D. DÉBAT CONJOINT : DÉBAT D'URGENCE « LA MORT D'ALEXEI NAVALNY ET LA NÉCESSITÉ DE CONTRER LE RÉGIME TOTALITAIRE DE VLADIMIR POUTINE ET SA GUERRE CONTRE LA DÉMOCRATIE » - DÉBAT D'URGENCE « LA DÉTENTION ARBITRAIRE DE VLADIMIR KARA-MOURZA ET LA PERSÉCUTION SYSTÉMATIQUE DES MANIFESTANTS ANTI-GUERRE EN FÉDÉRATION DE RUSSIE ET AU BÉLARUS » - DÉBAT « SANCTIONS CONTRE LES PERSONNES DE LA LISTE KARA-MOURZA »

1. L'intervention de Mme Marie-Christine Dalloz, porte-parole du groupe PPE/DC

Merci, Monsieur le Président.

Madame la rapporteure, Messieurs les rapporteurs,

Merci pour votre travail au travers des rapports que vous présentez.

Nous avons appris le décès d'Alexeï Navalny avec consternation et tristesse. Son courage exceptionnel, sa détermination tenace se sont finalement révélés insuffisants face à l'acharnement croissant d'un régime totalitaire ne reculant devant aucune violence.

Alexeï Navalny n'aurait jamais dû être emprisonné. Sa condamnation à dix-neuf ans de prison ne reposait sur aucune base sérieuse. Les accusations formulées à l'encontre d'Alexeï Navalny étaient toutes plus infondées les unes que les autres. Malgré les nombreuses réactions officielles condamnant le verdict et demandant sa libération immédiate, que ce soit les Nations Unies, la Cour européenne de droits de l'homme, Alexeï Navalny est resté emprisonné dans des conditions inhumaines et a fini par être transféré dans une des colonies pénitentiaires les plus dures de Russie, où il est mort. Les autorités russes doivent être tenues responsables de ce drame.

Le régime de Vladimir Poutine est un régime de plus en plus violent et menaçant. La population russe en est la première victime. La réélection de Vladimir Poutine, simulacre électoral entaché de fraudes, ne reflète pas un choix démocratique.

Les opposants politiques sont impitoyablement poursuivis et emprisonnés. Vladimir Kara-Mourza, citoyen russo-britannique, purge actuellement une peine de vingt-cinq ans de prison totalement injustifiée et incompatible avec son état de santé. Son épouse, que je salue, est favorable à un échange de prisonniers politiques « lorsque des vies humaines sont en jeu ». J'approuve cette prise de position et cette demande courageuse.

La population russe, qui a manifesté une humanité courageuse et très émouvante lors des obsèques d'Alexeï Navalny, ne semble malheureusement pas en capacité de s'opposer frontalement à la répression politique. Mais il ne faut pas perdre espoir car, comme l'écrit Ilia Iachine, autre opposant politique condamné à huit ans et demi de prison pour avoir dénoncé l'invasion de l'Ukraine : « En tuant Alexeï Navalny, Vladimir Poutine a rendu immortel son rêve d'une Russie libre et ouverte au monde ». Nous pouvons croire à une Russie démocratique. L'oeuvre d'Alexeï Navalny lui survivra.

Tous les membres du Conseil de l'Europe seront toujours présents dans ce combat pour la liberté et pour la paix, car l'offensive tous azimuts que mène Vladimir Poutine contre la démocratie constitue une menace pour tout le continent européen.

Le Groupe du Parti populaire européen votera bien évidemment en faveur de ces résolutions qui nous sont soumises.

Merci.

2. L'intervention de M. Claude Kern

Merci, Monsieur le Président.

Chers collègues,

Je remercie nos trois collègues pour ces rapports qui dénoncent fortement les atteintes aux droits humains inacceptables commises par le régime au pouvoir en Russie. Le Président Vladimir Poutine ne mène pas seulement une guerre d'agression contre l'Ukraine, il mène également une guerre contre la démocratie. Et cette guerre est tout autant dirigée contre son peuple et contre toutes les nations démocratiques.

Après l'assassinat de Sergueï Magnitski et de Boris Nemtsov, c'est au tour d'Alexeï Navalny de succomber sous les coups du régime de Moscou, en février dernier. Permettez-moi de rendre hommage à cette occasion au travail effectué par notre ancien collègue M. Jacques MAIRE, dont vous avez diffusé l'interview d'Alexeï Navalny.

Malgré les dangers, une partie du peuple russe continue de se battre contre l'oppression. Plusieurs milliers de personnes ont assisté aux obsèques d'Alexeï Navalny, malgré la surveillance policière et les risques d'arrestation arbitraire.

Vladimir Kara-Mourza fait partie de ces personnes détenues de manière arbitraire, dans des conditions particulièrement éprouvantes. Je salue aujourd'hui la présence de son épouse, venue témoigner du sort qui lui est réservé. Arrêté à la suite de son témoignage devant notre commission des questions juridiques et des droits de l'homme, il a été condamné à vingt-cinq ans d'emprisonnement pour « trahison » et « diffusion de fausses informations sur l'armée russe », à l'issue d'un simulacre de procès à huis clos.

En réalité, son arrestation est directement liée à son combat pour les droits de l'homme. Même si la Fédération de Russie ne fait plus partie du Conseil de l'Europe, notre Organisation a le devoir de soutenir Kara-Mourza. L'adoption des projets de résolution qui nous sont présentés aujourd'hui témoignera de notre solidarité avec Vladimir Kara-Mourza, ce qui est un message important, même si cela ne sera évidemment pas suffisant.

C'est pour cela que j'appelle à une mobilisation des États membres de notre Organisation en vue d'obtenir sa libération. Je souhaite également que des sanctions de type « Magnitski », permettant de sanctionner les responsables des établissements pénitentiaires, les procureurs et les juges qui ont participé aux persécutions contre lui, puissent être mises en oeuvre.

Enfin, je voudrais avoir une pensée pour les nombreux autres prisonniers politiques en Russie, dont le nombre ne cesse hélas d'augmenter. Selon l'ONG russe OVD-Info, près de 20 000 personnes ont été soumises à une détention administrative pour leur position anti-guerre entre le 24 février 2022 et le 17 décembre 2023.

Ne les oublions pas.

3. L'intervention de M. Christophe Chaillou

Monsieur le Président,

Mes chers collègues,

Permettez-moi tout d'abord de saluer les rapporteurs pour la qualité de leur travail, et permettez-moi bien évidemment de vous saluer tout particulièrement, chère Madame KARA-MOURZA, pour votre témoignage particulièrement émouvant qui nous a, je crois, tous profondément marqués.

Cela a été dit, la situation de votre époux, Vladimir Kara-Mourza, est particulièrement critique. Arrêté en avril 2022 à Moscou puis condamné à vingt-cinq ans de prison pour trahison, il est aujourd'hui emprisonné en Sibérie où il a été placé à l'isolement. Sa santé est extrêmement fragile.

Vous êtes aujourd'hui à nos côtés pour témoigner de la terrible répression qui sévit dans votre pays, en Russie. Je tiens de nouveau à vous en remercier, à vous remercier pour votre engagement et saluer votre courage, dans un contexte si particulier où votre époux risque véritablement sa vie pour défendre un idéal, notre idéal commun des droits de l'homme, de la liberté d'expression et de la démocratie.

Après la mort d'Alexeï Navalny, dont l'État russe porte l'entière responsabilité, les persécutions et actes de torture perpétrés contre les militants anti-guerre et les défenseurs des droits de l'homme se multiplient.

La Fédération de Russie n'appartenant plus à notre Organisation, nous ne pouvons que souhaiter qu'une enquête internationale indépendante et transparente puisse être menée afin d'établir toute la vérité sur la mort d'Alexeï Navalny.

Le Conseil de l'Europe doit par ailleurs continuer d'apporter un soutien actif aux défenseurs des droits de l'homme en Russie. Il ne doit pas abandonner la population russe qui est confrontée aujourd'hui à une totale remise en cause des droits de l'homme et des principes fondamentaux de l'État de droit.

La population russe est la première victime des agissements du régime de Vladimir Poutine mais, nous le savons, nos démocraties sont également des cibles privilégiées. La Fédération de Russie mène aujourd'hui une vaste campagne de désinformation pour justifier sa guerre d'agression contre l'Ukraine. Elle saisit toutes les occasions : la manière dont a été traité, par exemple, l'attentat perpétré par l'État islamique à Moscou en est un exemple flagrant.

La propagande russe diffuse en permanence de fausses informations en Russie mais également dans toute l'Europe. Russia Today est une véritable officine de propagande russe, qui reste accessible sur Internet, malgré l'interdiction d'émettre sur les canaux nationaux prise par plusieurs États, dont mon pays la France. Face à cela, il apparaît indispensable de soutenir les organes de presse russes indépendants, tout comme il est nécessaire de mettre en oeuvre la résolution que nous avions adoptée en janvier dernier appelant à soutenir les forces démocratiques bélarussiennes en exil.

Je voterai donc sans réserve les trois projets de résolution qui nous sont présentés, en saluant le travail des rapporteurs et en souhaitant que le Conseil de l'Europe puisse continuer à promouvoir les initiatives pour soutenir la société civile en Russie et au Bélarus, pour tous ceux qui, comme nous tous, sont profondément attachés aux principes et valeurs que nous promouvons au sein de nos institutions et au sein du Conseil de l'Europe.

Je vous en remercie.

4. L'intervention de M. Bertrand Bouyx

Discours non-prononcé mais annexé au compte rendu officiel.

Tout d'abord, je joins ma parole à celle des orateurs précédents pour rendre un hommage vibrant à la mémoire d'Alexei Navalny. Il rejoint après son décès, la cohorte des trop nombreux opposants politiques morts dans les geôles des dictatures sur notre continent. Liste qu'on voudrait voir s'arrêter mais qui risque au contraire encore de s'allonger tant le régime totalitaire russe ne recule plus devant aucune violence ni aucun cynisme à l'extérieur de ses frontières mais aussi contre tous ceux qui, au sein de sa propre population, osent défier le dictateur à vie.

Son décès n'est pas la fin du combat. Il faut se remémorer le travail formidable qu'a effectué notre collègue Jacques Maire, alors député français et membre de notre assemblée. Dans un dernier entretien qu'il a eu avec Alexeï Navalny et qui a été diffusé récemment, ce dernier disait : « s'ils me tuaient, ça ne changerait rien ». Il pensait à un « ils » au pluriel mais aujourd'hui personne en doute plus qu'il s'agit surtout d'un « il » au singulier car il faut désigner le coupable : Vladimir Poutine.

Alexei Navalny n'aurait jamais dû être emprisonné. Sa condamnation à 19 ans de prison ne reposait sur aucune base sérieuse, car enfin que veut dire être emprisonné pour « extrémisme » dans un État de droit ? Qui en décide ? La Russie a été exclue du Conseil de l'Europe en mars 2022 et nous avons décidemment bien fait.

Il faut malgré tout penser à la population russe, la première victime du régime policier de Vladimir Poutine.

Lors de mes récents déplacements, en Arménie et en Serbie, j'ai constaté à quel point, c'est toute une jeunesse qui fuit. Elle fuit où elle peut s'installer sans visa. Elle fuit la guerre, le totalitarisme, l'absence de perspective, la corruption, le népotisme, tous ces fléaux que nous nous sommes attelés à éradiquer de notre continent. C'est une jeunesse éduquée et dynamique. Elle apporte une énergie à des villes comme Erevan ou Belgrade. Il faut lui permettre de s'épanouir à Moscou et à Saint-Pétersbourg, avant tout pour qu'un jour prochain, la Russie, débarrassée de la dictature retrouve sa place parmi nous.

En attendant, nous devons soutenir l'Ukraine dans son combat de première ligne et soutenir encore et toujours les opposants russes.

Dans cette perspective, je voterai bien évidement en faveur de la résolution qui nous est soumise.

Merci.

5. L'intervention de M. Alain Cadec

Discours non-prononcé mais annexé au compte rendu officiel.

Monsieur le Président,

Mes chers collègues,

Je remercie nos collègues Aevarsdottir, Kross et Zingeris pour leurs rapports circonstanciés sur la répression massive de la société civile et des opposants politiques par le régime russe au pouvoir.

Cette répression s'abat sur le territoire russe, comme en témoignent les très nombreuses arrestations auxquelles le pouvoir russe a procédé, à la suite de l'adoption d'une législation visant à interdire la moindre critique de l'invasion russe en Ukraine ou de l'armée russe. Elle ne se limite pas aux arrestations puisque l'on a assisté à des tentatives d'empoisonnement, dont l'une des plus emblématiques est celle d'Alexeï Navalny, récemment décédé dans une colonie pénitentiaire sans qu'on ait pu faire la lumière de manière indépendante sur les circonstances de sa mort. Je pense aussi à Sergeï Magnitski et à Boris Nemtsov, morts avant lui, mais aussi à Vladimir Kara-Mourza, incarcéré aujourd'hui dans des conditions particulièrement éprouvantes, après avoir été également empoisonné à deux reprises.

Ces agissements ne se limitent pas non plus au territoire russe, puisque des agents russes ont procédé à des tentatives d'empoisonnement au Royaume-Uni à l'encontre de Sergueï et Ioulia Skripal.

Ces méthodes nous rappellent les heures les plus sombres de l'ex-URSS et appellent une ferme réponse de notre part, alors que la Fédération de Russie mène aujourd'hui une campagne active contre les droits de l'homme, la démocratie et l'État de droit dans l'ensemble de l'Europe.

Les moyens d'action du Conseil de l'Europe sont limités, la Russie ne faisant plus partie de cette Organisation, même si elle est juridiquement tenue de répondre de ses actes devant la Cour européenne des droits de l'homme pour les actes commis avant le 16 septembre 2022.

Ces moyens ne sont toutefois pas inexistants et je soutiens l'approche validée par notre Assemblée consistant à soutenir l'opposition démocratique en Russie et en Biélorussie. J'appelle également à la libération des personnes détenues de manière arbitraire.

L'Union européenne et plusieurs États membres du Conseil de l'Europe ont adopté des lois dites « Magnitski », qui permettent d'imposer des sanctions ciblées aux auteurs de graves violations des droits humains. Je souhaite que ce cadre puisse être utilisé pour sanctionner les personnes responsables des persécutions infligées à Vladimir Kara-Mourza, dont le rapport de nos collègues donne une liste détaillée.

Sous le bénéfice de ces observations, je voterai les résolutions proposées.

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