H. DÉBAT SELON LA PROCÉDURE D'URGENCE : PROJET DE CONVENTION-CADRE SUR L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE, LES DROITS DE L'HOMME, LA DÉMOCRATIE ET L'ÉTAT DE DROIT

1. L'intervention de M. Frédéric Mathieu, porte-parole du groupe GUE

Merci, Monsieur le Président.

Avant de commencer mon propos, je tiens au nom de mon Groupe à remercier la rapporteure pour le travail qu'elle a mené et également la précision, la rigueur et toutes les exigences qui sont portées dans son propos liminaire qu'elle a bien voulu nous délivrer tout à l'heure.

Monsieur le Président,

Chers collègues,

L'intelligence artificielle et ses usages font l'objet de débats de plus en plus récurrents dans nos sociétés. De façon générale, on appose de nouvelles peurs : remplacement de l'intelligence humaine par des machines, falsification d'images ou de publications, suppressions d'emplois, etc. Mais il convient de se rappeler que l'intelligence artificielle n'est qu'un outil.

Une image permet de comprendre aisément pourquoi il ne faut pas avoir peur de l'intelligence artificielle en soi mais simplement de comment on l'utilise : imaginez tout simplement, le problème ne vient jamais du marteau mais de la main qui le tient.

Si le projet de convention-cadre est une avancée majeure pour l'encadrement et la régulation des usages de l'intelligence artificielle, comme la rapporteure, je déplore que l'usage de l'intelligence artificielle par les acteurs privés soit moins encadré que l'usage par les acteurs publics. Cette disparité ne peut subsister sans créer un danger : que des acteurs privés, souvent plus en pointe que les acteurs publics dans le domaine des nouvelles technologies, emploient l'intelligence artificielle avec des méthodes ou des buts qui pourraient porter atteinte aux droits de l'homme ou à l'État de droit.

Ainsi, que dirions-nous si une entreprise décidait de procéder à une collecte massive de données personnelles - par exemple de publications sur les réseaux sociaux - pour ensuite mener une opération de désinformation ou de propagande sur un sujet précis lors d'une élection ou durant la préparation d'un débat parlementaire ?

Nos pays savent à quel point la lutte informationnelle menée par certains pays contre nos démocraties peut avoir des conséquences graves. Nous ne devons pas rester naïfs : de grandes entreprises privées ont également des intérêts qui pourraient les pousser à un dévoiement de l'intelligence artificielle.

Malgré ce point, que la rapporteure a pu longuement développer dans le projet de rapport que nous examinons, nous nous félicitons qu'une prochaine convention puisse encadrer l'usage de l'intelligence artificielle en matière de droits de l'homme, de démocratie et d'État de droit.

C'est pourquoi nous appelons à voter en faveur de ce projet d'avis et de rapport.

Je vous remercie.

2. L'intervention de Mme Mireille Clapot

Merci, Madame la Présidente.

Madame la rapporteure,

Votre excellent rapport, Madame ÆVARSDÓTTIR, montre que le Conseil de l'Europe est le bon niveau pour établir un instrument juridique contraignant afin que l'intelligence artificielle soit encadrée pour les questions de droits humains, de démocratie et d'État de droit. À l'échelle d'un État membre, ce serait inopérant ; et à l'échelle mondiale, il y aurait trop d'intérêts divergents. Donc oui à cette ambition de régulation consensuelle, dont la voie a été ouverte par plusieurs travaux de notre Assemblée en 2020.

Mais depuis, la technologie a bien progressé et l'arrivée de l'intelligence générative qui produit textes, images et vidéos sur simple demande a démontré les possibilités ouvertes par ce nouvel outil, car au fond ce n'est qu'un outil. Hélas, et nous le voyons en cette période électorale où la moitié des électeurs du monde sont appelés aux urnes, le harcèlement en ligne, les discours de haine et la désinformation sont malheureusement trop souvent les résultats les plus évidents de cette nouvelle technologie.

Alors, je voudrais noter qu'ils ciblent particulièrement les femmes et les filles, et je voudrais appeler mes collègues à réfléchir à ces enjeux. L'intelligence artificielle doit être abordée d'un point de vue d'égalité de genre, c'est le cas dans l'article 10, mais j'aimerais aussi que cela inclue une vision progressiste et optimiste - et d'ailleurs, vous le mentionnez au paragraphe 34 de votre rapport.

En effet, il existe aussi des opportunités pour ouvrir de nouvelles perspectives d'emploi, puisque tous les métiers vont être bouleversés, et pour ouvrir de nouvelles responsabilités aux femmes, y compris dans le champ politique. Et pour cela, toute forme de biais dus à l'IA doit être prévenue.

Mais il faut aller plus loin.

Il faut que la protection des données à caractère personnel soit un atout et non un frein, pour constituer des cohortes de données capables d'alimenter les entreprises soumises à nos règlementations. Sans ce carburant des données, nos entreprises ne peuvent pas travailler.

Il faut aussi promouvoir le développement d'une intelligence artificielle frugale, économe en ressources telles que l'énergie et l'eau, constituant un allié plutôt qu'une menace pour l'environnement. L'intelligence artificielle peut être un allié pour l'environnement.

Il faut aussi que ces politiques publiques relatives à l'intelligence artificielle, que nous venons d'évoquer, soient mesurées afin que nous reprenions le contrôle et que nous ayons des indicateurs, afin de rendre objectifs nos jugements sur l'intelligence artificielle qui, aujourd'hui, trop souvent, sont dominés par l'émotion.

Et puis il faut aussi - nous sommes tous des parlementaires - que nos parlements nationaux s'en emparent, dans le cadre d'un dialogue avec la société.

Tout cela, la convention-cadre qui nous est proposée va le permettre. Elle constitue un bon début, et je vous remercie donc pour le rapport détaillé et très précis que vous nous soumettez.

Je vous remercie.

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