II. UNE MODERNISATION IMPÉRATIVE DU GROUPEMENT D'INTERVENTION DU DÉMINAGE POUR DÉSAMORCER LES RISQUES DE PERTE D'EFFICACITÉ OPÉRATIONNELLE

A. UN MAILLAGE TERRITORIAL INADAPTÉ À LA RÉALITÉ DE LA SOLLICITATION DU GID, RISQUANT DE DÉGRADER LA PERFORMANCE DU SERVICE

1. La cartographie opérationnelle du GID, fruit de l'histoire, ne correspond plus à la réalité des missions des démineurs

La répartition géographique des centres et antennes de déminage, fruit de l'histoire, ne répond actuellement plus à la réalité des missions réalisées par les démineurs. En effet, l'implantation des centres de déminage avait été pensée de manière à couvrir les zones du territoire ayant subies des bombardements lors des deux guerres mondiales, et correspondait donc à une époque où l'activité des démineurs se limitait essentiellement à la mission EOD. Concrètement, cette répartition géographique implique que certaines zones du territoire ayant été historiquement épargnées par les bombardements ne sont pas couvertes par des unités de déminage. Ainsi, la carte présentée ci-dessous montre clairement l'absence de centre de déminage dans une zone située dans le centre de la métropole.

Une couverture territoriale inégale des unités de déminage

Source : IGSC, rapport d'inspection et d'évaluation du GID, juin 2021

D'après l'IGSC « certaines unités doivent couvrir des secteurs opérationnels immenses et parcourir des distances énormes pour se rendre sur intervention15(*) ». À titre d'exemple, dans le cadre de son déplacement au centre de déminage de Versailles, le rapporteur spécial a pu constater, le champ d'intervention territorial particulièrement large de cette unité, qui s'étend sur pas moins de 11 départements16(*).

Cette situation implique un décalage entre la couverture opérationnelle du GID et l'évolution des risques. En effet, la montée en puissance de la mission IEDD suppose des potentielles interventions sur l'ensemble du territoire, et non plus uniquement sur les territoires historiquement touchés par les bombardements des conflits mondiaux.

Le décalage entre la cartographie opérationnelle du GID et la cartographie du risque pourrait peser sur les performances du service en matière de délais d'intervention. En effet, d'après l'IGSC, cette organisation obsolète peut induire, dans certains secteurs, des délais d'intervention supérieurs à 2 heures. Cette situation est d'autant plus problématique que la France a déployé, face à la menace terroriste, une réponse opérationnelle s'appuyant sur des unités d'intervention telles que le groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) ou la brigade de recherche et d'intervention (BRI) auxquelles sont associés les démineurs du GID. Ces derniers doivent donc intervenir avec les mêmes critères de délais que ces forces d'intervention.

2. Il convient dès lors d'engager au plus vite une réorganisation de la couverture territoriale des unités opérationnelles du GID

Dans ce contexte, et pour éviter une augmentation trop importante des délais d'intervention, la DGSCGC a prévu depuis 2018 la possibilité pour les services de déminage de recourir aux moyens aériens de la sécurité civile lorsque les délais d'intervention sur colis suspects sont supérieurs à 1 heures 30. En 2023, les démineurs ont ainsi pu bénéficier de 19 opérations de transport réalisées par les hélicoptères « Dragons » de la sécurité civile. Cette solution présente un certain intérêt opérationnel, mais constitue un pis-aller et ne doit en aucun cas dispenser la DGSCGC de mener une réflexion approfondie sur la réorganisation de la cartographie opérationnelle du GID.

Ce constat s'inscrit dans la droite ligne des travaux de l'IGSC, qui a par ailleurs déploré que la direction centrale du GID « ne dispose pas de documents structurants décrivant l'organisation optimale de la réponse opérationnelle17(*) ». Une réflexion sur l'adaptation de la couverture opérationnelle du GID doit pourtant être engagée. Celle-ci devra se traduire, d'après l'IGSC, par un « schéma national d'analyse et de couverture des risques du déminage », et permettrait concrètement d'élaborer :

- une cartographie du risque lié au déminage en tenant compte de l'occurrence et de la gravité ;

- une répartition adaptée des centres de déminage ;

- la définition d'un effectif théorique des personnels par centre (voir infra) ;

- la définition des matériels affectés dans chaque centre.

Le GID travaillerait actuellement à l'élaboration d'un projet de restructuration de sa cartographie opérationnelle, qui pourrait déboucher sur la création de nouvelles implantations. L'ouverture de ces nouvelles implantations devrait en tout état de cause permettre :

- d'une part, d'optimiser les délais d'intervention par une meilleure couverture du territoire par les centres de déminage ;

- d'autre part, de maintenir en capacité les soutes de stockage.

Il convient de noter que cette remise à plat de la cartographie opérationnelle pourrait nécessiter, du point de vue de la DGSCGC, des recrutements complémentaires. À cet égard, le recrutement de 7 démineurs supplémentaires a été acté dans le cadre de la LOPMI. Ces hausses d'effectifs sont bienvenues mais ne doivent pas dispenser le GID de mener une réflexion sur la possibilité de redéploiement d'effectifs dans le cadre de la refonte de l'implantation territoriale des services de déminage (voir infa).

En tout état de cause, il est regrettable que la réflexion stratégique sur l'implantation territoriale des centres de déminage n'ait pas été menée plus tôt, d'autant plus que la montée en puissance de la mission de lutte contre le terrorisme n'est pas un phénomène nouveau. Ces travaux auraient pu être approfondi en amont de l'élaboration de la LOPMI. En effet, l'ouverture de nouveaux centres dans les territoires mal couverts par les services de déminage pourrait impliquer des investissements conséquents, et la LOPMI aurait pu à cet égard constituer un vecteur intéressant pour donner une impulsion budgétaire à cette initiative.

Le rapporteur spécial invite donc la DGSCGC à formaliser sans plus attendre cette stratégie d'implantation territoriale des services de déminage à partir d'une nouvelle cartographie opérationnelle du GID, et à engager au plus vite les investissements nécessaires pour la mettre concrètement en oeuvre.

L'obsolescence de la cartographie opérationnelle du GID se traduit par des écarts de sollicitations importants entre démineurs de différentes unités délocalisées. À titre d'exemple, le site de la a de Brest a fait l'objet de 42 interventions par démineur et par an sur par période 2021 à 2023,, alors que le centre de déminage d'Arras a réalisé 112 interventions par démineur et par an sur cette même période.an.

Toutefois ces données doivent être nuancées, car il est difficile d'estimer le temps consacré par les démineurs à chaque intervention, et par conséquent, de comparer la sollicitation opérationnelle réelle de chaque centre. Par exemple, les missions EOD se réalisent sous forme de « tournée de ramassage » programmées, qui permettent la réalisation en une demi-journée de plusieurs missions. Mais il arrive parfois qu'une mission EOD plus complexe s'étende sur plusieurs jours. D'après l'IGSC, seul le suivi de l'activité des centres de déminage à l'aide d'un véritable SGA-SGO ou « système de gestion de l'alerte - système de gestion des opérations » (voir infra) permettrait d'estimer la véritable sollicitation des unités de déminage18(*).

En tout état de cause, le rapporteur spécial considère que la refonte de la cartographie opérationnelle du GID devra s'accompagner d'une réflexion approfondie sur les possibilités de redéploiements d'effectifs entre les différents centres de déminage, de manière à optimiser les effectifs dont il dispose actuellement. La dynamique de départs à la retraite à laquelle est actuellement confronté le GID peut constituer une opportunité à cet égard.

Recommandation n° 2 : afin d'assurer une couverture opérationnelle optimale du territoire, redéfinir l'implantation des centres de déminage par rapport à l'évolution des missions des démineurs. Procéder dans ce cadre à un redéploiement d'effectifs en fonction des besoins réels en personnel des différents centres de déminage (DGSCGC).

Le rééquilibrage des moyens humains entre les différents sites est d'autant plus nécessaire qu'un trop faible niveau de sollicitation de certains démineurs peut faire peser un risque de perte de compétence pour ces derniers.

Dans ce contexte, il importe de développer la formation continue des démineurs afin de préserver leur niveau de compétence. Or le rapporteur spécial relève que la stratégie de formation des agents du déminage tout au long de leur carrière ne fait l'objet d'aucune formalisation de la part par la direction centrale du GID. La DGSCGC a en effet indiqué que l'entrainement des démineurs relève directement de la compétence des chefs de centre. La formalisation de cette stratégie de formation apparait toutefois nécessaire pour garantir le maintien des compétences des démineurs, a fortiori dans les unités de déminage où les sollicitations opérationnelles sont peu nombreuses. Ce constat est partagé par l'IGSC, qui estime que ce travail d'anticipation de la formation continue au sein du GID « est de rigueur afin de conserver la haute technicité des démineurs indispensable dans la conduite et l'exécution de leurs missions sensibles19(*) ».

Recommandation n° 3 : afin de garantir le maintien des compétences des démineurs, notamment dans les centres de déminage où la sollicitation opérationnelle est moins importante, confier à la direction centrale du GID l'élaboration d'un plan annuel de formation (DGSCGC).


* 15 IGSC, document de synthèse des visites des centres de déminage, juin 2022.

* 16 Les Yvelines, l'Essonne, le Val d'Oise, la Seine et Marne, La Nièvre, l'Yonne et l'Eure.

* 17 IGSC, rapport d'inspection et d'évaluation du GID, juin 2021.

* 18 IGSC, document de synthèse des visites des centres de déminage, juin 2022.

* 19 Ibid.

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