N° 718

SÉNAT

2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 juillet 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur les démineurs
de la
sécurité civile,

Par M. Jean Pierre VOGEL,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

L'ESSENTIEL

I. LES DÉMINEURS DE LA SÉCURITÉ CIVILE : UN SERVICE CRUCIAL DONT LES MISSIONS SE SONT DIVERSIFIÉES DEPUIS SA CRÉATION LORS DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

A. LES DÉMINEURS DE LA SÉCURITÉ CIVILE : UN SERVICE D'EXCELLENCE DE PLUS EN PLUS SOLLICITÉ

Le groupement d'intervention du déminage (GID) est un service rattaché à la sous-direction des moyens nationaux de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) du ministère de l'intérieur. Les 324 démineurs du GID sont recrutés parmi les fonctionnaires de la police nationale et ont pour missions, d'une part, de démanteler les munitions explosives et chimiques issues des deux conflits mondiaux, et d'autre part, de contribuer à la lutte contre la menace terroriste.

Les démineurs de la sécurité civile sont de plus en plus mobilisés depuis 10 ans. Entre 2014 et 2023, le nombre d'interventions réalisées par le GID est en effet passé de 15 307 à 16 907, soit une augmentation de 10,5 % sur cette période.

Évolution du nombre d'interventions du GID entre 2014 et 2023

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Le rapporteur spécial a constaté lors de ses travaux la qualité de la formation des démineurs. Celle-ci est divisée en quatre niveaux correspondant chacun à un niveau hiérarchique, et est réalisée au sein d'un centre de formation et de soutien dédié.

Le cycle de formation des démineurs est à la fois exigeant et contraignant, dans la mesure où le temps de formation nécessaire pour accéder au plus haut niveau de qualification est de 8 ans, et que chaque période de formation implique la mobilisation de plusieurs agents au détriment de l'activité opérationnelle. Toutefois, la qualité de la formation des démineurs est un atout pour le GID, dans la mesure où elle lui garantit une capacité d'intervention optimale, et lui permet aujourd'hui d'être reconnu comme un service de déminage de référence auprès de ses partenaires internationaux. Les démineurs français sont en effet régulièrement mobilisés pour réaliser des actions de formation auprès de leurs homologues d'autres pays ou pour contribuer à la sécurisation de grands évènements internationaux, telle que la Coupe du monde de football 2022 au Qatar, où 21 démineurs du GID se sont rendus.

B. UNE MISSION HISTORIQUE DE COLLECTE ET DE NEUTRALISATION DES MUNITIONS ISSUES DES CONFLITS MONDIAUX QUI NÉCESSITE DE DISPOSER DE SOLUTIONS DE STOCKAGE ADAPTÉES SUR DES SITES SÉCURISÉS

La mission de démantèlement des munitions de guerre issues des deux conflits mondiaux, également appelée mission EOD (Explosive Ordnance Disposal) constitue l'activité historique du GID, et a justifié la création de ce service en 1944 lors de la Seconde guerre mondiale.

Encore aujourd'hui, la mission EOD est celle qui mobilise le plus les agents du GID, en particulier dans les centres de déminage situés sur les champs de bataille de la 1ère guerre mondiale ou proches de la côte ouest, bombardée lors de la libération en 1944. Les interventions réalisées au titre de la mission EOD représentent ainsi près de 75,2 % de l'activité des démineurs.

Dans le cadre de cette mission, les démineurs réalisent des « tournées de ramassage » lors desquelles ils sont amenés à identifier des munitions de guerre potentiellement dangereuses par la sécurité des populations. Ces munitions doivent être neutralisées, déplacées, stockées, puis détruites. Or 25 % des centres de déminage ne disposent pas de dépôt de munitions, et 50 % d'entre eux n'ont pas de terrain de destruction. Cette situation oblige les démineurs soit à transporter les munitions sur de nombreux kilomètres, soit à les détruire sur place, avec tous les risques associés. Par ailleurs, le manque de solutions de destruction conduit à un déstockage plus lent des munitions qui, au fur et à mesure qu'elles vieillissent, peuvent se dégrader et présenter un risque pour la sécurité des sites.

Taux d'évolution des stocks collectés de munitions anciennes (EOD)
entre 2014 et 2023

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

+ 9 %

+ 6,9 %

+ 9 %

+ 27 %

+ 19 %

- 0,8 %

+ 1,9 %

+ 0,3 %

+ 3,9 %

- 7,2 %

C. LA MONTÉE EN PUISSANCE DE LA MISSION DE LUTTE CONTRE LA MENACE TERRORISTE

Depuis les attentats de novembre 2015, la mission de lutte contre la menace terroriste a pris de l'ampleur dans l'activité des démineurs. Dans ce cadre, les démineurs sont amenés à intervenir sur des colis suspects (mission IEDD ou Improvised Explosive Device Disposal), à assister les forces de sécurité intérieure lors de perquisitions ou à participer à la sécurisation des grands évènements et des voyages officiels.

Le nombre d'interventions réalisées à ce titre est passé de 2 866 à 4 181 entre 2014 et 2023, soit une hausse de 45,9 %. Cette mission demeure toutefois minoritaire dans l'activité des démineurs, puisqu'elle représentait en 2023 environ 25 % des interventions réalisées par le GID.

Évolution du nombre d'interventions réalisées par le GID
dans le cadre de la mission de lutte contre la menace terroriste

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

La mobilisation des démineurs pour la sécurisation
des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024

Dans la perspective de l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de 2024 en France, le GID mobilisera au total 190 de ses agents pour participer à la sécurisation des sites olympiques. Devraient ainsi être mobilisés :

- 80 démineurs qui interviendront hors Île-de-France, ainsi que 10 personnels dédiés à l'appui et au soutien opérationnel ;

- 100 démineurs qui interviendront en renfort des démineurs du laboratoire central de la préfecture de police (LCPP) de Paris1(*) pour assurer les inspections de sécurité et la sécurisation de la cérémonie d'ouverture, mais aussi, pour intervenir sur la voie publique dans Paris et sur les zones à fort flux de passagers.

Par ailleurs, la DGSCGC a mis en place un dispositif appelé « EOR » (Explosive Ordnance Reconnaissance), consistant en la mobilisation de 214 personnels administratifs et techniques volontaires pour travailler en appui des équipes de déminage. Cette initiative apparait pertinente à plusieurs égards :

- les personnels « EOR » seront mobilisés uniquement pour des missions de levée de doute, et non pour des missions de neutralisation des engins explosifs, qui relèvent exclusivement de la compétence des démineurs ;

- ce dispositif est peu contraignant dans sa mise en oeuvre, puisqu'il nécessite un temps de formation relativement court des volontaires mobilisés ;

- cette mesure est peu coûteuse, en comparaison avec le recours aux sociétés privées.

II. LE GROUPEMENT D'INTERVENTION DU DÉMINAGE DOIT IMPÉRATIVEMENT SE MODERNISER POUR DÉSAMORCER LES RISQUES DE PERTE D'EFFICACITÉ OPÉRATIONNELLE

A. UN MAILLAGE TERRITORIAL INADAPTÉ À LA RÉALITÉ DE LA SOLLICITATION DU GID, FAISANT PESER UN RISQUE DE DÉGRADATION DE LA PERFORMANCE DU SERVICE

La répartition géographique des centres de déminage ne répond actuellement plus à la réalité des missions réalisées par les démineurs. En effet, la couverture territoriale des unités opérationnelles du GID a été pensée de manière à couvrir les zones ayant subies des bombardements lors des deux guerres mondiales. C'est pourquoi certaines parties du territoire ayant été historiquement épargnées par les bombardements ne sont pas couvertes par des unités de déminage.

Les services de déminage : une couverture opérationnelle inégale

Source : Inspection générale de la sécurité civile, rapport d'inspection et d'évaluation du GID, juin 2021

La montée en puissance de la mission de lutte contre le terrorisme implique pourtant des interventions dans l'ensemble du pays, et non plus uniquement sur les zones historiquement touchées par les bombardements des conflits mondiaux. Le décalage entre la cartographie opérationnelle du GID et l'évolution du risque pourrait mener à une dégradation des performances du service en matière de délais d'intervention. Le rapporteur spécial invite donc la DGSCGC à actualiser au plus vite sa stratégie d'implantation des unités de déminage.

La redéfinition de la cartographie opérationnelle du GID pourrait impliquer, d'après la DGCSGC, l'ouverture de nouveaux centres de déminage, et partant, des recrutements supplémentaires. À cet égard, la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) a acté le recrutement de 7 nouveaux démineurs. Le rapporteur spécial estime que le GID devra mener, sans préjudice de ces recrutements, une réflexion sur les possibilités de redéploiements d'effectifs entre les centres de déminage, compte tenu des écarts de sollicitation importants entre différentes unités.

Cette situation fait par ailleurs peser un risque de dégradation des compétences des démineurs affectés aux sites où la sollicitation opérationnelle est la plus faible. C'est pourquoi le rapporteur spécial invite la direction centrale du GID à formaliser une stratégie de formation continue de ses démineurs.

B. UNE POLITIQUE DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES QUI DOIT ÊTRE MODERNISÉE POUR GARANTIR LA PÉRENNITÉ DU SERVICE

Le GID est actuellement confronté au défi du vieillissement de ses effectifs, recrutés pour la plupart après une première partie de carrière dans la police nationale. Ainsi, les services de déminage connaissent actuellement une dynamique de départs à la retraite préoccupante pour leur pérennité. Dans ce contexte, le GID peine en effet à maintenir son effectif réel en conformité avec son effectif théorique.

Effectifs du GID au 31 mars 2024

 

Effectif théorique

Effectif réel

Écart entre effectifs théorique et réel

Démineurs

343

324

- 19

Personnels administratifs

15

13

- 2

Personnels techniques

20

18

- 2

Total

378

355

- 23

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Par ailleurs, le rapporteur spécial a relevé, lors de ses travaux, le caractère archaïque des outils de suivi des ressources humaines du GID. Il invite donc ce service à se doter au plus vite d'une véritable stratégie de gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC), afin d'anticiper la vague de départs à la retraite des démineurs et la refonte à venir de la cartographie opérationnelle du GID.

C. LE GID DOIT ÉGALEMENT DISPOSER DES MOYENS HUMAINS ET MATÉRIELS GARANTISSANT AUX DÉMINEURS LA RÉALISATION DE LEURS MISSIONS OPÉRATIONNELLES DANS DES CONDITIONS OPTIMALES

1. Un déséquilibre entre le nombre de démineurs et le nombre de personnels de soutien, au détriment des missions opérationnelles du GID

Le GID dispose actuellement de 324 démineurs et de 31 personnels de soutien, dont 13 personnels administratifs et 18 personnels techniques. Le ratio entre personnels de soutien et personnels opérationnels est actuellement de 1 sur 10,45, alors que, pour les services opérationnels comparables en termes de taille et d'organisation, ce ratio est de l'ordre de 1 sur 6,81. Ce sous-dimensionnement des personnels de soutien oblige certains démineurs à consacrer une part importante de leur temps à des missions de logistique qui ne relèvent pas de leurs compétences. Il en résulte notamment un affaiblissement de la capacité d'intervention des services de déminage, mais aussi, une perte de sens pour certains démineurs.

Il convient donc, pour permettre aux démineurs de se recentrer sur leur coeur de métier, de remédier au déséquilibre entre personnels opérationnels et personnels de soutien. À cet égard, le rapporteur spécial se félicite du recrutement de 15 personnels de soutien annoncé dans le cadre de la LOPMI, et veillera à la concrétisation effective de ces recrutements.

2. Le suivi de l'activité opérationnelle des démineurs devrait être amélioré par la mise en oeuvre du projet informatique SOFIE

Le suivi des opérations est primordial pour coordonner l'activité des démineurs, mais aussi, pour assurer leur sécurité en intervention. En 2012, deux démineurs ont été grièvement blessés en intervention par l'explosion d'un obus et étaient de ce fait dans l'incapacité de solliciter les secours. Cet exemple montre à quel point l'absence d'outil de suivi des interventions peut être préjudiciable pour le GID. Force est toutefois de constater que, jusqu'en 2023 et la mise en oeuvre du projet informatique « système opérationnel et fichiers d'informations sur les explosifs » (SOFIE), ces outils étaient particulièrement lacunaires.

Le projet SOFIE a en effet été en développé par le DGSCGC et mis en service depuis janvier 2023 pour remédier à cet écueil, pour un coût actuellement estimé à 1,6 million d'euros. Les fonctionnalités de cette application, dont le développement est encore en cours, devraient notamment inclure une « cartographie » des interventions en temps réel, et permettre ainsi un meilleur suivi des démineurs en opération. Le rapporteur spécial se félicite du développement de ce projet, qui doit désormais impérativement être finalisé.

3. Le renouvellement des moyens matériels des démineurs doit également faire l'objet d'une attention particulière compte tenu notamment de l'évolution des technologies mobilisées par les organisations terroristes

Le parc de robots démineurs du GID est aujourd'hui vieillissant. En effet, parmi les 31 robots dont dispose le GID, 9 ont été mis en service en 2004, et 16 l'ont été en 2011. Le vieillissement du parc de robot implique, d'une part, un risque de dégradation des conditions d'intervention, et d'autre part, une multiplication des opérations de maintien en condition opérationnelle (MCO) de ces appareils.

La stratégie de renouvellement des moyens matériels doit pourtant faire l'objet d'une attention particulière dans un contexte où l'évolution des technologies permet aux organisations terroristes d'élaborer des dispositifs explosifs toujours plus complexes et sophistiqués. À cet égard, le rapporteur spécial se félicite des avancées de la LOPMI, qui prévoit de consacrer 32,8 millions d'euros aux services de déminage, et qui a notamment déjà permis l'acquisition de nouveaux robots démineurs, mais aussi, d'équipements innovants tels des brouilleurs 5G ou des appareils de radioscopie permettant de réaliser des levées de doutes sur des colis suspects.

LES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Recommandation n° 1 : améliorer à la fois la programmation budgétaire des crédits de fonctionnement et d'investissement du groupement d'intervention du déminage (GID) et le pilotage de ces crédits en cours d'exécution (direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises-DGSCGC et direction du budget).

Recommandation n° 2 : afin d'assurer une couverture opérationnelle optimale du territoire, redéfinir l'implantation des centres de déminage par rapport à l'évolution des missions des démineurs. Procéder dans ce cadre à un redéploiement d'effectifs en fonction des besoins réels en personnel des différents centres de déminage (DGSCGC).

Recommandation n° 3 : afin de garantir le maintien des compétences des démineurs, notamment dans les centres de déminage où la sollicitation opérationnelle est moins importante, confier à la direction centrale du GID l'élaboration d'un plan annuel de formation (DGSCGC).

Recommandation n° 4 : doter le GID d'une véritable politique de gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC), afin d'anticiper la dynamique de départs à la retraite des démineurs (DGSCGC).

Recommandation n° 5 : afin de permettre aux démineurs de se recentrer sur leurs missions opérationnelles, rééquilibrer le ratio entre personnels de soutien et personnels opérationnels au sein du GID (DGSCGC).

Recommandation n° 6 : afin de renforcer le suivi des opérations des services de déminage, finaliser le développement du projet informatique « système opérationnel et fichiers d'informations sur les explosifs », dit projet SOFIE (DGSCGC).

I. LES DÉMINEURS DE LA SÉCURITÉ CIVILE : UN SERVICE CRUCIAL DONT LES MISSIONS SE SONT DIVERSIFIÉES DEPUIS SA CRÉATION LORS DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

A. LE GROUPEMENT D'INTERVENTION DU DÉMINAGE, UN SERVICE ESSENTIEL DONT LES FONCTIONS ONT ÉVOLUÉ AU COURS DU TEMPS ET AUX BESOINS BUDGÉTAIRES CROISSANTS

1. Un service au domaine de compétence large, de la neutralisation des engins issus des conflits mondiaux à la lutte contre le terrorisme

Le groupement d'intervention du déminage (GID) est un service rattaché à la sous-direction des moyens nationaux de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) du ministère de l'intérieur.

Les démineurs du GID ont pour missions, d'une part, de démanteler les munitions explosives et chimiques issues des deux conflits mondiaux, et d'autre part, de contribuer à la lutte contre le terrorisme. Ces missions sont détaillées plus précisément à l'article 3 de l'arrêté du 2 septembre 2005, qui prévoit que les démineurs du GID participent à :

« - des travaux de détection, de neutralisation ou de destruction des mines, obus et bombes, munitions et explosifs ;

- des opérations de détection, de neutralisation ou de destruction des artifices et des engins suspects (engins explosifs, nucléaires, radiologiques, bactériologiques et chimiques improvisés) ;

- des missions liées aux voyages officiels des hautes personnalités ou à toutes manifestations socioculturelles ».

Le maillage territorial du GID se décline de la manière suivante :

- 1 direction centrale située à Paris ;

- 1 centre de formation et de soutien situé à Mort-Mare ;

- 26 unités opérationnelles délocalisées, soit 22 centres de déminage dont 2 centres outre-mer (Guadeloupe et Guyane), 1 centre de coordination des chargements chimiques de Suippes, ainsi que 3 antennes de déminage (Calais, Orly, Roissy) ;

Le service est compétent sur tout le territoire, à l'exception de l'agglomération parisienne, qui dispose d'une brigade de déminage propre au sein du laboratoire central de la préfecture de police de Paris (LCPP).

Organisation territoriale du groupement d'intervention du déminage

Source : réponses de la DGSCGC au questionnaire du rapporteur spécial

2. Une sollicitation croissante du GID et une budgétisation des crédits qui lui sont consacrés en hausse depuis 10 ans

Le GID fait l'objet d'une sollicitation opérationnelle croissante depuis 10 ans. Entre 2014 et 2023, le nombre d'interventions réalisées par les démineurs de la sécurité civile est en effet passé de 15 307 à 16 907, soit une augmentation de 10,5 % sur cette période.

Évolution du nombre d'interventions du GID entre 2014 et 2023

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

On constate en parallèle une augmentation importante des crédits consacrés aux GID, qui sont retracés au sein du programme 161 « Sécurité civile » de la mission « Sécurités ». Ainsi le montant des crédits exécutés est passé de 33,9 millions d'euros en crédits de paiement à 50,8 millions d'euros en crédits de paiement (CP) entre 2014 et 2023, ce qui représente une augmentation de près de 50 % sur cette période.

Cette augmentation est portée par l'ensemble des postes de dépense. Plus particulièrement, les crédits de personnel, qui représentent la majorité des dépenses du GID, ont été exécutés à hauteur de 33,7 millions d'euros en CP en 2023 contre 29,5 millions en 2014 (+ 14 %). Toutefois, ces dépenses de titre 2 tendent à stagner voire à régresser depuis 5 ans, puisque celles-ci s'élevaient jusqu'à 33,8 millions d'euros en 2019. Ce constat s'explique principalement par la dynamique actuelle de départs à la retraite des démineurs du GID et les difficultés rencontrées par ce service pour atteindre son effectif cible dans ce contexte (voir infra).

Les autres dépenses de fonctionnement ont plus que doublé sur la période, passant de 3,9 millions d'euros en CP en 2014 à 8,6 millions d'euros en 2023 (+ 120 %), ce qui peut s'expliquer en partie par l'inflation, mais aussi, par l'augmentation de l'activité opérationnelle du GID sur cette période.

Enfin les dépenses d'investissement, principalement rythmées par les dynamiques de renouvellement des équipements du GID et les différents projets de modernisation des unités opérationnelles délocalisées, sont passées de 0,5 million d'euros en 2014 à 8,6 millions d'euros en 2023, soit une multiplication par 17 de ce poste de dépense.

Évolution des crédits budgétaires consacrés au GID exécutés entre 2014 et 2023

(en millions d'euros et en crédits de paiement)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Le rapporteur spécial a par ailleurs constaté dans le cadre de ses travaux :

- d'une part, une sur-exécution récurrente des dépenses de fonctionnement entre 2014 et 2023, avec des écarts s'élevant de 38,2 % en 2023, jusqu'à près de 250 % en 2017 ;

- d'autre part, une sous-exécution importante des dépenses d'investissement sur cette même période, avec des écarts s'élevant jusqu'à 81,8 % en 2014, et avec pour seule exception l'année 2019 marquée par une sur-exécution de 11 %.

Comparaison entre les prévisions et l'exécution des crédits
relatifs aux dépenses de fonctionnement du GID entre 2014 et 2023

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Comparaison entre les prévisions et l'exécution des crédits
relatifs aux dépenses d'investissement du GID entre 2014 et 2023

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Ainsi, sur l'ensemble de la période 2014 à 2023, les crédits de fonctionnement ont fait l'objet d'une sur-exécution de 88,8 %, tandis que les crédits d'investissement ont été sous-exécutés à hauteur de 37 %. Au total, l'ensemble des crédits hors titre 2 consacrés aux GID ont fait l'objet d'une sur-exécution de 10,25 % sur cette période.

Les écarts récurrents et excessifs entre budgétisation et exécution des crédits d'investissement et de fonctionnement du GID doivent inviter le Gouvernement à améliorer l'évaluation de ces dépenses lors de l'élaboration des prochains projets de loi de finances (PLF). Si ces écarts peuvent ponctuellement être dus à des évènements imprévisibles, leur caractère systématique depuis 10 ans semble plutôt indiquer un manque de précision voire de sincérité dans la prévision des crédits affectés aux services de déminage de la sécurité civile.

Le rapporteur spécial plaide également pour un meilleur pilotage des crédits en exécution, dans la droite ligne des critiques formulées à ce sujet par l'inspection générale de la sécurité civile (IGSC). L'IGSC a en effet déploré, dans un rapport de juin 20222(*), les lacunes du suivi de l'exécution du budget du GID qui relève à la fois des chefs de centre, de la direction centrale, voire du secrétariat général pour l'administration du ministère de l'intérieur (SGAMI). D'après l'IGSC, « la gestion financière est principalement réalisée par le chef de centre ou son adjoint, sauf si le centre est doté d'un agent administratif, généralement la gestion financière lui est déléguée. La remarque principale qui ressort lors des inspections est la non visibilité du budget. En effet le chef de centre ne connaît pas ses budgets annuels de fonctionnement et d'investissement. »

Ces écarts entre programmation et exécution des dépenses fait par ailleurs écho à une préoccupation déjà formulée par la commission des finances sur l'exécution des crédits du programme « Sécurité civile ». Dans le cadre de l'examen de la loi de règlement pour l'année 2022, le rapporteur spécial avait en effet souligné « la situation de forte tension qui pèse sur l'exécution des crédits du programme 161 », tout en déplorant que « ces faibles marges de manoeuvre pourraient entrainer à terme un effet d'éviction des dépenses opérationnelles » sur les dépenses d'investissement, faisant ainsi peser le risque « d'un sous-investissement néfaste aux capacités opérationnelles de la sécurité civile. » Il serait en effet regrettable que la sur-exécution chronique des crédits de fonctionnement se traduisent in fine par des effets d'éviction sur les investissements structurants des services de déminage.

Dans ce contexte de forte tension pesant sur le budget du programme 161, il est nécessaire, d'une part, que les crédits programmés en loi de finances initiale soient évalués avec la plus grande sincérité, et d'autre part, que le pilotage de l'exécution de ces crédits soit renforcé.

Recommandation n° 1 : améliorer à la fois la programmation budgétaire des crédits de fonctionnement et d'investissement du GID et le pilotage de ces crédits en cours d'exécution (DGSCGC et direction du budget).

3. Les démineurs de la sécurité civile bénéficient d'une formation de qualité qui les place comme une référence auprès de leurs partenaires internationaux

Le GID est composé de 353 agents, dont 324 démineurs, 13 personnels administratifs et 18 personnels techniques3(*). Les démineurs ont la particularité d'être recrutés uniquement parmi les fonctionnaires de la police nationale.

Chaque démineur recruté au sein du GID est assujetti à des périodes de formation dispensées au sein du centre de formation et de soutien de Mort Mare. Ces formations sont déclinées par l'arrêté du 2 septembre 2005 relatif à l'exercice des fonctions de démineur de la sécurité civile. Chaque niveau de formation correspond à un niveau hiérarchique différent :

- le niveau 1, qui constitue le niveau de formation minimal auquel sont assujettis tous les démineurs nouvellement recrutés, permet d'accéder aux fonctions de démineur adjoint ;

- le niveau 2 correspond à la fonction de démineur ;

- le niveau 3 permet d'accéder à la fonction de chef démineur ;

- le niveau 4 correspond à la fonction de chef démineur principal ;

- le certificat d'aptitude à la manipulation des appareils radiologiques industriels (CAMARI) constitue un cycle de formation spécifique.

Il convient de noter que chaque formation validée par le démineur lui permet d'accéder à aux fonctions hiérarchiques correspondant à ce niveau de formation, indépendamment du grade que ce dernier occupe dans la police nationale.

L'absence de concordance entre grade et emploi : Une particularité du GID

L'organisation du GID se caractérise par une absence de concordance entre grade et emploi.

En effet, un commandant de police souhaitant intégrer le GID disposera de responsabilités correspondant à son niveau de formation dans le domaine du déminage. S'il n'en a aucune, il sera démineur adjoint après l'obtention du niveau 1.

Ainsi des sous-officiers de niveau 2 ou 3 peuvent diriger des officiers de niveau 1, et rien n'oblige ces officiers de police d'exercer des missions à responsabilités ou de disposer de niveaux opérationnels élevés. Ces derniers peuvent occuper des fonctions de démineur adjoint, tout en étant rémunéré sur la grille statutaire d'un commandant ou d'un capitaine de police.

Source : IGSC, document de synthèse des visites des centres de déminage, juin 2022

Au total, le centre de formation et de soutien a dispensé sur l'année 2023 près de 589 heures de formation pour la mission de démantèlement des munitions de guerre issus des deux conflits mondiaux, 120 heures de formation pour les missions liées à la lutte contre le terrorisme, et 312 heures de formation dans le cadre de la délivrance du CAMARI.

Le temps de formation nécessaire pour accéder au plus haut niveau de qualification est de 8 ans, ce qui représente une contrainte importante pour le GID, dans la mesure où ces périodes de formation, qui sont assurées par des démineurs en fonction, implique une mobilisation importante des agents, au détriment des missions opérationnelles.

Toutefois, du point de vue de l'ensemble des acteurs entendus par le rapporteur spécial, la longueur du processus de formation se traduit avant tout par un très haut de niveau de qualification des démineurs, gage de la qualité du service rendu, et en tout état de cause nécessaire compte tenu du risque inhérent à leur activité. Il convient à cet égard de relever le nombre extrêmement faible d'accidents intervenus en intervention sur les dix dernières années. En effet, entre 2014 et 2023, seuls 4 démineurs ont été blessés en intervention, et aucun décès n'est intervenu.

La qualité des démineurs du GID se traduit également par leur sollicitation importante par des pays étrangers, tant pour la réalisation d'actions de formation que pour la participation à des missions opérationnelles. Les démineurs français sont par exemple régulièrement sollicités dans le cadre de grands évènements sportifs internationaux tels que la coupe du monde de football 2022 organisée au Qatar, pour laquelle 21 démineurs du GID ont été mobilisés.

L'activité internationale du groupement d'intervention du déminage (GID)

Chaque année, le GID participe au dispositif de coopération transfrontalière programmé par la DGSCGC en lien avec la direction de la coopération internationale de sécurité (DCIS) du ministère de l'intérieur. Cette coopération se traduit essentiellement par des missions de formation.

Ainsi, en 2021, le GID a contribué à 13 missions de coopération internationale sous la forme d'actions de formation dispensées par 24 démineurs de la sécurité civile employés durant 107 jours au profit de 10 pays différents4(*). En 2022, 5 missions de coopérations étaient dispensées par 16 démineurs de la sécurité civile employés durant 55 jours au profit de 5 pays différents5(*).

Parallèlement à cette activité de formation programmée, l'expertise du GID peut être sollicitée sur des missions spécifiques :

- mission de formation spécifique aux besoins de l'Ukraine (déminage en milieu subaquatique) ;

- mission d'expertise et d'appui, consécutif à des accidents pyrotechniques telle que l'explosion d'ampleur dans le port de Beyrouth en 2020 ou encore l'explosion d'ampleur d'un dépôt de munition en Guinée équatoriale en 2021 ;

- dans l'élaboration d'exercices internationaux et européens organisés aux fins d'échanges et d'observation de différentes méthodologies d'intervention, telle que la première participation française à l'exercice OTAN « Detonator » en Lettonie, qui a permis la dépollution d'un ancien dépôt de munition ;

- de renforts sur de grands évènements internationaux.

Source : réponses de la DGSCGC aux questionnaires du rapporteur spécial

B. LA MISSION HISTORIQUE DES DÉMINEURS : LA COLLECTE ET LA NEUTRALISATION DES MUNITIONS ISSUES DES CONFLITS MONDIAUX

1. La mission EOD, qui est à l'origine de la création du service lors de la seconde guerre mondiale, constitue encore aujourd'hui l'activité principale du GID

La mission de démantèlement des munitions de guerre issues des deux conflits mondiaux, également appelée mission EOD (Explosive Ordnance Disposal) constitue l'activité historique du GID. En 1944, dans le contexte de la seconde guerre mondiale, une action de déminage a été entreprise. Ainsi, l'ordonnance du 21 février 19456(*) a créé la direction du déminage, placé à l'époque sous la tutelle du ministère de la reconstruction. En 1964, le service du déminage est transféré du ministère de la reconstruction au ministère de l'intérieur.

Encore aujourd'hui, la mission EOD est celle qui mobilise encore le plus les agents du GID, en particulier dans les centres de déminage situés sur les champs de bataille de la 1ère guerre mondiale, tels que les sites d'Arras, de Laon, de Châlons-en-Champagne, de Metz ou de Colmar. C'est également le cas pour les centres de déminage situés dans les villes proches de la côte ouest, bombardée lors de la libération en 1944, à Brest, à Caen, ou à La Rochelle. Ainsi, les interventions réalisées au titre de la mission EOD représente au total près de 75,2 % de l'activité des démineurs.

Répartition de l'activité du GID par type d'intervention en 2023

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

D'après la DGSCGC, il faudrait plusieurs siècles pour collecter et neutraliser l'ensemble des munitions issues des deux guerres mondiales. La mission EOD n'a donc pas vocation à s'éteindre, malgré l'éloignement temporel de ces conflits survenus au XXe siècle et la part de plus en plus importante de la lutte contre le terrorisme dans l'activité du GID (voir infra).

La croissance continue du nombre d'interventions réalisée au titre de la mission EOD depuis plusieurs années semble en effet plaider en ce sens, puisqu'entre 2016 et 2023, l'activité « EOD » du GID est passée de 10 504 à 12 726 interventions, soit une augmentation de 21,2 %. Dans 95 % des cas, il s'agit d'interventions EOD dites « non urgentes », c'est-à-dire sur des munitions qui ne représentent pas un danger immédiat pour la sécurité de la population et des biens.

Évolution du nombre d'interventions réalisées par le GID
dans le cadre de la mission EOD entre 2016 et 2023

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

2. Le stockage et la destruction des munitions : deux étapes cruciales de la mission EOD dont la réalisation dans de bonnes conditions se heurte aujourd'hui au manque d'infrastructures

Dans le cadre de leur mission EOD, les démineurs réalisent au quotidien des « tournées de ramassage », dans le cadre desquelles ils sont amenés à identifier des munitions de guerre, qui font également parfois l'objet de signalements de la part de passants. Une fois identifiées, ces munitions doivent être neutralisées, déplacées, stockées, puis détruites.

Ces différentes opérations impliquent l'existence d'infrastructures dédiées. Le GID dispose ainsi de 15 installations de destruction et 52 installations de stockage, réparties sur 42 sites. Toutes ces infrastructures sont des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Ainsi, un centre de déminage est idéalement composé de trois entités :

- des locaux administratifs et locaux de vie ;

- un dépôt de munitions ;

- un terrain de destruction.

Or, d'après l'IGSC, seuls 50 % des centres de déminage présentent cette constitution. Plus précisément, près d'un quart des centres de déminage ne disposent pas de dépôt de munition, et 50 % ne disposent pas de terrain de destruction7(*).

Les centres de déminage qui bénéficient d'un dépôt de destruction ont recours à des locations, conventions, rétrocessions, voire bénéficient d'autorisation d'occupation temporaire (AOT) de terrains militaires. L'IGSC a mis en évidence dans ses travaux un défaut de suivi des AOT de terrains militaires8(*), ce qui a entrainé la caducité de certaines de ces conventions et, par conséquent, mis en difficulté certains centres de déminage. La DGSCGC a en outre indiqué au rapporteur spécial que le GID a dû faire face entre 2014 et 2018 à la fermeture progressive de plusieurs sites militaires sur lesquels pouvaient être conduites des opérations de destruction de munitions.

L'absence de terrain de destruction dans certains centres est particulièrement contraignante pour les démineurs, puisque cette situation les oblige soit à transporter les munitions sur de nombreux kilomètres, soit à les détruire sur place, avec tous les risques associés.

En outre, le manque de solutions de destruction fait peser un risque sur la sécurité des sites concernés. En effet, cette situation conduit à un déstockage plus lent des munitions qui, au fur et à mesure qu'elles vieillissent, peuvent se dégrader et présenter un risque d'explosion. D'après l'IGSC, « les dépôts ont atteint leur taux de remplissage maximum, les solutions de destructions se réduisent et les risques liés au stockage augmentent. Des accidents graves sont statistiquement prévisibles9(*). »

Le tableau ci-dessous illustre les difficultés rencontrées par le GID pour assurer le déstockage de ses munitions EOD. Sur les 10 derniers exercices, le GID n'est en effet parvenu que deux fois à faire baisser le stock de munitions, en 2019 et en 2023. En ce qui concerne l'exercice 2023, la DGSCGC a reconnu que le déstockage important réalisé était dû au fait que le volume collecté de munitions anciennes s'est avéré relativement faible par rapport aux années précédentes.

Taux d'évolution des stocks collectés de munitions anciennes (EOD)
entre 2014 et 2023

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

+ 9 %

+ 6,9 %

+ 9 %

+ 27 %

+ 19 %

- 0,8 %

+ 1,9 %

+ 0,3 %

+ 3,9 %

- 7,2 %

Source : commission des finances, d'après le rapport annuel de performances (RAP) de la mission « Sécurités » annexé au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023

Le rapporteur spécial estime que la problématique des capacités de stockage et de destruction devra impérativement être abordée dans le cadre de la refonte du maillage territorial du GID (voir infra) actuellement mené par la DGSCGC. Cette nouvelle répartition pourrait en effet se traduire par la création de nouveaux centres de déminage, ce qui constituera une occasion d'augmenter les capacités de stockage du GID sur l'ensemble du territoire.

Par ailleurs, la DGSCGC chercherait actuellement à se doter d'un terrain dédié à la destruction des munitions de guerre « à forte capacité10(*) », afin que le GID puisse s'affranchir de la disponibilité des terrains militaires, et améliorer ainsi sa gestion des stocks de munitions collectées. Toutefois, ce projet peine à se concrétiser.

Il convient également de relever que la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) prévoit entre 2023 et 2027 un total de 19,2 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et crédits de paiement (CP) consacrés à la modernisation des infrastructures et aux moyens dédiés à la gestion des restes d'explosifs de guerre. Toutefois, les informations transmis au rapporteur spécial sur ce point ne permettent pas de savoir si ces investissements permettront réellement d'améliorer les capacités de stockage des infrastructures existantes.

Présentation des crédits de la LOPMI consacrés aux services de déminage

La LOPMI prévoit de consacrer 32,8 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) aux services de déminage entre 2023 et 2027.

Ces crédits seront notamment consacrés à :

- la modernisation des infrastructures du GID (19,2 millions d'euros) ;

- l'investissement dans la modernisation des moyens du déminage dédiés à la lutte contre la menace terroriste (6,2 millions d'euros) ;

- la formation des démineurs, d'une part, en matière d'engins explosifs de fabrication artisanale (1 million d'euros), et d'autre part, en matière de gestion des ICPE (0,6 million d'euros).

En outre, la GID devrait bénéficier dans le cadre de la LOPMI du recrutement de 22 effectifs supplémentaires, dont 7 démineurs et 15 personnels de soutien.

Source : réponses de la DGSCGC aux questionnaires du rapporteur spécial

3. La neutralisation des munitions chimiques fait l'objet d'une procédure spécifique, réalisée en lien avec le ministère des armées

La neutralisation des armements chimiques nécessite des compétences spécifiques, ce qui a justifié la création d'un centre dédié - le centre de coordination des chargements chimiques (C4) de Suippes.

La gestion de ces munitions chargées en agent chimique fait l'objet d'un partage des compétences entre les démineurs de la sécurité civile et le ministère des armées.

Conformément à l'article R. 733-2 du code de la sécurité intérieure (CSI), la sécurité civile est responsable de la collecte, du transport et du stockage des munitions chimiques dans l'attente d'une destruction. Elle prend également en charge l'élimination des munitions chimiques rendues intransportables compte tenu de leur état de dégradation au cours du stockage.

Ainsi, la GID collecte chaque année entre 10 et 15 tonnes de restes de guerre chargés en agents chimiques, dont le transport vers le centre de Suippes est réalisé par chacun des 26 centres de déminage. Ces munitions font ensuite l'objet d'un recensement à leur arrivée au centre. À l'issue d'une identification réalisée par levée de doute, les munitions sont étiquetées puis stockées dans des soutes dites « tampons » dans l'attente du contrôle annuel réalisé par l'organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC). À l'issue de ce contrôle, les munitions sont stockées dans l'attente de leur destruction.

La destruction des munitions chimiques transportables ainsi que la gestion des déchets issus de cette destruction relèvent en revanche de la compétence du ministère des armées. Le programme SECOIA (« système d'élimination des chargements et objets identifiés anciens »), lancé en 1997 pour répondre à l'entrée en vigueur de la convention d'interdiction des armes chimiques, a permis la construction d'une installation destinée à les détruire, sans intervention humaine directe. Ainsi, depuis la mise en service de l'usine SECOIA en 2018, 1 936 munitions ont été détruites dont 552 en 2023.

Toutefois, le vieillissement de certaines munitions est susceptible de provoquer des fuites d'agents chimiques et complique donc considérablement le transport de ces munitions des soutes de stockage C4 vers l'usine de destruction SECOIA située à quelques dizaines de kilomètres de site de Suippes. Cette situation est d'autant plus préoccupante que les capacités de stockage du site de Suippes sont limitées, le taux d'occupation des soutes C4 étant en effet proche de 98 %.

Ces difficultés ont conduit le GID à suspendre les livraisons de munitions vers l'usine SECOIA depuis 2021, et ont abouti à la création d'un second dispositif de destruction sur le site de stockage de Suippes, notamment pour traiter les munitions devenues non transportables, appelé système d'élimination par thermolyse des munitions chimiques ou « 7MC ». Ce site devrait être mis en service en 2025, et financé par le ministère des armées. Le maintien en condition opérationnelle, qui sera en revanche supporté par le programme 161 « Sécurité civile », devrait représenter un coût annuel d'environ 1 million d'euros et impliquer le recrutement de 15 personnels dédiés.

Par ailleurs, pour répondre à la problématique du manque de capacités de stockage du C4, un projet d'installation de 12 nouvelles soutes est en cours de préparation, pour une livraison prévisionnelle fin 2024, début 2025. Ce programme est financé par le ministère des armées à hauteur d'1,5 million d'euros.

C. LA MISSION DE LUTTE CONTRE LE TERRORISME PREND UNE PART CROISSANTE DANS L'ACTIVITÉ DU GID DEPUIS LES ATTENTATS DE NOVEMBRE 2015

La GID contribue également à la lutte contre la menace terroriste. Ainsi, les démineurs sont amenés à intervenir sur des colis suspects, à assister les forces de sécurité intérieure pour les missions d'assistance à perquisition et sont associés à la sécurisation des grands évènements et des voyages officiels.

Depuis les attentats de novembre 2015, la mission de lutte contre la menace terroriste a pris de l'ampleur. Le nombre d'interventions réalisées au titre de cette mission est en effet passé de 2 866 à 4 181 entre 2014 et 2023, soit une hausse de 45,9 %.

La croissance du nombre d'interventions réalisées par les démineurs sur la période a donc été plus marquée pour la mission de lutte contre la menace terroriste (+ 45,9 %) que pour la mission EOD (+ 21 %).

Il convient toutefois de relever que cette mission demeure aujourd'hui minoritaire dans l'activité des démineurs, puisqu'elle représente en 2023 environ 25 % des interventions réalisées par le GID.

Évolution du nombre d'interventions réalisées par le GID
dans le cadre de la mission de lutte contre la menace terroriste

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

1. L'intervention sur objets suspects occupe désormais une part substantielle de l'activité des démineurs

Dans le cadre de leur mission de lutte contre la menace terroriste, les démineurs de la sécurité civile peuvent être amenés à intervenir sur des colis suspects (mission IEDD ou Improvised Explosive Device Disposal). En cas de découverte d'un colis suspect en heures ouvrables, les services de la préfecture sollicitent le centre de déminage compétent. En heures non ouvrables, la permanence de la préfecture sollicite le centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC) qui relaie l'information vers l'équipe d'astreinte du centre de déminage compétent.

Au total, 2 806 interventions IEDD ont été réalisées en 2023, contre 2 127 en 2014, et 4 004 en 2017. Le nombre d'interventions réalisées dans le cadre de cette mission a ainsi augmenté de 31 % sur les dix dernières années.

Les interventions sur objets suspects sont en grande partie concentrées sur les aéroports parisiens de Roissy Charles de Gaulle (CDG) et d'Orly. En effet, 1 190 interventions ont été réalisées par les antennes de Roissy CDG et Orly en 2023, soit 42,4 % des interventions IEDD réalisées par le GID.

Évolution du nombre d'interventions sur colis suspects entre 2014 et 2023

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Le rapporteur spécial a eu l'occasion de constater, dans le cadre de son déplacement, le très haut niveau de qualification et d'engagement des démineurs sur cette mission, qui se traduit dans les faits par des délais d'interventions satisfaisants. En ce qui concerne les interventions hors antennes de Roissy CDG et Orly, 95,5 %des interventions ont été réalisées dans les délais fixés par la DGSCGC, c'est-à-dire, dans les 2 heures suivant le signalement du colis suspects aux démineurs.

Interventions IEDD réalisées dans les délais*

2019

2020

2021

2022

2023

96,9 %

96,9 %

98 %

96 %

95,5 %

* Hors interventions réalisées par les équipes prépositionnées dans les aéroports parisiens

Source : commission des finances, d'après le rapport annuel de performances (RAP) de la mission « Sécurités » annexé au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023

Si les délais d'intervention hors aéroports sont stables et satisfaisants, on constate une dégradation des résultats des sites aéroportuaires parisiens d'année en année. Les résultats de l'année 2023 apparaissent particulièrement préoccupants, puisque seules 77 % des interventions ont été réalisées dans le délai de 15 minutes fixé par la DGSCGC, contre 96,2 % en 2019.

Interventions IEDD réalisées dans les délais par les équipes
des antennes de Roissy CDG et Orly

2019

2020

2021

2022

2023

96,2 %

95,15 %

95,13 %

91 %

77 %

Source : commission des finances, d'après le rapport annuel de performances (RAP) de la mission « Sécurités » annexé au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023

D'après la DGSCGC, cette dégradation du délai de réponse dans les aéroports parisiens s'explique « par la réduction de la plage horaire de présence sur site dû à une baisse des effectifs, augmentant le nombre d'interventions réalisées lors d'astreintes hors site, ajoutant un temps de transport au délai global. » Concernant plus particulièrement le site d'Orly, elle estime que la hausse des délais d'intervention résulte également « de nouvelles restrictions d'accès imposées aux équipes prépositionnées sur l'aéroport », qui ont eu pour effet d'allonger le temps d'intervention dans certaines parties du site jusqu'à 25 minutes.

2. La sécurisation des grands évènements peut impliquer une très forte mobilisation des démineurs, comme l'illustre l'exemple des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024
a) Les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 mobilisera près de la moitié des effectifs du GID

Le GID est régulièrement amené à participer à la sécurisation de grands évènements culturels et sportifs organisés sur le territoire national. L'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de 2024 en France impliquera une mobilisation exceptionnelle des démineurs de la sécurité civile. Ils participeront ainsi à la sécurisation de 14 sites de compétition, 21 hôtels, 2 villages olympiques et 22 sites d'entraînements.

Pour ce faire, le GID mobilisera au total 190 de ses agents :

- 80 démineurs hors Île-de-France et 10 personnels dédiés à l'appui et au soutien opérationnel ;

- 100 démineurs, dont 40 démineurs plongeurs, qui interviendront en renfort des démineurs du laboratoire central de la préfecture de police (LCPP) de Paris pour assurer les inspections de sécurité et la sécurisation de la cérémonie d'ouverture, mais aussi, pour intervenir sur la voie publique dans Paris et sur les zones à fort flux de passagers.

b) La mobilisation de moyens supplémentaires est apparue nécessaire pour garantir la sécurité des JOP

D'après la DGSCGC, « le principal enjeu impliqué par l'organisation des JOP réside dans la planification de la ressource opérationnelle11(*) ». En effet, les démineurs du GID devront d'une part, répondre au besoin de sécurisation des sites olympiques, d'autre part, continuer de réaliser leurs interventions quotidiennes et habituelles.

Le ministère de l'intérieur a donc sollicité des moyens humains complémentaires pour venir en renfort des démineurs sur le terrain.

Tout d'abord, la DGSCGC a demandé l'appui de plusieurs pays partenaires, dans plusieurs spécialités, telles que le déminage ou la recherche d'explosifs par des équipes cynotechniques12(*).

Parallèlement, le Gouvernement a mis en place un dispositif appelé « EOR » (Explosive Ordnance Reconnaissance), consistant en la mobilisation de personnels administratifs et techniques relevant du ministère de l'intérieur pour travailler en appui des équipes de déminage. Il convient de souligner que ces agents n'ont pas vocation à se substituer aux démineurs pour les actions de neutralisation des explosifs, mais plutôt de participer à la recherche d'engins suspects et à la détection des menaces NRBC13(*) au sein des sites olympiques. Ainsi, 214 EOR ont suivi au cours du premier semestre 2024 une formation de 35 heures répartie sur 5 jours. Ils percevront en outre une indemnisation de 130 euros par vacation, dans la limite de deux vacations par jour.

Le rapporteur spécial a interrogé l'ensemble des personnes auditionnées sur la pertinence du recours à des personnels administratifs et techniques pour réaliser des missions de ce type. Force est de constater que tous les acteurs entendus sont unanimes sur l'intérêt de cette initiative, dans la mesure où celle-ci :

se limite uniquement à la levée de doute, et non aux missions de neutralisation des engins explosifs, qui requiert naturellement une expertise beaucoup plus importante ;

- est peu contraignante dans sa mise en oeuvre, puisqu'elle nécessite un temps de formation relativement court des agents ;

- est peu coûteuse, contrairement au recours aux sociétés privées pour la réalisation de ces missions.

En complément de ces renforts en moyens humains, le GID a pu bénéficier dans le cadre de la LOPMI de 6,2 millions d'euros en AE et en CP alloués à l'achat de matériels ayant vocation à être utilisés pour la mission de neutralisation des engins suspects, tels que des systèmes de radiocommunication ou des brouilleurs14(*). Ces crédits ont intégralement été inscrits sur les exercices 2023 et 2024 afin que ces équipements puissent renforcer les moyens du GID dès les JOP de 2024.

La DGSCGC a également indiqué mener une réflexion pour faire appel à moyen terme à des réservistes qui seraient mobilisés pour réaliser des missions EOR lors de grands évènements, mais aussi, pour réaliser des missions ponctuelles de formation.

II. UNE MODERNISATION IMPÉRATIVE DU GROUPEMENT D'INTERVENTION DU DÉMINAGE POUR DÉSAMORCER LES RISQUES DE PERTE D'EFFICACITÉ OPÉRATIONNELLE

A. UN MAILLAGE TERRITORIAL INADAPTÉ À LA RÉALITÉ DE LA SOLLICITATION DU GID, RISQUANT DE DÉGRADER LA PERFORMANCE DU SERVICE

1. La cartographie opérationnelle du GID, fruit de l'histoire, ne correspond plus à la réalité des missions des démineurs

La répartition géographique des centres et antennes de déminage, fruit de l'histoire, ne répond actuellement plus à la réalité des missions réalisées par les démineurs. En effet, l'implantation des centres de déminage avait été pensée de manière à couvrir les zones du territoire ayant subies des bombardements lors des deux guerres mondiales, et correspondait donc à une époque où l'activité des démineurs se limitait essentiellement à la mission EOD. Concrètement, cette répartition géographique implique que certaines zones du territoire ayant été historiquement épargnées par les bombardements ne sont pas couvertes par des unités de déminage. Ainsi, la carte présentée ci-dessous montre clairement l'absence de centre de déminage dans une zone située dans le centre de la métropole.

Une couverture territoriale inégale des unités de déminage

Source : IGSC, rapport d'inspection et d'évaluation du GID, juin 2021

D'après l'IGSC « certaines unités doivent couvrir des secteurs opérationnels immenses et parcourir des distances énormes pour se rendre sur intervention15(*) ». À titre d'exemple, dans le cadre de son déplacement au centre de déminage de Versailles, le rapporteur spécial a pu constater, le champ d'intervention territorial particulièrement large de cette unité, qui s'étend sur pas moins de 11 départements16(*).

Cette situation implique un décalage entre la couverture opérationnelle du GID et l'évolution des risques. En effet, la montée en puissance de la mission IEDD suppose des potentielles interventions sur l'ensemble du territoire, et non plus uniquement sur les territoires historiquement touchés par les bombardements des conflits mondiaux.

Le décalage entre la cartographie opérationnelle du GID et la cartographie du risque pourrait peser sur les performances du service en matière de délais d'intervention. En effet, d'après l'IGSC, cette organisation obsolète peut induire, dans certains secteurs, des délais d'intervention supérieurs à 2 heures. Cette situation est d'autant plus problématique que la France a déployé, face à la menace terroriste, une réponse opérationnelle s'appuyant sur des unités d'intervention telles que le groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) ou la brigade de recherche et d'intervention (BRI) auxquelles sont associés les démineurs du GID. Ces derniers doivent donc intervenir avec les mêmes critères de délais que ces forces d'intervention.

2. Il convient dès lors d'engager au plus vite une réorganisation de la couverture territoriale des unités opérationnelles du GID

Dans ce contexte, et pour éviter une augmentation trop importante des délais d'intervention, la DGSCGC a prévu depuis 2018 la possibilité pour les services de déminage de recourir aux moyens aériens de la sécurité civile lorsque les délais d'intervention sur colis suspects sont supérieurs à 1 heures 30. En 2023, les démineurs ont ainsi pu bénéficier de 19 opérations de transport réalisées par les hélicoptères « Dragons » de la sécurité civile. Cette solution présente un certain intérêt opérationnel, mais constitue un pis-aller et ne doit en aucun cas dispenser la DGSCGC de mener une réflexion approfondie sur la réorganisation de la cartographie opérationnelle du GID.

Ce constat s'inscrit dans la droite ligne des travaux de l'IGSC, qui a par ailleurs déploré que la direction centrale du GID « ne dispose pas de documents structurants décrivant l'organisation optimale de la réponse opérationnelle17(*) ». Une réflexion sur l'adaptation de la couverture opérationnelle du GID doit pourtant être engagée. Celle-ci devra se traduire, d'après l'IGSC, par un « schéma national d'analyse et de couverture des risques du déminage », et permettrait concrètement d'élaborer :

- une cartographie du risque lié au déminage en tenant compte de l'occurrence et de la gravité ;

- une répartition adaptée des centres de déminage ;

- la définition d'un effectif théorique des personnels par centre (voir infra) ;

- la définition des matériels affectés dans chaque centre.

Le GID travaillerait actuellement à l'élaboration d'un projet de restructuration de sa cartographie opérationnelle, qui pourrait déboucher sur la création de nouvelles implantations. L'ouverture de ces nouvelles implantations devrait en tout état de cause permettre :

- d'une part, d'optimiser les délais d'intervention par une meilleure couverture du territoire par les centres de déminage ;

- d'autre part, de maintenir en capacité les soutes de stockage.

Il convient de noter que cette remise à plat de la cartographie opérationnelle pourrait nécessiter, du point de vue de la DGSCGC, des recrutements complémentaires. À cet égard, le recrutement de 7 démineurs supplémentaires a été acté dans le cadre de la LOPMI. Ces hausses d'effectifs sont bienvenues mais ne doivent pas dispenser le GID de mener une réflexion sur la possibilité de redéploiement d'effectifs dans le cadre de la refonte de l'implantation territoriale des services de déminage (voir infa).

En tout état de cause, il est regrettable que la réflexion stratégique sur l'implantation territoriale des centres de déminage n'ait pas été menée plus tôt, d'autant plus que la montée en puissance de la mission de lutte contre le terrorisme n'est pas un phénomène nouveau. Ces travaux auraient pu être approfondi en amont de l'élaboration de la LOPMI. En effet, l'ouverture de nouveaux centres dans les territoires mal couverts par les services de déminage pourrait impliquer des investissements conséquents, et la LOPMI aurait pu à cet égard constituer un vecteur intéressant pour donner une impulsion budgétaire à cette initiative.

Le rapporteur spécial invite donc la DGSCGC à formaliser sans plus attendre cette stratégie d'implantation territoriale des services de déminage à partir d'une nouvelle cartographie opérationnelle du GID, et à engager au plus vite les investissements nécessaires pour la mettre concrètement en oeuvre.

L'obsolescence de la cartographie opérationnelle du GID se traduit par des écarts de sollicitations importants entre démineurs de différentes unités délocalisées. À titre d'exemple, le site de la a de Brest a fait l'objet de 42 interventions par démineur et par an sur par période 2021 à 2023,, alors que le centre de déminage d'Arras a réalisé 112 interventions par démineur et par an sur cette même période.an.

Toutefois ces données doivent être nuancées, car il est difficile d'estimer le temps consacré par les démineurs à chaque intervention, et par conséquent, de comparer la sollicitation opérationnelle réelle de chaque centre. Par exemple, les missions EOD se réalisent sous forme de « tournée de ramassage » programmées, qui permettent la réalisation en une demi-journée de plusieurs missions. Mais il arrive parfois qu'une mission EOD plus complexe s'étende sur plusieurs jours. D'après l'IGSC, seul le suivi de l'activité des centres de déminage à l'aide d'un véritable SGA-SGO ou « système de gestion de l'alerte - système de gestion des opérations » (voir infra) permettrait d'estimer la véritable sollicitation des unités de déminage18(*).

En tout état de cause, le rapporteur spécial considère que la refonte de la cartographie opérationnelle du GID devra s'accompagner d'une réflexion approfondie sur les possibilités de redéploiements d'effectifs entre les différents centres de déminage, de manière à optimiser les effectifs dont il dispose actuellement. La dynamique de départs à la retraite à laquelle est actuellement confronté le GID peut constituer une opportunité à cet égard.

Recommandation n° 2 : afin d'assurer une couverture opérationnelle optimale du territoire, redéfinir l'implantation des centres de déminage par rapport à l'évolution des missions des démineurs. Procéder dans ce cadre à un redéploiement d'effectifs en fonction des besoins réels en personnel des différents centres de déminage (DGSCGC).

Le rééquilibrage des moyens humains entre les différents sites est d'autant plus nécessaire qu'un trop faible niveau de sollicitation de certains démineurs peut faire peser un risque de perte de compétence pour ces derniers.

Dans ce contexte, il importe de développer la formation continue des démineurs afin de préserver leur niveau de compétence. Or le rapporteur spécial relève que la stratégie de formation des agents du déminage tout au long de leur carrière ne fait l'objet d'aucune formalisation de la part par la direction centrale du GID. La DGSCGC a en effet indiqué que l'entrainement des démineurs relève directement de la compétence des chefs de centre. La formalisation de cette stratégie de formation apparait toutefois nécessaire pour garantir le maintien des compétences des démineurs, a fortiori dans les unités de déminage où les sollicitations opérationnelles sont peu nombreuses. Ce constat est partagé par l'IGSC, qui estime que ce travail d'anticipation de la formation continue au sein du GID « est de rigueur afin de conserver la haute technicité des démineurs indispensable dans la conduite et l'exécution de leurs missions sensibles19(*) ».

Recommandation n° 3 : afin de garantir le maintien des compétences des démineurs, notamment dans les centres de déminage où la sollicitation opérationnelle est moins importante, confier à la direction centrale du GID l'élaboration d'un plan annuel de formation (DGSCGC).

B. MODERNISER LA POLITIQUE DE RESSOURCES HUMAINES DU GID, AFIN DE DÉSARMORCER LE RISQUE DE TARISSEMENT DES EFFECTIFS

1. Les capacités opérationnelles du GID sont fragilisées par le dynamisme des départs à la retraite des démineurs, combinés aux exigences en matière de formation et à l'existence d'un stock important des repos compensateurs au sein des effectifs

L'effectif théorique du GID est de 378 personnels, soit 343 démineurs, 15 personnels administratifs et 20 personnels techniques. Toutefois l'effectif réel, qui est de 355 personnels (324 démineurs, 13 administratifs et 18 techniques), est sensiblement inférieur à cet objectif cible.

Effectifs du GID au 31 mars 2024

 

Effectif théorique

Effectif réel

Écart entre effectifs théorique et réel

Démineurs

343

324

- 19

Personnels administratifs

15

13

- 2

Personnels techniques

20

18

- 2

Total

378

355

- 23

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Cette situation est préoccupante dans un contexte où le GID doit disposer d'effectifs formés en nombre suffisant pour répondre à la sollicitation opérationnelle croissante.

Or ce service est aujourd'hui fragilisé par le dynamisme des départs à la retraite de ses démineurs. Dans son document de synthèse des visites des centres de déminage de juin 2022, l'IGSC indiquait qu'entre 2020 et 2024, un tiers des démineurs avait vocation à partir à la retraite. Plus particulièrement, 59 démineurs prévoyaient un départ à la retraite en 2023 ou 2024.

Cette dynamique résulte de la moyenne d'âge relativement élevée des démineurs (49,7 ans) qui s'explique en grande partie par le fait que les démineurs sont des fonctionnaires recrutés en général après une première partie de carrière réalisée dans la police nationale.

Le GID est également confronté à l'indisponibilité des plusieurs démineurs due à l'existence d'un important stock de repos compensateurs au sein du service (qui représentent au total l'équivalent de 135 ETP). Ces repos compensateurs ont généralement été accumulés lors de leur première partie de carrière au sein de la direction générale de la police nationale (DGPN).

Une gestion des ressources humaines partagée entre la DGSCGC et la DGPN

La gestion des ressources humaines des services de déminage peut impliquer une certaine complexité dans la mesure où :

- d'une part, la gestion statutaire relève de la DGPN et est réalisée par l'intermédiaire de l'application informatique « dialogue 2 » du ministère de l'intérieur ;

- d'autre part, la gestion de l'emploi relève de la responsabilité de la DGSCGC.

Le développement d'un système de gestion des ressources humaines unifié pour l'ensemble des agents du GID fait actuellement l'objet d'une réflexion au sein de la DGSCGC, mais il concernera donc uniquement la gestion de l'emploi, dans la mesure où dialogue 2 n'est pas interopérable avec d'autres outils.

Pour fluidifier la gestion statutaire et celle de l'emploi, un comité de liaison entre la DGSCGC et la DGPN a toutefois été créé le 2 mai 2024.

Source : réponses de la DGSCGC au questionnaire du rapporteur spécial

Par ailleurs, il convient de souligner que la capacité d'intervention du GID est conditionnée non seulement au dimensionnement de ses effectifs, mais aussi, à sa capacité de formation, indispensable à l'engagement opérationnel des démineurs.

Ces exigences de formation sont nécessaires mais présentent toutefois une certaine ambivalence. La dynamique actuelle de départs à la retraite de démineurs suppose :

- d'une part, la formation de nouveaux démineurs recrutés pour compenser ces départs, mais aussi la formation de démineurs déjà en poste pour leur permettre d'accéder à des niveaux de formation supérieurs et maintenir ainsi un degré de compétence global du centre suffisamment élevé ;

- d'autre part, la mobilisation de démineurs en qualité de formateurs chargés de dispenser lesdites formations.

La mobilisation des effectifs lors de ces périodes de formation est certes nécessaire pour préserver le niveau de compétence du service, et partant, sa capacité d'intervention, mais elle conduit mécaniquement à une réduction de la voilure opérationnelle des centres de déminages concernés.

2. Dans ce contexte, il est impératif que la politique de ressources humaines du GID se modernise par le déploiement d'outils de gestion et de pilotage des effectifs

D'après l'IGSC, le dynamisme des départs à la retraite des démineurs constitue certes un défi important pour la pérennité du GID, mais doit surtout constituer une opportunité pour repenser la politique de ressources humaines du service.

Le rapporteur spécial partage ce constat, tout en relevant dans le cadre de ses travaux le caractère particulièrement lacunaire des outils de gestion des ressources humaines du GID. La DGSCGC n'a par exemple pas été en mesure de transmettre au rapporteur spécial l'évolution des effectifs avant l'exercice 2022, témoignant ainsi d'une absence d'outil de suivi.

Or la politique de ressources humaines du GID doit se moderniser pour répondre aux défis liés à l'évolution de ses missions et à la pyramide des âges du service. Il est donc urgent que de la direction centrale du GID mette en oeuvre une véritable gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des carrières (GPEEC), qui devra évidemment tenir compte des travaux de refonte de la cartographie opérationnelle du GID et du redéploiement des effectifs qui en découlera.

Recommandation n° 4 : doter le GID d'une véritable politique de gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC), afin d'anticiper la dynamique de départs à la retraite des démineurs (DGSCGC).

D'après les auditions du rapporteur spécial, le développement par la DGSCGC d'un « système opérationnel et fichiers d'informations sur les explosifs » dit projet SOFIE, pourrait constituer l'outil le plus approprié pour concrétiser cette GPEEC.

Les fonctionnalités de cette application informatique déployée en janvier 2023 se limitent aujourd'hui à la coordination de l'activité opérationnelle des unités de déminage (voir infra). En effet, lors du projet, la dimension « opérationnelle » devait, du point de vue du GID, être développé en priorité dans la perspective des JOP de 2024. Toutefois le programme SOFIE a bien vocation à être complété par la suite d'un volet « ressources humaines ». Il consistera en la création d'un système d'information permettant à la DGSCGC de disposer de l'ensemble des données essentielles à la mise en oeuvre de la GPEEC, telles que la formation, les aptitudes médicales ou les projections de départs à la retraite.

Dans l'attente du développement du volet « ressources humaines » du projet SOFIE, l'ensemble de ces données a été intégré au projet « data démineurs », actuellement élaboré à l'appui d'une équipe projet de la direction interministérielle du numérique (DINUM), dans le cadre de « l'Innovathon » 2024. Il s'agit d'une étape intermédiaire, à moindre coût, qui facilitera par ailleurs l'intégration du système de GPEEC dans SOFIE.

3. Une attention particulière devra par ailleurs être portée à l'attractivité du métier de démineurs pour préserver un vivier de recrutement suffisant

Dans le contexte actuel de dynamisme des départs à la retraite et de croissance de la sollicitation opérationnelle du GID, il est essentiel que ce dernier dispose d'un vivier suffisant pour renouveler ses effectifs.

Malgré les contraintes inhérentes au métier de démineurs, telles que les nombreuses périodes d'astreintes, ou les risques d'accident encourus lors des opérations, le rapporteur spécial a pu constater lors de son déplacement au centre de déminage de Versailles, l'engagement sans faille des démineurs du GID dans leurs missions.

Il a toutefois pu percevoir une certaine frustration chez plusieurs agents, qui estiment que les démineurs font l'objet d'un manque de considération en comparaison avec leurs collègues de la direction générale de la police nationale (DGPN). Plus particulièrement, l'exclusion des démineurs de la DGSCGC de certains dispositifs de primes versées aux policiers de la DGPN semble être un vecteur de crispation important. C'est notamment le cas de l'allocation de maîtrise20(*), attribuée aux fonctionnaires de police, mais dont ne bénéficient pas les démineurs.

S'il les démineurs bénéficient certes de primes spécifiques, telles que la prime de déminage21(*), ou la prime de danger22(*), la DGSCGC a reconnu que ces dispositifs de prime, qui n'ont pas évolué depuis 2005, pourraient être actualisés afin de prendre davantage en considération l'évolution de leurs missions et des risques qu'ils sont amenés à prendre dans ce cadre.

Le travail de refonte des textes règlementaires relatifs au statut des démineurs qui est actuellement mené par la DGSCGC semble être le vecteur le plus approprié pour évaluer la pertinence des dispositifs de prime de déminage et étudier l'opportunité de les réformer. Le « Beauvau de la sécurité civile » lancé en mai 2024 par le ministère de l'intérieur peut également être l'occasion de mener cette réflexion.

En tout état de cause, une attention particulière devra être portée par la DGSCGC à l'attractivité du métier de démineur, en comparaison notamment avec les métiers de la police nationale, qui demeure à ce jour le seul vivier de recrutement du GID. Le rapporteur spécial considère que cette attractivité ne passera pas uniquement par des mesures de revalorisation salariale ou indemnitaire, et devra avant tout se traduire par des mesures d'organisation structurelle permettant aux démineurs de réaliser leurs missions dans des conditions optimales, en évitant par exemple, de les solliciter pour la réalisation de tâches qui ne relèvent pas de leur coeur de mission (voir infra)

C. LE GID DOIT ÉGALEMENT DISPOSER DES MOYENS HUMAINS ET MATÉRIELS GARANTISSANT AUX DÉMINEURS LA RÉALISATION DE LEURS MISSIONS OPÉRATIONNELLES DANS DES CONDITIONS OPTIMALES

1. Une situation de déséquilibre entre le nombre de démineurs et le nombre de personnels de soutien, au détriment des missions opérationnelles du GID

Le GID dispose actuellement de 324 démineurs et de 31 personnels de soutiens, dont 13 personnels administratifs et 18 personnels techniques.

Cette répartition traduit un sous-dimensionnement des personnels de soutien, en comparaison avec les effectifs opérationnels, c'est-à-dire, les démineurs. En effet, le ratio entre personnels de soutien et personnels opérationnels est actuellement de 1 sur 10,45, alors que d'après l'IGSC, les services opérationnels comparables en termes de taille et d'organisation ont un ratio de l'ordre de 1 sur 6,8123(*).

Or, le sous-dimensionnement des personnels de soutien du GID implique mécaniquement la mobilisation de démineurs pour réaliser des opérations de logistique ou de maintenance, ce qui suscite plusieurs difficultés.

Tout d'abord, la sollicitation des démineurs pour la réalisation de ce type de tâches se fait au détriment de leurs missions opérationnelles. Cette situation est regrettable dans la mesure où elle limite la capacité d'intervention des centres de déminage, dans un contexte de sollicitation opérationnelle croissante.

Par ailleurs, les démineurs n'étant ni des professionnels de la logistique, ni des spécialistes de la maintenance, le fait de leur faire assumer ces missions peut conduire à des défaillances matérielles qui pourraient se répercuter sur la qualité du service rendu.

Enfin, le rapporteur spécial a pu constater, dans le cadre de son déplacement au centre de déminage de Versailles, que la mobilisation des démineurs pour la réalisation de tâches aussi éloignées de leur coeur de métier pouvait susciter une perte de sens chez ces derniers.

L'IGSC plaidait en 2022 pour un rééquilibrage de ce ratio en vue notamment de la sécurisation d'évènements tels que la coupe du monde de rugby 2023 ou des JOP. Force est toutefois de constater que ce rééquilibrage n'a pas eu lieu, puisque le ratio entre démineurs et personnels de soutien n'a pas évolué depuis 2022.

Ce rééquilibrage est pourtant nécessaire afin d'une part, de maintenir les capacités opérationnelles du GID et d'autre part, de préserver l'attractivité des fonctions de démineurs en leur permettant de se recentrer sur leur coeur de métier.

D'après la DGSCGC, la LOPMI aurait toutefois permis de sécuriser le recrutement de 15 personnels de soutien sur la période 2023 à 2027. Plus particulièrement, 2 personnels de soutien ont déjà été recrutés en 2023 et 10 devraient l'être au cours de l'année 2024. Ainsi, à l'issue de ces recrutements, le ratio entre personnels de soutien et personnels opérationnels pourraient être de l'ordre de 1 sur 7. Le rapporteur spécial se félicite de ce rééquilibrage à venir, mais sera toutefois vigilant sur la concrétisation effective de ces recrutements dans ses futurs travaux sur les prochains projets de loi de finances et loi de règlement.

Recommandation n° 5 : afin de permettre aux démineurs de se recentrer sur leurs missions opérationnelles, rééquilibrer le ratio entre personnels de soutien et personnels opérationnels au sein du GID (DGSCGC).

2. Le suivi de l'activité opérationnelle des démineurs devrait être amélioré par la mise en oeuvre du projet informatique SOFIE

Le suivi des opérations de déminage, assuré par le bureau compétent de la DGSCGC en heures ouvrables et par le COGIC en heures non ouvrables, est un aspect primordial du bon fonctionnement du service. Il ressort toutefois des travaux du rapporteur spécial que ce suivi était particulièrement lacunaire jusqu'en 2023 et la mise en oeuvre du projet informatique SOFIE.

Dans son document de synthèse des visites des centres de déminage de juin 2022, l'IGSC indiquait que la procédure d'intervention des démineurs ne prévoyait aucun envoi de message à l'arrivée ou lors du départ du lieu d'intervention. Par ailleurs, aucun système de géolocalisation ne permettait de connaitre en temps réel la position des démineurs en opération, ce qui impliquait un risque pour leur sécurité en cas d'accident. Lors des auditions du rapporteur, l'exemple d'un accident survenu en 2012 et impliquant deux démineurs a été évoqué. Ces derniers ont été grièvement blessés par l'explosion d'un engin de guerre. Il était dès lors impossible pour eux de solliciter de l'aide, et l'absence d'outil de suivi des opérations fût dans ce cas précis particulièrement préjudiciable.

Concernant les interventions IEDD, l'IGSC a insisté sur le fait que ces opérations, particulièrement sensibles et médiatisées, « seront dans les années à venir particulièrement observées par le public et les médias24(*) ». La nécessité de pouvoir justifier les délais et les décisions prises semble incontournable dans ce contexte, mais est impossible sans un véritable « système de gestion de l'alerte - système de gestion opérationnelle » (SGA-SGO) étendue à l'ensemble des centres de déminage.

Face à ce constat, le DGSCFC s'est doté le 1er janvier 2023 de l'application SOFIE, qui permettra au GID de coordonner l'activité opérationnelle de ses unités délocalisées. Ce logiciel, dont le coût est estimé à 1,6 million d'euros, est encore en cours de développement mais permet déjà au GID de disposer d'un système d'information favorisant un meilleur suivi des interventions et des stocks de munitions. Les fonctionnalités de cette application pourraient être enrichies à l'avenir notamment par une cartographie des interventions ou par un système d'interface avec les services des préfectures.

Le rapporteur spécial se félicite de la concrétisation de ce projet, qui doit désormais impérativement être finalisé pour que le GID soit enfin doté d'un système de SGA-SGO abouti.

Recommandation n° 6 : afin de renforcer le suivi des opérations des services de déminage, finaliser le développement du projet informatique « système opérationnel et fichiers d'informations sur les explosifs », dit projet SOFIE (DGSCGC).

3. Le vieillissement du parc de robots démineurs peut susciter des difficultés opérationnelles

Le GID dispose de 31 robots fonctionnels, dont 22 robots légers qui permettent d'intervenir sur des objets suspects et 9 robots lourds permettant d'intervenir sur des missions de type NRBC. Ces appareils sont essentiels à la réalisation des missions des démineurs.

Or ce parc de robots démineurs est aujourd'hui vieillissant. En effet, parmi les 31 robots dont dispose le GID :

- 9 robots lourds ont été mis en service en 2004 ;

- 16 robots légers ont été mis en service en 2011.

Ce vieillissement implique, d'une part, un risque de dégradation des conditions d'intervention, et d'autre part, une multiplication des opérations de maintien en condition opérationnelle (MCO) des appareils. Ainsi, le coût annuel du MCO des robots démineurs du GID est passé de 29 685 euros en 2014 à 94 090 euros en 2022, alors même qu'aucun acquisition d'appareil n'a eu lieu entretemps.

Pour anticiper ces difficultés et y remédier, il est important pour le GID de disposer d'une stratégie de renouvellement pluriannuel de ses équipements, qui doit impérativement prendre en compte l'évolution des technologies. Les démineurs du centre de déminage de Versailles ont en effet attiré l'attention du rapporteur spécial sur le fait que les organisations terroristes, qui disposent de financements de plus en plus élevés, sont en mesure d'élaborer des dispositifs explosifs toujours plus complexes et sophistiqués. Cette course à la technologie justifie que les démineurs soient dotés d'équipements de pointe.

Or, d'après l'IGSC, la stratégie de renouvellement des équipements du GID n'est pas aboutie. La division « soutien opérationnel », chargée de la gestion des matériels, « souffre d'un manque de visibilité à long terme » et « ne dispose pas de plan d'équipement et d'outils de suivi adaptés permettant d'interagir avec les centres de déminage et de synthétiser les données du service en vue de réaliser des états des lieux ainsi que des projections annuelles voire pluriannuelles25(*) ». Une autre difficulté réside dans le fait que fait que le marché des robots de déminage est un marché de niche nécessitant des échanges directs avec les producteurs pour l'élaboration du cahier des charges. L'intégration des besoins opérationnels des démineurs dans les fonctionnalités des appareils commandés n'est donc toujours aisée.

Il convient toutefois de se féliciter des avancées récentes permises notamment par la LOPMI, qui a semble-t-il constitué une occasion pour la DGSCGC de mener une réflexion sur le renouvellement du matériel opérationnel des démineurs, y compris les équipements de pointe. La DGSCGC a ainsi procédé en 2023 à l'acquisition de 8 nouveaux robots, dont deux sont encore en attente de livraison, pour un montant total de 1,8 million d'euros. En outre, le GID envisagerait d'acquérir, entre 2025 et 2027, 7 nouveaux robots lourds et 11 légers, pour un montant total de 4,85 millions d'euros en AE et en CP.

La DGSCGC devrait également acheter entre 2025 et 2027 des équipements innovants, et notamment 50 appareils portatifs de radioscopie (pour un montant de 5 millions d'euros en AE et en CP), qui permettent de détecter la présence d'un dispositif explosif dans un contenant opaque, et 50 brouilleurs 5G (pour un total de 2,5 millions d'euros en AE et en CP).

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 9 juillet 2024 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial, sur les démineurs de la sécurité civile.

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons à présent le rapport de Jean Pierre Vogel sur les démineurs de la sécurité civile.

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial. - Je commencerai par un motif de satisfaction : les démineurs de la sécurité civile sont un service d'excellence, dont l'expertise est reconnue à l'échelle internationale. Dans le cadre de mon déplacement au centre de déminage de Versailles, j'ai pu constater le niveau de compétence particulièrement élevé de ces agents. Elle s'explique principalement par la qualité de la formation à laquelle est assujetti chaque démineur recruté dans ce service. Cette formation est exigeante, voire contraignante, mais elle permet de garantir l'efficacité du service rendu, et surtout, la sécurité des démineurs en intervention. En effet, les accidents survenus en opération sont extrêmement rares, puisque les démineurs de la sécurité civile n'ont été confrontés qu'à quatre blessés en intervention depuis 2014 et qu'aucun décès n'est à déplorer sur cette période.

La qualité de notre service de déminage est également reconnue à l'international, les démineurs français étant régulièrement amenés à réaliser des actions de formation auprès de leurs homologues étrangers. Ils sont par ailleurs souvent mobilisés pour prêter main-forte à d'autres pays afin de sécuriser de grands évènements tels que la dernière coupe du monde de football au Qatar par exemple.

Il est essentiel de préserver la qualité de cette formation dans un contexte de sollicitation opérationnelle croissante des services de déminage. Entre 2014 et 2023, le nombre d'interventions réalisées par les démineurs est en effet passé de près de 15 300 à un peu moins de 17 000, soit une augmentation de 10,5 % en dix ans.

La hausse du nombre d'interventions se reflète tout d'abord sur la mission historique des démineurs, à savoir la collecte et la destruction des restes de munitions issues des deux guerres mondiales, qui demandera plusieurs siècles encore. Quatre-vingts ans après la création du service, cette mission demeure l'activité majoritaire des démineurs et représente 75 % de leurs interventions. Le groupement d'intervention du déminage doit donc disposer d'infrastructures permettant à la fois le stockage et la destruction de ces munitions dans de bonnes conditions. Or près de 50 % des infrastructures n'ont pas de terrain de destruction. Cette situation est préoccupante, car le manque de solution de destruction conduit irrémédiablement à un déstockage beaucoup plus lent et au vieillissement de certaines munitions qui, au fil du temps, se dégradent et font peser un risque pour la sécurité des sites de stockage.

L'augmentation de la sollicitation des démineurs s'explique également dans une certaine mesure par la montée en puissance, depuis les attentats de novembre 2015, de la mission de lutte contre le terrorisme. Cette activité se traduit concrètement par des interventions sur des colis suspects, des missions d'assistance aux forces d'intervention dans le cadre de perquisitions, ou des actions de sécurisation de grands événements, tels que les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. La mission de lutte contre la menace terroriste est certes minoritaire dans l'activité des démineurs, mais elle est en pleine croissance, le nombre d'interventions réalisées dans ce cadre ayant augmenté de près de 46 % depuis dix ans. Elle devient par ailleurs de plus en plus technique.

L'augmentation du nombre d'interventions se traduit également depuis plusieurs années sur le plan budgétaire par une augmentation des crédits consacrés aux démineurs. Ces derniers sont en effet passés, en exécution, de 33,9 millions d'euros en 2014 à 50 millions d'euros en 2023, soit une augmentation de près de 50 % sur cette période. J'ai par ailleurs constaté des écarts importants et récurrents entre la programmation et l'exécution des crédits consacrés aux démineurs depuis dix ans. Ainsi, sur la période 2014 à 2023, les crédits de fonctionnement ont fait l'objet d'une sur-exécution de près de 90 %, tandis que les crédits d'investissement ont été sous-exécutés à hauteur de 37 %. Au total, l'ensemble des crédits hors titre 2 consacrés aux démineurs ont fait l'objet d'une sur-exécution de 10,25 %.

Ce constat traduit un manque de précision, voire de sincérité, dans les prévisions budgétaires, ainsi que des lacunes dans le suivi de l'exécution des crédits. Ma première recommandation sera donc d'inviter la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) à affiner la programmation budgétaire des crédits consacrés aux démineurs et à améliorer le pilotage de ces crédits en cours d'exécution.

Comme je l'indiquais en introduction, la compétence et l'engagement de nos démineurs ne sont pas en cause. Toutefois, si nous souhaitons que la qualité du service soit préservée, le groupement d'intervention du déminage devra impérativement se moderniser, en repensant tout d'abord son implantation territoriale. En effet, les services de déminage sont aujourd'hui divisés en vingt-six unités opérationnelles inégalement réparties sur le territoire.

La création des services de déminage en 1944 était motivée par la nécessité de neutraliser les restes d'obus et de munitions issus des bombardements des deux guerres mondiales. Si les zones du territoire ayant subi de nombreux bombardements lors des deux conflits mondiaux sont ainsi particulièrement bien couvertes, ce n'est pas le cas, par exemple, du centre de la France.

Or les missions des démineurs ont largement évolué depuis 1944, et la montée en puissance de leur activité de lutte contre la menace terroriste implique aujourd'hui la réalisation d'interventions sur l'ensemble du territoire. La cartographie opérationnelle du groupement d'intervention du déminage est donc inadaptée à la réalité des missions des démineurs. C'est pourquoi il est urgent que la DGSCGC définisse une nouvelle répartition territoriale de ces unités de déminage, faute de quoi les délais d'intervention des démineurs, qui sont aujourd'hui plutôt satisfaisants, risqueraient de se dégrader fortement.

La refonte de la couverture territoriale des services de déminage pourrait impliquer l'ouverture d'unités opérationnelles supplémentaires, ce qui nécessitera, d'après la DGSCGC, de nouveaux recrutements. À cet égard, la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, dite loi Lopmi, a acté le recrutement de sept nouveaux démineurs sur la période 2023 à 2027. Ces recrutements ne devront toutefois pas dispenser le groupement d'intervention du déminage - c'est ma recommandation n° 2 - de mener une réflexion sur les possibilités de redéploiements d'effectifs entre les différents sites. En effet, les écarts importants de sollicitations opérationnelles entre les centres de déminage justifient de repenser la ventilation des effectifs dans le cadre de la refonte de la cartographie opérationnelle du déminage.

J'insiste également sur le fait que les écarts de sollicitation entre centres de déminage impliquent un risque de perte de compétence pour les démineurs affectés dans les centres où le nombre d'interventions est particulièrement faible. Dans ce contexte, le groupement d'intervention du déminage doit mettre en oeuvre des actions de formation continue pour garantir l'entraînement de ses agents les moins sollicités. Or cette formation continue relève aujourd'hui exclusivement de l'initiative des chefs de centre, et aucune stratégie n'est formalisée au niveau de la direction centrale. Dans ma recommandation n° 3, j'invite donc la direction centrale du groupement d'intervention du déminage à formaliser un plan annuel de formation.

Le groupement d'intervention du déminage doit également moderniser sa politique de gestion des ressources humaines pour répondre aux défis liés au renouvellement de ses effectifs. En effet, ce service est aujourd'hui confronté à une vague de départs à la retraite. D'après l'Inspection générale de la sécurité civile, 59 démineurs prévoyaient un départ à la retraite en 2023 ou 2024, soit plus de 15 % de l'effectif théorique. Or j'ai constaté dans le cadre de mes travaux le caractère archaïque des outils de gestion des ressources humaines du groupement d'intervention du déminage. Il est pourtant indispensable, dans un contexte où la pérennité du service pourrait être remise en cause par cette vague de départs à la retraite, que le groupement d'intervention du déminage se dote enfin d'une véritable gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC). Il s'agit de ma recommandation n° 4.

Par ailleurs, les services de déminage souffrent d'un déficit de personnel de soutien, qui oblige certains démineurs à réaliser des missions de logistique ou de maintenance des appareils. Cette situation n'est pas satisfaisante, tant du point de vue de l'efficacité du service que de l'attractivité du métier. Il est donc essentiel que le groupement d'intervention du déminage remédie au sous-dimensionnement des personnels de soutien pour permettre aux démineurs de se concentrer sur leur coeur de métier. C'est l'objet de ma recommandation n° 5.

J'en viens maintenant à ma dernière recommandation, qui concerne l'amélioration du suivi des interventions. Le suivi des opérations de déminage est aujourd'hui lacunaire, ce qui est dommageable du point de vue de la coordination et de l'efficacité du service, mais aussi du point de vue de la sécurité des équipes. Lors des auditions, l'exemple a notamment été évoqué d'un accident survenu il y a un peu plus de dix ans impliquant deux démineurs en intervention. Ces démineurs ont été grièvement blessés - aux mains notamment - par l'explosion d'un obus et il était impossible pour eux de solliciter de l'aide. L'absence d'outil de suivi opérationnel était dans ce cas précis particulièrement préjudiciable, le groupement d'intervention du déminage n'ayant aucun moyen de localiser ces agents.

La DGSCGC s'est dotée en janvier 2023 d'une application informatique appelée système opérationnel et fichiers d'informations sur les explosifs (Sofie), dont la vocation est justement d'améliorer la coordination des opérations, grâce notamment à un système de cartographie des interventions. Je m'en félicite, mais ce projet est encore en cours de développement. Il est donc impératif qu'il soit finalisé au plus vite.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je remercie notre collègue pour ce travail qui m'a permis de découvrir une insuffisance notoire du maillage territorial pour ce qui concerne le centre de la France.

Par ailleurs, pourrait-on envisager de déplacer certains centres afin de faire face aux nouveaux risques ? Certes, ce type de décision n'est pas aisé, car il aboutit à la disparition d'un service public dans les territoires concernés.

Enfin, le renouvellement des robots démineurs progresse-t-il de manière satisfaisante ?

M. Michel Canévet. - Je félicite le rapporteur spécial pour ces éclairages sur ces questions de sécurité civile, majeures pour notre pays. Les démineurs du GID interviennent-ils lorsque des colis suspects sont identifiés à bord des trains ?

En outre, je note que la marine nationale dispose de moyens et d'outils - tels que les drones - qui permettent aux chasseurs de mines de rester en dehors des zones dangereuses. En comparaison, le niveau de robotisation sur terre paraît moins avancé, tandis que le matériel employé est relativement ancien. S'agit-il de matériel français ? Des moyens sont-ils mis en oeuvre afin de nous doter d'outils permettant d'assurer la sécurité des démineurs en intervention ?

Mme Christine Lavarde. - Les démineurs du GID interviennent-ils sur les lignes de la RATP ? Cette dernière a récemment repensé son plan d'action afin d'éviter d'arrêter le trafic sur l'ensemble de la ligne lorsqu'un colis suspect est signalé. Si les moyens sont partagés, qui décide ?

M. Thierry Cozic. - Je souligne à mon tour la qualité du rapport. Ayant eu à lancer en tant que maire une opération de déminage sur un terrain où des obus datant de la Seconde Guerre mondiale étaient présents, j'ai pu constater qu'il avait fallu quatre à cinq heures avant l'intervention de démineurs venant de Nantes, ce qui pose une série de difficultés. Une répartition régionale ne serait-elle pas plus pertinente pour réduire ces temps d'intervention ?

M. Claude Raynal, président. - Que font les démineurs lorsqu'ils ne sont pas en intervention ? Assument-ils d'autres missions ?

M. Grégory Blanc. - Pourrait-on envisager une forme de mutualisation avec les services de l'armée ?

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial. - Une meilleure répartition géographique du service serait en effet utile, en précisant, pour la région parisienne, que la préfecture de police de Paris dispose de ses propres services de déminage.

Huit années de formation sont nécessaires pour qu'un démineur atteigne le plus haut niveau de qualification, et je ne crois guère à la piste d'une mutualisation avec l'armée. Avec 324 démineurs, l'effectif du GID est relativement restreint et les personnels de soutien sont en nombre insuffisant, ce qui conduit une partie des démineurs à prendre en charge des tâches logistiques telles que la commande de pièces détachées et la maintenance des matériels.

Par ailleurs, les infrastructures doivent comprendre des locaux administratifs, un dépôt de munitions et un terrain de destruction.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Une superficie minimale est-elle fixée ?

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial. - Je l'ignore. Quoi qu'il en soit, seule la moitié des centres de déminage comptent ces trois installations, alors que les capacités maximales de stockage des munitions sont en passe d'être atteinte. J'ajoute que 50 % des centres ne disposent pas d'un terrain de destruction, ce qui fait que le déstockage des munitions est plus lent ; celles-ci, au fur et à mesure qu'elles vieillissent, peuvent se dégrader et présenter un risque pour la sécurité des sites. Il faudrait construire, sur le modèle du schéma d'analyse et de couverture des risques élaboré par les sapeurs-pompiers dans chaque département, un schéma national qui permette de déterminer où positionner les centres de déminage.

Concernant les colis abandonnés dans les gares ou à bord des trains, il convient en effet de s'assurer d'une bonne répartition des centres de déminage : si les démineurs mettent trois ou quatre heures à arriver, les risques augmentent puisque la gare continue alors à se remplir, offrant une cible de choix aux terroristes. Je relève par ailleurs que, dans les aéroports, les temps d'intervention ont eu tendance à se dégrader ces dernières années, et plus particulièrement en 2023.

Lorsqu'ils ne sont pas en intervention, les démineurs effectuent des astreintes ou poursuivent leur formation, notamment pour se préparer à de nouvelles formes d'action terroriste. Par exemple, les bouteilles d'eau sont interdites dans les stades, car elles peuvent accueillir un engin explosif dissimulé derrière l'étiquette, dispositif qui peut être activé à distance. Les démineurs disposent de matériels sophistiqués permettant de repérer le déclencheur situé à l'intérieur d'un colis abandonné et de le neutraliser à l'aide d'un robot venant viser une zone très précise, empêchant ainsi l'explosion.

Or, ces robots sont pour la plupart vieillissants et font actuellement l'objet d'un renouvellement dans le cadre de la Lopmi. Il n'est guère pertinent de disposer de modèles trop variés, car cela peut impliquer de multiplier le nombre de formations nécessaire à l'appropriation de ces matériels par les démineurs. J'avais fait un constat similaire au sujet du renouvellement de la flotte aérienne de la sécurité civile, lors de la présentation de mon rapport sur les aéronefs bombardiers d'eau devant notre commission il y a un an. Par ailleurs, le marché des robots de déminage est un marché de niche. Il y a donc peu de producteurs en mesure de respecter le cahier des charges fixé par le ministère de l'intérieur. Les agents semblent plutôt satisfaits des équipements actuels, même s'ils plaident pour que les plans de renouvellement des équipements permettent d'accompagner les évolutions technologiques du secteur. Je ne dispose pas d'informations exacte sur la provenance du matériel, mais il existe notamment des entreprises françaises qui commercialisent des robots de déminage, telles que l'entreprise Shark basée à la Rochelle. En tout état de cause, nous disposons de personnels de déminage bien formés, dont le savoir-faire est reconnu au niveau mondial.

Enfin, pour ce qui est de la RATP, le laboratoire central de la préfecture de police s'occupe des interventions.

La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES, DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES ET DES DÉPLACEMENTS

Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC)

- M. Jean-François DE MANHEULLE, directeur général adjoint ;

- Mme Clémence LECOEUR, directrice de cabinet du directeur général ;

- M. Daniel PARTOUCHE, adjoint au sous-directeur des moyens nationaux ;

-Mme Lorène LECLERC, cheffe adjointe du groupement d'intervention du déminage.

Inspection générale de la sécurité civile (IGSC)

- M. Laurent FERLAY, inspecteur général, chef de l'IGSC ;

- M. Patrick MOREAU, inspecteur, chef de mission.

Contributions écrites

- Groupe Aéroports de Paris (ADP) ;

- Syndicat Alliance Police nationale.

Déplacement au centre de déminage de Versailles

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI (TEMIS)

N° de la proposition

Proposition

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support

1

Améliorer à la fois la programmation budgétaire des crédits de fonctionnement et d'investissement du groupement d'intervention du déminage (GID) et le pilotage de ces crédits en cours d'exécution

Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) et direction du budget.

Immédiat

Tous moyens

2

Afin d'assurer une couverture opérationnelle optimale du territoire, redéfinir l'implantation des centres de déminage par rapport à l'évolution des missions des démineurs. Procéder dans ce cadre à un redéploiement d'effectifs en fonction des besoins réels en personnel des différents centres de déminage

DGSCGC

2026

Tous moyens

3

Afin de garantir le maintien des compétences des démineurs, notamment dans les centres de déminage où la sollicitation opérationnelle est moins importante, confier à la direction centrale du GID l'élaboration d'un plan annuel de formation

DGSCGC

2025

Élaboration d'un document stratégique

4

Doter le GID d'une véritable politique de gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC), afin d'anticiper la dynamique de départs à la retraite des démineurs

DGSCGC

2026

Tous moyens

5

Afin de permettre aux démineurs de se recentrer sur leurs missions opérationnelles, rééquilibrer le ratio entre personnels de soutien et personnels opérationnels au sein du GID

DGSCGC

2024

Tous moyens

6

Afin de renforcer le suivi des opérations des services de déminage, finaliser le développement du projet informatique « système opérationnel et fichiers d'informations sur les explosifs », dit projet SOFIE

DGSCGC

2025

Développement informatique


* 1 Le LCPP dispose en effet de son propre service de déminage, compétent dans toute l'agglomération parisienne.

* 2 Inspection générale de la sécurité civile, document de synthèse des visites des centres de déminages, juin 2022.

* 3 Au 31 mars 2024.

* 4 Qatar, Pays bas, Niger, Maroc, Ghana, Espagne, Égypte, Croatie, Burkina Faso, et Macédoine.

* 5 Mauritanie, Égypte, Maroc, Niger, Liban.

* 6 Ordonnance n° 45-271 du 21 février 1945.

* 7 IGSC, document de synthèse des visites des centres de déminage, juin 2022.

* 8 Ibid.

* 9 Ibid.

* 10 C'est-à-dire, les munitions dont la masse de matière active est supérieure à 100 kilogrammes.

* 11 Réponses au questionnaire du rapporteur spécial.

* 12 La cynotechnique consiste à recourir à des chiens pour détecter les explosifs.

* 13 Nucléaire, radiologique, biologique ou chimique.

* 14 Les brouilleurs utilisés par les démineurs permettent d'empêcher qu'un terroriste situé à proximité du colis suspect et équipé d'un téléphone portable puisse activer le dispositif explosif en neutralisant les ondes cellulaires.

* 15 IGSC, document de synthèse des visites des centres de déminage, juin 2022.

* 16 Les Yvelines, l'Essonne, le Val d'Oise, la Seine et Marne, La Nièvre, l'Yonne et l'Eure.

* 17 IGSC, rapport d'inspection et d'évaluation du GID, juin 2021.

* 18 IGSC, document de synthèse des visites des centres de déminage, juin 2022.

* 19 Ibid.

* 20 Article 2 décret n° 2001-722 du 31 juillet 2001 portant attribution d'une allocation de maîtrise aux fonctionnaires du corps de maîtrise et d'application de la police nationale.

* 21 Article 3 du décret n° 2005-1098 du 2 septembre 2005 fixant le régime indemnitaire applicable aux personnels démineurs de la sécurité civile.

* 22 Article 4 du décret n° 2005-1098 du 2 septembre 2005 fixant le régime indemnitaire applicable aux personnels démineurs de la sécurité civile.

* 23 IGSC, document de synthèse des visites des centres de déminage, juin 2022.

* 24 IGSC, document de synthèse des visites des centres de déminage, juin 2022.

* 25 IGSC, document de synthèse des visites des centres de déminage, juin 2022.

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