C. LE GID DOIT ÉGALEMENT DISPOSER DES MOYENS HUMAINS ET MATÉRIELS GARANTISSANT AUX DÉMINEURS LA RÉALISATION DE LEURS MISSIONS OPÉRATIONNELLES DANS DES CONDITIONS OPTIMALES

1. Une situation de déséquilibre entre le nombre de démineurs et le nombre de personnels de soutien, au détriment des missions opérationnelles du GID

Le GID dispose actuellement de 324 démineurs et de 31 personnels de soutiens, dont 13 personnels administratifs et 18 personnels techniques.

Cette répartition traduit un sous-dimensionnement des personnels de soutien, en comparaison avec les effectifs opérationnels, c'est-à-dire, les démineurs. En effet, le ratio entre personnels de soutien et personnels opérationnels est actuellement de 1 sur 10,45, alors que d'après l'IGSC, les services opérationnels comparables en termes de taille et d'organisation ont un ratio de l'ordre de 1 sur 6,8123(*).

Or, le sous-dimensionnement des personnels de soutien du GID implique mécaniquement la mobilisation de démineurs pour réaliser des opérations de logistique ou de maintenance, ce qui suscite plusieurs difficultés.

Tout d'abord, la sollicitation des démineurs pour la réalisation de ce type de tâches se fait au détriment de leurs missions opérationnelles. Cette situation est regrettable dans la mesure où elle limite la capacité d'intervention des centres de déminage, dans un contexte de sollicitation opérationnelle croissante.

Par ailleurs, les démineurs n'étant ni des professionnels de la logistique, ni des spécialistes de la maintenance, le fait de leur faire assumer ces missions peut conduire à des défaillances matérielles qui pourraient se répercuter sur la qualité du service rendu.

Enfin, le rapporteur spécial a pu constater, dans le cadre de son déplacement au centre de déminage de Versailles, que la mobilisation des démineurs pour la réalisation de tâches aussi éloignées de leur coeur de métier pouvait susciter une perte de sens chez ces derniers.

L'IGSC plaidait en 2022 pour un rééquilibrage de ce ratio en vue notamment de la sécurisation d'évènements tels que la coupe du monde de rugby 2023 ou des JOP. Force est toutefois de constater que ce rééquilibrage n'a pas eu lieu, puisque le ratio entre démineurs et personnels de soutien n'a pas évolué depuis 2022.

Ce rééquilibrage est pourtant nécessaire afin d'une part, de maintenir les capacités opérationnelles du GID et d'autre part, de préserver l'attractivité des fonctions de démineurs en leur permettant de se recentrer sur leur coeur de métier.

D'après la DGSCGC, la LOPMI aurait toutefois permis de sécuriser le recrutement de 15 personnels de soutien sur la période 2023 à 2027. Plus particulièrement, 2 personnels de soutien ont déjà été recrutés en 2023 et 10 devraient l'être au cours de l'année 2024. Ainsi, à l'issue de ces recrutements, le ratio entre personnels de soutien et personnels opérationnels pourraient être de l'ordre de 1 sur 7. Le rapporteur spécial se félicite de ce rééquilibrage à venir, mais sera toutefois vigilant sur la concrétisation effective de ces recrutements dans ses futurs travaux sur les prochains projets de loi de finances et loi de règlement.

Recommandation n° 5 : afin de permettre aux démineurs de se recentrer sur leurs missions opérationnelles, rééquilibrer le ratio entre personnels de soutien et personnels opérationnels au sein du GID (DGSCGC).

2. Le suivi de l'activité opérationnelle des démineurs devrait être amélioré par la mise en oeuvre du projet informatique SOFIE

Le suivi des opérations de déminage, assuré par le bureau compétent de la DGSCGC en heures ouvrables et par le COGIC en heures non ouvrables, est un aspect primordial du bon fonctionnement du service. Il ressort toutefois des travaux du rapporteur spécial que ce suivi était particulièrement lacunaire jusqu'en 2023 et la mise en oeuvre du projet informatique SOFIE.

Dans son document de synthèse des visites des centres de déminage de juin 2022, l'IGSC indiquait que la procédure d'intervention des démineurs ne prévoyait aucun envoi de message à l'arrivée ou lors du départ du lieu d'intervention. Par ailleurs, aucun système de géolocalisation ne permettait de connaitre en temps réel la position des démineurs en opération, ce qui impliquait un risque pour leur sécurité en cas d'accident. Lors des auditions du rapporteur, l'exemple d'un accident survenu en 2012 et impliquant deux démineurs a été évoqué. Ces derniers ont été grièvement blessés par l'explosion d'un engin de guerre. Il était dès lors impossible pour eux de solliciter de l'aide, et l'absence d'outil de suivi des opérations fût dans ce cas précis particulièrement préjudiciable.

Concernant les interventions IEDD, l'IGSC a insisté sur le fait que ces opérations, particulièrement sensibles et médiatisées, « seront dans les années à venir particulièrement observées par le public et les médias24(*) ». La nécessité de pouvoir justifier les délais et les décisions prises semble incontournable dans ce contexte, mais est impossible sans un véritable « système de gestion de l'alerte - système de gestion opérationnelle » (SGA-SGO) étendue à l'ensemble des centres de déminage.

Face à ce constat, le DGSCFC s'est doté le 1er janvier 2023 de l'application SOFIE, qui permettra au GID de coordonner l'activité opérationnelle de ses unités délocalisées. Ce logiciel, dont le coût est estimé à 1,6 million d'euros, est encore en cours de développement mais permet déjà au GID de disposer d'un système d'information favorisant un meilleur suivi des interventions et des stocks de munitions. Les fonctionnalités de cette application pourraient être enrichies à l'avenir notamment par une cartographie des interventions ou par un système d'interface avec les services des préfectures.

Le rapporteur spécial se félicite de la concrétisation de ce projet, qui doit désormais impérativement être finalisé pour que le GID soit enfin doté d'un système de SGA-SGO abouti.

Recommandation n° 6 : afin de renforcer le suivi des opérations des services de déminage, finaliser le développement du projet informatique « système opérationnel et fichiers d'informations sur les explosifs », dit projet SOFIE (DGSCGC).

3. Le vieillissement du parc de robots démineurs peut susciter des difficultés opérationnelles

Le GID dispose de 31 robots fonctionnels, dont 22 robots légers qui permettent d'intervenir sur des objets suspects et 9 robots lourds permettant d'intervenir sur des missions de type NRBC. Ces appareils sont essentiels à la réalisation des missions des démineurs.

Or ce parc de robots démineurs est aujourd'hui vieillissant. En effet, parmi les 31 robots dont dispose le GID :

- 9 robots lourds ont été mis en service en 2004 ;

- 16 robots légers ont été mis en service en 2011.

Ce vieillissement implique, d'une part, un risque de dégradation des conditions d'intervention, et d'autre part, une multiplication des opérations de maintien en condition opérationnelle (MCO) des appareils. Ainsi, le coût annuel du MCO des robots démineurs du GID est passé de 29 685 euros en 2014 à 94 090 euros en 2022, alors même qu'aucun acquisition d'appareil n'a eu lieu entretemps.

Pour anticiper ces difficultés et y remédier, il est important pour le GID de disposer d'une stratégie de renouvellement pluriannuel de ses équipements, qui doit impérativement prendre en compte l'évolution des technologies. Les démineurs du centre de déminage de Versailles ont en effet attiré l'attention du rapporteur spécial sur le fait que les organisations terroristes, qui disposent de financements de plus en plus élevés, sont en mesure d'élaborer des dispositifs explosifs toujours plus complexes et sophistiqués. Cette course à la technologie justifie que les démineurs soient dotés d'équipements de pointe.

Or, d'après l'IGSC, la stratégie de renouvellement des équipements du GID n'est pas aboutie. La division « soutien opérationnel », chargée de la gestion des matériels, « souffre d'un manque de visibilité à long terme » et « ne dispose pas de plan d'équipement et d'outils de suivi adaptés permettant d'interagir avec les centres de déminage et de synthétiser les données du service en vue de réaliser des états des lieux ainsi que des projections annuelles voire pluriannuelles25(*) ». Une autre difficulté réside dans le fait que fait que le marché des robots de déminage est un marché de niche nécessitant des échanges directs avec les producteurs pour l'élaboration du cahier des charges. L'intégration des besoins opérationnels des démineurs dans les fonctionnalités des appareils commandés n'est donc toujours aisée.

Il convient toutefois de se féliciter des avancées récentes permises notamment par la LOPMI, qui a semble-t-il constitué une occasion pour la DGSCGC de mener une réflexion sur le renouvellement du matériel opérationnel des démineurs, y compris les équipements de pointe. La DGSCGC a ainsi procédé en 2023 à l'acquisition de 8 nouveaux robots, dont deux sont encore en attente de livraison, pour un montant total de 1,8 million d'euros. En outre, le GID envisagerait d'acquérir, entre 2025 et 2027, 7 nouveaux robots lourds et 11 légers, pour un montant total de 4,85 millions d'euros en AE et en CP.

La DGSCGC devrait également acheter entre 2025 et 2027 des équipements innovants, et notamment 50 appareils portatifs de radioscopie (pour un montant de 5 millions d'euros en AE et en CP), qui permettent de détecter la présence d'un dispositif explosif dans un contenant opaque, et 50 brouilleurs 5G (pour un total de 2,5 millions d'euros en AE et en CP).


* 23 IGSC, document de synthèse des visites des centres de déminage, juin 2022.

* 24 IGSC, document de synthèse des visites des centres de déminage, juin 2022.

* 25 IGSC, document de synthèse des visites des centres de déminage, juin 2022.

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