B. MODERNISER LA POLITIQUE DE RESSOURCES HUMAINES DU GID, AFIN DE DÉSARMORCER LE RISQUE DE TARISSEMENT DES EFFECTIFS

1. Les capacités opérationnelles du GID sont fragilisées par le dynamisme des départs à la retraite des démineurs, combinés aux exigences en matière de formation et à l'existence d'un stock important des repos compensateurs au sein des effectifs

L'effectif théorique du GID est de 378 personnels, soit 343 démineurs, 15 personnels administratifs et 20 personnels techniques. Toutefois l'effectif réel, qui est de 355 personnels (324 démineurs, 13 administratifs et 18 techniques), est sensiblement inférieur à cet objectif cible.

Effectifs du GID au 31 mars 2024

 

Effectif théorique

Effectif réel

Écart entre effectifs théorique et réel

Démineurs

343

324

- 19

Personnels administratifs

15

13

- 2

Personnels techniques

20

18

- 2

Total

378

355

- 23

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Cette situation est préoccupante dans un contexte où le GID doit disposer d'effectifs formés en nombre suffisant pour répondre à la sollicitation opérationnelle croissante.

Or ce service est aujourd'hui fragilisé par le dynamisme des départs à la retraite de ses démineurs. Dans son document de synthèse des visites des centres de déminage de juin 2022, l'IGSC indiquait qu'entre 2020 et 2024, un tiers des démineurs avait vocation à partir à la retraite. Plus particulièrement, 59 démineurs prévoyaient un départ à la retraite en 2023 ou 2024.

Cette dynamique résulte de la moyenne d'âge relativement élevée des démineurs (49,7 ans) qui s'explique en grande partie par le fait que les démineurs sont des fonctionnaires recrutés en général après une première partie de carrière réalisée dans la police nationale.

Le GID est également confronté à l'indisponibilité des plusieurs démineurs due à l'existence d'un important stock de repos compensateurs au sein du service (qui représentent au total l'équivalent de 135 ETP). Ces repos compensateurs ont généralement été accumulés lors de leur première partie de carrière au sein de la direction générale de la police nationale (DGPN).

Une gestion des ressources humaines partagée entre la DGSCGC et la DGPN

La gestion des ressources humaines des services de déminage peut impliquer une certaine complexité dans la mesure où :

- d'une part, la gestion statutaire relève de la DGPN et est réalisée par l'intermédiaire de l'application informatique « dialogue 2 » du ministère de l'intérieur ;

- d'autre part, la gestion de l'emploi relève de la responsabilité de la DGSCGC.

Le développement d'un système de gestion des ressources humaines unifié pour l'ensemble des agents du GID fait actuellement l'objet d'une réflexion au sein de la DGSCGC, mais il concernera donc uniquement la gestion de l'emploi, dans la mesure où dialogue 2 n'est pas interopérable avec d'autres outils.

Pour fluidifier la gestion statutaire et celle de l'emploi, un comité de liaison entre la DGSCGC et la DGPN a toutefois été créé le 2 mai 2024.

Source : réponses de la DGSCGC au questionnaire du rapporteur spécial

Par ailleurs, il convient de souligner que la capacité d'intervention du GID est conditionnée non seulement au dimensionnement de ses effectifs, mais aussi, à sa capacité de formation, indispensable à l'engagement opérationnel des démineurs.

Ces exigences de formation sont nécessaires mais présentent toutefois une certaine ambivalence. La dynamique actuelle de départs à la retraite de démineurs suppose :

- d'une part, la formation de nouveaux démineurs recrutés pour compenser ces départs, mais aussi la formation de démineurs déjà en poste pour leur permettre d'accéder à des niveaux de formation supérieurs et maintenir ainsi un degré de compétence global du centre suffisamment élevé ;

- d'autre part, la mobilisation de démineurs en qualité de formateurs chargés de dispenser lesdites formations.

La mobilisation des effectifs lors de ces périodes de formation est certes nécessaire pour préserver le niveau de compétence du service, et partant, sa capacité d'intervention, mais elle conduit mécaniquement à une réduction de la voilure opérationnelle des centres de déminages concernés.

2. Dans ce contexte, il est impératif que la politique de ressources humaines du GID se modernise par le déploiement d'outils de gestion et de pilotage des effectifs

D'après l'IGSC, le dynamisme des départs à la retraite des démineurs constitue certes un défi important pour la pérennité du GID, mais doit surtout constituer une opportunité pour repenser la politique de ressources humaines du service.

Le rapporteur spécial partage ce constat, tout en relevant dans le cadre de ses travaux le caractère particulièrement lacunaire des outils de gestion des ressources humaines du GID. La DGSCGC n'a par exemple pas été en mesure de transmettre au rapporteur spécial l'évolution des effectifs avant l'exercice 2022, témoignant ainsi d'une absence d'outil de suivi.

Or la politique de ressources humaines du GID doit se moderniser pour répondre aux défis liés à l'évolution de ses missions et à la pyramide des âges du service. Il est donc urgent que de la direction centrale du GID mette en oeuvre une véritable gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des carrières (GPEEC), qui devra évidemment tenir compte des travaux de refonte de la cartographie opérationnelle du GID et du redéploiement des effectifs qui en découlera.

Recommandation n° 4 : doter le GID d'une véritable politique de gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC), afin d'anticiper la dynamique de départs à la retraite des démineurs (DGSCGC).

D'après les auditions du rapporteur spécial, le développement par la DGSCGC d'un « système opérationnel et fichiers d'informations sur les explosifs » dit projet SOFIE, pourrait constituer l'outil le plus approprié pour concrétiser cette GPEEC.

Les fonctionnalités de cette application informatique déployée en janvier 2023 se limitent aujourd'hui à la coordination de l'activité opérationnelle des unités de déminage (voir infra). En effet, lors du projet, la dimension « opérationnelle » devait, du point de vue du GID, être développé en priorité dans la perspective des JOP de 2024. Toutefois le programme SOFIE a bien vocation à être complété par la suite d'un volet « ressources humaines ». Il consistera en la création d'un système d'information permettant à la DGSCGC de disposer de l'ensemble des données essentielles à la mise en oeuvre de la GPEEC, telles que la formation, les aptitudes médicales ou les projections de départs à la retraite.

Dans l'attente du développement du volet « ressources humaines » du projet SOFIE, l'ensemble de ces données a été intégré au projet « data démineurs », actuellement élaboré à l'appui d'une équipe projet de la direction interministérielle du numérique (DINUM), dans le cadre de « l'Innovathon » 2024. Il s'agit d'une étape intermédiaire, à moindre coût, qui facilitera par ailleurs l'intégration du système de GPEEC dans SOFIE.

3. Une attention particulière devra par ailleurs être portée à l'attractivité du métier de démineurs pour préserver un vivier de recrutement suffisant

Dans le contexte actuel de dynamisme des départs à la retraite et de croissance de la sollicitation opérationnelle du GID, il est essentiel que ce dernier dispose d'un vivier suffisant pour renouveler ses effectifs.

Malgré les contraintes inhérentes au métier de démineurs, telles que les nombreuses périodes d'astreintes, ou les risques d'accident encourus lors des opérations, le rapporteur spécial a pu constater lors de son déplacement au centre de déminage de Versailles, l'engagement sans faille des démineurs du GID dans leurs missions.

Il a toutefois pu percevoir une certaine frustration chez plusieurs agents, qui estiment que les démineurs font l'objet d'un manque de considération en comparaison avec leurs collègues de la direction générale de la police nationale (DGPN). Plus particulièrement, l'exclusion des démineurs de la DGSCGC de certains dispositifs de primes versées aux policiers de la DGPN semble être un vecteur de crispation important. C'est notamment le cas de l'allocation de maîtrise20(*), attribuée aux fonctionnaires de police, mais dont ne bénéficient pas les démineurs.

S'il les démineurs bénéficient certes de primes spécifiques, telles que la prime de déminage21(*), ou la prime de danger22(*), la DGSCGC a reconnu que ces dispositifs de prime, qui n'ont pas évolué depuis 2005, pourraient être actualisés afin de prendre davantage en considération l'évolution de leurs missions et des risques qu'ils sont amenés à prendre dans ce cadre.

Le travail de refonte des textes règlementaires relatifs au statut des démineurs qui est actuellement mené par la DGSCGC semble être le vecteur le plus approprié pour évaluer la pertinence des dispositifs de prime de déminage et étudier l'opportunité de les réformer. Le « Beauvau de la sécurité civile » lancé en mai 2024 par le ministère de l'intérieur peut également être l'occasion de mener cette réflexion.

En tout état de cause, une attention particulière devra être portée par la DGSCGC à l'attractivité du métier de démineur, en comparaison notamment avec les métiers de la police nationale, qui demeure à ce jour le seul vivier de recrutement du GID. Le rapporteur spécial considère que cette attractivité ne passera pas uniquement par des mesures de revalorisation salariale ou indemnitaire, et devra avant tout se traduire par des mesures d'organisation structurelle permettant aux démineurs de réaliser leurs missions dans des conditions optimales, en évitant par exemple, de les solliciter pour la réalisation de tâches qui ne relèvent pas de leur coeur de mission (voir infra)


* 20 Article 2 décret n° 2001-722 du 31 juillet 2001 portant attribution d'une allocation de maîtrise aux fonctionnaires du corps de maîtrise et d'application de la police nationale.

* 21 Article 3 du décret n° 2005-1098 du 2 septembre 2005 fixant le régime indemnitaire applicable aux personnels démineurs de la sécurité civile.

* 22 Article 4 du décret n° 2005-1098 du 2 septembre 2005 fixant le régime indemnitaire applicable aux personnels démineurs de la sécurité civile.

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page