B. DES CADRES DE CROYANCE ALTERNATIFS

La littérature scientifique suggère un impact important des croyances alternatives dans l'acceptation des fausses informations en santé. L'étude de la Fondation Descartes a ainsi montré que les personnes ayant une plus grande sensibilité aux croyances ésotériques, paranormales ou complotistes avaient de moins bonnes connaissances en santé et adoptaient plus largement des comportements à risque. En Angleterre, les croyances conspirationnistes à propos de la pandémie étaient associées à une moindre adhésion aux directives gouvernementales et à une plus faible volonté de se faire tester ou vacciner411(*).

Parmi les résultats obtenus par Laurent Cordonier, on observe de moins bonnes connaissances en santé et une plus grande adoption de comportements de santé à risque chez les personnes démontrant une importante sensibilité aux médecines alternatives. En effet, si les médecines alternatives correspondent avant tout à des pratiques, elles s'accompagnent d'un univers de croyances proches de celles observées dans le cadre de l'ésotérisme et du paranormal. Si le recours aux pratiques largement répandues, comme l'homéopathie ou l'ostéopathie, utilisées par des personnes n'ayant pas nécessairement conscience de ces croyances - voire du caractère alternatif de ces pratiques -, n'est pas corrélé avec de plus faibles connaissances en santé, en revanche, le recours à des pratiques plus confidentielles, telles que la lithothérapie ou la naturopathie, plus susceptibles d'attirer des personnes sensibles à ce cadre de croyances, est corrélé à un niveau moindre de connaissances en santé.

Une autre étude française, menée en juillet 2021, fait valoir que les attitudes favorables à l'égard des médecines alternatives ne fourniraient qu'une explication limitée de l'hésitation vaccinale et qu'une forte adhésion aux médecines alternatives doit être combinée à d'autres facteurs, tels que la méfiance à l'égard des autorités sanitaires ou des conditions sociales difficiles, pour se traduire par une attitude négative à l'égard des vaccins412(*). En effet, même parmi les personnes les plus favorables aux médecines alternatives, la philosophie et les discours entourant ces pratiques sont considérés avec un certain recul.

C. DES MOTEURS PSYCHOLOGIQUES

Plusieurs moteurs psychologiques, incluant des facteurs cognitifs et socio-affectifs, influent sur la susceptibilité aux fausses informations413(*).

Un de ces principaux facteurs réside dans le style de pensée414(*) : un style dit « intuitif », encourageant à suivre ses premières impressions, serait associé à une plus forte sensibilité aux fausses informations qu'un style dit « analytique », qui appellerait à une posture plus réflexive. Une étude états-unienne a montré, au début de la pandémie, que les personnes les moins susceptibles d'adopter un style de pensée analytique avaient été plus nombreuses à considérer la pandémie comme un canular et à ne pas adopter les gestes barrières415(*). De même, les résultats de Laurent Cordonier montrent qu'un style de pensée moins analytique est associé à de moins bonnes connaissances en santé et à une plus grande adoption de comportements de santé à risque.

Les émotions comme l'anxiété et la colère peuvent entraver la réflexion critique et favoriser une pensée rapide et intuitive, ce qui accroît la propension à croire et à partager les fausses informations. Le sentiment d'exclusion et les importantes frustrations sociales favorisent également l'accroissement de la susceptibilité aux contenus conspirationnistes416(*) et la diffusion volontaire de fausses informations417(*).

On peut également souligner la problématique liée au biais de confirmation, qui pousse à privilégier les informations qui vont dans le sens de nos croyances préétablies418(*). Plusieurs études ont montré qu'en plus de rechercher préférentiellement des informations conformes à nos motivations politiques et sociales, il existe une motivation accrue à croire et à promouvoir les fausses informations qui s'inscrivent dans ce cadre419(*).

Ces différents moteurs psychologiques sont instrumentalisés par les désinformateurs, qui font appel à une certaine démagogie cognitive en proposant des récits en accord avec nos prédispositions naturelles et en mobilisant les facteurs et biais susceptibles d'encourager leur acceptation420(*). À titre d'exemple, la difficulté à appréhender les risques de manière proportionnée à leur gravité effective - la représentation sociale des risques faibles est souvent surestimée, lorsque celle des risques fréquents est à l'inverse sous-estimée - est particulièrement propice à la diffusion de fausses croyances et est régulièrement instrumentalisée par les propagateurs de fausses informations, par exemple au sujet des effets indésirables des vaccins.


* 411 D. Freeman et al., Psychol. Med. 2022, 52, 251 ( https://doi.org/10.1017/s0033291720001890).

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