire au premier anniversaire de l'enfant.

Cette politique de santé publique fait intervenir de nombreux professionnels de santé, médicaux et non médicaux - gynécologues-obstétriciens, anesthésistes-réanimateurs, pédiatres, généralistes, sages-femmes, infirmières - à l'hôpital mais aussi en ville et dans les services de protection maternelle et infantile (PMI). La mission a eu à coeur de les interroger, par l'intermédiaire de leurs communautés scientifiques comme de leurs représentants institutionnels et syndicaux, ou encore directement sur le terrain.

Surtout, la santé périnatale est souvent analysée sous l'angle d'une tension indépassable entre proximité et sécurité des soins, opposant donc de manière sous-jacente une politique d'aménagement du territoire à une politique de santé publique. À cette question, la mission a entendu apporter une réponse rationnelle et fondée sur une approche de santé publique : c'est sous cet angle que doivent être analysés les établissements et services de santé périnatals, au premier rang desquels les maternités. C'est pourquoi la mission s'est attachée à rendre visible le consensus médical et scientifique autour de ces enjeux, à travers de nombreuses auditions d'autorités sanitaires et de sociétés savantes.

Pour autant, alors qu'une partie des soins périnatals et particulièrement l'acte de l'accouchement peuvent être urgents et non programmés, l'organisation territoriale de l'offre de soins est indispensable. En outre, tout au long de la grossesse et dans les jours et mois qui suivent l'accouchement, les femmes et les familles doivent pouvoir accéder, au plus près de leur domicile et de leur quotidien de vie, à des professionnels de santé et à un accompagnement dans les soins à apporter à leur enfant. Il s'agit là d'un enjeu d'équité sociale et territoriale. C'est pourquoi, tant dans ses auditions au Sénat qu'à travers des déplacements, la mission a souhaité donner la parole à des acteurs locaux, institutionnels, soignants ou encore élus de quasiment toutes les régions de France hexagonale, des Hauts-de-France à l'Occitanie, de la Normandie à l'Auvergne-Rhône-Alpes, en passant par la Bourgogne-Franche-Comté, quand deux tables rondes ont été consacrées aux enjeux et spécificités des outre-mer avec la Guadeloupe et Mayotte.

Enfin, au-delà des acteurs institutionnels, politiques et scientifiques et de la communauté médicale et soignante, la mission a entendu valoriser plus directement la parole des principales concernées que sont les femmes. Au-delà d'auditions d'associations de patientes ou encore de journalistes et relais des témoignages de mères, la mission a ainsi commandé, à un institut professionnel indépendant, une étude d'opinion sur la perception des femmes quant à leur prise en charge durant leur grossesse et leur accouchement.

Après un semestre de travail, trente-deux auditions et trois déplacements, en Île-de-France, dans le Grand-Est et en Bretagne, le rapport présenté par la rapporteure et les seize recommandations formulées appellent à apporter une réponse organisée et assumée à une question de santé publique aujourd'hui laissée de côté.

Pas plus qu'il n'est acceptable de se contenter des résultats actuels en matière de mortalité maternelle et infantile, il n'est possible d'éviter la question d'une reconfiguration profonde de l'organisation des soins périnatals dans notre pays. Ne pas recalibrer les ratios d'encadrement des secteurs de naissance ou encore ignorer la situation de fait préoccupante pour nombre de maternités face aux risques de fermetures non anticipées ne fait que fragiliser encore davantage l'offre de soins et, en définitive, augmenter les risques pour les femmes et leurs enfants à naître.

En responsabilité et face à une réalité incontournable, sans résignation aucune, la mission a ainsi souscrit à la nécessité d'intervenir sur les différents aspects de la santé périnatale, avec un nécessaire renforcement du suivi en proximité durant la grossesse et après la naissance, d'une part, et une sécurisation accrue de l'accouchement, d'autre part.

Enfin, sans que le rapport n'aborde plus en détail cette question, la mission a fait le constat persistant, au fil des auditions, d'une politique publique sans pilote. Si la santé périnatale fait intervenir les collectivités territoriales et en particulier les départements au titre de la protection maternelle et infantile, elle est avant tout, comme toute politique de santé, une prérogative de l'État. Or faute d'arbitrages, de volonté ou de courage politique, ce sujet a été par trop délaissé.

La mission partage à ce titre la recommandation souvent relayée, d'une véritable stratégie nationale de santé périnatale. Celle-ci doit s'appuyer principalement sur des organes de dialogue et de pilotage partagés, au niveau national comme au niveau territorial, rôle qu'assumaient les commissions des naissances que la mission souhaite voir rétablies.

Recommandation n° 1 : Assurer un véritable pilotage de la politique de périnatalité, en adoptant une stratégie nationale de santé périnatale et en rétablissant les commissions nationale et régionales des naissances.

Alors que la Cour des comptes mettait récemment en avant une politique de périnatalité peu efficiente, qualifiant même de « médiocres » les résultats d'une dépense publique avoisinant les 9,3 milliards d'euros, la mission souhaite que ce rapport marque le retour d'une ambition politique forte pour la santé périnatale, au bénéfice de l'accessibilité, de la sécurité et de la qualité des soins pour toutes et tous sur l'ensemble du territoire.

I. UN TABLEAU CLINIQUE ALARMANT

Si la situation française a longtemps été l'une des plus favorables d'Europe en matière de santé périnatale, l'absence d'amélioration voire la dégradation des indicateurs de santé publique placent aujourd'hui la France parmi les mauvais élèves. Valable pour la quasi-totalité du territoire national, ce constat est encore plus marqué dans certaines régions, singulièrement celles d'outre-mer, mais aussi, dans l'Hexagone, dans des zones urbaines concentrant une plus importante population précaire comme dans des départements ruraux.

L'analyse de ce tableau clinique, au niveau national comme dans ses déclinaisons régionales et départementales, se heurte à un déficit d'études nationales d'ampleur, permettant de croiser les indicateurs de santé périnatale (mortalité, mais aussi pathologies et complications graves), avec les données médicales et socio-démographiques des patients et les caractéristiques de l'établissement de santé les ayant pris en charge.

A. DES INDICATEURS DE SANTÉ PUBLIQUE DÉGRADÉS

Depuis une vingtaine d'années, les taux de mortalité néonatale, infantile et maternelle - principaux indicateurs de la santé périnatale - ne s'améliorent plus voire se dégradent, bien au-dessus des taux affichés par les pays du nord de l'Europe. Ainsi, aujourd'hui en France, après six mois de grossesse, un bébé sur cent naît sans vie ou décède au cours de ses sept premiers jours de vie.

Au-delà des indicateurs de mortalité, la fragilité de la santé physique comme mentale des mères et des nouveau-nés, en particulier les prématurés, appelle une vigilance accrue. La période périnatale et plus globalement les premiers jours de l'enfant, de la vie intra-utérine jusqu'à l'âge de deux ans, représentent une période déterminante pour la santé de l'individu, dans l'enfance et jusqu'à l'âge adulte, ce que le programme des 1 000 premiers jours, lancé en 2019, met bien en avant.

1. Une proportion d'enfants nés sans vie ou décédés au cours de leur première année de vie qui ne diminue plus voire augmente
a) Un taux de mortinatalité parmi les plus élevés d'Europe

Le taux de mortalité périnatale - à savoir le nombre d'enfants nés sans vie ou décédés au cours des sept premiers jours de vie rapporté à l'ensemble des naissances à partir de 22 semaines d'aménorrhée (SA) - représente environ 1 % des naissances en France depuis une dizaine d'années selon la Drees1(*).

Son principal composant est le taux de mortinatalité, qui y contribue à hauteur de 85 %. Il correspond à la proportion d'enfants nés sans vie, par mort foetale spontanée ou interruption médicale de grossesse (IMG), après 22 semaines d'aménorrhée - seuil de viabilité foetale fixé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Ce taux de mortinatalité s'est stabilisé à un niveau élevé depuis une dizaine d'années, entre 8,8 et 8,9 %o. Si le taux d'IMG (mortalité induite) a légèrement diminué, passant de 3,7 en 2012 à 3,4 %o en 2022, la mortalité spontanée a légèrement augmenté, représentant 5,4 décès pour mille naissances en 2022. Le taux de mortinatalité spontanée est deux fois plus élevé pour les femmes âgées de 40 ans ou plus que pour celles âgées de 30 à 34 ans et est près de quatre fois plus élevé dans le cas d'une grossesse multiple.

En comparaison européenne, la France se classe au 21e rang sur les 28 pays participant au projet Eurostat, avec une mortinatalité spontanée à partir de 24 semaines d'aménorrhée - l'indicateur utilisé pour les comparaisons internationales - de 3,8 %o en moyenne sur la période 2015-2019.

Taux moyen de mortinatalité spontanée (enfants nés sans vie après 24 SA)
pour 1 000 naissances entre 2015 et 2019

Source : carte réalisée par la mission d'information sur la santé périnatale à partir de données d'Eurostat

Les statistiques sur la mortinatalité n'incluent pas les interruptions spontanées de grossesse avant 22 semaines d'aménorrhées, à savoir les expulsions spontanées d'un embryon ou d'un foetus non viable pesant moins de 500 grammes, communément appelées « fausses couches », et les grossesses arrêtées précocement, sans expulsion spontanée. Ces interruptions précoces et spontanées concernent environ 15 % des grossesses.

En outre, les déclarations des enfants nés sans vie à l'état civil sont inégales car elles dépendent du souhait des parents - et non d'une borne physiologique et médicale autorisant la déclaration de l'enfant comme dans la plupart des pays.

b) Une augmentation de la mortalité infantile, en particulier au cours des premières semaines de vie
(1) Un taux de mortalité infantile en augmentation et parmi les plus mauvais d'Europe

Le taux de mortalité infantile - à savoir le nombre de décès d'enfants de moins d'un an rapport au nombre de naissances vivantes - a nettement baissé au cours du XXe siècle et jusque dans les années 2000 en lien avec la généralisation de la vaccination et des antibiotiques, un développement des dépistages prénatals et une amélioration de la prise en charge des nouveau-nés prématurés et vulnérables.

Cependant, en France, le taux de mortalité infantile ne diminue plus depuis 2005, fluctuant entre 3,5 et 4 %o. Il augmente même légèrement depuis 2014. Une étude publiée dans The Lancet en 20222(*), analysant la mortalité infantile entre 2001 et 2019, montre que, depuis 2012, les morts de nourrisson de moins d'un an augmentent au rythme de 0,04 mort pour 1 000 naissances vivantes par an.

En 2023, 2 700 enfants sont décédés avant leur premier anniversaire. Cette même année, 678 000 enfants sont nés, soit un taux de mortalité infantile de 4 décès pour 1 000 naissances vivantes.

Taux de mortalité infantile pour 1 000 enfants nés vivants
dans l'Union européenne entre 1996 et 2022

Champ : naissances vivantes dans l'Union européenne à 27 pays, France hors Mayotte jusqu'en 2013 et France à partir de 2014.

Source : Eurostat, Insee, estimations de population et statistiques d'état civil

Le taux de mortalité infantile, qui était l'un des plus bas d'Europe à la fin du XXe siècle, est supérieur à la moyenne européenne depuis 2015, alors même que les facteurs de risque ont augmenté dans tous les pays. Selon les données Eurostat de 2022, la France occupe la 22e place de l'Union européenne en la matière, avec 4,0 morts pour 1 000 naissances vivantes, loin derrière la Suède (2,2), la Finlande (2,0), l'Italie (2,3) ou l'Espagne (2,6). En extrapolant, la France enregistrerait chaque année 1 000 à 1 200 décès indus de nouveau-nés liés à l'écart existant par rapport aux taux de mortalité des pays du Nord de l'Europe.

Taux de mortalité infantile en 2022

Source : carte réalisée par la mission d'information sur la santé périnatale à partir de données d'Eurostat

Selon l'étude du Lancet précitée, la hausse de la mortalité infantile est particulièrement marquée la première semaine de vie. Entre 2001 et 2019, 53 077 enfants n'ont pas vécu plus d'une année. Presque la moitié de ces morts (47,8 %) sont survenues pendant la période néonatale précoce, la première semaine de vie, en grande partie le premier jour (24 %). Les autres décès se répartissent entre la période néonatale tardive, le premier mois (20,8 %), et la période post-néonatale (31,8 %).

(2) Une surmortalité au cours du premier mois de vie qui concerne à la fois les situations à bas risque et celles à haut risque

Les travaux de l'équipe EPOPé3(*), dont plusieurs membres ont été entendus par la mission, montrent que la surmortalité néonatale, au cours du premier mois de vie, en France, se manifeste à la fois dans les situations à bas risque et à haut risque.

S'agissant des situations à haut risque, le taux de mortalité néonatale des extrêmes prématurités - nés à moins de 28 SA, soit moins de 1 % des nouveau-nés - est supérieur à celui des autres pays européens. A 22 SA le taux de survie est de 0 % en France contre 30 % en Suède et à 24 SA de 31 % contre 79 %. Ce constat doit être nuancé par le fait qu'en France les nouveau-nés sont plus souvent déclarés nés vivants et décédés que mort-nés. Les chercheurs d'EPOPé font l'hypothèse d'un lien entre ces taux plus défavorables et :

- d'une part, une prise en charge moins systématique des extrêmes prématurés en France ;

- mais aussi, d'autre part, une offre de soins de réanimation néonatale insuffisante et mal répartie sur le territoire. Plusieurs rapports4(*) montrent qu'une taille plus importante des unités de réanimation néonatale est liée à une morbi-mortalité plus faible pour les enfants grands prématurés.

Le taux de mortalité néonatale en cas d'accouchement à terme, dans une situation de bas risque théorique, est également supérieur aux autres pays européens. Lors de leur audition, les chercheurs d'EPOPé ont déploré le manque d'études sur la morbi-mortalité des nouveau-nés à bas risque et sur l'impact éventuel des évolutions de l'organisation des soins, qui permettraient d'analyser ce phénomène.

Sans que des études permettent de la mesurer précisément et de façon univoque, l'épidémiologiste Pierre-Yves Ancel a estimé que « cette surmortalité est sans doute évitable, car elle semble découler de soins sous optimaux et d'un défaut d'organisation des soins »5(*). Il a mis en avant les difficultés à assurer la triple permanence des soins en obstétrique, pédiatrie et anesthésie dans un contexte de ressources humaines et de temps médical limités, le recours à l'intérim qui désorganise les équipes en place et les offres de soins récentes (maisons de naissance et accouchements à domicile) à évaluer. Le Pr Jean-Christophe Rozé, président de la société française de néonatalogie, déclarait quant à lui, de façon encore plus affirmative, que, « sur le bas risque, la mortalité est évitable, la problématique principale est celle de la permanence des soins »6(*).

Les chercheurs d'EPOPé ont également souligné devant la mission le rôle de l'augmentation des inégalités sociales de santé, avec une moins bonne santé maternelle, des comportements à risque et des parcours de soins inadéquats plus fréquents chez les femmes les moins favorisées, notamment celles d'origine étrangère.

(3) Des morts inattendues du nourrisson en partie évitables

Dans la période post-natale, entre 28 jours et un an, la « mort inattendue du nourrisson » - décès subit d'un enfant jusqu'alors bien portant, alors que rien dans ses antécédents connus ni dans l'histoire des faits ne pouvait le laisser prévoir - constitue la première circonstance de décès. Elle se produit le plus souvent durant son sommeil.

L'incidence de morts inattendues du nourrisson a diminué de 80 % en France depuis les années 1990, en lien avec la diffusion de recommandations pour un couchage sécurisé des nourrissons, la position de couchage sur le ventre ayant été identifiée comme le principal facteur de risque. Cependant, ces décès concernent encore environ 200 nourrissons chaque année, dont la moitié serait évitable selon le Pr Christèle Gras-Le Guen, co-présidente du comité d'orientation des Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant7(*), notamment en lien avec un couchage inadapté (couchage sur le ventre, surfaces de couchage ou environnantes molles, partage de la surface de couchage avec une autre personne).

Une étude récente8(*) a examiné les images présentes sur les emballages de couches pour bébés dans 11 pays européens dont la France et montré que 39 % des paquets étaient non conformes avec au moins une recommandation de prévention de la mort subite du nourrisson. Elle a également trouvé des images non conformes sur les sites internet d'agences sanitaires ou de sociétés savantes. Des marges d'amélioration manifestes existent donc pour renforcer la prévention autour de pratiques de couchage sécurisées et diminuer le nombre de décès induits par ces pratiques.

2. Un nombre élevé de nouveau-nés prématurés ou à la santé fragile
a) Des nouveau-nés qui naissent de plus en plus précocement

55 000 enfants naissent prématurément (avant 37 SA) en France chaque année, dont 15 % de grands prématurés (avant 32 SA) et 5 % d'extrêmes prématurés (avant 28 SA).

Le taux de prématurité a augmenté entre 1995 et 2016, passant de 5,4 % des naissances en 1995 à 7 % en 2016. Il est désormais stable : 6,6 % des naissances en France hexagonale et 10 % dans les Drom en 2022. En revanche, le taux d'extrême prématurité (avant 28 SA) est en hausse, autour de 0,35 % des naissances. Par ailleurs, la prématurité concerne plus de la moitié des grossesses multiples.

Environ 70 % des naissances prématurées sont spontanées, liées à des contractions précoces ou à une rupture prématurée des membranes foetales. Les autres naissances prématurées sont provoquées sur décision médicale en raison d'un risque majeur pour la santé de l'enfant ou de la mère et ont le plus souvent lieu par césarienne.

L'augmentation de la prématurité peut s'expliquer par une augmentation des facteurs de risque maternels et environnementaux conduisant à des accouchements précoces mais également par l'amélioration de la prise en charge médicale. La réanimation et l'intubation des nouveau-nés interviennent de plus en plus tôt : les nouveau-nés sont désormais pris en charge généralement à partir de 23 semaines d'aménorrhées et un poids de 500 grammes - le seuil n'étant pas fixe et la décision de réanimation prenant en compte divers facteurs. La prise en charge intervenait autour de 28 semaines il y a 40 ans.

Les maternités de type 3 sont ainsi amenées à prendre en charge davantage de nouveau-nés avec une prématurité parfois très importante ou avec des malformations, conduisant à une nette augmentation de la charge en soin, ainsi que l'a souligné le Pr Rémi Salomon, président de la commission médicale d'établissement (CME) de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), président de la conférence nationale des présidents de CME de CHU, lors de son audition9(*).

b) Une amélioration des dépistages anténataux mais davantage de grossesses poursuivies en dépit de pathologies foetales graves

Les résultats de l'enquête nationale périnatale (ENP) de 202110(*) montrent une nette augmentation de certaines pratiques de dépistage et de prévention entre 2016 et 2021 (échographies non obligatoires, dépistage de la trisomie 21 et du diabète gestationnel, vaccination contre la grippe...), permettant un meilleur suivi de la santé du foetus, une prévention de certaines pathologies, une meilleure prise en charge médicale et une meilleure anticipation des difficultés éventuelles à la naissance.

Selon Santé publique France, la politique active de dépistage des anomalies congénitales et le nombre élevé d'interruptions de grossesses pour motif médical en France limitent le nombre de décès néonatals par anomalies congénitales sévères. Le nombre de couples accompagnés par les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN) dans la prise de décision (IMG ou poursuite de grossesse) lorsqu'une malformation est détectée ou suspectée augmente de façon continue.

Cependant, alors que le nombre d'attestations de particulière gravité délivrées en vue d'une IMG est stable (environ 7 000 par an), le nombre de grossesses poursuivies avec une pathologie foetale grave qui aurait pu conduire à autoriser une IMG a augmenté, passant de 1 189 en 2014 à 1 903 en 2020. La moitié des grossesses concernées a abouti à une mort foetale in utero ou à une mortalité néonatale avant 28 jours.

Confirmant cette tendance, les praticiens de l'hôpital Robert Debré à Paris ont témoigné auprès de la mission d'un triplement du nombre de patientes refusant l'interruption de grossesse pour motif médical lorsque celle-ci est proposée du fait d'une affection grave, voire incurable, du foetus ou d'une mise en danger de la santé de la mère, vraisemblablement pour des raisons culturelles ou religieuses. Au sein de cet établissement, l'un des plus grands centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal de France avec plus de 2 000 dossiers chaque année, de plus en plus de patientes souhaitent poursuivre leur grossesse, conduisant l'hôpital à prendre en charge davantage de nouveau-nés avec des malformations graves.

Ce constat a été confirmé à la mission par le Dr Michel Vernay, directeur de la direction des maladies non transmissibles et traumatismes de Santé publique France11(*), qui estime que la baisse des IMG a probablement un impact sur les taux de prématurité, de mortinatalité et de mortalité néo-natale.

Pour autant, ce phénomène ne contribue que marginalement à la dégradation des indicateurs de santé périnatale et ne suffit pas à l'expliquer. La société française de néonatalogie estime ainsi qu'on ne peut considérer qu'il y a un transfert de la mortalité anténatale sur la mortalité post-natale.

c) Des conséquences à moyen et long terme en cas de prématurité ou de pathologies à la naissance

Les premières semaines de vie de l'enfant ont un impact majeur sur sa santé future. En particulier, la prématurité et le petit poids à la naissance (moins de 2 500 grammes) sont des facteurs de risque pour la santé ultérieure de l'enfant. Les enfants concernés sont plus à risque de décéder ou d'avoir un handicap physique, sensoriel, intellectuel ou cognitif, leurs organes - en particulier le cerveau, les poumons, le tube digestif et les yeux - étant encore immatures et fragiles. Ainsi, les enfants prématurés représentent 7 % des naissances mais 75 % de la mortalité néonatale et la moitié des handicaps d'origine périnatale. Ils ont également un risque plus élevé de souffrir de problèmes de puberté (retard pubertaire ou absence complète de puberté à l'adolescence) et d'infertilité à l'âge adulte.

Taux de survie et de pathologies néonatales graves
en fonction du stade de prématurité

 

Nombre de semaines d'aménorrhée (SA)

Taux de survie

Proportion d'enfants sortis de néonatalogie sans pathologie néonatale grave (morbidité sévère)

Stade de prématurité

Extrêmes prématurés

Avant 24 SA

1 %

0 %

24 SA

31 %

12 %

25 SA

59 %

30 %

26 SA

75 %

48 %

Grands prématurés

27-31 SA

94 %

81 %

Modérément prématurés

32-34 SA

99 %

97 %

Source : EPIPAGE-2, 2015 (étude portant sur 7 000 enfants nés prématurément en France en 2011)

Prévalence de troubles du développement modérés à sévères
à l'âge de cinq ans

Enfants nés
à terme

Prématurés
32-34 SA

Grands prématurés
27-31 SA

Extrêmes prématurés
24-26 SA

 
 
 
 

Source : Inserm, Prématurité : des bébés qui arrivent trop tôt, 2023

Afin d'assurer une meilleure prise en charge des enfants susceptibles de présenter une santé fragile et de limiter les conséquences à long terme, des programmes de prévention et de détection des pathologies pendant la grossesse et à la naissance sont mis en oeuvre.

Le programme national de dépistage néonatal concerne tous les nouveau-nés qui naissent en France. Il vise à détecter la surdité (à partir de tests auditifs) et des maladies rares, sévères et le plus souvent génétiques (à partir d'une goutte de sang séchée) qui peuvent avoir de graves conséquences si elles ne sont pas dépistées et prises en charge rapidement après la naissance. Outre la surdité, 13 maladies sont dépistées à ce jour. Selon la Haute Autorité de santé, leur nombre devrait être porté à 15 ou 16 en 2025, et davantage par la suite, en raison du développement de thérapies innovantes offrant de nouvelles perspectives pour de nombreuses pathologies à la condition d'une prise en charge précoce des patients. Certains pays européens dépistent d'ores et déjà une trentaine de pathologies.

Avant même la grossesse, des consultations préconceptionnelles peuvent permettre d'anticiper certaines difficultés liées à l'âge ou l'état de santé de la mère et de limiter le risque de développer certaines pathologies. Cependant ces consultations sont très rares. Lors de l'ENP 2021, seules 28 % des femmes (23 % dans les Hauts-de-France, 10 % dans les Drom) avaient pris de l'acide folique (vitamine B9) avant leur grossesse, alors que la prescription de cette vitamine est recommandée dès le projet de grossesse, en prévention des anomalies de fermeture du tube neural (AFTN).

d) Des disparités dans la prise en charge et le suivi des nouveau-nés vulnérables

La prise en charge des nouveau-nés vulnérables et en particulier des prématurés a largement bénéficié du développement des techniques de réanimation et d'assistance respiratoire et de traitements adaptés, ainsi que de l'orientation de ces enfants vers des maternités équipées de services de néonatalogie, voire de réanimation néonatale.

Des professionnels rencontrés par la rapporteure ont souligné le fait que le risque de handicap étant plus élevé en cas d'extrême prématurité, cela pouvait influer sur la décision de poursuivre ou non une réanimation sur un nouveau-né extrême prématuré (moins de 28 SA), en fonction parfois du regard que le médecin et les parents portent sur le handicap.

Par ailleurs, la prise en charge des nouveau-nés prématurés n'est pas uniforme sur tout le territoire et selon les établissements, certains étant précurseurs dans le développement de pratiques novatrices.

De plus en plus de services de néonatalogie mettent aujourd'hui en place des soins de développement avec le dispositif NIDCAP (Neonatal Individualized Developmental Care Assessment Program ou programme néonatal individualisé d'évaluation et de soins de développement) fondé sur une individualisation de la prise en charge, une limitation des stimuli sensoriels et une valorisation de la place des parents (zéro séparation, peau à peau, participation des parents aux soins, soutien à l'allaitement).

Sur le modèle suédois, onze services de néonatalogie expérimentent depuis 2022 des équipes mobiles de néonatalogie prenant en charge des nouveau-nés prématurés à domicile, permettant une sortie plus précoce d'hospitalisation et l'établissement facilité des liens parents-enfant.

À la sortie de la maternité, un suivi des nouveau-nés vulnérables est effectué au sein de certains établissements pour les enfants prématurés, ayant manqué d'oxygène à la naissance, avec des malformations cérébrales, dont la mère a consommé de l'alcool ou de la drogue pendant la grossesse, etc.

Ainsi, en Auvergne-Rhône-Alpes, le réseau Aurore a mis en place un réseau de suivi des nouveau-nés vulnérables, qui travaille en collaboration avec des médecins et des professionnels paramédicaux. Il compte une file active de 4 200 patients par an. De même, le dispositif expérimental Cocon en Occitanie organise un suivi des prématurés.

Lors de son audition par la mission, l'association SOS Préma a dénoncé l'absence de schéma clair et compréhensible, à l'échelle nationale, de la façon dont s'effectue le suivi d'un enfant vulnérable, qui conduit à des disparités entre régions et à des difficultés dans la continuité du suivi en cas de changement de région. Elle a également déploré le fait que les enfants avec une prématurité « légère », nés à plus de 7 mois de grossesse, ne font l'objet d'aucun suivi alors même qu'ils sont susceptibles de présenter des troubles du neurodéveloppement.

3. Des décès maternels et complications graves autour de la naissance encore trop fréquents

Si les décès maternels sont désormais rares - une centaine de femmes décédant chaque année au cours de sa grossesse ou dans l'année qui suit la fin de celle-ci - les complications et difficultés tant physiques que psychiques au cours de la grossesse, lors de l'accouchement ou en post-partum sont quant à elles fréquentes et constituent un véritable enjeu de santé publique.

Lors de leur audition12(*), les chercheurs de l'équipe EPOPé ont ainsi souligné la nécessité de se pencher sur le continuum de morbidité maternelle :

Near-miss maternel : morbidité maternelle grave, cas de complications graves où une action urgente a permis la survie de la patiente

Source : Mission d'information sur la santé périnatale

a) Des décès maternels rares mais majoritairement évitables

Les résultats de la dernière enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM), publiés par l'Inserm en avril 202413(*), font état de 272 morts maternelles survenues en France entre 2016 et 2018 pendant une grossesse ou dans l'année qui suit sa fin, soit 90 décès par an et 11,8 décès pour 100 000 naissances vivantes. Ce ratio de mortalité maternelle (RMM) n'augmente pas mais ne diminue pas non plus. Le ratio de mortalité maternelle limité à 42 jours après la fin de la grossesse - indicateur de référence à des fins de comparaisons internationales - s'élève à 8,5 pour 100 000 naissances, situant la France dans la moyenne des pays européens.

Les causes de décès maternels ont fortement évolué ces dernières années, en particulier en considérant l'ensemble des décès jusqu'à un an après l'accouchement. La mortalité par hémorragie du post-partum, longtemps première cause de décès, a diminué de moitié en quinze ans et ne représente plus que 12 % des décès à 42 jours et 8 % des décès à un an. Elle est désormais à un niveau stable mais dans la fourchette haute des pays européens. Les cas restants apparaissent souvent liés à une prise en charge chirurgicale inadaptée, comme l'a souligné le syndicat des gynécologues-obstétriciens lors de son audition.

Désormais, les suicides sont la première cause de mortalité maternelle à un an, tandis que les maladies cardiovasculaires sont la deuxième cause à un an et la première cause à 42 jours après l'accouchement, en lien avec une augmentation de l'âge et de l'obésité des parturientes mais aussi avec la possibilité de mener une grossesse à terme désormais offerte aux femmes ayant des pathologies cardiaques.

Principales causes de décès selon le moment de survenue de la complication

Source : 7e rapport de l'enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM) 2016-2018

Selon le rapport ENCMM, au-delà des facteurs de risque individuels (âge, obésité, vulnérabilité sociale), 60 % des décès maternels sont considérés comme probablement ou possiblement évitables. Plus précisément, 95 % des décès par hémorragies et 79 % des suicides sont jugé évitables. Sont en cause une inadéquation des soins dispensés dans plus de la moitié des cas, un défaut d'organisation des soins pour 24 % des décès et un défaut d'interaction entre la femme et le système de soins pour 22 % des décès. Ainsi, une diminution supplémentaire de la mortalité maternelle, en agissant sur les décès évitables, est encore possible.

De même, lors d'une analyse par la Haute Autorité de santé14(*) de 269 événements indésirables graves associés à des soins (EIGS) survenus avant, pendant ou juste après l'accouchement entre 2017 et 2021, dont la moitié a donné lieu à des décès (110 enfants et 40 mères), la moitié de l'ensemble de ces EIGS ont été jugés évitables ou probablement évitables par les équipes elles-mêmes. Parmi les causes identifiées : un défaut ou retard de diagnostic (en particulier défaillance ou erreur d'interprétation du rythme cardiaque foetal), un défaut ou un retard de prise en charge (retard à la décision de pratiquer une césarienne, retards de prise en charge d'une hémorragie, défaut de surveillance et retard à la prise en charge de nouveau-nés...) et des erreurs médicamenteuses. Des difficultés liées aux tâches à accomplir (absence ou mauvaise connaissance des protocoles), à l'organisation des équipes (communication insuffisante entre professionnels, personnels non habituels) et à la charge de travail ont contribué à la survenue de 60 % des EIGS analysés.

b) Une souffrance psychique massive
(1) Une mère sur cinq et un père sur dix atteints de dépression périnatale

Le Dr Lucie Joly, responsable de l'unité de psychiatrie périnatale commune aux hôpitaux de La Pitié-Salpêtrière, Tenon et Armand-Trousseau (AP-HP), a souligné devant la mission l'incidence dramatique de troubles psychiques pendant la période périnatale, en lien avec des changements cérébraux et hormonaux tout au long de la grossesse, une rupture des rythmes de sommeil, de veille et d'alimentation des deux parents et des transitions conjugales et familiales pendant cette période.

L'immense majorité des femmes (60 à 80 %) traverse une période dite de « baby blues » causée par les bouleversements physiques, hormonaux et psychologiques liés à l'accouchement et qui se traduit par des fluctuations émotionnelles, une fatigue et une perte de confiance en soi. Ces symptômes sont transitoires, limités à quelques heures ou jours après l'accouchement et disparaissent généralement naturellement avec le soutien des proches et des soignants.

En revanche, si les symptômes s'installent dans la durée, s'aggravent et empêchent le développement de bonnes relations entre la mère et l'enfant, il ne s'agit plus d'un baby blues et il peut s'agir d'une dépression du post-partum. Cette maladie se caractérise par les symptômes suivants : manque d'énergie, difficultés à réaliser les tâches du quotidien et à s'occuper du bébé, profonde tristesse, perte de plaisir, pensées négatives, anxiété.

Si les troubles anxiodépressifs sont favorisés par divers facteurs de risques psychologiques, sociaux et environnementaux, le Dr Lucie Joly alerte : « la dépression périnatale peut également frapper comme un coup de tonnerre dans un ciel serein, touchant des mères sans antécédents psychiatriques, après des grossesses sans complications et en l'absence de facteurs environnementaux ».

Environ 12,5 % des femmes enceintes déclarent une détresse psychologique dès leur grossesse15(*) et, deux mois après leur accouchement, 16,7 % des femmes sont atteintes de dépression du post-partum, selon la dernière enquête nationale périnatale de 2021.

Au total, près d'une mère sur cinq souffre de dépression périnatale, entre le début de la grossesse et l'année suivant son accouchement, avec un pic d'apparition des symptômes à six semaines de l'accouchement et trois mois après celui-ci.

Selon le Dr Romain Dugravier, pédopsychiatre, chef du Centre de psychopathologie périnatale (CPPB) du GHU Paris, 8 à 10 % des pères traversent également une dépression du post-partum au cours de la première année de vie de leur enfant. Les symptômes dépressifs sont souvent moins apparents chez les pères que chez les mères, se manifestent différemment et apparaissent plus tardivement, entre six et neuf mois après l'accouchement. Ils sont également plus fréquents lorsque la mère a connu un épisode de dépression périnatale.

Les risques d'anxiété et de dépression sont encore plus élevés chez les mères d'enfants prématurés - 40 % de dépression du post-partum selon l'association SOS Préma - et chez les parents confrontés au deuil périnatal.

Ces troubles anxiodépressifs, de même que le manque de sommeil, ont des conséquences sur l'établissement du lien parent-bébé, peuvent altérer le développement psychomoteur du nourrisson et augmentent le risque de carences, négligences, voire maltraitance (risque de bébé secoué en particulier).

En outre, lorsque la dépression du post-partum n'est pas correctement prise en charge, il existe un risque d'évolution vers un trouble dépressif chronique ou un trouble de l'humeur de type bipolaire.

(2) Le suicide, désormais première cause de décès maternel

Le suicide représente aujourd'hui la première cause de décès maternel dans l'année suivant l'accouchement. La comptabilisation des décès maternels, qui portait sur les 42 jours après l'accouchement, a en effet été étendue à l'année suivant l'accouchement.

Selon le 7e rapport de l'ENCMM, les suicides et causes psychiatriques de décès représentent 17 % des décès maternels dans l'année suivant l'accouchement, soit un décès maternel de cause psychiatrique toutes les trois semaines en France.

Une détérioration de la santé mentale des parents,
qui peut aller jusqu'au suicide

c) Des difficultés, complications et violences lors de la grossesse et de l'accouchement qui peuvent avoir des conséquences à long terme
(1) Davantage de grossesses à risque qui peuvent donner lieu à des complications

Selon le syndicat des gynécologues-obstétriciens et le syndicat Snphare des anesthésistes-réanimateurs16(*), il est de plus en plus difficile de prendre en charge les parturientes en raison d'une augmentation des facteurs de risque, en particulier l'âge, l'obésité et la vulnérabilité sociale. Ainsi, la prévalence du diabète gestationnel a plus que doublé entre 2010 (6,7 %) et 2021 (16,4 %), augmentant le risque d'issues défavorables tant chez la mère (césarienne, prééclampsie, éclampsie) que chez le nouveau-né (prématurité, macrosomie, détresse respiratoire).

En outre, de plus en plus de femmes qui par le passé n'auraient pu mener une grossesse à terme le peuvent désormais grâce aux progrès médicaux et à des traitements adaptés. Tel est le cas des femmes ayant eu une greffe de rein ou du foie, souffrant de cardiopathies ou ayant des troubles psychiatriques sévères par exemple. Le risque de maladies cardiovasculaires - deuxième cause de décès maternels à un an - est plus élevé chez les femmes porteuses d'une maladie cardiovasculaire préexistante ou ayant eu un désordre hypertensif de la grossesse. Un suivi renforcé de grossesse apparaît nécessaire pour ces femmes.

(2) De nombreux événements indésirables imprévus voire imprévisibles lors de l'accouchement

Nombre d'événements indésirables de santé maternelle qui se produisent lors de l'accouchement sont imprévisibles. Si les études manquent pour en livrer une analyse fine, les travaux de l'Inserm font apparaître des facteurs de risque individuels, ainsi que des facteurs de risque organisationnels ou liés à la qualité des soins.

Les hémorragies du post-partum, survenant de manière soudaine et inattendue, concernent environ 10 % des accouchements et sont sévères dans un tiers des cas. Le taux d'hémorragies sévères du post-partum a augmenté de manière nette entre 2016 (1,8 % des accouchements) et 2021 (3 %) sans que cette augmentation ne soit expliquée à ce stade. Par ailleurs, selon le syndicat Snphare, les hémorragies étant habituelles, elles ne sont pas systématiquement déclarées comme des événements indésirables graves.

Or, selon des travaux de l'Inserm17(*), le risque de prise en charge inadéquate de l'hémorragie du post-partum chez les femmes accouchant par voie basse est deux fois plus élevé dans une maternité de type 1 par rapport à une maternité de type 3. Ces différences semblent être liées aux différences d'encadrement et de personnels présents dans l'établissement.

D'autres événements imprévisibles peuvent se produire comme des anoxies ou des embolies. Ainsi, pour 0,5 % des nouveau-nés considérés comme à bas risque, un score d'Apgar18(*) inférieur à 7 à cinq minutes de vie exigera une réanimation.

L'étude de la HAS précitée sur les EIGS survenus chez les parturientes entre 2017 et 2021 montre que 68 % des événements déclarés sont survenus durant une période particulière, soit la nuit, le week-end ou lors d'un changement d'équipe. Lors de son audition, le Dr Margaux Creutz Leroy, présidente de la fédération des réseaux de périnatalité, a établi un lien entre ces événements et la présence d'équipes incomplètes ou instables.

Ces événements indésirables peuvent avoir des conséquences sur la santé ultérieure de la mère et de l'enfant. Ainsi, les hémorragies du post-partum entraînent des risques immunologiques et infectieux, de thrombose veineuse, d'anémie, d'état de stress post-traumatique et de stérilité en cas de réalisation d'une hystérectomie d'hémostase.

(3) Des interventions chirurgicales et instrumentales à surveiller

Le taux de césarienne est stable et dans la moyenne européenne, autour de 20 %, dont un tiers de césariennes programmées et deux tiers de césariennes en urgence ou pendant le travail. Il existe cependant de fortes différences entre établissements. Ainsi, en Bourgogne-Franche-Comté, selon l'ARS, le taux de césariennes programmées à terme varie de 2,5 à 10,5 %, selon les établissements, avec des pratiques plus fréquentes dans les structures privées et les établissements où existe une fragilité en matière de ressources humaines.

Le taux d'accouchements par voie basse instrumentale (forceps, spatule, ventouses) est stable mais plus élevé en France que dans le reste de l'Europe (12,3 % en 2019 contre 4,9 % en Suède).

Enfin, les épisiotomies ont connu une nette diminution : elles n'étaient plus pratiquées que pour 8 % des accouchements en 2021, contre 20 % en 2016.

Les interventions chirurgicales et instrumentales peuvent avoir des conséquences sur la santé ultérieure des femmes et de leur bébé. En particulier, les césariennes entraînent une augmentation des risques lors des grossesses ultérieures : davantage de risque de césarienne, de rupture utérine et de placenta praevia accreta19(*).

Des progrès sont encore nécessaires dans la gestion de la douleur. Selon l'enquête nationale périnatale de 2021, 30 % des femmes ayant accouché par voie basse ont ressenti une douleur insupportable malgré le taux élevé d'analgésie péridurale. Environ 10 % des femmes ont ressenti une douleur comparable lors d'une suture de déchirure ou d'épisiotomie. Enfin, plus de 10 % des femmes ont ressenti une douleur insupportable en début de césarienne.

Près de 30 % des femmes ayant subi une césarienne, une épisiotomie ou une déchirure périnéale ressentent toujours une douleur physique à cette localisation deux mois après l'accouchement, selon l'enquête nationale périnatale de 2021.

La prévalence de dépression du post-partum est également plus élevée en cas d'accouchement par voie basse instrumentale.

(4) De la maltraitance et des violences gynécologiques et obstétriques à ne pas occulter

Si la mission tient à souligner l'engagement des soignants impliqués dans la prise en charge de la santé périnatale, elle ne peut occulter le sujet des violences obstétriques et gynécologiques (VOG) et plus globalement de la maltraitance, pas nécessairement consciente ni volontaire de la part des soignants, auxquelles les femmes peuvent être confrontées au cours de leur grossesse, de leur accouchement ou de leurs suites de couche. Cette maltraitance, outre le traumatisme physique et psychique qu'elle peut engendrer, peut également amener à une défiance à l'égard des professionnels de santé et conduire les femmes à renoncer à des soins par la suite, à reporter des souhaits de grossesse ou à privilégier des accouchements à domicile sans assistance médicalisée. L'amélioration de la bientraitance dans les soins gynécologiques et obstétriques constitue un enjeu de santé publique.

Au sein du Collège national des gynécologues obstétriciens français (CNOGF), une commission de la promotion de la bientraitance en maternité, mise en place en 2017, a estimé qu'en moyenne 20 % des femmes ont été confrontées à des violences obstétriques et gynécologiques. Plus largement, lors d'une enquête réalisée conjointement par le Ciane et Santé publique France en 2022, près de 40 % des femmes ont déclaré avoir été confrontées, au cours de leur grossesse, à des pratiques problématiques (commentaires désobligeants, moqueries, non-respect de la pudeur, manque de délicatesse dans les gestes médicaux, non-prise en compte de la douleur, manque de communication, non-respect du consentement) : 6 % des femmes se sont senties toujours ou souvent non respectées et 33 % parfois non respectées.

Ces pratiques peuvent s'expliquer par un manque de sensibilisation des professionnels de santé aux enjeux de bientraitance et de consentement aux soins, en dépit d'une visibilité plus importante de ces enjeux depuis 2017, dans le sillage de la vague #MeToo. Dans sa contribution écrite adressée à la mission, le Dr Amina Yamgnane, ancienne présidente de la commission de la promotion de la bientraitance en maternité et auteure de Prendre soin des femmes - pour en finir avec les violences gynécologiques20(*), a critiqué « le paternalisme qui prévaut encore beaucoup dans les soins et la formation », « le poids de la hiérarchie qui rend difficile les remises en cause au sein de la profession » ainsi que le manque de formation formelle au sujet du consentement et aux alternatives à proposer aux patientes refusant un acte.

Par ailleurs, les conditions de travail des soignants peuvent conduire à une forme de maltraitance involontaire. La campagne #JeSuisMaltraitante, lancée par la sage-femme et chroniqueuse Anna Roy, a permis de mettre en lumière ce phénomène. De même, la journaliste Zoé Varier a témoigné, lors de son audition, des témoignages de maltraitance reçus de toutes les sages-femmes rencontrées pour la préparation de son podcast scientifique In Utero : toutes parlent de la maltraitance qu'elles imposent, souvent liée à la maltraitance institutionnelle qu'elles subissent, faute d'être en nombre suffisant en salle de naissance. Le Dr Amina Yamgnina a mentionné dans sa contribution plusieurs exemple de maltraitance involontaire : un manque de temps consacré à l'écoute des patientes, des déclenchements d'accouchements, y compris à domicile, liés à l'organisation des soins et une réduction de la durée de séjour post-natal.

Dans ce contexte, il paraît nécessaire de relancer des travaux en faveur de l'amélioration de la bientraitance des patients et de tenir compte de ces enjeux dans le cadre de toute réflexion autour de l'organisation de l'offre de soins.

B. UNE SITUATION TERRITORIALE CONTRASTÉE

La mission a souhaité se pencher sur les disparités qui peuvent exister entre régions et départements en matière de santé périnatale. Dans l'Hexagone, si les écarts de taux de mortinatalité et de mortalité infantile sont préoccupants, la faiblesse des effectifs de décès maternels rend, en revanche, peu exploitable toute analyse territoriale. De façon notable, la faiblesse de la quasi-totalité des indicateurs de santé dans les outre-mer appelle à des analyses spécifiques à ces territoires.

1. Dans l'Hexagone, des disparités territoriales notables
a) Une évolution préoccupante de la mortalité périnatale et infantile sur la quasi-totalité du territoire, accentuée dans certains départements

La stabilité du taux de mortinatalité depuis une dizaine d'années masque des disparités importantes entre les territoires.

En 2022, les taux moyens de mortinatalité au sein de l'Hexagone varient de 7,6 %o en Normandie et Occitanie à 9 %o dans les Hauts-de-France et 9,3 %o en Île-de-France.

Entre 2019 et 2022, seules trois régions hexagonales ont connu une baisse de leur taux de mortinatalité : Centre-Val de Loire (de 8,9 %o à 7,9 %o), la Corse (9,4 %o à 8,7 %o) et l'Occitanie (de 7,9 %o à 7,6%o). Sur la période 2019-2022, deux régions connaissent un taux de mortinatalité supérieur ou égal à la moyenne nationale : L'Île-de-France (9,2%o) et les Hauts-de-France (8,8 %o) contre 8,8 %o au niveau national (Drom inclus)21(*).

Les taux moyens de mortinatalité sur la période 2012-2022 s'échelonnent de 7,8 %o dans les Pays de la Loire à 9,4%o en Île-de-France. L'analyse de ces chiffres confirme que certaines régions comme les Hauts-de-France, le Grand-Est et l'Île-de-France connaissent historiquement des taux plus élevés de mortinatalité quand la Bretagne, les Pays de la Loire et Auvergne-Rhône-Alpes enregistrent de meilleurs résultats22(*).

Taux moyen de mortinatalité par région, France, 2012-2022

Source : Mission d'information sur la santé périnatale à partir des données de la Drees - PMSI-MCO

Entre 2005 et 2021, la mortalité néonatale précoce (décès entre 0 et 6 jours) qui représente environ 70 % de la mortalité néonatale (enfants nés vivants et décédés entre 0 et 27 jours) est passée en France de 1,6 %o à 1,9 %o.

Au niveau national, bien que les disparités soient plus faibles, certaines régions comme le Centre-Val de Loire, les Hauts-de-France, l'Île-de-France et la Nouvelle-Aquitaine montrent toutefois une tendance à la hausse entre 2012 et 2019.

Évolution de la mortalité néonatale précoce (0-6 jours)
en France métropolitaine et par régions entre 2001 et 2019

Source : Observatoire régional de santé Île-de-France, « Augmentation de la mortalité infantile en Île-de France » à partir des données de l'Insee - juin 2023

Selon l'Insee, en moyenne sur la période 2020-2022, si le taux de mortalité infantile23(*) est de 3,6 %o en France, il est de 8 %o dans les Drom, contre 3,4 %o en France hexagonale, avec des disparités notables entre territoires.

Au niveau régional, trois régions de l'Hexagone se distinguent par un taux de mortalité infantile supérieur à la moyenne nationale : l'Île-de-France, le Centre-Val de Loire et le Grand Est (principalement dans l'ancienne région Champagne-Ardenne dont les quatre départements ont des taux supérieurs à la moyenne nationale). A contrario, il est inférieur ou égal à 3 %o en Provence-Alpes-Côte d'Azur et dans les Pays de la Loire.

Ces disparités régionales se confirment à l'échelle départementale. Hors Drom, les taux les plus élevés se retrouvent aussi bien en Seine-Saint-Denis, qui connaît un taux de mortalité infantile moyen entre 2020 et 2022 de 5,8 %o, que dans des départements beaucoup plus ruraux comme le Lot (6,2 %o), qui enregistre le plus haut taux de France hexagonale, mais aussi l'Indre-et-Loire, la Haute-Vienne et la Lozère qui connaissent tous les trois des taux supérieurs à 5 %o.

Les disparités territoriales identifiées ne permettent cependant pas de mettre en valeur un profil de territoire fragile : les départements aux indicateurs les plus dégradés étant aux caractéristiques très diverses (urbains et ruraux), parfois même bien dotés en établissements de santé comme l'Indre-et-Loire qui dispose d'un centre hospitalier universitaire à Tours, d'une maternité de type 2a à Chambray-lès-Tours et d'une maternité de type I à Chinon. Les interlocuteurs entendus en audition n'ont pas été en mesure de proposer une explication à ces disparités.

Taux moyen de mortalité infantile par département sur la période 2020-2022

 
 

Source : Insee, statistiques de l'état-civil - données provisoires

L'Île-de-France, région riche mais avec des populations fortement précarisées,
connaît des contrastes territoriaux très importants

Des indicateurs qui connaissent une importante dégradation et dans des proportions plus défavorables que dans le reste du pays

Une étude de l'Observatoire régional de santé d'Île-de-France sur l'analyse de l'évolution de la mortalité infantile dans la région entre 2000 et 2020 montre que la hausse constatée depuis 2013 de la mortalité infantile dans la région se concentre principalement sur la mortalité néonatale précoce, soit celle survenant au cours de la première semaine de vie (+ 2,43 % par an entre 2012 et 2020), alors même que celle-ci concentre un très grand nombre d'établissements de santé et notamment de maternité de type 3. Le taux moyen de mortalité néonatale précoce est estimé à 2,01%o entre 2001 et 2019 en Île-de-France et 1,72 %o en France métropolitaine.

S'agissant de la mortalité infantile à 1 an de vie, la région regroupe des indicateurs particulièrement dégradés notamment en Seine-Saint-Denis (5,03 décès pour 1 000 naissances) et des résultats inférieurs à la moyenne nationale comme dans les Hauts-de-Seine (3,47 %o). La Seine-Saint-Denis représente près de 21 % des décès entre 0 et 1 an survenus dans la région entre 2001 et 2019, alors qu'elle ne représente que 15,6 % des naissances.

Des situations d'extrêmes précarités qui constituent un véritable enjeu de santé publique

En Île-de-France, le taux de femmes sans abri parmi les femmes ayant accouché est passé de 0,58 % en 2015 à 2,28 % en 2019. Il faut noter toutefois que cette augmentation peut être le reflet d'une augmentation de la précarité mais aussi d'une meilleure déclaration de ces situations dans le séjour de ces patientes.

À ce titre, lors de son audition par la mission d'information, Sophie Martinon, directrice adjointe de l'Agence régionale de santé, a insisté sur « les situations d'extrême précarité concentrées sur certains départements, notamment la Seine-Saint-Denis, le Val-d'Oise et le nord-est de Paris » qui participent à une concentration des difficultés et une dégradation des indicateurs. Ainsi « pour une femme précaire, il est encore plus difficile d'avoir accès à un suivi médical avant l'accouchement, ce qui rend complexe le repérage des situations à risque » qui révèle non pas tant une question de la quantité de l'offre de soins que de sa répartition et de son accessibilité sur le territoire de la région.

En 2012, l'ARS a ainsi lancé le programme Réduction de la mortalité infantile (RéMI) afin de mieux comprendre les causes de l'excès de mortalité dans certains départements et notamment la Seine-Saint-Denis. Le deuxième objectif de ce programme est de mieux suivre le parcours des femmes enceintes en situation de précarité et d'améliorer les dépistages et la prise en charge. Plus récemment, l'ARS a mis en place des unités d'accompagnement personnalisées (UAP), testées à Saint-Denis puis étendues à d'autres établissements du département permettant de développer des actions en médiation en santé.

Source : Observatoire régional de santé d'Île-de-France, « Augmentation de la mortalité infantile en Île-de-France, juin 2023

b) Une analyse territoriale peu probante en matière de mortalité maternelle

Des disparités régionales sont mises en avant par l'enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM) publiée en avril 2024 et portant sur la période 2016-2018. Au regard des très faibles effectifs concernés, ces disparités ne doivent néanmoins pas être surestimées.

Depuis la publication du premier rapport de l'ENCMM en 1996, les départements et régions d'outre-mer (Drom) présentent un niveau moyen de mortalité maternelle plus élevé que celui de l'Hexagone. Toutefois, cette différence, bien que persistante, s'est considérablement amoindrie par rapport à la dernière période couverte par l'ENCMM (2013-2015) passant d'un taux 4 fois supérieurs à un taux aujourd'hui 2 fois plus important. Cette diminution s'explique principalement par une baisse de la mortalité maternelle à 1 an dans les Drom qui est passée de 32,1 en 2013-2015 à 19,6 /100 000 naissances vivantes en 2016-201824(*).

Au sein de l'Hexagone, la région Île-de-France se distingue historiquement par des taux particulièrement élevés mais la dernière ENCMM montre qu'elle se situe désormais à un niveau comparable aux autres régions. Selon le rapport de l'ENCMM, « cette évolution ne s'explique pas par une diminution de la mortalité en Île-de-France, puisque le RMM pour la région est au même niveau qu'en 2013-2015 (12,7) [contre 12,9 pour la période 2016-2018], mais plutôt par une augmentation de la mortalité sur l'ensemble des autres régions »25(*). Deux régions connaissent un ratio de mortalité maternelle (RMM) à 1 an supérieur à 14 pour 100 000 : les Hauts-de-France (14,7) et Provence-Alpes-Côte d'Azur26(*) (14,4). Ces trois régions connaissent également les taux les plus élevés concernant les morts maternelles mesurées à 42 jours après la fin de la grossesse qui est l'indicateur de référence à des fins de comparaisons internationales.

Ratio de mortalité maternelle par régions - France hexagonale (2016-2018)

Lecture : le ratio de mortalité maternelle à 1 an dans les Hauts-de-France s'établit entre 12,74 et 14,7 pour 100 000 naissances vivantes.

Source : Mission d'information d'après les données de l'enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (2016-2018), Santé publique France

Toutefois, il doit être noté qu'en France hexagonale, l'écart de ratio de mortalité maternelle à 1 an entre la région au taux le plus élevé et celle au taux le plus faible n'est que de 0,008 point de pourcentage.

2. Une situation outre-mer encore plus préoccupante
a) Des taux de mortalité également plus élevés ainsi qu'une plus forte prévalence des naissances prématurées et des enfants à faible poids à la naissance

La quasi-totalité des indicateurs ultramarins en matière de santé périnatale sont plus défavorables que dans l'Hexagone.

Ainsi, à l'exception de La Réunion dont le taux est proche de la moyenne nationale, les taux de mortinatalité sont bien plus élevés dans les Drom. En 2022, le taux de mortinatalité s'élevait ainsi à 14,5 %o en moyenne dans les Drom contre 8,5 %o dans le reste du territoire27(*).

Le taux de mortinatalité moyen dans les Drom est 1,5 fois plus important que dans le reste de la France (respectivement 14,3 %o contre 8,5 %o).

Cette surmortinatalité est principalement imputable à la mortinatalité spontanée car le recours à l'interruption médicale de grossesse est quasiment identique à celui que l'on retrouve dans l'Hexagone.

Quant au taux de mortalité néonatale, il est multiplié par deux (5,6 %o dans les Drom contre 2,6 en France hexagonale). Surtout, le rapport de surveillance périnatale en France 2010-2019 indique que, concernant ces deux derniers taux, les chiffres sont, au mieux, stables et au pire en augmentation entre 2015 et 2019. Mayotte et la Guyane sont les départements où la situation est la plus défavorable à la santé périnatale.

Taux de mortinatalité en France hexagonale et dans les Drom en 2022

 

Taux de mortinatalité totale

Taux de mortinatalité spontanée

Taux d'IMG

 

naissance unique

naissance multiple

naissance unique

naissance multiple

naissance unique

naissance multiple

France hexagonale

7,9 %

25,0 %

4,6 %

17,9 %

3,3 %

7,0 %

Drom

14,0 %

25,3 %

11,0 %

20,2 %

2,9 %

5,1 %

France entière

8,3 %

25,0 %

5,0 %

18,1 %

3,3 %

6,9 %

Source : Drees, taux de mortinalité en 2022

Concernant la mortalité infantile, les taux sont également plus élevés dans les départements d'outre-mer. Entre 2020 et 2022, ils s'élevaient ainsi de 6,6 %o à La Réunion à 9,5 %o à Mayotte en passant par 7,5 %o en Guadeloupe et 8,2 %o en Martinique et Guyane contre 3,4 %o dans l'Hexagone28(*).

Les chiffres relatifs aux naissances vivantes laissent également apparaître de fortes disparités entre les régions d'outre-mer et le reste du territoire. En 2022, les taux de prématurité sont de 13,1 % en Guyane, 11,6 % en Guadeloupe, 11 % à Mayotte, contre 7,3 % dans l'Hexagone. Il faut noter cependant une amélioration des taux de prématurité notamment en Martinique et à La Réunion. Ces taux sont ainsi passés de 12 % à 8,7 % dans ces deux régions entre 2016 et 2021. Il en est de même pour le pourcentage d'enfant à faible poids à la naissance (inférieur à 2 500 g) qui s'établit à 12,4 % en Guadeloupe comme à La Réunion contre 7,1 % en France hexagonale29(*).

Au regard de leurs spécificités, les Drom ont d'ailleurs fait l'objet pour la première fois en 2021 d'une analyse spécifique au sein de l'enquête périnatale conduite par Santé publique France30(*). La mission d'information a également souhaité s'intéresser aux spécificités des territoires ultramarins et a organisé deux tables rondes consacrées à la santé périnatale respectivement en Guadeloupe et à Mayotte.

Elle a pu identifier la mise en place de procédés permettant de répondre aux enjeux spécifiques de ces territoires.

Ainsi, les parturientes des îles de Guadeloupe (La Désirade, Marie-Galante et les Saintes) qui présentent des grossesses à bas risque viennent s'installer en Basse-Terre et Grande-Terre à l'approche du terme à proximité d'un établissement de santé en attendant le début du travail (le CHU ou le centre hospitalier de Basse-Terre). En outre, l'offre de soins est appréhendée à une échelle zonale pour les Antilles et une coordination renforcée est mise en place avec le CHU de Martinique pour les pathologies non prises en charge en Guadeloupe.

M. Olivier Brahic, directeur général de l'ARS de Mayotte, a pu évoquer plusieurs dispositifs mis en oeuvre comme la mise en place de protocoles de délégations de tâches pour la prise en charge de l'hémorragie de la délivrance par les sages-femmes, l'intégration des sages-femmes au niveau de la régulation du Samu ou encore la participation des « infirmières au sein des services de suite de couche ». Il a insisté sur le fait que ces « innovations n'étaient là que pour compenser les difficultés » que connait le territoire et que ce dernier « disposait de trop peu de ressources pour innover davantage et trouver de nouvelles organisations » dans un système au bord de la rupture.

Enfin, en Guyane, où 95 % du territoire est couvert par la forêt amazonienne, des centres délocalisés de prévention et de soins (CDPS) sont chargés du suivi de la grossesse et de la réalisation des échographies et les femmes ne sont orientées vers les maternités (centre hospitalier de Cayenne par exemple) qu'en cas de besoin et à l'approche de l'accouchement.

b) Des indicateurs de santé publique plus dégradés que la moyenne nationale

La prévalence de l'obésité chez les mères au début de la grossesse est également beaucoup plus élevée : entre 22,1 % et 29,4 % dans les Drom, contre 14,4 % en France hexagonale. À La Réunion, en 2021, 46,2 % des femmes étaient en surcharge pondérale avant la grossesse dont plus de 22 % en situation d'obésité31(*). En 2003, le taux des femmes en surcharge pondérale s'élevait à 27,7 %. Cette forte progression est particulièrement inquiétante car l'obésité augmente le risque de maladie chronique pour la mère mais également de complications obstétricales ou néonatales lors de l'accouchement. Cette évolution est également à mettre en regard de la prévalence élevée de la prééclampsie32(*) pour laquelle l'obésité est un facteur de risque supplémentaire.

Taux d'obésité avant la grossesse - Enquête nationale périnatale 2021

Source : Résultats de l'enquête nationale périnatale 2021 dans les Drom (ENP-Drom 2021)

c) Une plus forte précarité socio-économique que dans l'Hexagone

Aux Antilles et à La Réunion, la part des ménages déclarant un revenu mensuel inférieur à 1 000 euros net est comprise entre 25 % et 34 % contre 7,5 % dans l'Hexagone. Cette proportion monte à 48 % en Guyane et 60 % à Mayotte.

Selon le rapport de surveillance de la santé périnatale en France (2010-2019), la proportion des femmes bénéficiant de l'aide médicale d'État parmi les femmes ayant accouché dans un établissement public est de 2 % en France hexagonale contre 11 % dans l'ensemble des Drom33(*) avec un maximum de 27,7 % en Guyane. Lors de la table ronde consacrée à la santé périnatale à Mayotte, les acteurs de la périnatalité ont en outre pu alerter la mission d'information sur la situation particulièrement préoccupante dans ce territoire : près de 60 % des femmes y accouchent sans couverture médicale et l'indice de précarité s'y élève à 71,3 % des mères, contre 15,5 % dans l'Hexagone34(*). Jean-Mathieu Defour, directeur général du centre hospitalier de Mayotte, a ainsi pu évoquer les cas, de plus en plus fréquents, de femmes sur le point d'accoucher ou en cours d'accouchement qui ne se déplacent pas « par peur de la police aux frontières et qui appellent le 15 au tout dernier moment »35(*), ce qui complique considérablement la prise en charge des accouchements par la suite.

Cette précarité se traduit aussi dans ces territoires par une part des grossesses « survenues trop tôt » ou « non désirées » plus forte que dans l'Hexagone. Celle-ci s'élève notamment à 27,5 % à Mayotte et 32,8 % en Martinique contre 16,6 % sur le reste du territoire hexagonal. Cette part importante de grossesse « non désirées » peut avoir une influence importante sur l'état psychologique de la mère après l'accouchement.

Par ailleurs, ce taux de précarité important « lorsqu'il s'additionne à un faible niveau d'enseignement et à une situation irrégulière tend à augmenter le défaut de suivi durant la grossesse »36(*) mais aussi avant la conception. Cela est particulièrement préjudiciable pour la mise en place des mesures de prévention visant à réduire les risques pour la mère et le bébé comme la prise d'acide folique. Ainsi, en Guadeloupe, seulement 8,2 % des femmes commencent l'acide folique avant la grossesse (28,3 % dans l'Hexagone). De plus, des situations à risque sont découvertes trop tardivement sans que la réponse apportée par le système de santé puisse être correctement adaptée à la situation de la parturiente et du bébé.

d) L'existence de certains indicateurs plus favorables à la santé périnatale comme le taux d'allaitement et des comportements à risque pendant la grossesse moindres

L'enquête nationale périnatale permet d'étudier également la consommation de substances addictives (tabac, cannabis, alcool) pendant la grossesse, ainsi que la diffusion des pratiques d'allaitement après l'accouchement. Elle met en valeur certains indicateurs pour lesquels les taux semblent meilleurs en outre-mer que dans l'Hexagone.

La proportion des femmes déclarant une consommation de tabac au 3e trimestre de grossesse, varie ainsi de 3,9 % en Guadeloupe et 5,4 % en Martinique à 8,7 % à La Réunion contre 12,2 % dans l'Hexagone. Ce taux est seulement de 1,3 % à Mayotte. En Guyane, moins de 10 % des femmes sont fumeuses un an avant la grossesse (contre 27,3 % en métropole). Toutefois ces chiffres, basés sur les réponses des femmes interrogées, peuvent souffrir d'une relative sous-déclaration et doivent être pris avec précaution.

Par ailleurs, les mères allaitent plus souvent dans les Drom que dans l'Hexagone. En Martinique, près de 94 % des femmes allaitent à la maternité et, à deux mois, plus de 75 % des enfants sont encore allaités (exclusivement ou mixte)37(*) contre respectivement 70 et 55 % en France hexagonale.

Ces quelques indicateurs favorables ne sauraient occulter le caractère préoccupant de la santé périnatale dans les outre-mer.

Les disparités territoriales, en outre-mer comme dans l'Hexagone, en matière de santé périnatale, invitent à se pencher sur les facteurs de risque individuels comme environnementaux, ainsi que sur les différences dans l'organisation et l'accès aux soins qui pourraient permettre de les expliquer.

C. DES CAUSES IDENTIFIÉES DE FAÇON PARTIELLE

Les causes de la dégradation de la santé périnatale en France, et singulièrement dans certains territoires évoqués ci-dessus, restent difficiles à appréhender dans leur globalité.

Certains facteurs de risque sont connus : âge plus tardif de la grossesse, mauvais état de santé général, obésité et précarité en particulier. Au-delà des facteurs de risque individuels, des facteurs environnementaux peuvent également jouer.

D'autres hypothèses peuvent être formulées quant à l'organisation du système de santé sans que des études nationales globales ne permettent d'analyser finement l'effet que peuvent avoir l'organisation de l'offre de soins et les caractéristiques d'une maternité sur le risque de mortalité ou de complications chez la mère et l'enfant.

1. Des mères en moins bonne santé, plus précaires et plus âgées
a) Une plus grande prévalence de profils de risques élevés et de grossesses pathologiques parmi les parturientes

D'après les données du rapport de surveillance périnatale38(*) conduit par Santé publique France, plusieurs éléments concernant l'évolution du profil des parturientes pourraient expliquer cette dégradation des indicateurs parmi lesquels l'augmentation de l'âge de la mère ou encore l'évolution de l'obésité.

L'âge des mères au moment de l'accouchement est en augmentation constante depuis 1995 en France. La part des mères de 35 ans et plus a doublé en trente ans, passant de 12,4 % en 1995 à 24,6 % en 2021. Or, lors de leur audition, les membres de l'équipe EPOPé ont indiqué qu'à partir de cet âge, le risque d'apparition de certaines pathologies comme le diabète gestationnel était accru mais également que les risques de complication au cours de l'accouchement - saignements, infections, embolies pulmonaires - étaient en augmentation. Toutefois, la part des mères de 35 ans et plus en France reste bien inférieur à ceux rencontrés dans plusieurs pays, notamment du sud de l'Europe. Selon la dernière édition du rapport Euro-Peristat, ce taux était en 2019 de 40 % en Espagne, 39,4 % en Irlande, 34,4 % en Italie et 33,2 % au Portugal39(*).

Suivant la courbe constatée en population générale, entre 2003 et 2016, la prévalence des femmes en situation de surpoids ou d'obésité avant la grossesse a fortement augmenté passant de 22,8 % en 2003 à 31,8 % en 2016. La part des mères en situation d'obésité avant la grossesse a doublé en trente ans, passant de 7,4 % en 2003 à 14,4 % en 202140(*). L'obésité et le surpoids sont des facteurs aggravants de risque pour la mère mais également pour l'enfant. Dans sa réponse au questionnaire transmis par la rapporteure, Santé publique France indique que la prévalence du diabète gestationnel a ainsi été multipliée par deux entre 2010 (6,7 %) et 2019 (13,6 %). Or le diabète gestationnel est associé à une augmentation des risques aussi bien chez la mère (césarienne, éclampsie...) que chez le nouveau-né (prématurité, détresse respiratoire...). On relève des disparités territoriales en la matière : les taux d'obésité morbide sont élevés dans les Hauts-de-France (1,3 % en 2019), et bien plus faibles en Paca et en Corse (0,5 et 0,4 % respectivement en 2019). Dans les Drom, on retrouve des taux élevés pour la Martinique (3,7 % en 2019) et plus faibles en Guyane (0,6 % en 2019).

On constate également une permanence de comportements à risque chez la femme enceinte, même si la situation s'améliore récemment. Ainsi, en 2021, 12,2 % des femmes ont fumé au moins une cigarette par jour au troisième trimestre de la grossesse (contre 16,3 % en 2016) tandis que 1,1 % des femmes déclarent qu'il leur est arrivé de consommer du cannabis au cours de celui-ci (contre 2,1 % en 2016)41(*). Toutefois, comme pour les déclarations relatives à la consommation d'alcool, ces chiffres doivent faire l'objet de certaines précautions car ces comportements à risque sont souvent largement sous-déclarés.

Par ailleurs, certaines pathologies préexistantes à la grossesse comme l'endométriose ou le syndrome des ovaires polykystiques sont en évolution en population générale. Concernant l'endométriose, une étude de Santé publique France publiée en 2022 indiquait qu'entre 2011 et 2017, le risque d'endométriose prise en charge à l'hôpital a augmenté de 10,4 % chez les femmes de 25 à 49 ans42(*). Ces pathologies ont un impact sur la grossesse, son suivi et l'accouchement et peuvent engendrer des complications, ce qui implique d'accorder une attention spécifique à leur dépistage, leur suivi et leur prise en charge au cours de la grossesse.

b) L'augmentation de la précarité et des difficultés socio-économiques : un facteur déterminant de la dégradation des indicateurs

Les décès maternels sont marqués par de fortes inégalités sociodémographiques. Le risque de décès est plus élevé pour :

Source : 7e rapport de l'enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM) 2016-2018

La grossesse est une période au cours de laquelle de nombreuses vulnérabilités peuvent apparaître ou se renforcer. Une étude anglaise publiée en 2019 et portant sur l'augmentation de la mortalité infantile dans le pays entre 2010 et 201743(*) estimait qu'un tiers de l'augmentation de la mortalité infantile en Angleterre entre 2014 et 2017 pouvait être attribuée à l'augmentation de la pauvreté infantile, souvent liée à celle de la mère. La question de l'isolement des mères et de la précarité sociale est un facteur déterminant dans la qualité des indicateurs.

En Île-de-France, la plus forte prévalence de femmes enceintes ou en suites de couche n'ayant pas d'hébergement fait partie des facteurs explicatifs d'indicateurs de santé plus défavorables. En 2016, une maternité sur six déclarait accueillir au moins une fois par mois des femmes sans hébergement à la sortie de la maternité44(*) et la part des femmes déclarant vivre dans un foyer d'accueil ou à l'hôtel a augmenté, passant de 0,8 % en 2016 à 1,5 % en 202145(*).

Enfin, selon l'enquête nationale périnatale de 2021, la part des femmes de nationalité étrangère accouchant en France métropolitaine a légèrement augmenté entre 2016 et 2021, passant de 14,1 % à 15,8 %. Selon cette même étude, le risque de décès est multiplié par deux pour les femmes migrantes par rapport aux femmes nées en France. Parallèlement, le taux d'accouchement des femmes étrangères en situation irrégulière, avec une facturation à l'AME, a également augmenté en France, passant de 1,6 % en 2010 à 2,4 % en 2019.

À ces difficultés, souvent cumulatives, peuvent s'ajouter des situations de violences conjugales. La grossesse constitue une période de risque accru de l'apparition ou de l'aggravation de ces violences. Selon les résultats de l'enquête nationale périnatale 2021, 6 % des femmes déclarent avoir été victime de violences psychologiques un an avant, pendant ou après la grossesse et 1,3 % avoir subi des violences physiques46(*).

La précarité est, en outre, plus souvent associée à un suivi incomplet, voire à l'absence de suivi de la grossesse. Un rapport de l'Insee47(*) souligne le fait que les inégalités sociales de santé apparaissent avant la naissance du fait de différences de suivi prénatal et de comportements à risque pour l'enfant à naître. L'enquête nationale périnatale de 2016 montrait un risque 5 fois plus élevé de prématurité en l'absence de suivi et un risque multiplié par 3 de naissances de nouveau-nés pesant moins de 2 500 g48(*). Dans les populations en difficultés, les taux de naissance prématurée (8,5 %) et d'enfants de poids de naissance inférieur à 2 500 g (9,5 %) sont en effet significativement augmentés49(*).

Comme précédemment évoqué, ces difficultés dans le suivi sont particulièrement fortes en outre-mer. Selon Jean-Mathieu Defour, directeur du centre hospitalier de Mayotte, « l'absence de suivi fait que l'on souffre de morbidité pour des pathologies parfaitement traitées en métropole comme le diabète gestationnel ou l'hypertension et qui deviennent très lourdes à suivre [à Mayotte]. Les équipes subissent une surcharge de travail avec une multiplication des accouchements difficiles qui augmentent, par ricochet, la mortalité périnatale à la fois de la mère et de l'enfant. »50(*)

Toutefois, la plupart de ces constats quant à l'évolution du profil des parturientes et à la prise en charge croissante de bébés de plus en plus prématurés51(*) sont largement partagés au sein des autres pays de l'OCDE. De nombreuses personnes entendues par la mission d'information ont pu confirmer que ces éléments ne constituaient pas, en tant que tels, une « spécificité française ». Ainsi, l'augmentation de la mortalité néonatale observée en France depuis 2012 reste, selon Santé publique France, « scientifiquement inexpliquée »52(*).

2. Une fragmentation des bases de données qui rend difficile l'analyse des effets induits par l'organisation du système de santé et les pratique des professionnels

Lors de leur audition, les chercheurs de l'équipe EPOPé de l'Inserm ainsi que les représentants de Santé publique France ont exposé les difficultés auxquelles ils font face pour réaliser des enquêtes de surveillance périnatale, en raison de la fragmentation des bases de données disponibles.

En effet, trois grandes catégories de sources de données relatives à la périnatalité existent en France.

Tout d'abord, les bases de données fonctionnant « en routine » sur l'ensemble du territoire :

- les bulletins de naissance et de décès de l'état civil, transmis à l'Insee, mais qui ne contiennent pas d'information médicale pour les premiers et peu d'informations contextuelles pour les seconds ;

- le système national des données de santé (SNDS) qui compile les informations du Programme de médicalisation des systèmes d'informations (PMSI), les consommations de soins de ville issues des informations de l'Assurance maladie (Sniiram - système national d'information inter régimes de l'Assurance maladie) et les données statistiques relatives aux causes de décès (BCMD) gérées par le CépiDc de l'Inserm ;

- les certificats de santé de l'enfant du 8e jour. Toutefois, Santé publique France tout comme l'Assurance maladie ont indiqué, lors de leurs auditions par la mission, qu'en raison du caractère très inégal de la qualité des informations présentes dans ces certificats, leur exploitation au niveau national n'était plus réalisée aujourd'hui.

Selon Jennifer Zeitlin, directrice de recherche à l'Inserm, ces bases de données « n'ont pas été établies pour faire de la recherche sur la santé périnatale ; elles n'ont donc pas été conçues pour être reliées : d'où un système d'information français très fragmenté et sous-utilisé »53(*). Plusieurs cas concrets ont pu être présentés devant la mission d'information lors de ses travaux.

Ainsi, les certificats de décès néonataux centralisés par le CépiDC ne sont pas correctement reliés aux bulletins de naissance centralisés par l'Insee, alors même que ces derniers comportent certains éléments sur les caractéristiques de la naissance.

Un autre exemple évoqué devant la mission concerne les statistiques de mortinatalité (enfants nés sans vie) et celles de mortalité néonatale (enfants nés vivants puis décédés). Les premières sont issues aujourd'hui du PMSI quand les secondes proviennent des données de l'Insee. La coexistence sans chaînage entre ces deux bases aboutit, selon la Drees, à ce qu'environ 100 à 150 enfants par an soient à la fois enregistrés dans les chiffres de la mortinatalité et dans ceux de la mortalité néonatale (soit 5 à 8 % des décès néonatals également comptés comme mort-nés)54(*).

Enfin, l'appariement entre les données de consommation des soins de santé et celles des certificats de décès gérés par le CépiDC est incomplet. Ainsi 69 % des décès infantiles ne sont pas appariés avec les autres données du SNDS, alors que ce taux n'est que de 10 % environ pour le reste de la population55(*), limitant fortement la possibilité de reconstituer le parcours de soins de la mère avant le décès de l'enfant.

Lors de son audition devant la mission d'information, Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à la gestion et à l'organisation des soins de la Caisse nationale de l'assurance maladie, a, elle aussi, fait état de difficultés d'exploitation des données : « D'une manière générale, [l'Assurance maladie ne dispose] pas de données cliniques, mais uniquement de données médico-administratives remplies par les professionnels de santé. Si nous pouvons identifier le motif d'une hospitalisation et les médicaments consommés, en revanche nous ignorons la taille et le poids du patient, ainsi que sa consommation éventuelle de tabac »56(*).

Une deuxième catégorie de données concerne les registres et les enquêtes en continu sur tout ou partie du territoire :

l'enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM) ;

l'observatoire des morts inattendues du nourrisson (OMIN) créé en 2015 par le Centre hospitalier universitaire de Nantes en collaboration avec l'association nationale des centres référents de la mort inattendue du nourrisson ;

sept registres des anomalies congénitales57(*) ;

deux registres du handicap de l'enfant58(*).

Enfin, il existe des enquêtes ponctuelles et des cohortes :

l'enquête nationale périnatale (ENP), parue pour la première fois en 1995, est réalisée à intervalles réguliers (5-6 ans) sous la direction de l'équipe de recherche en épidémiologie obstétricale périnatale et pédiatrique de l'Inserm (EPOPé) ;

des enquêtes permettent de suivre des cohortes comme Epifane (suivi des mères et des enfants jusqu'à 1 an), Elfe (suivi d'enfants de la naissance à 18 ans), Epipage (suivi des enfants prématurés) ou encore Epimoms (sur la morbidité maternelle sévère).

Cependant, ces enquêtes sont extrêmement consommatrices de ressources humaines et financières, et difficilement renouvelables à intervalles réguliers au regard de la complexité des données étudiées.59(*)

La fragmentation des sources de données nécessaires
à la surveillance de la santé périnatale en France

Bases de données en routine

Enquêtes en continu
et registres

Enquêtes ponctuelles

État civil (Insee)

Bulletins de naissance et de décès

ENCMM

Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (recueil de données exhaustifs sur tout le territoire)

Enquête nationale périnatale (ENP)

Surveillance de la santé périnatale (mères, enfants et pratiques médicales)

Système national des données de santé

- PMSI (données hospitalières)

- Sniiram (soins de ville-Assurance maladie)

- Certificats de décès (CépiDC - Inserm)

OMIN

Observatoire des morts inattendues du nourrisson

(recueil de données exhaustif sur tout le territoire)

EPIFANE

Alimentation de l'enfant, la santé des mères et de l'enfant pendant sa première année de vie

Certificats de santé de l'enfant du 8e jours

Ces certificats ne font plus l'objet d'une exploitation nationale au regard du caractère très inégal de la qualité des informations saisies

Registre des anomalies congénitales

(7 registres sur le territoire)

EPIPAGE

Étude nationale pour le suivi des enfants prématurés

 

Registre des handicaps de l'enfant

(2 registres sur le territoire)

ELFE

Suivi d'enfant de la naissance jusqu'à l'âge adulte - impact des facteurs environnementaux et conditions de vie sur le développement des enfants

   

EPIMOMS

Étude de la morbidité maternelle sévère, conduite dans 9 réseaux de périnatalité

   

EPICE

Étude, au niveau européen, sur les naissances prématurées vivantes et sans vie

Source : Mission d'information sur la santé périnatale d'après les éléments communiqués par Santé publique France

In fine, la France ne souffre pas tant d'un manque de données - elle est, par exemple, avec le Royaume-Uni, le seul pays d'Europe à disposer d'une enquête sur les morts maternelles aussi complète que l'ENCMM - que de difficultés d'exploitation scientifique de celles-ci. Cette fragmentation des bases de données empêche de réaliser une surveillance exhaustive et rend particulièrement complexe toute analyse fine des indicateurs de santé périnatale et de leurs déterminants.

D'autres pays disposent d'outils de supervision plus complets et surtout consolidés. Par exemple, la Suède a mis en place, depuis les années 1970 un registre médical national des naissances contenant la quasi-totalité des données sur l'ensemble des accouchements survenus dans le pays. Au Royaume-Uni, les données relatives aux enfants nés sans vie, aux décès néonatals et aux morts maternelles sont obligatoirement collectées dans un même programme scientifique centralisé aux fins de réalisation d'une enquête épidémiologique nationale (MMBRACE-UK).

Par ailleurs, cette fragmentation rend parfois difficiles les comparaisons internationales. Dans le cadre de l'enquête Euro-Peristat, les données fournies au niveau national proviennent du PMSI. Cependant, cette source n'inclut pas tous les indicateurs principaux demandés par l'Euro-Peristat, notamment la mortalité néonatale et la mortalité infantile, qui sont recueillies par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). La France figure ainsi parmi les 8 pays sur 28 qui ne répondent pas au protocole de recueil des données exigé dans le cadre de cette étude internationale concernant la mortalité néonatale.

Cependant, en dépit des difficultés de croisement des données, des chercheurs parviennent à identifier des corrélations, voire des causalités entre certains événements indésirables graves dans le domaine de la santé périnatale, d'une part, et les caractéristiques de l'établissement ayant pris en charge la parturiente, d'autre part.

Ainsi, des chercheurs de l'Inserm ont analysé, à partir des données de l'ENCMM et des données Épimoms, les liens entre les hémorragies et les caractéristiques de la maternité d'accouchement après prise en compte des caractéristiques individuelles, estimant que l'hémorragie est un événement peu dépendant du niveau de risque initial propre à chaque femme et que la survenue de formes graves, voire létales, dépend donc essentiellement de la qualité de la prise en charge. Les différentes études montrent que le risque de mortalité maternelle par hémorragie est 2,4 fois plus élevé et celui de « near-miss » par hémorragie 2,3 fois plus élevé dans les maternités où un anesthésiste-réanimateur n'est pas présent 24h/24 par rapport à celles où tel est le cas. Elles font également état d'un « surrisque » de prise en charge inadéquate dans les maternités de type 1.

De même, l'analyse de 269 EIGS qui ont concerné des parturientes entre mars 2017 et décembre 2021 indique que la moitié des EIGS auraient pu être évités et sont liés à une inadéquation dans la prise en charge. Parmi les principales causes d'EIGS figure en première position le défaut ou le retard de prise en charge qui peut, dans le cadre d'un accouchement, correspondre à une césarienne trop tardive par exemple.

Répartition des EIGS selon leurs principales causes
entre mars 2017 et décembre 2021

Source : Haute Autorité de santé, réponse au questionnaire transmis par la rapporteure

L'Inserm, la Drees ou encore Santé publique France travaillent actuellement à l'amélioration des algorithmes qui servent à coder les données au sein du SNDS et ainsi permettre un meilleur chaînage entre les bases de données, notamment celles du CépiDC sur les causes de décès, et ainsi améliorer l'identification et le suivi des parcours mère-enfant. L'objectif est d'atteindre un taux de chaînage des causes de décès proche de 100 % contre un peu plus de 80 % aujourd'hui.

En outre, face au manque d'appariements avec les dossiers patients en ville, l'Assurance maladie met en oeuvre des développements pour équiper le logiciel des professionnels de santé d'un filtre d'anonymisation permettant de saisir des données cliniques qui pourront par la suite être récupérées, sans pour autant pouvoir identifier les personnes concernées.

Recommandation n° 2 : Créer un registre national des naissances et de la mortalité néonatale et soutenir l'appariement de l'ensemble des bases de données donnant accès à des informations détaillées sur la mère et sur l'enfant pendant la grossesse, l'accouchement et la période néonatale.

Toutefois, ces évolutions ne seront pleinement efficaces que si les données sont saisies de façon exhaustive et standardisée. Dès lors, il semble important de renforcer les exigences d'évaluation et de sensibilisation des professionnels de santé à ces problématiques.

3. Une véritable culture de l'évaluation à faire émerger pour fiabiliser les données recueillies et analysées
a) Un processus de certification des établissements de santé ne prenant que peu en compte les activités liées à la maternité et la périnatalité

Au cours de ses travaux, la mission d'information a pu constater également que l'évaluation de la qualité des soins et les processus de certification souffraient de plusieurs faiblesses.

La Haute Autorité de santé (HAS) est en charge de la certification des établissements de santé. Elle procède pour cela à une certification des établissements dans leur ensemble et non spécialité par spécialité. Si la maternité est bien un secteur intégré dans le processus de certification, seuls deux indicateurs concernent spécifiquement les activités liées à la maternité : le premier critère porte sur l'établissement par les équipes soignantes d'un projet de naissance avec les futurs parents ; le second est relatif à la maîtrise des risques liés à l'hémorragie du post-partum. Bien que les autres critères de certification s'appliquent également aux services d'obstétrique, la présence de seulement deux critères spécifiques à la périnatalité interroge.

Alors que l'intégration de la maîtrise des risques liés à l'hémorragie du post-partum à la démarche de certification des établissements a contribué à l'adoption de mesures concrètes et au développement de bonnes pratiques de nature à diminuer les hémorragies et leurs conséquences, intégrer d'autres indicateurs concernant spécifiquement l'obstétrique à cette démarche serait de nature à renforcer l'attention portée à l'amélioration de la prise en charge de la santé périnatale.

Par ailleurs, le logiciel de certification des établissements de santé ne permettant pas aujourd'hui d'extraire les données pour chaque critère, les résultats des établissements de santé sur les deux critères mentionnés plus haut n'ont pas pu être fournis à la mission d'information par la Haute Autorité de santé. Ainsi la HAS n'a pu fournir que les résultats de certification pour les établissements disposant d'une maternité par rapport aux résultats de certification des établissements ne disposant pas de maternité.

Il apparaît alors que les établissements de santé avec activité de maternité semblent être plus fréquemment certifiés sous conditions que les autres. Toutefois, ces informations ne permettent pas d'identifier si la maternité est la raison de la certification avec conditions ou, beaucoup plus rarement, du refus de certification de l'établissement. Ces éléments révèlent un vrai manque dans le processus de contrôle de l'activité des établissements.

Recommandation n° 3 : Développer de nouveaux critères de certification spécifiques aux activités de maternité.

b) Un suivi des événements indésirables graves associés aux soins perfectible

Au-delà de la certification des établissements, c'est l'ensemble du processus de déclaration et d'évaluation des événements indésirables graves associés aux soins (EIGS) qui doit être amélioré.

Les établissements de santé sont tenus de les déclarer60(*) aux agences régionales de santé (ARS) et complètent un formulaire permettant d'analyser l'événement en question61(*). Après anonymisation, les ARS les transmettent à la HAS. Sur cette base, la HAS établit un rapport annuel d'analyse portant notamment sur la gynécologie-obstétrique.

Cependant, l'absence d'individualisation des EIGS par établissement ne permet pas d'en tirer des enseignements au niveau national. Il revient à chaque ARS de mobiliser les dispositifs spécifiques régionaux en périnatalité (DSRP - anciennement réseau de santé en périnatalité) pour améliorer l'identification des causes et la définition de mesures correctrices. Lors de son audition par la rapporteure, la direction générale de l'offre de soins a exprimé sa volonté de généraliser ces pratiques sur l'ensemble des régions mais un véritable pilotage national fait défaut, ce qui ne permet pas de disposer d'un panorama et d'un outil de supervision exhaustif.

Au-delà des problématiques liées à l'anonymisation des EIGS qui empêchent notamment d'identifier précisément les établissements concernés, plusieurs intervenants ont fait part d'une faible culture de l'évaluation qui conduit à une sous-déclaration de ce type d'événements ou à une déclaration de mauvaise qualité. Ainsi, dans le rapport 2022 sur les événements indésirables graves associés aux soins, la HAS précise que plus de 50 % des déclarations présentaient une qualité insuffisante, rendant leur exploitation difficile62(*). Dans sa réponse écrite au questionnaire transmis par la rapporteure, la HAS indique ainsi que « la base de données EIGS n'étant pas exhaustive en raison d'une sous-déclaration importante malgré l'obligation de déclaration, les données quantitatives ne présentent pas de valeur épidémiologique ou statistique généralisable à l'ensemble de la population ou à des soins pour caractériser un secteur d'activité ».

Dans ce contexte, la seule levée de l'anonymat sur les EIGS ne pourrait être une solution car elle pourrait entraîner une augmentation de la sous-déclaration par les établissements de santé. Lors de son déplacement dans le Morbihan au sein du groupement hospitalier Brocéliande-Atlantique, la mission a pu constater que la mise en place de nouvelles procédures concernant la déclaration des événements indésirables peut s'avérer compliquée et mal comprise par les équipes sur place. Ces dernières peuvent en effet y voir une remise en cause de la qualité de leur travail plutôt qu'un outil d'amélioration des processus et des prises en charge.

La déclaration de l'événement indésirable doit pouvoir être assimilée par le personnel non pas comme une finalité en soi, ou un acte qui entraînerait automatiquement une sanction, mais bien comme une étape d'un dispositif global de diminution des risques. Dans ce cadre, la déclaration des événements indésirables sans conséquence grave en raison de l'action des équipes, ou « near misses » selon le terme anglais utilisé, doit être encouragée.

Le rôle des ARS dans la communication auprès des établissements afin de clarifier les objectifs, le sens et les modalités du dispositif de déclaration de ces événements ainsi que dans l'accompagnement de sa mise en oeuvre, est primordiale. La prise en compte par les ARS des remontées de terrains réalisées par les dispositifs spécifiques régionaux de périnatalité (DSRP), notamment lors des revues de morbi-mortalité qui permettent d'analyser les EIGS, est tout aussi essentiel. Ces réunions sont indispensables au maintien des connaissances et à l'entretien d'une pratique performante de la prise en charge des parturientes. La possibilité de rendre obligatoire l'organisation de ces réunions pourrait être étudiée.

Par ailleurs, afin de mettre en place une véritable supervision des EIGS au niveau national et une comparaison scientifique sur tout le territoire, il pourrait être nécessaire de définir, au niveau national, un « tronc commun » précis d'EIGS en périnatalité devant faire l'objet d'une déclaration. Cela permettrait d'harmoniser les pratiques entre établissements concernant la caractérisation de l'EIGS. Comme a pu le souligner le collège national des gynécologues-obstétriciens français, une hystérectomie d'hémostase63(*) peut, par exemple, être déclarée comme un EIG, alors même que cela est parfois « le seul moyen d'éviter le décès dans une situation obstétricale complexe dans laquelle il n'y a ni erreur ni retard à la prise en charge »64(*).

c) Une saisie trop inégale des certificats de santé qui rend difficile toute exploitation au niveau national

Il apparaît tout aussi essentiel à la bonne connaissance et à l'amélioration de notre système de santé périnatale de sensibiliser les professionnels de santé à l'importance qui doit être accordée à la qualité de la saisie des informations. La question des certificats de santé dans les premiers jours du nourrisson est, à ce titre, prioritaire.

Les certificats de santé du 8e jour (CS8) ont été conçus à des fins de surveillance de la santé périnatale à l'échelle des départements et des services de protection maternelle et infantile (PMI). Ils permettent notamment de connaître le lieu précis de l'accouchement lorsque celui-ci ne se fait pas à l'hôpital (accouchement à domicile, maison de naissance...). Aujourd'hui ces données ne sont plus compilées à l'échelle nationale et ne font l'objet d'aucune centralisation en raison de leur qualité et de leur exhaustivité qui apparaissent très variables sur tout le territoire. Certains conseils départementaux ne transmettent même plus ces éléments à la Drees. Lors de son audition par la mission d'information, Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à la gestion et à l'organisation des soins de la Cnam, a indiqué que les PMI ne recevaient que 40 % de ces certificats de la part des médecins et qu'il s'agissait là « d'un problème majeur en matière de suivi des données »65(*). Dans sa réponse au questionnaire transmis par la rapporteure, la plateforme « Avenir de la PMI » indique également que les médecins et sages-femmes sont « insuffisamment sensibilisés à l'importance de ces données de santé », d'autant plus que, comme pour les EIGS évoqués plus haut, ils ne reçoivent « aucun retour de celles-ci ». Il est alors primordial que « ces données soit retranscrites aux médecins par un retour d'analyses systématiques ».

La qualité des données présentes dans les certificats de décès néonatals transmis au CépiDC entraîne également des difficultés pour la consolidation au niveau national de ces informations, alors même que les données relatives aux causes des décès contenues dans ce registre sont indispensables à la mise en place d'une réelle supervision du système de santé.

La mise en place d'un véritable registre des naissances souhaité par la mission d'information passe également par une évolution des mentalités et ne pourra être réellement efficace que si les données qu'il contient sont de qualité. Un tel travail implique un dialogue avec les professionnels de santé qui remplissent les certificats et les chercheurs qui les exploitent, ainsi que la mise en place de protocoles stricts pour la saisie et le codage des données.

Il s'agit de valoriser un cercle vertueux pour les professionnels, la bonne saisie de leurs données améliorant la recherche et in fine la connaissance et l'évaluation du système de santé, et donc leurs pratiques.

II. GARANTIR UN SUIVI ET UN ACCOMPAGNEMENT DE PROXIMITÉ DANS LES MOIS AUTOUR DE L'ACCOUCHEMENT

Au terme de six mois de réflexion sur l'avenir de la santé périnatale et de son organisation territoriale, la mission estime indispensable de garantir une prise en charge médicale et un accompagnement des femmes enceintes, des jeunes parents et des nourrissons ancrés dans les territoires et au plus près de leur quotidien de vie dans les mois autour de l'accouchement. Ceux-ci doivent s'appréhender sur une période large, du projet de parentalité jusqu'au suivi post-natal.

A. MIEUX INFORMER LES FUTURS ET JEUNES PARENTS AVANT ET APRÈS LA NAISSANCE

1. Une information sur la grossesse et la parentalité aux résultats et à l'appropriation nuancés
a) Un manque d'information important

Préalable même à la bonne conduite du parcours de soins, l'information des femmes, et plus globalement des couples, pendant la grossesse et après la naissance apparaît lacunaire.

La mission a été particulièrement attentive aux propos de différents professionnels constatant un déficit d'information chez les futurs ou jeunes parents sur les étapes et rendez-vous de suivi de la grossesse ou encore les principales recommandations sanitaires. Or une information insuffisante voire mauvaise peut conduire à une mauvaise prise en charge ou à des renoncements aux soins.

La dernière enquête nationale périnatale66(*) réalisée en 2021 et analysée par les équipes de l'Inserm s'est intéressée à cette question, avec des résultats contrastés.

Ainsi, si l'on considère la littératie en santé, à savoir la « motivation et capacité des personnes à accéder à l'information, à la comprendre et à l'utiliser de manière à promouvoir et à maintenir une bonne santé », seules 5,6 % des femmes avaient des difficultés à accéder à l'information et à l'utiliser au stade de la grossesse, soit un niveau jugé satisfaisant, particulièrement dans le cadre des relations avec les professionnels de santé : « En 2021, des questions évaluant la littératie en santé des femmes durant la grossesse ont été posées pour la première fois dans le cadre de l'enquête. (...) Ces résultats, qui nécessitent d'être davantage approfondis, semblent montrer que, globalement, les femmes accouchant en France métropolitaine, déclarent avoir de bonnes discussions avec les professionnels de santé au cours de leur grossesse, leur permettant d'obtenir les réponses à leurs questions et les informations nécessaires au suivi de leur grossesse. » Il est à noter, cependant, que la proportion des femmes rencontrant des difficultés en la matière est sensiblement supérieur pendant l'accouchement et durant le séjour à la maternité (11,4 % dans la même enquête).

De plus, d'autres résultats sur des items précis montrent des faiblesses notables. Ainsi, en 2021, près de 44 % des femmes n'avaient pas reçu de conseils sur le couchage du nouveau-né au moment de l'entretien pour l'enquête, 16,4 % les ont reçus durant la grossesse, 18,2 % depuis l'accouchement et 18 % lors de ces deux périodes67(*).

En outre, dans cette même enquête, 85,2 % des femmes indiquent ne pas avoir eu de consultation diététique ou de réunion d'information sur le sujet. S'agissant de la limitation de la transmission du cytomégalovirus, seules 16 % des femmes déclarent avoir reçu des conseils.

b) Une information souvent limitée : l'exemple du lieu d'accouchement

La question de l'information des parents et en particulier des femmes a aussi été analysée plus précisément concernant le sujet du lieu d'accouchement, perçu comme un déterminant de la santé périnatale, avec une interrogation sur la capacité des femmes, dûment informées, à décider de ce dernier.

Devant la mission68(*), la sage-femme et chroniqueuse Anna Roy déclarait sur ce point : « Les femmes sont-elles suffisamment informées sur les choix qui s'offrent à elles, même lorsqu'elles ont le choix ? La réponse est non et c'est à l'origine de nombreux problèmes. Certaines femmes se rendent dans une maternité sans savoir ce que celle-ci propose et en ressortent furieuses, constatant une dissonance entre leurs attentes et la réalité. Il est extrêmement important de leur expliquer les différents types de maternité. Libre ensuite à chacune de faire son choix. À chaque femme son choix. »

Cette question est en réalité particulièrement illustrative de cet enjeu, comme le souligne l'étude commandée par la mission69(*).

D'une part, sur les canaux d'information. Ainsi, selon cette enquête, le personnel soignant apparaît de loin la principale source d'information sur le choix du lieu d'accouchement (58 %), suivi par l'entourage (48 %). Les canaux officiels des maternités arrivent ensuite, quand les sites internet, réseaux sociaux et reportages dans les médias représentent des parts réduites.

D'autre part, sur les lacunes d'information sur un sujet pourtant crucial. On peut tout d'abord noter que 9 % des répondantes ont indiqué n'avoir eu aucune source d'information concernant le lieu de leur accouchement. Surtout, près d'une femme sur quatre ayant eu un enfant dans les deux dernières années ne s'était pas renseignée au préalable sur le lieu dans lequel elle a accouché, quand 32 % des femmes enceintes et 45 % des femmes ayant un projet de grossesse n'ont pas encore cherché d'information sur leur maternité.

2. Une information plurielle et qualitativement inégale
a) Une information grand public plus nombreuse mais aussi en partie plus qualitative

La mission s'est en particulier interrogée sur la diversité des sources d'information existantes et notamment la concurrence faite aux paroles des médecins et des soignants intervenants dans le suivi des futurs parents. Face à une multiplication des informations sur des canaux inégaux, le risque est que les messages se chevauchent et que les parents puissent se retrouver perdus.

La question de l'information « grand public » a semblé particulièrement importante, à l'heure où une offre particulièrement importante de nouveaux contenus via les réseaux sociaux ou des podcasts nombreux s'ajoute, voire concurrence, l'offre de médias traditionnels de presse écrite, radio ou télévision. C'est pour cela notamment que la mission a choisi d'organiser une table ronde spécifique à ce sujet70(*).

L'un des premiers constats faits par les intervenants a été celui d'une information beaucoup plus riche, diverse et en partie plus respectée et identifiée comme thématique grand public. Ainsi, comme le constatait d'ailleurs Katrin Acou-Bouaziz, cheffe de service société et grossesse au magazine Parents, les sujets relatifs à la grossesse et à la parentalité sont au cours des dernières années sortis d'une catégorie très spécialisée ou relevant d'une niche pour pleinement intégrer les rubriques « société » dans la presse.

En outre, des émissions dédiées à la grossesse et à la parentalité ont démontré leur longévité et l'adhésion d'un public fidèle au fil des années comme La Maison des Maternelles, présente successivement sur différentes chaînes du service public - France 2 et France 5. Cette émission, qui selon Anna Roy « permet de libérer la parole », « occupe d'ailleurs une place qu'elle ne devrait pas occuper, certains patients [lui] ayant déjà confié que cette émission avait remplacé leur suivi médical ». De fait, certaines émissions semblent avoir incité des mères à consulter pour des symptômes qu'elles n'avaient pas identifiés a priori, et ainsi leur avoir permis d'être prises en charge à temps. Un rôle qui excède bien la mission du programme, comme le déplorait la chroniqueuse.

À ces émissions s'ajoutent également des programmes plus récents et sortant précisément cette thématique d'un sujet réservé aux femmes ou aux futurs parents, comme les podcasts scientifiques In Utero et Naître, destinés au grand public et diffusés sur France Inter.

b) Avec les réseaux sociaux, une multiplication de canaux non régulés et aux images souvent idéalisées

Différentes craintes ont souvent été relayées concernant les réseaux sociaux, lesquels pourraient être de potentiels vecteurs massifs de fausses informations ou relais d'influenceurs faisant la promotion de pratiques contraires aux recommandations médicales.

En outre, les visions idéalisées de la grossesse et de la maternité ont régulièrement été discutées, avec la multiplication de contenus sur des réseaux comme Instagram. Ces images fortement relayées donnent une idée souvent faussée de la grossesse - avec un slogan « que du bonheur » gommant les difficultés fréquemment rencontrées par les mères et culpabilisant ainsi les parents pour qui tout ne serait pas facile et esthétisant. Au-delà du caractère trompeur, ces images participent également d'effets nuisibles à la santé mentale des parents.

Regrettant l'infantilisation souvent faite des femmes par la communication habituelle sur la grossesse et la maternité, l'essayiste Renée Greusard citait également l'historienne Yvonne Knibiehler lors d'une interview en 2017 : « Si nous avons laissé nos filles croire que la maternité est un lieu de délices, c'est nous qui avons eu tort. Nous les avons mal élevées »71(*).

Pour autant, il apparaît en réalité utile d'assurer une présence efficace sur ces canaux plutôt que de les abandonner. À la question de savoir comment mieux informer les femmes en dehors de TikTok, Renée Greusard72(*) répondait ainsi « Si l'information est pertinente, il n'est pas gênant qu'elle soit accessible via ce réseau social. À mon sens, il faudrait justement diffuser un message sanitaire là où les personnes cherchent les informations. »

c) La persistance de communications diverses aux signaux néfastes en matière de santé publique

De nombreux messages grand public continuent de véhiculer des images contraires aux recommandations de santé publique.

C'est ainsi souvent le cas des publicités de produits pour les nourrissons, ou de nombreuses illustrations d'articles de presse ou de documentations relatives aux nouveau-nés, mettant en scène des pratiques de couchage à risque - sur le ventre ou avec des coussins mous par exemple.

Or, comme le constatait le Pr Gras-Le Guen entendue par la mission, « le professeur Chalumeau73(*) parle, dans ses travaux, d'"exposome visuel" », mettant en avant l'exemple de paquets de couches assortis d'images conformes aux recommandations et regrettant la promotion régulière, sur les réseaux sociaux, « d'ustensiles de puériculture strictement interdits et pourtant vendus par l'industrie » 74(*).

3. Favoriser un environnement fiable d'information dans le contexte d'une utilisation massive des médias et réseaux sociaux
a) Soutenir une communication large et accessible, appuyée sur le système de santé lui-même

La mission d'information des futurs parents appartient naturellement en premier lieu au système de santé lui-même. Par le biais des professionnels d'une part, par le rayonnement des messages grand public ou individualisés des agences et opérateurs d'autre part.

· Sur le plan des acteurs institutionnels, le premier acteur concerné est souvent l'Assurance maladie, laquelle met à disposition ou adresse des informations globales ou personnalisées aux femmes enceintes.

Ainsi, dans l'espace « J'attends un enfant » du compte Ameli, une fois la déclaration de grossesse faite, la femme enceinte est invitée à activer son espace personnel au sein duquel elle pourra trouver chaque mois des informations et conseils personnalisés en santé, mais aussi ses rendez-vous médicaux, ainsi que les démarches administratives à effectuer.

En outre, la caisse réalise des campagnes nationales d'envoi de courriers, d'emails et SMS personnalisés à des moments clés de la grossesse, avec :

- une invitation à la vaccination contre la grippe et le covid-19 pendant toute la durée de la campagne ;

- une invitation pour la réalisation d'un bilan bucco-dentaire au 4e mois de grossesse ;

- à huit mois de grossesse, une information des femmes sur les modalités de suivi à domicile par une sage-femme à la sortie de la maternité, sur les examens de suivi médical de leur enfant et notamment celui à prévoir dans les huit jours suivant sa naissance, et sur le congé paternité ;

- après la déclaration de grossesse, une invitation des femmes à réaliser le bilan prénatal de prévention et l'entretien prénatal précoce, et autour de la naissance une invitation à réaliser l'entretien post-natal précoce.

Des informations spécifiques à la grossesse sont également disponibles sur le site de la caisse (ameli.fr) avec une page « hub » dédiée à la grossesse et à la parentalité.

Parcours coordonnés Cnaf/Cnam

En complément de ses actions propres, l'Assurance maladie propose depuis 2023 avec la Caisse nationale d'allocations familiales deux types d'ateliers complémentaires :

• Des ateliers collectifs communs CAF/CPAM-CGSS sur les droits et les démarches

Déployés dans le cadre d'un partenariat entre caisses, ces rendez-vous collectifs communs, à vocation universelle, sont centrés sur les droits et démarches administratives.

La mise en oeuvre de rendez-vous collectifs communs a été expérimentée en 2022 et généralisée à la fin de l'année 2023.

• Des ateliers futurs parents - santé et prévention de l'Assurance maladie

Organisés par la Caisse d'assurance maladie et animés en partenariat avec un professionnel de santé, leur objectif est centré sur les thématiques relatives à la santé et à la prévention pendant la grossesse et la petite enfance en cohérence avec les priorités de santé publique (examens de santé, prévention des addictions, alimentation, allaitement, environnement...).

Ils sont destinés prioritairement aux femmes enceintes/jeunes parents en situation de vulnérabilité (moins de 20 ans, bénéficiaires de minimas sociaux, personnes isolées...) dans un objectif de réduction des inégalités sociales de santé, sans exclure pour autant les femmes/couples qui sans être en situation de vulnérabilité, ont moins facilement accès aux informations santé ou ont peu de temps pour s'informer.

Ces ateliers collectifs s'inscrivent dans un cadre partenarial renforcé avec les acteurs locaux, notamment les services départementaux de PMI.

Ils ont été rénovés en 2023 pour s'inscrire en articulation avec les ateliers droits et démarches du parcours naissance.

Bilan provisoire en 2024 du déploiement de ces actions

Sur les 71 caisses ayant adressé leur note décrivant la mise en oeuvre des ateliers collectifs d'information dans le cadre du parcours naissance interbranche, 44 ont déjà mis en place les ateliers communs sous une forme ou une autre, soit 62 % des répondants ou 41,5 % de l'ensemble des organismes. Sur ces 44 caisses, 70 % nous ont adressé des éléments sur les ateliers réalisés en 2023, soit 236 ateliers dont 57 % réalisés en distanciel et 43 % en présentiel (6 697 personnes ont assisté à ces ateliers et 1 497 ont vu le replay des webinaires lorsqu'ils sont enregistrés).

Pour les autres organismes, le déploiement effectif des ateliers est planifié dans la très grande majorité des cas dans le courant du 1er semestre 2024.

Source : D'après les réponses de la Cnam au questionnaire de la rapporteure

· La plateforme des 1000 premiers jours, sous l'égide de Santé publique France, doit également assumer un rôle déterminant pour la communication au grand public, visant les deux parents avant et après la naissance, et non les seules femmes enceintes.

Le site et l'application pour smartphone se présentent comme le « compagnon privilégié des 1000 premiers jours » entendant suivre les étapes « du projet de parentalité aux 2 ans » de l'enfant et conçus à la fois comme un outil de prévention, avec un autodiagnostic de risque de dépression du post-partum par exemple, et un outil d'information avec des articles rédigés par les professionnels ou un calendrier d'événements structurant de ces 1000 premiers jours.

La plateforme embrasse des sujets variés, pour la future mère, le bébé mais aussi l'ensemble de la famille : alimentation, environnement, accompagnement médical et droits sociaux, développement de la relation parent-enfant...

· Ces actions et messages institutionnels sont nécessaires et pertinents. Pour autant, on peut douter qu'ils atteignent efficacement l'ensemble des publics, particulièrement les populations éloignées du système de santé.

Il paraît ainsi déterminant, au vu notamment de l'audience de certains réseaux sociaux, que Santé publique France comme l'Assurance maladie puissent investir ces réseaux, soit par elles-mêmes soit par le biais de partenariats avec des personnalités et contenus identifiés ou réputés, afin de toucher des cibles très larges.

Recommandation n° 4 : Renforcer la communication grand public autour de la santé périnatale et développer des partenariats entre les pouvoirs publics et les médias et réseaux sociaux pour diffuser des informations de qualité sur la grossesse et les soins du nouveau-né.

b) Une communication large et des espaces d'échange communautaires à soutenir

Entendue par la mission, Anna Roy75(*), sage-femme, a ainsi insisté sur la nécessité de définir « ce qu'est une information "bien faite", car cela, entre autres incite les femmes à consulter ; permet la détection précoce ; promeut les dépistages et la vaccination, sujets particulièrement importants dans le contexte actuel ; réduit les comportements à risque ; promeut la salutogénèse. »

Katrin Acou-Bouaziz, cheffe de service société et grossesse pour le magazine Parents, soulignait la double recherche qui serait celle des lectrices de contenus spécialisés, autour d'une part d'une caution « experts », pour garantir la véracité des informations, et d'autre part d'une caution testimoniale avec des partages d'expériences vécues.

Cette seconde dimension semble particulièrement importante et éclairer l'audience que peuvent trouver certains podcasts, comme le très écouté « Bliss Stories », ou encore les pages de discussions thématiques sur certains sites ou réseaux sociaux.

À ce titre, le rôle de boucles Whatsapp ou de tels espaces de discussion a souvent été mis en valeur comme une fenêtre permettant d'échanger dans un cadre familial ou amical ou avec d'autres mères. Cette cellule peut à la fois permettre de relayer de bonnes pratiques mais également aborder certaines situations qui sont moins présentes sur les réseaux sociaux, et ainsi parfois réduire le sentiment d'isolement. Le Dr Lucie Joly déclarait ainsi devant la mission : « Il faut distinguer l'isolement réel de l'isolement vécu. Le premier renvoie à l'éloignement physique de la famille, qui est de plus en plus courant : certaines femmes déménagent même au moment de la grossesse. Mais il y a aussi l'isolement vécu, celui que l'on ressent alors même que l'on est entouré. Or, après l'accouchement, dès qu'ils rentrent chez eux, les parents sont laissés seuls : il est primordial de réfléchir à leur accompagnement. Le village, qui jouait autrefois ce rôle, n'existe plus : il faut désormais le constituer soi-même, bien avant l'accouchement. »

Renée Greusard insistait également sur l'accessibilité et l'inclusivité de la communication à produire, pour une efficacité sur l'ensemble de la population : selon elle, « une bonne information s'adresse à toutes et tous. Elle doit prendre en compte, et sans jugement, toutes les spécificités : handicap, homosexualité, transsexualité, etc. »

À ce titre, il est aussi déterminant que les supports proposés soient compréhensibles par chacun. Une illustration en est l'initiative du Réseau de périnatalité de Nouvelle-Aquitaine, qui met à disposition du public un outil en littératie en santé résumant en français « facile à lire et à comprendre » (FALC) le suivi de la grossesse : « Maman-Papa, des informations pour nos 9 premiersmois ».

B. UN SUIVI MÉDICAL À MIEUX COORDONNER ET À ARTICULER À UN ACCOMPAGNEMENT GLOBAL À LA PARENTALITÉ

Lors de son audition par la mission, le Dr Arielle Le Masne, chargée d'expertise scientifique interactions précoces - 1 000 premiers jours au sein de la direction de la prévention et de la promotion de la santé de Santé publique France, a souligné la qualité globale du suivi des femmes au cours de la grossesse. Celles-ci bénéficient « d'un suivi médical serré » qui permet également de « procéder à certains rattrapages, par exemple pour les jeunes adultes n'ayant pas eu beaucoup de rendez-vous médicaux » avant la grossesse.

Le parcours type du suivi est en effet complet et régulier sur l'ensemble de la grossesse :

Le calendrier du suivi médical pendant la grossesse

Le parcours « type » avant la grossesse comporte obligatoirement :

sept consultations prénatales (dont la première avant le troisième mois de grossesse) ;

un entretien prénatal précoce (EPP)76(*) ;

un entretien avec l'anesthésiste-réanimateur.

S'ajoutent à cela :

trois échographies recommandées (une par trimestre) ;

un bilan de prévention prénatal ;

un bilan bucco-dentaire ;

des bilans sanguins mensuels ;

- et sept séances de préparation à la naissance et à la parentalité.

L'Assurance Maladie prend en charge sans avance de frais (hors dépassement d'honoraires éventuel) et à 100 %, les examens prénatals obligatoires, l'entretien prénatal précoce et les séances de préparation à la naissance et à la parentalité dès que la grossesse est déclarée. Les 2 premières échographies et le bilan prénatal de prévention réalisé avec une sage-femme sont remboursés à 70 %. À partir du premier jour du 6e mois, l'ensemble des actes sont pris en charge à 100 % (hors dépassement d'honoraires éventuel).

Source : ameli.fr, suivi et accompagnement de la femme avant et après la grossesse

En matière de ressenti, les résultats de l'enquête réalisée par l'institut CSA à la demande de la mission d'information montrent que le suivi de la grossesse est évalué très positivement par les femmes interrogées. Elles se déclarent à 94 % satisfaites ou très satisfaites de ce suivi pendant leur grossesse.

Toutefois, malgré des récents efforts d'optimisation, la prise en charge du suivi de la grossesse et de l'accouchement reste difficile à appréhender pour les femmes et les couples de parents.

Ce suivi fait ainsi intervenir de multiples acteurs parfois de façon concomitante exerçant tantôt en ville, en établissement de santé ou encore dans les services de la PMI. Médecins généraliste, sages-femmes, gynécologues se partagent le suivi sans réelle gradation de celui-ci en fonction de chaque situation.

Enfin, les nombreux rendez-vous médicaux et surtout les démarches administratives multiples peuvent également participer de cette confusion vis-à-vis du parcours de soins. Cette « insécurité maternelle » ainsi engendrée a été mise en avant par Agnès Evrard, co-présidente du collectif inter-associatif autour de la naissance lors de son audition : « le suivi de la grossesse et l'organisation des soins ont globalement été perçus comme[...] un réel facteur de stress et d'insécurité personnelle ou émotionnelle dès le début de la grossesse, avec la recherche du professionnel qui devra suivre la grossesse et une organisation morcelée renvoyant les femmes à des interlocuteurs multiples, pas toujours choisis, et ce jusqu'à leur retour à la maison »77(*).

De plus, la mission d'information a pu identifier une véritable problématique de continuité des soins notamment entre l'anténatal et le post-natal en partie liée à une coordination ville-hôpital à améliorer. Le déploiement de la stratégie des 1 000 premiers jours, de la grossesse aux deux ans de l'enfant, a notamment pour ambition de répondre à ce souci de continuité dans le suivi. L'ensemble des dispositifs doit être pleinement intégré dans un pilotage de cette stratégie, au risque que celle-ci ne se limite à une succession d'actions sans véritable cohérence78(*).

1. La sage-femme et le médecin généraliste, référents principaux de la grossesse et du suivi post-natal
a) La sage-femme au coeur de la prise en charge de la femme enceinte
(1) Un suivi de grossesse principalement effectué par les sages-femmes

Les conclusions de la dernière enquête nationale périnatale montrent que si le gynécologue-obstétricien reste le professionnel de santé majoritairement consulté pour le suivi et la surveillance de la grossesse (51,5 %), son importance diminue considérablement par rapport à 2016 au profit des sages-femmes.

Ainsi, près de 40 % des femmes ont bénéficié d'un suivi principalement assuré par une sage-femme, quand ce pourcentage n'était que de 23,3 % en 2016. Surtout, c'est la proportion du suivi de grossesse assuré par une sage-femme libérale qui est en forte augmentation passant de 8,5 % à 22,9 % en 202179(*).

Professionnel de santé principalement consulté
durant les six premiers mois de grossesse

 

2016

2021

Gynécologue-obstétricien libéral

49,7 %

39,4 %

Gynécologue-obstétricien en maternité / centre périnatal de proximité (CPP)

16,0 %

12,1 %

Médecin généraliste

6,5 %

4,3 %

Sage-femme libérale

8,5 %

22,9 %

Sage-femme en maternité /CPP

14,8 %

16,1 %

Médecins ou sage-femme de PMI

2,3 %

1,9 %

Plusieurs professionnels

2,2 %

3,3 %

Source : Enquête nationale périnatale 2021, Santé publique France

La place prise par les sages-femmes dans le suivi de la grossesse est également illustrée par le fait que, selon les chiffres fournis par l'Assurance maladie à la mission, 97,6 % des entretiens prénatals précoces sont réalisés par des sages-femmes, 1,3 % par des gynécologues-obstétriciens et 1 % par des médecins généralistes.

Les tensions dans l'accès aux soins en gynécologie-obstétrique et une meilleure visibilité des compétences des sages-femmes peuvent expliquer cette évolution particulièrement marquée.

Les résultats de l'enquête commandée par la mission d'information dans le cadre de ses travaux semblent montrer que cette évolution s'est poursuivie au cours des dernières années. Selon cette enquête, 51 % des femmes interrogées ayant accouché depuis moins de 2 ans ou enceintes au moment de l'entretien indiquent avoir eu comme personne de référence une sage-femme (30 % un gynécologue et 10 % un médecin généraliste).

Par ailleurs, la Cnam, dans sa réponse écrite au questionnaire, a indiqué qu'en 2023, 73 % des femmes ayant accouché cette année avaient vu une sage-femme en libéral pour des actes prénatals (526 000) et 75,3 % pour des actes post-natals (544 000).

(2) La « sage-femme référente » : un dispositif à amplifier et à mieux intégrer dans le parcours de soins

Mis en place depuis le 12 novembre 202380(*), le dispositif de sage-femme référente participe de l'amélioration du parcours de soins et de ce renforcement du rôle pivot de la sage-femme.

Ce dispositif, inscrit dans la loi du 26 avril 2021 relative à l'amélioration du système de santé, prévoit que la sage-femme référente est chargée d'accompagner la femme enceinte tout au long de sa grossesse et jusqu'à 14 semaines après l'accouchement, en lien avec les autres professionnels et l'établissement de santé intervenant dans sa prise en charge.

Selon les chiffres fournis par l'Assurance maladie à la mission d'information, au 31 janvier 2024, 2 325 sages-femmes avaient été déclarées comme référentes et près de 16 000 formulaires de déclaration avaient été reçus. Ce dispositif connaît donc une montée en charge rapide, d'autant plus que l'Assurance maladie a engagé une large campagne de promotion auprès des professionnels de santé afin de présenter le rôle de la sage-femme référente et la rémunération associée.

Par ailleurs, l'Assurance maladie a mis en place un forfait de santé publique pour les sages-femmes d'un montant maximal de 1 000 euros par an. Cet équivalent de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) des médecins est fondé sur six indicateurs81(*) visant à améliorer le suivi de la grossesse, la préparation de l'accouchement et l'accompagnement post-natal. La sage-femme n'est pas chargée de réaliser la totalité des séances ou examens prévus, mais elle est responsable du suivi du parcours.

La mission salue cette reconnaissance des compétences des sages-femmes et de la place centrale qu'elles doivent avoir dans le suivi des grossesses. Elle regrette toutefois une concertation de l'ensemble des professionnels de la santé périnatale parfois jugée trop faible, particulièrement en amont de la mise en oeuvre du dispositif. Or, un insuffisant dialogue entre les professionnels de santé peut être source d'incompréhensions et de méfiance quant à la place accordée à chacun dans le parcours de soins de la périnatalité.

Enfin, il apparaît que l'intégration de ce dispositif dans le parcours de soins doive encore être améliorée. En effet, son articulation avec d'autres programmes comme le référent « parcours périnatalité » (RéPAP), lancé en 2021, interroge.

Ce dernier consiste à proposer à toutes les parturientes et aux couples un accompagnement personnalisé pendant la grossesse et jusqu'aux trois mois de l'enfant. Les entretiens réalisés dans ce cadre viennent s'ajouter aux consultations de suivi de grossesse et ne donnent pas lieu à la réalisation d'actes de soins. Enfin, le référent peut être issu du secteur médico-social ou un médiateur en santé, ce qui peut être source d'une multiplication des acteurs du suivi.

La mission d'information partage ainsi le constat formulé par la Cour des comptes sur l'articulation entre ces dispositifs, considérant qu'il paraissait « contradictoire de promouvoir, d'une part, un dispositif d'accompagnement périnatal auquel peut contribuer une variété importante d'acteurs, dont les sages-femmes et, d'autre part, de consacrer ces dernières en tant que référentes uniques »82(*).

Ainsi, alors que le dispositif de la sage-femme référente vise à apporter une réponse pertinente aux enjeux de cohérence et de meilleure appropriation des parcours de grossesse, celui-ci doit désormais faire l'objet d'un véritable soutien au niveau national et d'une pleine intégration dans la stratégie des 1 000 premiers jours.

(3) Une amélioration du suivi anténatal à mener en clarifiant le rôle des différents acteurs et en apportant une vigilance particulière à la déclaration de grossesse au cours du premier trimestre

Le parcours de soins périnatal reste fondamentalement un parcours de soins pluriprofessionnel dont la coordination et la communication doivent encore être améliorés.

La prise en charge par un professionnel de santé connu des futurs parents permet de favoriser la relation de confiance et d'améliorer le dépistage des vulnérabilités. Surtout, si la place de la sage-femme dans le suivi est reconnue à hauteur de l'élargissement progressif de ses compétences, il est important que celle-ci soit mobilisée en tant que « professionnel de premier recours » et prenant prioritairement en charge le suivi des grossesses physiologiques, afin de permettre aux gynécologues-obstétriciens de se concentrer sur les profils plus complexes qui sont orientés vers eux. La proposition, formulée notamment l'UNSFF et le Collège national des sages femmes auprès de la mission, visant à la mise en place par la HAS d'un « profil à bas risque » qui pourrait automatiquement être suivi par une sage-femme, va dans ce sens.

L'orientation des femmes vers différents parcours en fonction du niveau de risque, y compris psycho-social, dès le premier trimestre se heurte toutefois à une réalité administrative. La déclaration de grossesse doit être réalisée dans les 14 premières semaines auprès de la caisse primaire d'assurance maladie (Cpam) et de la caisse d'allocation familiale (CAF).

Selon les résultats d'une enquête réalisée par les Cpam d'Île-de-France et transmis à la mission d'information, ces déclarations sont en moyenne reçues 13 semaines après le début de la grossesse, soit après la fin du premier trimestre de grossesse. Le taux de déclaration de grossesse en France au cours du premier trimestre, bien que toujours supérieur à 90 %, est en baisse entre 2010 et 2017. Ainsi ce taux est passé de 97 % à 93,4 % et seulement 78,6 % dans la région Grand Est83(*), sans que cette évolution et ces différences importantes ne fassent, à ce stade, l'objet d'explications.

C'est pourtant cette déclaration de grossesse qui entraîne le déclenchement de l'ensemble des procédures de suivi des femmes enceintes (ouverture d'un espace personnalisé sur le site de l'Assurance maladie, mise en place d'un calendrier personnalisé...) mais aussi la prise en charge des soins et le versement de certaines aides.

Dès lors, la réalisation du bilan prénatal de prévention ou de l'entretien prénatal précoce (EPP) arrive parfois assez tardivement dans la grossesse, voire n'est tout simplement pas effectuée. Le taux de réalisation de l'EPP n'était que de 62 % en 202284(*). De surcroît, selon les résultats de la dernière enquête nationale périnatale, 15,5 % des EPP ont eu lieu seulement au cours du dernier trimestre de grossesse en 2021.

Moment clé du suivi de grossesse et de la stratégie des 1 000 jours, celui-ci permet au professionnel de santé d'évaluer au mieux le besoin d'accompagnement, les vulnérabilités potentielles et de répondre aux interrogations quant au suivi de la grossesse et à l'arrivée du bébé. Il est essentiel que sa réalisation puisse intervenir le plus tôt possible et soit plus largement répandue. Dès lors, il paraît nécessaire d'améliorer l'information quant à la nécessité de réaliser la déclaration de grossesse le plus tôt possible, ainsi que de faciliter au maximum les modalités de celle-ci.

b) Un suivi du nouveau-né principalement assuré par le médecin généraliste dans un contexte de manque croissant de pédiatres

Alors que le suivi de l'enfant et en particulier du nourrisson peut être assuré par un spécialiste qu'est le pédiatre, il relève dans les faits principalement du médecin généraliste.

En 2014 déjà, Claude Leicher, président du syndicat MG France, déclarait : « Au regard de la prise en charge des enfants, le constat est simple : le médecin généraliste fait l'essentiel des actes de soins en ambulatoire. »85(*) Cette analyse est encore partagée dix ans plus tard par Mme Christèle Gras-Le Guen, co-présidente du comité d'orientation des Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant, qui a indiqué lors de son audition par la mission que les médecins généralistes assuraient environ 85 % des consultations d'enfants et étaient les médecins référents des familles.

Ainsi, comme le soulignait cette année Thomas Fatôme, directeur général de la Cnam86(*), « il y a une réalité quantitative. Nous avons 2 676 pédiatres libéraux et 47 900 médecins généralistes. La réalité de la prise en charge des enfants est donc par définition partagée. Il y a des territoires où il n'y a pas de pédiatres libéraux et c'est bien les médecins qui doivent prendre en charge. Mais nous avons absolument besoin des pédiatres et des médecins. »

Ce constat demeure, malgré une augmentation du nombre de pédiatres depuis une dizaine d'années. Au 1er janvier 2023, on dénombrait 8 740 pédiatres en France, soit une hausse de près de 13 % depuis 2012. Cette dynamique masque des évolutions contrastées et cache une crise de la spécialité pédiatrique.

En effet, si le nombre de praticiens hospitaliers a augmenté de 26 %, celui des pédiatres exclusivement libéraux connaît une baisse d'environ 15,5 %87(*). On compte, au 1er janvier 2023, seulement 2 101 pédiatres exerçant exclusivement en libéral sur le territoire. Cette évolution est cohérente avec les difficultés rencontrées par les familles pour faire suivre par un pédiatre leur enfant après la naissance.

Surtout, le nombre de pédiatres doit être mis en regard du nombre d'enfants. Ainsi, on compte en moyenne en France un peu moins de 13 pédiatres pour 100 000 habitants88(*) et 68,3 pour 100 000 enfants de moins de 15 ans89(*). En comparaison avec les pays de l'OCDE, la France figure à la 22e place sur 31 pays s'agissant de la densité de pédiatres par rapport à la population90(*).

En outre, de profondes inégalités territoriales existent. Ainsi huit départements comptent moins d'un pédiatre pour 100 000 habitants. Si l'Indre connaît une densité de pédiatres de 1,85 pour 100 000 habitants, ce chiffre s'élève à 45,8 à Paris et 21,75 dans le Val-de-Marne, les deux départements français les mieux dotés91(*).

De nombreux intervenants ont souligné les difficultés d'attractivité de la spécialité pédiatrique, évoquant les droits au remords utilisés par certains internes au regard notamment d'une charge de travail jugée excessive en pédiatrie, et posant la question de la revalorisation des actes.

· Cette réalité de la démographie médicale impose de renforcer la formation pédiatrique des médecins généralistes, alors même que les dernières évolutions du parcours de formation vont vers une diminution de celle-ci92(*). Plusieurs intervenants entendus par la mission ont ainsi déploré la nouvelle maquette de formation et de stages sur cette activité.

Évolution de la répartition des pédiatres en activité selon le mode d'exercice

*un professionnel est considéré comme exerçant en tant qu'autre salarié si l'ensemble de ses activités sont salariées, et au moins une non hospitalière

Source : Mission d'information selon les chiffres ASIP-Santé RPPS, traitements Drees, données au 1er janvier de l'année

Faute de professionnels en nombre suffisant, on notera que de plus en plus de sages-femmes libérales ouvrent des consultations de suivi pédiatrique précoce en partie à cause de cette pénurie de pédiatres.

En outre, les difficultés d'accès à un pédiatre libéral pour le suivi des nouveau-nés entraînent, faute de disponibilités, un report sur l'hôpital et les urgences pourtant déjà saturés et fragilisent d'autant plus l'hôpital.

Enfin, les représentants du syndicat national des pédiatres français ont également pu alerter lors de leur audition sur le fait que cette pénurie de pédiatres amène également une multiplication des consultations par des professions ni médicales ni para-médicales comme les ostéopathes, les naturopathes ou les chiropracteurs. Or, de telles consultations, sans supervision médicale, peuvent conduire à la réalisation d'actes contre-indiqués, à des conseils inappropriés, comme la poursuite d'un allaitement malgré une absence de prise de poids, ou à des diagnostics erronés d'allergie aux protéines du lait de vache.

2. Une préoccupation quant à la formation de l'ensemble des professionnels à la prise en charge de la périnatalité
a) Une formation aux enjeux de la périnatalité fragile en dehors des spécialistes

Au cours de ses travaux, la mission d'information a été particulièrement sensible aux questions relatives à la formation des professionnels de santé intervenant dans le champ de la périnatalité.

Sur la santé périnatale comme sur l'ensemble de la médecine en générale, la France montre un haut niveau de formation. En outre, la mission a pu constater que de plus en plus de professionnels hospitaliers, pédiatres ou gynécologues-obstétriciens, semblent s'orienter vers des sur-spécialisations.

La formation des sages-femmes parmi les plus longues et complètes d'Europe, sera enrichie à partir de la rentrée 2024 par une sixième année de formation et une ouverture sur la recherche. Les étudiants en maïeutique obtiendront désormais, après soutenance d'une thèse d'exercice, un diplôme d'État de docteur en maïeutique, remplaçant l'actuel diplôme d'État93(*).

Cependant, compte tenu du nombre de professionnels appelés à intervenir dans la prise en charge des parturientes et des nouveau-nés, la mission regrette les évolutions intervenues dans le contenu et les modalités des formations qui tendent à réduire la place des questions relatives à la périnatalité tout au long des différents cursus et estime que l'amélioration de la santé périnatale en France ne peut passer que par une amélioration des conditions de formation, initiale et continue, des professionnels de santé. Il ne s'agit pas ici de remettre en cause la grande qualité de l'enseignement fourni aux professionnels de santé mais d'appeler à une réorientation de son contenu, ainsi qu'à une réflexion sur son organisation.

(1) Renforcer la formation des médecins généralistes aux enjeux de la périnatalité

L'arrêté du 3 août 2023 portant modification de la maquette de formation du diplôme d'études spécialisées de médecine générale prévoit la mise en place d'un stage unique de six mois couplé entre la gynécologie et la pédiatrie. Ainsi, trois mois seulement sont désormais spécifiquement consacrés à la santé de l'enfant et à la pédiatrie.

Or, comme a pu l'indiquer lors de son audition Mme Christèle Gras-Le Guen, co-présidente du comité d'orientation des Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant, « cette réduction est absolument incompatible avec l'amélioration de la formation à la santé de l'enfant qui impose de pouvoir en examiner beaucoup »94(*). Dans une tribune publiée en avril 2024, plus de 1 000 professionnels de santé, notamment le Pr Rémi Salomon, président de la Conférence des présidents de CME des CHU, entendu par la mission, dénonçaient cette réduction de la formation à la santé des enfants des futurs médecins généralistes et appelaient à « maintenir la durée actuelle de formation en santé de l'enfant des médecins généralistes » afin « qu'une durée de six mois redevienne la règle »95(*). Toutefois comme l'a précisé Mme Christèle Gras-Le Guen devant la mission, ces six mois ne doivent pas être vus comme devant être exclusivement faits à l'hôpital et « peuvent se faire ailleurs, pourvu qu'ils soient consacrés à la santé de l'enfant » en faisant confiance à la qualité et à la compétence professionnelle des maîtres de stage universitaire en médecine générale.

La formation des médecins généralistes doit pouvoir couvrir des champs aussi variés que la prise en charge du nourrisson dans les premiers jours de vie, la parentalité et la maternité. Dès lors, il apparaît nécessaire que plus d'enseignants soient disponibles pour mieux former les médecins généralistes. Or, les augmentations des effectifs ne se sont pas toujours accompagnées de celles du nombre d'enseignants, notamment en pédiatrie et pédopsychiatrie.

Dans ce cadre, il apparaît nécessaire que la durée de la formation en pédiatrie des médecins généralistes soit portée de trois à six mois dans le cadre de la mise en place d'une nouvelle maquette de formation élaborée à la suite d'une véritable concertation avec les différents acteurs.

(2) Assurer une meilleure reconnaissance de leurs compétences et une formation modernisée aux infirmières puéricultrices

Depuis la mise en place du nouveau référentiel infirmier de 2009, la pédiatrie ne fait plus l'objet d'un enseignement dédié dans les instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi).

Dès lors, les jeunes infirmières et infirmiers peuvent donc être employés dans des services de réanimation néonatale et de soins intensifs en néonatalogie sans avoir eu au préalable de module spécifique dans ces domaines en formation initiale. Or, si cette situation représente une fragilité supplémentaire pour les services qui doivent accueillir ces jeunes professionnels et donc les former à ces activités, elle conduit en outre à une forme d'auto-censure de certains infirmiers et contribue à réduire l'attractivité de ces activités.

L'ordre des infirmiers, entendu par la mission d'information, appelle à la mise en place d'une véritable formation approfondie en soins pédiatriques pour tous les infirmiers diplômés d'État (IDE) en soins généraux. Le retour d'une formation approfondie en pédiatrie au sein du cursus des IDE apparaît nécessaire. Celui-ci doit s'accompagner d'une meilleure reconnaissance des infirmières-puéricultrices diplômées d'État (IPDE). Ces dernières constituent aujourd'hui les principales professionnelles de santé paramédicales formées spécifiquement à la pédiatrie.

Pourtant, le référentiel de formation des IPDE n'a pas été révisé depuis 1983 et fait partie des dernières spécialités à ne pas avoir été réformées. La spécialisation en puériculture passe par une formation de douze mois après l'obtention du diplôme d'État d'infirmier. Même si les établissements de formation ont su adapter leur enseignement, l'absence de cadre actualisé pèse sur l'adéquation de la formation avec l'évolution des besoins, ainsi que sur l'attractivité de la spécialisation.

Cette dernière connaît des difficultés pour recruter, notamment en raison du manque de reconnaissance du diplôme, qui ne correspond ni à une licence ou un master mais également du fait du manque de financement des établissements. Les frais de formation s'élèvent ainsi entre 8 500 et 12 000 euros l'année selon les représentants du Collège national des IPDE entendus en audition. Cela représente un coût certain qui peut dissuader de nombreuses candidatures. Par ailleurs, de plus en plus de contrats d'allocations d'études sont proposés par les ARS aux étudiants en soins infirmiers. Or, alors que ces contrats les engagent par la suite pendant 18 mois après la fin de leurs études, peu d'IDE reviennent ensuite en formation au regard des contraintes que cela engendre sur la vie professionnelle et personnelle.

Un alignement sur un niveau master de la formation, avec de la pratique avancée, pourrait faciliter par la suite le positionnement des IPDE au sein du système de santé périnatale. Cela permettrait aux IPDE d'exercer de nouvelles missions, tant à l'hôpital qu'en ville et en PMI en mettant en valeur la plus-value qu'apportent les puéricultrices dans leur formation et dans la prise en charge des enfants, renforçant ainsi l'offre de soins autour des pédiatres. L'infirmière puéricultrice pourrait également, en collaboration avec la sage-femme, participer à l'amélioration du suivi du nouveau-né et de la mère après l'accouchement. En effet, la sage-femme dispose d'une compétence adaptée au suivi des nouveau-nés jusqu'au 28e jour. La formation de la puéricultrice, plus large, pourrait lui permettre de prendre en charge le suivi du nouveau-né dans son environnement lors du retour à domicile quand la sage-femme se concentrerait davantage sur la santé de la mère.

(3) Adapter la formation des médecins urgentistes aux enjeux du transport pédiatrique et néonatal

La formation des personnels des structures mobiles d'urgence et de réanimation (Smur) aux problématiques liées au transport pédiatrique et néonatal revêt une importance particulière dans le cadre de l'avenir de la santé périnatale, notamment au regard de la prise en charge croissante du transport de grands prématurés.

La formation de ces professionnels doit également faire face à une difficulté majeure : la faiblesse relative de l'activité d'urgence néonatale et pédiatrique par rapport à l'ensemble des activités. De fait, selon l'adage populaire, « on ne fait bien que ce l'on fait souvent ». En d'autres termes, la compétence est parfois difficile à maintenir, alors même que le moindre faux-pas peut être fatal. La formation continue par la simulation en santé notamment est donc essentielle dans ce secteur.

Il s'agit également d'apporter une vigilance particulière à la formation des personnels exerçant dans le cadre des transferts infirmiers inter-hospitaliers (TIIH). Ces transferts de nouveau-nés qui ne relèvent pas de l'urgence d'un Smur ne doivent pas se faire aux dépens de l'activité de ces derniers. C'est pourquoi, il apparaît essentiel de maintenir une formation de qualité pour ces personnels (infirmiers expérimentés en réanimation néonatale, ambulanciers). L'amélioration des TIIH participe de l'amélioration globale du système de santé par l'optimisation de l'utilisation des lits dans les structures de soins critiques.

Les spécificités du transport néonatal et pédiatrique doivent être mieux intégrées dans les formations des personnels médicaux et paramédicaux (IDE, IPDE notamment) de ce secteur.

Enfin, l'amélioration du fonctionnement de l'aide médicale urgente dans la prise en charge des cas en néonatalogie ou en pédiatrie passe aussi par la formation des personnels chargés de la régulation des urgences. Il ressort de la synthèse du groupe de travail « Smur néonatal et pédiatrique », créé dans le cadre des assises de la pédiatrie, que la mise en place d'une formation diplômante spécifique à la régulation néonatale et pédiatrique intégrée aux diplômes existants consacrés à la régulation médicale pourrait permettre d'optimiser sensiblement la qualité et la rapidité des réponses apportées.

(4) Disposer d'une expertise néonatale et pédiatrique à tous les niveaux de la prise en charge

Tous les professionnels de santé présents en salle de naissance doivent pouvoir intervenir en urgence en cas de besoins liés à la situation du nouveau-né dans l'attente de l'intervention du praticien spécialisé. Cela impose des connaissances spécifiques.

Comme l'indique le Caro (Club anesthésie-réanimation en obstétrique) dans sa contribution écrite aux travaux, cela concerne également les médecins anesthésistes-réanimateurs qui prennent avant tout en charge la mère. Ainsi, concernant les anesthésistes-réanimateurs, le stage en maternité de trois mois minimum est trop court pour pouvoir appréhender la plus grande diversité possible de situations obstétricales. Dès lors, la mission appelle à ce que l'enseignement de la pédiatrie soit renforcé dans le programme de formation de tous les professionnels amenés à prendre en charge des enfants par la suite.

Par ailleurs, c'est une approche plus holistique de la prise en charge du patient, tant de la mère que du bébé dans son environnement, qui doit être développée dans le parcours de formation afin de permettre une meilleure détection des problématiques de santé mentale mais aussi de violence ou de comportements à risques.

La mission d'information estime qu'un plan spécifique de formation des professionnels de santé (puéricultrices, sages-femmes, pédiatres, obstétriciens...) à la prise en charge des problématiques de santé mentale et au repérage des situations à risques est indispensable.

Tous les acteurs entendus par la mission ont alerté sur la dégradation de la santé mentale des femmes96(*) et les chiffres déjà cités dans ce rapport obligent à réagir. La santé mentale n'est pas imprégnée dans la culture de la formation aujourd'hui et il semble primordiale de sensibiliser le plus tôt possible les acteurs à ces enjeux afin d'améliorer la prise en charge. Lors de son audition par la mission, le Dr Lucie Joly, psychiatre à l'hôpital Saint-Antoine, a insisté sur le rôle central que pourraient jouer les sages-femmes dans ce domaine en tant que « premier rempart » contre la dégradation de la santé mentale des femmes. Elle a pu alerter sur l'inégale répartition sur le territoire des offres de formation en psychiatrie périnatale dans le cursus de maïeutique et appeler à la création d'une « surspécialité en psychiatrie périnatale », qui inclurait « des stages dans des unités de psychiatrie périnatale ou des unités parents-bébé »97(*).

Enfin, la mission souhaite qu'une réflexion puisse être menée sur le renforcement des interactions entre les différentes formations des professionnels de santé. Les formations en « silo » de chaque profession nuisent à la connaissance mutuelle des compétences de chacun et rendent plus difficile le travail pluridisciplinaire par la suite. Les différents professionnels doivent pouvoir bénéficier au cours de leur formation d'enseignements dispensés par d'autres professionnels issus de spécialités avec lesquelles ils seront amenés à travailler. Les interactions avec les enseignants de pédiatrie dans les écoles de sages-femmes doivent à ce titre être renforcés.

b) Une meilleure coordination des professionnels de santé et une formation continue efficiente indispensables pour améliorer la prise en charge de la mère et du nouveau-né
(1) La formation continue au centre de l'amélioration des pratiques

Sur le plan de la formation continue, les travaux de la mission ont également permis d'identifier des lacunes préjudiciables à l'ensemble du système de santé. Par exemple, les sages-femmes, comme les autres praticiens de santé, disposent d'une obligation de formation continue sur une période de trois ans, dans le cadre du développement professionnel continu (DPC)98(*) dont elles doivent rendre compte auprès de leur ordre. Les médecins hospitaliers disposent également de 15 jours de formation mais non obligatoires. En pratique, ces jours ne sont que très rarement pris dans leur totalité car, d'une part, beaucoup de professionnels « s'autocensurent sur le nombre de formations réalisées chaque année »99(*) de peur de mettre en difficulté leurs collègues en raison des tensions sur les effectifs au sein des équipes et, d'autre part, la prise en charge par les établissements de santé de ces formations, souvent coûteuses, n'est pas « systématique et souvent incomplète »100(*).

Afin d'améliorer la diffusion de l'expertise néonatale et pédiatrique auprès des professionnels de santé et l'amélioration des pratiques, le développement des formations dites de « simulation en santé » doit être encouragé. Ces formations, dont l'importance est rappelée dans la Stratégie nationale en santé, visent selon la HAS « à l'utilisation d'un matériel, de la réalité virtuelle ou d'un patient dit standardisé pour reproduire des situations ou des environnements de soins, pour enseigner des procédures diagnostiques et thérapeutiques et permettre de répéter des processus, des situations cliniques ou des prises de décision par un professionnel de santé ou une équipe de professionnels ».

Largement utilisée dans le cadre de la médecine d'urgence et de la formation des équipes intervenants dans les Smur, cette méthode de formation permet de faire progresser la culture de sécurité et d'améliorer la connaissance mutuelle des équipes et des rôles de chacun dans un souci d'efficacité de l'action en santé. Elle permet aussi à tous les acteurs d'acquérir ou de maintenir des compétences face aux situations d'urgence et notamment de réanimation néonatale. La sage-femme doit ainsi savoir anticiper les situations à risques, alerter les personnes nécessaires et préparer le matériel de réanimation néonatale à l'avance.

Par ailleurs, des mises à jour régulières et, le cas échéant, obligatoires pourraient être mises en place pour les médecins qui sont amenés à ne pratiquer que peu fréquemment une activité obstétrique. Ces formations pourraient être orientées en priorité vers les médecins ayant une activité mixte ou exerçant dans des structures ayant une activité de maternité réduite.

La formation continue est essentielle à l'amélioration des pratiques, leur actualisation et, globalement, au renforcement du système de santé périnatale. Lors de son audition par la mission, la Haute Autorité de santé a présenté le dispositif d'accréditation dédiée aux spécialités médicales à risque. Cette accréditation constitue selon la HAS « un label de qualité pour la pratique des spécialités à risque » notamment la gynécologie-obstétrique ou l'anesthésie-réanimation. Suivie sur la base du volontariat, elle s'intègre dans l'obligation de développement professionnel continu des professionnels de santé et est proposée aux médecins mais aussi aux équipes dans leur ensemble, ce qui est particulièrement intéressant dans le domaine de la santé périnatale qui fait intervenir de nombreux professionnels en équipe. Selon les chiffres fournis par la HAS, environ 10 000 médecins sur les 35 000 éligibles se sont engagés dans ce processus d'accréditation. Concernant plus spécifiquement la spécialité de gynécologie- obstétrique, au 31 décembre 2023, 1231 médecins sur 4928 éligibles et 26 équipes, dont 20 dans le secteur privé, sont accrédités. Le faible nombre d'équipes dans le secteur public interpelle et il semble essentiel de promouvoir l'accréditation notamment en améliorant son intégration dans les plans de formation et en limitant la charge administrative liée à l'engagement dans ce processus.

Ce dispositif doit être renforcé et faire l'objet d'une communication spécifique auprès des professionnels de santé mais aussi des présidents de commission médicale d'établissement (CME) et des directeurs d'hôpitaux publics et privés, afin de mobiliser les équipes pour qu'elles s'engagent dans cette démarche.

Ce besoin de formation continue doit également se faire en coordination sur les territoires afin de répondre de façon cohérente aux besoins spécifiques.

(2) Les dispositifs spécifiques régionaux de périnatalité : un acteur incontournable de la coordination des professionnels de santé

Les parcours de soins en périnatalité font intervenir une multitude d'acteurs, de façon successive ou simultanée, exerçant aussi bien à l'hôpital, en PMI, en libéral, dans des établissements de santé publics ou privés. Ces parcours doivent pouvoir faire preuve d'une grande adaptabilité en fonction de l'évolution de la situation médicale mais aussi socio-économique de la femme enceinte, puis des parents et du bébé en post-partum. Dès lors, la coordination de l'ensemble de ces acteurs sur les territoires constitue un des défis majeurs du système de santé périnatale. Cette coordination a deux objectifs : améliorer l'efficacité des prises en charge, notamment des plus complexes, entre les acteurs de santé d'un territoire, et améliorer les connaissances des acteurs entre eux, de la réalité de leur travail et de leurs compétences afin qu'ils puissent oeuvrer ensemble et non en concurrence.

À titre d'exemple, dans sa réponse au questionnaire transmis par la rapporteure, le syndicat national des pédiatres français indique qu'il est « important de pouvoir articuler les demandes d'avis entre les pédiatres hospitaliers et les pédiatres libéraux afin de ne pas saturer l'hôpital. Alors que tous les pédiatres libéraux connaissent ou ont connu l'univers hospitalier, l'écrasante majorité des pédiatres hospitaliers ne connaissent pas l'univers libéral ». Spécifiquement dans ce cas, la diffusion des expertises et la mise à disposition d'espaces d'échanges sont essentielles à la qualité du système de soins.

Dans ce contexte, les 36 dispositifs spécifiques régionaux de périnatalité (DSRP)101(*) recensés fin 2022 sont appelés à jouer un rôle central. Cette fonction de coordination des acteurs constitue d'ailleurs une des six priorités de l'action de ces réseaux fixées par l'instruction ministérielle du 3 août 2023102(*). Les DSRP peuvent faciliter les échanges entre les professionnels de santé. En effet, comme a pu l'indiquer Mme Isabelle Jordan, coordinatrice du réseau AURORE en Auvergne Rhône-Alpes, le DSRP, sur chaque territoire, « joue un rôle important d'harmonisation des pratiques, pour proposer des formations, pour rédiger des protocoles, ou encore pour l'articulation hôpital-ville-PMI » et dispose de « liens privilégiés avec les unions régionales des professionnels de santé (URPS) ».

Afin d'améliorer l'action des DSRP, le mouvement de création dans chaque région d'une entité juridique unique, avec le cas échéant des déclinaisons territoriales, doit être poursuivi103(*). En Île-de-France, il existe aujourd'hui sept réseaux de santé en périnatalité territoriaux, auxquels s'ajoutent un réseau de suivi des enfants vulnérables territorial (RPSOF) et trois réseaux régionaux thématiques104(*). De façon générale, la multiplication des instances aux compétences parfois difficilement identifiables peut nuire à la lisibilité et à l'efficacité du système de santé dans sa globalité. Avec l'aide des ARS, les DSRP doivent oeuvrer avec les autres acteurs chargés de la coordination des professionnels au niveau régional et notamment les dispositifs d'appui à la coordination (DAC) et les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Ils doivent également développer l'intégration des réseaux de suivi des enfants vulnérables (RSEV). Concernant ces derniers, l'amélioration du maillage et de la couverture de l'ensemble du territoire doit être poursuivi.

Toutes ces actions (amélioration des parcours de soins et coordination des acteurs) rendent nécessaire le déploiement de ressources numériques et de systèmes d'information solides. En effet, comme l'indique le réseau OREHANE (Hauts-de-France) dans sa contribution écrite, « l'absence de dossier périnatal unique centré sur la patiente engendre des difficultés de prise en charge et de continuité des soins ».

La mise en place de systèmes d'information interopérables et les outils de partage d'informations médicales sont indispensables afin d'éviter le morcèlement du suivi et la perte d'informations. La coexistence au sein d'un même groupement hospitalier de territoire de plusieurs systèmes d'information parfois non compatibles entre eux est un frein majeur à la performance du système de santé. L'absence de dossier périnatal partagé empêche ainsi parfois les équipes médicales d'un centre hospitalier prenant en charge une patiente transférée de disposer d'informations quant aux soins et aux actes qui ont déjà pu être réalisés.

Face à la multiplication des initiatives locales pour répondre à la nécessité de communication et plus généralement face aux difficultés engendrées par l'obsolescence de certains systèmes d'information et les coûts de maintenance, il convient de s'interroger sur les résultats des plans de modernisation du numérique en santé.

Enfin, la mission d'information souhaite insister sur l'importance de la relation entre les ARS et les DSRP. Les réponses des différents acteurs entendus par la mission montrent à quel point l'efficacité de l'action des DSRP est parfois dépendante de la qualité des échanges avec leurs interlocuteurs au sein des ARS. Un dialogue fructueux peut ainsi s'interrompre parfois brutalement à la suite d'un simple changement de référent. Il est nécessaire d'oeuvrer à l'amélioration des relations entre ces instances. Les organes de réunion de professionnels de terrain que sont les DSRP doivent trouver leur juste place en accompagnement direct du pilotage administratif et politique conduit par les ARS.

3. Une indispensable redéfinition de la place et des missions des PMI

Placés sous l'autorité du président du conseil départemental, les services de protection maternelles et infantiles (PMI)105(*) assurent gratuitement des missions de santé publique et de prévention médico-sociale à destination des femmes enceintes, des parents et des enfants de moins de six ans, ainsi que des activités de planification familiale et d'éducation familiale, par le biais de consultations dans des centres fixes et de visites à domicile (VAD).

La PMI fait intervenir de nombreux professionnels spécialisés dans le suivi de la femme enceinte et des enfants. Les équipes sont ainsi formées de médecins, sages-femmes, infirmiers, auxiliaires de puériculture mais aussi psychologues, conseillers familiaux et éducateurs de jeunes enfants.

a) Une activité sous tension, avec des moyens inégaux selon les territoires

Le nombre de centres fixes de consultations de PMI a diminué de 16 % en dix ans, passant de 5 200 en 2012 à 4 358 en 2021, selon des chiffres de la Drees106(*).

Évolution du nombre de points fixes de consultations de la PMI
en France entre 2012 et 2021

Source : Mission d'information sur l'avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale d'après les chiffres de l'enquête « Aide sociale » de la Drees. Chiffres hors Mayotte

Les services de PMI sont organisés de façon très différente en fonction des départements. Lors de son audition par la mission, le Dr Arielle Le Masne, chargée d'expertise scientifique interactions précoces - 1 000 premiers jours au sein de la direction de la prévention et de la promotion de la santé de Santé publique France, a ainsi souligné que les PMI maillaient le territoire « de façon hétérogène, en fonction de décisions locales » et que ces services, souvent, « géraient la pénurie de professionnels »107(*). Marie-Paul Chesneau, représentante des Départements de France a fait le même constat en indiquant que les PMI devaient « prioriser [leurs] missions au regard de [leurs] moyens RH, qui sont très insuffisants »108(*).

Les services de la PMI sont financés dans le cadre du budget général voté par chaque département. Les écarts de financement peuvent ainsi être particulièrement importants. En 2017, selon le rapport précité de Michèle Peyron, la dépense moyenne de PMI par enfant de 0-6 ans, était de 344 euros par enfant dans le Val-de-Marne, contre moins de 10 euros par enfant en Ariège, en Eure-et-Loir, en Savoie ou en Gironde109(*).

Il est particulièrement difficile d'assurer un suivi de l'activité réelle des PMI faute d'éléments de suivi suffisants. Dans son étude sur la protection maternelle et infantile publiée en mars 2022, la Drees insiste sur le défaut de déclaration d'actes, indiquant que, fin 2019, 19 départements n'avaient déclaré aucune consultation en faveur des mères au cours de l'année110(*).

Cependant, dans sa réponse écrite au questionnaire transmis par la rapporteure, la plateforme « Avenir de la PMI » évoque notamment l'étroite corrélation entre le nombre et les modalités de prise en charge et la « lisibilité de l'action de la PMI, l'organisation structurelle du service [...], la présence d'un médecin directeur à la tête du service [...], la volonté politique des départements de garantir une action en santé préventive et en santé sexuelle ». En outre, lors de la table ronde avec des représentants des collectivités territoriales, Mme Marie-Paule Chesneau, vice-présidente du conseil départemental de Maine-et-Loire en charge de la prévention, a par exemple valorisé les résultats des actions de prévention du département via les centres de santé sexuelle, qui se sont accompagnées d'une diminution du nombre de grossesses chez les mineures de 75 % entre 2013 et 2021111(*).

b) Un rôle et des missions en mutation

Parallèlement à la baisse constatée du nombre de points fixes de PMI sur le territoire, la Drees souligne dans son étude112(*) publiée en 2022 la forte baisse des actions des PMI à destination des enfants et des mères sur dix ans, et particulièrement depuis 2019, un constat déjà mis en avant par la Cour des comptes dans son rapport relatif à la santé des enfants113(*).

Si les actions à destination des enfants (consultations et visites à domicile) représentent la majorité de l'activité des services de PMI (58 % de l'ensemble en 2019), elles ont diminué de 4,5 % en moyenne par an114(*). Il en est de même pour les consultations et visites à domicile à destination des mères qui diminuent de près de 30 % entre 2016 et 2022. Les chiffres issus de l'enquête « Aide Sociale » menée par la Drees en 2022 confirment cette tendance que la seule diminution du nombre de naissances en France ne suffit pas à expliquer.

Évolution du nombre de consultations et visites à domicile des services de PMI

(en milliers)

Source : Mission d'information sur l'avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale d'après les chiffres de l'enquête « Aide sociale » de la Drees - chiffres hors Mayotte - chiffres non redressés pour 2022 

Les acteurs entendus par la mission d'information ont alerté sur le déplacement progressif des missions de la PMI vers ses missions relatives à la protection de l'enfance et le suivi des modes d'accueils. Les équipes de la PMI seraient ainsi « happées » par d'autres missions très consommatrices de temps dans un contexte global d'augmentation des exigences règlementaires et de renforcement des contrôles des établissements et des assistants maternels. C'est le constat également partagé par la Cour des comptes qui dans son récent rapport sur la politique de périnatalité115(*) indique qu'en 2019, 70 % des départements présentaient un volume d'activité inférieur à la norme concernant les consultations prénatales, alors que les effectifs de sages-femmes et de puéricultrices étaient conformes aux normes.

Dans ce cadre, il semble important de veiller à ce que la mission de prévention en santé, et notamment en santé périnatale des PMI, soit préservée et d'éviter un glissement vers une mission unique de protection de l'enfance.

c) Une image dégradée et une universalité mal appréhendée

Destinée à toutes les familles, l'action des services de PMI s'oriente dans les faits prioritairement vers les publics les plus vulnérables.

Les personnes entendues par la mission d'information ont témoigné de la précarisation croissante du profil des personnes reçues par les services de la PMI. Les cas de familles en grande précarité, dans des logements insalubres, sans couverture sociale se multiplient. Or cette complexification des profils et des besoins implique souvent des consultations plus longues et plus difficiles, qui participent de la saturation des services de PMI.

Elle met en outre en difficulté les personnels de la PMI qui, face à des situations de détresse, manquent d'accompagnement et de formation pour apporter les réponses adéquates. Anne Evrard, co-présidente du CIANE, a ainsi fait part à la mission d'un témoignage d'une employée de PMI qui « n'arrivait à remplir sa mission qu'au prix d'efforts la conduisant à rentrer tous les soirs chez elle avec une immense frustration »116(*).

Par ailleurs, la mission a été interpellée sur l'image que renvoyaient les services de PMI : certaines familles redoutent ainsi d'y trouver non pas une aide mais un service de contrôle du bon traitement de leur enfant, voire assimilent PMI et protection de l'enfance. Pour modifier cette perception de la PMI, les conclusions des Assises de la pédiatrie préconisaient de les transformer en « Maison des 1 000 jours et de l'enfant ». Marie-Paule Chesneau, représentante des Départements de France, insistait également sur la nécessité de « donner une autre image de la PMI » et évoquait pour cela la possibilité de « revoir la terminologie »117(*).

Dans son rapport « Pour sauver la PMI, agissons maintenant » en 2019, Michèle Peyron, députée de Seine-et-Marne, indiquait que seul 13 % des examens obligatoires des 0-6 ans étaient couverts par les services de la PMI et fixait un objectif à atteindre de 20 %118(*). Plusieurs intervenants entendus par la mission ont rappelé le caractère universel de la PMI qui doit être envisagée comme un dispositif à la disposition de tous et non seulement des personnes en difficulté sociale ou économique. Si elle joue un rôle spécifique dans le repérage des vulnérabilités sociales ou médicales, notamment par le développement des dispositifs « d'aller vers », la PMI, au regard de son implantation dans les territoires et de l'expertise de ses équipes, ne peut se limiter à cela. Renouer avec la dimension universelle de la PMI implique toutefois « de se donner les moyens d'y parvenir » selon les mots employés par Adrien Taquet, ancien secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles et co-président du comité d'orientation des Assises de la pédiatrie, lors de son audition par la mission.

d) Pour une PMI au coeur de l'accompagnement et du suivi périnatal
(1) Conforter le rôle pivot des PMI entre les différents acteurs

La PMI assure une fonction très précieuse en maillant le territoire au plus près des besoins des populations. Dans le cadre de la politique des 1 000 premiers jours, ce maillage doit être utilisé pour renforcer le suivi périnatal sur l'ensemble du territoire. Le déploiement des « Maisons des 1 000 premiers jours » doit se faire en cohérence avec le maillage existant des PMI en privilégiant l'enrichissement des PMI d'une mission globale d'accompagnement à la parentalité et au développement du bien-être de l'enfant, plutôt que la création de nouvelles structures qui viendraient complexifier davantage le paysage de l'accompagnement et du suivi de la santé périnatale119(*).

L'action de la PMI doit également pouvoir s'inscrire en complément de celle des centres périnatals de proximité et des maternités. Les acteurs de la périnatalité sur l'ensemble du territoire doivent faire l'objet d'une sensibilisation accrue au rôle de la PMI. Selon l'ENP 2021, seuls 51,4 % des établissements de santé déclaraient que les patientes étaient « systématiquement informées sur le rôle et les moyens de contact de la PMI » pendant leur séjour. Ce chiffre montait à 73 % dans les maternités de type 3 contre seulement 44,7 % dans les maternités de type 1120(*). Comme évoqué précédemment, le rôle de coordination des dispositifs spécifiques régionaux de périnatalité (DSRP) afin de renforcer et de simplifier l'articulation hôpital-PMI-ville est alors essentiel.

Les antennes de PMI au sein des maternités, la mise en place de « staff médico-psycho-social » (SMPS) ou encore la présence de puéricultrices de liaison PMI participent de la meilleure connaissance de ces structures et améliorent de fait le suivi post-natal des mères et de leurs enfants.

Ainsi, lors de son déplacement en Bretagne, la mission d'information a pu constater que l'antenne de la PMI au sein du groupement hospitalier Brocéliande-Atlantique de Vannes permettait d'améliorer le relai entre l'hôpital et la PMI. Cela permet également au centre hospitalier d'informer plus facilement les professionnels de la PMI des parents et enfants à suivre particulièrement après le retour au domicile.

Autre exemple de coopération entre acteurs hospitaliers, de ville et de PMI, le dispositif spécifique régional de périnatalité Nouvelle-Aquitaine a évoqué la mise en place d'un suivi prénatal réalisé dans le cadre d'un GHT et coordonné avec les sages-femmes libérales et de PMI du bassin, afin de disposer d'un suivi en proximité tout en identifiant mieux les souhaits et les besoins d'accouchements des futures mères.

Alors que les expériences de locaux partagés ou de présence d'antennes de PMI au sein même des maternités ou de centres périnatals de proximité ont montré leur pertinence, il convient de poursuivre de telles expérimentations. Ces coopérations doivent également pouvoir se faire avec les maisons des 1 000 premiers jours ou encore les structures d'accueils pour les femmes victimes de violences, afin d'offrir autant que possible des lieux facilement identifiables et un accompagnement et un suivi coordonnés.

Le lien ville-PMI peut quant à lui en outre être amélioré par la formation des médecins généralistes au suivi pédiatrique de l'enfant, ainsi que par le développement de la possibilité de stages en PMI leur permettant de mieux connaître ces modalités de travail au sein d'équipe pluridisciplinaires. Cela pourrait encourager un plus grand nombre de médecins à pratiquer un exercice mixte. Il en est de même pour les sages-femmes dont l'exercice mixte en libéral et en PMI doit être favorisé.

La mission d'information regrette que ces actions de coopération restent encore trop souvent dépendantes de la bonne volonté des acteurs locaux et de leur engagement quotidien, et souffrent d'un défaut de pilotage national. Dans ce cadre, elle accueille favorablement la mise en place d'un pilotage de l'action des PMI annoncée dans les conclusions des Assises de la pédiatrie, ainsi que le renforcement du dialogue territorial au niveau départemental par le développement de la contractualisation prévue au titre de la stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance 2020-2022 (SNPPE). Cette dernière intègre plusieurs objectifs spécifiques à la santé périnatale, comme des cibles concernant l'entretien prénatal précoce.

(2) Renforcer l'attractivité des services de la PMI

Pour donner à la PMI les moyens d'assurer ses missions, il apparaît nécessaire également de réfléchir à l'attractivité de l'exercice au sein de ces structures afin d'inciter des professionnels, notamment les médecins, à s'engager.

En effet, le nombre de médecins en exercice dans les PMI diminue de façon continue depuis une dizaine d'années.

Évolution des ETP PMI 2010-2016-2019

* Derniers chiffres redressés disponibles

Source : Mission d'information sur l'avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale, d'après les chiffres de l'enquête « Aide sociale » de la Drees. Chiffres hors Mayotte

Concernant la révision des normes minimales d'effectifs et les objectifs de santé publique fixés aux services de PMI prévus à l'article L. 2112-4 du code de la santé publique, la mission d'information se félicite que les conclusions des Assises de la pédiatrie prévoient enfin la mise en oeuvre d'une disposition adoptée par le Parlement plus de deux ans après son adoption121(*).

La définition de ces nouvelles normes minimales doit se faire en concertation avec l'ensemble des parties prenantes (ministère, départements, représentants des professionnels de santé et des personnels de PMI...) et s'accompagner d'autres mesures concernant notamment la revalorisation des professionnels de la PMI, afin que ce nouvel encadrement réglementaire ne soit pas inopérant avant même sa mise en place effective. Ceci est particulièrement vrai pour les médecins de PMI, en valorisant notamment les passerelles entre secteurs d'exercice. Le rapport des Assises de la pédiatrie remis en juin 2023 au Gouvernement préconisait notamment la mise en place d'un statut de médecin de la fonction publique122(*). La réflexion sur cette revalorisation doit pouvoir concerner également l'ensemble des professionnels intervenant au sein de la PMI, dont les sages-femmes et les puéricultrices.

(3) Clarifier le financement de certains actes de PMI

Le financement des services de PMI, assuré par les départements, appelle à être revu et mieux coordonné avec les prises en charge par l'Assurance maladie123(*).

L'Assurance maladie participe au financement des PMI, aux côtés des départements, via un paiement à l'acte. Ainsi les actes des médecins et des sages-femmes qui sont cotés et inscrits à la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) sont remboursés. Mais ces actes facturables font l'objet d'une sous-déclaration massive en raison de problématiques souvent très concrètes comme le bon fonctionnement des terminaux de facturation des actes (TLA). Faute de temps disponible pour les tâches administratives, les professionnels de santé de PMI ne peuvent que difficilement saisir a posteriori dans le logiciel les actes qui n'ont pu être facturés initialement.

L'Assurance maladie a récemment lancé plusieurs initiatives visant à mieux accompagner les PMI dans la facturation de leurs actes. Plus globalement une réflexion sur l'automatisation du remboursement des actes de PMI dans le cadre de la stratégie numérique en santé pourrait être engagée.

De plus, alors même qu'une très grande partie des actes des PMI sont effectués par des infirmières puéricultrices (comme de nombreuses visites à domicile), ces actes ne peuvent pas, faute de nomenclature pour leur cotation, être remboursés. En outre-mer, les infirmières puéricultrices réalisent pourtant déjà de nombreuses consultations autonomes de suivi infantile.

La création d'une nomenclature pour les actes des puéricultrices permettrait de sécuriser davantage le budget des PMI, qui pourraient ainsi facturer un nombre d'actes plus important.

Une telle nomenclature ne paraît pas en projet aujourd'hui, la Cnam priorisant les travaux de nomenclature sur les actes pour lesquels il existe des professions libérales. Or Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à la gestion et à l'organisation des soins, a indiqué, lors de son audition qu'à ce stade aucune demande de création d'une profession d'infirmière n'avait été formulée en raison, entre autres, d'un modèle économique encore difficile à mettre en place.

Recommandation n° 5 : Assurer un modèle viable de financement des services de protection maternelle et infantile (PMI) et clarifier la prise en charge de certains actes entre les départements et l'Assurance maladie.

C. MIEUX ACCOMPAGNER LES PARENTS FACE AUX RISQUES DE LA PÉRIODE POST-PARTUM

Les principales lacunes identifiées par les femmes interrogées dans le cadre de l'enquête d'opinion réalisée par l'institut CSA à la demande de la mission portent sur le post-partum. Si l'immense majorité des parents sont satisfaits de la prise en charge de la grossesse comme de l'accouchement, les appréciations portées sur la prise en charge après l'accouchement sont plus mitigées. Une femme sur cinq déclare ne pas être satisfaite des informations communiquées sur l'après-accouchement et ne pas avoir bénéficié d'un suivi post-natal.

1. Des problématiques de santé mentale mieux identifiées mais insuffisamment prises en charge
a) Une attention bienvenue pour les problématiques de santé mentale

Les évolutions de la société et notamment les mouvements féministes ont permis une libération de la parole et une prise de conscience des difficultés associées à la grossesse, l'accouchement et la maternité de façon plus générale.

L'enquête d'opinion réalisée par l'institut CSA montre que 96 % des femmes ayant accouché entre 2022 et 2024 connaissent la dépression du post-partum et y ont été sensibilisées par le personnel soignant, leur entourage, des reportages, des articles ou des réseaux sociaux.

Cependant, les professionnels de santé entendus par la mission ont témoigné de la culpabilisation et de la stigmatisation encore trop associées à la dépression périnatale. Il semble qu'en outre certaines femmes craignent que leur enfant leur soit retiré en raison de leur état dépressif et répugnent donc à faire état de leur souffrance auprès des professionnels.

Les réseaux sociaux jouent un rôle ambivalent en la matière. Ils diffusent des images d'une maternité idéale qui peuvent être anxiogènes. Pour autant, ils peuvent également jouer un rôle positif dans la libération de la parole, comme cela peut être le cas autour du mot clé #MonPostPartum. Élise Marcende, présidente de l'association Maman Blues a résumé cette ambivalence par ces mots : « Il y a vingt ans, on ne parlait pas de la santé mentale périnatale comme on le fait aujourd'hui. Les femmes étaient vues comme des folles lorsqu'elles évoquaient leurs difficultés. Les réseaux sociaux et leurs photos instagrammables d'une maternité idéale peuvent être très anxiogènes, mais il existe aussi de nombreux comptes sur lesquels les femmes évoquent leurs souffrances psychiques ou périnatales, mais aussi tous les aspects de la maternité. »

La communication autour des problématiques de santé mentale et des symptômes qui doivent amener à consulter, en particulier sur les réseaux sociaux des institutions publiques, est la bienvenue. Elle permet de sensibiliser les professionnels, les femmes concernées mais également leur entourage, qui a un rôle d'appui en la matière.

Dans ce cadre, alors que la Haute Autorité de santé doit publier en septembre 2024 une recommandation de bonne pratique portant sur le repérage, le diagnostic et la prise en charge des troubles psychiques périnatals, la mission appelle à utiliser tous les relais de communication possibles, y compris sur les réseaux sociaux, pour donner davantage de visibilité à ces problématiques.

b) Renforcer le repérage précoce des vulnérabilités psycho-sociales et des fragilités psychiques

Les professionnels doivent être en mesure de faire la distinction entre baby blues et dépression du post-partum et de repérer les symptômes qui relèvent de la dépression.

Dès lors, il convient de renforcer la sensibilisation et la formation des professionnels, et notamment des sages-femmes, à l'identification des symptômes dépressifs, ainsi qu'au repérage des vulnérabilités médicales, psychiques et sociales (notamment des situations de précarité et de violences) qui constituent des facteurs de risque de dépression au cours de la grossesse et après l'accouchement, et peuvent donc permettre d'anticiper ce risque dès la période prénatale.

Sur le site de pédagogie numérique en santé, il existe depuis 2023 un Mooc124(*) sur la santé mentale périnatale au cours des 1 000 premiers jours, dont l'accès est gratuit et dont la consultation devrait être recommandée à tous les professionnels de la périnatalité. Lors de son audition, le Dr Lucie Joly, psychiatre à l'Hôpital Saint-Antoine, responsable de l'unité de psychiatrie périnatale commune aux hôpitaux Pitié-Salpêtrière, Tenon et Armand-Trousseau, a également suggéré une surspécialisation en psychiatrie périnatale à envisager pour les sages-femmes, afin de les former au repérage précoce.

Afin de faciliter le repérage des fragilités psychiques, les professionnels peuvent s'appuyer sur différents outils. Ainsi, le questionnaire EPDS (inventaire de dépression post-natale d'Édimbourg) facilite l'identification de la dépression du post-partum.

En partenariat avec la maternité Saint Joseph, le centre de psychopathologie périnatale du GHU Paris propose à toutes les femmes qui y accouchent de bénéficier d'un dépistage systématique, via le questionnaire EPDS, et un rendez-vous avec les professionnels de santé mentale du centre est organisé pour toutes celles qui ont un score relevant un risque de dépression.

La mise à disposition du questionnaire EPDS sur le site et l'application des 1 000 premiers jours, depuis 2021, ainsi que sur de nombreux sites partenaires (dont la Caf, Doctissimo, Maman blues, Parents.fr), permet aux parents de répondre en autonomie à des questions et d'être mis, sur demande, en relation avec une personne pouvant les orienter vers une prise en charge. 125 000 tests ont été passés entre juillet 2021 et mars 2024 selon les statistiques disponibles sur le site125(*). Cependant, il semble qu'aucune pérennisation de ce dispositif « 1 000 jours blues » ne soit prévue, faute de moyens humains et financiers.

Pour compléter et peut-être prendre le relai de cette solution, l'équipe du Dr Lucie Joly à l'AP-HP développe actuellement une application numérique SmartPartum destinée au dépistage numérique des symptômes de dépression du post-partum et à la prise en charge des patientes, avec des niveaux graduels de réponse selon l'intensité de la symptomatologie dépressive.

Il apparaît nécessaire de développer également des outils pour analyser la vulnérabilité psychique des parturientes dès la période prénatale afin que le repérage puisse se faire le plus en amont possible.

Par ailleurs, afin de permettre un questionnement systématique et faciliter la libération de la parole des patientes, une réflexion doit être menée sur une meilleure valorisation des temps de consultation et des visites à domicile, en particulier par les sages-femmes.

Plusieurs professionnels de santé mentale entendus par la mission ont invité la France à s'inspirer du Royaume-Uni, où une stratégie nationale d'ampleur est consacrée à la santé mentale périnatale et au dépistage systématique des vulnérabilités psychiques et sociales de toutes les familles à l'occasion d'une grossesse126(*).

 

Une attention particulière à la détection de la dépression du post-partum est d'ores et déjà organisée dans le cadre de l'entretien post-natal précoce, qui constitue une étape obligatoire du parcours de soins des femmes depuis juillet 2022. Cet entretien, qui doit se tenir entre la 4e et la 8e semaine qui suit l'accouchement, a été institué précisément pour briser l'isolement après la naissance et détecter la dépression du post-partum. Il n'est pas uniquement médical et sa tenue à domicile, recommandée, doit permettre de tenir compte de l'environnement de la mère.

Cependant, selon la Cnam, 150 000 entretiens post-natals précoces ont été réalisés entre septembre 2022 et décembre 2023 ; moins de 15 % des femmes ayant accouché ont donc bénéficié d'un tel entretien.

Contrairement à l'entretien prénatal précoce, pris en charge à 100 % par l'Assurance maladie, l'entretien post-natal précoce n'est pris en charge qu'à 70 %, ce qui peut en partie expliquer un moindre recours à cet entretien et amène la mission à s'interroger sur l'opportunité d'une prise en charge à 100 %.

Une telle prise en charge doit cependant s'accompagner d'une campagne de communication afin d'inciter les professionnels de santé à proposer ce rendez-vous et les femmes à y recourir. En effet, le sous-recours à la vaccination antigrippale et à l'examen bucco-dentaire, pris en charge à 100 %, indique que cette prise en charge intégrale n'est pas, à elle seule, garante de la réalisation des actes de prévention. Au-delà de la sensibilisation par courrier menée par la Cnam, des actions de formations, à destination des sages-femmes, pourraient être envisagées pour les encourager à proposer systématiquement cet entretien, à l'instar de ce qui avait été réalisé pour l'entretien prénatal précoce dans le cadre du groupe de travail périnatalité piloté par la direction générale de la santé.

Par ailleurs, encourager la tenue de l'entretien post-natal précoce à domicile limiterait les contraintes organisationnelles pour la mère et permettrait de mieux appréhender l'environnement dans lequel la famille évolue.

c) Améliorer la prise en charge de la santé mentale des deux parents, avec une offre graduée et de proximité

Une fois les fragilités psychiques ou les troubles anxiodépressifs repérés, le professionnel de santé de première ligne doit être en mesure d'orienter rapidement les familles vers une prise en charge adaptée et graduée en fonction du niveau de sévérité. Cette prise en charge peut se traduire par un accompagnement par les professionnels de la PMI ou des TISF (technicien de l'intervention sociale et familiale qui peut suivre une formation complémentaire à la dépression du post-partum), des séances de consultations chez un psychologue, un suivi psychiatrique, voire une hospitalisation au sein de services spécialisés de psychiatrie périnatale.

Cela suppose à la fois que le professionnel de santé sache vers qui orienter son patient et qu'une offre de soins existe sur le territoire.

Or, alors que 20 % des mères et 10 % des pères devraient accéder à un professionnel de santé mentale dans les mois qui suivent la naissance de leur enfant, la majorité d'entre eux ne bénéficient pas d'une telle prise en charge. Ainsi, l'enquête d'opinion précitée montre qu'une mère sur deux estimant avoir connu une dégradation de sa santé mentale après son accouchement n'a bénéficié d'aucune prise en charge professionnelle. Lors de son audition, le Dr Romain Dugravier a confirmé ce déficit d'accès aux soins, relevant que seulement un quart des femmes déclarant vivre une souffrance psychique accède à un professionnel de santé mentale.

Depuis plusieurs années, les moyens attribués aux équipes de psychiatrie périnatale ont été renforcés et cette spécialité se transforme. Depuis le décret du 28 septembre 2022, les structures de psychiatrie périnatale doivent être dotées à la fois d'un psychiatre adulte et d'un pédopsychiatre, avec un regard porté à la fois sur les spécificités de la mère et sur le développement de l'enfant. En outre, une mention est dédiée aux équipes de psychiatrie périnatale dans le cadre de la réforme des autorisations d'activité de psychiatrie.

Cependant, ces moyens sont encore largement insuffisants. Il semble nécessaire d'augmenter le nombre de places au sein des unités mère-enfant ou parents-bébés spécialisées en psychiatrie périnatale, généralement situées au sein de centres hospitaliers universitaires. Ainsi, il n'existe que trois unités de ce type en Île-de-France et une centaine de lits au total en France.

Au-delà de ces structures spécialisées, la présence de professionnels de santé mentale en appui des équipes en maternité devrait être garantie, par exemple à hauteur d'un psychologue pour 1 000 naissances et un psychiatre ou pédopsychiatre pour 3 000 naissances, ratios proposés par le Dr Romain Dugravier lors de son audition. Plus globalement, le renforcement des staffs médico-psycho-sociaux au sein des maternités, d'ores et déjà prévu dans le cadre du déploiement du programme des 1 000 premiers jours, est une nécessité.

Créer des hôpitaux de jour dévolus à la psychiatrie périnatale permettrait également de prendre en charge des femmes avec des symptômes trop sévères pour s'améliorer avec un accompagnement par un professionnel de ville mais pas assez sévères pour nécessiter une hospitalisation à temps plein en unité spécialisée.

La mission soutient également le développement d'offres de proximité et de dispositifs mobiles qui permettent aux familles éloignées des établissements de santé de bénéficier d'une prise en charge adaptée.

Ainsi, l'équipe mobile de psychiatrie périnatale du centre hospitalier de la Côte basque (Emopsy) a entrepris une démarche d' « aller vers » afin de prendre en charge de façon précoce, en anténatal et en post-natal, les patientes présentant des vulnérabilités psychiatriques mais aussi répondre aux besoins du co-parent, du bébé à venir et de la triade, une fois l'enfant né. Ces patientes sont repérées lors de l'entretien prénatal précoce, à l'aide de l'auto-questionnaire de repérage des vulnérabilités émanant du réseau périnatal Nouvelle-Aquitaine, et lors de l'entretien post-natal précoce. La file active de cette équipe est passée de 142 patientes en 2021 à 403 en 2023, preuve du succès d'une telle initiative.

Ce type d'offre d'expertise en psychiatrie périnatale doit être complété d'offres de proximité permettant de répondre aux besoins des familles ayant besoin d'une prise en charge plus légère. Les PMI, en coordination avec les psychologues libéraux mais aussi avec les TISF, ont un rôle à jouer en la matière.

Dans le Maine-et-Loire, la santé périnatale a été identifiée par le département et les PMI comme un sujet de santé publique. Les puéricultrices ont donc été formées pour sensibiliser l'ensemble des professionnels à la dépression périnatale. Elles interviennent également auprès des familles dès le retour à domicile grâce à la mise en place d'une liaison hospitalière permettant à l'hôpital de signaler à la PMI les familles à accompagner quand des situations à risques sont identifiées.

Au-delà des moyens, les professionnels de première ligne que sont les sages-femmes, les gynécologues-obstétriciens, les médecins généralistes et les pédiatres doivent être mieux informés des partenariats à mettre en oeuvre dans le cadre de la prise en charge de patientes en situation de vulnérabilité psychique. Une meilleure lisibilité des réseaux d'offres de soins en santé mentale sur le territoire est nécessaire pour que ces professionnels identifient facilement la structure ou le professionnel auquel adresser leur patient. L'association Maman Blues a témoigné être régulièrement contactée par des professionnels de périnatalité qui ne savent pas vers qui orienter leur patiente.

Depuis 2023, les sages-femmes peuvent adresser leurs patientes à un psychologue conventionné dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy. Cependant, ce dispositif peine à monter en puissance.

Le projet Artemis de plateforme téléphonique nationale, présenté par le Dr Lucie Joly, a retenu l'attention de la mission. Sur le modèle du dispositif Vigilans pour la prévention du suicide, il s'agirait d'avoir une équipe dévolue à l'accueil téléphonique des mères et de les mettre en relation avec des équipes spécialisées dans la santé mentale maternelle sur tout le territoire.

Par ailleurs, lorsque des femmes sont suivies pour des troubles psychiques préexistants, une mise en relation est nécessaire entre le psychiatre et les professionnels qui vont assurer le suivi de la grossesse, notamment afin d'adapter le traitement médicamenteux ainsi que la prise en charge périnatale. Lors de son audition, le Dr Romain Dugravier, chef du centre de psychopathologie périnatale (CPPB) du GHU Paris, a déploré des discontinuités dans les soins pour ces femmes : discontinuité entre les périodes anté et post-natales, avec des changements de professionnels et de lieux, discontinuités entre la ville et l'hôpital, et discontinuité du regard des professionnels du fait de difficultés d'acculturation.

La lutte contre ces discontinuités est l'objectif du dispositif CICO dédié aux futurs parents ayant un trouble psychiatrique chronique, qu'il a mis en place : des conceptions pré-conceptionnelles et prénatales sont proposées afin d'accompagner les parents dans leur traitement et d'accéder aux services de soin et de prévention appropriés. Les unités de psychiatrie périnatale exerçant en maternité et proposant aussi une offre de soins d'aval peuvent également limiter les discontinuités de prise en charge.

Plus globalement, les professionnels de santé mentale gagneraient à être formés aux particularités de la grossesse afin d'accompagner les patientes avec des pathologies psychiatriques connues dans l'adaptation de leur traitement et de leur prise en charge, avec la définition d'un plan de soins personnalisé pendant la grossesse, en coordination avec les professionnels de la périnatalité, sur le modèle des consultations péri-conceptionnelles existant en neurologie pour les patientes atteintes d'épilepsie.

En outre, dès lors que des facteurs de risque sont identifiés, notamment des antécédents de dépression, un suivi psychologique ou psychiatrique devrait être proposé aux parturientes.

La coordination nécessaire entre professionnels et structures amène les professionnels entendus par la mission à revendiquer une valorisation des temps de concertation, alors que le financement du système hospitalier reste dominé par la tarification à l'activité. Les réseaux de santé périnatale pourraient être mobilisés pour faciliter cette coordination, sous réserve de renforcer leurs moyens, qui semblent insuffisants aujourd'hui pour réaliser l'ensemble de leurs missions.

Recommandation n° 7 : Améliorer la prise en charge de la santé mentale des jeunes parents, en développant une offre de soins graduée et de proximité et en proposant un suivi dès lors que des facteurs de risque sont identifiés.

Les problématiques de santé mentale doivent également inclure la prise en charge du deuil périnatal. Les parents confrontés à une mort foetale in utero (après 22 SA) ou dont l'enfant est mort-né bénéficient des congés parentaux, sont protégés contre le licenciement, peuvent célébrer des obsèques et, depuis 2020, donner un prénom à leur enfant né sans vie. La loi du 7 juillet 2023127(*) a également prévu la mise en place d'un parcours associant médecins, sages-femmes et psychologues pour mieux accompagner les femmes et leur partenaire confrontés à une interruption spontanée de grossesse et a supprimé le délai de carence pour les congés maladie consécutifs à des interruptions spontanées de grossesse. Cette prise en charge doit maintenant se concrétiser.

2. Un accompagnement post-natal à déployer sur tout le territoire

Au-delà des problématiques de santé mentale, l'accompagnement post-natal doit faire l'objet d'une démarche holistique, visant à répondre aux besoins de l'enfant comme à ceux des parents en impliquant tous les professionnels concernés par le soin, l'accompagnement et les services aux familles. Telle était l'ambition affichée par le programme des « 1000 premiers jours », qui apparaît aujourd'hui inaboutie.

a) Renforcer le suivi médical post-accouchement de la mère à domicile

Selon l'enquête d'opinion réalisée par l'institut CSA à la demande de la mission, la majorité des femmes jugent la longueur du séjour à la maternité appropriée et la quasi-totalité s'estimait apte à sortir au moment prévu. Cependant, 21 % d'entre elles déclarent n'avoir bénéficié d'aucun suivi post-natal à leur retour à domicile et 35 % auraient souhaité bénéficier de davantage de visites post-natales.

Actuellement les femmes sont censées bénéficier de la visite d'une sage-femme à leur domicile dans les jours suivant l'accouchement, d'un entretien post-natal quatre semaines après et d'un entretien à huit semaines.

Selon la dernière enquête périnatale, en 2021 plus de 80 % des mères avaient eu au moins une visite d'une sage-femme en post-partum immédiat à domicile, dont la moitié organisée par le Prado maternité (programme d'accompagnement du retour à domicile). Cela représente tout de même une femme sur cinq qui n'en a pas bénéficié. En outre, alors que l'organisation d'une visite à domicile est une condition nécessaire à toute sortie précoce, en 2021, 13 % des mères sorties précocement déclarent ne pas avoir bénéficié d'une telle visite.

Le Prado maternité avait été mis en place par l'Assurance maladie en 2010 pour accompagner le retour à domicile des familles dans les situations à bas risque médical et psychique, en les faisant bénéficier d'un accompagnement par une sage-femme. Selon la Cnam, ce programme a notamment favorisé la structuration d'une offre de sages-femmes libérales ou à activité mixte dont le nombre est passé de 3 890 en 2012 à 7 929 en 2021.

Le Prado maternité est désormais proposé en priorité aux familles en sortie précoce de maternité, à moins de 72 heures après un accouchement par voie basse ou 96 heures après un accouchement par césarienne. Ce recentrage semble avoir été mal compris par de nombreux acteurs qui ont déclaré à la mission que le Prado n'existait plus depuis le premier confinement de 2020. 

Selon la Cnam, malgré une diminution des accompagnements Prado, 75 % des mères voient une sage-femme ou un médecin dans les sept jours suivant leur retour à domicile. Afin d'augmenter cette proportion, un objectif minimal de 80 % de sorties de maternité donnant lieu à un accompagnement est désormais assigné aux CPAM.

Le collège des sages-femmes souhaite que l'accompagnement proposé par les sages-femmes soit valorisé d'un point de vue financier. De même, l'UNSSF a déploré un modèle de rémunération inadéquat, relevant qu'une sage-femme en situation d'astreinte, pour être en mesure d'assurer le suivi d'une femme sortant de maternité, n'est pas rémunérée pour ce temps bloqué dès lors qu'aucun acte de suivi n'est accompli.

Par ailleurs, alors que les frais médicaux liés à la grossesse sont pris en charge à 100 % par l'Assurance maladie du 6e mois de grossesse au 12e jour après l'accouchement, l'Association nationale des sages-femmes territoriales estime que certaines femmes sans mutuelle renoncent à un suivi post-partum après la première semaine faute de prise en charge à 100 %.

Recommandation n° 8 : Relancer et renforcer le Prado maternité pour faciliter un recours sécurisé à domicile post-accouchement.

b) Assurer un meilleur suivi des nourrissons et accompagner les parents dans les soins et interactions avec leur bébé, avec des solutions de proximité
(1) Encourager les « soins de développement » et les « interactions précoces » dès la maternité

Les professionnels entendus par la mission ont mis l'accent sur la nécessité de développer l'accompagnement post-natal et de soutenir les interactions précoces entre parents et enfant, ainsi que les soins de développement qui ont, selon Santé publique France, des effets positifs démontrés sur le développement psychoaffectif de l'enfant, sa santé et sa réussite scolaire, la santé de la mère et les compétences parentales.

Dans cette optique, les unités kangourou et les unités mères-enfant intégrées au sein des services de suites de couches permettent aux professionnels de santé d'accompagner les parents dans leurs premiers soins à leur nourrisson et leurs premières interactions. De même, les maternités labellisées IHAB (Initiative hôpital ami des bébés), telle la maternité de Ploërmel (56) visitée par la mission, s'engagent à apporter un accompagnement individualisé en plaçant les besoins et rythmes du nouveau-né et de sa mère au coeur du système de soins. La mission encourage de telles démarches de labellisation qui, outre un meilleur accompagnement des parents, constituent un facteur d'attractivité de l'établissement - un enjeu particulièrement important pour les maternités réalisant moins d'accouchements.

Le soutien à l'allaitement s'inscrit dans le cadre des soins de développement encouragés par Santé publique France et par l'Organisation mondiale de la santé, qui recommandent un allaitement exclusif jusqu'à six mois. Or en France, le taux d'allaitement est faible. Lors de l'ENP 2021, 70 % des mères allaitaient à la maternité mais elles n'étaient plus que 54 % deux mois après l'accouchement (34 % en allaitement exclusif et 20 % en allaitement mixte). À quatre mois, moins de 20 % des bébés sont allaités en France, contre la moitié en Allemagne et en Italie. En Norvège, 99 % des bébés sont allaités à la naissance, 89 % le sont toujours à deux mois et 71 % à six mois.

Lors de l'ENP 2021, 17 % des femmes ont déploré ne pas avoir eu de soutien à l'allaitement par un professionnel de santé et deux mois après l'accouchement un quart de ces femmes n'allaite plus. Selon l'ONSSF, une femme qui n'est pas accompagnée dans son allaitement arrête celui-ci au bout d'un mois. Il convient dès lors de renforcer l'accompagnement à l'allaitement, dès la maternité et par la suite, lors du retour à domicile, sans cependant que cet accompagnement se transforme en une injonction contre-productive pour la santé de la mère et la qualité des liens mère-enfant.

(2) Reconnaître pleinement le rôle des puéricultrices et auxiliaires de puériculture

Afin d'accompagner les parents dans les soins et les interactions avec leur bébé après leur retour à domicile, la mission réaffirme une nouvelle fois le rôle des PMI.

Si les sages-femmes libérales sont compétentes pour assurer le suivi de la mère et de l'enfant jusqu'au premier mois, elles doivent ensuite faciliter le transfert de la prise en charge vers la médecine de ville et la PMI, qui est parfois difficile.

Dans certains hôpitaux, tel le centre hospitalier Basse-Bretagne de Vannes visité par la mission, la PMI dispose de bureaux au sein de la maternité, assurant un repérage, directement au sein de la maternité, des éventuelles fragilités psycho-sociales et permettant une continuité du suivi après l'accouchement.

Dans la même optique, le programme PANJO (Promotion de la santé et de l'attachement des nouveau-nés et de leurs jeunes parents) de Santé publique France vise à accompagner des parents en situation de vulnérabilité, avec des visites à domicile par les sages-femmes et les infirmières puéricultrices de PMI.

Plus globalement, la mission estime que les infirmières puéricultrices et les auxiliaires de puériculture gagneraient à être davantage associées au suivi post-natal, voire à être associées dès le stade de la grossesse, dans la mesure où elles sont formées à l'accompagnement des familles, au repérage des difficulté d'attachement, aux soins de développement des nourrissons et aux enjeux de prévention. Elles peuvent venir en appui des activités des professionnels médicaux, en particulier dans des territoires marqués par des difficultés d'accès à ces professionnels.

Ainsi, sur le territoire du Haut-Morvan, un territoire particulièrement isolé, l'ARS Bourgogne-Franche-Comté finance un accompagnement des parents à domicile par des auxiliaires puéricultrices.

Dans le même esprit, le pôle territorial femme-parent-enfant du GHT Coeur Grand Est propose, depuis 2021, un dispositif de coaching parental (CoPa) par une auxiliaire de puériculture de la maternité ou du centre de périnatalité où ils ont été suivis. Dans une contribution adressée à la mission, la FNAAFP/CSF - Fédération de l'aide à domicile précise qu'elle a été sollicitée, dans le cadre de ce dispositif, pour explorer les possibilités d'articuler des interventions de TISF (technicien de l'intervention sociale et familiale) et d'auxiliaires de puériculture, dans le cadre d'un « partenariat social-santé »128(*). De tels partenariats, qui permettent de renforcer l'accompagnement dans l'établissement de liens parents-enfants de qualité, méritent d'être explorés.

En outre, de nombreuses consultations de nourrissons aux urgences relevant davantage de consultations en puériculture, les hôpitaux de Toulouse et de Lyon ont expérimenté des consultations d'infirmières puéricultrices.

Cependant, seulement 1 200 à 1 500 infirmières puéricultrices exercent en libéral et uniquement en tant qu'infirmières car les actes de puériculture ne font pas l'objet d'une nomenclature spécifique, avec une cotation. Ainsi, elles ne font pas partie du parcours de soins périnatal et leurs consultations en puériculture ne sont pas remboursées par l'Assurance maladie. Elles ne peuvent également pas prescrire de dispositif d'aide à l'allaitement.

De même, comme évoqué supra129(*), au sein des PMI, les actes des infirmières puéricultrices ne peuvent pas être facturés faute de nomenclature. Or selon Départements de France, les actes des puéricultrices représentent la moitié de l'ensemble des actes de PMI. Un remboursement par l'Assurance maladie permettrait de soutenir financièrement les PMI et ainsi de développer leurs activités de suivi des enfants et nourrissons.

Une piste alternative à la création d'une nomenclature spécifique pour les actes de puériculture serait d'ouvrir la formation d'infirmière en pratique avancée (IPA) aux puéricultrices. Selon la Cnam, cette solution pourrait être plus simple car elle pourrait travailler avec les représentants des puéricultrices pour ajuster les forfaits déjà existants et remboursés pour les IPA.

Dans une contribution adressée à la mission, la Cnam estime que la reconnaissance d'actes de puériculture au sein de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP), voire la création d'une consultation infirmière, pourraient être envisagés afin de renforcer l'offre de soins en pédiatrie et pourraient s'inscrire dans le cadre de la réforme du métier d'infirmier, la création d'une « consultation infirmière » étant un axe de travail envisagé par le ministère. La prise en charge d'une consultation d'infirmière en puériculture pourrait être discutée dans le cadre des prochaines négociations conventionnelles entre l'Assurance maladie et les organisations syndicales représentatives de la profession infirmière.

(3) Développer les offres d'accompagnement de proximité et d'« aller vers »

Alors que les parents bénéficient moins de relais familiaux que par le passé, le développement de solutions d'accompagnement pragmatiques et efficaces, au plus près des lieux de vie, apparaît essentiel.

Des maisons des 1 000 premiers jours sont actuellement expérimentées dans plusieurs départements, notamment par une transformation de PMI. Il n'existe pas de modèle unique national de ce type d'établissements mais plusieurs services sont généralement proposés : des informations, des séances de préparation à la naissance, à la parentalité et aux soins du bébé, un accueil des jeunes enfants, des groupes de parents...

Par ailleurs, de multiples initiatives ont vu le jour, en particulier dans une démarche d'« aller vers », dont la mission encourage le développement. Ainsi, en Auvergne, le camion Opti'soins assure les consultations des femmes enceintes sur 110 communes, au plus proche de leur domicile.

S'il semble pertinent de permettre le développement de différentes offres, adaptées aux besoins et aux opportunités des territoires, l'absence actuelle de label de l'État ouvre la porte à une multiplication d'initiatives erratiques, pas toujours en cohérence avec les objectifs de la stratégie nationale des 1 000 premiers jours.

Ces objectifs incluent notamment la question de l'accompagnement du handicap de l'enfant ou des parents. Une enquête réalisée par l'Unaf (Union nationale des associations familiales) montre que si les parents sont globalement satisfaits du suivi de la santé de leur nouveau-né, le taux de satisfaction est inférieur lorsque l'enfant est porteur d'un handicap ou de maladie chronique. Par ailleurs, dans le cadre de la contribution de France Assos Santé adressée à la mission, APF France Handicap déplore que le déploiement de services d'accompagnement à la parentalité des personnes en situation de handicap (SAPPH) dans chaque région ne soit pas encore effectif et reste peu connu du public auquel il s'adresse.

Recommandation n° 9 : Labelliser les offres d'accompagnement autour des 1 000 premiers jours, en encourageant les initiatives de proximité et d'« aller vers ».

Des solutions doivent être également trouvées pour les dizaines de mères qui restent à la maternité plusieurs semaines avec leur nouveau-né faute de solution d'hébergement, en particulier dans les hôpitaux de Saint-Denis et du nord et de l'est de Paris. Une expérimentation de lits halte soins santé (LHSS) pédiatriques a été lancée dans quatre régions en 2021, et prolongée jusqu'à fin 2024, pour les nouveau-nés sans domicile présentant un besoin de santé, ne nécessitant pas d'hospitalisation, mais dont la situation est incompatible avec une vie à la rue. Cependant, seuls 48 lits sont disponibles. Dans le cadre de la contribution de France assos santé adressée à la mission, le planning familial a souligné la nécessité d'étendre ce dispositif et, plus globalement, de trouver des solutions d'hébergement non médicalisées pour qu'aucun nouveau-né ne dorme dans la rue.

c) Faciliter la transition et l'articulation avec la vie professionnelle des jeunes parents

L'état de santé physique comme mentale des parents ne saurait être déconnecté de l'environnement dans lequel ils évoluent et de leurs conditions de vie. Dans le cadre de l'enquête d'opinion réalisée par l'institut CSA pour la mission, le principal souhait exprimé par les femmes concernant la prise en charge du post-partum n'est pas une demande strictement médicale, mais porte sur une augmentation de la durée du congé pour la mère et le co-parent.

Allonger les délais avant la reprise d'une activité professionnelle et faciliter des retours plus progressifs au travail pourraient contribuer à simplifier la prise en charge des jeunes enfants et à améliorer la santé mentale des parents. La prise d'un congé paternité est ainsi associée à une diminution de la dépression chez les pères130(*). De même, lors de son audition, le Dr Lucie Joly a estimé que l'allongement du congé maternité et du congé paternité, sous la forme d'un congé parentalité, constituait une piste pertinente pour réduire les troubles dépressifs périnatals.

Dans ce contexte, les Assises de la santé de l'enfant préconisent un travail d'expertise afin de fusionner les sept congés familiaux actuels en un seul congé parental, plus souple, mieux partagé entre parents et mieux rémunéré.

L'Unaf recommande quant à elle de davantage informer les futurs parents et les employeurs sur le congé parental et de le réformer afin de garantir une présence maternelle et paternelle accrue.

III. SE SAISIR DE L'INCONTOURNABLE TRANSFORMATION DE L'OFFRE DE LIEUX ET MODES D'ACCOUCHEMENT

A. UN RÉSEAU DE MATERNITÉS AUJOURD'HUI INADAPTÉ AUX RÉALITÉS SOCIALES ET SANITAIRES ET AUX RESSOURCES

1. L'évolution de la natalité et des dynamiques territoriales, un défi pour le maillage en maternités
a) Depuis les années 1970, une prise en charge des accouchements quasi exclusivement hospitalière qui a permis une baisse de la mortalité
(1) Une prise en charge des accouchements fondée sur un maillage en maternités publiques et privées

Alors que jusqu'à la fin du XIXe siècle, l'accouchement, réalisé traditionnellement à domicile, est un acte dangereux, qui tue 1 à 2 % des jeunes mères131(*), la prise en charge croissante des accouchements à l'hôpital au cours du XXe siècle s'est accompagnée d'une réduction drastique du nombre de décès maternels.

Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, la France a entrepris la construction de centaines de maternités afin d'offrir à toutes les femmes la possibilité d'accoucher à la maternité. Cette prise en charge hospitalière de qualité a permis une très nette diminution de la mortalité maternelle, passée de 120 décès pour 100 000 naissances en 1945 à 8 pour 100 000 en 1990.

Depuis les années 1970, la bonne prise en charge des accouchements repose quasi exclusivement sur le maillage en maternités. Les accouchements hospitaliers représentent désormais plus de 98 % des naissances.

Répartition des maternités et des accouchements par statut d'établissement

   

Public

Privé non lucratif

Privé lucratif

Établissements

Nombre

328

28

108

Proportion

70,7 %

6,0 %

23,3 %

Accouchements

Nombre

522473

52951

137414

Proportion

73,3 %

7,4 %

19,3 %

Source : DGOS au 31 décembre 2022

(2) Moins de 2 % d'accouchements extra-hospitaliers

Les accouchements extra-hospitaliers, très peu fréquents et représentant moins de 2 % des naissances, correspondent soit à des accouchements planifiés à domicile (estimés à 2000 naissances par an) ou en maison de naissance (800 naissances par an), soit à des accouchements inopinés (environ 6000 naissances par an).

Selon la Fédération hospitalière de France (FHF), les accouchements extra-hospitaliers inopinés sont le plus souvent liés à des situations de précarité et se produisent dans de grandes villes, sans que l'éloignement de la maternité soit en cause. Cette analyse est confirmée par la fédération des pompiers : les pompiers de Paris prennent en charge 300 accouchements inopinés par an en moyenne, qui ne sont pas à imputer au maillage territorial, mais à des situations de précarité ou à des circonstances particulières.

Lors de leur audition, la fédération des Samu comme la fédération des pompiers ont déclaré ne pas avoir constaté d'augmentation notable du nombre d'accouchements inopinés en cas de fermeture de maternités, l'essentiel étant que les mères soient informées de la maternité dans laquelle elles doivent se rendre et de la démarche à suivre pour cela.

b) Un réseau gradué de maternités, qui a amélioré les soins apportés aux nouveau-nés vulnérables, mais ne garantit pas toujours une prise en charge adéquate
(1) Un principe de gradation des risques et des soins pour le nouveau-né depuis 1998 

Les décrets de périnatalité de 1998132(*) définissent quatre types de maternités, qui correspondent à des niveaux de spécialisation des soins aux nouveau-nés :

- les maternités de type 1 possèdent un service d'obstétrique ;

- les maternités de type 2a disposent également d'un service de néonatalogie ;

- les maternités de type 2b disposent, en outre, de lits dédiés aux soins intensifs en néonatalogie ;

- les maternités de type 3 sont en mesure de prendre en charge les grossesses à risque et possèdent, outre des services d'obstétriques et de néonatalogie, un service de réanimation néonatale.

Les décrets assignent en outre des obligations en matière de présence de personnels, de locaux et de matériels aux établissements et aux différents services. Ces obligations sont majorées au-delà de certains seuils d'accouchement.

Répartition des maternités et des accouchements par type d'établissement

 

Type 1

Type 2a

Type 2b

Type 3

Nombre d'établissements

157

143

87

67

Nombre d'accouchements

124677

199808

172350

216002

Source : DGOS au 31 décembre 2022

Cette gradation des soins s'accompagne d'une coordination entre maternités pour organiser les transferts in utero et en post-partum, avec l'appui des dispositifs spécifiques régionaux de périnatalité (DSRP). Elle intègre également la question des transports et notamment des transports d'urgence.

Elle a conduit à une augmentation des transferts in utero vers les maternités de type 2 et 3 et a renforcé l'adéquation des soins délivrés aux nouveau-nés prématurés. Ainsi, la DGOS relève que les indicateurs de morbi-mortalité néonatale ont suivi une évolution favorable parallèle au déploiement de la réforme de 1998. De même, la fédération des pompiers a noté une amélioration de l'anticipation des transferts depuis les années 2000 grâce à la structuration des maternités.

(2) De trop nombreux accouchements de nouveau-nés vulnérables dans des maternités inadaptées

Entre 10 et 15 % des accouchements à risque demeurent réalisés dans des maternités présentant un niveau d'équipement non adapté à leur prise en charge (accouchements dits « outborn »). Ainsi, selon les derniers chiffres de la Drees, en 2021, 6 % des naissances multiples, 8 % des naissances prématurées et 9 % des naissances d'enfants de faible poids sont intervenues dans des maternités de type 1.

Le nombre de prises en charge dans des établissements inadaptés varie fortement entre les territoires. Selon François Braun, ancien ministre de la santé et de la prévention, aujourd'hui conseiller auprès du directeur général du centre hospitalier régional de Metz-Thionville, le taux d'outborn n'était que de 5 % dans l'ensemble du Grand Est en 2022, mais atteignait 17 % en Lorraine - un taux en diminution ces dernières années sous l'impulsion du réseau périnatal lorrain, comme a pu le constater la mission lors de son déplacement en Meurthe-et-Moselle. En Auvergne-Rhône-Alpes, la mise en place d'une cellule régionale des transferts périnatals a permis d'augmenter notablement la proportion de naissances dans une maternité de type adapté, qui atteint désormais 90 %.

Au-delà de difficultés dans l'information et l'orientation des parturientes, l'ARS Bourgogne-Franche-Comté relève que l'effet de la diminution du nombre de naissances sur des petites maternités peut conduire certains professionnels à ne pas orienter ces femmes vers la maternité adaptée au niveau de risque afin de conserver des accouchements.

De façon plus structurelle, la société française de néonatalogie alerte depuis plusieurs années sur la situation des soins intensifs et de réanimation à destination des nouveau-nés vulnérables, l'offre des soins étant insuffisante et inégalement répartie sur le territoire.

Si la couverture territoriale en maternités de type 2 et 3 apparaît satisfaisante, à l'exception de la Corse qui ne dispose pas de maternité de type 3, le maillage en lits de réanimation néonatale soulève en revanche des difficultés. Selon l'Académie de médecine, les ratios régionaux sont très disparates : entre 0,61 à 1,26 pour 1000 nouveau-nés selon la région, alors que les professionnels font état de besoins de l'ordre de 1 pour 1 000.

En outre, les taux d'occupation des lits de réanimation néonatale sont élevés, en lien avec une prise en charge plus fréquente des extrêmes prématurés exigeant une longue hospitalisation. Tel est particulièrement le cas en Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-France-Comté, Occitanie et Provence-Alpes-Côte d'Azur. Selon des chiffres communiqués à la mission par l'ARS Occitanie, en Occitanie Ouest, en période normale, 20 lits de réanimation néonatale sont ouverts, soit un ratio de 0,66 mais, en période hivernale, 10 lits de réanimation pédiatrique et néonatale sont occupés par des enfants atteints de bronchiolite et le ratio n'est donc plus que de 0,33, bien en deçà des objectifs nationaux.

La fédération ATSU a fait part d'une augmentation des demandes de transferts de patients de maternités de type 3 vers des maternités de type 2, voire 1, afin de libérer des places en néonatalogie. Cependant, ces transferts ne sont pas toujours possibles. Ainsi, en Occitanie Ouest, le manque de lits de type 2 ne permet pas de libérer des lits au sein du CHU de Toulouse.

(3) Un défaut de prise en compte des risques maternels

La gradation actuelle, fondée sur le niveau de prise en charge des nouveau-nés, ne répond pas à l'accroissement des risques maternels, en particulier : l'augmentation des grossesses après 35 ans, l'obésité, la précarité, les maladies cardiovasculaires préexistantes ou encore les problématiques de santé mentale.

En outre, les maternités ne sont pas toujours équipées pour intervenir face à des complications maternelles. Ainsi, des hémorragies du post-partum surviennent dans 10 % des accouchements et de manière souvent soudaine et imprévisible. Or elles exigent un équipement adapté et surtout une mobilisation rapide d'un obstétricien et d'un anesthésiste-réanimateur, qui n'est pas toujours présent sur place 24h/24 dans les maternités de type 1.

c) Une baisse de la natalité et une distribution géographique des naissances contrastée

La pertinence du réseau actuel des maternités est remise en cause par une baisse du nombre de naissances en France et par les dynamiques territoriales de natalité, qui, si elles peuvent être déplorées, n'en demeurent pas moins une réalité à prendre en compte dans la réflexion autour du maillage territorial de l'offre de soins.

(1) Une diminution des naissances de 20 % entre 2010 et 2023

Le nombre de naissances vivantes décroît de façon continue en France depuis 2011 - à l'exception d'une augmentation en 2021, liée aux conséquences de la crise sanitaire. Il est passé de 832 800 naissances en 2010 à 678 000 en 2023, soit une diminution de près de 20 %. Entre 2010 et 2016, cette diminution s'expliquait à la fois par une réduction du nombre de femmes en âge de procréer et par une baisse de leur fécondité. Depuis 2016, elle s'explique principalement par une baisse de la fécondité, c'est-à-dire du nombre d'enfants par femme, qui s'est établi à 1,68 enfant par femme en 2023, contre 2,03 en 2010.

Évolution du nombre de naissances, de femmes en âge de procréer
et indicateur conjoncturel de fécondité (ICF) depuis 1995

Lecture : Entre 1995 et 2023, le nombre de femmes âgées de 20 à 40 ans a diminué de 8,5 %.

Champ : France hors Mayotte jusqu'en 2013 et France à partir de 2014.

Source : Insee, estimations de population, statistiques et estimations d'état civil

(2) Une natalité plus concentrée et qui diminue de plus de 30 % dans certains territoires

Si la baisse de la natalité se manifeste sur l'ensemble du territoire national, certains départements sont particulièrement concernés. Le nombre annuel de naissances est désormais inférieur à 2000 dans les Alpes-de-Haute-Provence, les Hautes-Alpes, l'Ariège, le Cantal, la Corrèze, la Corse-du-Sud, la Haute-Corse, la Creuse, le Gers, l'Indre, la Haute-Loire, le Lot, la Lozère, la Haute-Marne, la Meuse, la Nièvre, les Hautes-Pyrénées, la Haute-Saône et le Territoire de Belfort.

Le taux de natalité - nombre de naissances vivantes rapporté à la population totale - varie fortement entre territoires : il est très élevé en Île-de-France, dans le Rhône, les Bouches-du-Rhône, le Nord, le Loiret, la Haute-Savoie et les départements d'outre-mer (sauf la Martinique), mais faible dans de nombreux départements du centre de la France et de Nouvelle-Aquitaine, ainsi qu'en Corse. Le taux de natalité est inférieur à 7 %o dans l'Ariège, le Cantal, la Charente-Maritime, la Creuse, la Dordogne, le Gers et le Lot.

Taux de natalité par département en 2023

Source : Carte réalisée par la mission à partir de données de l'Insee (2023).

Évolution du nombre de naissances par département entre 2010 et 2023

Note : en moyenne, le nombre de naissances a diminué de 18,6 % en France entre 2010 et 2023.

Source : Carte réalisée par la mission à partir de données de l'Insee (naissances vivantes par département de résidence de la mère en 2010, naissances vivantes par département de déclaration à l'état civil en 2023)

Ces dynamiques territoriales contrastées ont conduit à une diminution du nombre d'accouchements dans certaines maternités et, à l'inverse, à une forte augmentation du nombre d'accouchements dans d'autres. Selon les derniers chiffres de la Drees, en 2022, 55 maternités réalisaient moins de 500 accouchements par an. A contrario, en 2022, 57 maternités réalisaient plus de 3000 accouchements par an - dont 4 plus de 5000 (à Mayotte, Bordeaux, Lille et le site de Cochin à Paris) - contre une vingtaine il y a vingt ans.

La réduction du volume d'activité pose la question de la capacité des établissements à assurer à leurs équipes une pratique suffisamment régulière pour garantir la qualité et la sécurité des soins, et à demeurer attractifs pour les professionnels de santé. Cependant, aucun seuil d'un nombre d'accouchements annuels minimal ne fait consensus. D'un point de vue juridique, si le décret de périnatalité de 1998 prévoit un minimum de 300 accouchements annuels, il autorise des dérogations.

d) Une concentration des maternités depuis vingt ans
(1) 40 % de fermetures de maternités depuis 1995

La nécessité de se mettre en conformité avec les règles de sécurité des décrets de 1998, qui ont imposé des investissements dans l'équipement et le respect de ratios de soignants par type de maternité, et la diminution du nombre d'accouchements ont entraîné la fermeture de nombreuses maternités depuis vingt ans.

Ainsi, depuis 1995, le nombre de maternités a été réduit de près de moitié, passant de 816 en 1995 à 464 en 2022. Cette réduction s'est faite essentiellement au détriment des structures de petite, voire de moyenne taille. Ce phénomène concerne tout particulièrement les maternités ne disposant pas de service de néonatalogie (type 1 selon la classification des décrets de 1998), dont le nombre a été divisé par trois. En parallèle, le nombre d'accouchements dans les structures de types 2 et 3 a augmenté, au risque de saturer certaines de ces structures.

Évolution du nombre de maternités par type entre 2000 et 2022

Source : Drees

Au-delà des difficultés des établissements à respecter les ratios de soignants prévus par les décrets de 1998, les causes de fermeture semblent avoir été initialement financières, en particulier pour les établissements tenus par des groupes privés, en lien avec une diminution du nombre d'accouchements mais aussi avec des stratégies de restructuration. Selon les chiffres communiqués à la mission par la fédération de l'hospitalisation privée (FHP), le nombre de maternités privées a diminué de 26 % au cours des dix dernières années, avec en particulier la fermeture de 40 maternités privées de type 1 entre 2013 et 2022.

Selon la DGOS, en l'état actuel de la tarification, le point d'équilibre économique pour les maternités se situe autour de 1200 accouchements par an. Les établissements pratiquant moins d'accouchements sont ainsi confrontés à des difficultés financières importantes. Pour autant, cet enjeu financier n'apparaît pas premier aujourd'hui. La responsabilité des hôpitaux publics auprès des populations peut justifier le maintien de maternités en situation de déficit. De même, la fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés solidaires (Fehap) a témoigné devant la mission de son choix délibéré de maintenir ouvertes des maternités en dépit de leurs difficultés financières.

(2) Des temps de trajet accrus vers les maternités pas toujours anticipés

La fermeture des maternités a conduit à une diminution du nombre de communes ayant au moins une maternité, qui est passé de 542 en 2000 à 389 en 2022, et, partant, à une légère augmentation de la distance à la maternité la plus proche, atténuée par une évolution de la répartition territoriale des femmes en âge de procréer, qui les rapproche des maternités.

Évolution de la distance à la maternité la plus proche

 

Temps d'accès médian

Part des femmes en âge de procréer situées
à plus de 30 minutes

Part des femmes en âge de procréer situées
à plus de 45 minutes

2000

8 minutes

5,7 %

0,8 %

2017

9 minutes

7,6 %

1,14 %

Source : Drees, La part des femmes en âge de procréer résidant à plus de 45 minutes d'une maternité augmente entre 2000 et 2017, 2021

Les temps de trajet à la maternité la plus proche sont néanmoins très variables selon les départements et de nombreuses communes sont situées à plus de 45 minutes d'une maternité - un temps de trajet qui varie de surcroît en fonction des conditions météorologiques.

Part des femmes en âge de procréer à plus de 45 minutes d'une maternité
par département en 2017

Source : Carte réalisée par la mission d'information à partir de données de la Drees

Cependant, selon la FHF, l'enjeu est moins la distance d'une femme à la maternité la plus proche que la distance du lieu d'accouchement à un plateau technique permettant la prise en charge d'une hémorragie ou la mise en oeuvre d'une réanimation néonatale. En outre, le temps d'accès à une maternité de type 3 spécialisée dans les grossesses à risque est crucial du fait du risque accru d'accouchement inopiné pour ce type de grossesse.

Le temps d'accès à une maternité de type 3 est stable, voire en légère diminution. Selon l'étude de la Drees précitée, le temps médian d'accès à une maternité de type 3 est passé de 24 minutes en 2000 à 22 minutes en 2017. Cependant, dans onze départements, la totalité des femmes habitent à plus de 45 minutes d'une telle maternité, en 2000 comme en 2017.

Part des femmes en âge de procréer à plus de 45 minutes
d'une maternité de type 3 en 2017

Source : Carte réalisée par la mission d'information à partir de données de la Drees

L'évolution de la répartition des maternités s'est accompagnée d'une légère augmentation du nombre de naissances hors maternité, qui reste faible mais qui apparaît corrélé au temps de trajet depuis la commune vers une maternité133(*). Or les accouchements inopinés hors maternité sont associés à des issues maternelles et néonatales plus défavorables.

Évolution du nombre de naissances hors maternité

Source : Combier et Quantin, DIM CHU de Dijon et CSP-Inserm Paris Saclay

Si la recomposition du maillage territorial des maternités ne s'accompagne pas d'une orientation adéquate des parturientes, de possibilités d'hospitalisation ou d'hébergement dans les jours précédents le terme ni d'un système de transports d'urgence efficace, elle peut engendrer un sentiment d'insécurité pour les femmes concernées et conduire à des accouchements inopinés à domicile ou pendant le transport, créant un surrisque pour la mère et le nouveau-né.

La DGOS indique ainsi que « le seuil de 30 à 45 minutes est un niveau à partir duquel les acteurs s'accordent, au regard des données de la littérature, à reconnaître une augmentation associée du risque de mortalité périnatale. Cet élément a conduit à retenir le seuil de 45 minutes pour la mise en place d'un dispositif d'hébergement à proximité de la maternité dans certains territoires (dispositif engagement maternité) »134(*). Une étude récente135(*) fait en outre état d'une augmentation de la prévalence de morbi-mortalité néonatale en cas de temps de trajet à la maternité supérieur à 30 minutes.

2. Des femmes aux attentes multiples, entre sécurité, proximité et personnalisation de la prise en charge

Les résultats de l'enquête d'opinion commandée à l'institut CSA par la mission permettent de mieux appréhender les attentes des femmes quant à la prise en charge de leur accouchement. Ils font apparaître une tension entre des exigences de sécurité des soins d'une part et de proximité de la prise en charge d'autre part, mais aussi des différences d'approches et de priorités parmi les femmes concernées. Si les femmes interrogées mentionnent la qualité des soins et la proximité de leur domicile comme éléments déterminants du choix de leur lieu d'accouchement exactement dans la même proportion (54 % d'entre elles mentionnent l'un ou l'autre), lorsqu'un choix leur est imposé entre sécurité et proximité, elles privilégient majoritairement la sécurité. Pour autant, elles sont également nombreuses à souhaiter une prise en charge moins médicalisée, sans que celle-ci soit d'ailleurs nécessairement antinomique avec les exigences de sécurité.

Proposer des offres et des lieux d'accouchement adaptés aux attentes des femmes, dans toute leur diversité, apparaît comme un enjeu fondamental d'équité sociale et territoriale et de droits des femmes.

a) Des exigences fortes de sécurité

Dans l'enquête d'opinion précitée, lorsque les femmes sont invitées à faire un choix entre une maternité plus en capacité de prendre en charge des grossesses à risque mais plus éloignée et une petite maternité proche avec un moindre plateau technique, les femmes optent majoritairement, à 56 %, pour la première solution. Cette préférence pour une sécurisation de la prise en charge de l'accouchement se manifeste quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle et est supérieure chez les femmes éloignées des maternités (63 % chez les femmes vivant à plus de 30 minutes d'une maternité).

Selon les témoignages recueillis par la mission, de nombreuses femmes s'inscrivent en maternité de type 3, même si le niveau de risque ne le justifie pas. Elles n'ont d'ailleurs pas toujours conscience que le type de la maternité correspond à un niveau de prise en charge en néonatalogie et non en obstétrique.

En outre, les familles les mieux informées et les plus mobiles semblent délaisser les maternités dont les conditions de sécurité sont imparfaites. Charlotte Bouvard, directrice fondatrice de SOS préma, interpellait ainsi la mission sur les conséquences d'un inégal accès à l'information sur le caractère peu sécurisant de certaines maternités : « Ceux qui le savent (...) n'y enverront jamais leurs amis ou leurs enfants, mais ceux qui ignorent l'absence de pédiatre de garde iront dans ces maternités et seront ainsi envoyés dans un lieu "insécure". »

b) Un attachement à la proximité

Les journalistes et chroniqueuses entendues par la mission ont témoigné de la préoccupation de proximité de la prise en charge qu'elles ressentent chez les femmes avec lesquelles elles échangent.

De même, l'enquête d'opinion réalisée par l'institut CSA fait apparaître la proximité comme le premier critère des femmes lorsqu'elles réfléchissent au choix de leur lieu d'accouchement, mais surtout montre plus largement le souhait d'un suivi de proximité dans les périodes pré et post-natales. Bénéficier d'un suivi par un professionnel unique à proximité du domicile est le principal souhait exprimé par les femmes interrogées.

Cet attachement à des sites de proximité est relayé par les élus locaux, en lien, de façon plus globale, avec un souci de maintien de services publics et d'une offre de soins de proximité, en particulier dans les zones rurales.

Pour autant, la proximité est perçue différemment selon le lieu de vie des femmes. L'enquête d'opinion précitée montre que les femmes seraient prêtes à faire jusqu'à 40 minutes de trajet en moyenne pour se rendre sur le lieu de leur accouchement et que cette durée s'élève à 48 minutes chez les femmes vivant à plus de 30 minutes d'une maternité.

En outre, il semble que le souhait de la proximité traduise souvent surtout le souhait d'une personnalisation de la prise en charge. C'est ce qui transparaît des témoignages recueillis par la mission, dans le cadre de l'enquête d'opinion comme des auditions d'associations. De même, le Pr Yves Ville de l'Académie de médecine estime que les parents assimilent souvent qualité de l'accueil et proximité, alors même que ces deux aspects doivent être distingués.

c) Un souhait de personnalisation de la prise en charge

Le sociologue Philippe Charrier, dans une contribution adressée à la mission, souligne le souhait des femmes de « se réapproprier la naissance », de « vivre pleinement » la grossesse et l'accouchement, « avec une certaine maîtrise des événements ». L'affirmation plus ou moins forte de certaines attentes apparaît en partie corrélée à des niveaux d'informations et de connaissance du système de la naissance très variables selon les milieux sociaux.

Le principal souhait exprimé par les femmes, d'après les témoignages recueillis par la mission, est celui d'un suivi personnalisé en pré et post-natal comme en salle de naissance.

Cela se traduit par un attachement fort à la figure de la sage-femme, à même de proposer un accompagnement global et personnalisé.

Selon la journaliste et essayiste Renée Greusard, certaines femmes font le choix de la maison de naissance, non pas tant par rejet de l'hôpital que par souhait de bénéficier d'une prise en charge par une sage-femme unique. L'accès de sages-femmes libérales, qui assurent un accompagnement global, aux plateaux techniques, possible dans certaines maternités, peut également répondre au souhait d'une personnalisation de la prise en charge, dans un cadre restant sécurisé.

Certaines femmes choisissent également de se faire accompagner par des « doulas », une profession ni définie ni encadrée, mais qui développe une approche « bien-être » et semble répondre à une demande. Certains hôpitaux acceptent désormais la présence de ces tiers en salle de naissance.

S'agissant de l'accouchement, Philippe Charrier relève que les attentes des femmes peuvent être très opposées dans les pratiques attendues, avec certaines femmes qui déclinent leur volonté de maîtrise par un recours accru à la technique - par exemple avec une demande de césarienne qui ne s'impose pas médicalement et qu'elles peuvent obtenir dans des établissements privés notamment - et d'autres qui, au contraire, refusent ou souhaitent ardemment limiter ce recours à la technique. Il estime que ces attentes se heurtent à une offre mal adaptée et à une organisation du travail qui contraint à suggérer fortement, voire à imposer des pratiques qu'elles ne souhaitent pas toujours.

Afin que les femmes puissent exprimer leurs souhaits, la réalisation d'un projet de naissance est recommandée, en France, depuis 2005 et plus encore depuis 2020, dans la lignée du rapport de la commission d'experts sur les « 1000 premiers jours » de l'enfant. Cette pratique constitue désormais un critère de certification des établissements de santé.

Si le nombre de projets de naissance a augmenté ces dernières années, lors de l'enquête nationale périnatale 2021, seules 37 % des femmes déclaraient avoir rédigé un projet de naissance. Les maternités fournissent désormais un formulaire, mais qui se limite souvent à la possibilité pour les parturientes de préciser si elles souhaitent ou non une péridurale.

La mission estime nécessaire que la rédaction de projets de naissance soit plus systématique. Cependant, cette pratique n'est pas suffisante si elle ne s'accompagne pas d'une explication par les professionnels des réponses pouvant être apportées ou non aux attentes formulées et de la possibilité de permettre plusieurs types de projets de naissances au sein des mêmes structures.

Le projet de naissance

Si la préparation à la naissance était, par le passé, centrée sur la prise en charge de la douleur, elle s'oriente, depuis une vingtaine d'années, vers un accompagnement global de la femme et du couple en favorisant leur participation active dans le projet de naissance, « conjonction entre les aspirations de la femme et du couple et l'offre de soins locale » selon les termes de la Haute Autorité de santé.

La réalisation d'un projet de naissance est recommandée, en France, depuis 2005. C'est un droit pour toute femme enceinte ou couple parental.

Plus que l'expression d'un accouchement rêvé, c'est un outil de communication entre parents et professionnels en vue de préparer le moment de la naissance. Il invite le couple à réfléchir aux conditions de l'accouchement en amont. Il doit également permettre à l'équipe qui accueillera la femme lors de son accouchement d'avoir une vision globale de ce qui est important pour le couple.

Les éléments d'un projet de naissance peuvent concerner les soins, les pratiques et le soutien des professionnels ou du partenaire lors du travail, de l'accouchement et du post-partum immédiat.

Ce projet peut évoluer tout au long de la grossesse, ainsi qu'en fonction du déroulé de l'accouchement. En outre, certains souhaits du couple peuvent ne pas pouvoir être réalisés pour des raisons médicales. Il s'agit de discuter de ces raisons et d'anticiper les différents scenarii possibles en amont afin de sécuriser le couple.

Source : Recommandations professionnelles de la Haute Autorité de santé en matière de préparation à la naissance et à la parentalité, 2005 ; groupe de travail, présidé par le Ciane, pour l'élaboration d'une directive qualité sur le contenu attendu d'un projet de naissance, 2023

Au-delà des attentes légitimes d'une personnalisation de la prise en charge, divers professionnels de santé entendus par la mission constatent que, pour de nombreuses femmes, la sécurité est considérée comme acquise, la prise en charge médicale de l'accouchement étant globalement de qualité en France, et manifestent donc des exigences de confort, qui ne sont pas toujours en adéquation avec les ressources et contraintes des maternités. Ainsi, différents magazines et sites internet développent des guides des maternités, recensant les différents « services » proposés, mettant les établissements en concurrence sur la base d'indicateurs dont la pertinence ne fait pas consensus.

d) Une demande croissante d'accouchements moins médicalisés

L'ensemble des personnels de santé entendus par la mission a témoigné d'une augmentation des demandes d'accouchement plus physiologique, voire d'accouchement à domicile. En dépit d'efforts pour répondre à ces demandes, l'offre actuelle de lieux et modes d'accouchement sur l'ensemble du territoire ne semble pas aujourd'hui pleinement adaptée. En outre, deux visions de la grossesse apparaissent en tension chez les professionnels de santé, l'une insistant sur les risques, en partie imprévisibles, inhérents à tout accouchement, l'autre insistant sur le caractère « naturel » des accouchements, qui se déroulent de façon physiologique et sans complications dans la majorité des cas.

(1) Des souhaits d'accouchements physiologiques qui ne se retrouvent pas pleinement dans les accouchements réalisés

Alors que le taux de césarienne est stable depuis vingt ans, autour de 20 %, de même que le taux d'accouchement instrumental, autour de 12 %, les femmes formulent davantage le souhait de bénéficier d'un accouchement physiologique. L'enquête d'opinion précitée montre que le principal regret des femmes vis-à-vis de leur accouchement a trait à l'impossibilité d'avoir eu un accouchement physiologique. 12 % des femmes auraient aimé opter pour un accouchement non médicalisé sans avoir pu en bénéficier.

Selon le sociologue Philippe Charrier, de plus en plus de femmes, parmi les mieux informées sur le système de santé, tentent de rechercher un espace de naissance qui s'apparente à un domicile, tout en bénéficiant de la sécurité disponible sur place, avec des structures de types maisons de naissance ou salles dites physiologiques. Selon l'enquête commandée par la mission, la présence de salles « nature » permettant un accouchement physiologique dans un environnement moins médicalisé, est une priorité pour 27 % des femmes.

Or, cette offre d'accouchement non ou peu médicalisé n'est pas développée sur tout le territoire. Lors de son audition, le collectif interassociatif autour de la naissance (Ciane) a déploré une déshérence en matière de diversification de l'offre de soins et l'absence d'offre systématique de filière physiologique au sein des maternités.

Certes, des filières physiologiques ou des salles nature ont été mises en place dans de nombreuses maternités, mais leur présence n'est pas systématique et le nombre de sages-femmes est souvent insuffisant pour permettre la présence continue d'une seule sage-femme auprès de chaque femme en salle nature et certaines salles ne sont pas utilisées lors de périodes de tensions sur les ressources humaines. En outre, il n'existe pas de définition nationale des filières physiologiques, dont les modalités sont variées.

Par ailleurs, dans le cadre d'une expérimentation votée en 2013, huit projets de maisons de naissance ont été autorisés à ouvrir en 2015 et ont été pérennisés en 2020136(*) après un bilan positif de l'expérimentation137(*). Il s'agit de structures permettant un accouchement physiologique avec l'accompagnement d'une sage-femme pour les grossesses à bas risque, mais qui sont accolées à un établissement hospitalier afin de permettre une prise en charge rapide en cas de complications. Depuis, deux structures ont ouvert, l'une à titre expérimental (en Polynésie française), et l'autre par conversion d'un plateau technique déjà existant (maison à Aubagne).

Au total, seuls 800 accouchements sont réalisés au sein de maisons de naissance chaque année. Un chiffre largement inférieur à la demande selon le collectif des maisons de naissance françaises qui met en avant un sondage Ipsos de 2020 selon lequel une femme sur cinq souhaiterait accoucher en maison de naissance. Selon le Ciane, 75 % des femmes à Paris qui souhaiteraient accoucher en maison de naissance se voient opposer un refus par manque de places, et 30 à 50 % des femmes dans les autres régions sont dans le même cas.

(2) Une augmentation des accouchements à domicile

Selon une enquête de l'association de professionnels de l'accouchement accompagné à domicile (Apaad), entre 2018 et 2022, environ 6000 femmes ont commencé le travail à domicile et 5000 femmes ont de fait accouché à leur domicile, dans le cadre d'un accouchement accompagné à domicile (AAD), avec une sage-femme diplômée d'État.

L'AAD est un accouchement physiologique réservé aux femmes à bas risque obstétrical et pratiqué par une centaine de sages-femmes en France. Les sages-femmes de l'Apaad entendues par la rapporteure ont insisté sur leur vigilance dans la sélection des parturientes à bas risque, puis lors du travail : en cas de complications ou de décélération du rythme cardiaque du foetus, la patiente est transférée vers une maternité. Ainsi, 10 à 15 % des accouchements à domicile font l'objet d'un transfert vers un établissement de santé et les parents sont informés au préalable de cette éventualité en cas de nécessité.

Selon l'Apaad, les accouchements accompagnés à domicile sont plus nombreux en Île-de-France et en Savoie. Des protocoles régionaux y ont été mis en place entre professionnels de la périnatalité afin de renforcer l'information des maternités de recours et des transporteurs sanitaires, et ainsi faciliter les transferts.

Au-delà du souhait de certaines femmes de rester chez elles, l'attrait pour ce mode d'accouchement s'explique également par l'accompagnement global qui lui est associé. En effet, chaque femme a sa propre sage-femme, qui l'accompagne des premiers jours de grossesse jusqu'à la période post-natale et qui est présente durant toute la durée du travail et de l'accouchement. Le collectif de défense de l'AAD (CDAAD) a mis en avant, lors de son audition, la sécurité à la fois physique et émotionnelle apportée par cet accompagnement.

Se développent également des pratiques d'accouchement non assisté à domicile, où les parturientes accouchent seules ou avec des personnes sans formation spécifique, qui se désignent souvent sous le terme de « doulas »138(*). À la différence des AAD, aucune sécurisation n'est apportée par la présence d'une sage-femme diplômée et équipée de matériel obstétrique et néonatal et par l'anticipation de transferts éventuels vers une maternité. Ces pratiques peuvent s'accompagner de dérives sectaires, comme l'ont dénoncé les professionnels de santé rencontrés par la mission lors d'une visite du CHU de Rennes.

Selon le sociologue Philippe Charrier, « ces solutions sont plutôt des solutions de fuite, plus qu'une véritable adhésion à la dimension alternative de ces modèles » et le fait que les politiques publiques ne s'y intéressent pas pleinement laisse libre cours à des pratiques qui pourraient se révéler dangereuses. Ce risque est également clairement identifié par de nombreux professionnels de santé entendus par la mission, qui appellent à répondre à la demande des parturientes d'un accouchement moins médicalisé afin d'éviter qu'elles fassent d'autres choix risqués pour elles et leur bébé.

3. Des ressources médicales et paramédicales en tension dans un écosystème en mutation

Les questions de démographie médicales sont particulièrement complexes car elles mélangent des éléments relatifs à la formation (nombre de places ouvertes, nombre d'inscriptions dans les filières mais également capacité du système de formation à intégrer les étudiants...) mais aussi à la pratique concrète de l'exercice professionnel à l'issue des études (choix du secteur d'activité, zone d'installation, évolution des pratiques, formation continue...). Le renouvellement régulier des professionnels en exercice est une nécessité vitale pour une profession.

Les principales professions intervenant dans le champ de la périnatalité connaissent des difficultés de ressources humaines comparables au sein des maternités : pénibilité et faible attractivité du travail liées en grande partie à la permanence des soins et à l'instabilité des équipes sont au coeur de ces problématiques. La « crise » de la démographie médicale que connaît aujourd'hui notre système de santé, et notamment la santé périnatale en France, n'est pas un phénomène ponctuel mais le symptôme d'une véritable mutation dans les attentes et les modalités d'exercice des professionnels de santé.

a) Une démographie très insuffisante au regard des besoins

La salle de naissance fait intervenir un grand nombre de professionnels qui oeuvrent en équipe au bon déroulement de l'accouchement : gynécologues-obstétriciens, anesthésistes-réanimateurs, pédiatres et sages-femmes, accompagnés d'infirmières qui peuvent être spécialisées en anesthésie (IADE) ou en puériculture (IPDE).

Les évolutions démographiques que connaissent, depuis plusieurs années, ces différentes professions fragilisent la stabilité et la complétude des équipes à l'hôpital, ce qui participe du déficit d'attractivité de l'exercice en milieu hospitalier.

Évolution démographique entre 2012 et 2023 des médecins en activité en France
et de la part des praticiens hospitaliers selon la spécialité

Source : Mission d'information selon les chiffres ASIP-Santé RPPS, traitements Drees, données au 1er janvier de l'année

(1) Les gynécologues-obstétriciens : une profession en augmentation mais très fortement mise à contribution dans le cadre de la permanence des soins

La spécialité de gynécologie recouvre deux principales branches d'activité : la gynécologie médicale qui assure principalement le suivi des femmes tout au long de leur vie (dépistage des cancers, contraception, affection de l'appareil génital féminin...) et la gynécologie-obstétrique (suivi de grossesse, actes chirurgicaux notamment pendant l'accouchement...). La première de ces spécialités connaît une très forte diminution de ses effectifs depuis plusieurs années (- 47,8 % entre 2012 et 2023139(*)). Ce très faible nombre de praticiens (1936 inscrits au RPPS en 2023) est source de délais très longs pour obtenir un rendez-vous et plus globalement d'inquiétude en matière de santé publique concernant la santé des femmes.

Concernant les gynécologues-obstétriciens qui interviennent plus directement dans le champ de la périnatalité, les perspectives sont plus favorables. Le nombre de praticiens est en constante augmentation depuis 2012, passant de 4 097 à 5 773 en 2023, et les projections à 2030 sont positives avec une estimation de plus de 6 600 praticiens en activité à cet horizon140(*).

Toutefois, de fortes situations de tensions sont constatées dans les hôpitaux sur tout le territoire, en particulier dans les maternités de type 1 et réalisant le moins d'accouchements. Ainsi, le collège national des gynécologues-obstétriciens (CNGOF) indique dans un rapport de 2022141(*) que 40 % des maternités interrogées connaissaient des tensions sévères sur leurs effectifs, pourcentage qui atteint 72 % des maternités de type 1 contre 4 % pour les maternités de type 3142(*).

En réalité, la progression des effectifs de gynécologues-obstétriciens cache une évolution, lente mais réelle, de la répartition de ses effectifs vers davantage d'exercice en libéral.

L'augmentation du nombre de gynécologues-obstétriciens depuis dix ans a davantage bénéficié au secteur libéral qu'au secteur hospitalier. Au total, le nombre de praticiens exerçant une activité libérale stricte a augmenté de 39,4 % entre 2012 et 2023, passant de 1 554 à 2 167, celui des praticiens ayant un exercice mixte de 45,7 %, de 817 à 1 191, et celui des praticiens hospitaliers de 30,5 %, de 1 673 à 2 184.

Cette évolution semble traduire le manque d'attractivité de la pratique en milieu hospitalier, l'arrêt de la participation à la permanence des soins intervenant quelques années après la fin de l'internat143(*). De plus, le CNOGF met en avant la faible attractivité de certaines structures, notamment celles avec un trop faible nombre d'accouchement par an ou dans lesquelles la complétude des équipes médicales n'est pas assurée. Ainsi, selon le CNOGF, le « constat est celui du renoncement à l'activité hospitalière et à la participation à la permanence des soins en l'absence de poste dans les maternités les plus attractives »144(*).

Bien que le volume de postes ouverts à l'internat connaisse une augmentation supérieure aux autres spécialités médicales, la réalité des tensions constatées dans de nombreux établissements appelle a minima à maintenir cet effort de recrutement. Cet effort ne sera réalisable qu'au travers d'une augmentation du nombre d'universitaires145(*) dans la discipline et d'une réflexion sur l'attractivité de ces carrières.

Enfin la mission d'information déplore qu'aucune donnée fiable quant à la participation effective des gynécologues-obstétriciens à la permanence des soins et à la situation des effectifs au sein de chaque structure ne soit disponible à l'échelle nationale, alors même que la permanence des soins en gynécologie-obstétrique ne peut être prise en charge que par les gynécologues-obstétriciens eux-mêmes. En effet, un praticien hospitalier peut ne pas participer à l'activité de garde, alors qu'un gynécologue-obstétricien libéral peut y participer en tant qu'intérimaire ou contractuel. Ces informations, lorsqu'elles sont disponibles, ne sont pas collectées de façon systématique ni par les ARS ni par les réseaux de périnatalité.

(2) Un nombre de pédiatres spécialisés en néonatologie trop faible pour assurer la performance du système de santé périnatale

Si le nombre de pédiatres hospitaliers est en augmentation sur les dernières années146(*), les pédiatres néonatologistes, spécialisés dans la prise en charge des enfants au cours des 28 premiers jours, sont peu nombreux. Dans son enquête « Qualité des soins et sécurité des nouveau-nés requérant des soins critiques : état des lieux en 2023 », la société française de néonatologie (SFN) estime à 1 500 le nombre de pédiatres disposant de la « sur-spécialisation » en néonatologie.

Dans sa réponse écrite au questionnaire transmis par la rapporteure, la SFN indique que le nombre de pédiatres néonatologistes actuellement formés est insuffisant pour seulement remplacer les départs à la retraite. Aujourd'hui, selon la SFN, « au moins un poste de pédiatre néonatologiste est vacant dans 73 % des services de type 3, et deux ou plus sont vacants dans 46 % des services » et « 72 % des services de type 3 rencontrent des difficultés pour assurer la permanence des soins »147(*).

Compte tenu de l'évolution des pratiques et des attentes concernant la participation aux gardes, cette situation de tension démographique risque de s'aggraver, malgré l'ouverture de postes supplémentaires. Pour l'année 2023 -2024, 377 postes ont ainsi été proposés contre 342 l'année précédente. Toutefois, près de 75 % des postes en néonatologie n'étaient finalement pas pourvus148(*).

Si la revalorisation des actes de pédiatrie, en hôpital comme en libéral, doit être envisagée, le retour des médecins en salle de naissance ne pourra avoir lieu sans mettre en place les actions permettant d'offrir des équipes stables et un cadre de travail sécurisant dans les établissements de santé.

(3) Les sages-femmes : une démographie de plus en plus tournée vers l'exercice libéral

D'après les chiffres de la Drees, au 1er janvier 2023, 24 354 sages-femmes exerçaient sur le territoire. Les effectifs de sages-femmes dans leur totalité ont augmenté de 23 % entre 2011 et 2022 sur l'ensemble du territoire national et de près de 32 % en Île-de-France149(*).

Cette dynamique démographique favorable dans un contexte de baisse de la natalité masque néanmoins une profonde transformation de l'exercice du métier et des attentes, qui se traduit par une fuite des sages-femmes vers l'exercice libéral et un manque de sages-femmes à l'hôpital.

Si une large part des sages-femmes exercent au sein des établissements de santé en tant que salariées (13 776 en 2023 soit 57 %), la part des sages-femmes exerçant en libéral, exclusif150(*) le plus souvent ou mixte, augmente continuellement depuis 2010 pour atteindre en 2023 près de 35 % des effectifs. Selon l'Assurance maladie, 3 265 sages-femmes exerçaient en libéral en 2010 (2 567 en exclusif et 698 en mixte) et 7 692 en 2022 (6 249 en exclusif et 1 443 en mixte)151(*). Dans une étude publiée en 2021, la Drees indiquait que si ces tendances se confirmaient, les effectifs de sages-femmes augmenteraient de 27 % à l'horizon 2050 et, parmi eux, ceux des sages-femmes libérales de plus de 70 % 152(*). Ainsi, comme l'indiquait la commission des affaires sociales du Sénat, « si la tendance actuelle se poursuit, les sages-femmes libérales pourraient devenir majoritaires dans les prochaines décennies »153(*).

La région Bretagne illustre parfaitement le choix prononcé des sages-femmes pour l'exercice libéral. En effet, dans cette région, entre 2012 et 2022, le nombre de sages-femmes est passé de 965 à 1 251 mais surtout cette hausse résulte presque intégralement d'une augmentation du nombre de sages-femmes exerçant en libéral ou en exercice mixte (+ 260 sages femmes en libéral ou exercice mixte et - 22 sages-femmes en secteur hospitalier sur la période)154(*).

Malgré cette hausse des effectifs, la file active moyenne des sages-femmes libérales, à savoir le nombre de patients uniques vus au moins une fois dans l'année, a elle aussi augmenté en moyenne nationale, passant de 310 patients en 2016 à 497 en 2022155(*). L'exercice des sages-femmes en libéral répond donc à une véritable demande, en lien avec l'évolution de leurs compétences mais aussi les difficultés démographiques que connaissent d'autres spécialistes de santé.

Toutefois, cette évolution ne peut se faire aux dépens de la permanence des soins en établissements de santé mais également en ambulatoire. À ce titre, la loi portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé adoptée le 19 mai 2023 consacre la participation des sages-femmes à la permanence des soins ambulatoires. Cette participation à la permanence des soins en ambulatoire doit notamment avoir pour objectif de réduire le recours aux urgences hospitalières.

Il convient donc d'apporter une vigilance particulière à la participation des sages-femmes libérales à la permanence des soins en ambulatoire et de soutenir les sages-femmes libérales exerçant en établissement de santé156(*).

Évolution du nombre de sages-femmes depuis 2012 et évolution de la proportion de sages-femmes en exercice libéral (exclusif ou mixte)

Source : Mission d'information sur l'avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale, d'après les chiffres de la Drees et du Conseil national de l'ordre des sages-femmes

Il s'agit dès lors de mettre en place des dispositifs qui permettent, d'une part d'assurer la participation des sages-femmes aux effectifs hospitaliers et, d'autre part de ne pas limiter l'exercice libéral. Ainsi le dispositif du contrat d'allocation d'études (CAE), mis en place depuis peu par plusieurs ARS157(*), permet aux établissements de santé ainsi qu'aux établissements et services médico-sociaux de la région de verser une allocation forfaitaire aux étudiants en dernière année d'études, inscrits dans les écoles ou instituts de formation en santé relevant de métiers en tension, en contrepartie d'un engagement de servir de 18 mois au sein de ces établissements.

Par ailleurs, il apparaît nécessaire de favoriser la participation des sages-femmes libérales aux missions de service public des établissements de santé et d'en assouplir les conditions158(*). L'ARS d'Île-de-France a ainsi lancé une expérimentation pour renforcer l'attractivité de l'exercice en établissement de santé pour les sages-femmes libérales par la mise en place de postes en « temps partagé » entre établissements de santé et exercice libéral pendant une période de deux ans maximum. Les sages-femmes qui entrent dans cette démarche bénéficient d'une indemnité d'un montant de 7 ou 10 000 euros par an en fonction du lieu d'exercice.

Ce dispositif a, semble-t-il, connu une montée en charge difficile. Sophie Martinon, lors de son audition, a ainsi avancé le chiffre de « quatre postes de sages-femmes partagés ville-hôpital en Île-de-France »159(*) en raison probablement d'un défaut d'information et de l'existence « d'obstacles administratifs ». Toutefois, l'ARS d'Île-de-France a prolongé cette expérimentation en ajustant certains paramètres comme la quotité de temps en établissement et en libéral160(*) ainsi que l'ancienneté requise pour postuler.

Les praticiens associés à diplôme hors Union européenne (PADHUE) :
une ressource indispensable pour répondre
à la réalité de la démographie médicale

Le statut de « praticien associé à diplôme hors Union européenne » a été créé par la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé. La loi du 27 décembre 2023 visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels a entendu rénover la procédure de droit commun d'autorisation d'exercice afin de sécuriser le parcours de ces praticiens et d'améliorer leur accueil en établissement.

Selon le Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom), la part des Padhue dans l'ensemble des médecins atteint 7 %, soit environ 16 382 médecins au 1er janvier 2023161(*). Ce taux s'élève à près de 10 % pour les spécialistes médicaux et chirurgicaux. S'agissant des spécialités exerçant dans le champ de la périnatalité, en 2023, sur les 8 740 pédiatres en exercice, 1 471 avaient obtenu leur diplôme à l'étranger (UE et hors UE), ces chiffres étaient de 976 gynécologues- obstétriciens sur 5 773 et de 2 371 anesthésistes-réanimateurs sur 12 035162(*).

Par ailleurs, selon l'Atlas de la démographie médicale publié par le Cnom en 2023, les médecins à diplômes étrangers sont davantage implantés dans les territoires aux plus faibles densités médicales.

Dès lors, les Padhue contribuent pleinement au maintien de l'offre de soins et permettent de répondre aux besoins importants de recrutement des établissements de santé. Toutefois, cette intégration dans le système de santé doit s'accompagner des mesures garantissant en permanence la qualité et la sécurité des soins et ne pas être un prétexte pour ne pas agir en faveur de la formation des professionnels de santé.

Si les effectifs des professionnels de santé agissant dans le champ de la périnatalité sont globalement en augmentation, et ce dans un contexte de baisse de la natalité, cela ne doit donc pas occulter, comme l'indique la Cour des comptes, « les tensions liées à des défis démographiques spécifiques »163(*) à l'hôpital notamment et en premier lieu le maintien de la permanence des soins. Ces fragilités, difficiles à appréhender du fait du manque de données exploitables pour organiser une réelle supervision de la démographie médicale au niveau national, s'inscrivent dans un profond bouleversement des attentes et des pratiques des personnels de santé.

b) Une recherche d'équilibre entre vie professionnelle et vie privée qui affecte la permanence des soins

Les professionnels entendus par la mission d'information ont évoqué une véritable mutation dans les pratiques médicales et l'acceptation des contraintes inhérentes à celles-ci, notamment la permanence des soins. En effet, comme les urgences, les maternités assurent une permanence des soins 365 jours par an, 24 heures sur 24 difficilement prévisible et contrôlable.

La charge de garde acceptable et l'aspiration générale des jeunes soignantes et soignants à obtenir un meilleur équilibre entre leur vie personnelle et leur vie professionnelle sont des paramètres désormais essentiels dans leur choix de carrière.

Il s'agit d'une évolution sociétale majeure dont il convient de prendre acte et pour laquelle des réponses doivent être apportées en terme d'attractivité des carrières au sein des maternités. Certains intervenants ont également mis en avant une féminisation des professions médicales qui renforcerait ce souhait d'équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

Le renouvellement des professions ne peut donc pas se penser que sur la base d'un simple remplacement poste pour poste des départs à la retraite. Ainsi, avec les horaires et contraintes actuels, une augmentation du nombre de postes est nécessaire pour seulement même maintenir le niveau d'organisation des soins.

Dans le cadre d'une enquête réalisée en 2018, le CNGOF indiquait que la poursuite d'une activité de permanence des soins n'était envisagée que par 50 % des internes au-delà de 50 ans et qu'une grande majorité ne souhaitait pas devoir assurer plus de 4 à 5 gardes par mois. Entre juin et octobre 2022, la société française de néonatalogie a mené une enquête qui aboutissait aux mêmes conclusions : pour 80 % des répondants, la participation à la permanence des soins et les gardes ont un retentissement négatif sur leur vie personnelle et environ 75 % des docteurs juniors souhaitent réduire le nombre de gardes qu'ils effectuent, voire ne pas en assurer du tout. Par ailleurs, 17 % des répondants déclaraient avoir connu au moins un épisode de burn-out ou de dépression en lien avec le travail164(*).

La question des conditions de travail en salle de naissance est centrale. C'est également ce qu'a indiqué Éléonore Bleuzen-Her, présidente du collège national des sages-femmes de France, lors de son audition par la mission : « le principal problème réside dans la dégradation de la qualité de vie au travail. Les conditions de travail en salle de naissance sont difficiles. Si les conditions de travail en salle de naissance s'améliorent, les sages-femmes y reviendront ».

La quasi-totalité des professionnels de santé entendus par la mission d'information au cours de ses travaux ont avancé un effectif minimal de 21 personnes, soit sept praticiens pour chaque spécialité (obstétriciens, pédiatres, anesthésistes-réanimateurs) afin de pouvoir assurer la permanence des soins dans un environnement de travail acceptable et sécurisant pour les nouveaux professionnels s'agissant du nombre de gardes par semaine (entre 4 et 5 par mois et un week-end).

Or de nombreux établissements de santé ont une activité trop faible pour pouvoir maintenir de telles équipes et ces chiffres sont très loin d'être atteints. Dans son rapport de 2022, la commission démographie du CNGOF indique que 42 % des établissements ont moins de 7 ETP, 27 % ont moins de 5 ETP et que les médecins effectuent plus de 5 gardes par mois dans 62 % des structures165(*). Dans son enquête analogue précitée, la société française de néonatalogie indique que parmi les pédiatres concernés par la permanence des soins, 47 % font 5 gardes ou plus par mois et 20 % travaillent 3 ou 4 week-ends par mois.

Si ce souhait de la part des professionnels de santé de disposer d'équipes étoffées et de limiter le nombre de gardes répond à une volonté de mieux concilier vie privée et vie professionnelle, il est aussi et surtout porté par une exigence de sécurité accrue et de qualité des soins.

c) Une exigence renforcée de sécurité et de stabilité des équipes : la priorité des professionnels de santé

Moins il y a de pédiatres, de gynécologues-obstétriciens et d'anesthésistes-réanimateurs dans les établissements, plus ces derniers peinent à en recruter de nouveaux et doivent faire appel à l'intérim. Un cercle vicieux se met alors en place. Le recours aux intérimaires pour pallier le manque de personnels entraîne une forte instabilité des équipes, une méconnaissance des pratiques entre les professionnels de santé et affecte la réputation de l'établissement166(*). « Si on ne se connaît pas, on ne peut pas faire face aux situations de crise » indiquait Jean-Christophe Rozé, président de la société française de néonatalogie lors de son audition par la mission.

Ainsi selon le rapport 2022 de la commission démographie du CGNOF précité, 44 % des maternités interrogées faisaient appel à des intérimaires pour assurer la permanence des soins dans cette spécialité. Dès lors, moins de médecins souhaitent s'engager dans ces établissements de peur de devoir faire face à des tableaux de garde incomplets et de travailler dans un sentiment d'insécurité.

En effet, selon une enquête menée par le SNPHARe en 2018, 55 % des praticiens hospitaliers ont l'impression de prendre des risques pour les patientes dans leur travail et de compromettre leur sécurité. Cette problématique du « risque » en cas d'événement indésirable grave est très forte chez les jeunes praticiens.

Au-delà de l'effectif minimal de 21 ETP et de la complétude des lignes de garde, on constate une demande de sécurisation renforcée de la part des jeunes médecins, qui redoutent parfois d'être seuls en salle de naissance et désirent travailler au sein d'équipes étoffées, permettant une meilleure réaction en cas de complications. Or les petites structures ne permettent pas d'offrir ce cadre d'exercice, ce qui a été régulièrement pointé comme un facteur de perte d'attractivité des maternités de type 1 par rapport aux maternités de type 3.

L'activité dans les maternités étant difficilement contrôlable, une demande de limitation de la durée de présence à 12 heures contre 24 heures lors des gardes a été relayée par plusieurs syndicats et organismes représentatifs des professionnels de santé, afin de limiter les risques liés au manque de sommeil à la suite d'une garde trop longue.

Les professionnels de santé ont également besoin d'évoluer dans un environnement professionnel dans lequel ils trouvent les conditions pour prodiguer des soins de qualité. Or la diminution du nombre de sages-femmes en salle de naissance évoquée plus haut semble également s'expliquer par ce sentiment de devoir travailler dans des conditions qui ne sont plus acceptables. Lors de son audition, Anna Roy, sage-femme et chroniqueuse dans l'émission La Maison des Maternelles, a évoqué ce sentiment en ces termes : « La salle d'accouchement est le seul endroit au monde où je me sentais réellement chez moi et j'en suis partie, car je maltraitais les femmes faute de moyens ».

Les infirmiers-anesthésistes diplômés d'État (IADE) en salle de naissance

Il n'existe pas de cadre règlementaire concernant la présence des IADE au sein de la salle de naissance. Leur présence ou non dépend des choix et des possibilités propres à chaque établissement. En effet, seule celle du médecin anesthésiste-réanimateur (MAR) est imposée au-delà d'un nombre minimal d'accouchements167(*). Celui-ci doit pouvoir avoir recours à une aide mais celle-ci peut être assurée par une infirmière non spécialisée ou une sage-femme par exemple.

L'absence d'IADE en salle de naissance peut amener la sage-femme à assurer, en plus de sa participation à la prise en charge de l'analgésie péridurale, des gestes anesthésiques urgents qui viennent augmenter sa charge de travail168(*). Cela peut être particulièrement dommageable en cas d'urgence obstétricale et de pic d'activité.

La présence des IADE participe de la sécurité et de la qualité de la prise en charge des parturientes. Lorsqu'un IADE est présent en salle d'accouchement, ses compétences, sous la responsabilité du MAR, en analgésie et anesthésie et réanimation de la femme enceinte et du nouveau-né, sont précieuses. Il apparaît dès lors pertinent de renforcer la communication et les échanges avec les sages-femmes afin d'améliorer l'optimisation des rôles de chacun au sein de la salle de naissance.

Bénéficier d'effectifs stables et complets, c'est aussi pour les professionnels de santé la possibilité de récupérer du temps pour former leurs pairs, de procéder à des débriefings et de proposer un encadrement spécifique pour les jeunes praticiens, afin de sécuriser les pratiques et la qualité du système de soin périnatal.

Recommandation n° 10 : Garantir des effectifs de professionnels médicaux (gynécologues-obstétriciens, pédiatres, anesthésistes-réanimateurs et sages-femmes) répondant aux besoins de santé en formant davantage de praticiens et améliorant l'attractivité de ces professions et de leur exercice hospitalier, et renforcer la formation initiale des infirmiers dans les activités de santé périnatale.

B. UN STATU QUO CONDUISANT À UN LENT « POURRISSEMENT »

1. Une fragilisation de fait du réseau de maternités
a) Des équipes incomplètes ou non stables identifiées comme porteuses de sérieux risques dans la prise en charge

La complétude et la stabilité des équipes ont été quasi systématiquement désignées comme des critères déterminants de la qualité et de la sécurité des soins dans les maternités, tant par les professionnels de terrain qui y exercent que par les sociétés savantes, chercheurs et organismes chargés d'analyser et évaluer leurs pratiques.

C'est ainsi l'un des éléments majeurs retenus par l'Académie de médecine pour caractériser la fragilité de certaines structures, le Pr Yves Ville décrivant ainsi des maternités dites « en tension sévère » : « Il s'agit d'un critère composite que l'on peut définir ainsi : ce sont des maternités qui n'arrivent pas à assurer la continuité des soins vingt-quatre heures sur vingt-quatre et 365 jours par an, dont les listes de garde présentent des trous, c'est-à-dire un défaut de soins potentiel. Ces maternités ont un recours quelquefois massif, voire exclusif, à l'intérim : c'est donc un regroupement de mercenaires et, quelles que soient la motivation, la bienveillance et l'intelligence que ceux-ci peuvent avoir dans leur travail, si une situation de crise et d'urgence survient, une catastrophe peut se produire, simplement parce qu'ils ne sont pas habitués à travailler ensemble. Ce sont aussi des maternités qui composent avec moins de 7 équivalents temps plein (ETP), ce qui entraîne des burn-out - plus de la moitié des personnels travaillant dans ces établissements en sont affectés. »

Le constat était également partagé par le Dr Pierre Gabach, adjoint à la direction de l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins de la Haute Autorité de santé, qui indiquait que certaines complications ont mis en évidence « la sous-estimation de certains risques par du personnel inhabituel (intérimaires, ou personnels en formation - internes ou élèves) ».

Interrogée sur les motifs de fragilité de certaines structures et les éléments caractéristiques des situations de complications mal maîtrisées, Margaux Creutz Leroy, présidente de la fédération française des réseaux de santé en périnatalité, a aussi insisté sur la stabilité des équipes, à savoir la complétude ou non du tableau de garde. Ainsi, il ressort selon elle de l'analyse des événements indésirables que « pour ce qui concerne les plus graves d'entre eux, à savoir les décès des mères et ceux des bébés à terme, in utero ou après la naissance, les facteurs de risques qui ressortent sont, plus que le type de la maternité, la stabilité des équipes - donc le recours aux intérimaires - et le fait que la garde ait lieu sur place ou non. »169(*)

En outre, comme le pointait le réseau de périnatalité de Nouvelle-Aquitaine170(*) , « vouloir combler, "à tout prix", les listes de garde pour assurer la permanence des soins, expose à des variations régulières, voire permanentes pour certaines maternités, de praticiens qui ne se connaissent pas, ne connaissent ni la région et sa structuration ou son organisation des soins, ni les populations et des périodes de rupture de la permanence des soins, qui vont à l'encontre de la notion de qualité d'un suivi global ».

b) De petites structures confrontées à des problèmes majeurs d'effectifs

Alors que la stabilité des équipes est un facteur majeur pour la sécurité des soins, la situation des établissements sur ce point montre des différences notables et une fragilité particulièrement identifiée des petits établissements.

Santé publique France soulignait171(*) ainsi notamment les observations de l'enquête nationale périnatale de 2021 selon laquelle plus d'un tiers des maternités de moins de 1 500 accouchements recourent plusieurs fois par mois à des intérimaires ou des vacataires pour les postes de gynécologues-obstétriciens pour le secteur obstétrical et pour la garde en salle de naissance, ce taux passant à environ 15 % des maternités entre 1 500 et 3 500 accouchements et à 0 % pour les maternités de plus de 3 500 accouchements. Santé publique France mettait également en exergue le recours plus fréquent aux intérimaires pour les anesthésistes du secteur obstétrical et pour les pédiatres dans les plus petites structures.

En outre, il convient de rappeler la récente analyse de la Cour des comptes concernant l'intérim médical et les contrats courts dans les établissements hospitaliers, qui mettait en évidence un gradient de recours à l'intérim selon la taille de l'hôpital : « Plus il est petit, plus la dépendance aux emplois temporaires est élevée. En 2021, le taux de recours moyen était de 15 % mais il atteignait 30 % dans les hôpitaux de moins de 20 M€ de chiffre d'affaires et 6 % dans les centres hospitaliers universitaires (CHU) » 172(*). Le même rapport pointait la situation particulièrement sensible de deux spécialités : les services les plus touchés sont les urgences et les maternités.

Véronique Hamayon, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, le soulignait également devant la mission : « Le même constat se retrouve dans les maternités : plus les établissements sont de petite taille, plus le recours à l'intérim et aux contrats courts est important, jusqu'à atteindre un tiers du personnel dans certains établissements. »173(*)

c) Dans un contexte de tensions sur les ressources, une menace de fragilisation d'établissements structurants

Si le débat politique s'est souvent concentré sur la question des « petites maternités », la situation est en réalité bien plus complexe et nuancée.

Ainsi, le Pr Ville soulignait en audition174(*) que le rapport de l'Académie de médecine avait souvent été vu sous l'angle de la fermeture possible d'une centaine de maternités de type 1, quand il alertait tout autant sur la situation préoccupante de 52 maternités de type 2.

Les déplacements en Bretagne et en Lorraine comme les échanges avec les réseaux de périnatalité et les agences régionales de santé ont également mis en évidence un prisme déformant sur les conséquences de la fragilité de certaines maternités.

Si une fermeture temporaire d'une maternité de 400 accouchements a un impact déstabilisateur localement, elle ne génère en réalité pas, en règle générale, de surplus d'activité difficile à absorber par les maternités alentours.

La fermeture d'une maternité de type 2 de manière soudaine, faute de personnels en nombre suffisant ou du fait d'un choix stratégique d'un établissement privé, représente une menace bien plus préoccupante pour l'ensemble du maillage territorial.

Or des situations de tensions susceptibles de conduire à des fermetures précipitées de services structurants sont aujourd'hui identifiées dans différentes régions, menaçant ainsi les capacités d'accueil et de prise en charge de manière soudaine.

Aussi la transformation de l'offre de soins n'apparaît-elle pas comme une réforme de confort. Au contraire, elle vise prioritairement à garantir la viabilité et la solidité des maternités structurantes dans les territoires, comme le dit en réalité l'Académie de médecine dans son rapport.

d) Des établissements confrontés à des difficultés particulières dans certains territoires

Les difficultés de certains établissements ne sont pas uniquement liées aux situations médicales à prendre en charge mais bien à des situations sociales complexes.

Ainsi, comme l'a constaté la mission lors d'un déplacement au sein de l'hôpital Robert-Debré (AP-HP) et comme l'a souligné Sophie Martinon, directrice générale adjointe de l'ARS d'Île-de-France175(*), la grande précarité de certaines mères conduit à un maintien au sein de la maternité bien au-delà du besoin lié à l'état de santé de la mère et du nourrisson, parfois pendant plusieurs semaines.

Ces durées de séjour très longues, souvent dans les grandes métropoles et donc dans de grandes structures de types 2 ou 3, sont injustifiées sur le plan sanitaire et occupent des places qui pourraient être nécessaires à d'autres accouchements. Dans un contexte particulièrement tendu, ces séjours mobilisent de manière non optimale des ressources humaines et financières.

Ces situations sociales sensibles et complexes appellent une réponse sociale et non hospitalière. Il est impératif de pouvoir proposer des solutions d'hébergement en aval des maternités pour accueillir les populations les plus précaires.

Au-delà d'un renforcement de l'hôpital sur sa mission de soins et donc également une économie pour l'établissement, cette orientation vers une structure d'aval doit permettre un environnement plus approprié au développement d'un jeune enfant qu'une chambre d'un service de maternité. Cet investissement social doit être pensé en coordination entre l'État - compétent en matière d'hébergement d'urgence - et les départements - compétents pour l'hébergement des femmes enceintes et des mères isolées avec des enfants de moins de trois ans, et être organisé en proximité des établissements hospitaliers afin de faciliter le suivi médical.

2. Une insuffisante lisibilité et intelligibilité des conditions de qualité et de sécurité des prises en charge pour les mères et les nourrissons
a) Une offre de maternités majoritairement mal appréhendée

Le système de soins périnatals apparaît particulièrement mal connu, en cohérence avec certaines lacunes identifiées et précédemment décrites concernant l'information des femmes sur le lieu de leur accouchement176(*).

L'étude CSA commandée par la mission177(*) montre sur ce plan un déficit global de connaissances des femmes sur l'offre de maternités et particulièrement ses caractéristiques. Ainsi, 62 % des répondantes178(*) n'avaient pas une idée précise des quatre types de maternités qui existent, 34 % ignorant même l'existence de différentes catégories179(*).

Surtout, l'existence de ces quatre types et ce qu'ils couvrent n'est clair que pour 41 % des femmes ayant accouché récemment, parmi lesquelles 24 % ne savent pas dans quel type de maternité elles ont accouché.

b) Une connaissance incomplète des risques

Au-delà de la connaissance des catégories de maternités, l'étude CSA précitée a mis en évidence le fait que les caractéristiques d'une maternité de type 1 - absence de service de néonatologie et de service de réanimation ou soins intensifs néonatals - sont connues de moins d'une femme sur deux180(*).

Alors que 29 % des femmes interrogées déclaraient ne pas s'être renseignées sur le lieu de leur accouchement (passé ou à venir), trois questions particulières ont été posées au sujet des renseignements éventuellement pris sur le niveau d'encadrement pendant l'accouchement, le type d'encadrement pendant l'accouchement et le niveau de risque pris en charge en cas de complications ou d'urgences et ce que cela implique.

Il en ressort une recherche d'informations globalement importante, respectivement 85 % et 80 % des femmes ayant répondu favorablement aux deux premières questions.

Cependant, pour ce qui est du niveau de risque pris en charge, 23 % des répondantes ont indiqué ne pas s'être renseignées. Surtout, ce chiffre montre des différences notables selon le lieu d'accouchement pour les femmes ayant accouché récemment : si 89 % des femmes ayant accouché dans une maternité de type 3 s'étaient renseignées sur ce point, elles étaient seulement 68 % pour les maternités de type 1. Paradoxalement le niveau d'information des parturientes est ainsi plus faible précisément dans les structures, dédiées aux grossesses à bas risque, dans lesquelles le niveau d'encadrement et de prise en charge des complications est moindre.

Il ressort en outre des auditions menées par la mission que les familles ne sont pas informées des pénuries de personnel soignant dans certains établissements et des conséquences que cela peut avoir pour leur prise en charge.

Devant la mission181(*), la sage-femme et chroniqueuse Anna Roy déclarait sur ce point : « Les femmes sont-elles suffisamment informées sur les choix qui s'offrent à elles, même lorsqu'elles ont le choix ? La réponse est non et c'est à l'origine de nombreux problèmes. »

Or, la bonne connaissance de l'offre de soins disponible et surtout des conditions de la prise en charge potentielle est un préalable indispensable à un choix éclairé pour les femmes pour le lieu de leur accouchement, surtout dans les cas où celles-ci ne sont pas clairement orientées par un professionnel de santé en raison de leur état de santé.

Surtout, la conséquence directe de cette insuffisante clarté et disponibilité de l'information sur la situation réelle des établissements et les conditions de prise en charge conduit à une inégalité de traitement entre les parturientes.

Jean-Christophe Rozé, président de la société française de néonatalogie estimait182(*) ainsi que « la population n'a pas connaissance de ce risque. Néanmoins, les personnes ayant connaissance des accidents qui surviennent dans une maternité décideront de ne pas y aller pour y donner naissance à leur enfant. »

Un constat que partageait également Margaux Creutz Leroy, présidente de la fédération française des réseaux de santé en périnatalité183(*) : « Les familles qui ont accès à l'information sur l'instabilité de la maternité de leur territoire en ont peur et préfèrent se rendre dans la maternité du territoire voisin, située parfois jusqu'à une heure de route, mais dont l'équipe est stable, quand les familles qui n'ont pas accès à cette information persistent à se rendre dans la maternité de proximité, sans avoir forcément conscience du risque qui peut exister. »

Dans ce contexte, certains interlocuteurs rencontrés par la mission se sont interrogés sur les conséquences du maintien d'établissements peu sécurisants en matière d'inégalités sociales, retournant ainsi l'argument souvent avancé pour justifier le maintien de petits établissements dans des zones isolées. Le Dr Marc Leblanc, gynécologue-obstétricien à la maternité de Vannes, le déplorait en ces termes : « La justice sociale ce n'est pas de fournir des établissements au rabais ».

Conscients de cette problématique, certains acteurs travaillent à améliorer l'information disponible : le réseau de périnatalité des Pays de la Loire a ainsi fait valoir dans sa contribution aux travaux de la mission la publication de fiches de présentation des maternités, préparées avec le concours d'usagers et présentant les principaux indicateurs d'activité.

c) Un enjeu de transparence sur la sécurité des structures

· La transparence sur le niveau de qualité et de sécurité des soins doit être une priorité.

Celle-ci est une obligation morale que doit le système de santé aux patients, et sur cette question donc aux femmes qui vont accoucher.

Elle est aussi un préalable indispensable à toute reconfiguration de l'offre de soins, en cela qu'elle doit permettre de renforcer le caractère objectif du diagnostic qui sera posé et des réorganisations qui devront être proposées.

Sur ce point, force est de constater que la certification réalisée par la Haute Autorité de santé ne permet pas de mettre à disposition une information suffisamment exhaustive ni encore moins lisible pour le grand public. En outre, les items qu'évalue la HAS dans le cadre de sa mission de certification participent d'une évaluation globale de l'établissement et ne mettent pas en valeur la situation particulière de telle ou telle activité.

L'évaluation des activités de maternité au sein de la démarche de certification
des établissements de santé

La maternité est un secteur intégré dans le calendrier de la certification pour tous les établissements ayant cette activité avec notamment deux critères spécifiques :

- Chapitre 1 : Critère n° 1.1-07 : Les futurs parents discutent d'un projet de naissance avec l'équipe soignante dès le début de la grossesse - Critère avancé - Méthode patient traceur ;

- Chapitre 2 : Critère n° 2.3-20 : Les équipes maîtrisent les risques liés à l'hémorragie du post-partum immédiat (HPPI) - Critère impératif - Méthode parcours traceur.

Cela signifie que dès lors qu'il y a une activité de maternité dans un établissement, il est réalisé une évaluation avec une parturiente (Patient traceur) et l'équipe de maternité (Parcours traceur).

Source : Réponses de la Haute Autorité de santé au questionnaire de la rapporteure

Au-delà de l'opportunité éventuelle d'une certification ou d'une évaluation supplémentaire, il s'agit principalement d'engager un effort de publication d'indicateurs clairs, compréhensibles et comparables entre structures.

La Cour des comptes insistait d'ailleurs dans son dernier rapport sur un manque d'information préjudiciable au pilotage de l'ensemble de la politique de périnatalité : « Les pouvoirs publics doivent se donner les moyens de suivre précisément, pour chaque bassin de population, comme de manière consolidée, non seulement les effectifs et le lieu d'exercice, mais aussi le type d'activité, les postes réellement vacants, la stabilité des équipes, le niveau de recours à l'intérim ou encore le taux de recours à des praticiens à diplôme étranger. L'ensemble de ces données devrait être connu et analysé de façon permanente pour assurer la continuité des soins et pour se donner les moyens d'une politique de formation adaptée, à même de répondre aux besoins de la population. »184(*)

Cet effort nouveau doit avant tout être du ressort des ARS et des établissements à partir des données existantes et déjà renseignées dans les différentes bases de données et systèmes d'information. Là encore, améliorer la politique de soins et le service rendu aux patientes ne doit pas se traduire par une charge administrative nouvelle sur les médecins et soignants au quotidien.

· Ces indicateurs doivent reposer sur différents piliers que les travaux de la mission ont permis d'identifier :

- les pratiques de l'établissement concernant un certain nombre d'actes identifiés (par exemple : taux de césarienne programmée ou en urgence, de déclenchement, de recours à la péridurale et d'épisiotomie) ;

- les catégories de professionnels de santé présents, leur nombre et les modalités de leur exercice dans le respect du cadre réglementaire (gardes ou uniquement astreintes) ;

- la situation des services en matière de ressources humaines soit, en d'autres termes, la capacité à assurer une équipe stable et complète (taux de contrats court ou intérimaires, impact constaté sur les douze derniers mois sur le capacitaire réel).

Recommandation n° 11 : Renforcer la transparence sur la situation et les pratiques des maternités à destination des parents sur la base de la publication régulière d'une série d'indicateurs de qualité et de conditions d'activité.

· Ce travail, qui a vocation à être poursuivi sur l'ensemble du territoire, n'est pas à comparer ni à substituer avec les démarches volontaires de certains établissements en vue de recevoir des labels comme l'« Initiative hôpital ami des bébés » (IHAB) ou encore « Très haute qualité sanitaire, sociale et environnementale » (TQHSE) que certaines maternités entendent satisfaire.

Ces engagements de services dans des démarches qualité thématiques ont des vocations spécifiques qu'il est nécessaire de soutenir. Adrien Taquet, co-président des Assises de la pédiatrie, a ainsi rappelé le rôle du label IHAB dans la promotion et la facilitation de l'allaitement maternel185(*).

L'initiative Hôpital ami des bébés

En 1991, l'OMS et l'Unicef lancent « the Baby Friendly Hospital Initiative » (BFHI) ou « Initiative hôpital ami des bébés » (IHAB).

Depuis son lancement, le programme IHAB a évolué. Les objectifs ont été élargis ; au-delà du soutien à l'allaitement, IHAB est devenu un programme de soins centrés sur l'enfant et sa famille.

Les objectifs de ce programme sont multiples :

- encourager, soutenir et protéger l'allaitement maternel en cohérence avec les recommandations de santé publique. IHAB oeuvre pour que chaque mère puisse faire un choix éclairé sur l'alimentation de son nouveau-né sans influence commerciale. Quel que soit son choix, chaque mère est soutenue dans son projet ;

- améliorer l'accueil du nouveau-né en centrant les soins sur les rythmes et les besoins de celui-ci et de ses parents ;

- proposer un accompagnement bienveillant des parents afin de favoriser l'attachement parents/enfant et l'autonomie des parents.

Source : Extraits du site de l'association IHAB France

3. Un système déjà au bord de la rupture : des fermetures de maternités, temporaires voire définitives, subies et parfois mal préparées
a) Des fermetures temporaires fréquentes et nombreuses

Principal symptôme de la crise des maternités, les fermetures temporaires de certaines structures, pour des durées plus ou moins longues, sont révélatrices des fragilités réelles de l'offre de soins.

Du fait du déficit de suivi et de données disponibles sur la situation des établissements de santé en temps réel, le fonctionnement effectif de l'ensemble des structures est difficilement appréciable.

Il conviendrait de disposer de données consolidées et actualisées tant sur le volume réel des structures ouvertes et des réductions éventuellement constatées de fait - ou « nombre de lits fermés » - que sur les maternités ayant dû suspendre ou cesser tout ou partie de leur activité, en particulier les accouchements, et sur quelle durée

Cependant, interrogée sur l'état du volume réel et les fermetures définitives ou provisoires de maternités au cours des derniers mois, la DGOS a indiqué ne pas pouvoir fournir à la mission des chiffres plus récents que ceux de décembre 2022.

La fédération des réseaux de périnatalité a transmis à la mission les chiffres connus sur la période allant du 1er janvier 2023 au 31 mars 2024186(*) pour une partie seulement du territoire national187(*).

· Il ressort ainsi que 33 maternités ont été concernées par des suspensions ou fermetures.

Parmi elles, on dénombre 23 de type 1, 9 de type 2a et 1 de type 2b. Sur la même période, 6 maternités, toutes de type 1, ont été définitivement fermées, ces structures assurant jusqu'alors de 220 à 760 accouchements. Enfin, 52 suspensions répétées - jusqu'à dix fois en quinze mois - ont concerné 28 maternités allant de 156 à 1 552 naissances.

· La durée des suspensions a varié sur cette période, de 1 à 18 jours, avec une moyenne de 3,4 jours.

· Toutes les maternités concernées ont fait état, selon la fédération, de difficultés de ressources humaines, 48 % concernant des médecins anesthésistes réanimateurs, 19 % des sages-femmes, 19 % des pédiatres et 14 % des gynécologues obstétriciens.

· Au-delà des fermetures de structures, certaines ont également pu devoir suspendre ou fermer une partie seulement de leur activité, comme le service de néonatologie.

Cela a concerné 13 maternités sur la même période dont 10 de type 2a, 1 de type 2b et 1 de type 3. Ces fermetures ont concerné des établissements allant de 547 à 2 927 naissances, pour des durées de 1 à 426 jours.

À chaque fois, la fermeture était liée à la difficulté d'assurer le maintien de la permanence des soins.

La situation concerne les établissements publics comme privés, la fédération de l'hospitalisation privée ayant indiqué avoir comptabilisé par exemple 175 périodes de fermetures de 24 heures (dont 150 jours pour un seul établissement de santé)188(*), avec des motifs de fermetures analogues que sont les pénuries en ressources humaines.

· Ces fermetures, souvent non anticipées, ont des conséquences concrètes et immédiates sur les autres établissements, lesquels doivent prendre en charge des patientes qu'ils ne suivaient pas initialement et qui sont redirigés vers eux.

Listant les conséquences des difficultés de recrutements, la Cour des comptes soulignait par exemple : « l'activité de la maternité de Sarlat a été suspendue en avril et en octobre 2023 et les parturientes de celle de Guingamp ont été réorientées vers d'autres structures au printemps et en octobre 2023. Ces reports induisent une charge de travail supplémentaire dans les hôpitaux vers lesquels les patients sont réorientés, sans adaptation préalable de leur capacité de prise en charge. »

De même, dans les Pays de la Loire, alors que le réseau de périnatalité189(*) signale que 12 maternités sur 23 ne sont pas sur un mode de fonctionnement normal, il déplore en outre les difficultés résultant de « décisions de fermeture de lits de certaines maternités privées, face à la baisse majeure de leur activité ou à des difficultés de fonctionnement induites par une carence des ressources humaines, sans qu'aucune régulation territoriale ne soit faite ».

· Cette situation dégradée se nourrit en réalité d'elle-même, de telle sorte que les fermetures subies agissent souvent comme des signaux de déclassement et donc comme effet repoussoir pour les professionnels comme pour les parturientes.

Le réseau de périnatalité de Nouvelle-Aquitaine indiquait ainsi190(*) : « Le contexte de fermetures temporaires itératives de maternités, le plus souvent de type 1 de petite taille/faible activité, entraîne très souvent une déstructuration progressive d'un tissu professionnel performant composé de médecins spécialistes, de sages-femmes, auxiliaires de puériculture tous indispensables au fonctionnement d'une maternité.

En outre Margaux Creutz Leroy, présidente de la fédération française des réseaux de santé en périnatalité191(*), mettait en évidence devant la mission « un cercle vicieux » né de la connaissance par certaines familles de la fragilité de petites structures. Ces familles font alors le choix d'accoucher dans une autre maternité, même éloignée : « La part de marché diminue - je pourrais vous citer foison de petites maternités où accouchent moins de 50 % des femmes enceintes de la zone de recrutement... La chute du nombre de naissances rend la maternité encore moins attractive pour les jeunes générations de médecins, sages-femmes et puéricultrices, ce qui augmente encore l'instabilité des équipes des maternités, mais aussi la fuite des professionnels libéraux du territoire. Ce cercle vicieux renforce l'instabilité et majore l'insécurité. Maintenir une maternité insécure n'est donc pas forcément rendre service aux populations. »

· La situation des maternités ayant connu des fermetures apparaît sur le temps long particulièrement incertaine.

Pour certaines structures, la suspension ou fermeture est la conséquence immédiate d'un aléa conjoncturel dans les capacités de recrutements.

Pour d'autres, les difficultés prolongées conduisent à envisager de manière délicate voire improbable un réel « retour à la normale ». Sur ce point, force est de constater, en le déplorant, que ces fermetures provisoires mais durables ne sont que le signe de situations qui étaient, depuis un certain temps, fragiles et pour lesquelles aucune réponse viable n'a été apportée, faute de consensus ou faute d'anticipation.

Ainsi, les fermetures temporaires deviennent parfois le révélateur d'un non-choix ou d'un refus de décision. Le maintien de façade d'une maternité est pourtant bien pire qu'une offre de soins effectivement redimensionnée aux capacités réelles.

b) Les fermetures soudaines, une menace sérieuse pour la prise en charge des femmes

· Les fermetures et suspensions, souvent soudaines, ont des effets immédiats sur la qualité et la sécurité des soins.

Peu préparées et mal annoncées, les fermetures conduisent à des ruptures dans le suivi et l'accueil des parturientes. Cela signifie concrètement une réorientation vers un autre établissement, avec une transmission non garantie des dossiers médicaux, un changement d'équipes soignantes et un lot d'incertitudes générateur de stress dans un moment important.

Ces problèmes sont majorés dans le cas de fermetures perlées, avec des familles souvent insuffisamment informées et donc un risque de se retrouver, le jour de l'accouchement, devant un service fermé.

· Au-delà du seul report de l'activité d'accouchement, ces fermetures temporaires ont d'autres conséquences. Ainsi, la fermeture d'un service de maternité peut parfois occasionner l'arrêt des consultations et actes de suivi prénatal. Elle peut également parfois conduire à l'arrêt des activités d'orthogénie et donc à une réduction de l'accès à l'interruption volontaire de grossesse (IVG).

La mission a pu se rendre dans une maternité confrontée récemment à un arrêt temporaire de son activité d'accouchement, au centre hospitalier de Lunéville, en Meurthe-et-Moselle.

Dans ce cas, la suspension de plusieurs semaines avait été anticipée avec les équipes et coordonnée avec les établissements de la région et les services d'urgence.

L'impact a ainsi été limité en matière de report sur d'autres établissements notamment le CHRU de Nancy - le nombre de naissances sur la période correspondant à une cinquantaine, et l'orientation et l'information des femmes enceintes organisées.

Pour autant, une telle mesure a montré une fragilité existante sur la structure.

Face à cette situation, le Pr Yves Ville estimait que « si l'on ne veut pas regarder ces situations en face et essayer d'y remédier activement, on attend le pourrissement. Quand on lit la presse ou que l'on écoute la radio, c'est bien cette situation de pourrissement extrême dans laquelle telle maternité est tombée dont il est question. C'est pourquoi, forts de ce constat et après avoir auditionné à la fois les usagers et tous les acteurs soignants de la périnatalité, nous en sommes arrivés à la conclusion qu'il fallait identifier ce qui apparaissait comme une fragilité continue. Ce mouvement de fermeture de 2 % par an affecte principalement les maternités de niveau 1 qui font moins de 1 000 accouchements ; 80 % d'entre elles sont en tension sévère. Puisque rien n'est fait, cette pente fixe de 2 % par an va finir à zéro... »192(*)

Interrogée sur cette déclaration, Véronique Hamayon, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, a formulé la réponse suivante : « Nous avons en effet constaté un "pourrissement", dans certaines régions : il faudrait avoir le courage de prendre des décisions pour éviter de telles situations et en effet décider de fermetures quand celles-ci s'imposent du fait d'une insuffisante sécurité des soins pour la mère et le nourrisson. Il faut favoriser les regroupements. »193(*)

La préoccupation d'une dégradation de la situation de maternités fragiles au risque d'affaiblir l'ensemble du réseau de maternités n'est pas récente. La Cour des comptes alertait ainsi déjà en 2015194(*) : « Il importe ainsi d'éviter qu'une série de fermetures ponctuelles, soudaines et mal anticipées ne provoque une recomposition subie de l'offre de soins qui ne ferait qu'aggraver les multiples dysfonctionnements déjà constatés. »

Alors que l'expérience de ces dernières années confirme que la crainte du « pourrissement » est fondée et que la société française de médecine périnatale met en avant le risque, à terme, que la restructuration de fait conduise à des situations de « désert périnatal »195(*), une transformation anticipée de l'offre de soins est urgente et nécessaire.

C'est pourquoi la mission considère qu'un travail autour de la transformation de l'offre de soins est nécessaire à l'échelle d'un bassin de naissance, pour ne pas subir de fermetures inopinées.

C. CONDUIRE LA TRANSFORMATION POUR NE PAS SUBIR UNE RESTRUCTURATION

1. Un impératif de sécurité à faire primer
a) Un choix politique à assumer pour engager un redressement de la situation sanitaire

Face à une situation trop longtemps ignorée, se résigner à une restructuration subie n'est pas acceptable. L'absence de choix ne serait pas responsable et conduirait à une réorganisation de l'offre de soins non pertinente, non coordonnée et profondément déstabilisatrice dans les territoires.

Faute d'assumer un travail difficile de transformation de l'offre de soins, le risque est réel de voir le maillage territorial encore affaibli plutôt que d'avoir été optimisé.

C'est donc une position de responsabilité politique qu'il convient aujourd'hui d'assumer, alors que les rapports s'accumulent depuis plusieurs années sur des constats clairs et partagés, que ce soit par la communauté médicale et scientifique, par des institutions indépendantes comme la Cour des comptes ou par des associations de patients.

La transformation de l'offre de soins doit affronter dans le même mouvement deux défis qu'elle ne peut éviter : le décrochage de sécurité et de qualité des soins par une inadéquation de l'offre aux risques ; la raréfaction durable de la ressource médicale et paramédicale.

Éviter les décisions difficiles reviendrait à accepter de constater des fermetures non préparées, établissement par établissement et, surtout, à dessaisir le politique de sa responsabilité : au profit de l'administration abandonnée à une gestion contrainte d'une part, au profit d'établissements aux logiques diverses, d'autre part, le tout au risque de situations dangereuses imposant des mesures soudaines.

La Cour des comptes pointait ainsi en 2015 déjà la menace de fermetures désorganisées et, par conséquent, déstabilisatrices pour l'offre de soins196(*) : « Le risque est patent d'une série de fermetures brutales et mal anticipées, soit à l'initiative des agences régionales de santé devant des problématiques de manque de sécurité que la fragilité des équipes médicales peut à tout moment révéler (...) soit à l'initiative des établissements eux-mêmes, notamment privés, confrontés à des déséquilibres financiers qui les conduisent à réorienter leurs activité. »

Le risque identifié était alors déjà celui d'une désorganisation et d'une restructuration in fine dangereuse et en inadéquation avec les besoins de santé. Craignant une recomposition subie de l'offre de soins, la Cour des comptes estimait : « Un tel mouvement de restructuration mal maîtrisée pourrait en effet aboutir à de véritables carences dans certaines zones, avec la tentation de maintenir artificiellement de petites structures sans mettre en place toutes les mesures indispensables pour garantir la sécurité des soins. Dans des zones mieux dotées, le mouvement spontané de recomposition de l'offre de soins devrait concerner essentiellement les maternités de type 1, ce qui accentuerait la déformation déjà constatée de l'offre de soins au bénéfice des maternités de types 2 et 3, sans que la nouvelle articulation qui en résulterait corresponde à une organisation mieux réfléchie et véritablement ajustée par rapport aux besoins et aux ressources médicales. »

L'enjeu est bien celui d'assumer un cap politique défini : le Pr Yves Ville constatait d'ailleurs que « sur la fusion et l'incitation, (...) la décision n'a rien de médical, elle est politique, elle est une solution d'aménagement du territoire » 197(*).

b) Un consensus médical et scientifique sur l'intérêt d'une transformation

Le consensus médical et scientifique sur la question ne peut être éludé. Il est massif, cohérent, et appuyé sur des données et constats étayés en France et à l'étranger.

Les différentes auditions menées par la mission ont confirmé le message très clair de la communauté médicale et scientifique.

Le rapport de l'Académie de médecine198(*), qui avait, à sa sortie, fait couler beaucoup d'encre, a été adopté à une écrasante majorité199(*) de ses membres. Or celui-ci appelle sans aucune ambiguïté à une réforme structurelle au regard de la situation sanitaire et de l'état concret dans lequel sont les maternités aujourd'hui.

L'Académie écrit ainsi : « Les conséquences actuelles [des] évolutions règlementaires et organisationnelles qui ont également été impactées par la réduction du temps de travail et la limitation des recrutements de praticiens étrangers, peuvent être résumées comme suit :

- saturation des maternités de type-2 et 3 ;

- raréfaction de l'offre privée à but lucratif ;

- crise d'attractivité des métiers de la périnatalité ;

- accélération de la fermeture des plus petites structures, voire des structures moyennes (de 1000 à 2000 accouchements) ;

- prédominance des réseaux inter-hospitaliers au détriment des collaborations ville- hôpital ;

- retentissement sur l'offre de soins et sur l'activité chirurgicale des établissements supprimant leur activité obstétricale. »

Face à ce que le Pr Ville, rapporteur, qualifie de « crise de la périnatalité » avec une dégradation préoccupante des indicateurs de santé maternelle et périnatale en France, parmi les moins bons en Europe, « l'adoption d'un plan de périnatalité ambitieux est donc une urgence et une priorité de santé publique. » Ainsi, pour l'Académie, « l'organisation des structures est à repenser. »

· Au-delà de la position de l'Académie de médecine, les sociétés savantes dans leur ensemble s'accordent sur le caractère non soutenable de la situation actuelle et sur la nécessité de réforme de l'offre de soins périnatals.

Ainsi la société française de médecine périnatale a mis en avant200(*) un problème de dispersion des plateaux techniques comme principale cause d'événements indésirables dans le domaine de la gynécologie-obstétrique, soulignant par ailleurs que « l'éparpillement des structures de soins fait que les structures de petite taille sont peu prisées par les gynéco-obstétriciens » conduisant à un « nombre d'actes techniques rares trop faible pour garder une compétence suffisante au long cours (ligature des artères utérines en cas d'hémorragie, manoeuvres en cas de dystocie des épaules, hystérectomies) » avec un risque en cas d'urgence vitale.

La société française de néonatologie faisait elle aussi le constat de fermetures de maternités subies et non anticipées et d'un recours à l'intérim vu comme un maintien « sous perfusion »201(*) de petites maternités quand, en parallèle, l'offre de soins critiques néonatals est devenue insuffisante et inadaptée. Aussi, « la restructuration de l'offre de soins incluant un regroupement des plateaux techniques [lui] paraît inéluctable ».

Devant la mission202(*), le Pr Jean-Christophe Rozé, président de la société française de néonatalogie alertait ainsi : « En définitive, cela ne me gêne pas que de petites maternités restent ouvertes, mais il faut savoir que le prix de cette ouverture est de disposer d'un taux de mortalité qui se situe à 1 pour 1000 pour les situations de bas risques. (...) Ma position est par conséquent la suivante : il faut restructurer très fortement les maternités de France afin de mettre en sécurité à la fois les parents et les enfants. »

· Ce constat d'un risque majoré selon les structures est par ailleurs confirmé par les travaux de l'équipe EPOPé de l'Inserm. Catherine Deneux expliquait ainsi à la mission203(*) que l'hémorragie étant un événement peu dépendant du niveau de risque initial propre à chaque femme, la survenue de formes graves, voire létales, dépend alors essentiellement de la qualité de la prise en charge, ce qui en fait un « marqueur de la capacité d'une équipe de maternité, dans sa pluridisciplinarité, à répondre à l'urgence maternelle ». Or, sur ce critère, « Le risque de mortalité est 2,4 fois plus élevé dans les maternités de type 1 que dans les maternités de type 2 ou 3 ; il est trois fois plus élevé dans les maternités privées à but lucratif que dans les maternités publiques. »

Le graphique ci-dessous, sur la mortalité maternelle peripartum toutes causes confondues, montre également des corrélations entre le niveau de risque et la catégorie (type de maternité et niveau d'encadrement) et le statut de l'établissement. Des résultats analogues sont constatés concernant la prise en charge inadéquate de l'hémorragie où avec « un "surrisque" de prise en charge inadéquate dans les maternités de type 1 et dans les maternités privées à but lucratif. »

Si les données analysées méritent une certaine prudence, puisqu'elles datent de plus de dix ans et précèdent donc des réorganisations postérieures, Catherine Deneux estimait que « cette étude montre bien comment l'organisation des soins peut influer sur les risques de morbidité maternelle sévère et de survenue d'EIGS ».

Enfin, ce constat est également partagé par les directeurs d'hôpitaux, la conférence des directeurs de CHU estimant par exemple204(*) que la « distribution territoriale ne correspond plus à une planification cohérente de l'offre de soins en termes de qualité et de gradation des soins ».

c) Une population attachée à la sécurité, qui semble prête à accepter une transformation correctement expliquée et accompagnée

Alors qu'aucune politique publique ne peut se concevoir sans trouver une compréhension et une adhésion de la part de la population, la mission a été particulièrement vigilante concernant les attentes sur ce sujet et plus précisément celles des principales personnes concernées : les femmes.

Comme évoqué précédemment, le sondage commandé par la mission205(*) montre ainsi que la proximité et la sécurité sont parmi les principales préoccupations des femmes concernant leur lieu d'accouchement. Ainsi, arrivent en tête à égalité la proximité du domicile et la qualité des soins, suivies de la réputation de l'établissement.

· Ces réponses montrent bien qu'au-delà d'un seul souci d'une offre de soins géographiquement accessible, les femmes souhaitent des maternités sûres et de qualité.

En outre, lorsque la question oppose directement proximité et sécurité, les réponses semblent faire apparaître une priorité donnée à la sécurité. Ainsi, 56 % des femmes interrogées ont répondu privilégier le fait d'accoucher dans une maternité de type 2a/2b ou 3, plus en capacité de prendre en charge des grossesses à risque, même si cette structure se trouvait à plus de 30 minutes de trajet, plutôt que d'accoucher à proximité du domicile - moins de 30 minutes - dans une maternité de type 1.

Cette position est partagée par des représentants d'associations et usagers du système de santé, selon lesquels la cartographie du système de santé ne saurait être une fin et primer sur une offre de soins digne de confiance. Ainsi, Charlotte Bouvard, directrice fondatrice de SOS préma a fortement interpellé la mission sur la responsabilité politique et « souhaite la fermeture des petites structures qui mettent en danger la vie des femmes et des enfants ».

· Surtout, si certaines décisions suscitent toujours une émotion de la population, il semble en réalité que l'opinion, au regard notamment de l'étude récente publiée, soit davantage prête à une transformation de l'offre de soins que ne le laissent à penser certaines mobilisations locales.

En réponse à une question clairement posée sur les hypothèses de transformation de l'offre de soins et de rationalisation des plateaux d'accouchements206(*), les femmes interrogées207(*) ont semblé accueillir favorablement le projet de regroupement des maternités. Elles ont ainsi considéré à plus des deux tiers que c'était une « bonne chose »208(*).

Enfin, et de manière peut-être contre-intuitive, l'analyse de sous critères comme la distance à une maternité ou l'accouchement dans une maternité de type 1 ne montre pas une adhésion plus faible à cette hypothèse de réforme, pas plus que la catégorie socio-professionnelle.

2. Un renforcement nécessaire de l'encadrement dans les secteurs de naissance
a) Pour des raisons de sécurité des soins, une révision attendue des décrets de 1998 concernant les effectifs d'encadrement...

Les activités de périnatalité font partie des activités hospitalières dont l'encadrement en personnels est normé et conditionne l'autorisation.

Les décrets de 1998209(*) fixent notamment, selon les types d'activités et le nombre d'actes par an, les catégories de personnels requis, leur nombre et leur modalité d'exercice (présence sur place ou en astreinte).

Aujourd'hui codifiées au sein du code de la santé publique, ces dispositions précisent ainsi les conditions d'implantation de l'activité210(*) et les conditions techniques de fonctionnement211(*).

Leur adoption visait à renforcer la sécurisation des maternités. En dépit de progrès notables, cet objectif n'a cependant pas été totalement atteint, la Cour des comptes212(*) constatant en 2015 que « Les résultats médiocres de la France en matière de périnatalité s'expliquent en partie par le respect encore très inégal, malgré des progrès, des normes instituées par les décrets du 9 octobre 1998. »

· De manière unanime, les intervenants devant la mission ont tous dénoncé l'absence d'actualisation de ces normes depuis plus de 25 ans.

Surtout, au-delà d'un simple besoin de mise à jour, c'est bien l'inadéquation de ces ratios d'encadrement qui est critiquée, face à une situation sanitaire qui a largement évolué.

Ainsi, selon la communauté médicale, ces mêmes ratios ne prennent pas assez en compte l'évolution des situations et du profil des parturientes, lesquelles ont des facteurs de risques plus fréquents et déjà décrits, notamment le caractère tardif des grossesses ou une plus forte prévalence de l'obésité, ni l'augmentation de la prévalence de naissances prématurées et de nouveau-nés vulnérables.

Du côté du ministère de la santé, ce constat est en partie partagé, la direction générale de l'offre de soins estimant213(*) que « ces décrets ne sont plus, sur plusieurs points, parfaitement adaptés au paysage actuel des maternités ni aux enjeux qu'elles rencontrent ».

· Ces situations d'encadrement sont ainsi devenues incompatibles avec le retour à de hauts niveaux de sécurité.

Les sociétés savantes des professionnels de santé périnatale ont formulé depuis 2018214(*) plusieurs propositions de renforcement des seuils minimaux par catégories de soignants.

Parmi les demandes récurrentes, figure la question du ratio d'infirmières. Un ratio règlementaire IDE/IPDE dans les maternités et dans les unités de néonatologie est ainsi soutenu par l'Académie de médecine dans son rapport.

Cependant, la société française de médecine périnatale215(*) estime que « Ce ratio doit considérer non pas le nombre de patients par IDE/PDE, mais la charge en soins pour chaque enfant. » soulignant qu'« un extrême prématuré à 24 semaines d'aménorrhée ou un enfant porteur d'une malformation grave, mobilisent plus de temps infirmier qu'un nouveau-né en réanimation moins prématuré, et sans malformation grave. »

La société française de néonatologie a, elle, insisté216(*) sur l'insuffisance de l'encadrement en réanimation et en soins intensifs, les effectifs non médicaux étant, selon elle, « en deçà des effectifs recommandés dans de nombreux pays à haut revenus et inadaptés à la charge en soins réelle dans les services ». La même société a insisté sur la nécessité d'un renforcement plus global de l'encadrement en personnels non médicaux non infirmiers, ainsi que sur le besoin de prendre ne compte des effectifs aujourd'hui non intégrés, constatant l'absence de mention des « effectifs souhaitables de psychologues, kinés, psychomotriciens, assistance sociale, diététiciennes, orthophonistes, pourtant indispensables à la prise en soins globale des nouveau-nés, incluant le soutien au développement ».

Dans son rapport de 2023 précité, l'Académie de médecine estimait que la continuité des soins est assurée « au sein d'équipes stables par :

- un gynécologue-obstétricien de garde sur place ayant la qualification chirurgicale et un deuxième gynécologue-obstétricien d'astreinte opérationnelle ;

- un pédiatre avec une compétence attestée en néonatologie prévue aux décrets de 1998 en néonatologie de garde sur place ou d'astreinte opérationnelle ;

- un anesthésiste-réanimateur et un IADE de garde sur place ;

- des sages-femmes dont le nombre doit être proportionnel à l'activité de (N) naissances des maternités, ((N/2)/365)+ 1. Les sages-femmes affectées au secteur de naissance et à l'accueil des urgences obstétricales ne peuvent avoir d'autres tâches concomitantes dans un autre secteur ou une autre unité. »

La question des modalités d'encadrement semble également à interroger. L'organisation nationale syndicale des sages-femmes appelle notamment217(*) à supprimer la possibilité d'astreinte pour les médecins dans les maternités de moins de 1 000 accouchements, considérant que certaines complications doivent être parfois traitées dans les quinze minutes, un délai incompatible avec une astreinte hors du site. La transformation d'astreintes en gardes sur place doit ainsi parfois être envisagée.

· Des enjeux d'adaptation de ces ratios aux réalités des structures sont enfin à prévoir, au regard de leur taille ou de leur activité effective.

Appelant également à revoir les décrets fixant les normes de fonctionnement des unités d'obstétrique et de néonatologie, la conférence des directeurs de CHU insistait sur le besoin de « mieux prendre en compte la concentration de l'activité dans les plus importantes d'entre elles dans un cadre de gradation des soins, ainsi que les conséquences d'une prise en charge plus précoce des prématurés ».

La conférence des présidents de commission médicale d'établissement de CH a elle souligné l'importance de calibrer ces ratios en tenant compte du « case-mix »218(*) et donc de la situation de chaque établissement en matière de technicité ou de contraintes liées aux actes effectivement réalisés.

Le niveau d'encadrement dans chaque structure doit nécessairement être adapté au profil des patients accueillis et à la charge en soin que ces derniers représentent.

b) .... et le renforcement de la prise en charge des risques maternels

La transformation de l'offre de soins périnatals et la révision des critères d'encadrement des activités doivent également mieux intégrer des aspects pris en compte de manière périphérique et in fine mal comprise et donc non optimale, comme la prise en charge des risques propres aux femmes.

Comme cela a souvent été souligné et regretté, la typologie existante pour identifier les maternités et les risques qu'elles sont en capacité de prendre en charge est basé sur les risques et pathologies des enfants à naître. Si ceux-ci peuvent être liés à la situation de la mère, ils ne le sont pas systématiquement, le collège national des gynécologues et obstétriciens français soulignant que « la France est un des seuls pays au monde à construire des maternités dans des hôpitaux uniquement pédiatriques. »219(*)

Alors que la situation décrite précédemment montre des risques maternels en augmentation - âge à la naissance et obésité notamment - l'amélioration de la santé périnatale et des indicateurs de bonne prise en charge ne peut se faire sans prendre plus efficacement certains critères uniquement liés à la femme dans l'orientation de celle-ci vers un établissement particulier, la présence d'un service de réanimation adulte dans l'établissement étant par exemple parfois à prendre en compte.

Comme l'a souligné la direction générale de l'offre de soins220(*), différentes pistes peuvent être poursuivies, par exemple :

- l'élargissement du champ des conventionnements obligatoires pour sécuriser la prise en charge maternelle, en incluant notamment les établissements réalisant la prise en charge en urgence de l'hémostase ;

- l'introduction d'une obligation, pour les maternités de type 3, de mettre en place des réunions de concertation pluridisciplinaires à l'appui des situations maternelles les plus complexes.

Dans le cadre de la révision des décrets encadrant les activités de périnatalité, la possibilité d'une gradation spécifique au risque maternel pourrait être interrogée. Cependant, il n'apparaît sans doute pas souhaitable de superposer des catégories nouvelles à une typologie déjà souvent inintelligible du grand public.

· L'hypothèse d'une redéfinition globale des catégories de maternités, dans le cadre d'une large transformation des structures, des CPP aux maternités de type 3, pourrait en revanche avoir davantage de sens et permettre d'identifier de manière unique et consolidée chaque structure selon sa mission et les situations prises en charge.

c) Une révision à mener avec précaution : des effets certains mais non modélisés

· Si les ratios établis en 1998 ont permis de renforcer la sécurité des activités de périnatalité, leurs effets sur la réorganisation de l'offre de soins sont certains et doivent être considérés finement.

Faisant le bilan des décrets de 1998, la DGOS constate221(*) que « les normes définies par les décrets de 1998 ont eu un effet très restructurant, introduisant des exigences à la fois en termes de présence des personnels, de locaux ainsi que de matériels des maternités, et conduisant à des fermetures conséquentes de structures ne remplissant pas ces conditions. La définition de ratios de personnels a en particulier constitué un progrès avec la définition d'un socle minimal en-deçà duquel la sécurité et qualité des prises en charge dues aux femmes et aux nouveau-nés est considérée comme non acquise (sans en revanche prétendre - et c'est un point qui n'est pas toujours compris par les professionnels - définir le juste niveau d'effectifs, adapté au profil d'activité spécifique de chaque maternité, ce qui relève des ajustements à la main des directions d'établissements). »

· Alors que le caractère dépassé des ratios en vigueur fait l'objet d'un consensus, la révision des décrets de 1998 doit aujourd'hui être menée à son terme. À ce titre, les groupes de travail initiés par le ministère de la santé doivent pouvoir aboutir et être suivis d'arbitrages gouvernementaux clairs.

Une révision attendue des décrets de périnatalité de 1998 
qui avait fait l'objet de groupes de travail

Le constat d'une inadaptation au paysage actuel des maternités ni aux enjeux qu'elles rencontrent a motivé le lancement de travaux en vue de la révision des décrets de gynécologie-obstétrique au cours de la période 2018-2020, sans que ce projet de réforme n'ait toutefois pu aboutir du fait de désaccord des parties prenantes sur certains points clés de la réforme (niveau adapté du seuil minimal de naissances des maternités, ratios d'effectifs).

Certains aspects avaient au contraire donné lieu à un consensus des professionnels, tels que :

- le renforcement des exigences de sécurité et qualité des soins, en instaurant la définition d'indicateurs minimum, transmis annuellement à l'ARS afin de repérer précocement des situations de fragilité nécessitant de mettre en oeuvre des mesures correctrices ;

- l'amélioration de la réponse à l'urgence maternelle et néonatale en formalisant une organisation interne de réponse à ces situations ;

- le renforcement de la réponse aux situations de complexité maternelle en élargissant le champ des conventionnements obligatoires, notamment en vue de la prise en charge en urgence de l'hémostase, et en mettant en place, sous le pilotage des maternités de type 3, de réunions de concertation pluridisciplinaires à l'appui des situations les plus complexes.

Source : Réponses de la DGOS

Cependant, l'absence de révision des décrets de 1998 ne tient pas seulement au manque de priorisation de cette question ou à des reports liés aux aléas conjoncturels ou politiques.

· En effet, il est évident que la mise à jour de ces normes d'encadrement se fera par un renforcement des personnels nécessairement présents, et entraînera donc une contrainte supplémentaire pour les ressources humaines.

Les conséquences sont doubles : le renforcement de ces ratios réglementaires conduira, d'une part, à des dépenses supplémentaires en personnels pour les établissements et, d'autre part, à accroître les tensions de recrutement dans un contexte de pénurie

Si le premier enjeu budgétaire n'est pas anodin, il est dépassable. En revanche, dans le contexte de la démographie médicale et alors que nombre de structures n'arrivent pas aujourd'hui à satisfaire les ratios existants, l'enjeu de ressources humaines est encore plus délicat : la révision des décrets fragilisera d'autant plus certaines structures ou les conduira à fermer à défaut d'être en capacité d'assurer les nouveaux ratios.

Ainsi, il convient de garder à l'esprit que la révision des décrets de 1998, pour indispensable qu'elle soit, doit être mesurée et, surtout, anticipée dans sa mise en oeuvre. C'est pourquoi malgré l'intérêt de changements rapides, une entrée en vigueur progressive paraîtrait souhaitable pour permettre d'en évaluer l'impact à venir et de procéder aux recrutements nécessaires.

· L'expérience de 1998 montre le caractère inévitable de ces effets d'adaptation, qui doivent être anticipés et le cas échéant aménagés.

Ainsi, la Cour des comptes pointait en 2015222(*) concernant le bilan de ces décrets « des difficultés de recrutement récurrentes » et un respect des ratios de personnels au prix de « solutions partielles, précaires et onéreuses », notamment l'intérim.

En outre, l'Académie de médecine estimait en 2023223(*) que « les effets à court terme et jusqu'à aujourd'hui ont été d'accélérer la fermeture des plus petites maternités (moins de 300 naissances) et d'augmenter le nombre relatif des accouchements dans les maternités de types 2 et 3au détriment des types 1. Cette redistribution a abouti à ce jour à la fermeture de plus de 40 % des maternités de type 1 sur 20 ans, et ce mouvement se poursuit d'une façon chaotique imposée par le manque de moyens humains parmi les professionnels. »

Aussi, selon l'Académie, ces « normes représentent un progrès indiscutable, mais ont fait émerger un effet pervers car les administrations hospitalières ont considéré que ces normes étaient des quotas opposables ». L'Académie plaide ainsi pour de la souplesse dans leur application, afin d'éviter « la fermeture de lits autorisés au prétexte d'une pénurie de personnel infirmier » : selon elle, il « est nécessaire de maintenir une cible normée tout en ajoutant un peu de souplesse, en autorisant explicitement, en fonction de l'état de l'enfant défini par le praticien néonatologiste en charge, la possibilité d'augmenter d'une unité les enfants pouvant être pris en charge, en réanimation et en unité de soins intensifs ».

· Enfin, des adaptations à des contraintes, spécificités, ou situations de fait doivent pouvoir être ménagées dans certains territoires.

C'est par exemple le cas dans certains départements d'outre-mer, où la réalité de la situation de l'offre de soins ou de la démographie contraignent à un fonctionnement dérogatoire.

C'est notamment le cas à Mayotte, comme a pu le constater la mission lors d'une table ronde224(*) consacrée à l'organisation des soins dans le département, autour d'une maternité centrale de type 3 et de centres dits périphériques disposant également d'unités obstétricales.

Une délégation de la commission des affaires sociales du Sénat menée par sa présidente Catherine Deroche, qui avait en 2022 consacré une partie de son déplacement à Mayotte à l'observation du fonctionnement des maternités, indiquait ainsi qu'« Une réflexion est en cours en lien avec l'ARS de Mayotte, pour permettre aux maternités « périphériques » de Mayotte de déroger aux conditions techniques de fonctionnement des maternités, en particulier en termes de ratios minimum d'effectifs, compte tenu des particulières difficultés de recrutement de gynécologues-obstétriciens et d'anesthésistes-réanimateurs que rencontre ce territoire. »225(*)

Alors que la commission des affaires sociales estimait que « la mise aux normes des conditions techniques de fonctionnement des quatre “ maternités périphériques ” pour les activités de soins au titre de la gynéco-obstétrique ne semble absolument pas possible », il est indispensable, sans se satisfaire de situations dégradées, de ménager un principe de réalité et d'assurer une activité qui, par la force des choses, ne peut être reportée.

Recommandation n° 12 : Publier d'ici à 2025 une révision des décrets de 1998 renforçant les ratios d'encadrement pour prendre en compte l'évolution des profils des parturientes et des nourrissons et permettre une modulation selon la charge en soins, tout en prévoyant une entrée en vigueur progressive.

3. Mener un audit national des situations de chaque structure dans son contexte territorial
a) Une approche qualitative plutôt que des seuils aveugles

· Il serait tout à fait contre-productif de retenir comme indicateur de viabilité ou d'une structure un nouveau seuil de naissances annuel. La barre souvent évoquée des 1 000 naissances n'a pas vocation à servir de couperet en-deçà duquel une maternité serait condamnée à fermer.

D'une part, s'il est clair qu'en deçà d'un certain nombre d'actes par an une pratique devient plus risquée, cela correspond davantage au seuil actuel de 300 accouchements qu'à des constats scientifiques clairs autour d'une jauge à 1 000 accouchements par an. Ainsi, le caractère sûr d'une maternité semble davantage lié à l'organisation de la structure et au niveau d'encadrement présent qu'au nombre de naissances.

D'autre part, ce serait retenir le nombre d'actes comme seul indicateur, là où toute la logique de transformation qu'il est indispensable de porter ne peut avoir la taille comme seul critère.

Surtout, s'il est illusoire d'envisager un maillage de maternités répondant uniquement à un objectif d'aménagement du territoire avec un retour fantasmé à de petites maternités locales, il est tout autant exclu de retenir un seul paramètre numérique sans considération de critères qualitatifs et sécuritaires, qui peuvent justifier le maintien d'une maternité, comme l'éloignement, l'isolement ou l'intégration à un réseau de structures.

· En outre, il convient d'anticiper les effets que pourraient avoir des réorganisations des activités de maternité sur l'ensemble des activités des établissements.

La Cour des comptes pointait déjà ces effets en 2015226(*), soulignant que « Les implications possibles de ces restructurations sur le maintien des autres activités chirurgicales de l'établissement, gynécologiques ou plus générales, doivent être examinées à l'échelle de l'offre de soins territoriale. »

b) Assumer une revue générale de la situation de chaque structure

· Si la transformation de l'offre de soins est devenue urgente, celle-ci ne peut se faire à l'aveugle. Aussi la mission préconise-t-elle une évaluation globale de toutes les structures en difficulté, sur la base d'indicateurs objectifs et nationaux de sécurité mais aussi d'accessibilité des soins.

Alors que la Cour constatait qu'« une vingtaine de maternités est ainsi toujours en situation dérogatoire au regard du seuil de 300 accouchements minimum annuels pour obtenir une autorisation d'activité d'obstétrique en 2022 », sa préconisation était la suivante : « pour chacune des maternités pratiquant moins de 1 000 accouchements par an, conduire au niveau régional une revue périodique de l'activité, prenant en compte la qualité et la sécurité des soins et en tirer des conséquences sur l'opportunité et les conditions de la poursuite de leur activité »227(*). Cette recommandation est d'ailleurs partagée par la conférence des directeurs de CHU.

De plus, si l'état de chaque établissement doit être régulièrement évalué, l'ensemble des structures a vocation à être analysé, et non les seules réalisant moins de 1 000 accouchements, quand que certaines de tailles plus importantes montrent parfois des signes de fragilité appelant à des réponses urgentes.

En outre, alors que les critères retenus pour évaluer la sécurité ne peuvent être uniquement ceux liés au nombre d'accouchement, le Pr Delphine Mitanchez, présidente de la société française de médecine périnatale, invitait d'ailleurs la mission228(*) à raisonner également en termes de temps d'accès et de complétude d'équipes en effectifs suffisants.

La conférence des présidents de CME de CH proposait ainsi à la mission de « cartographier l'ensemble des plateaux techniques, et identifier ceux :

avec des difficultés structurelles (moins de 350 accouchements, ruptures récurrentes de continuité des soins, vieillissement des équipes et incapacité à recruter, taux d'intérimaires cumulés parmi les quatre spécialités de la périnatalité supérieur à 50 %, impossibilité de recruter en dehors de Padhue ou de contrats de type 2, insuffisante capacité d'investissement...) pour les accompagner, non pas vers une fermeture, mais vers une transformation de leurs activités périnatales ;

avec des problèmes conjoncturels (départs inopinés de courte durée mais capacité à recruter et fidéliser, cohérence globale du plateau technique dans la gradation des soins, manque de lits ou de solutions d'aval...) pour les renforcer avec des investissements (immobilier...) et des ressources humaines (conventions d'association avec CHU...) ;

avec des marges d'optimisation (regroupement ou rapprochement de maternités de différents statuts au sein d'une même commune, développement possible de nouvelles capacités ou activités...) et les aider dans leurs projets. »

c) À l'appui des réseaux de périnatalité, établir des diagnostics territoriaux de réponse appropriée aux besoins de santé

· La préfiguration d'une transformation de l'offre de soins ne peut être établie qu'au regard, d'une part, d'une connaissance claire, dans chaque territoire, des besoins de santé, de l'évolution de la natalité et des indicateurs de santé et de de facteurs géographiques ou de particularités territoriales et, d'autre part, d'un état de la situation et des capacités de prise en charge des structures.

La mission estime ainsi nécessaire que les indicateurs de chaque maternité soient transmis annuellement aux agences régionales de santé, afin de renforcer une identification précoce, à l'échelle régionale, de situations de fragilité et de mettre en oeuvre des mesures correctrices au regard des besoins de santé et des indicateurs de santé publique.

En outre, ces différents éléments de diagnostics auraient vocation à anticiper certaines restructurations d'établissements privés dans le cas de fermetures volontaires.

Ces bilans et études prospectives doivent être réalisés, sous la tutelle des agences régionales de santé, par des acteurs de santé de terrain, sur des échelons territoriaux cohérents.

· À ce titre, la mission souligne le rôle déterminant des dispositifs spécifiques régionaux en périnatalité (DSRP), qui ont pris le relais des « réseaux de santé en périnatalité », et la nécessité d'un travail par bassin de naissance. Cependant, force est de constater que la capacité de ces dispositifs à être de réels moteurs de transformation repose sur un engagement fort des professionnels qui y participent.

Margaux Creutz Leroy, présidente de la Fédération française des réseaux de santé en périnatalité229(*) soulignait : « Nous croyons beaucoup à des diagnostics territoriaux partagés sur chaque bassin de naissance, avec une analyse des besoins réels en santé - taux de natalité, nombre de femmes en âge de procréer, etc. - et de la réalité de l'offre de soins sur le territoire - composition et âge moyen des équipes, recours aux intérimaires. »

Recommandation n° 13 : Réaliser un audit de l'offre de soins périnatals comprenant une cartographie des plateaux techniques et une évaluation de chaque structure sur la base d'indicateurs définis au niveau national et établissant, par territoire et bassin de naissance, un diagnostic des besoins et des risques pesant sur l'offre de soins.

4. Assumer une transformation de l'offre de maternités répondant de manière équilibrée aux enjeux de sécurité et de proximité des soins

Alors que dans son rapport de 2015, la Cour des comptes estimait qu'« il appartient aux pouvoirs publics de définir un schéma cible d'organisation à moyen terme des maternités qui oriente de manière plus volontariste l'action des ARS de manière à mettre en place une répartition géographique et une structuration par type de prise en charge des maternités mieux ajustée aux besoins et plus efficiente »230(*), Véronique Hamayon, présidente de la sixième chambre, constatait devant la mission231(*) que « Peu de nos préconisations issues de nos précédents rapports ont été mises en oeuvre. La réorganisation de la cartographie des maternités n'a pas été mise en oeuvre, les recommandations sur la sécurité non plus. »

Dix ans après ces constats et devant une situation encore dégradée, une transformation raisonnée est aujourd'hui indispensable.

Cette transformation devra être menée sur la base des diagnostics national et, surtout, territorial que la mission appelle de ses voeux et appuyée sur une étude documentée de l'impact des évolutions proposées des ratios d'encadrement et du maillage territorial en plateaux techniques.

a) Renforcer les structures de types 2 et 3 pour assurer la robustesse du réseau de maternités et concentrer l'acte d'accouchement sur ces structures
(1) Sécuriser l'acte d'accouchement sur des plateaux techniques viables

· La priorité doit aller à la sécurisation de l'acte le plus risqué qu'est l'accouchement, et sur lequel les complications peuvent occasionner, faute d'une prise en charge rapide et adéquate, les dommages les plus importants. Accoucher est certes un acte naturel mais qui comporte des risques aujourd'hui en partie évitables : c'est cette sécurité qu'il convient d'apporter.

· Face à la situation décrite précédemment, une rationalisation du nombre de plateaux d'accouchements apparaît à la fois souhaitable et inévitable.

Ainsi, l'Académie de médecine estimait que : « Ce réalisme devrait s'appuyer, non pas sur le maintien illusoire de petites structures mais sur une réduction du nombre de maternités, dont les contraintes structurelles et de ressources humaines doivent garantir à la fois la sécurité et la satisfaction des usagers tout en offrant des conditions de travail acceptables et pérennes. »232(*)

L'Académie considérait ainsi que : « les structures effectuant moins de 1 000 accouchements sont les plus fragiles en ce qu'elles recourent abondamment à l'intérim et peinent à organiser un service de garde avec des praticiens de la structure. Les structures de type-2 effectuant moins de 1000 accouchements devraient être renforcées en priorité. »

Constatant qu'« en 2021, 131 maternités de type 1 sur 169 ont effectué moins de 1 000 accouchements », l'Académie de médecine a, en cohérence avec les constats précédemment formulés, réalisé des modélisations de regroupements des maternités de type 1 effectuant moins de 1000 accouchements avec celles de types 2 et 3 les plus proches.

Modélisation du regroupement des maternités de type 1
avec les maternités de type 2 & 3 les plus proches

Source : Drees pour l'ANM, Mathieu Nicolau, Mathilde Gaini, Benoît Ourliac, annexe au rapport de l'Académie de médecine, « Planification d'une politique en matière de périnatalité en France : organiser la continuité des soins est une nécessité et une urgence. »

Ce constat rejoint à nouveau ceux d'autres acteurs de la communauté médicale et scientifique. Quand la société française de médecine périnatale estime que « le regroupement des plateaux techniques est inéluctable »233(*), la conférence des présidents de CME de CH considère elle que « Dans un contexte de difficultés en ressources humaines subie par de nombreux plateaux techniques, le renforcement de ceux disposant du meilleur potentiel en terme d'attractivité pour les professionnels de la périnatalité devrait être une priorité (capacité à recruter/fidéliser, effectifs et compétences disponibles, qualité et cohérence du plateau technique...). »

· C'est donc à la fois tant à un principe de réalité qu'il convient de répondre, qu'à la satisfaction de l'ambition d'un haut niveau de sécurité.

Au regard des constats précédemment dressés, une reconfiguration est nécessaire : assurer la sécurité des accouchements passe par une concentration des plateaux techniques.

Cette réorganisation ne signifie pas le seul arrêt des accouchements sur certains plateaux mais bien aussi le renforcement parallèle des capacités des plateaux pivots.

Dans son rapport de 2024234(*), la Cour des comptes considérait bien que « les fermetures de maternités et la réorganisation locale de l'offre de soins qu'elles appellent doivent être préparées pour que les reports d'accouchement vers d'autres maternités du territoire soient coordonnés et accompagnés, si nécessaire, d'une augmentation des capacités d'accueil. »

Comme cela a parfois été évoqué lors des auditions, la logique soutenue ici est comparable à d'autres spécialisations réalisées dans le traitement de certains risques, comme l'accident vasculaire cérébral, qui n'est plus nécessairement traité en proximité mais en privilégiant l'orientation vers un établissement spécialisé.

· Cependant, si elle retient la nécessité d'un regroupement des plateaux d'accouchement au profit d'un renforcement des maternités en capacité d'assumer territorialement un rôle pivot, la mission considère contre-productif l'affichage d'un seuil.

L'écho donné au rapport de l'Académie de médecine a montré la focalisation sur le seuil de 1 000 accouchements. Pourtant, ce seuil n'était pas une préconisation mais était retenu comme une hypothèse de travail et de modélisation d'impact sur la carte hospitalière. Ainsi, la logique de priorisation a été mal comprise pour ne retenir que l'idée d'un couperet.

Surtout, l'affichage d'un seuil est trompeur et faussement inquiétant quand toute la logique de sécurisation vise à renforcer les maternités nécessaires. C'est pourquoi, alors que certaines maternités sous le seuil de naissances annuel requis sont déjà parfois maintenues à titre dérogatoire, on ne saurait interdire demain de telles dérogations pour des motifs d'intérêt général évidents, comme une configuration géographique conduisant à un éloignement excessif de nature à obérer la sécurité de la parturiente.

Recommandation n° 14 : Engager, à l'appui de diagnostics territoriaux et d'une évaluation de l'impact d'une réorganisation, une transformation globale de l'offre de maternités assurant :

- un haut niveau de sécurité sur des plateaux techniques moins nombreux mais permettant une pluralité de projets de naissances ;

- une accessibilité des structures au regard des contraintes territoriales ;

- une offre de proximité garantissant un suivi pré natal et post-natal immédiat sur le territoire.

· La réduction du nombre de sites d'accouchement, en éloignant les parturientes de leur domicile sur cet acte précis, n'est pas synonyme de perte de chances si cette réduction est faite au profit d'une montée en capacité et en niveau des sites restants.

Ainsi, la concentration de l'offre de soins peut tout à fait accompagner une politique de sécurisation et de qualité des soins, comme le montrent les exemples des pays nordiques qui affichent de très bons indicateurs.

Le Pr Damien Subtil, représentant la société française de médecine périnatale soulignait devant la mission235(*)que « les maternités suédoises sont moitié moins nombreuses que les nôtres et sont dotées de très grands plateaux d'accouchement. Certains patients habitent à trois cents kilomètres des maternités. Tout est organisé pour que les patientes viennent avant leur accouchement et logent dans des hôtels hospitaliers. »

De même, au Danemark, seuls vingt-deux hôpitaux avec une maternité et cinq cliniques - publiques - proposent des accouchements, répartis de façon égale dans tout le pays. En moyenne, la majorité des maternités comptent environ 1 500 à 3 500 naissances par an, le nombre d'accouchements variant d'un peu moins de 300 à 7 000 selon les maternités236(*).

(2) Un renforcement indispensable de l'offre de réanimation néonatale sur le territoire

· La concentration des moyens sur certains sites doit également permettre un renforcement des structures sur des soins aujourd'hui insuffisamment et inégalement couverts sur le territoire comme la réanimation néonatale237(*).

Le besoin de lits dans ce secteur est croissant, comme le constatait Santé publique France : « L'augmentation du nombre annuel de lits ” consommés “ en réanimation néonatale est constatée en Île-de-France (149 lits en 2012 à 167 en 2021, + 12 % en 10 ans), tout comme en France hexagonale (de 547 à 608, + 11 %). »

Or l'offre de soins de réanimation néonatale marque des inégalités aujourd'hui importantes sur le territoire.

Comme le souligne l'Académie de médecine dans son rapport, le ratio mesurant le nombre de lits de réanimation pour 1000 naissances par région varie de 0,61 à 1,26. Cela constitue une « inégalité [qui] ne trouve pas de justification de santé publique et [qui] conduit à des taux d'occupation non raisonnables, supérieurs à 100 % dans 19 % des semaines de l'année ».

Capacitaire de lits de réanimation néonatale par région

Source : Société française de néonatologie, annexe au rapport de l'Académie de médecine

En outre, des régions présentant des ratios satisfaisants font parfois face à des difficultés notables. Ainsi, le réseau de périnatalité des Pays de la Loire a signalé un sous-dimensionnement du service de réanimation et de médecine néonatale au sein du CHU de Nantes.

Les coprésidents des Assises de la pédiatrie recommandaient ainsi238(*) d'augmenter le nombre de lits de réanimation néonatale de façon à atteindre le ratio d'un lit pour 1 000 naissances. Cette préconisation partagée par d'autres acteurs doit être soutenue.

La mission constate que l'atteinte de ce ratio était également soutenue par Frédéric Valletoux, alors ministre délégué chargé de la santé et de la prévention, dans les conclusions de ces assises.

Recommandation n° 15 : Assurer sur tout le territoire un ratio minimal d'un lit de réanimation néonatale pour 1 000 naissances.

(3) Améliorer la coordination pour l'orientation des parturientes et le fonctionnement des plus petites structures

La bonne orientation des femmes enceintes vers la structure adaptée à leurs besoins de santé est une priorité.

D'une part, il n'est pas nécessaire d'éloigner la parturiente de son domicile sans justification médicale. D'autre part, il convient d'éviter un engorgement de structures de recours par de trop nombreux cas qui ne nécessitent pas un tel niveau de prise en charge.

L'orientation nécessite une bonne coordination des professionnels de santé et des structures, tout au long de la grossesse et jusqu'à l'accouchement. Elle doit aussi se concevoir en suites de couche, pour adapter le lieu de prise en charge au niveau de risque, autant que possible en proximité.

· La mission a pu constater lors de ses déplacements le rôle déterminant des cellules de transfert entre établissements et a notamment pu échanger sur le projet en cours pour le territoire lorrain au sein du CHRU de Nancy.

Comme le souligne la DGOS, « les efforts d'orientation in utero et en post-partum, réalisés localement sous l'égide de cellules régionales de transfert, doivent néanmoins être confortés : une part non négligeable des accouchements à risque demeure en effet réalisée dans des maternités présentant un niveau d'équipement non-adapté à leur prise en charge. »

Lors de son audition par la mission, la FHF a pu notamment présenter les différents schémas d'orientation des parturientes vers le bon niveau de recours selon les risques identifiés. Cette orientation doit être organisée à tout moment de la grossesse, en phase précoce, mais est aussi particulièrement efficiente lors d'une consultation aux urgences.

Schéma préconisé d'orientation de la patiente selon le niveau de risque
en cas de consultation aux urgences

Source : Dr Margaux Creutz Leroy, Fédération française des réseaux de santé en périnatalité, en réponse au questionnaire de la rapporteure

Cependant, le réseau de périnatalité des Pays de la Loire a souligné dans sa contribution que, dans cette région, si la cellule d'orientation « fonctionne très bien lorsque le motif du transfert est médical. Les relations entre établissement sont plus compliquées lorsque le motif du transfert est lié à des problèmes capacitaires ».

· Au-delà des cellules de transferts, les coordinations locales entre structures sont également déterminantes pour adapter les modalités de prises en charge aux ressources et à la configuration des établissements d'un territoire.

La mission a ainsi pu le constater dans le cadre d'un déplacement en Bretagne, avec une coopération institutionnalisée entre la maternité du centre hospitalier de Basse-Bretagne (CHBA) de Vannes, de type 3, et la maternité de Ploërmel, de type 1.

Dans un contexte de reconfiguration de l'offre de soins, ont été développés différents dispositifs d'appuis de professionnels de Vannes au profit du centre hospitalier de Ploërmel : temps partagés, gardes, astreintes et équipes médicales territoriales contribuent ainsi à maintenir l'activité sur ce site. Lors de leur recrutement à la maternité de Vannes, les praticiens sont informés que leur contrat inclura la participation à la permanence des soins de Ploërmel. Philippe Couturier, directeur général du CHBA, s'est félicité d'avoir pu bénéficier de l'attractivité du littoral pour déployer des ressources sur la partie plus rurale du territoire et ainsi maintenir ouverte la maternité de Ploërmel. Cette maternité bénéficie désormais d'effectifs suffisants et n'emploie plus d'intérimaires.

Cependant, si cet exemple local a montré sa pertinence dans l'aménagement de l'offre de soins sur le territoire, il ne saurait constituer un modèle d'organisation des structures à systématiser ni apparaître comme une réponse aux situations de l'ensemble des maternités fragiles.

· Alors que les groupements hospitaliers de territoire (GHT) ont normalement vocation à permettre une gradation des soins sur le territoire et un niveau de recours approprié pour les patients, les auditions et déplacements réalisés par la mission montrent que les coordinations inter établissements s'émancipent souvent des GHT pour lesquels les filières de soins ne couvrent pas nécessairement de manière coordonnée les besoins territoriaux.

(4) Un plus faible nombre de structures d'accouchement pour une offre plus diversifiée

Une réorganisation de l'offre de maternités en de plus grandes structures ne doit aucunement être perçue comme l'idée de la création d'« usines à bébés ».

Renforcer la sécurité et adapter le nombre de structures sur le territoire doit permettre, dans le même mouvement, de répondre à des souhaits d'accouchements diversifiés et accompagner sur un même lieu différents projets de naissance.

L'Académie de médecine estime ainsi que « seules de grandes structures seront à même de proposer une offre et une qualité de soins exigées par les usagers comme par les professionnels ; elles éviteront ainsi d'être caricaturées comme « des usines à bébés » qui résulte aujourd'hui d'une criante insuffisance de moyens humains et de contraintes architecturales inadaptées. »

· Ainsi, les plateaux d'accouchements transformés devront comprendre des salles de naissance configurées selon différents types de risques et de niveaux de médicalisation.

Des salles d'accouchement physiologique avec peu de matériel médical mais la proposition d'équipements comme des sangles ou des baignoires doivent ainsi être développées.

Ces projets sont déjà menés par certains établissements, comme la mission a pu le constater au CHRU de Nancy et au CHBA de Vannes avec des salles physiologiques spécialement aménagées, mais hautement sécurisées par la proximité immédiate des matériels de réanimation ou des blocs opératoires en cas de complication. C'est le cas également au sein de l'hôpital Robert-Debré (AP-HP), dont les projets de rénovation des salles d'accouchement comprennent parfois la dissimulation du matériel médical.

La diversification des salles de travail répond à une demande certaine, comme évoqué précédemment.

· Ce renforcement de la pluralité de l'offre d'accouchement sur des plateaux techniques reconfigurés doit s'appuyer sur les compétences des sages-femmes, « vigies des maternités » pour reprendre les mots de Camille Dumortier du collège national des sages-femmes de France.

Ainsi, celles-ci doivent voir leur place confortée dans la prise en charge des accouchements physiologiques sur ces plus grandes maternités. En outre, alors que, comme l'ont rappelé différents intervenants, les sages-femmes françaises ont l'un des cursus les plus développés d'Europe, la conférence des présidents de CME de CH appelait239(*) à leur confier de nouvelles compétences, notamment dans la surveillance post-accouchement, quand l'Académie préconisait dans son rapport la création d'un statut de praticien en maïeutique au sein des maternités publiques.

· Ces transformations et le renforcement de structures de taille suffisante doivent en outre accompagner l'évolution des demandes des femmes, concernant l'organisation et le cadre ou les services fournis par les maternités.

Ainsi, le souhait de chambres individuelles dans les services de suite de couches comme le deuxième couchage pour le co-parent sont les deux demandes arrivant en tête, formulées par plus de 40 % des femmes.

(5) Assurer un maillage territorial pertinent

· De manière évidente, l'offre de soins ne saurait être reconfigurée sans que les critères retenus en matière de santé publique ne soient directement reliés à un maillage géographique.

Dans ce cadre, des situations géographiques complexes devront nécessairement conserver une offre de soins adaptée et il conviendra, de sécuriser les petites structures considérées comme indispensables à l'accessibilité des soins. Les contraintes propres à certains territoires de montagne ou insulaires par exemple, pour lesquels la distance peut révéler des temps de trajets particulièrement longs, doivent être analysées et prises en compte.

Alors que, comme cela a déjà été indiqué, 92 % des femmes en âge de procréer résident à moins de 30 minutes du domicile, il conviendra de ne pas allonger excessivement ce temps par la reconfiguration des plateaux d'accouchement.

Il est tout aussi impératif de garantir des schémas de recours pour les territoires ne pouvant disposer à proximité de structures de type 3 ; c'est notamment le cas de la Corse.

Sur ce plan, il convient de valoriser les travaux déjà parfois réalisés de cartographie de zones d'éloignement par les agences régionales de santé ou les réseaux de périnatalité, comme l'a par exemple présenté l'ARS de Bourgogne-Franche-Comté à la mission.

Source : ARS Bourgogne-Franche-Comté, en réponse au questionnaire de la rapporteure

· Les situations des territoires ultramarins devront être regardées avec une attention particulière compte tenu de leurs spécificités géographiques.

L'éloignement ou l'insularité ne créent pas les mêmes contraintes que dans l'Hexagone et appellent à des réponses adaptées. Dans certains cas, le maintien de structures ne remplissant pas l'ensemble des critères optimaux répond à un impératif de présence territoriale minimale.

Les distances et temps de trajet en Guyane sont ainsi difficilement comparable avec les régions hexagonales. Parallèlement, dans les Antilles, la maternité de Saint-Martin ne réalise certes qu'environ 700 accouchements annuels mais occupe une place particulière dans la configuration de multi-insularité de la Guadeloupe et des Îles du Nord, quand Saint-Barthélemy ne dispose pas de maternité.

· Pour autant, il convient de bien considérer la politique de santé périnatale comme une politique de santé et non comme une politique d'aménagement du territoire. Aussi, l'argument de la proximité ne saurait prévaloir.

Alors que la question de l'éloignement des maternités des territoires ruraux est régulièrement soulevée comme un sujet d'inquiétude, il est assez instructif de s'intéresser là encore à l'avis des principales concernées.

Comme évoqué précédemment, interrogées par l'institut CSA240(*) sur la durée de trajet qu'elles seraient prêtes à réaliser pour se rendre sur leur lieu d'accouchement, 56 % des femmes ont donné une réponse supérieure à 30 minutes, quand la durée moyenne s'établit autour de 40 minutes.

À ce titre, on peut remarquer que l'hypothèse de restructuration simulée par l'Académie de médecine241(*) que serait une fermeture des maternités de type 1 qui effectuent moins de 1 000 accouchements, conduirait à augmenter le nombre de naissances à plus de 45 minutes du domicile de 1,8 point de pourcentage242(*) (de 1,2 à 3 % des naissances), soit une proportion non négligeable.

Simulation des conséquences du regroupement des maternités de type 1 effectuant moins de 1000 accouchements avec les maternités de types 2 et3
les plus proches en termes d'accessibilité à une maternité
en fonction de la commune de domicile

Lecture : à gauche, situation actuelle et à droite, situation issue du regroupement simulé. Drees pour l'ANM, Mathieu Nicolau, Mathilde Gaini, Benoît Ourliac.

Source : E. Combier & C. Quantin, DIM CHU de Dijon et CSP, Inserm Paris-Saclay, annexe au rapport de l'Académie de médecine, « Planification d'une politique en matière de périnatalité en France : organiser la continuité des soins est une nécessité et une urgence. »

b) Engager la transformation de maternités fragiles en « maternités sans accouchement » assurant le suivi pré-natal et post-natal
(1) Permettre un retour de couche en proximité au plus tôt

En 2020, la durée moyenne d'un séjour pour un accouchement était selon la Drees de 4,4 jours. Elle varie selon le type d'accouchement : la durée moyenne d'un séjour pour un accouchement par césarienne était ainsi de 5,9 jours en 2020, contre 4 jours pour un accouchement par voie basse.

Comme la mission a pu le constater, ces durées de séjour, qui semblent adaptées, paraissent cependant relativement longues au regard de certains pays comme le Danemark.

Au Danemark, une durée de séjour courte,
et depuis 2022 un droit à rester plus longtemps

Pendant longtemps, les femmes quittaient l'hôpital dans les 4 à 6 heures suivant l'accouchement s'il n'y avait pas eu de complications lors de l'accouchement, mais cela a suscité un grand débat sur la durée nécessaire de prise en charge suite à un accouchement.

Le Gouvernement a par la suite fait voter une loi en octobre 2021. Ainsi, depuis 2022, les femmes qui accouchent de leur premier enfant peuvent rester jusqu'à 48h à l'hôpital ou choisir d'avoir une visite à domicile dans les 24 heures qui suivent l'accouchement.

Source : Ambassade royale de Danemark, en réponse à la rapporteure

L'étude CSA243(*) indiquait ainsi qu'un départ anticipé de la maternité quand cela est possible était une demande de 29 % des femmes.

· La reconfiguration de l'offre de maternités, qui pourra conduire à un éloignement de certaines de femmes des plateaux d'accouchement, devrait être accompagnée, dans les structures transformées en proximité, de places d'hébergement médicalisé pour assurer la suite de couche.

Ainsi, alors que la sécurité impose dans certains cas de limiter le nombre de structures pour le seul acte d'accouchement, le retour au plus tôt dans un établissement à proximité du domicile doit être favorisé, selon le souhait des mères.

Pour les suites de couches sans risque, un transfert vers un site de proximité peut ainsi être synonyme de confort et de facilité pour l'entourage, en particulier le deuxième parent.

Surtout, un tel transfert serait la possibilité d'un suivi immédiatement assuré dans la structure de proximité de la mère, avec des équipes connues et dans un environnement à taille plus humaine, structure dans laquelle elle aurait a priori réalisé son suivi prénatal et devrait poursuivre son suivi post-natal. Un tel modèle existe parfois déjà dans certains territoires, comme l'a souligné Isabelle Jordan, pédiatre, coordinatrice du réseau AURORE244(*), valorisant l'expérience du centre périnatal de proximité de Tournon, lequel peut héberger les femmes en suites de couches, en coopération avec la maternité de Valence.

Enfin, la HAS a indiqué que les retours précoces à domicile après un accouchement sont à ce jour à son programme de travail et qu'elle devrait émettre prochainement des recommandations sur ce point.

(2) Garantir des structures de suivi en proximité partout sur le territoire

· Les transformations de maternités au profit de centres périnatals de proximité n'ont pas toujours répondu de manière satisfaisante aux besoins, tant sur le plan sanitaire que du point de vue de la proximité et de l'aménagement du territoire.

C'est pourquoi il apparaît nécessaire de redéfinir les missions des CPP actuels mais également de proposer un nouveau modèle de transformation des maternités qui verraient leur plateau d'accouchement fermé.

Article R6123-50 du code de la santé publique

Les établissements qui ne sont plus autorisés à pratiquer l'obstétrique peuvent continuer à exercer des activités prénatales et postnatales sous l'appellation de centre périnatal de proximité, en bénéficiant par convention du concours d'un établissement de santé pratiquant l'obstétrique.

Le centre périnatal de proximité peut assurer les consultations prénatales et postnatales, les cours de préparation à la naissance, l'enseignement des soins aux nouveau-nés et les consultations de planification familiale. La convention avec l'établissement de santé permet la mise à disposition du centre périnatal de proximité de sages-femmes et d'au moins un gynécologue-obstétricien ; elle est soumise à l'approbation du directeur général de l'agence régionale de santé.

· La mission soutient ainsi l'idée de « maternités sans accouchements », véritables structures de proximité permettant le suivi pré natal et post-natal. Il s'agit de permettre à ces structures d'assurer l'ensemble des missions habituelles des maternités locales, sans autoriser d'accouchements sur place.

Ces structures pourraient ainsi, au-delà du suivi de grossesse, accueillir des femmes nécessitant une surveillance médicale continue avant transfert dans une maternité adaptée.

Elles pourraient aussi, et surtout, devenir une structure de proximité d'accueil rapide en suites de couche des mères et des nourrissons dans les cas d'accouchements sans complication.

Le suivi pourrait ainsi être réalisé dans la période habituelle de séjour, dès quelques heures après l'accouchement et jusqu'au quatrième jour, par des sages-femmes et pédiatres de l'établissement.

Il s'agit, par ces structures, de permettre également un suivi par une même équipe de proximité, de la grossesse jusqu'après la naissance, acte d'accouchement mis à part.

Ces nouvelles structures seraient issues parfois de la transformation de certaines maternités fragiles ou du renforcement de certains centres périnatals de proximité.

Parmi les enjeux d'une transformation de certaines structures, la question de la déclaration du lieu de naissance de l'enfant a parfois été abordée. Si certains défendent l'idée de la possibilité de déclarer comme lieu de naissance le lieu de résidence de l'un des parents, cette proposition n'est pas sans difficulté juridique et technique, avec une dissociation du lieu réel de naissance qu'est le lieu d'accouchement, du lieu qui pourrait être déclaré. Surtout, cette hypothèse n'a pas semblé retenir d'adhésion particulière des élus locaux interrogés.

c) En cohérence, assurer un renforcement des transports sanitaires et des hôtels maternels

L'inévitable transformation de l'offre de soins périnatals et en particulier des plateaux d'accouchement doit permettre d'assurer un haut niveau de qualité de soins pour toutes les parturientes.

Aussi, à défaut d'une offre de proximité adéquate, c'est bien la question de l'accessibilité de ces soins qui doit être garantie.

(1) Garantir une forte réactivité de transports sanitaires renforcés et mieux adaptés

Dans l'hypothèse d'une rationalisation de l'offre de plateaux d'accouchement conduite en vue de renforcer la sécurité, l'éloignement qui en résulterait ne doit en aucun cas conduire à une dégradation de la qualité de prise en charge.

La question des transports sanitaires et en particulier des transports sanitaires urgents se pose ainsi de manière cruciale.

· D'une part, il est indispensable que des cellules de régulation périnatale soient constituées au niveau régional, en coordination avec les cellules de transfert et avec les services d'aide médicale urgente (SAMU).

Ces cellules auraient vocation à orienter au plus vite et au mieux des femmes enceintes devant être dirigées vers un plateau d'accouchement. Il s'agit, dans certains cas, d'assurer le suivi à distance de la mère durant son trajet, et préparer une réaction rapide en cas de complication. Il s'agit, dans d'autres cas, d'assurer le transport de la femme enceinte avec une équipe médicale dans un véhicule sanitaire.

· D'autre part, il semble souhaitable de renforcer la présence de sages-femmes dans les équipes de Samu.

L'expérience d'équipes de « Smur obstétrical » montre sa pertinence avec des sages-femmes embarquées dans des véhicules d'urgence apportant leur compétence aux côtés des médecins urgentistes.

· En complément de ces réponses de transports urgents visant à diriger rapidement vers un plateau spécialisé, la formation régulière des services d'urgences à des urgences obstétricales et néonatales est également nécessaire.

Recommandation n° 16 : Mettre en place des cellules de régulation et transfert périnatals à l'échelle de chaque région et renforcer la présence de professionnels de la santé périnatale, notamment obstétriciens et sages-femmes, dans les plateformes de régulation des urgences ainsi qu'au sein des équipes de transports médicaux d'urgence.

(2) Améliorer une offre d'hôtels maternels

Alors qu'un maintien de maternités de proximité sur l'ensemble du territoire n'apparaît ni possible ni adapté, le rapprochement des femmes enceintes proches du terme de leur grossesse au plus près des établissements de santé serait une solution à développer.

· Le dispositif « Engagement Maternité » est proposé depuis 2022 aux femmes enceintes résidant à plus de 45 minutes de la maternité la plus proche afin de sécuriser et de faciliter leur prise en charge. Le dispositif couvre aussi, tout au long de la grossesse, les grossesses qui requièrent une surveillance étroite.

Deux prestations leurs sont ouvertes : l'accès à un hébergement temporaire non médicalisé (HTNM) en proximité de la maternité ainsi que la prise en charge des transports correspondants.

Ce dispositif est proposé par le médecin gynécologue en charge du suivi de la femme enceinte qui détermine le caractère physiologique ou pathologique de la grossesse, ouvrant à des droits différenciés en termes d'hébergement et de transport. Le médecin est chargé d'estimer la date prévisionnelle d'accouchement, laquelle déclenche un décompte de cinq nuitées consécutives d'hébergement jusqu'à la date d'accouchement.

L'hébergement est réalisé soit au sein de locaux hospitaliers aménagés à cet effet, soit dans le cadre d'un hôtel partenaire.

Une évaluation encore insuffisante du dispositif

La Cnam n'est pas en mesure à ce jour de fournir des données année entière 2023 sur le nombre de bénéficiaires et le coût du dispositif. Les travaux sont en cours avec l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH).

L'Assurance maladie dispose néanmoins :

- des estimations réalisées par la direction de la sécurité sociale (DSS) au lancement du dispositif : entre 7 800 et 26 000 femmes pourraient en bénéficier, pour un coût total entre 5 et 15 millions d'euros par an (hébergement et transports) ;

- du montant des crédits alloués aux établissements au titre de l'hébergement « Engagement Maternité » pour l'activité réalisée entre janvier et septembre 2023 : 72 000 € (circulaire du 12 décembre 2023).

Source : Réponses de la Cnam au questionnaire de la rapporteure

En outre, la DGOS a précisé travailler à l'adéquation du dispositif à des situations particulières, mentionnant les spécificités de la Guyane et la forte précarité de sa population.

· L'engagement maternité (EM) s'appuie sur des maternités correspondantes de toutes catégories245(*), désignées au regard des distances aux communes.

Il n'a pas été communiqué de cartographie des établissements mobilisés ni de la répartition géographique des femmes bénéficiaires ou encore de la ventilation selon les critères d'éligibilité.

La Cnam estime au regard des crédits délégués que « le dispositif semble insuffisamment connu, proposé et sollicité. Après deux années de fonctionnement, la table de correspondance des communes aux hôpitaux gagnerait à être fortement révisée pour corriger les anomalies, ce travail relevant du ministère. » De fait, la faible mobilisation des crédits au regard des millions d'euros de dépenses envisagées montre que le dispositif semble encore trop peu utilisé.

Au-delà de la promotion du dispositif sur le champ aujourd'hui visé, l'Assurance maladie a indiqué réfléchir, dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, à l'idée de permettre aux sages-femmes de prescrire le dispositif EM « afin de fluidifier le parcours des futures mamans et simplifier les circuits au sein des établissements de santé ».

· La transformation de l'offre de maternités et l'arrêt potentiel des accouchements dans un certain nombre de structures devront être accompagnées d'un renforcement d'une offre efficace de solutions d'hébergements non médicalisés.

Ces hébergements doivent être attrayants pour les parturientes et permettre d'accueillir un accompagnant Comme le soulignait Isabelle Jordan, pédiatre, coordinatrice du réseau AURORE246(*), certains centres périnatals de proximité comme celui de Die ont mis en place des conventionnements avec des hôtels ou appart'hôtels. Le confort de ces structures et leur bonne connaissance par les publics cibles est déterminant.

d) Une réforme du financement des activités d'obstétrique à mener conjointement

Le « modèle économique » des activités de maternité apparaît aujourd'hui inadéquat, la fédération hospitalière de France247(*) considérant que « les activités de maternité, de pédiatrie et de soins critiques de néonatalogie et de pédiatrie sont actuellement sous-financées, ce qui appelle à revoir le financement de ces dernières. »

Selon la direction générale de l'offre de soins, « les établissements pratiquant de 500 à 1 000 accouchements par an concentrent les difficultés en termes d'équilibre économique », identifiant un point d'équilibre se situant autour de 1 200 accouchements par an en l'état actuel de la tarification. Ce problème est ancien et connu : le même « seuil de rentabilité » était identifié dans un rapport présenté en 2015 par la Cour des comptes à la demande de la commission des affaires sociales du Sénat.248(*)

La société française de néonatologie estimait249(*) par ailleurs que la tarification à l'activité a détourné la politique de régionalisation des maternités et la gradation des structures, au point de dégrader la capacité réelle des structures de recours. Selon elle, les accouchements à bas risques ont été attirés dans des maternités de type 3 pour assurer le financement de ces plateaux techniques : « Des maternités publiques de type 3 ont augmenté considérablement leur activité d'accouchements à bas risque dans les années 2000-2015 au point d'engorger la maternité et de refuser, faute de place, des transferts in utero à haut risque ».

Les critiques régulières sur le modèle de financement des activités de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) des établissements de santé, assis sur la tarification à l'activité (T2A) ont conduit le Gouvernement à présenter une réforme du financement dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.

Cette réforme, qui entendait réduire la part de la T2A dans les ressources des établissements, a normalement vocation à permettre un financement plus adéquat de certaines activités ayant des charges fixes non liées à leur activité effective, notamment quand celle-ci est discontinue ou ne peut se programmer : c'est le cas des activités de maternité.

Selon la DGOS, la mission de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) soulignait dans le cadre d'une préfiguration de la réforme le besoin d'un financement « socle » sous forme de dotation afin d'assurer le maintien des maternités jugées nécessaires par les ARS.

Cette position a été soutenue par la commission des affaires sociales du Sénat dans le cadre du PLFSS 2024 et soutenue par la Cour des comptes : si pour Véronique Hamayon, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, le modèle de financement « n'explique pas les difficultés rencontrées », « la réforme du financement de la T2A, avec la création d'une part forfaitisée, va toutefois dans le bon sens »250(*).

Cependant, alors que les plateaux d'obstétrique et secteurs de naissance ou activités de pédiatrie ont souvent été décrits comme fragiles financièrement et justifiant la réforme de la T2A, la rapporteure pour l'assurance maladie251(*), Corinne Imbert, constatait au Sénat que les activités de maternité ou de pédiatrie n'étaient pas décrites dans l'étude d'impact dans les schémas relatifs à la dotation socle.

Interrogée sur ce point dans le cadre de la mission, la DGOS a indiqué à la rapporteure que « la réforme des autorisations est prioritaire pour les maternités. La création en avance de phase d'une dotation socle pourrait amener à soutenir des établissements dont le maintien n'est pas pertinent du point de vue de la qualité, de la pertinence et de l'organisation de l'offre de soins. »

Le Gouvernement a ainsi fait le choix pour 2024 d'accompagner le financement des maternités par une augmentation des tarifs et d'envisager ultérieurement une évolution du modèle. Alors que la Cnam indiquait qu'« à [sa] connaissance, la proposition de mise en place d'une dotation socle par maternité est aujourd'hui abandonnée »252(*), il apparaît nécessaire de poursuivre ce travail.

· La modulation des financements liés à l'activité par des dotations socles pour les activités des secteurs de naissance conserve toute sa pertinence et sa nécessité. La transformation du modèle de financement du champ MCO doit procéder d'un projet d'évolution de l'offre de soins et pleinement accompagner l'indispensable transformation de l'offre en périnatalité.

5. Des modes d'accouchement complémentaires à accompagner : garantir une offre d'accouchement accompagné à domicile et de maisons de naissance

Parce que l'offre existante dans leur région ne leur convient pas ou en raison de certaines réticences à se rendre à l'hôpital, certaines femmes choisiront d'accoucher en dehors d'une maternité, en maison de naissance ou à domicile.

Il est impératif d'assurer pour ces deux modalités d'accouchement des conditions d'encadrement et de sécurité des actes.

a) Une offre de maisons de naissance à mieux intégrer dans la redéfinition de l'offre de maternités

Dans le cadre d'une réorganisation de l'offre de maternités et alors que se développe une demande d'accouchement physiologique dans un contexte moins médicalisé, les maisons de naissance ont une place naturelle. Le développement de maisons de naissance apparaissait d'ailleurs comme un souhait pour 30 % des répondantes à l'enquête commandée par la mission253(*).

Le bilan de l'expérimentation menée de 2016 à 2020254(*) semble avoir donné des résultats globalement positifs, comme le montre le rapport d'étude réalisé par une équipe de l'Inserm sur la qualité des soins prodigués en maisons de naissance en France publié en 2019255(*). D'une part, en matière de sécurité des prises en charge, la DGOS constate256(*) des taux de complications maternelles faibles ou dans les moyennes européennes. D'autre part, le même bilan est tiré pour ce qui est de la pertinence des prises en charge - avec un bon respect des conditions d'éligibilité - et de l'efficacité des soins. C'est pourquoi une pérennisation du dispositif a été décidée à la fin de l'année 2020257(*).

· Le développement de nouvelles structures doit être fondé sur des projets locaux solides et concertés entre des équipes de sages-femmes volontaires, en partenariat avec des établissements en capacité de les accompagner.

Il conviendra, avant de s'engager plus en avant sur une évolution du modèle ou sur un renforcement ambitieux de l'offre, d'établir une évaluation minutieuse des forces et faiblesses des structures existantes en matière de conditions d'accueil et de gestion des risques et concernant la sécurité et la réactivité en cas de complication. En outre, il ne paraît pas envisageable de remettre en question le principe de contiguïté d'une maternité, au nom d'une garantie de sécurité.

La question d'un maillage - par exemple avec une structure par région au moins - devra être posée, alors que les neuf structures existantes ne permettent qu'une offre circonscrite et que les structures ultramarines semblent particulièrement fragiles258(*).

· Enfin, la modernisation de la place des maisons de naissance doit passer par une actualisation des recommandations des autorités sanitaires au regard des bilans dressés et de l'état des pratiques. Le ministère a ainsi signalé une récente saisine de la Haute Autorité de santé relative aux critères d'éligibilité des femmes pour un accouchement dans ces structures, en vue de limiter les taux de transferts en per partum.

b) Une pratique de l'accouchement à domicile à protocoliser pour en améliorer la sécurisation

Sans déprécier le choix fait par certaines femmes d'accoucher à domicile, force est de constater, comme l'ont rappelé différents professionnels entendus, que la pratique est plus risquée qu'un accouchement en milieu hospitalier.

En outre, il convient de veiller à ce que ces modalités d'accouchement relèvent d'un choix réel et ne résultent pas d'un déficit d'offre satisfaisante ou accessible. En particulier, la transformation de l'offre de soins ne doit pas conduire à une hausse subie des accouchements à domicile.

Alors que cette pratique qui demeure marginale fait cependant l'objet d'une demande certaine, il convient de garantir la sécurité des femmes accouchant chez elles.

D'une part, il paraît indispensable que le choix d'un accouchement à domicile ne dégrade pas le suivi pré ou post-natal de la mère et de l'enfant : sortir l'acte d'accouchement d'une structure de soins ne doit pas être le symptôme ou le marqueur d'un éloignement du système de santé.

D'autre part, il semble nécessaire que les conditions de cette pratique soient mieux identifiées, présentées et supervisées, afin de ne pas en faire une solution dégradée et peu sécurisée. Mal définir et encadrer les accouchements à domicile serait risquer une hausse d'accouchements non accompagnés encore plus dangereux.

· Le meilleur encadrement de la pratique doit notamment assurer une claire et transparente information des parturientes sur les risques.

À ce titre, il convient de souligner que l'accouchement à domicile, même souhaité, n'est parfois pas compatible avec l'état de santé de la mère ou les risques identifiés pour l'enfant à naître.

Sur ce plan, les représentants de sages-femmes pratiquant des accouchements à domicile ont bien insisté sur l'identification des risques tout au long du suivi pré natal et durant l'accouchement et, en conséquence, sur les réorientations parfois nécessaires pour assurer la sécurité des parturientes.

· La sécurisation de cette pratique passe par une formation renforcée des sages-femmes réalisant des accouchements à domicile, particulièrement pour ce qui est des gestes d'urgences obstétricales et de réanimation du nouveau-né.

· Cette sécurisation impose également une meilleure protocolisation de cet acte au moyen de lignes directrices, règles ou recommandations de bonnes pratiques par les autorités sanitaires.

Celles-ci devront définir des critères qualitatifs clairs : intégration dans le parcours de soins et de suivi pré-natal, équipement obligatoire pour la sage-femme, indicateurs de santé pour la mère et le bébé requis ou excluant, communication régulière avec les maternités de recours, modalités et capacités de transfert en urgence et distance à une structure d'urgence pouvant gérer des complications obstétricales ou néonatales.

Des recommandations de la Haute Autorité de santé seraient ainsi bienvenues sur ce sujet.

L'APAAD259(*) proposait en outre la mise en place d'un cahier des charges rédigé sous l'égide de la direction générale de l'offre de soins et précisant les modalités d'anticipation et d'organisation des transferts et l'évaluation de l'offre de sa qualité notamment.

Comme l'a souligné le CDAAD, certains protocoles ont été établis par des réseaux de périnatalité locaux. Il convient d'en assurer une coordination ou un renforcement à l'échelon national. Un groupe de travail organisé par la fédération française de ces réseaux sur la gestion des risques autour de l'accouchement accompagné à domicile a en outre abouti à la publication différents documents d'information à destination des parturientes et des professionnels.

Alors que la mission entend valoriser un plus grand choix des mères dans les modalités de leur accouchement, la priorité est que, pour toutes, l'offre proposée assure leur sécurité et celle de leur enfant. Il ne s'agit ainsi pas d'opposer proximité et sécurité, mais bien de conjuguer personnalisation de la prise en charge, accessibilité des soins et sécurité, tout en rappelant l'impératif absolu de la garantie de cette dernière.

EXAMEN DU RAPPORT


(Mardi 10 septembre 2024)

Mme Annick Jacquemet, présidente. - Je suis heureuse de vous retrouver à l'occasion de cette rentrée pour la dernière réunion de notre mission d'information sur la santé périnatale, consacrée à la présentation du rapport par notre collègue rapporteure Véronique Guillotin.

Lors de notre dernière réunion plénière, j'avais acté la fin de nos travaux, sous réserve d'une dernière audition programmée, celle de Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Celle-ci, prévue le 19 juin, a été annulée à la suite de la dissolution de l'Assemblée nationale, sans que la situation politique qui s'en est suivie permette d'envisager l'audition d'un membre du Gouvernement. En outre, en raison de ce même contexte, nous avons décidé, avec la rapporteure Véronique Guillotin, de reporter la présentation de ce rapport, initialement prévue le 9 juillet, à la rentrée de septembre, afin d'éviter le tumulte de l'actualité politique suivant le second tour des élections législatives.

Je commencerai par quelques mots de contexte sur le rapport qui va nous être présenté et que certains d'entre vous sont allés consulter hier ou ce matin.

Comme vous le savez, cette mission a été décidée par le groupe du Rassemblement démocratique et social européen, le RDSE, au titre de son droit de tirage pour la session. Cette idée, suggérée par Véronique Guillotin, a régulièrement été présentée comme une suite parlementaire à apporter au rapport polémique de l'Académie de médecine publié au début de l'année 2023.

Nous avons entamé nos travaux au début du mois de mars 2024, il y a tout juste six mois, avec un constat clair : la France connaît depuis une dizaine d'années un décrochage certain par rapport à ses voisins européens en termes d'indicateurs de santé publique dans le champ de la santé périnatale, se classant par exemple 21e sur 28 en termes de mortinatalité, 22e pour la mortalité infantile, quand, dans le même temps, la natalité diminue.

Partant, tout l'objet de la mission a été de s'interroger sur les raisons de cette situation et de tenter de savoir si l'offre de soins actuelle était performante et, surtout, quels objectifs il était souhaitable de poursuivre pour les années à venir.

L'intitulé même de la mission a ainsi guidé ses travaux : l'avenir de la santé périnatale, mais aussi l'organisation territoriale de celle-ci, son corollaire immédiat.

Pour répondre aux différentes questions posées, la mission a souhaité donner la parole à des acteurs locaux, institutionnels, soignants ou encore élus de quasiment toutes les régions de France hexagonale, des Hauts-de-France à l'Occitanie, de la Normandie à l'Auvergne-Rhône-Alpes, en passant par la Bourgogne-Franche-Comté. Deux tables rondes ont en outre été consacrées aux enjeux et spécificités des outre-mer avec la Guadeloupe et Mayotte.

Enfin, au-delà des acteurs institutionnels, politiques et scientifiques et de la communauté médicale et soignante, la mission a entendu valoriser plus directement la parole des principales concernées que sont les femmes. Au-delà d'auditions d'associations de patientes ou encore de journalistes et relais des témoignages de mères, la mission a ainsi commandé à un institut professionnel indépendant, l'institut CSA, une étude d'opinion sur la perception des femmes quant à leur prise en charge durant leur grossesse et leur accouchement, qui nous a été présentée en mai dernier.

Après un semestre de travail sur ce très vaste sujet, trente-deux auditions et trois déplacements, en Île-de-France, dans le Grand Est et en Bretagne, Véronique Guillotin nous présente aujourd'hui les principales conclusions et recommandations issues de ces nombreux échanges.

Je tiens à saluer le travail qui a été le sien et son souhait permanent de proposer à notre mission un rapport équilibré, nuancé, étayé ; un rapport qui ne détourne pas le regard d'une situation préoccupante mais cherche au contraire à apporter des solutions, en responsabilité.

J'espère que chacun a pu trouver dans sa lecture la prise en compte de nombre des préoccupations qui ont été exprimées tout au long de nos travaux, depuis notre réunion constitutive jusqu'à l'échange de vues de juillet dernier.

Mme Véronique Guillotin, rapporteure. - Comme l'a rappelé Mme la présidente, le groupe RDSE avait demandé que soit constituée, au titre de son droit de tirage pour la session 2023-2024, une mission d'information sur la santé périnatale. J'avais soutenu cette idée auprès de mon groupe, car j'estimais que, après le rapport de l'Académie de médecine en mars 2023 et l'écho qui avait été le sien, nous devions en tant que parlementaires apporter une analyse politique de la situation.

Je suis heureuse d'avoir pu mener ce travail durant les six mois écoulés, et je remercie la présidente Annick Jacquemet pour le binôme que nous avons pu former dans la conduite des travaux de la mission, lors des réunions plénières comme des déplacements sur le terrain.

Je pense pouvoir dire que nous avons tenté de faire intervenir ou d'aller à la rencontre d'un nombre important d'acteurs aux légitimités et aux positionnements différents : scientifiques, médicaux et paramédicaux, usagères et usagers, responsables élus ou encore institutionnels.

Je retiens de ce travail une série d'observations ou enseignements, pour partie déjà connus, mais surtout une préoccupation globale à laquelle il nous faut répondre. C'est pourquoi je vous proposerai, au-delà de l'analyse de la situation, une série de recommandations d'action.

Je commencerai naturellement par un rappel de la situation : avant de faire l'ordonnance, il faut commencer par le diagnostic !

Quel est le tableau clinique ?

Notre pays a connu, à la fin des années 1990 et au début des années 2000, une amélioration sensible de ses indicateurs de santé périnatale, progression qui s'est depuis arrêtée, voire parfois inversée.

La France se classe ainsi depuis une dizaine d'années désormais aux 21e et 22e rangs européens en matière de mortinatalité spontanée et de mortalité infantile. Selon les données Eurostat de 2022, la France occupe ainsi la 22e place de l'Union européenne sur ce second indicateur, avec 4,0 morts pour 1 000 naissances vivantes, loin derrière la Suède (2,2) ou la Finlande (2,0). Même nos voisins latins affichent de bien meilleurs taux que notre pays : je citerai par exemple l'Italie (2,3) ou encore l'Espagne (2,6).

Si l'on regarde la mortalité infantile sur la période 2020-2022, celle-ci est de 3,5 pour 1 000 en France hexagonale. Ce taux cache néanmoins des disparités territoriales importantes, puisque différents départements du nord-est de la France et d'Île-de-France, ou encore l'Indre-et-Loire, affichent des taux bien supérieurs à la moyenne. Surtout, l'ensemble des départements ultramarins présentent des taux parfois plus de deux fois supérieurs à la moyenne nationale.

Si l'on regarde un autre indicateur de comparaison qu'est la situation des prématurés, on constate là encore des taux bien plus défavorables que dans les pays du nord de l'Europe, avec des perspectives très défavorables pour les plus grands prématurés, et un nombre élevé de nouveau-nés prématurés, ou à la santé fragile à la naissance.

Enfin, la santé de la femme enceinte et de la mère est également préoccupante, qu'il s'agisse des décès maternels, mais aussi, et surtout, des complications graves autour de la naissance. Les hémorragies du post-partum, qui concernent 10 % des accouchements, ne sont malheureusement pas toujours correctement prises en charge et peuvent entraîner des complications graves.

Nous avons bien entendu tenté de comprendre les causes de cette situation et les raisons de ce qui s'apparente à un décrochage de notre pays en matière de santé périnatale, mais aussi ce qui pouvait expliquer les inégalités territoriales constatées. Force est malheureusement de constater que l'ensemble ne trouve pas de réponses claires et certaines au regard des travaux disponibles.

Des facteurs sanitaires sont évoqués, que sont notamment l'âge plus tardif des grossesses ou l'augmentation de la prévalence de certaines pathologies chez les femmes, notamment le surpoids, l'obésité et le diabète.

Des éléments sociaux sont également avancés, avec une plus grande vulnérabilité et précarité des femmes enceintes aujourd'hui, la précarité constituant un facteur d'éloignement du parcours de soins et de moins bon suivi.

Enfin, une série de raisons peut être reliée à l'organisation des soins elle-même. Il s'agit d'une inadaptation de l'offre aux risques et besoins de santé, parce que les services présents dans la structure ne sont pas adaptés, ou parce que l'équipe n'est pas disponible en temps nécessaire. La complétude des équipes et leur stabilité sont identifiées comme des éléments cruciaux pour la sécurité. Le défaut d'équipes complètes et stables est ainsi le principal facteur explicatif d'une prise en charge inadaptée des hémorragies. Il s'agit aussi de manques dans certains cas : c'est notamment le cas du nombre de lits de réanimation néonatale, insuffisant dans de nombreux territoires. En outre, les moyens déployés dans les services de soins néonataux n'ont pas toujours été renforcés pour faire face à l'augmentation de la charge en soins que requièrent les nouveau-nés prématurés les plus fragiles.

Pour autant, tous ces éléments ne semblent pas toujours pouvoir être pondérés ou immédiatement mobilisés pour expliquer les indicateurs défavorables que nous évoquions. Surtout, ils ne permettent pas a priori d'éclairer toutes les disparités territoriales connues.

C'est pourquoi, comme cela a été souvent souhaité par la communauté médicale et scientifique, je vous propose de soutenir la création d'un véritable registre des naissances permettant d'accroître les données de santé disponibles sur le suivi de la grossesse, l'accouchement, le post-natal, de faciliter leur appariement, et ainsi donner à la recherche des perspectives nouvelles de travail.

J'en viens maintenant à l'ensemble du parcours de soins de la femme et de l'enfant et aux évolutions qui me semblent souhaitables ou nécessaires pour tenter de répondre à cette dégradation de la santé périnatale en France.

Je dissocierais pour cela, comme nous l'avons fait dans le rapport, le suivi de la grossesse et le suivi post-natal, d'une part, de l'accouchement en lui-même, d'autre part. Ces deux sujets ne répondent pas aux mêmes besoins et ne mobilisent pas les mêmes leviers d'action.

Le suivi prénatal et post-natal trouve un niveau de satisfaction important auprès des parents comme des professionnels de santé, ce qui est à saluer.

Pour autant, différentes pistes me semblent à travailler, en premier lieu celle de la clarification et de l'orientation.

Le constat que nous avons fait est que la sage-femme et le médecin généraliste sont perçus comme les principaux interlocuteurs durant la grossesse. Cela tient au rôle central du généraliste dans notre système de santé et à la place toujours confortée des sages-femmes, avec un dispositif de « sage-femme référente » qui a trouvé une mobilisation notable.

Cependant, alors que nous avons un parcours de soins prénatal dense, avec notamment des rendez-vous d'échographies régulières, relativement bien suivi, il est parfois peu clair pour les futurs parents. En outre, la perspective de la parentalité est parfois mal appréhendée et cette période cruciale qu'est la grossesse est empreinte de nombreuses images ou idéalisations, souvent relayées par de nouveaux canaux que sont les réseaux sociaux.

C'est pourquoi, au-delà d'une meilleure lisibilité du parcours de soins et de l'articulation des dispositifs de référents, il nous a semblé utile de formuler une recommandation relative à la communication publique sur la grossesse et la parentalité, avec l'appui des agences sanitaires, mais aussi en partenariat avec des médias et réseaux sociaux. La table ronde que nous avions organisée sur ce sujet a montré qu'opposer les messages institutionnels et les réseaux sociaux était contre-productif alors qu'un besoin d'information s'exprime et doit trouver une réponse accessible, et ce sur les principaux canaux consultés par les parents aujourd'hui.

Pour ce qui est du suivi post-natal, on peut constater, malgré certaines difficultés identifiées comme l'accès à une sage-femme en sortie d'hôpital, un parcours bien suivi.

Deux éléments de recommandations m'apparaissent cependant nécessaires à signaler.

D'une part, le suivi à domicile doit être renforcé alors que les enquêtes montrent une part non négligeable de suivi lacunaire. À ce titre, je souligne notamment le rôle, dans l'immédiate sortie de la maternité, de dispositifs d'accompagnement au retour à domicile, comme le Prado maternité (programme d'accompagnement du retour à domicile), qui, ayant montré son efficacité, doit être relancé et conforté.

D'autre part, la place des services de protection maternelle et infantile, qui doit être rénovée. L'action des centres de PMI (protection maternelle et infantile) est souvent mal cernée par les parents eux-mêmes, qui les assimilent à des services de protection de l'enfance plutôt qu'à des services de soins de la femme enceinte puis du nourrisson. Une réflexion doit être menée sur l'avenir et la configuration de ces services, particulièrement dans le cadre de la stratégie relative aux 1 000 premiers jours qui transforme certaines PMI en intégrant les Maisons des 1 000 premiers jours. La PMI doit surtout trouver une juste place auprès des professionnels de ville comme de l'hôpital. À ce titre, je considère que l'implantation de structures de PMI au sein des sites hospitaliers ou dans des locaux partagés doit être davantage promue. Nous avons pu constater la réussite de telles expérimentations.

En ce qui concerne les professionnels de santé impliqués dans le suivi post-natal, force est de reconnaître que le médecin généraliste assure l'essentiel du suivi, y compris du nouveau-né. Les pédiatres, pourtant spécialistes du suivi de l'enfant, n'assurent qu'une part minoritaire des consultations, faute d'orientation ou, surtout, d'un nombre de professionnels suffisant sur le territoire.

Ce point m'amène à un deuxième élément qui me paraît déterminant pour le suivi, mais qui l'est en réalité aussi pour l'accouchement, celui de la disponibilité en nombre suffisant et de la formation des professionnels de santé.

Si nous n'avons pas développé une énième analyse de la crise de la démographie médicale, la santé périnatale connaît la même crise, voire une crise plus sévère, que notre système de santé pris dans son ensemble.

En effet, les spécialités de gynécologie-obstétrique, de néonatologie et de pédiatrie ne sont plus aussi attractives qu'autrefois, a fortiori pour ce qui concerne l'exercice hospitalier. Cela tient sans doute à des changements générationnels et à une insuffisante valorisation des actes face aux risques et aux contraintes, notamment des gardes hospitalières. Cela vaut tant pour l'internat que pour la suite de la carrière, pour les spécialités que j'ai citées comme pour d'autres spécialités intervenant en salle de naissance, notamment les anesthésistes-réanimateurs.

Le problème se pose de manière différente pour les sages-femmes, qui, malgré leur nombre toujours plus important, sont de plus en plus nombreuses à déserter les salles d'accouchement au profit des cabinets libéraux.

Dans tous les cas, pour la santé périnatale comme pour le reste du système de santé, nous ne pourrons pas réussir à assurer la soutenabilité de notre système sans travailler, au-delà de la question du numerus clausus ou du numerus apertus, à la question déterminante de l'attractivité des carrières.

Pour ce qui est de la formation, la question est différente. Nous bénéficions globalement d'un bon système de formation universitaire dans notre pays. De plus, la formation des sages-femmes a récemment été encore complétée avec le doctorat en maïeutique.

J'identifie toutefois deux points de vigilance.

Le premier tient à la formation des médecins généralistes. Alors que l'on manque de pédiatres et que les généralistes sont en première ligne, la modification récente de la maquette de stages a suscité des réactions assez vives. S'il ne nous appartient pas de définir les stages et leur durée souhaitable, il me paraît indispensable que la formation des généralistes, dont nous n'avons eu de cesse de prolonger la durée, inclue une expérience solide en pédiatrie.

Le second point, plus délicat me semble-t-il, tient aux infirmiers. Au-delà des problèmes connus de formation initiale issus des dernières réformes de la sélection comme de la maquette, les activités de santé périnatale, particulièrement de pédiatrie, ne sont plus systématiquement pratiquées en stage. Il en résulte une perte de compétences initiales avec des infirmières à former au sein du service, mais aussi une autocensure, par crainte de rejoindre ces services aux actes techniques particuliers qui n'ont pas été appréhendés au cours de la formation.

Enfin, je terminerai, concernant le suivi, par un aspect qui nous a semblé prendre toujours plus de place, ou en tout cas être aujourd'hui assumé comme un enjeu de santé publique plus qu'il ne l'était, à savoir la santé mentale.

Alors que 70 % des femmes déclarent des symptômes de baby blues dans les jours suivant l'accouchement et que la dépression post-partum touche une mère sur cinq et un père sur dix, l'accompagnement en la matière doit être renforcé. Nous avons souhaité insister sur ce point dans le rapport comme dans les préconisations, notamment sur la nécessité de mieux repérer les situations de vulnérabilité et d'adapter l'offre de soins en la matière. Nous pensons également nécessaire de poursuivre la réflexion sur l'allongement des congés maternel et paternel et sur un congé parental rénové, permettant un retour plus progressif à l'activité professionnelle, de nature à simplifier la prise en charge des jeunes enfants et à améliorer la santé mentale de leurs parents.

Le deuxième grand axe que j'annonçais dans l'analyse du parcours de soins est celui de la prise en charge de l'accouchement. Nous avons consacré une grande partie de nos réflexions à ce sujet et à celui de l'avenir des maternités.

Je commencerai par un point de situation.

Au cours des dernières années, de nombreuses maternités ont vu leurs activités partiellement ou totalement suspendues, de manière temporaire ou durable. Ces suspensions ont des conséquences directes et immédiates sur les parturientes et, en termes d'organisation, sur les établissements de recours. En outre, il a été signalé que ces suspensions d'activité entraînent parfois par ricochet l'arrêt des activités d'orthogénie, ce qui fait peser un risque en matière d'accès à l'interruption volontaire de grossesse.

Les maternités d'Autun, de Lunéville ou de Guingamp ne sont pas des cas isolés, d'autant que les « petites maternités » ne sont aujourd'hui plus les seules concernées par le risque de fermeture. Si l'interruption de l'activité de petites structures est une source de stress pour les parturientes et peut emporter un risque de perte de chance quand elle n'est pas organisée, la suspension, même temporaire, de plus grosses maternités aurait des effets déstabilisateurs bien plus importants à l'échelle de l'organisation des soins dans nos territoires.

Ces fermetures sont réalisées faute de pouvoir disposer des personnels exigés en secteur de naissance. Or quelles sont les raisons de ces manques de personnels ?

La pénurie de professionnels de santé et la perte d'attractivité des carrières hospitalières, notamment dans les petits établissements, au regard des contraintes de gardes fréquentes, expliquent en partie ces pénuries. Toutefois, il convient également de prendre en compte le phénomène plus profond qu'est le souhait de jeunes médecins de travailler dans de grandes structures, au sein desquelles ils trouvent un environnement de travail plus sécurisant, dans des équipes nombreuses, avec des actes plus fréquents et des cas plus complexes.

Cette situation dégradée se nourrit en réalité d'elle-même, de telle sorte que les fermetures temporaires subies agissent souvent comme des signaux de déclassement, emportant un effet repoussoir pour les professionnels comme pour les femmes enceintes.

Surtout, le manque de personnels et les fragilités persistantes de certaines structures poussent à soutenir à bout de bras et à renfort d'intérims coûteux des équipes incomplètes et changeantes, ce qui entraîne une dégradation de la qualité des soins.

Face à cela, nous devons également entendre les demandes des femmes, qui ont évolué au cours des dernières décennies, dans des directions parfois divergentes. De nombreuses femmes choisissent, quand elles sont informées et qu'elles le peuvent, d'accoucher dans une maternité de type 2 ou 3 pour bénéficier de services et d'un encadrement dont elles n'ont pas forcément besoin. Dans le même temps, il faut entendre le souhait de certaines femmes d'accoucher dans des environnements moins médicalisés, dans des salles dites « nature », en maison de naissance, voire à domicile.

Le maintien en l'état de l'offre de soins n'est pas viable car, pour reprendre les mots du Pr Yves Ville, entendu par notre mission, il ne s'agit que d'un « lent pourrissement ».

Le statu quo et l'absence de réformes de la politique périnatale - pourtant considérées comme urgentes par la Cour des comptes depuis 2014 et depuis 2023 par l'Académie de médecine - sont l'équivalent d'une décision qui ne dit pas son nom. Ignorer les fermetures répétées ou laisser des fermetures se prolonger indéfiniment permet certes de maintenir des structures sur la carte, mais cela revient en réalité à laisser advenir une restructuration de fait, non organisée, qui brise petit à petit des chaînons de l'offre de soins, déstabilise à bas bruit et prive en définitive les parturientes de solutions adaptées au niveau local.

En tant que responsable politique, cette restructuration subie, ou ce lâche abandon, je n'en veux pas. Si je considère qu'une transformation est inévitable, celle-ci doit être conduite : il faut une réponse réfléchie, nuancée et calibrée.

Or ce débat mérite mieux qu'une opposition frontale entre médecins et élus locaux, et il ne doit pas être présenté comme un combat des villes face aux campagnes.

Je souhaite que notre mission puisse adopter un discours de vérité et de responsabilité.

Car laisser cette restructuration se faire d'elle-même conduirait en réalité à une perte de chances pour toutes et tous, sur l'ensemble du territoire, avec le risque de dégrader encore la situation sanitaire.

Car maintenir des structures non sûres, notamment dans les petits établissements, est un facteur d'inégalités sociales et territoriales inacceptable, alors que, comme nous l'avons entendu, certaines parturientes bien informées évitent déjà certaines maternités.

Car faire croire qu'il n'y a qu'à former des médecins en masse et à les disperser sur le territoire est un leurre : c'est ignorer leurs aspirations, mais aussi oublier qu'on ne pratique bien que ce que l'on fait souvent. Or la baisse de la natalité, et partant, du nombre d'accouchements pratiqués, est une réalité que nous ne pouvons pas occulter.

Dès lors, quelle réponse apporter ?

Nous considérons que le suivi de la grossesse et le suivi post-natal se distinguent de l'accouchement.

En matière de suivi prénatal et post-natal, nous souhaitons donner la priorité à la proximité. Chacune et chacun doit pouvoir trouver une structure près de son domicile, jusqu'à l'accouchement et immédiatement en sortie de maternité.

Pour l'accouchement, nous estimons que la sécurité doit primer.

Il faut renforcer la sécurité des maternités, en premier lieu par un renforcement de l'encadrement en personnels dans les activités de gynécologie-obstétrique et de néonatologie. La révision des décrets de 1998 a trop duré, faute de volonté et de courage politiques et par crainte, sans doute, des conséquences non évaluées qu'elle pourrait emporter, dans un contexte de raréfaction de la ressource médicale. Or cette révision est aussi un gage d'attractivité pour les praticiens, au-delà d'un meilleur encadrement pour les mères et leurs enfants.

Nous pensons que le travail, déjà plusieurs fois engagé, doit cette fois aboutir, comme les professionnels le réclament. Il nous semble qu'une publication des décrets en 2025 serait souhaitable, avec des entrées en vigueur progressives pour anticiper l'impact et laisser aux établissements le temps de s'organiser.

Il faut ensuite renforcer la sécurité des maternités en engageant une transformation des structures existantes. Cette transformation est inévitable en l'état des demandes et des besoins comme au regard des ressources.

Pour conduire cette transformation, il ne faut pas partir de rien ou aller n'importe où et n'importe comment.

Nous proposons pour commencer une évaluation de chacune des structures au moyen d'indicateurs définis au niveau national. Parallèlement, un diagnostic local des besoins et une cartographie des plateaux techniques doivent être mis en regard dans chaque bassin de naissance.

Les dispositifs territoriaux ou « réseaux de périnatalité », qui mêlent les acteurs hospitaliers et libéraux et s'organisent par territoire, ont montré la pertinence de leurs analyses et leur capacité à faire travailler ensemble les acteurs : ils doivent être mobilisés dans ce travail, auprès des agences régionales de santé notamment.

C'est seulement sur cette base qu'une transformation viable peut se construire. Il nous paraît contre-productif d'afficher une réflexion sur le fondement d'un quelconque seuil d'activité qui serait érigé comme l'alpha et l'oméga de la pertinence d'une structure, et ne constituerait in fine qu'un couperet aveugle.

On a beaucoup entendu parler d'un seuil à 1 000 accouchements, attribué avec plus ou moins de bonne foi au rapport de l'Académie de médecine, en réalité plus subtil que cela. Travailler sur l'unique base de seuils, c'est nier la configuration de nos territoires ; c'est nier la structuration des établissements, leur maillage et leurs complémentarités éventuelles ; c'est nier la réalité que vivent nos concitoyens dans leur bassin de vie et les contraintes qui sont parfois les leurs.

Que signifie cette transformation ?

Oui, il faudra transformer de grandes structures pour accueillir et aménager différents types de projets de naissance. Dans des maternités de type 2 ou 3, notamment, avec des salles dites « physio » disponibles, où les sages-femmes sont en première ligne. Il s'agit non pas de faire des « usines à bébés », mais de proposer des structures sécurisées pour l'ensemble des besoins.

Oui, il faudra renforcer certaines « petites maternités » dont la fragilité fait courir un risque et dont la pérennité doit être assurée.

Oui, il faudra transformer certaines structures non viables en « maternités sans accouchement », qui pourraient en revanche accueillir les mères et leurs bébés dès l'immédiate suite de couches. Éloigner le lieu d'accouchement ne doit pas vouloir dire éloigner la mère et le nouveau-né pendant les jours d'hospitalisation après la naissance, quand ce suivi immédiat peut se faire à proximité du domicile.

Oui, il faudra également repenser certaines modalités d'accueil des parturientes en fin de grossesse pour lesquelles la distance à la maternité requiert un hébergement en « hôtel maternel ».

Oui, il faudra également renforcer l'offre de transport sanitaire et les cellules de régulation et de réponse urgente, avec notamment des services mobiles d'urgence et de réanimation (Smur) obstétricaux et la présence renforcée de sages-femmes et d'obstétriciens dans les équipes.

En outre, dans ce cadre, les territoires présentant une situation géographique complexe devront nécessairement conserver une offre de soins adaptée. Il conviendra de sécuriser les petites structures considérées comme indispensables à l'accessibilité des soins. Je pense notamment aux territoires de montagne, aux territoires insulaires, à la Corse ou aux départements d'outre-mer.

Il faut enfin renforcer la sécurité de l'offre de soins en augmentant le nombre de lits de réanimation néonatale et assurer un ratio minimal d'un lit pour 1 000 naissances sur l'ensemble du territoire.

Je n'oublie enfin évidemment pas les modalités d'accouchement à domicile ou en maison de naissance, que nous abordons dans le rapport. Si ces modes d'accouchement sont aujourd'hui marginaux, ils doivent être possibles et sécurisés : nous soutenons à ce titre la révision ou l'établissement de protocoles pour l'accouchement à domicile.

Vous l'aurez compris, nous avons cherché à sortir d'une opposition frontale entre proximité et sécurité, que j'estime complémentaires. La ligne est claire : le suivi en proximité doit être garanti et renforcé ; un haut niveau de sécurité doit primer et être assuré sur les plateaux techniques ; l'accessibilité des structures sur le territoire doit être préservée.

Une telle transformation est certes ambitieuse, mais elle est inévitable.

Si je souhaite sortir d'une approche retenant des seuils aveugles, je suis également très réservée sur une approche qui procéderait au cas par cas, qui pourrait très souvent constituer un bon prétexte pour ne rien faire. Il faudra, pour y arriver, une feuille de route, une méthode et une évaluation de l'impact.

La révision des ratios et l'organisation des maternités ont trop longtemps été mises de côté par les derniers gouvernements. Je regrette que la dissolution de l'Assemblée nationale et la démission du Gouvernement nous aient empêchés d'entendre la ministre du travail, de la santé et des solidarités. Il y a sur ce sujet, comme sur beaucoup d'autres, des éléments qui n'avanceront qu'à l'appui d'une solide volonté politique.

Ces préconisations sont un discours non pas de fatalité, mais de réalité. Ne prenons pas le risque certain d'un délitement des structures de soins et des plateaux d'accouchement ; engageons au contraire un mouvement de redressement de la situation !

Je terminerai par un sujet qui a été régulièrement abordé dans nos auditions et qui participe de nombre des difficultés que j'ai pu évoquer : il s'agit de la question du pilotage.

Si elle est une compétence de l'État, la santé périnatale implique en réalité largement les territoires et, surtout, elle ne peut se concevoir sans la communauté médicale et soignante et les usagères et usagers. Pourtant, les commissions des naissances et autres organes de pilotage ont progressivement disparu ou perdu leur rôle.

Aucun redressement de la politique de santé périnatale ne pourra se faire sans volonté politique, sans arbitrages et sans pilotage national et territorial. C'est une question de vision, mais aussi de responsabilité.

Voilà, mes chers collègues, les principales conclusions et recommandations que je souhaitais vous présenter et vous proposer de soutenir au nom de notre mission.

L'enjeu est simple : que ce rapport ne s'ajoute pas aux autres déjà publiés sur ce sujet, mais qu'il soit le déclencheur d'une nouvelle politique utile et bénéfique à la santé de nos concitoyens.

Mme Annie Le Houerou. - Je remercie le groupe RDSE d'avoir retenu ce sujet, ainsi que la rapporteure pour son rapport.

Deux aspects sont essentiels : l'accès aux soins périnataux en général et le souci d'avoir des lieux d'accouchement suffisamment proches de la population. Dans le cadre de l'étude d'opinion menée par CSA, les femmes ont exprimé leur attachement à un accouchement à proximité, c'est le premier critère qu'elles retiennent dans le choix de leur lieu d'accouchement. Cela doit être entendu. Mais lorsqu'on évoque les conditions d'accouchement, les femmes demandent évidement que l'accouchement se passe en toute sécurité et il nous revient, en tant qu'élus, d'assurer cette qualité de soins.

Comme vous l'avez souligné, les indicateurs de santé publique sont dégradés, tant en ce qui concerne les décès de nouveau-nés que les décès maternels. Les propositions pour mieux connaître l'analyse de la situation et partager un diagnostic commun sont importantes : la création d'un registre national des naissances et de la mortalité néonatale me paraît essentielle.

Il importe également que les services publics d'accompagnement et de suivi de la santé des femmes et des enfants - notamment Prado et PMI - soient mieux identifiés. Comme cela est indiqué dans le rapport, en dix ans, près de 1 000 centres de PMI ont fermé et les PMI s'orientent davantage vers la protection de l'enfance que vers la prise en charge générale des femmes et des enfants.

Comme vous le soulignez également, les sages-femmes sont de plus en plus nombreuses, mais leur rôle n'est pas encore suffisamment identifié comme pivot. Il faudra y remédier, peut-être dans le cadre d'un pilotage national.

Nous avons tous constaté la dégradation de l'offre de soins et de la disponibilité des professionnels de santé, qui conduit à une dégradation des indicateurs de mortalité. La question des effectifs est centrale. Le nombre de gynécologues est en forte baisse. Idem s'agissant des pédiatres, qui disparaissent même de certains territoires.

Pour moi, nous devons augmenter le nombre de professionnels de santé et développer la formation continue sur la santé des femmes et enfants. Encore faut-il que les professionnels exercent sur l'ensemble du territoire, permettant un maillage à la hauteur des besoins : il y a 45,8 pédiatres pour 100 000 habitants à Paris contre 1,85 pour 100 000 habitants dans l'Indre ! D'ailleurs, le problème se pose dans les mêmes termes pour toutes les professions de santé.

Face à des effectifs de médecins aujourd'hui insuffisants, tenir un discours de vérité et de responsabilité n'implique pas nécessairement de réduire le nombre de plateaux techniques. Soyons ambitieux pour nos territoires. Organisons notre offre de soins pour répondre aux besoins de santé de la femme et de l'enfant, en remettant à l'ordre du jour une révision des décrets de 1998 mais aussi en organisant le recrutement et la formation des personnels autour de l'accouchement, qui est le coeur du problème.

Ne faisons pas de la réduction du nombre de plateaux techniques un préalable. En vingt ans, on a déjà fermé de nombreuses maternités : il y avait 450 maternités de type 1 en 2000, contre 157 seulement en 2022. La démographie médicale et le pourrissement de certaines situations ont sans doute aidé à fermer des maternités... En poursuivant ainsi, les 157 maternités restantes de type 1 sont menacées. Si l'on fait ce choix, certains territoires n'auront une offre de soins à la hauteur des besoins.

Il me paraît essentiel d'avoir une réflexion territoriale sur l'offre et les besoins de soins, comme vous le notez dans le rapport. Les groupements hospitaliers de territoire (GHT) doivent être un élément majeur de la répartition graduée de l'offre de soins. L'exemple des maternités de Vannes et Ploërmel, où nous nous sommes rendues, me semble intéressant, avec une coopération réussie entre une maternité de type 1 et une maternité de type 3. À l'inverse, nous avons constaté qu'une autre tentative de coopération de ce type, ailleurs en Bretagne, ne fonctionnait pas.

Je tiens aussi à rappeler que la première cause de mortalité des mères est le suicide. Or 60 % à 80 % des mères traversent une période de baby blues, et l'éloignement de leur environnement familial accentue le phénomène. Avec la diminution du nombre de lieux d'accouchement au profit d'« hôtels de maternité », la situation, qu'il faut prendre très au sérieux, ne pourra que s'aggraver.

Le rapport pointe également le recours plus important aux accouchements à domicile. Ceux-ci se font dans des conditions qui ne sont pas sécures en cas d'éloignement des maternités. Peut-être serait-il préférable d'orienter les femmes concernées vers des maternités de type 1 où la qualité des soins serait assurée - ce qui n'est, c'est vrai, pas toujours le cas aujourd'hui.

En conclusion, la dégradation de la santé périnatale et de son organisation territoriale est le reflet de la dégradation de l'accès aux soins dans les autres spécialités et d'un défaut de formation initiale et de formation continue des professionnels de santé. La solution réside dans le renforcement de la formation de médecins et le développement d'une offre de soins correspondant aux besoins de la population. Dans mon département, cinquante-cinq maires sont aujourd'hui devant le tribunal administratif pour défendre l'accès aux soins, qui est une préoccupation majeure.

La maltraitance dans les soins gynécologiques et obstétriques a aussi été évoquée. Il peut s'agir aussi d'une maltraitance involontaire des professionnels de santé du fait du manque de personnel.

Le rapport n'aborde peut-être pas suffisamment la procréation médicalement assistée (PMA) et l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Les maternités de proximité garantissent aux femmes, notamment aux plus jeunes, l'accès à de tels services.

Mme Florence Lassarade. - Je remercie Mme la présidente et Mme la rapporteure de nous avoir permis de participer aux travaux de cette mission d'information. J'ai consacré toute ma vie professionnelle à l'activité dont il est question.

Notre pays se situe au 22e rang européen en matière de mortalité néonatale. Or, dans le rapport, on peut lire ceci : « En comparaison avec les pays de l'OCDE, la France figure à la 22e place sur 31 pays s'agissant de la densité de pédiatres par rapport à la population. »

Selon Thomas Fatôme, directeur général de l'Assurance maladie, c'est aux généralistes - ils sont 47 900, contre seulement 2 676 pédiatres - de s'occuper de la santé de l'enfant. Mais pédiatre de ville et pédiatre-réanimateur, ce n'est pas le même métier ! Même si les pédiatres reçoivent une formation à la néonatologie, tous ne veulent pas forcément faire de la réanimation.

En Espagne, où le taux de mortalité infantile est très satisfaisant, l'enfant est suivi exclusivement par un pédiatre la première année.

Pour améliorer la prise en charge des prématurés, tant en maternité que dans le premier mois de vie, il faudra revoir le nombre de pédiatres formés. Savoir par qui l'on veut faire suivre les enfants, c'est un choix de société. Et ce métier, que j'ai exercé avec bonheur - certes, j'ai passé des nuits blanches... -, mérite, je le crois, d'être revalorisé et rendu plus attractif.

Mme Annick Billon. - Je salue à mon tour Mme la présidente et Mme la rapporteure. J'ai eu beaucoup de plaisir à participer à nos travaux, dans des délais contraints.

J'adhère totalement à la méthodologie retenue et aux solutions proposées. Comme pour l'école, il y a un principe de réalité : la natalité baisse considérablement. Mme la rapporteure a écarté la solution de facilité qui aurait consisté à appliquer des seuils de nombre d'accouchements minimal par maternité. Si personne ne souhaite la suppression de certains plateaux techniques, il y a ce fameux principe de réalité.

Vous envisagez un diagnostic prenant en compte notamment les spécificités des territoires de montagne ou ultramarins, afin de mettre en oeuvre des solutions adaptées. Vous nous proposez d'aller vers plus de sécurité. Je partage vos conclusions, en particulier sur l'importance de la formation et sur le rôle des sages-femmes. Vous le soulignez, la réflexion doit être menée en fonction des territoires, et non du nombre d'habitants. C'est ce qui me plaît dans vos analyses.

Vous identifiez un certain nombre de causes. Depuis de nombreuses années, la France n'a pas eu de politique familiale véritablement à la hauteur. Sur le problème de l'obésité, qui peut être lié à l'âge de la grossesse, vous insistez sur la nécessité de la prévention.

La question des moyens budgétaires est évidemment centrale. J'imagine qu'il y aura des choix à faire dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale et le prochain projet de loi de finances...

Mme Céline Brulin. - Je me réjouis que le sujet de la périnatalité ait pu être inscrit à l'ordre du jour de nos travaux, et je salue la qualité du rapport dont nous sommes saisis.

Certains indicateurs sont très inquiétants : le nombre de maternités dans notre pays a baissé de 40 % en trente ans ! J'approuve totalement le choix d'écarter le recours aux seuils, qui ne sont plus du tout pertinents aujourd'hui, à supposer qu'ils l'aient été un jour.

Dans le domaine de la périnatalité, comme dans celui de la santé en général, nous sommes confrontés à une pénurie de professionnels de santé, par manque d'attractivité. Et c'est cette pénurie qui, au nom du « principe de réalité », guide les politiques publiques. Mais, pour moi, mener une politique publique, c'est se donner les moyens de la mettre en oeuvre ; ce n'est pas gérer la pénurie !

Je me réjouis donc que le rapport mette l'accent sur l'attractivité des professions : c'est, à mon sens, l'enjeu numéro 1.

Vous insistez avec raison sur la nécessité de dresser une cartographie, mais un certain nombre d'éléments sont connus. En France, de très vastes territoires ne disposent pas de maternité de type 3 : il faut remédier à cette situation. J'estime que c'est une priorité.

En outre, j'insiste sur le rôle central des centres de PMI, dont le rapport souligne à juste titre les difficultés, dans le contexte financier que nous connaissons - je pense bien sûr aux finances départementales. J'ajoute que les départements font eux aussi face à la pénurie de professionnels de santé.

Enfin, la recommandation n° 11 me laisse sceptique : le classement des maternités pourrait avoir un effet pervers. Il pourrait creuser les inégalités territoriales, les familles cherchant la sécurité. Prenons garde à ne pas aggraver les difficultés de certains établissements.

Mme Anne Souyris. - À mon tour, je tiens à vous remercier de ce travail, qui me semble réellement essentiel. De nombreux sujets ont été abordés et de nombreux diagnostics ont été établis.

La question du suicide est tout particulièrement importante, d'autant qu'il s'agit encore d'un tabou.

De plus, la transparence des pratiques me semble être une priorité. En la matière, la publication régulière des données serait utile, non seulement pour les familles, mais aussi pour les pouvoirs publics.

De même, il me paraît absolument essentiel d'insister sur les PMI. Paris dispose d'un très fort réseau des PMI - au total, 90 % des bébés parisiens y sont vus -, mais tous les territoires ne sont pas égaux à cet égard.

Mme Véronique Guillotin, rapporteure. - La moyenne nationale de suivi des bébés dans les centres de PMI est inférieure à 20 %.

Mme Anne Souyris. - Je suis bien consciente de ces inégalités, mais j'insiste sur les nombreux rôles que jouent les PMI, qu'il s'agisse de la prévention sous toutes ses formes, de la lutte contre l'obésité ou encore de la santé environnementale, sur laquelle le rapport aurait pu insister davantage. On peut réfléchir au développement de PMI ambulatoires et des réseaux de sages-femmes, dont le rôle doit être renouvelé et renforcé. Les sages-femmes sont à même d'assurer un véritable maillage territorial : les pays d'Europe du Nord en donnent la preuve.

Alors que l'on continue de fermer des maternités de niveau 1, il faut garantir, à moins de vingt minutes en voiture, des plateaux techniques et des services de haut niveau de sécurité à même de procéder à un accouchement.

Enfin, je déplore que les pères soient presque absents de ce rapport, alors qu'ils jouent un rôle majeur.

M. Patrice Joly. - Je salue moi aussi la qualité et la quantité du travail accompli sur ce sujet si important.

Les indicateurs de santé périnatale se dégradent aujourd'hui en France et ce n'est pas le fruit du hasard : c'est la conséquence d'un sous-investissement inadmissible, d'un renoncement qu'il faut dénoncer. On a opté comme dans d'autres secteurs pour une logique de concentration qui, de toute évidence, se heurte à ses limites, mais dont on ne parvient pas encore à s'affranchir. Il est grand temps d'en sortir pour répondre aux besoins de notre société.

Comment garantir la sécurité en préservant un minimum de proximité ? Voilà la vraie question. Nous ne pouvons pas aller au-delà d'un trajet de 30 à 45 minutes entre le domicile et la maternité. Un trajet de quarante-cinq minutes multiplie les risques par deux, pour la mère comme pour l'enfant. De telles ruptures d'égalité ne sont pas acceptables.

Dans un certain nombre de professions, il n'y a pas de problème d'effectifs : la question, c'est la répartition entre l'exercice hospitalier et l'exercice libéral ; c'est aussi la répartition territoriale. La solidarité nationale impose de concevoir de nouveaux modes de régulation de ces professions. Seuls les poissons morts suivent le fil de l'eau : les politiques publiques doivent aussi savoir aller à contre-courant et, à mon sens, de tels dispositifs peuvent tout à fait être mis en oeuvre.

Avant tout, il faut élaborer un diagnostic territorial et - j'y insiste - sortir d'une logique strictement budgétaire. La maternité d'Autun est aujourd'hui suspendue, pour ne pas dire fermée. J'ai à ce propos déposé en 2023 une proposition de loi tendant à garantir un droit de naître dans tous les territoires. J'insiste sur cet enjeu, dont dépend l'avenir des territoires eux-mêmes.

Mme Marion Canalès. - Je m'associe aux remerciements exprimés par mes collègues.

Pour commencer, permettez-moi d'indiquer que je suis très favorable au titre retenu pour le rapport : effectivement, en ce qui concerne la transformation de l'offre de soins périnatals, « le travail doit commencer ».

Prenons l'exemple des territoires d'outre-mer : le rapport rappelle à juste titre les difficultés réelles auxquelles les Ultramarins sont confrontés, mais il faut aussi noter que le seul centre de diagnostic en matière d'alcoolisation foetale - un sujet qui m'est cher - en France se situe à La Réunion. Certes, les territoires d'outre-mer présentent un certain nombre de vulnérabilités, mais ils peuvent aussi apporter un début de réponse qu'il conviendrait de généraliser. C'est le cas ici : il est effectivement fondamental d'améliorer la sensibilisation des femmes aux ravages de l'alcool ingéré tout au long de la grossesse et, plus largement, tout au long de la vie. Le travail de prévention dans ce domaine doit, je le répète, commencer.

À cet égard, je déplore le manque de coordination des parcours d'accompagnement psychologique des femmes durant et après la grossesse et le manque d'adaptabilité des parcours de soins et des traitements. Au même titre, il faudrait faire en sorte que les entretiens post-natals, remboursés à hauteur de 70 % par la sécurité sociale, le soient à 100 %, comme le sont les entretiens prénatals.

Alors que trente-neuf communes de mon département ne comptent aucun professionnel de santé en périnatalité, et que soixante-deux d'entre elles n'en ont qu'un seul, qu'il me soit permis de souligner l'importance du rôle des infirmières puéricultrices. Pour renforcer leurs missions, il importe de modifier le décret de référence, lequel n'a pas été revu depuis 1983. On dénonce souvent l'absence ou le manque de législation autour des professionnels évoluant dans le secteur de la parentalité : nous devrions permettre à ces infirmières puéricultrices d'exercer en secteur libéral, ce qui permettrait un meilleur accompagnement des femmes, y compris dans de très petites communes.

Enfin, il convient de rappeler que les missions de la PMI ne se résument pas à la protection de l'enfance : son rôle est plus large et ses autres fonctions sont tout aussi importantes - il ne faut pas l'oublier.

Mme Émilienne Poumirol. - Je remercie nos collègues de ce travail passionnant.

En préambule, je signale que la dégradation des indicateurs en matière de santé périnatale est effectivement inadmissible dans un pays comme le nôtre, d'autant que certains pays que l'on montre souvent du doigt, comme l'Espagne ou l'Italie, s'en sortent mieux que nous.

Ma première remarque concerne la pénurie du personnel médical et paramédical dans le champ de la périnatalité : il est désormais indispensable - je partage en cela les conclusions du rapport - d'aboutir à un outil de pilotage à l'échelon national.

Je suis en réalité favorable à la plupart des recommandations que contient le rapport, à l'exception de celle qui conclut à la nécessaire diminution du nombre de plateaux techniques. Rappelons que la disparition de 40 % des maternités de premier recours en l'espace de trente n'a pas empêché une forte détérioration des indicateurs de santé. En d'autres termes, ce n'est pas de la mauvaise qualité des infrastructures de premier recours en France que découle principalement la surmortalité néonatale.

En conséquence, la solution ne réside pas dans la centralisation de ces infrastructures dans les métropoles et ce n'est pas en fermant certaines structures de proximité que l'on améliorera la santé des femmes.

À mon sens, il manque à ce rapport un volet relatif à la prévention des situations à risque : il faut avant tout combattre les principaux facteurs de surmortalité que sont le diabète, l'obésité, l'alcool, le tabac, ou encore l'absence de pratique sportive.

M. Laurent Somon. - Tout comme mes collègues, je remercie la présidente et la rapporteure pour ce travail remarquable.

En tant qu'ancien président de département, le sujet de la périnatalité me tient très à coeur. J'émettrai donc quelques remarques.

La première tient à l'importance que revêtent les transports pour pallier le manque de proximité des services de santé. Autrement dit, les difficultés ne résultent pas uniquement de la cartographie des maternités.

La deuxième a trait à l'exercice des professionnels de santé : l'enjeu ne réside pas seulement dans le renforcement de la densité des praticiens, mais aussi dans leur expérience. Plus on pratique, plus on est performant. Par ailleurs, comme l'indiquait Florence Lassarade, la pédiatrie est une spécialité à proprement parler qu'il importe de remettre au premier plan.

Troisième remarque, j'en appelle à une indispensable clarification des responsabilités face à la situation actuelle. Les PMI doivent y prendre toute leur part, mais il faut également souligner la responsabilité de la solidarité sociale : la dégradation des facteurs sociaux et environnementaux est évidemment à l'origine des nombreuses difficultés que l'on relève dans le champ de la périnatalité.

Il faut souligner ce qui est négatif mais aussi ce qui est positif et donne des résultats. Ainsi, dans le département de la Somme, nous organisons chaque année des journées de promotion de l'allaitement maternel.

Dernière remarque, les services de PMI sont primordiaux. Pour autant, ils se doivent d'être proactifs et de nouer des liens étroits avec les maternités, les centres médico-sociaux (CMS) et les maisons médicales. Le continuum sanitaire est essentiel si l'on veut parvenir à la fois à identifier et résoudre les problèmes sociaux et à favoriser un accompagnement médical de proximité. À titre d'illustration, je citerai l'initiative du conseil départemental de la Somme, mon département, qui a fait en sorte qu'un bus PMI puisse se déplacer dans l'ensemble du territoire, afin d'assurer une permanence à l'intention de toutes les familles.

Je terminerai en soulignant l'importance de disposer d'une cartographie des résultats du système de santé périnatale, qui permette d'identifier, territoire par territoire, les principales causes - sociales, environnementales ou, tout simplement, médicales - de la dégradation des indicateurs.

Mme Véronique Guillotin, rapporteure. - Je vous remercie toutes et tous pour la qualité de nos travaux.

Madame Le Houerou, notre volonté et la finalité de ce rapport ne sont pas de fermer les plateaux techniques. Alors que certaines maternités ne sont pas sécures, nous préconisons qu'un diagnostic territorial soit effectué et que l'on se penche sur les causes de certaines situations - plateaux non sécures, équipes instables - qui peuvent relever de l'organisation territoriale, mais pas seulement. Dans certains cas, il faudra, au regard de ces constats, renforcer des petites maternités.

Il convient de ne pas mettre sur le même plan les fermetures subies et les fermetures organisées. Fermer subitement une maternité ne revient pas à restructurer l'offre de soins.

Lorsqu'on ferme une maternité, on ferme souvent également les services d'IVG, on déstabilise la situation ou on la laisse pourrir, et on se retrouve avec un territoire vide. Aujourd'hui, les suspensions qui interviennent coup sur coup déstabilisent le suivi des parturientes et peuvent entraîner des fermetures, qui ne renforcent pas forcément le bon plateau technique. Cela envoie des signaux négatifs et les femmes partent.

Mieux vaut anticiper en tenant compte des fragilités qui existent sur un territoire, par exemple en regroupant des plateaux techniques, et, en parallèle, renforcer les soins de proximité pour le prénatal et le postnatal. Il ne doit pas s'agir d'une fermeture sèche de la maternité.

Un pilotage est nécessaire, avec un rôle de l'État et des ARS. Lorsque nous nous sommes rendus à Vannes, nous avons constaté un travail remarquable au sein de la communauté du GHT pour maintenir une maternité à Ploërmel. L'ARS Bretagne nous a néanmoins dit que cela n'aurait pas été possible partout et que des fermetures de plateaux techniques étaient nécessaires.

Il faut effectivement former davantage de pédiatres et permettre aux infirmières puéricultrices, qui ne sont pas suffisamment reconnues, d'exercer en libéral dans les territoires.

Il convient d'encourager les expérimentations qui visent à regrouper les services de santé de la femme et de l'enfant, en vue d'assurer un meilleur suivi et d'éviter les ruptures de parcours.

Mme Annick Jacquemet, présidente. - Ce rapport chiffré, très complet, aborde d'autres sujets qui n'ont pas été évoqués au cours de cette réunion. J'indique à Anne-Sophie Romagny que nous y avons intégré la question du diagnostic des maladies néonatales.

Nous devons désormais nous prononcer sur le rapport qui vient de vous être présenté afin de l'adopter, ainsi que les recommandations qu'il porte, et d'en autoriser la publication.

Mme Annie Le Houerou. - Mon groupe s'abstiendra au vu de la recommandation n° 14 relative à la concentration des plateaux techniques. Nous souhaitons déposer une contribution annexée au rapport pour expliquer notre position.

Mme Anne Souyris. - Mon groupe s'abstiendra également, les sujets de la santé environnementale et de la prévention n'étant pas suffisamment abordés dans le rapport, dont nous considérons néanmoins qu'il contient des points positifs. Nous souhaitons déposer, à cet égard, une contribution annexée au rapport.

Mme Annick Jacquemet, présidente. - Je rappelle que les groupes politiques ont la possibilité de déposer une contribution annexée au rapport. Celles-ci seront acceptées jusqu'à jeudi midi dernier délai.

Je vous informe que le titre « grand public » devrait être le suivant : « Transformation de l'offre de soins périnatals dans les territoires : le travail doit commencer ».

Les recommandations sont adoptées.

L'annexion des contributions au rapport d'information est acceptée.

Le titre du rapport d'information est adopté.

La mission d'information adopte le rapport d'information et en autorise la publication.

Mme Annick Jacquemet, présidente. - Le rapport fera l'objet d'une présentation à la presse demain, mercredi 11 septembre, à 14 heures 30. Il est jusqu'à demain après-midi sous embargo et ne doit faire l'objet d'aucune diffusion ou communication par les membres de la mission.

Je tiens à vous remercier une dernière fois pour votre engagement dans les travaux de cette mission qui, je l'espère, sera suivie d'une politique ambitieuse dans nos territoires.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
PAR LA MISSION D'INFORMATION

(par ordre chronologique)

Haute Autorité de santé

Dr Pierre GABACH, adjoint à la direction de l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et chef du service Bonnes pratiques de la Haute Autorité de santé.

Santé publique France

- Dr Michel VERNAY, directeur de la direction des maladies non transmissibles et traumatismes de Santé publique France ;

- Dr Arielle LE MASNE, chargée d'expertise scientifique interactions précoces - 1 000 premiers jours, au sein de la direction de la prévention et de la promotion de la santé de Santé publique France.

Sociétés savantes de professionnels de la périnatalité

- Pr Jean-Christophe ROZÉ, Pr Elsa KERMORVANT, Pr Alain BEUCHÉE et Pr Pascal BOILEAU de la société française de néonatalogie ;

- Pr Delphine MITANCHEZ, présidente, et Pr Damien SUBTIL, de la société française de médecine périnatale ;

- Pr Alexandra BENACHI, vice-présidente du collège national des gynécologues et obstétriciens français ;

- Mme Eléonore BLEUZEN-HER, Présidente, Mme Camille DUMORTIER et Pr Anne CHANTRY du collège national des sages-femmes de France.

Académie de médecine

- Pr Catherine BARTHÉLÉMY, présidente ;

- Pr Yves VILLE, auteur du rapport Planification d'une politique en matière de périnatalité en France : organiser la continuité des soins est une nécessité et une urgence (2023).

Comité d'orientation des Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant.

- Pr Christèle GRAS-LE GUEN, co-présidente du comité d'orientation ;

- M. Adrien TAQUET, co-président du comité d'orientation.

Membres de l'équipe EPOPé (équipe de recherche en épidémiologie obstétricale, périnatale et pédiatrique) de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et de l'université Paris Cité 

- M. Pierre-Yves ANCEL, épidémiologiste, PU-PH à l'Université Paris Cité ;

- Dr Martin CHALUMEAU, pédiatre, PU-PH à l'université Paris Cité ;

- Mme Catherine DENEUX, épidémiologiste, directrice de recherche à l'Inserm ;

- Dr Camille LE RAY, gynécologue-obstétricienne, épidémiologiste, PU-PH à l'Université Paris Cité ;

- Dr François GOFFINET, gynécologue-obstétricien, épidémiologiste ;

- Mme Jennifer ZEITLIN, épidémiologiste, directrice de recherche à l'Inserm ;

- Mme Anne-Sophie ETZOL, responsable des relations institutionnelles de l'Inserm.

Fédérations hospitalières

· Fédération hospitalière de France (FHF)

- Dr Margaux CREUTZ LEROY, médecin de santé publique, médecin coordinateur du Réseau Périnatal Lorrain, présidente de la Fédération Française des Réseaux de Santé en Périnatalité ;

- Mme Marilyn THEUWS, sage-femme, vice-présidente de CME, vice-cheffe de pôle et responsable managérial du pôle Femme-Mère-Enfant, responsable managérial du pôle santé publique et prévention, Centre Hospitalier Moulins Yzeure ;

- Mme Kathia BARRO, responsable adjoint du pôle Offres (Offre de soins, Finances, FHF Data, Recherche, E-Santé).

· Fédération de l'hospitalisation privée (FHP)

- Mme Frédérique GAMA, présidente de la FHP-MCO ;

- M. Thierry BÉCHU, délégué général de la FHP-MCO ;

- Mme Béatrice NOËLLEC, directrice des relations institutionnelles et de la veille sociétale de FHP.

· Fédération des Établissements Hospitaliers et d'Aide à la Personne privés solidaires (Fehap)

- M. Arnaud JOAN-GRANGE, directeur de l'offre de soins et des parcours de vie ;

- M. Régis MOREAU, directeur général du groupe hospitalier Paris Saint-Joseph et président de la commission Fehap des DG de MCO (Médecine, Chirurgie et Obstétrique).

Collège des infirmièr(e)s puéricultrices (teurs)

- Mme Anne MÉTIVET, trésorière de l'Association Nationale des Puéricultrices(teurs) Diplômé(e)s et des Étudiant(e)s (ANPDE) et déléguée régionale Ile de France du Collectif d'entente des écoles préparant aux métiers de l'enfance (CEEPAME) ;

- Mme Katia SABY, présidente du CJSIP (Collectif je suis infirmière puéricultrice) ;

- Mme Élisa GUISES, présidente de la SoRIP (Société de recherche des infirmières puéricultrices) ;

- Mme Véronique GARLIS BOULAIRE, présidente du Syndicat national des puéricultrices diplômées d'État (SNPDE).

Associations de patients et de parents

- Mme Charlotte BOUVARD, directrice fondatrice de SOS préma et M. Vincent DESDOIT, responsable de la formation et des relations avec les soignants à SOS préma ;

- Mme Anne EVRARD, co-présidente du Collectif interassociatif autour de la naissance (CIANE) ;

- Mme Marie-Pierre GARIEL, trésorière de France assos santé, administratrice de l'Unaf.

Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam)

- Mme Marguerite CAZENEUVE, directrice déléguée à la gestion et à l'organisation des soins ;

- Mme Catherine GRENIER, directrice des assurés.

Table ronde sur la santé mentale périnatale

- Dr Romain DUGRAVIER, pédopsychiatre, chef du Centre de Psychopathologie Périnatale (CPPB) du GHU Paris ;

- Dr Lucie JOLY, psychiatre à l'Hôpital Saint-Antoine - AP-HP, responsable de l'unité de psychiatrie périnatale commune aux hôpitaux Pitié-Salpêtrière, Tenon et Armand-Trousseau AP-HP ;

- Mme Élise MARCENDE, présidente de l'association Maman Blues ;

- Dr Marie CHIVÉ, psychiatre, et Marie MOÏA-TISON, sage-femme coordinatrice, de l'Équipe MObile de PSYchiatrie Périnatale (EMOPPSY) du Centre Hospitalier de la Côte Basque.

Table ronde sur l'information des femmes et du grand public sur la grossesse, l'accouchement et la maternité

- Mme Katrin ACOU-BOUAZIZ, cheffe de service société/grossesse au magazine PARENTS ;

- Mme Renée GREUSARD, journaliste et essayiste ;

- Mme Anna ROY, sage-femme, chroniqueuse de La Maison des Maternelles (France 2) ;

- Mme Zoé VARIER, journaliste et productrice des podcasts scientifiques In Utero et Naître (France Inter).

Agences régionales de santé (ARS)

- Mme Sophie MARTINON, directrice générale adjointe de l'ARS d'Île-de-France ;

- M. Mohammed SI ABDALLAH, directeur général adjoint de l'ARS de Bourgogne Franche-Comté ;

- Mme Caroline SUBERBIELLE, conseillère médicale auprès du Directeur Général de l'ARS Occitanie.

Cour des comptes

Mme Véronique HAMAYON, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, sur le rapport de la Cour des comptes sur la politique de périnatalité ;

- M. Romain GONALONS, conseiller référendaire en service extraordinaire ;

- M. François de la GUERONIERE, conseiller maître.

Dispositifs spécifiques régionaux de périnatalité (DSRP)

- Dr Jean-Louis SIMENEL, gynécologue-obstétricien, vice-président de la Fédération Française des Réseaux de Santé en Périnatalité (FFRSP), coordinateur du réseau de périnatalité de Normandie ;

- Dr Bernard BAILLEUX, gynécologue-obstétricien, président du réseau Oréhane - Organisation RÉgionale Hauts de France autour de la périNatalité ;

- Dr Isabelle JORDAN, pédiatre, coordinatrice du réseau AURORE - Association des Utilisateurs du Réseau Obstétrico-pédiatrique REgional d'Auvergne-Rhône-Alpes ;

- Pr Fabrice PIERRE, gynécologue-obstétricien, président du RPNA - Réseau Périnat Nouvelle-Aquitaine.

Institut CSA

- M. Quentin LLEWELLYN, directeur conseil, Institut CSA ;

- Mme Lola LOYATÉ, data analyst, Institut CSA.

Départements de France (ADF)

- Mme Marie-Paule CHESNEAU, vice-présidente du conseil départemental de Maine-et-Loire en charge de la prévention, co-présidente de la commission Santé, Enfance, Famille, représentante de l'Assemblée des départements de France.

Association des maires ruraux de France (AMRF)

- M. Gilles NOËL, maire de Varzy, vice-président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF).

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
PAR LA RAPPORTEURE

Personnalités qualifiées

Dr François BRAUN, ancien ministre de la santé et de la prévention ;

M. Dominique PELJAK, directeur général du centre hospitalier régional (CHR) Metz-Thionville ;

- Dr Marie-France OLIERIC, gynécologue-obstétricienne, cheffe de pôle et présidente de la commission médicale d'établissement (CME) du centre hospitalier régional (CHR) Metz-Thionville ;

- M. Emmanuel VIGNERON, géographe de la santé ;

- Dr Amina YAMGNANE, gynécologue obstétricienne, auteure de Prendre soin des femmes - pour en finir avec les violences gynécologiques (Flammarion, 2024).

Organisations syndicales de médecins

- Drs Pascale LE PORS et Olivier THIEBAUGEORGES, du Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France ;

- Drs Éric SELLAM et Dominique JAYET, du Syndicat national des pédiatres français ;

- Drs Anne GEFFROY-WERNET et Mathieu BRIÈRE, du Syndicat national des Praticiens Hospitaliers Anesthésistes Réanimateurs ;

- Dr Jean-Louis CHABERNAUD, du Syndicat national des pédiatres en établissement hospitalier.

Syndicats de sages-femmes

- Drs Caroline COMBOT et Charlotte LETANG, de l'Organisation nationale syndicale des sages-femmes ;

- Drs Prisca WETZEL-DAVID et Henny JONKERS, de l'Union nationale et syndicale des sages-femmes.

Acteurs du transport sanitaire

· Samu-urgences de France

- Dr Anne-Pascale WASIER, Samu-Smur de Marseille ;

- Dr Gilles BAGOU, Samu de Lyon ;

- Dr Marc NOIZET, Président SUdF, Samu de Mulhouse ;

- Mme Charlie TRISSE, délégué générale de SUdF.

· Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France

- Médecin-Colonel Norbert BERGINIAT, vice-président de la FNSPF chargé des secours et soins d'urgence aux personnes et du service de santé et de secours médical.

· Fédération des associations de transport sanitaire urgent de France (FATSUF)

- M. Bruno BASSET, président.

Direction générale de l'offre de soins (DGOS) du ministère de la santé

- Mme Anne HEGOBURU, sous-directrice de la régulation de l'offre de soins ;

- Mme Camille HALLAK ZABROCKI, cheffe du bureau « plateaux techniques et prises en charge hospitalières aigües ».

Table ronde sur la situation à Mayotte

- M. Olivier BRAHIC, directeur général de l'ARS de Mayotte ;

- M. Jean-Mathieu DEFOUR, directeur général du centre hospitalier de Mayotte ;

- Dr Pierre-Alain SAUVES, directeur de la PMI ;

- Dr Jean-Marc ROUSSIN, représentant URPS médecins généralistes.

Table ronde sur la situation en Guadeloupe

- M. Laurent LEGENDART, directeur général de l'ARS de Guadeloupe ;

- M. Éric GUYADER, directeur général du Centre hospitalier Universitaire de Guadeloupe ;

- Dr Didier LEON, chef de service de la périnatalité, Direction de l'enfance, de la famille et de la jeunesse (DEFJ), Conseil Départemental de la Guadeloupe ;

- Dr Florencia RAZAFINDRALISON, médecin départemental de PMI, sous-directeur de la Protection Maternelle et Infantile (PMI), Direction de l'enfance, de la famille et de la jeunesse (DEFJ), Conseil Départemental de la Guadeloupe ;

- Pr Patrick PORTECOP, représentant du SAMU 971 ;

- Mme Kareen LAUZIS COINTRE, représentante URPS sage-femme.

Association professionnelle de l'accouchement accompagné à domicile (APAAD)

- Mme Audrey GOHIER ;

- Mme Floriane STAUFFER.

Collectif de Défense de l'Accouchement à Domicile (CDAAD)

- Mme Lauranne RAYNAUT-FINA, vice-présidente ;

- Mme Laura DEFFONTAINES.

Syndicats de médecins généralistes

- Dr Frédérique DULORME, Confédération des Syndicats Médicaux Français (CSMF) ;

- Dr Yohan SAYNAC, Syndicat des Médecins Généralistes de France (MG France).

Table ronde de syndicats de professionnels de PMI, membres de la plate-forme « Assurer l'avenir de la PMI »

- Dr Ophélie BERGER, Syndicat national des médecins de PMI ;

- Mmes Micheline BOIVINEAU et Chantal DE VITRY, Association Nationale des Sages-femmes territoriales ;

- Mme Lucile GUIBAL, Association Nationale des Psychologues pour la petite enfance.

Conférences des directeurs généraux de CHU et de centres hospitaliers

- Mme Floriane RIVIÈRE, vice-présidente de la commission stratégie de la conférence des directeurs généraux de CHU ;

- Mme Céline WASMER, secrétaire générale de la conférence des directeurs généraux de CHU ;

- M. Fabrice LEBURGUE, membre du bureau de la conférence des directeurs généraux de centres hospitaliers, directeur des centres hospitaliers de Saintonge et de Saint-Jean-d'Angély.

Présidents de commissions médicales d'établissements (CME)

- Pr Rémi SALOMON, président de la CME de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), président de la conférence nationale des présidents de CME de CHU ;

- Drs David PINEY et Pascal BOLOT, vice-présidents de la Conférence nationale des présidents de CME de centres hospitaliers.

Ordre des sages-femmes

- Mme Isabelle DERRENDINGER, présidente de l'Ordre des sages-femmes

Ordre des infirmiers

- Mme Sylvaine MAZIERE-TAURAN, présidente de l'Ordre des infirmiers ;

- Mme Sarah BONENFANT, vice-présidente de l'Ordre des infirmiers.

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

- Association des maires de France (AMF) ;

- Collège des Anesthésistes Réanimateurs en Obstétrique (CARO) ;

- Association nationale des sages-femmes libérales (ANSFL) ;

- Collectif des maisons de naissance françaises ;

- Réseau Sécurité Naissance - Naître Ensemble des Pays de la Loire ;

- France Assos Santé (Union nationale des associations familiales, Planning familial, Association des familles victimes du saturnisme, Familles rurales, AIDES, EFFAPE épilepsie, Ligue contre le cancer, APF France handicap, UFC que choisir) ;

- FNAAFP (Fédération des Associations de l'Aide Familiale Populaire) / CSF (Confédération Syndicale des Familles) - fédération de l'aide à domicile

- Pr Philippe CHARRIER, sociologue, professeur à Nantes Université ;

- Dr Aurélie BOURGAIN, obstétricienne, cheffe de service de la maternité du centre hospitalier de la côte basque ;

- Dr Emmanuel EICHER, ancien chef de clinique de la faculté de médecine de Nancy, ancien président du réseau périnatal lorrain ;

- Ambassade royale du Danemark en France.

LISTE DES DÉPLACEMENTS

Déplacement à Paris, à l'hôpital universitaire Robert Debré (AP-HP)

- Mme Agnès PETIT, directrice ;

- Pr Oliver SIBONY, gynécologue médical et obstétrique ;

- Pr Valérie BIRAN, néonatologue.

Déplacement en Meurthe-et-Moselle

Centre hospitalier régional universitaire de Nancy

- Dr Margaux CREUTZ LEROY, médecin coordinateur du Réseau Périnatal Lorrain, Coordination Périnatale Grand Est ;

- Dr Émilie. GAUCHOTTE, gynéco-obstétricien ;

- Dr Alexis MAATOUK, chef de pôle maternité au centre hospitalier de Toul, président de la commission médicale d'établissement du CH de Toul ;

- M. Arnaud VANNESTE, directeur général du CHRU ;

- Pr Marc DEBOUVERIE, PCME du CHRU ;

- Pr Olivier MOREL, gynéco-obstétricien, chef du pôle Gynécologie Obstétrique du CHRU ;

- Dr Sophie HARTER, gynéco-obstétricien, CHRU ;

- Dr Alexis MAATOUK, gynéco-obstétricien, CH Toul ;

- Dr Apolline WITTWER, pédiatre, CHRU ;

- Dr Mathilde QUEUDET, pédiatre, CHRU ;

- Dr Florence VIAL, médecin anesthésiste réanimateur, CHRU ;

- Dr Christine MACQUET, sage-femme, cadre supérieur du pôle Gynécologie Obstétrique du CHRU ;

- M. Francis BRUNEAU, DGA CHRU ;

- Mme Sylvie GAMEL, cheffe du département Stratégie du CHRU ;

- Mme Barbara FLIELLER, cheffe du département Finances du CHRU ;

- M. Julien BARTHE, directeur de cabinet CHRU.

Maison de naissance « Un nid pour naître »

- Mme Charlotte JACQUOT, présidente de l'association.

Représentants du conseil départemental et des communes ayant une maternité sur leur territoire

- M. Jacques LAMBLIN, président du conseil de surveillance du centre hospitalier de Lunéville, adjoint au maire de Lunéville ;

- Mme Évelyne MATHIS, maire de Velle-sur-Moselle, membre du bureau de l'association des maires 54 ;

- M. Alain FORTIER, maire de Pettonville, vice-président de l'association des maires ruraux 54 ;

- Dr Marc TENENBAUM, adjoint au maire de Nancy ;

- M. Joan ORCIER, délégué territorial 54 de l'ARS.

Agence régionale de santé (ARS)

- M. Frédéric REMAY, directeur général adjoint de l'ARS ;

- M. Romain HELLMANN, conseiller médical de la directrice générale de l'ARS.

Protection maternelle et infantile de Lunéville

- Mme Séverine DEHE, cadre de santé.

Centre hospitalier de Lunéville

- M. Jérôme MALFROY, directeur du centre hospitalier, vice-président de la commission médicale d'établissement.

Maisons de santé pluridisciplinaires

- Dr BRUNELLI (MSP Tomblaine) ;

- Dr BERNARD (MSP Chemin de briques) ;

- MSP Gerbéviller.

Déplacement en Bretagne

Maternité du Centre Hospitalier Bretagne Atlantique (CHBA) de Vannes

- M. Philippe COUTURIER, directeur général ;

- Dr Cédric PÉPION, président de la commission médicale d'établissement (CME) du CHBA et de la commission médicale de groupement (CMG) du GHBA ;

- Mme Valérie JEANNE, directrice déléguée de la maternité de Ploërmel ;

- Dr Philippe LE MEVEL, président de la CME de Ploërmel ;

- Mme Guilaine PASCOËT, directrice des affaires médicales ;

- Mme Marie POUSSIN, secrétaire générale du GHBA ;

- Dr Marc LEBLANC, chef du pôle FME ;

- Mme Agnès BRIARD, cadre du pôle FME ;

- Mme Mélisande URCUN, directrice référente du pôle FME ;

- Mme Dominique ASSIER et Mme Joannique VANHOVE, cadres de la maternité ;

- Mme Anne-Laure PERRIGAUD, cadre de la néonatologie.

Maternité de Ploërmel (groupement hospitalier Brocéliande Atlantique)

- Dr Marc LEBLANC, Mme Agnès BRIARD et Mme Mélisande URCUN (pôle FME) ;

- Mme MAILLARD FLEURY, sage-femme coordinatrice.

Centre hospitalier universitaire de Rennes

- M. Gildas LE BORGNE, directeur de cabinet ;

- Mme Floriane BOUGEARD, directrice déléguée du pôle femme-enfant ;

- Pr Olivier DECAUX, représentant du Pr Jean-Yves GAUVRIT, président de la CME ;

- Pr Patrick PLADYS, chef du pôle femme-enfant ;

- Mme Laetitia TIZON, cadre supérieure de santé du pôle femme-enfant ;

- Pr Alain BEUCHÉ, chef du service de néonatologie ;

- Pr Vincent LAVOUÉ, chef du département de gynécologie-obstétrique-reproduction humaine ;

- Dr Linda LASSEL, cheffe du service d'obstétrique et présidente du réseau régional de périnatalité ;

- Mme Marie GOURDEL, coordonnatrice en maïeutique ;

- Dr Anne-Laure LE LAN-SCHNELL, pour le SAMU-SMUR.

Agence régionale de santé (ARS)

- Mme Elise NOGUERRA, directrice générale ;

- M. Malik LAHOUCINE, directeur adjoint de l'hospitalisation, de l'autonomie et de la performance ;

- Dr Philippe CONDOMINAS, médecin-conseil, gynécologue-obstétricien

- M. Olivier COUTIN, directeur départemental du Morbihan ;

- M. Pierre AVRIL, responsable du département Animation territoriale ;

- M. Loïc ADAM, directeur adjoint, délégué départemental d'Ille-et-Vilaine.

LISTE DES SIGLES

A

 

ADF

Assemblée des Départements de France

AMRF

Association des maires ruraux de France

APAAD

Association professionnelle de l'accouchement accompagné à domicile

AP-HP

Assistance publique-hôpitaux de Paris

ARS

Agence régionale de Santé

AURORE

Association des utilisateurs du réseau obstétrico-pédiatrique Régional d'Auvergne-Rhône-Alpes

B

 
   

C

 

CDAAD

Collectif de défense de l'accouchement à domicile

CHR

Centre hospitalier régional

CHU

Centre hospitalier universaitaire

CIANE

Collectif interassociatif autour de la naissance

CME

Commission médicale d'établissement

CNAM

Caisse nationale de l'assurance maladie

CNGOF

Collège national des gynécologues et obstétriciens français

CNSF

Collège national des sages-femmes de France

CPPB

Centre de psychopathologie périnatale du groupe hospitalier universitaire (GHU) Paris

CSMF

Confédération des syndicats médicaux français

D

 

DGOS

Direction générale de l'offre de soins du ministère de la santé

E

 

EMOPPSY

Équipe mobile de psychiatrie périnatale du centre hospitalier de la Côte Basque

EPOPé

Équipe de recherche en épidémiologie obstétricale, périnatale et pédiatrique de l'Inserm

F

 

FATSUF

Fédération des associations de transport sanitaire urgent de France

FEHAP

Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés et solidaires

FFRSP

Fédération française des réseaux de santé en périnatalité

FHF

Fédération hospitalière de France

FHP

Fédération de l'hospitalisation privée

FNSPF

Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France

G

 
   

H

 

HAS

Haute autorité de santé

I

 

Inserm

Institut national de la santé et de la recherche médicale

J

 
   

K

 
   

L

 
   

M

 

MG France

Syndicat des médecins généralistes de France

N

 
   

O

 

ONSSF

Organisation nationale syndicale des sages-femmes

Oréhane

Organisation Régionale Hauts de France autour de la périNatalité

P

 

PMI

Protection maternelle et infantile

Q

 
   

R

 

RPNA

Réseau Périnat Nouvelle-Aquitaine

S

 

SAMU

Service d'aide médicale urgente

SFMP

Société française de médecine périnatale

SFN

Société française de néonatalogie

SMUR

Structure mobile d'urgence et de réanimation

SNGOF

Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France

SNPF

Syndicat national des pédiatres français

SNPHARE

Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs

SUdf

Samu Urgences de France

T

 
   

U

 

UNSSF

Union nationale et syndicale des sages-femmes

URPS

Union régionale des professionnels de santé

V

 
   

W

 
   

X

 
   

Y

 
   

Z

 
   

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI
DES RECOMMANDATIONS (TEMIS)

N° de la proposition

Proposition

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support

1

Assurer un véritable pilotage de la politique de périnatalité, en adoptant une stratégie nationale de santé périnatale et en rétablissant les commissions nationale et régionales des naissances

Gouvernement (ministres chargés de la santé et des solidarités) et agences régionales de santé

Automne 2025

Textes réglementaires

2

Créer un registre national des naissances et de la mortalité néonatale et soutenir l'appariement de l'ensemble des bases de données donnant accès à des informations détaillées sur la mère et sur l'enfant pendant la grossesse, l'accouchement et la période néonatale

Gouvernement et opérateurs

Printemps 2025

Textes réglementaires

3

Développer de nouveaux critères de certification spécifiques aux activités de maternité

Haute Autorité de Santé (HAS)

Automne 2025

Référentiels HAS

4

Renforcer la communication grand public autour de la santé périnatale et développer des partenariats entre les pouvoirs publics et les médias et réseaux sociaux pour diffuser des informations de qualité sur la grossesse et les soins du nouveau-né

Gouvernement et agences régionales de santé

Printemps 2025

Communication - instructions ministérielles

5

Assurer un modèle viable de financement des services de protection maternelle et infantile (PMI) et clarifier la prise en charge de certains actes entre les départements et l'Assurance maladie

Assurance Maladie

Départements

Automne 2025

Négociations conventionnelles

6

Renforcer le repérage des vulnérabilités psychosociales et généraliser un questionnement systématique des professionnels de santé autour de l'état de santé mentale des futurs et jeunes parents, pendant la grossesse et l'année qui suit l'accouchement

Gouvernement, autorités sanitaires, sociétés savantes

Printemps 2025

Protocoles et recommandations de bonnes pratiques

7

Améliorer la prise en charge de la santé mentale des jeunes parents, en développant une offre de soins graduée et de proximité et en proposant un suivi dès lors que des facteurs de risque sont identifiés

Gouvernement (ministères chargés de la santé et de la sécurité sociale)

Agences régionales de santé

Assurance Maladie

Automne 2025

Protocoles et organisation des soins

8

Relancer et renforcer le Prado maternité pour faciliter un recours sécurisé à domicile post-accouchement.

Assurance Maladie

Printemps 2025

Textes réglementaires

9

Labelliser les offres d'accompagnement autour des 1 000 premiers jours, en encourageant les initiatives de proximité et d'« aller vers »

Gouvernement (ministères chargés de la santé et de l'enfance)

Printemps 2025

Textes réglementaires

10

Garantir des effectifs de professionnels médicaux (gynécologues-obstétriciens, pédiatres, anesthésistes-réanimateurs et sages-femmes) répondant aux besoins de santé en formant davantage de praticiens et améliorant l'attractivité de ces professions et de leur exercice hospitalier, et renforcer la formation initiale des infirmiers dans les activités de santé périnatale

Gouvernement (ministères chargés de la santé et de l'enseignement supérieur

2030

Textes réglementaires et financements

11

Renforcer la transparence sur la situation et les pratiques des maternités à destination des parents sur la base de la publication régulière d'une série d'indicateurs de qualité et de conditions d'activité

Gouvernement (ministère chargé de la santé), agences régionales de santé et établissements de santé

Fin 2025

Textes réglementaires

12

Publier d'ici à 2025 une révision des décrets de 1998 renforçant les ratios d'encadrement pour prendre en compte l'évolution des profils des parturientes et des nourrissons et permettre une modulation selon la charge en soins, tout en prévoyant une entrée en vigueur progressive

Gouvernement (ministère chargé de la santé)

Automne 2025

Décret

13

Réaliser un audit de l'offre de soins périnatals comprenant une cartographie des plateaux techniques et une évaluation de chaque structure sur la base d'indicateurs définis au niveau national et établissant, par territoire et bassin de naissance, un diagnostic des besoins et des risques pesant sur l'offre de soins

Gouvernement (ministère chargé de la santé) et agences régionales de santé

2025-2026

Audit

14

Engager, à l'appui de diagnostics territoriaux et d'une évaluation de l'impact d'une réorganisation, une transformation globale de l'offre de maternités assurant :

- un haut niveau de sécurité sur des plateaux techniques moins nombreux mais permettant une pluralité de projets de naissances ;

- une accessibilité des structures au regard des contraintes territoriales ;

- une offre de proximité garantissant un suivi pré natal et post-natal immédiat sur le territoire

Gouvernement (ministère chargé de la santé), agences régionales de santé

2026-2027

Organisation des soins

15

Assurer sur tout le territoire un ratio minimal d'un lit de réanimation néonatale pour 1 000 naissances

Gouvernement (ministère chargé de la santé), agences régionales de santé

Fin 2025

Textes réglementaires et organisation des soins

16

Mettre en place des cellules de régulation et transfert périnatals à l'échelle de chaque région et renforcer la présence de professionnels de la santé périnatale, notamment obstétriciens et sages-femmes, dans les plateformes de régulation des urgences ainsi qu'au sein des équipes de transports médicaux d'urgence.

Gouvernement (ministère chargé de la santé), agences régionales de santé

Fin 2025

Organisation des soins

ANNEXES

CONTRIBUTION DU GROUPE SOCIALISTE, ÉCOLOGISTE ET RÉPUBLICAIN

Le sujet proposé par la rapporteure Véronique Guillotin, avec le groupe RDSE, est essentiel et répond à une préoccupation majeure des citoyens et citoyennes de nos départements.

Nous tenions à la remercier pour cette heureuse initiative.

Nous remercions également la Présidente pour la qualité des échanges, ainsi que l'équipe administrative qui nous a accompagnés tout au long de ces nombreuses auditions. Ces auditions, riches et variées, ont permis daborder lensemble des enjeux et des points de vue afin de formuler des recommandations pertinentes.

Ce rapport aborde deux aspects clés : dune part, l'état de loffre de soins en santé périnatale et laccès aux centres daccouchement, et dautre part, lorganisation territoriale. Il est à noter que la proximité des soins constitue un impératif majeur exprimé par les populations, notamment par les femmes, qui citent ce critère comme prioritaire. En effet, selon l'étude dopinion réalisée par linstitut CSA à la demande de la mission dinformation, la proximité arrive en tête des critères déterminants dans le choix du lieu daccouchement, à hauteur de 54 %.

Cependant, ce critère passe au second plan lorsquon explique les risques associés à laccouchement dans des maternités de type 1, cest-à-dire des établissements de premier niveau qui accueillent des femmes dont la grossesse et l'accouchement ne présentent, a priori, aucun risque.

La rapporteure la clairement souligné et documenté : les indicateurs de santé publique sont préoccupants, tant en ce qui concerne les décès de nouveau-nés (la France se classe 21e pour la mortinatalité spontanée et 22e pour la mortalité infantile en Europe) que les décès maternels. Ces résultats nous placent en bas du classement européen, loin derrière les pays nordiques et désormais aussi derrière lItalie et lEspagne. Cette situation est inadmissible et révèle une véritable défaillance de nos politiques publiques.

Les propositions de la rapporteure visant à mieux comprendre la réalité de ces faits sont donc cruciales. Lanalyse approfondie de ces chiffres est indispensable pour dépasser le simple constat et trouver des solutions qui permettront à la France de retrouver une position honorable, tout en assurant aux femmes et aux enfants des conditions de prise en charge optimales.

Nous soutenons pleinement la proposition de création d'un registre national des naissances et de la mortalité néonatale.

Il est essentiel de mieux identifier les services publics chargés de l'accompagnement et du suivi de la santé des femmes et des enfants. Dans ce cadre, la relance et le renforcement du dispositif Prado maternité, qui vise à faciliter un retour sécurisé à domicile après laccouchement, est une proposition pertinente. Lapproche proactive de « laller vers » est indispensable.

Il est également crucial de mieux repérer les vulnérabilités et de redéfinir le rôle des Protections maternelles et infantiles (PMI). En dix ans, le nombre de points d'accueil des PMI est passé de 5 200 en 2012 à 4 360 en 2022, soit une suppression de 840 points d'accueil. Les difficultés auxquelles font face les PMI, dues aux contraintes financières des départements, sont bien connues. En l'absence de financements nationaux dédiés, ces services ne peuvent plus pleinement assurer leur mission initiale de prévention et daccompagnement pour toutes les familles. Ils sont souvent contraints de concentrer leurs efforts sur les cas les plus urgents liés à la protection de lenfance.

La rapporteure met également en lumière le rôle central que pourraient jouer les sages-femmes, un rôle qui n'est pas encore pleinement reconnu dans le parcours de soins. Nous partageons cette exigence.

Il est essentiel de mieux connaître la situation pour mieux lanalyser et apporter des réponses adaptées. La création d'un registre national et la clarification des rôles de chaque acteur permettront un pilotage plus efficace des politiques de périnatalité, que ce soit au niveau national, régional ou local.

Lors des auditions, un constat partagé par la quasi-totalité des intervenants a émergé : la dégradation observée, qui se reflète dans notre classement européen, est directement liée à la détérioration de l'offre de soins et à la pénurie de professionnels de santé, toutes spécialités confondues. On constate une diminution du nombre de gynécologues-obstétriciens, d'anesthésistes, de médecins généralistes, de sages-femmes, d'infirmières, d'infirmières puéricultrices, ainsi que des professionnels de la PMI. Toutes les spécialités et tous les niveaux d'intervention sont concernés.

Dans ces conditions, comment s'étonner de cette dégradation alors même que les professionnels en poste font tout leur possible pour répondre aux besoins, souvent au prix d'une fatigue extrême, voire d'un épuisement ?

Face à ce constat partagé, notre groupe considère cette recommandation n°10 comme une priorité absolue à mettre en oeuvre de toute urgence, afin d'éviter la disparition des maternités de niveau 1. Il est impératif de garantir des effectifs suffisants de professionnels médicaux en formant davantage de praticiens, en rendant ces métiers plus attractifs, notamment dans le milieu hospitalier, et en renforçant la formation initiale des infirmiers dans le domaine de la santé périnatale.

Cependant, bien que laugmentation du nombre de professionnels de santé soit nécessaire, elle ne sera pas suffisante si ces professionnels ne sont pas répartis de manière équitable sur lensemble du territoire. Il est crucial d'assurer un maillage territorial adapté aux besoins des populations. À titre d'exemple, à Paris, on compte 45,8 pédiatres pour 100 000 habitants, tandis que dans lIndre, seulement 1,85 pédiatres assurent le suivi de 100 000 habitants.

Une meilleure répartition territoriale est indispensable, en s'appuyant notamment sur les GHT. Des démarches proactives, à limage de ce que font les autorités canadiennes pour attirer nos professionnels formés, devraient être mises en place par nos autorités sanitaires. Par ailleurs, les nombreux étudiants partis étudier à l'étranger pourraient être incités à revenir grâce à une véritable politique dattractivité, notamment en sixième année lors de laccès à linternat.

Un rééquilibrage des ressources entre le secteur libéral et l'hôpital est nécessaire, la permanence des soins doit être garantie, et le plus grand nombre de professionnels doit y participer, car cela fait partie des exigences de santé publique auxquelles tous les soignants doivent contribuer. Le besoin en médecins doit être réévalué et davantage de professionnels formés.

Cette situation nous conduit à exprimer un désaccord sur votre proposition 14, qui vise à réduire le nombre de plateaux techniques dédiés aux accouchements. La rapporteure justifie cette mesure par la nécessité de répondre « au principe de réalité » tout en assurant un haut niveau de sécurité. Pour elle, une reconfiguration est indispensable, et la concentration des plateaux techniques serait la clé pour garantir la sécurité des accouchements.

Notre groupe diverge fondamentalement sur ce point. Faire de la politique ne consiste pas à se soumettre au principe de réalité, mais au contraire à le transformer pour répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens. Dans ce cas, il s'agit d'assurer un haut niveau de sécurité tout en garantissant des délais d'accès raisonnables aux maternités.

En 2000, la France comptait 450 maternités de type 1 ; en 2022, ce nombre est tombé à 157, sans compter la cinquantaine de maternités en suspension. Cela représente une réduction de loffre de plus de quatre fois. Réduire encore davantage ce maillage territorial serait une grave erreur. Cela reviendrait à priver certains territoires de maternités, et à offrir aux femmes un accès dégradé à ce service essentiel. Un tel choix compromettrait notre ambition de regagner une place honorable au sein de lEurope et de réduire significativement la mortinatalité et la mortalité infantile.

Le Président de la République souhaite un "réarmement démographique". Cela passe également par un renforcement de nos maternités, que ce soit en termes d'équipements de qualité ou de ressources humaines spécialisées. Le rapport indique que le seuil de rentabilité des maternités est fixé à 1 200 naissances par an. Cependant, il est de notre responsabilité de fournir des services publics adaptés aux besoins de la population, sans les soumettre aux seules exigences de rentabilité financière.

Les services daccompagnement de la maternité se sont considérablement dégradés ces dernières années, ce qui pourrait expliquer notre recul en matière de mortinatalité. Il est donc urgent de redresser la situation.

Comme le dit l'adage : « Seul le poisson mort va dans le sens du courant, la vitalité consiste à aller à contre-courant. » De même, ce nest ni de lincompréhension de la situation, ni de linconscience, ni de lirresponsabilité que de demander un plan durgence pour la Santé et en particulier pour la santé des femmes et des enfants. Notre point de vue tient bien compte de l'ensemble des données présentées et des auditions menées dans le cadre de ce rapport.

Pour illustrer la nécessité de combiner un accompagnement de haut niveau avec un maillage territorial adéquat, il convient de rappeler que la première cause de mortalité des mères, mise en évidence dans ce rapport, est le suicide. Entre 60 % et 80 % des femmes qui accouchent traversent une période de baby blues. Selon le rapport, ces symptômes transitoires disparaissent grâce au soutien de l'entourage et des soignants. Encore faut-il que les équipes médicales disposent du temps nécessaire à l'écoute et que les conditions d'accompagnement soient optimales. L'éloignement des mères de leur environnement familial pourrait aggraver ce phénomène, qui n'est pas à prendre à la légère. Pour 20 % des femmes souffrant de baby blues, ces symptômes évoluent vers une dépression, augmentant ainsi le risque de suicide : 79% des suicides sont jugés évitables. Les hôtels de maternité ne sont pas non plus une solution adaptée pour rassurer les parturientes et garantir des conditions de sécurité optimales, ainsi qu'un accueil bienveillant lors de la naissance.

Concernant la santé mentale des femmes pendant et après la grossesse, le groupe socialiste, écologiste et républicain soutient la prise en charge à 100 % de la consultation post-natale, actuellement remboursée à 70 %, ainsi que la lutte contre la discontinuité dans le parcours de soins psychiatriques. Il est crucial que les professionnels de la santé mentale soient mieux formés aux spécificités de la grossesse.

Le rapport rappelle également que l'éloignement des maternités conduit à l'augmentation des accouchements à domicile et le développement de pratiques et d'accompagnements incertains, qui présentent des risques pour la mère et le bébé.

La présence de maternités sécurisées, avec un personnel en nombre suffisant et qualifié, permettra de répondre à la demande croissante de PMA, tout en facilitant l'accès aux IVG.

Un autre aspect qui nous semble insuffisamment abordé pour améliorer notre positionnement en matière de mortalité infantile et maternelle est la prévention. Les accouchements deviennent de plus en plus complexes en raison de facteurs tels que l'obésité, les mauvais états de santé et les pathologies diverses, la précarité, les vulnérabilités sociales, les addictions et les facteurs environnementaux. Il est crucial d'agir sur ces déterminants de la santé en dotant notre système de santé des moyens nécessaires pour prévenir plutôt que de se contenter de guérir.

En ce qui concerne les territoires d'outre-mer, le rapport indique que la situation y est encore plus préoccupante, bien qu'il précise « à lexception de la Réunion, dont le taux de mortinatalité est proche de la moyenne nationale ». En effet, la Réunion est le seul territoire français à disposer d'un Centre Ressources pour les Troubles du Spectre de l'Alcoolisation Foetale (TSAF), créé en 2016 dans le cadre du plan d'action régional pour la prévention et la prise en charge des Troubles Causés par lAlcoolisation Foetale.

La consommation d'alcool pendant la grossesse est la première cause de handicap mental non génétique chez lenfant en France. La méconnaissance des effets de l'alcool sur le foetus - et donc des risques liés à lalcoolisation durant la grossesse, indépendamment de la quantité consommée et du moment de la consommation - constitue un réel problème de santé publique encore insuffisamment reconnu.

Les efforts déjà engagés à la Réunion sur ce sujet doivent transformer en profondeur la santé périnatale et devraient servir de modèle pour lensemble du territoire.

De plus, notre groupe déplore que le rapport ne mette pas suffisamment en lumière l'ampleur des travaux nécessaires concernant l'exposition des femmes, mais aussi des bébés en soins intensifs (qu'ils soient prématurés ou non), aux perturbateurs endocriniens. En effet, l'exposition à un mélange de perturbateurs endocriniens au cours du premier trimestre de grossesse double le risque de prématurité.

Réduire de moitié la contamination des femmes enceintes par les phtalates -- présents dans le PVC, les câbles électriques, les revêtements de sol et de mur, les meubles, les cosmétiques, etc. -- pourrait diminuer le risque de prématurité de 12 %, soit 7 200 cas en moins sur les 55 000 naissances prématurées chaque année.

Ces polluants se retrouvent également dans les dispositifs médicaux utilisés pour les nouveau-nés prématurés. Les nourrissons en soins intensifs présentent des taux de phtalate (DEHP) dans leurs urines jusqu'à 35 fois plus élevés que ceux des bébés qui sortent directement de la maternité. Cela est dû aux tuyaux utilisés pour leur respiration, leur alimentation ou l'administration de médicaments. Cette étude, menée par une équipe de chercheurs sous la direction de Valérie Sautou, de l'Université Clermont-Auvergne, membre de la Société française de pharmacie clinique, met en évidence cette problématique.

Nous proposons donc, à l'instar de l'interdiction du Bisphénol A dans les biberons, de poursuivre les actions visant à encourager la transformation des secteurs industriel et agroalimentaire, afin de réduire l'utilisation de ces substances.

Il est également essentiel de lancer une grande campagne de sensibilisation sur la réduction de l'exposition aux perturbateurs endocriniens, souvent méconnus, pour les femmes enceintes, à l'image de celles menées contre la consommation d'alcool et de tabac.

Enfin, il est primordial de continuer à soutenir la recherche médicale et paramédicale pour mieux comprendre et maîtriser les effets des perturbateurs endocriniens présents dans les dispositifs mis sur le marché.

Il est donc indispensable de promouvoir la prévention (alimentation saine, activité physique, réduction de l'exposition aux PFAS, accès à un logement décent, etc.). Cependant, les différents plans nationaux Santé-Environnement, bien que mis en place par le ministère de la Santé, manquent de coordination et de transversalité entre les ministères concernés (santé, environnement, sports, travail) pour assurer leur mise en oeuvre efficace. Il est donc urgent d'adopter une approche coordonnée, sous peine de voir les maladies chroniques, qui constituent les principales sources de dépenses du PLFSS, continuer à peser lourdement sur notre budget, menaçant ainsi la soutenabilité financière de la sécurité sociale. La prévention, bien qu'elle implique des coûts initiaux, pourrait à moyen et long terme réduire considérablement les dépenses de notre système de protection sociale.

En conclusion, nous partageons le constat de la dégradation de la santé périnatale et de son organisation territoriale. Ces deux enjeux doivent être abordés simultanément. Cette dégradation reflète d'ailleurs l'état général de notre système de soins, avec une offre de soins insuffisante pour tous. Elle met en lumière des lacunes dans les politiques publiques. Opposer sécurité et proximité n'est pas acceptable pour les citoyens et leurs représentants. Il s'agit, au contraire, d'assurer la sécurité des soins de proximité, tout en reconnaissant que l'accouchement est avant tout un acte physiologique, que les femmes souhaitent préserver autant que possible. À l'heure actuelle, le temps de trajet moyen pour atteindre une maternité est de 45 minutes ; au-delà de ce délai, nous considérons qu'il y a rupture d'égalité dans l'accès au service public. La prévention être lautre défi à relever pour réduire les risques encourus sur la santé des mères et des nouveaux nés. 

CONTRIBUTION DU GROUPE ÉCOLOGISTE - SOLIDARITÉ
ET TERRITOIRES

Le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires salue le travail réalisé par la mission d'information sur l'avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale, de sa présidente Annick Jacquemet et de sa rapporteure Véronique Guillotin. Le groupe note la prise en compte des vulnérabilités psychosociales comme facteur déterminant de santé mentale et physique de la mère et de l'enfant. Il salue l'analyse détaillée des enjeux de santé mentale. Le rapport met également en lumière l'importance de l'information et de la prévention, en particulier à travers la démarche “d'aller vers” et le focus sur les 1000 premiers jours de l'enfant.

Les 1000 premiers jours : un enjeu crucial de santé environnementale

Cependant, nous demeurons insatisfaits de l'analyse, incomplète, qui est faite des facteurs de risque et des solutions proposées, et notamment le défaut de prise en compte des facteurs environnementaux dans la santé périnatale. L'approche des 1000 premiers jours consiste à se focaliser sur la période cruciale du développement de l'enfant entre la naissance et les deux premières années de vie, et particulièrement sur l'impact de l'environnement physique, affectif et nutritionnel de l'enfant sur sa santé et son bien-être. Ainsi, l'information et la prévention auprès des parents restent un levier d'action clé pour agir sur la santé périnatale, et tout particulièrement en ce qui concerne les risques environnementaux.

En effet, le rapport souligne que l'augmentation de la prématurité peut s'expliquer par une augmentation des facteurs de risque maternels et environnementaux de manière succincte et sans réelles propositions. La stratégie des 1000 premiers jours insiste sur la sensibilisation des parents afin de les pousser à agir sur l'environnement de l'enfant pour lui assurer un lieu de vie plus sain et plus sûr.

Repérer les risques environnementaux pour la santé périnatale

La qualité de l'air intérieur, la présence de perturbateurs endocriniens dans les produits d'hygiène et le mobilier, ou encore les pesticides et les substances chimiques des contenants représentent des risques environnementaux parmi d'autres qui ont un impact sur la santé de la mère et de l'enfant. Ainsi, au niveau national, un plan de réduction des perturbateurs endocriniens et de suppression des plastiques dans les établissements d'accueil de la petite enfance devrait être mis en place, comme c'est le cas à la Ville de Paris. Des maternités sans perturbateurs endocriniens - qui existent déjà dans certaines régions - pourraient également être généralisées. De plus, le repérage systématique du risque d'exposition au plomb pendant la grossesse doit être une priorité. Plus généralement, chaque personne enceinte devrait se voir proposer un questionnaire sur l'environnement intérieur dans lequel elle vit qui permettrait au praticien·ne d'évaluer la nécessité d'une enquête environnementale ou d'analyses biologiques.

Si l'obésité a été citée à de nombreuses reprises dans le rapport comme étant un facteur de risque, le rapport s'est limité à des données chiffrées, occultant les solutions possibles et futures à généraliser. Le rapport révèle d'une part que la prévalence du diabète gestationnel a plus que doublé entre 2010 et 2021, et d'autre part que la part des mères en situation d'obésité avant la grossesse a doublé entre 2003 et 2021. Il identifie à juste titre un lien entre précarité et obésité sans aller plus loin, notamment en matière de sport santé, d'éducation nutritionnelle, et d'inégalités sociales d'accès à une alimentation saine.

L'ordonnance verte pour lutter contre les perturbateurs endocriniens et promouvoir une alimentation saine

L'ordonnance verte - mise en place par Jeanne Barseghian, maire écologiste de Strasbourg et portée par son adjoint chargé de la santé publique et environnementale, le Dr Alexandre Feltz - constitue une solution majeure à destination des personnes enceintes, pour les aider à adopter une alimentation saine, variée et riche en nutriments et à éviter les perturbateurs endocriniens pendant cette période cruciale de développement de l'enfant dans les 1000 premiers jours et en soutenant dans le même temps la production agricole biologique et locale.

L'ordonnance verte avait été expérimentée au préalable entre juillet 2019 et décembre 2020 auprès d'une centaine de femmes dans les centres médico-sociaux de la protection maternelle et infantile, avec un retour très positif. L'ordonnance est prescrite à une femme enceinte ou en parcours de PMA par un médecin généraliste, gynécologue ou sage-femme et donne droit à une livraison d'un panier de fruits et légumes bio chaque semaine, financé par l'Eurométropole de Strasbourg, pendant deux à sept mois, ainsi qu'à des ateliers de sensibilisation sur les perturbateurs endocriniens. L'ordonnance verte constitue une stratégie de lutte contre l'obésité, le diabète gestationnel présentant des risques sur la santé de la mère et de l'enfant, mais aussi de lutte contre les pesticides et les perturbateurs endocriniens. Autre exemple, le dispositif sport santé, créé par la Ville de Paris, permet la prise en charge sur prescription par ordonnance de séances d'activité physique adaptées aux femmes enceintes et en post-partum. Ces deux dispositifs, ordonnance verte et activité physique adaptée, pourraient être généralisés à l'échelle nationale.

?

De plus, les services de protection maternelle et infantile (PMI), pourtant des services publics essentiels et extrêmement efficaces, sont abordés de manière trop brève, occultant leur rôle clé pour favoriser la santé communautaire, la prévention primaire, l'information des parents et le suivi de la mère et de l'enfant, proche du modèle des tiers-lieux. De par leur organisation, les PMI pourraient constituer des “maisons des 1000 premiers jours” - soit un lieu actif d'information et de prévention en santé environnementale à destination de tous et toutes de manière universelle et non pas seulement en situation de précarité.

Alors que le rapport fait reposer la charge mentale de la santé périnatale quasi exclusivement sur la mère, les mesures de santé environnementale doivent être adressées à égalité aux deux parents, pour ne pas faire reposer une double charge mentale - écologique et parentale. La place du père dans le couple hétérosexuel est absente du rapport, il n'est acteur, ni dans la santé de l'enfant, ni dans la prévention et l'information périnatales, laissant la mère seule responsable et actrice de sa propre santé et de celle de l'enfant. Enfin, aucune place et réflexion n'est faite aux modèles parentaux qui ne rentrent pas dans le schéma hétérosexuel classique.


* 1 Drees, Stabilité de la mortalité périnatale entre 2014 et 2019, 2021.

* 2  Recent historic increase of infant mortality in France: A time-serie analysis 2001 to 2019, 2022.

* 3 Équipe de recherche en épidémiologie obstétricale, périnatale et pédiatrique, co-affiliée à l'Inserm et à l'Université Paris Cité. Plusieurs de ses membres ont été entendus en audition le 2 avril 2024.

* 4 Phibbs CS, Baker LC, Caughey AB, Danielsen B, Schmitt SK, Phibbs RH, Level and volume of neonatal intensive care and mortality in very-low-birth-weight infants, N Engl J Med., 2007.

Jensen EA, Lorch SA, Effects of a Birth Hospital's Neonatal Intensive Care Unit Level and Annual Volume of Very Low-Birth-Weight Infant Deliveries on Morbidity and Mortality, JAMA pediatrics, 2015.

* 5 Audition du 2 avril 2024.

* 6 Audition du 26 mars 2024.

* 7 Audition du 27 mars 2024.

* 8 The Journal of Pediatrics, Inconsistency Between Pictures on Baby Diaper Packaging in Europe and Safe Infant Sleep Recommendations, Janvier 2024.

* 9 Audition du 27 mai 2024.

* 10 Cinelli H, Lelong N, Le Ray C et al, Rapport de l'Enquête Nationale Périnatale 2021 en France métropolitaine : Les naissances, le suivi à 2 mois et les établissements - Situation et évolution depuis 2016, Inserm, octobre 2022.

* 11 Audition du 20 mars 2024.

* 12 Audition du 2 avril 2024.

* 13 Catherine Deneux-Tharaux, Monica Saucedo, Les morts maternelles en France : mieux comprendre pour mieux prévenir. 7e rapport de l'Enquête Nationale Confidentielle sur les Morts Maternelles (ENCMM) 2016-2018, Inserm et Santé publique France, 2024.

* 14 https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2022-11/retour_experience_nationall_eigs_2021_2022-11-21_11-16-23_105.pdf.

* 15 Bales, Pambrun, Melchior, Glangeaud-Freudenthal, Charles, Verdoux, et al. Prenatal psychological distress and access to mental health care in the ELFE cohort, 2015.

* 16 Audition du 25 mars 2024.

* 17 Didelot H, Goffinet F, Seco A, Deneux-Tharaux C, Evaluating the quality of care for postpartum hemorrhage with a new quantitative tool: a population-based study, Scientific Report, 2022 (données Epimoms, 2013).

* 18 Nombre permettant d'évaluer chez un nouveau-né cinq grandes fonctions vitales : le rythme cardiaque, le rythme respiratoire, le tonus, la coloration cutanée et la réactivité aux stimulus, cotées de 0 à 2 de façon répétitive aux première, troisième, cinquième et dixième minutes qui suivent la naissance.

* 19 Placenta anormalement adhérent au myomètre, aboutissant à une délivrance du placenta retardée ou impossible.

* 20 Amina Yamgnane, Prendre soin des femmes - pour en finir avec les violences gynécologiques, Flammarion, 2024.

* 21 Drees - Indicateurs de santé périnatale - MSI-MCO

* 22 Mouquet MC, Rey S. Les disparités régionales de mortinatalité en France en 2012-2013. Bull Epidémiol Hebd. 2015 ; (6-7) : 92-101.

* 23 Le taux de mortalité infantile d'une année est le rapport entre le nombre d'enfants décédés dans leur première année et l'ensemble des enfants nés vivants de cette même année (Insee).

* 24 Les morts maternelles en France : mieux comprendre pour mieux prévenir, 7e rapport de l'Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM), 2016-2018. Saint-Maurice : Santé publique France, 2024.

* 25 Ibid.

* 26 En raison des faibles effectifs, l'ENCMM intègre les chiffres concernant la Corse dans ceux de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

* 27 PMSI-MCO, ATIH, bases corrigées Drees.

* 28 Insee, statistiques de l'état civil - données provisoires.

* 29 Caliez F, Dr Nguyen A-D, Ali Oicheih L, Demiguel V, Lebreton E, Regnault N. Santé périnatale à La Réunion - Résultats de l'Enquête Nationale Périnatale 2021 dans les Drom (ENP-Drom-2021). Saint-Denis (La Réunion) : Agence Régionale de Santé, Juin 2023.

* 30 L'enquête nationale périnatale est réalisée sous la responsabilité de l'Inserm. L'enquête nationale périnatale - Drom est réalisée sous la responsabilité de Santé publique France et des ARS concernées.

* 31 Rapport « Santé périnatale à La Réunion. Résultats de l'enquête nationale périnatale 2021 dans les Drom (ENP-Drom 2021).

* 32 La prééclampsie est une maladie de la grossesse qui associe une hypertension artérielle et la présence de protéines dans les urines. Elle résulte d'un dysfonctionnement du placenta (définition du site ameli.fr).

* 33 Hors Mayotte où l'AME n'est pas applicable.

* 34 L'indice de précarité est défini par le cumul des 4 critères suivants : ne pas vivre en couple, percevoir le RSA, être assurée par l'AME ou ne pas avoir d'assurance sociale, ne pas avoir de logement personnel.

* 35 Table ronde sur la situation à Mayotte - 6 mai 2024.

* 36 Réponse écrite du Centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe au questionnaire transmis par la rapporteure.

* 37 Rosine J, Lebreton E, Daudens-Vaysse E, Ruster L, Demiguel V, Regnault N. Santé périnatale à la Martinique. Résultats de l'enquête nationale périnatale 2021 dans les Drom (ENP-Drom 2021). Saint-Maurice : Santé publique France, 2023.

* 38 Rapport de surveillance de la santé périnatale en France 2010-2019, Santé publique France, mai 2024.

* 39 Rapport Euro-Peristat 2022, maternal age at delivery in Europe, 2015-2019, p. 86.

* 40 Cinelli H, Lelong N, Le Ray C et ENP2021 Study group. Rapport de l'Enquête Nationale Périnatale 2021 en France métropolitaine : Les naissances, le suivi à 2 mois et les établissements - Situation et évolution depuis 2016. Inserm, octobre 2022.

* 41 Cinelli H, Lelong N, Le Ray C et ENP2021 Study group. Rapport de l'enquête nationale périnatale 2021 en France métropolitaine : Les naissances, le suivi à 2 mois et les établissements - Situation et évolution depuis 2016. Inserm, octobre 2022.

* 42 Moal J., Goria S., Chesneau J., Fauconnier A., Kvaskoff M., De Crouy-Chanel P., Kahn.V., Daraï E., Canis M. Peyronnet A. Épidémiologie de l'endométriose prise en charge à l'hôpital en France : étude de 2011 à 2017. Saint-Maurice : Santé publique France, 2022.

* 43 Taylor-Robinson D, Lai ETC, Wickham S, et al. Assessing the impact of rising child poverty on the unprecedented rise in infant mortality in England, 2000-2017: time trend analysis.

* 44 Enquête nationale périnatale - rapport 2016 - Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) : Équipe de recherche en épidémiologie obstétricale, périnatale et pédiatrique (EPOPé).

* 45 Cinelli H, Lelong N, Le Ray C et ENP2021 Study group. Rapport de l'enquête nationale périnatale 2021 en France métropolitaine : Les naissances, le suivi à 2 mois et les établissements - Situation et évolution depuis 2016. Inserm, octobre 2022.

* 46 Ibid.

* 47 Mathilde Gaini, Nathalie Guignon, Muriel Moisy, Annick Vilain (Drees) ; Stéphane Legleye (Insee, Inserm) ; Stanislas Spilka (OFDT), Les inégalités sociales de santé apparaissent avant la naissance et se creusent durant l'enfance, 2020.

* 48 Fanny Tcheundjo Kanyep Delafoy, Vécu de la grossesse chez les femmes sans domicile fixe, Médecine humaine et pathologie, 2022.

* 49 Réponse de la Société française de néonatologie au questionnaire transmis par la rapporteure.

* 50 Table ronde sur la situation à Mayotte - 6 mai 2024.

* 51 Voir chapitre I.A .2 du présent rapport.

* 52 Compte rendu de l'audition de Santé publique France par la mission d'information - 18 mars 2024.

* 53 Compte rendu de l'audition par la mission d'information des membres de l'équipe EPOPé, 3 avril 2024.

* 54 Stabilité de la mortalité périnatale entre 2014 et 2019, Études et Résultats, Drees, n° 1199, juillet 2021.

* 55 Santé publique France, réponse au questionnaire écrit transmis par la rapporteure.

* 56 Compte rendu de l'audition par la mission d'information de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), 10 avril 2024.

* 57 Antilles (Martinique, Guadeloupe), Auvergne (Allier, Cantal, Haute-Loire, Puy-de-Dôme), Rhône Alpes (Ain, Rhône, Isère, Loire), Bretagne (Ille-et-Vilaine, Côtes d'Armor, Finistère et Morbihan), Paris, La Réunion, Nouvelle-Aquitaine.

* 58 Haute-Garonne et Isère.

* 59 L'étude Epimoms s'appuie par exemple sur des données de 2013. https://cress-umr1153.fr/fr/project/epidemiologie-de-la-morbidite-maternelle-severe-epimoms/.

* 60 Article L. 331-8-1 du code de l'action sociale et des familles.

* 61 Décret n° 2016-1606 du 25 novembre 2016 relatif à la déclaration des événements indésirables graves associés à des soins et aux structures régionales d'appui à la qualité des soins et à la sécurité des patients.

* 62 HAS, Rapport annuel sur les événements indésirables graves de 2022, novembre 2023.

* 63 Une hystérectomie dite d'hémostase peut être imposée en cas d'hémorragie non contrôlée par exemple.

* 64 Réponse écrite du CNGOF au questionnaire transmis par la rapporteure.

* 65 Compte rendu de l'audition par la mission d'information de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), 10 avril 2024.

* 66 Enquête nationale périnatale 2021, Inserm 2022.

* 67 Une nuance est cependant à noter : « En pratique, des conseils concernant le couchage peuvent également être donnés à la maternité, au moment de la sortie de la femme, ce qui pourrait entraîner une sous-estimation de l'information réellement donnée aux femmes. »

* 68 Audition du 14 avril 2024.

* 69 Étude sur la santé périnatale pour le Sénat, Institut CSA, mai 2024.

* 70 Audition du 14 avril 2024.

* 71 Audition du 14 avril 2024.

* 72 Audition du 14 avril 2024.

* 73 Également entendu lors de l'audition du 2 avril 2024.

* 74 Audition du 27 mars 2024.

* 75 Audition du 14 avril 2024.

* 76 L'entretien prénatal précoce créé en 2007 a été rendu obligatoire par l'article 62 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.

* 77 Table ronde d'associations d'usagers, 3 avril 2024.

* 78 Voir le chapitre II. C.2 du présent rapport.

* 79 Cinelli H, Lelong N, Le Ray C et ENP2021 Study group. Rapport de l'enquête nationale périnatale 2021 en France métropolitaine : Les naissances, le suivi à 2 mois et les établissements - Situation et évolution depuis 2016. Inserm, octobre 2022, tableau 16 p. 120.

* 80 Décret n° 2023-1035 du 9 novembre 2023 relatif à la désignation d'une sage-femme référente.

* 81 La vaccination contre la grippe ; la vaccination contre la coqueluche ; l'existence d'un suivi dentaire pendant la grossesse ; la participation à l'entretien prénatal ; la participation à l'entretien post-natal ; la participation à au moins trois séances de préparation à la naissance et à la parentalité.

* 82 Cour des comptes, La politique de périnatalité : des résultats sanitaires médiocres, une mobilisation à amplifier, rapport public thématique, mai 2024.

* 83 Gomes E, Cahour L, Menguy C, Regnault N et le groupe de travail sur les indicateurs en périnatalité. Rapport de surveillance de la santé périnatale en France, Santé publique France. Saint-Maurice, 2022.

* 84 Réponse écrite de l'Assurance maladie au questionnaire transmis par la rapporteure. Ces chiffres issus des cotations effectuées par les professionnels sont très différents de ceux issus des déclarations des femmes interrogées dans le cadre de l'ENP (36,5 % des femmes ont déclaré avoir bénéficié d'un EPP).

* 85 Colloque « Le médecin généraliste pour la santé de l'enfant » organisé le 22 mai 2014 par le syndicat MG France.

* 86 Audition devant la commission des affaires sociales du Sénat le 28 février 2024.

* 87 ASIP-Santé RPPS, traitements Drees, données au 1er janvier de l'année.

* 88 Ibid.

* 89 RPPS, Insee, 2021.

* 90 Igas, La pédiatrie et l'organisation des soins de santé de l'enfant en France, mai 2021.

* 91 ASIP-Santé RPPS, traitements Drees, données au 1er janvier de l'année.

* 92 Voir le chapitre II.B.2a du présent rapport.

* 93 Loi n° 2023-29 du 25 janvier 2023 visant à faire évoluer la formation de sage-femme et décret n° 2024-679 du 3 juillet 2024 portant création d'un troisième cycle des études en sciences maïeutiques.

* 94 Audition du Pr Christèle Gras-Le Guen et de M. Adrien Taquet, co-présidents du comité d'orientation des Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant, 27 mars 2024.

* 95 Santé de l'enfant : ne touchez pas à la formation des futurs médecins, Libération, 2 avril 2024.

* 96 Voir chapitre II.C.1 du présent rapport.

* 97 Table ronde sur la santé mentale périnatale, lundi 29 avril 2024.

* 98 Art. L. 4021-1 du code de la santé publique.

* 99 Contribution écrite du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs (SNPHARe) aux travaux de la mission d'information.

* 100 Contribution écrite du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs (SNPHARe) aux travaux de la mission d'information.

* 101 Les réseaux de santé en périnatalité (RSP) sont devenus des dispositifs spécifiques régionaux en périnatalité (DSRP) depuis le décret n° 2021-295 du 18 mars 2021 relatif aux dispositifs d'appui à la coordination des parcours de santé complexes et aux dispositifs spécifiques régionaux.

* 102 Instruction ministérielle DGOS/R3/DGS/SP1/2023/122 du 3 août 2023 relative à l'actualisation des missions des dispositifs spécifiques régionaux en périnatalité.

* 103 Par exemple, en Nouvelle-Aquitaine, l'association réseau périnat Nouvelle-Aquitaine (RPNA), régie par la loi de 1901, a été fondée le 21 juin 2017 sous l'impulsion de l'Agence régionale de santé afin d'harmoniser les missions des dispositifs spécifiques régionaux en périnatalité (DSRP) préexistants.

* 104 Solipam : Accompagnement des femmes enceintes en grande précarité ; Revho : Réseau entre la ville et l'hôpital pour l'orthogénie ; Dapsa : Dispositif d'appui à la périnatalité et aux soins ambulatoires.

* 105 Ces services peuvent être gérés en régie directe ou indirecte. La régie directe est la gestion directe par le conseil départemental et les personnels départementaux, la régie indirecte est une gestion déléguée d'une ou plusieurs missions de la PMI à d'autres collectivités ou personnes morales de droit privé.

* 106 Drees, Études et résultats, mars 2022, n° 1227, Protection maternelle et infantile (PMI) : un recul de l'activité et une forte baisse des effectifs de médecins entre 2016 et 2019. Derniers chiffres complets pour l'ensemble des départements sur la base de données brutes de l'enquête Aide sociale, volet protection maternelle et infantile (PMI), Activité et personnels.

* 107 Audition du 20 mars 2024.

* 108 Audition du 5 juin 2024.

* 109 Michèle Peyron, Pour sauver la PMI, agissons maintenant ! Rapport au Premier ministre, mars 2019.

* 110 Drees, Études et résultats, mars 2022, n° 1227, Protection maternelle et infantile (PMI) : un recul de l'activité et une forte baisse des effectifs de médecins entre 2016 et 2019.

* 111 Audition commune de représentants des collectivités territoriales, 5 juin 2024.

* 112 Drees, « Protection maternelle et infantile (PMI), un recul de l'activité et une forte baisse des effectifs de médecins entre 2016 et 2019 ».

* 113 Cour des comptes, La santé des enfants, communication à la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, décembre 2021.

* 114 Drees, Études et Résultats, mars 2022, n° 1227, Protection maternelle et infantile (PMI) : un recul de l'activité et une forte baisse des effectifs de médecins entre 2016 et 2019.

* 115 Cour des comptes, La politique de périnatalité : des résultats sanitaires médiocres, une mobilisation à amplifier, rapport public thématique, mai 2024.

* 116 Audition du 3 avril 2024.

* 117 Audition du 5 juin 2024.

* 118 Michèle Peyron, Pour Sauver la PMI, agissons maintenant ! Rapport au Premier ministre, mars 2019.

* 119 Voir chapitre II.C.2 du présent rapport.

* 120 Enquête nationale périnatale, rapport 2021, tableau 96 a, p. 211.

* 121 Article 32 de la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants.

* 122 Assises de la pédiatrie, Ma santé, notre avenir. Investir dans la santé de l'enfant : une urgence nationale, juin 2023.

* 123 En 2017, selon les chiffres du rapport au Premier ministre de Michèle Peyron, les financements issus de l'Assurance maladie ne représentaient que 35 millions d'euros sur une dépense globale de PMI estimée à environ 500 millions d'euros.

* 124 Cours en ligne ouvert à tous.

* 125  https://1000jours-blues.fabrique.social.gouv.fr/stats.

* 126 Alain Grégoire, et al, Santé mentale périnatale outre-Manche : une inspiration possible pour la France ? Spirale, 2019.

* 127 Loi n° 2023-567 du 7 juillet 2023 visant à favoriser l'accompagnement psychologique des femmes victimes de fausse couche.

* 128 Contribution écrite de la FNAAFP/CSF - Fédération de l'aide à domicile adressée à la mission d'information.

* 129 Voir le chapitre II.B.3d du présent rapport.

* 130 Barry et al, Paternity leave uptake and parental post-partum depression: findings from the ELFE cohort study, 2023.

* 131 Paul Cesbron, Yvonne Knibiehler, La Naissance en Occident, 2004.

* 132 Décret n° 98-899 du 9 octobre 1998 modifiant le titre Ier du livre VII du code de la santé publique et relatif aux établissements de santé publics et privés pratiquant l'obstétrique, la néonatologie ou la réanimation néonatale.

Décret n° 98-900 du 9 octobre 1998 relatif aux conditions techniques de fonctionnement auxquelles doivent satisfaire les établissements de santé pour être autorisés à pratiquer les activités d'obstétrique, de néonatologie ou de réanimation néonatale et modifiant le code de la santé publique.

* 133 Combier et al, Accouchements hors maternité en France : une étude démographique nationale, 2020.

* 134 Réponses au questionnaire de la rapporteure.

* 135 Levaillant et al, In France, the organization of perinatal care has a direct influence on the outcome of the mother and the newborn: Contribution from a French nationwide study, 2023.

* 136 Loi du 14 décembre 2020 de financement pour la sécurité sociale (LFSS) pour 2021.

* 137 Chantry A. et al. (2019), Rapport d'étude sur la qualité des soins prodigués en maisons de naissance en France.

* 138 Si l'association Doulas de France indique, sur son site, que la doula accompagne et soutient la future mère et son entourage, « uniquement en complément du suivi médical choisi par les parents (hôpital, clinique, sage-femme libérale...) » et dans le cadre d'un accouchement à domicile, la doula ne peut accompagner les parents qu'« en présence d'une sage-femme », les doulas non affiliées à cette association n'ont aucune obligation de respecter la charte établie par celle-ci.

* 139 ASIP-Santé RPPS, traitements Drees, données au 1er janvier de l'année.

* 140 CNGOF, Pérennité des équipes, quel avenir pour la continuité des soins en gynécologie-obstétrique ? Rapport de la Commission démographie, 2022.

* 141 Ibid.

* 142 Ibid.

* 143 D'après une enquête menée dans les Hauts-de-France entre 2003 et 2019, 50 % des gynécologues-obstétriciens avaient arrêté les gardes moins de 5 ans après la fin de leur internat (CNGOF, Pérennité des équipes, quel avenir pour la continuité des soins en gynécologie-obstétrique ? Rapport de la Commission démographie, 2022).

* 144 CNGOF, Pérennité des équipes, quel avenir pour la continuité des soins en gynécologie-obstétrique ? Rapport de la Commission démographie, 2022.

* 145 Selon une enquête de la section gynécologie-obstétrique du conseil national des universités, le nombre de professeurs des universités-praticiens hospitaliers dans la spécialité est passé de 140 à 126 en 10 ans.

* 146 Voir Chapitre II.B.2 du présent rapport.

* 147 Société française de néonatalogie, Qualité des soins et sécurité des nouveau-nés requérant des soins critiques : état des lieux en 2023.

* 148 Cour des comptes, La politique de périnatalité : des résultats sanitaires médiocres, une mobilisation à amplifier, rapport public thématique, mai 2024.

* 149 Étude démographique relative aux sages-femmes en Île-de-France, Agence régionale de santé d'Île-de-France, 2022.

* 150 L'exercice libéral comprend à la fois le cabinet de ville, les maisons de santé pluri-professionnelles et l'exercice en établissement de santé privé lorsque les professionnels de santé ne sont pas salariés mais rémunérés à l'acte.

* 151 Data.ameli.fr, Caisse nationale de l'Assurance maladie, données du SNDS.

* 152 Médecins, sages-femmes, chirurgiens-dentistes et pharmaciens : combien de professionnels à l'horizon 2050 ?, Drees, mars 2021.

* 153 Rapport de la commission des affaires sociales du Sénat sur la proposition de loi visant à faire évoluer la formation de sage-femme (n° 15, 2022-2023).

* 154 Nombre de sages-femmes inscrites dans le répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) comme étant actives occupées au 1er janvier de l'année concernée, Drees.

* 155 Data.ameli.fr, Caisse nationale de l'Assurance maladie, données du SNDS.

* 156 Arrêté du 23 août 2023 portant approbation de l'avenant n° 7 à la convention nationale organisant les rapports entre les sages-femmes libérales et l'assurance maladie signée le 11 octobre 2007.

* 157 En Île-de-France, ce dispositif existe depuis 2020.

* 158 Articles R.6146-2 et suivants du code de la santé publique.

* 159 Audition du 15 mai 2024.

* 160 Depuis le 1er juin 2024, ce partage est fixé à 50 % pour chaque type d'exercice.

* 161 Atlas de la démographie médicale en France au 1er janvier 2023, Conseil national de l'ordre des médecins.

* 162 Drees, Démographie des professionnels de santé, RPSS.

* 163 Cour des comptes, La politique de périnatalité : Des résultats sanitaires médiocres, une mobilisation à amplifier, rapport public thématique, mai 2024.

* 164 Société française de néonatalogie, Qualité des soins et sécurité des nouveau-nés requérant des soins critiques : état des lieux en 2023, septembre 2023.

* 165 CNGOF, Pérennité des équipes, quel avenir pour la continuité des soins en gynécologie-obstétrique ? Rapport de la Commission démographie, 2022.

* 166 Voir chapitre III.B.1 du présent rapport.

* 167 Le décret de périnatalité n°98-900 du 9 octobre 1998 prévoit la présence d'un anesthésiste-réanimateur pour les unités d'obstétrique qui réalisent :

- moins de 1 500 naissances par an, « sur place ou d'astreinte opérationnelle permanente et exclusive pour le site dont le délai d'arrivée est compatible avec l'impératif de sécurité » ;

- plus de 1 500 naissances par an, « tous les jours de l'année, 24 heures sur 24, dans l'établissement de santé, sur le même site, en mesure d'intervenir dans l'unité d'obstétrique dans des délais compatibles avec l'impératif de sécurité » ;

- plus de 2 000 naissances par an, « tous les jours de l'année, 24 heures sur 24, dans l'unité d'obstétrique ».

* 168 La place de l'IADE en salle de naissance dans la surveillance de l'analgésie péridurale, Charlotte Falaise, École d'Infirmier(e)s Anesthésistes Diplômé(e)s d'État, septembre 2020.

* 169 Audition du 2 avril 2024.

* 170 Réponses au questionnaire de la rapporteure.

* 171 Réponses au questionnaire de la rapporteure.

* 172 Cour des comptes, Ralfss 2024.

* 173 Audition du 22 mai 2024.

* 174 Audition du 27 mars 2024.

* 175 Audition du 15 mai 2024.

* 176 Voir II.A. du présent rapport.

* 177 Étude sur la santé périnatale pour le Sénat, Institut CSA, mai 2024.

* 178 Étude sur la santé périnatale pour le Sénat, Institut CSA, mai 2024.

* 179 Une « remise à niveau » concernant les catégories de maternités et les risques pris en charge était ensuite présentée aux femmes interrogées pour ne pas biaiser les réponses aux questions suivantes.

* 180 Ces caractéristiques étaient cependant respectivement connues de 64 % et 60 % des femmes ayant accouché dans une maternité de type 1.

* 181 Audition du 14 avril 2024.

* 182 Audition du 26 mars 2024.

* 183 Audition du 2 avril 2024.

* 184 Cour des comptes, « La politique de périnatalité. Des résultats sanitaires médiocres, une mobilisation à amplifier », mai 2024.

* 185 Audition du 27 mars 2024.

* 186 Réponses de la FHF et de la FFRSP au questionnaire de la rapporteure.

* 187 Enquête concernant 20 dispositifs spécifiques régionaux en périnatalité sur 25 en France hexagonale.

* 188 Réponses au questionnaire de la rapporteure.

* 189 Réponses au questionnaire de la rapporteure.

* 190 Réponses au questionnaire de la rapporteure.

* 191 Audition du 2 avril 2024.

* 192 Audition du 27 mars 2024.

* 193 Audition du 22 mai 2024.

* 194 Rapport d'information n° 243 (2014-2015) au nom de la commission des affaires sociales sur l'enquête de la Cour des comptes relative aux maternités.

* 195 Réponses au questionnaire de la rapporteure.

* 196 Rapport d'information n° 243 (2014-2015) au nom de la commission des affaires sociales sur l'enquête de la Cour des comptes relative aux maternités.

* 197 Audition du 27 mars 2024.

* 198 Académie de médecine, « Planification d'une politique en matière de périnatalité en France : organiser la continuité des soins est une nécessité et une urgence. », 28 février 2023.

* 199 L'Académie dans sa séance du mardi 28 février 2023, a adopté le texte de ce rapport par 78 voix pour, 1 voix contre et 4 abstentions.

* 200 Réponses au questionnaire de la rapporteure.

* 201 Réponses au questionnaire de la rapporteure.

* 202 Audition du 26 mars 2024.

* 203 Audition du 2 avril 2024.

* 204 Réponses au questionnaire de la rapporteure.

* 205 Étude sur la santé périnatale pour le Sénat, Institut CSA, mai 2024.

* 206 La question posée était la suivante : « Aujourd'hui, certains considèrent nécessaire de revoir l'organisation des maternités. L'Académie de médecine propose par exemple de fermer des « petites maternités » de type 1 pour les regrouper avec des maternités de types 2 et 3 au sein d'un même territoire, mieux équipées pour faire face à un accouchement qui se passerait mal. Ces maternités pourraient se trouver plus loin du domicile des femmes (jusqu'à 1 h de trajet) mais seraient plus sécurisées. Les suivis de la grossesse et post-natal seraient assurés dans des établissements de proximité. Vous personnellement, diriez-vous que ce projet est... ? »

* 207 Étude sur la santé périnatale pour le Sénat, Institut CSA, mai 2024.

* 208 Plus d'un quart considérant même le projet comme une « très bonne chose ».

* 209 Décret n° 98-899 du 9 octobre 1998 relatif aux établissements de santé publics et privés pratiquant l'obstétrique, la néonatologie ou la réanimation néonatale.

Décret n° 98-900 du 9 octobre 1998 relatif aux conditions techniques de fonctionnement auxquelles doivent satisfaire les établissements de santé pour être autorisés à pratiquer les activités d'obstétrique, de néonatologie ou de réanimation néonatale et modifiant le code de la santé publique.

* 210 Articles R. 6123-50 et suivants.

* 211 Articles D. 6124-35 et suivants.

* 212 Rapport d'information n° 243 (2014-2015) au nom de la commission des affaires sociales sur l'enquête de la Cour des comptes relative aux maternités.

* 213 Réponses au questionnaire de la rapporteure.

* 214  Ressources humaines pour les activités non programmées en gynécologie-obstétrique. Propositions élaborées par le CNGOF, le CARO, le CNSF, la FFRSP, la SFAR, la SFMP et la DFN, décembre 2018.

* 215 Réponses au questionnaire de la rapporteure.

* 216 Réponses au questionnaire de la rapporteure.

* 217 Réponses au questionnaire de la rapporteure.

* 218 Réponses au questionnaire de la rapporteure. Case-mix : éventail des cas médicaux et chirurgicaux traités par un établissement de santé.

* 219 Réponses au questionnaire de la rapporteure.

* 220 Réponses au questionnaire de la rapporteure.

* 221 Réponses au questionnaire de la rapporteure.

* 222 Rapport d'information n° 243 (2014-2015) au nom de la commission des affaires sociales sur l'enquête de la Cour des comptes relative aux maternités.

* 223 Académie de médecine, « Planification d'une politique en matière de périnatalité en France : organiser la continuité des soins est une nécessité et une urgence. », 28 février 2023.

* 224 Audition au format « rapporteure ».

* 225 Mayotte : un système de soins en hypertension, Rapport d'information n° 833 (2021-2022), déposé le 27 juillet 2022.

* 226 Rapport d'information n° 243 (2014-2015) au nom de la commission des affaires sociales sur l'enquête de la Cour des comptes relative aux maternités.

* 227 Cour des comptes, « La politique de périnatalité. Des résultats sanitaires médiocres, une mobilisation à amplifier », mai 2024.

* 228 Audition du 26 mars 2024.

* 229 Audition du 2 avril 2024.

* 230 Rapport d'information n° 243 (2014-2015) au nom de la commission des affaires sociales sur l'enquête de la Cour des comptes relative aux maternités.

* 231 Audition du 22 mai 2024.

* 232 Académie de médecine, « Planification d'une politique en matière de périnatalité en France : organiser la continuité des soins est une nécessité et une urgence. », 28 février 2023.

* 233 Réponses au questionnaire de la rapporteure.

* 234 Cour des comptes, « La politique de périnatalité. Des résultats sanitaires médiocres, une mobilisation à amplifier », mai 2024.

* 235 Audition du 26 mars 2024.

* 236 Ambassade royale de Danemark, en réponse au questionnaire de la rapporteure.

* 237 Voir le chapitre III.A.1. du présent rapport.

* 238 Audition du 27 mars 2024.

* 239 Réponses au questionnaire de la rapporteure.

* 240 Étude sur la santé périnatale pour le Sénat, Institut CSA, mai 2024.

* 241 Académie de médecine, « Planification d'une politique en matière de périnatalité en France : organiser la continuité des soins est une nécessité et une urgence. », 28 février 2023.

* 242 Et non 1,8 % comme indiqué de manière erronée dans le rapport de l'Académie de médecine.

* 243 Étude sur la santé périnatale pour le Sénat, Institut CSA, mai 2024.

* 244 Audition du 4 juin 2024.

* 245 L'Engagement maternité couvre 147 maternités de type 1, 118 maternités de type 2a, 73 maternités de type 2b et 56 maternités de type 3.

* 246 Audition du 4 juin 2024.

* 247 Réponses au questionnaire de la rapporteure.

* 248 Rapport d'information n° 243 (2014-2015) au nom de la commission des affaires sociales sur l'enquête de la Cour des comptes relative aux maternités.

* 249 Réponses au questionnaire de la rapporteure.

* 250 Audition du 22 mai 2024.

* 251 Sénat, rapport n° 84 (2023-2024), tome II, déposé le 8 novembre 2023.

* 252 Réponses au questionnaire de la rapporteure.

* 253 Étude sur la santé périnatale pour le Sénat, Institut CSA, mai 2024.

* 254 Issue de la loi du 6 décembre 2013 autorisant l'expérimentation des maisons de naissance et du décret du 30 juillet 2015 relatif aux conditions de l'expérimentation des maisons de naissance.

* 255 Anne A. Chantry, Priscille Sauvegrain, Ingele Roelens, Candy Guiguet-Auclair, Sophie Goyet, et al., Rapport d'étude sur la qualité des soins prodigués en maisons de naissance en France, Analyse des données de l'année 2018 par le groupe de recherche sur les maisons de naissance, CNRS ; Inserm ; AUDIPOG ; Université de Paris, 2019.

* 256 Réponses au questionnaire de la rapporteure.

* 257 Loi du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021 et décret du 26 novembre 2021.

* 258 Audition du 3 avril 2024.

* 259 Réponses au questionnaire de la rapporteure.

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