B. UNE ACTION VIGOUREUSE POUR PROMOUVOIR LES CULTURES SCIENTIFIQUE ET SANITAIRE
Parallèlement aux actions d'information, il apparait nécessaire de mener des actions de fond afin de former la population et la doter des outils lui permettant d'acquérir une plus grande résilience vis-à-vis des fausses informations.
Comme l'a montré une étude du Conseil d'analyse économique conduite au cours de la crise, une meilleure éducation scientifique est corrélée à une plus grande confiance des citoyens dans les scientifiques et à une plus grande résilience face aux pandémies444(*). Or, d'après la dernière enquête PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) conduite en 2022, la France ne se classe que juste au-dessus de la moyenne de l'OCDE sur ce critère (score de 487 contre 485), en légère baisse (2 points) par rapport à l'enquête PISA de 2018445(*). Le groupe de travail des Ateliers de Giens dresse le bilan d'un cruel manque de culture et de littératie sanitaire de la population française. Il est donc primordial de développer une politique publique claire et ambitieuse pour promouvoir la culture scientifique à tous les échelons de la société446(*). Une attention particulière doit être accordée aux sujets médicaux, susceptibles d'emporter de lourdes conséquences sanitaires, avec la mise en place d'initiatives de prévention et d'éducation dès le milieu scolaire.
Outre l'enseignement d'un socle solide de connaissances scientifiques, cette politique publique doit viser à ce que la population comprenne - voire s'approprie - la démarche scientifique, y compris l'incertitude qui lui est inhérente.
En effet, pour plusieurs des personnalités auditionnées, les défauts d'appréhension de cette notion encourageraient les décideurs et les médias à simplifier leurs propos, au risque de devenir eux-mêmes des propagateurs de mésinformation.
Parallèlement, il est nécessaire de former l'ensemble des citoyens à l'esprit critique, à travers une éducation aux médias et à l'information, notamment vis-à-vis des ressources numériques. Plusieurs travaux académiques montrent les bénéfices de telles actions vis-à-vis de la susceptibilité aux fausses informations447(*). Comme le préconise une récente mission « flash » sur l'éducation critique aux médias menée par la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale, cette formation doit commencer dès le plus jeune âge, en s'appuyant notamment sur les professeurs documentalistes, mais doit également s'adresser à l'ensemble de la population448(*). En effet, selon une étude parue en 2019, les personnes âgées de 65 ans et plus auraient une propension plus élevée à partager de fausses informations sur Facebook que le reste de la population449(*). En outre, ces actions doivent être construites de manière à ne pas simplement encourager le scepticisme - au risque d'induire des doutes à l'égard d'informations qui se révéleraient pourtant vraies450(*) - mais à enseigner les outils d'une réelle pensée analytique.
Les actions de formation doivent également cibler spécifiquement les acteurs susceptibles d'avoir un fort pouvoir d'influence. Comme indiqué précédemment, en raison d'une capacité à légitimer de fausses informations, les médias jouent un rôle de pierre angulaire dans la lutte contre celles-ci. Par conséquent, il est impératif que les écoles de journalisme se saisissent de cette problématique et forment des journalistes compétents au traitement des sujets scientifiques. Cela implique notamment d'apprendre à identifier les experts scientifiques pertinents et les interlocuteurs de confiance, à leur offrir des conditions d'expression adaptées à la complexité de ces sujets et à retranscrire avec rigueur et précision leur parole et l'état des connaissances, dont les nuances et incertitudes peuvent être difficiles à restituer. Il est primordial de ne pas simplifier à outrance les subtilités de la science et de ne pas céder à une volonté de sensationnalisme, sous peine de propager non intentionnellement des informations inexactes, susceptibles d'induire des incompréhensions et d'être exploitées par les désinformateurs. Parallèlement, il est nécessaire de former les scientifiques et professionnels médicaux à communiquer efficacement et de manière accessible, en les incitant à ne s'exprimer que dans leur domaine de compétence et en excluant les opinions personnelles.
* 444 Y. Algan et al., « Confiance dans les scientifiques par temps de crise », Focus N° 068, 2021 ( https://www.cae-eco.fr/confiance-dans-les-scientifiques-par-temps-de-crise).
* 445 OECD, PISA 2022 Results (Volume I). The State of Learning and Equity in Education, 2023 ( https://www.oecd-ilibrary.org/education/pisa-2022-results-volume-i_53f23881-en).
* 446 Avis présenté par M. Philippe Berta au nom de la commission des affaires culturelles et de l'éducation sur le projet de loi de finances pour 2023 (n° 374) - Recherche et enseignement supérieur : Recherche ( https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion-cedu/l16b0374-tv_rapport-avis#).
* 447 a) A. M. Guess et al., Proc. Natl. Acad. Sci. USA 2020, 117, 15536 ( https://doi.org/10.1073/pnas.1920498117) ; b) P. C. Abrami et al., Rev. Educ. Res. 2015, 85, 275 ( https://doi.org/10.3102/0034654314551063).
* 448 Communication de M. Philippe Ballard et Mme Violette Spillebout, rapporteurs d'une mission « flash » sur l'éducation critique aux médias ( https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/organes/commissions-permanentes/affaires-culturelles/missions-de-la-commission/mi-education-medias).
* 449 A. Guess et al., Sci. Adv. 2019, 5, eaau4586 ( https://doi.org/10.1126/sciadv.aau4586).
* 450 E. Hoes et al., PsyArXiv 2023 ( https://doi.org/10.31234/osf.io/zmpdu).