I. DÉBAT D'ACTUALITÉ : FAIRE FACE À LA CATASTROPHE HUMANITAIRE À GAZA ET PRÉVENIR UNE NOUVELLE ESCALADE AU MOYEN-ORIENT SUITE À L'ATTAQUE RÉCENTE DE L'IRAN CONTRE ISRAËL

1. L'intervention de M. Claude Kern, porte-parole du groupe ADLE

Monsieur le Président,

Mes chers collègues,

Après l'attaque terroriste barbare du 7 octobre dernier, après les actions intentées par les Houthis et le Hezbollah, voici que l'État d'Israël a fait face, en fin de semaine dernière, à une attaque massive de drones, de missiles de croisière et de missiles balistiques lancés directement depuis l'Iran. Je la condamne fermement.

Le système multicouche de la défense israélienne a bien fonctionné et a permis de détruire la quasi-totalité des missiles et drones lancés, même s'il faut également souligner l'intervention de plusieurs États voisins et amis, dont la France qui a assumé, en tant qu'acteur de la sécurité régionale ayant des bases militaires dans plusieurs États de la région, avoir détruit un certain nombre de missiles.

En décidant d'une telle action sans précédent, l'Iran, qui prône depuis quarante ans la destruction de l'État d'Israël, a franchi un nouveau palier dans ses actions de déstabilisation. Le risque d'une escalade militaire dans le Proche-Orient est important. Je veux ici appeler solennellement à la mesure et à la paix. J'ai une pensée pour l'ensemble des populations du Moyen-Orient qui souffrent des conséquences des actes terroristes menés par la République d'Iran ou ses affidés.

Je veux aussi réaffirmer notre attachement à la sécurité d'Israël, aujourd'hui menacé de toutes parts, ainsi qu'à la stabilité régionale. J'ai notamment des craintes vis-à-vis de la frontière avec le Liban, État lui-même en proie à de nombreuses difficultés intérieures, le Hezbollah n'ayant cessé d'accroître ses tirs au cours des derniers mois.

Je me félicite qu'hier, le Conseil européen ait décidé de prendre de nouvelles mesures restrictives à l'encontre de l'Iran, notamment en ce qui concerne les drones et les missiles.

De telles mesures pourront également servir la cause de l'Ukraine, puisque la Russie fait elle-même un recours extensif aux drones Shahed produits par l'Iran.

Mais dans cette enceinte du Conseil de l'Europe, dédiée aux droits de l'homme, je veux également appeler une nouvelle fois, avec force, à la libération des 134 otages encore détenus par le Hamas dans la bande de Gaza, incluant quatre personnes enlevées avant le 7 octobre. Ces personnes n'ont jamais reçu la visite de la Croix-Rouge ou d'autres associations humanitaires. Au moins 36 des personnes enlevées ne sont plus en vie et le Hamas détient leurs corps à Gaza. Il faut que cela cesse, et la pression militaire sur le Hamas est un élément malheureusement indispensable pour que les otages soient libérés et les corps des défunts, rendus.

Bien sûr, notre coeur saigne en voyant les images de destruction, les images de la souffrance qui afflige les Gazaouis, mais si les Palestiniens veulent réellement un cessez-le-feu, il faut que le Hamas libère immédiatement toutes les personnes enlevées et détenues à Gaza. C'est un préalable incontournable à toute négociation en vue d'un cessez-le-feu.

C'est le sens de la déclaration écrite 15970 que j'ai déposée et que nombre d'entre nous ont signée.

Puisse ce message de paix et de responsabilité pour l'ensemble du Moyen-Orient être entendu.

2. L'intervention de Mme Mireille Clapot

Merci, Monsieur le Président.

Chers collègues,

Il y a moins de trois mois, nous avions déjà évoqué ici la situation à Gaza. Si la situation a évolué depuis avec (enfin !) le vote d'un cessez-le-feu immédiat le 25 mars dernier par le Conseil de sécurité de l'ONU, un léger infléchissement de la position des États-Unis et le départ de troupes israéliennes de Khan Younès, elle reste inquiétante.

En effet, ces nouveaux développements n'ont pas amélioré la situation sur le terrain puisque les bombardements, pas plus tard que ce matin, ont repris sur Gaza, sans doute en réaction à l'attaque de l'Iran, et la crise humanitaire persiste. Ces attaques incessantes, en infraction du droit international, comme l'a rappelé le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, portent le bilan macabre à 33 800 morts côté palestinien, dont 12 300 enfants et 70 000 blessés. L'Unicef écrit à ce propos que « la bande de Gaza est aujourd'hui l'endroit le plus dangereux au monde pour un enfant ».

En 2023, ont été tués plus de Palestiniens qu'en quinze ans de conflit, rapporte le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU. Les violences, y compris sexuelles, y sont quotidiennes.

Chers collègues, il est nécessaire de réitérer notre soutien à une solution à deux États, à une fin des combats et à une autorisation de l'élargissement de l'entrée de l'aide humanitaire par Israël.

Israël a été victime des attaques barbares et terroristes du 7 octobre par le Hamas qui ont causé 1 160 morts, Israël a été bombardé par l'Iran à large échelle, Israël compte encore hélas 129 otages sur les 250 enlevés, et le Hamas déclare ne pas disposer des 40 otages demandés par Israël pour conclure un cessez-le-feu. Ces nouvelles sont abominables et je partage la douleur des Israéliens.

Mais rien ne justifie qu'aux morts sous les bombardements à Gaza ou sous les balles des snipers s'ajoutent les morts par maladie et malnutrition et, osons le mot, par famine, par manque de soins médicaux, par volonté d'éradiquer non seulement le Hamas mais les « animaux humains » que certains membres du Gouvernement israélien voient en chaque Gazaoui, fût-il civil.

Les camions d'aide humanitaire arrivaient au compte-gouttes par Rafah ; ils passent depuis hier en plus par le port israélien d'Ashdod, et certains produits sont parfois parachutés.

Mais il faudrait 500 camions par jour. Israël annonce 550 camions en deux jours : c'est insuffisant.

L'UNRWA, l'Agence de l'ONU pour les réfugiés qui assurait les services sociaux de base à Gaza et qui a payé un lourd tribut humain, 178 employés tués, a été largement montrée du doigt par Israël, Israël qui vise désormais son démantèlement. Mais qui va désormais assurer les services sociaux auprès des civils gazaouis ?

Il faut penser au jour d'après. Si on ne le fait pas par raison humanitaire, faisons-le en pensant aux conséquences en matière de sécurité que poserait une génération réduite à la famine, privée d'éducation et de sécurité.

Notre institution, le Conseil de l'Europe, doit rappeler le droit international humanitaire aux deux parties et aux États hostiles.

3. L'intervention de M. Frédéric Mathieu

Monsieur le Président,

Chers collègues,

Je crois qu'on ne le rappellera jamais assez - on l'a dit à plusieurs reprises, malheureusement cela n'a pas été unanime et je le regrette - mais le massacre à Gaza ne ressuscitera pas les victimes des massacres horribles perpétrés par le Hamas le 7 octobre. Le massacre à Gaza ne ramènera pas les otages chez eux.

Combien faudra-t-il encore de dizaines de milliers de morts pour comprendre cela une bonne fois pour toutes ? Cela ne sert à rien. Les tenants de cette politique-là, ils attendent quoi ? Combien de dizaines de milliers de cadavres encore à entasser pour voir que cela ne mène à rien ? La seule chose à laquelle cela mène, c'est que cela abîme, cela blesse, cela meurtrit, cela défigure notre commune humanité, comme si ce n'était pas déjà suffisant. Voilà la chose à laquelle cela mène. Cela fragilise aussi le patient travail qui est fait depuis des décennies dans cet hémicycle et dans le reste des institutions du Conseil de l'Europe, dans le reste des institutions internationales pour le respect du droit international, pour le respect du droit humanitaire. Voilà ce que cela fait. Cela mine tout ce que l'on est en train de construire et tout ce que celles et ceux qui nous ont précédés ont essayé de construire en matière de droits humains. Il faut que cela cesse immédiatement.

Je serai très court : pour moi, l'urgence aujourd'hui, c'est vraiment qu'on se batte toutes et tous pour un cessez-le-feu immédiat. Il n'y a que le cessez-le-feu immédiat qui permettra d'ouvrir ce cadre de discussion, cette fenêtre de discussion qui sera forcément difficile, mais je sais qu'il y a beaucoup de pays - et dans notre institution et bien ailleurs - qui seront prêts à servir d'intermédiaires et de médiateurs dans la discussion.

Une fenêtre de discussion pour soulager les souffrances du peuple palestinien, une fenêtre de discussion pour permettre le retour rapide, immédiat des otages auprès des leurs : voilà ce qu'il faut faire, voilà ce qu'il faut exiger. Et arrêter de croire que massacrer les gens, empiler les cadavres réglera quelque chose : cela ne règle absolument rien.

Je vous remercie.

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