C. LA STRATÉGIE DE DÉPISTAGE ET LA PLACE DES TESTS ANTIGÉNIQUES
Les tests de dépistage du SARS-CoV-2 remplissent plusieurs objectifs. Premièrement, ils contribuent à surveiller la progression de l'épidémie et à fournir des informations sur ses caractéristiques : sa gravité et les facteurs de risque associés grâce aux taux d'hospitalisation et de décès des personnes dépistées positives et à leurs profils, la transmissibilité du virus grâce à l'évolution du nombre de cas déclarés, son évolution grâce au séquençage des échantillons, etc. Ils jouent un rôle crucial dans le contrôle de l'épidémie en permettant la mise en place des mesures individuelles de précaution (isolement, gestes barrières, etc.) et l'identification des éventuels cas contacts290(*) pour les personnes dépistées positives. Enfin, à l'échelle individuelle, ils permettent d'orienter la prise en charge des patients.
Grâce à la publication rapide de la séquence génétique du virus, des tests RT-PCR, détectant son matériel génétique, ont pu être développés et utilisés dès le début de la crise. Si ces tests ont l'avantage d'être relativement sensibles, ils ne permettent d'obtenir un résultat qu'après plusieurs heures - généralement entre 24 et 72 heures -, ce qui empêche la mise en place de mesures de distanciation rapides ; par ailleurs, leur déploiement est freiné par les capacités d'analyse limitées des laboratoires291(*). Après la première vague, des tests antigéniques, qui ne détectent pas le génome viral mais des protéines du virus, ont également été développés. Bien que moins fiables que les tests RT-PCR, ils ont l'avantage de ne pas nécessiter de traitement en laboratoire et donc de fournir des résultats rapides à un plus faible coût, leur permettant d'être facilement utilisés à grande échelle. Ils ont notamment permis une stratégie de dépistage basée sur des tests réguliers et préventifs - non limitée aux personnes présentant des symptômes ou identifiés comme cas contact - et, ainsi, de détecter plus précocement les individus infectés292(*). Si la valeur ajoutée de ces tests en termes de surveillance épidémiologique est réduite, notamment en raison du risque relativement important de faux négatifs, ils ont toutefois pu servir de source complémentaire de données afin de renforcer l'exhaustivité de la surveillance.
Aujourd'hui, alors que la crise est entrée dans un « nouvelle normalité », on constate une forte diminution du taux de dépistage. Pour Santé publique France, cela ne remet toutefois pas en cause le caractère adapté et satisfaisant de la surveillance virologique du SARS-CoV-2, qui a principalement un intérêt en termes de tendance et est complétée par d'autres indicateurs disponibles.
Récemment, des tests rapides détectant simultanément les principaux virus responsables des infections respiratoires aiguës - SARS-CoV-2, influenza et VRS, on parle alors de tests « triplex » - ont été développés et offrent une nouvelle opportunité pour la prise en charge de ces épisodes infectieux, en identifiant leur étiologie et en favorisant la mise en place des mesures thérapeutiques ou prophylactiques adaptées. Par exemple, ils permettraient de réduire la prescription d'antibiotiques alors qu'une origine virale a été identifiée293(*), à l'instar des tests rapides d'orientation diagnostique de l'angine, disponibles en officine, qui permettent de détecter une origine bactérienne.
Saisie par la Direction générale de la Santé (DGS), la Haute Autorité de santé a publié en juin 2023 un rapport d'évaluation technologique sur l'intérêt des tests recherchant un ou plusieurs des virus responsables des infections respiratoires aiguës294(*). Elle conclut que « la recherche antigénique rapide combinée des virus grippaux et/ou du VRS en réalisation conjointe avec celle du SARS-CoV-2 par des TROD [...] ne présent[e] pas à l'heure actuelle, à l'échelon individuel, d'intérêt médical démontré dans le diagnostic des infections respiratoires aiguës en ville », notamment en raison d'une sensibilité moyenne des tests grippe et VRS, qui crée un risque élevé de faux négatifs295(*), et d'une utilité clinique limitée en termes de prévention de nouvelles contaminations de personnes à risque. Si un intérêt médical à l'échelon populationnel est potentiellement évoqué, du fait d'une baisse des consultations pour des infections sans gravité et du mésusage d'antibiotiques, la Haute Autorité de santé recommande de conduire des études pour mesurer l'impact que ces tests sont susceptibles d'avoir et de définir les indications qui justifieraient leur utilisation.
*
290 L'identification de l'ensemble des cas
contacts s'avère toutefois difficile dès lors que le nombre
d'infections quotidiennes est élevé. D'après un rapport
publié par la Cour des comptes en décembre 2022, l'Assurance
maladie a joint plus de 32 millions de personnes testées positives
et près de 22,7 millions de personnes contact. Si cette
stratégie de « contact tracing » a probablement
permis de réduire le nombre de contaminations, la Cour souligne une
efficacité « incertaine ». Voir : Cour des
comptes, Tracer les contacts des personnes contaminées par la covid
19, Audit flash, 2022 (
https://www.ccomptes.fr/fr/publications/tracer-les-contacts-des-personnes-contaminees-par-la-covid-19).
Face
à la difficulté de tracer manuellement l'ensemble des cas
contacts, une application de « contact tracing »
basée sur l'utilisation du bluetooth - StopCovid, ensuite
remplacée par TousAntiCovid - a été
développée. Faute d'une large adoption par la population, cette
fonctionnalité n'aurait eu qu'un rôle
« marginal » dans le dispositif de lutte contre la
covid-19, comme l'indiquent les rapports d'activité de cette application
et comme l'avait également souligné un rapport de la
délégation à la prospective du
Sénat.
Voir : a) Ministère des solidarités et
de la santé, Rapport d'activité : TousAntiCovid du
2 juin 2020 au 30 novembre 2021, 2022 (
https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_tousanticovid_2021.pdf) ;
b) Rapport d'information n° 673 (2020-2021) fait au nom de
la délégation sénatoriale à la prospective sur
« les crises sanitaires et outils numériques :
répondre avec efficacité pour retrouver nos
libertés » par Mmes Véronique Guillotin,
Christine Lavarde, et M. René-Paul Savay, sénateurs (
https://www.senat.fr/notice-rapport/2020/r20-673-notice.html) ;
c) Ministère des solidarités et de la santé,
Rapport d'activité : TousAntiCovid du
1er octobre 2021 au 25 janvier 2023, 2023 (
https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_tousanticovid_mars_2023.pdf).
* 291 Au cours de la première vague, seuls les patients hospitalisés avaient accès à ces tests.
* 292 Voir « Le dépistage en population asymptomatique » dans le Rapport fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur « les aspects scientifiques et techniques de la lutte contre la pandémie de la covid-19 » par MM. Jean-François Eliaou et Gérard Leseul, députés, et Mmes Sonia de La Provôté et Florence Lassarade, sénatrices ( https://www.senat.fr/notice-rapport/2020/r20-741-notice.html).
* 293 D'après la HAS, les infections respiratoires aiguës représenteraient 70 % des prescriptions d'antibiotiques en ambulatoire alors qu'une part importante de celles-ci - entre 30 et 50 % - seraient d'origine virale. Voir : HAS, Intérêt des tests rapides d'orientation diagnostique (TROD) antigéniques COVID/grippe et COVID/grippe/VRS en ville, 2023 ( https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2023-06/rapport_trod_grippe_covid_vrs_vd.pdf).
* 294 HAS, Intérêt des tests rapides d'orientation diagnostique (TROD) antigéniques COVID/grippe et COVID/grippe/VRS en ville, 2023 ( https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2023-06/rapport_trod_grippe_covid_vrs_vd.pdf).
* 295 En raison de cette sensibilité moyenne, les TROD grippe ne sont aujourd'hui recommandés qu'au sein des collectivités à risque, en période épidémique, lorsque des cas groupés d'infections respiratoires aiguës laissent suspecter un foyer épidémique. Voir : Ministère des solidarités et de la santé, Instruction n° DGS/SP1/VSS/DGOS/PF2/DGCS/MSP/2019/185 du 7 août 2019 relative aux mesures de prévention et de contrôle de la grippe saisonnière, 2019 ( https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/instruction_grippe_070819.pdf).