C. LE RAPPORT D'ACTIVITÉ DU BUREAU ET DE LA COMMISSION PERMANENTE
À l'occasion de la première séance de cette session de printemps, le lundi 15 avril 2024, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a examiné le rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente présenté par Mme Petra Bayr (Autriche, SOC), qui passe en revue les travaux et les décisions des organes subsidiaires de l'Assemblée depuis la dernière partie de session. Figuraient notamment parmi les points abordés le suivi du Sommet de Reykjavik ; les listes des candidats aux postes de juges à la Cour européenne des droits de l'homme présentées par l'Autriche, l'Irlande, la Lettonie, le Liechtenstein et Monaco ; le Prix Vigdís du renforcement du pouvoir des femmes 2024 ; l'observation des élections présidentielle et législatives en Macédoine du Nord (24 avril et 8 mai 2024) ainsi que des élections législatives anticipées en Bulgarie.
D. LES AUDITIONS ET ÉCHANGES DE L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE AVEC PLUSIEURS PERSONNALITÉS
1. Le discours de M. Mihail Popºoi, vice-Premier ministre et ministre des affaires étrangères de la République de Moldavie
S'adressant à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe lors de sa séance du lundi 15 avril 2024, le vice-Premier ministre et ministre des affaires étrangères de la République de Moldavie, Mihai Pop?oi, a exprimé l'engagement de son pays à « poursuivre des réformes profondes et la transformation de la société moldave, à surmonter les défis auxquels il est confronté et à construire un avenir européen prospère pour son peuple ».
« Ces dernières années, nous avons investi toute notre énergie pour éradiquer la corruption dans le système judiciaire et réduire l'influence des oligarques dans la politique, l'économie et les médias. Nous avons beaucoup progressé et nous faisons tout notre possible pour mettre en oeuvre toutes les recommandations de nos partenaires », a-t-il déclaré, y compris celles émises par la Commission de Venise, MONEYVAL, le GRECO, et le groupe ad hoc sur la réforme de la justice.
M. Popsoi a rappelé que la République de Moldavie était confrontée à de graves défis, notamment l'agression russe contre l'Ukraine, qui a d'importantes répercussions négatives. Il a condamné cette « agression barbare » et a souligné l'engagement de son pays à continuer à soutenir l'Ukraine, notamment en accueillant des réfugiés.
« Tous les efforts de la communauté internationale doivent être consacrés à aider l'Ukraine, à continuer à résister à cette agression et à prendre des mesures pour décourager la Russie de poursuivre cette guerre », a-t-il déclaré. Il a également souligné le soutien de la République de Moldavie au registre des dommages, créé par le Conseil de l'Europe, et aux efforts visant à mettre en place un tribunal international pour les crimes d'agression commis par la Russie.
En ce qui concerne le conflit dans la région de Transnistrie de la République de Moldavie, il a réitéré le soutien de son gouvernement à un règlement pacifique, par le biais de négociations fondées sur la souveraineté et l'intégrité territoriale de son pays, et a souligné que les mesures prises en vue de l'intégration à l'Union européenne pourraient contribuer à une solution. Il s'est dit préoccupé par les violations des droits humains dans la région et par la « présence illégale de troupes et de munitions russes ».
Un autre défi important auquel la République de Moldavie est confrontée, a expliqué Mihai Pop?oi, est « l'approche systémique du Kremlin », qui tente de diviser la société moldave par la propagande, la désinformation et le financement illégal de projets politiques.
Dans un contexte international où « le droit international est gravement violé, le multilatéralisme attaqué, et où les nouvelles technologies perturbatrices changent notre vie », le vice-Premier ministre a appelé le Conseil de l'Europe à rester un « pivot, un point de référence pour les droits humains, la démocratie et l'État de droit ».
Son allocution a été suivie d'une session de questions et réponses.
M. Claude Kern a interrogé M. Mihail Popºoi sur la visite de Yevgenia Gutsul, gouverneure de la région autonome de Gagaouzie, à Moscou début avril 2024 et sur les conséquences de ce soutien russe sur la stabilité de la République de Moldavie.
M. Mihail Popºoi a indiqué que ce soutien affiché était cynique et désespéré. Selon lui, la plupart des Moldaves savent que l'aide véritable vient de l'Union européenne, des États-Unis, de la région euro-atlantique et du monde libre.
M. Thibaut François a interrogé M. Mihail Popºoi sur l'état d'avancement des réformes nécessaires pour l'adhésion de la République de Moldavie à l'Union européenne.
M. Mihail Popþoi a détaillé les réformes entreprises en matière de justice, de lutte contre la corruption et d'autonomisation des femmes et leur participation à la vie politique.
2. La séance de questions à Mme Marija Pejèinoviæ-Buriæ, Secrétaire générale du Conseil de l'Europe
La Secrétaire générale du Conseil de l'Europe, Mme Marija Pejèinoviæ Buriæ, a répondu aux questions des parlementaires lors de la séance qui s'est tenue le mardi 16 avril 2024.
La Secrétaire Générale a réitéré l'importance fondamentale de l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme, qui est une étape essentielle pour compléter et assurer la cohérence de l'architecture des droits humains du continent.
En outre, Mme Marija Pejèinoviæ Buriæ a insisté sur la façon dont le Conseil de l'Europe travaille actuellement à de nouveaux instruments dans les domaines de l'intelligence artificielle et de l'environnement, notamment à une nouvelle convention contre les crimes environnementaux, conformément à la Déclaration de Reykjavik. Elle a également souligné le soutien constant de l'organisation à l'Ukraine, relevant notamment le dépôt des premières demandes d'indemnisation au Registre des dommages.
Son allocution a été suivie d'une session de questions et réponses.
Après avoir remercié Mme Pejèinoviæ Buriæ, en son nom et au nom du groupe PPE/DC, pour ses cinq années passées au service du Conseil de l'Europe, Mme Marie-Christine Dalloz l'a interrogée sur le bilan qu'elle tirait de son mandat et sur le rôle à venir du Conseil de l'Europe dans un contexte géopolitique particulièrement tendu.
Mme Pejèinoviæ Buriæ a répondu que son mandat avait été marqué par trois évènements majeurs : la pandémie de Covid-19, l'agression de l'Ukraine par la Fédération de Russie et le quatrième Sommet du Conseil de l'Europe à Reykjavik. Elle a estimé que la Déclaration de Reykjavik avait donné des axes stratégiques sur ce que l'institution devrait faire dans le futur, précisant que les questions émergentes concernaient essentiellement l'intelligence artificielle, les enjeux environnementaux, le changement climatique et les droits de l'homme.
D'autres questions ont porté sur la situation au Moyen-Orient et sur la pertinence de l'Observatoire sur l'enseignement de l'histoire en Europe, qui promeut un enseignement de qualité afin d'améliorer la compréhension de la culture démocratique.
3. Le discours de Mme Dominique Hasler, ministre des affaires étrangères, de l'éducation et des sports du Liechtenstein, présidente du Comité des Ministres
Au cours de la séance du mercredi 17 avril 2024, Mme Dominique Hasler, ministre des affaires étrangères, de l'éducation et des sports du Liechtenstein, s'est exprimée devant l'Assemblée parlementaire, en sa qualité de présidente du Comité des Ministres.
Dans sa communication, Mme Hasler a mentionné la nécessité d'un soutien continu à l'Ukraine. « À Reykjavík, nos dirigeants ont envoyé un message fort exprimant leur soutien indéfectible à l'Ukraine et condamnant fermement la guerre d'agression illégale lancée par la Fédération de Russie », a-t-elle rappelé.
Cette année, un certain nombre de mesures importantes ont été prises. Le bureau du Registre a été inauguré à Kiev le 23 mars 2024. Ce bureau joue un rôle important dans la coordination de l'échange d'informations avec d'autres organisations internationales, les autorités ukrainiennes et les organisations de la société civile, y compris l'échange de preuves. Le 2 avril, le Registre des dommages a officiellement ouvert le processus de soumission des demandes d'indemnisation. « La présidence du Liechtenstein continuera de plaider en faveur d'une adhésion plus large au registre et d'encourager les États non-membres à se joindre aux efforts déployés pour garantir la justice », a-t-elle déclaré.
Mme Hasler a également rendu hommage à M. Alexei Navalny. Le Comité des Ministres a demandé instamment qu'une commission d'enquête internationale indépendante et impartiale mène une enquête efficace sur sa mort. En outre, le travail se poursuivra, y compris avec d'autres organismes internationaux, pour rappeler à la Russie son obligation légale inconditionnelle de mettre en oeuvre les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme.
La qualité de l'information et le journalisme à l'ère numérique, l'abolition de la peine de mort dans le monde et l'intelligence artificielle figurent également parmi les priorités de la présidence du Liechtenstein. La convention-cadre du Conseil de l'Europe sur l'intelligence artificielle sera à l'ordre du jour de la session ministérielle du 17 mai.
Mme Hasler a conclu son intervention en déclaration que « le 75ème anniversaire du Conseil de l'Europe, cette année, est une occasion importante de démontrer notre engagement commun en faveur du multilatéralisme, ainsi que des principes des droits de l'homme, de la démocratie et de l'État de droit ».
Dans ce contexte, la présidence du Liechtenstein organise un événement pour la jeunesse afin de permettre aux jeunes de toute l'Europe de faire entendre leur voix dans les travaux de l'organisation.
Son allocution a été suivie d'une session de questions et réponses. M. Alain Milon, premier vice-président de la délégation française, a demandé à Mme Hasler si le Liechtenstein pouvait s'engager à ratifier la Charte sociale européenne révisée.
Mme Hasler a répondu que le Liechtenstein envisageait la ratification de la Charte sociale européenne révisée mais sans pouvoir préciser quand. Elle a rappelé que le Liechtenstein ne se contentait pas de ratifier des conventions mais qu'il s'imposait de les mettre en oeuvre complétement et correctement. En conséquence, disposant de ressources administratives limitées, le pays est obligé de hiérarchiser les conventions qu'il ratifie.
4. Le discours du Prince héréditaire du Liechtenstein
Au cours de la séance du jeudi 18 avril 2024, le Prince héritier Alois von und zu Liechtenstein s'est exprimé devant l'Assemblée parlementaire. Le Liechtenstein assure la présidence du Comité des Ministres durant un semestre, de novembre 2023 à mai 2024.
« La politique de puissance agressive ne doit pas avoir le dessus. Les personnes qui mettent à mal notre engagement commun en faveur de l'ordre international fondé sur des règles doivent rendre des comptes », selon le Prince Alois.
Il a salué la création du Registre des dommages, première mesure importante prise par le Conseil de l'Europe pour établir les responsabilités concernant l'agression de la Russie contre l'Ukraine. Selon lui, il est crucial que le crime d'agression fasse l'objet d'une enquête et de poursuites et que tous les responsables soient tenus de rendre des comptes.
Le Prince Alois a observé que la politique de puissance agressive, les tendances anti-démocratiques, la montée du nationalisme et le mépris de l'État de droit et de l'ordre international fondé sur des règles sont autant de graves menaces qui ont conduit par le passé à la destruction et à la souffrance. Le Prince a cité l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine comme exemple d'atteinte aux valeurs fondamentales du Conseil de l'Europe - droits de l'homme, démocratie et État de droit -et souligné que le respect inconditionnel de l'ordre international fondé sur des règles est indispensable et essentiel pour notre sécurité.
Insistant sur le rôle crucial d'une coopération multilatérale efficace et inclusive au sein d'organisations telles que le Conseil de l'Europe dans le maintien de la paix et de la stabilité, le Prince Alois a mis en garde contre une tendance opposée qui se manifeste par des forums alternatifs dominés par de grandes puissances, où les points de vue des petits États ne sont pas suffisamment pris en compte.
Le Liechtenstein, du fait de sa petite taille, dépend du bon fonctionnement d'un ordre international fondé sur des règles. Cela étant, d'après le Prince Alois, les petits États constituent la majorité de la communauté internationale et font justement entendre d'importants points de vue, en particulier dans les forums multilatéraux où la taille de leur territoire est sans commune mesure avec leur contribution.
Le Prince Alois a déclaré que l'adhésion du Liechtenstein au Conseil de l'Europe, en 1978, a permis à son pays de participer aux débats et de contribuer activement à la protection des droits de l'homme, de la démocratie et de l'État de droit dans toute l'Europe, ce qui a renforcé sa souveraineté et sa reconnaissance sur la scène internationale en tant qu'État indépendant.