IV. POINT SUR CERTAINS EFFETS INDÉSIRABLES ÉTABLIS OU SUSPECTÉS PRÉCÉDEMMENT MIS EN EXERGUE PAR L'OFFICE

Le rapport d'étape de l'Office avait mis en exergue plusieurs effets indésirables - établis ou suspectés - qui avaient fait l'objet d'un certain intérêt, en raison de leur gravité ou de leur caractère médiatique. Près de deux ans après ce premier rapport, de nouvelles données permettent de revenir sur les cas les plus significatifs.

Sans prétendre à l'exhaustivité, cette partie dresse un état des lieux des connaissances actuelles sur ces effets - ou suspicions d'effets - indésirables, que le lien avec la vaccination ait été prouvé, réfuté ou reste à établir.

La liste des effets indésirables avérés et bien établis figure dans les résumés des caractéristiques des différents vaccins, disponibles sur le site de l'EMA.

A. TROUBLES MENSTRUELS

Lors de la publication du rapport d'étape, en juin 2022, le réseau français des CRPV avait produit plusieurs analyses détaillées des notifications de troubles menstruels à la suite de la vaccination contre la covid-1939(*) et avait conclu à l'existence d'un signal potentiel. Cette information était indiquée sur le site de l'ANSM depuis l'été 2021 et avait été complétée par des indications sur les conduites à tenir à destination des femmes et des professionnels de santé, élaborées avec le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). Saisie de ce signal potentiel, l'EMA avait considéré, dans un premier temps, que les preuves recueillies n'étaient pas suffisamment convaincantes pour conclure à l'existence d'un lien avec l'administration des vaccins40(*).

Afin d'étayer ce signal potentiel, l'ANSM a réuni en juillet 2022 des représentants d'associations de patients et de professionnels de santé et co-élaboré des tutoriels d'aide à la déclaration « pas-à-pas » - à destination des patientes41(*) et des professionnels de santé42(*) - ainsi qu'un guide d'aide à la déclaration43(*), dans le but d'améliorer le recueil des renseignements lors du signalement de ces troubles. Cette campagne d'information encourageant le signalement s'est traduite par un nombre important de déclarations, s'ajoutant aux plus de 10 000 signalements déjà reçus44(*).

L'ensemble de ces notifications a permis un réexamen des signaux potentiels au niveau européen et conduit le PRAC à conclure, en octobre 2022, qu'il existait une possibilité raisonnable que l'apparition de saignements menstruels abondants soit associée de manière causale aux vaccins à ARNm contre la covid-19 et que cette information devait être ajoutée aux résumés des caractéristiques de ces vaccins45(*). Le PRAC soulignait toutefois que ces cas étaient principalement de nature temporaire, sans gravité et sans impact sur la reproduction et la fertilité. En revanche, le risque d'aménorrhées n'a quant à lui pas été retenu. À l'heure actuelle, ce signal reste en cours d'évaluation pour Comirnaty, tandis qu'il a été clos et non validé pour Spikevax46(*).

La dernière enquête de pharmacovigilance réalisée par les Centres régionaux de pharmacovigilance français pour le vaccin Comirnaty, publiée en août 2023, indique, qu'outre les ménorragies et les aménorrhées, les syndromes et symptômes suivants pourraient constituer des signaux potentiels : dysménorrhées, douleurs pelviennes inter-menstruelles, métrorragies post-ménopausiques et recrudescence de la symptomatologie liée à l'endométriose chez les patientes atteintes par cette maladie47(*).

De même, pour le vaccin Spikevax, l'analyse des cas signalés révélerait des signaux potentiels pour les troubles du cycle (retard ou raccourcissement de cycle, règles prolongées) et les douleurs menstruelles, mais pas pour la ménopause précoce et la résurgence d'endométriose48(*). Si l'ensemble de ces événements restent sous surveillance au niveau français, seuls les saignements chez les femmes ménopausées font actuellement l'objet d'un signal spécifique en cours d'évaluation par l'Agence européenne49(*).

Concernant les autres vaccins, les troubles menstruels restent en cours d'évaluation par l'EMA pour le vaccin Vaxzevria et, uniquement pour saignements abondants, pour le vaccin VidPrevtyn Beta. En revanche, aucun signal n'a été retenu pour le vaccin Jcovden et le vaccin Nuvaxovid.

Depuis la publication du rapport d'étape de l'Office, plusieurs travaux académiques se sont intéressés à la fréquence de ces troubles, qui reste cependant difficile à estimer du fait de résultats divergents dans la littérature50(*). Une étude publiée en juillet 2022 a observé sur un échantillon de plus de 39 000 femmes que, parmi celles ayant des cycles menstruels réguliers, 42 % avaient eu des saignements plus abondants qu'habituellement après la vaccination51(*). En mai 2023, une étude néerlandaise a estimé sur la base d'une étude de cohorte prospective que l'incidence des troubles menstruels chez les femmes âgées de 54 ans ou moins était de 41,4 pour 1 000 femmes et que ceux-ci consistaient principalement en des cas de ménorragies et d'aménorrhées ou oligoménorrhées52(*). Enfin, une étude franco-britannique publiée en avril 2023 a montré que, si près d'une femme en âge d'avoir ses règles sur cinq avait signalé des troubles menstruels après avoir été vaccinée, la seule vaccination contre la covid-19 n'était pas associée à des paramètres anormaux du cycle menstruel lors de la comparaison avec un groupe contrôle non-vacciné53(*).

L'étude précitée portant sur plus de 39 000 femmes a constaté, chez celles n'ayant plus leurs règles (personnes sous contraceptifs réversibles à action prolongée, sous hormones d'affirmation de genre et ménopausées), des saignements relativement fréquents à la suite de la vaccination. En mai 2023, une étude suédoise s'intéressant aux conséquences de la vaccination chez près de 3 millions de femmes âgées de 12 à 74 ans a également montré une augmentation des contacts avec les services de santé pour métrorragie à la suite de la vaccination chez les femmes ménopausées, notamment après la troisième dose54(*).

Cette tendance a été confirmée par une étude norvégienne montrant une augmentation du risque de saignements à la suite de la vaccination chez les femmes ménopausées, périménopausées et préménopausées55(*), conduisant l'Agence européenne du médicament à étudier ce signal pour les vaccins à ARNm.

Concernant la sévérité des troubles menstruels, l'étude suédoise précitée ne démontrait aucun lien clair entre le fait d'avoir été vaccinée et celui d'avoir consulté un professionnel de santé pour un trouble du cycle menstruel chez les femmes en âge d'avoir leurs règles, suggérant que, si des troubles existaient, ils ne semblaient pas assez graves pour que les femmes consultent un médecin. Ces résultats rejoignent ceux d'une étude française récemment publiée par EPI-PHARE s'intéressant aux cas d'hospitalisation pour saignements menstruels abondants à la suite de la vaccination56(*) : à partir des données du SNDS, elle fait état d'un nombre d'hospitalisations attribuables à la vaccination de 8 par million de femmes vaccinées, avec une hospitalisation de moins d'un jour dans plus de 75 % des cas. On peut également signaler une analyse rétrospective sur plus de 19 000 femmes qui a constaté qu'en moyenne les femmes vaccinées avaient connu une augmentation de moins d'un jour de la durée de leur cycle menstruel à la suite de l'administration de la première et de la seconde dose de vaccin contre la covid-19 et que la durée des règles n'était pas affectée par la vaccination57(*).

Le mécanisme causant ces troubles n'est toujours pas élucidé. Plusieurs hypothèses ont été proposées et continuent d'être investiguées : une réaction immunitaire induite par la vaccination qui influerait sur les hormones impliquées dans le cycle menstruel, un stress ou une anxiété importante engendrés par l'acte de vaccination ou d'autres facteurs comme une maladie gynécologique sous-jacente ou une interaction avec les traitements contraceptifs.

Si la crainte d'un effet sur la fertilité était particulièrement prégnante lors de la rédaction du rapport d'étape en juin 2022, une revue de la littérature publiée en octobre 2022 a souligné qu'il n'existait aucun élément scientifique suggérant une association entre les vaccins contre la covid-19 et les troubles de la fertilité, que ce soit chez la femme ou chez l'homme58(*).


* 39 Des troubles menstruels ont également pu être observés à la suite de l'infection par SARS-CoV-2 et peuvent être spontanés, complexifiant l'établissement d'un lien de causalité avec la vaccination. Voir : J. A. Maybin et al., Clin. Sci. 2024, 138, 153 ( https://doi.org/10.1042/CS20220280).

* 40 Pour une description détaillée de la temporalité des événements, voir : M.-B. Valnet-Rabier et al., Therapies 2023, sous presse ( https://doi.org/10.1016/j.therap.2023.03.005).
Les différences de sensibilité et de culture du risque qui peuvent exister entre les différents États membres peuvent avoir des conséquences sur l'appréciation des signaux potentiels au niveau européen. Pour certains pays, la faible gravité des troubles menstruels n'en faisait pas une préoccupation, alors que cela l'était en France en raison des conséquences que cela pouvait avoir vis-à-vis de l'adhésion à la vaccination.

* 41 ANSM, Troubles menstruels et vaccination covid-19. Tutoriel d'aide à la déclaration « pas-à-pas » pour les patientes, 2022 ( https://ansm.sante.fr/uploads/2022/08/01/20220801-covid-19-troubles-menstruels-tutoriel-patiente-26-07-2022.pdf).

* 42 ANSM, Troubles menstruels et vaccination covid-19. Tutoriel d'aide à la déclaration « pas-à-pas » pour les professionnels de santé, 2022 ( https://ansm.sante.fr/uploads/2022/08/01/20220801-covid-19-troubles-menstruels-tutoriel-pds-26-07-2022.pdf).

* 43 ANSM, Troubles menstruels et vaccination covid-19. Guide d'aide à la déclaration de pharmacovigilance, 2022 ( https://ansm.sante.fr/uploads/2022/08/01/20220801-covid-19-guide-troubles-menstruels-patientes-et-ps-26-07-2022.pdf).

* 44 APMnews, Vaccins covid et troubles menstruels : les CRPV débordés, l'ANSM précise les troubles à déclarer, 2022 ( https://www.apmnews.com/depeche/165604/385219/vaccins-covid-et-troubles-menstruels-les-crpv-debordes%2C-l-ansm-precise-les-troubles-a-declarer).

* 45 EMA, COVID-19 vaccines safety update, 2022 ( https://www.ema.europa.eu/en/documents/covid-19-vaccine-safety-update/covid-19-vaccines-safety-update-10-november-2022_en.pdf).

* 46 Cette clôture résulte du plus faible nombre de cas reportés avec ce vaccin. Cependant, pour le réseau français des CRPV, il est possible que cette plus faible déclaration soit uniquement liée à la moindre utilisation de ce vaccin car, jusqu'à maintenant, les effets indésirables observés avec les deux vaccins à ARNm sont similaires.

* 47 CRPV de Bordeaux, Marseille, Toulouse et Strasbourg, Enquête de pharmacovigilance du vaccin Pfizer - BioNTech Comirnaty, Rapport n° 21 : période du 26/08/2022 au 23/02/2023, 2023 ( https://ansm.sante.fr/uploads/2023/08/28/2023-05-rapport-21-enquete-pv-comirnaty.pdf).

* 48 CRPV de Besançon et Lille, Enquête nationale de pharmacovigilance relative aux vaccins contre la covid-19. Rapport semestriel n° 18, 2023 ( https://ansm.sante.fr/uploads/2023/08/28/2023-05-rapport-enquete-pv-vaccin-spikevax.pdf).

* 49 En plus du signal pour aménorrhées pour le vaccin Comirnaty évoqué précédemment.

* 50 Pour une revue des études publiées sur ce sujet jusqu'à mai 2022, voir : M. Nazir et al., Vacunas 2022, 23, S77 ( https://doi.org/10.1016/j.vacun.2022.07.001).

* 51 K. M. N. Lee et al., Sci. Adv. 2023, 8, eabm7201 ( https://doi.org/10.1126/sciadv.abm7201).

* 52 J. W Duijster et al., Br. J. Clin. Pharmacol. 2023, 89, 3126 ( https://doi.org/10.1111/bcp.15799).

* 53 A. Alvergne et al., iScience 2023, 26, 106401 ( https://doi.org/10.1016/j.isci.2023.106401).

* 54 R. Ljung et al., BMJ 2023, 381, e074778 ( https://doi.org/10.1136/bmj-2023-074778).

* 55 K. Blix et al., Sci. Adv. 2023, 9, eadg1391 (https://doi.org /10.1126/sciadv.adg1391).

* 56 J. Botton et al., Risque de saignements menstruels abondants ayant nécessité une prise en charge à l'hôpital au décours de la vaccination contre le COVID-19 : étude cas-témoins à partir du système national des données de santé (SNDS), 2024 ( https://www.epi-phare.fr/rapports-detudes-et-publications/vaccins-covid%E2%80%9119-saignements-menstruels/).

* 57 A. Edelman et al., BMJ Med. 2022, 1, e000297 ( https://doi.org/10.1136/bmjmed-2022-000297).

* 58 D. Zaçe et al., Vaccine 2022, 40, 6023 ( https://doi.org/10.1016%2Fj.vaccine.2022.09.019).

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