D. LE CONTRÔLE CONTINU DU RESPECT DES OBLIGATIONS DÉCOULANT DE L'ADHÉSION AU CONSEIL DE L'EUROPE, UNE MISSION TRADITIONNELLE DE L'APCE
Lors de sa séance du 17 avril 2024, l'APCE a examiné un rapport sur le respect des obligations et engagements de l'Albanie.
L'Assemblée a décidé de clore la procédure de suivi concernant l'Albanie et d'engager un dialogue post-suivi avec ce pays.
En adoptant à l'unanimité une résolution, basée sur le rapport de M. Ionuþ-Marian Stroe (Roumanie, PPE/DC), elle a souligné « le fait que la crise politique systémique prolongée dans le pays [...] ait récemment commencé à perdre de son intensité », et a salué les réformes mises en oeuvre, notamment la réforme du système judiciaire « visant à assurer son indépendance réelle et l'efficacité de l'administration de la justice », ainsi que la réforme administrative et territoriale, qui a renforcé l'efficacité de l'autonomie locale.
La résolution adoptée a également mis en exergue l'adoption d'un nouveau cadre juridique pour les élections, « fondé sur un processus inclusif et sur un large consensus entre les acteurs politiques ».
En outre, l'Assemblée parlementaire a noté des progrès significatifs dans la lutte contre la corruption systémique, encore très répandue en Albanie, y compris le contrôle du pouvoir judiciaire.
Cependant, l'APCE a exprimé sa préoccupation concernant la polarisation persistante de l'environnement politique, qui sape le système d'équilibre des pouvoirs dans le pays et limite le contrôle parlementaire. Elle déplore également l'absence de décrets d'application pour la mise en oeuvre de la loi de 2017 sur la protection des minorités nationales, et la dégradation de la liberté des médias.
Si aucun progrès tangible et concret n'a été fait par les autorités albanaises pour répondre aux préoccupations et aux recommandations de l'APCE concernant « la lutte contre la corruption, la protection des minorités ainsi que la liberté des médias et la liberté d'expression », l'APCE attend de sa commission de suivi qu'elle examine, dès le premier rapport qu'elle fera dans le cadre du dialogue post-suivi, si l'Albanie doit de nouveau faire l'objet de la procédure de suivi complète.
E. LA PRÉSERVATION DE L'ENVIRONNEMENT, UNE THÉMATIQUE BIENTÔT INSCRITE DANS LES OBLIGATIONS DE L'APCE
Lors de sa séance du 18 avril 2024, l'APCE a tenu un débat conjoint sur le droit à un environnement sain et sur la protection des océans face à la crise climatique.
1. Réaliser le droit humain à un environnement sûr, propre, sain et durable grâce au processus de Reykjavik
Lors de ce débat conjoint, l'APCE a déploré que le Conseil de l'Europe soit le seul système régional des droits humains qui n'ait pas encore formellement reconnu le droit à un environnement sain.
Elle a rappelé que lors du 4ème Sommet du Conseil de l'Europe à Reykjavik (16-17 mai 2023), les chefs d'État et de gouvernement ont reconnu l'urgence de protéger l'environnement, et de contrer l'impact de la « triple crise planétaire de la pollution, du changement climatique et de la perte de biodiversité ».
La résolution, adoptée sur la base du rapport de M. Simon Moutquin (Belgique, SOC), salue la mise en place en janvier 2024 d'un groupe de travail inter-secrétariats sur l'environnement, chargé de réaliser un inventaire des activités existantes et prévues, et de « proposer des éléments pour l'élaboration d'une première stratégie du Conseil de l'Europe en matière d'environnement ».
L'Assemblée parlementaire a déclaré que cette future stratégie doit se doter d'une finalité claire sur le plan normatif européen et a souligné l'importance « d'élaborer un instrument juridique contraignant reconnaissant un droit autonome à un environnement sain au sein du Conseil de l'Europe », en capitalisant sur les normes existantes du Conseil de l'Europe.
Dans ce contexte, l'APCE a appelé les États membres à se pencher au niveau national sur la nature et le contenu du droit à un environnement sain, afin que ce droit soit rapidement reconnu dans la loi comme un droit humain à part entière. La résolution adoptée encourage également la création de pôles environnementaux spécialisés à tous les niveaux de gouvernance, ainsi que la mise en place au niveau national de mécanismes de participation citoyenne, afin de favoriser l'acceptation sociale des politiques environnementales en particulier par et pour les jeunes.
Enfin, l'Assemblée parlementaire a recommandé au Comité des Ministres d'accorder la priorité à la création d'un « comité intergouvernemental ad hoc pour organiser, coordonner et piloter la mise en oeuvre de la Stratégie et du plan d'action », et à l'élaboration d'un « instrument juridique contraignant dans les plus brefs délais ».
2. Vers des stratégies mers et océans sains du Conseil de l'Europe contre la crise climatique
Lors de ce débat conjoint, l'APCE a insisté sur le fait que les mers et les océans de notre planète sont « des écosystèmes complexes qui sont vitaux pour la préservation de la biodiversité, pour les moyens de subsistance de l'être humain et pour la régulation du climat mondial » et a ajouté qu'ils pourraient être nos « alliés » pour atténuer cette triple crise et les menaces sociales, économiques et politiques qui en découlent.
Adoptant une résolution basée sur un rapport de Mme Yuliia Ovchynnykova (Ukraine, ADLE), l'Assemblée a appelé les États membres à donner la priorité aux efforts visant à sauvegarder les écosystèmes marins conformément aux objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies, en particulier l'ODD 14, qui se concentre sur la conservation et l'utilisation durable des océans, des mers et des ressources marines.
Soulignant la dimension humaine des activités maritimes, l'Assemblée a appelé à une application plus large des normes européennes, afin de renforcer la protection des droits humains dans la gouvernance marine. L'adoption de traités internationaux majeurs, tels que le traité des Nations Unies sur la haute mer, a été saluée comme une étape importante pour remédier à la gouvernance fragmentée des eaux internationales.
Dans les régions touchées par la guerre, comme la mer Noire en Ukraine, l'APCE a invité les États membres à coordonner leurs efforts et à mieux gérer les conséquences environnementales de la guerre. L'Assemblée a invité les États à « recueillir et analyser des informations sur les mines et les munitions non explosées dans la mer Noire, les niveaux de pollution de l'eau et les autres effets de la guerre sur la faune et la vie marine et sur la biodiversité ».
Enfin, l'Assemblée invite les pays membres de l'Union européenne « à protéger et à restaurer 30 % des zones maritimes de l'Union européenne d'ici à 2030 en élargissant les aires marines protégées dans le but d'arrêter le chalutage dans ces dernières » et appelle les pays non membres de l'Union européenne « à s'inspirer de ces mesures pour améliorer leur législation nationale ».
Mmes Liliana Tanguy, Anne Stambach-Terrenoir, MM. Alain Cadec et Bertrand Bouyx, président de la délégation française, ont participé à ce débat conjoint.