B. UN DISPOSITIF DE PRISE EN CHARGE BIEN DÉFINI MAIS PAS SUFFISAMMENT DÉPLOYÉ ET MOBILISÉ

Au regard du nombre important de symptômes associés au covid long, la prise en charge doit être multidisciplinaire. La Haute Autorité de santé propose ainsi une structuration en trois niveaux permettant une prise en charge holistique et adaptée aux besoins de chaque patient (voir figure ci-après).

Le premier niveau repose sur les médecins généralistes qui occupent une place centrale en tant que premier recours aux soins. Outre la prise en charge initiale, ils ont un rôle essentiel d'orientation et de coordination de l'offre de soins. Face aux cas médicaux complexes, il est nécessaire de faire appel à la communauté médicale de proximité, qui constitue le second niveau du réseau de prise en charge, afin de mettre en place d'une offre de soins comprenant, comme le recommande la HAS, une approche clinique (en recourant aux médecins spécialistes pour les explorations fonctionnelles et les éventuels avis de second recours), une approche physique (grâce aux kinésithérapeutes et rééducateurs) et une approche psychologique (à l'aide des psychologues et psychiatres). Les centres de référence et les structures spécialisées assument le dernier niveau de prise en charge qui peut être mobilisé pour les tableaux cliniques les plus sévères. Saisie par le ministre de la santé, la Haute Autorité de santé a publié en mai 2024 un guide de parcours de soins afin de préciser les rôles des différents acteurs et leur articulation249(*).

Afin d'assister les médecins généralistes et l'ensemble des professionnels de santé dans ces missions, plusieurs initiatives ont été prises.

Tout d'abord, les recommandations et fiches techniques publiées par la HAS250(*) constituent une ressource précieuse, offrant l'ensemble des informations nécessaires pour réaliser l'évaluation initiale et les diagnostics différentiels et explicitant les modalités de prise en charge et d'orientation des patients. En outre, un auto-questionnaire a été élaboré par l'Assurance maladie, en partenariat avec l'association TousPartenairesCovid, afin d'aider les patients à décrire leurs symptômes et les médecins généralistes à identifier les solutions de prise en charge adaptées251(*). Enfin, des cellules de coordination post-covid ont été mises en place par les Agences régionales de santé afin de structurer les réseaux de prise en charge. Ces cellules peuvent être saisies par les professionnels de santé ou les patients afin de les informer, de les orienter et de faciliter les parcours des soins, en assurant le lien entre l'ensemble des acteurs et en coordonnant les différentes évaluations et interventions. D'après le ministère des solidarités et de la santé, 130 cellules auraient été mises en place sur l'ensemble du territoire métropolitain en janvier 2022252(*).

Organisation du réseau de prise en charge des patients ayant des symptômes prolongés à la suite d'une covid-19

Source : Ministère des solidarités et de la santé253(*)

Malgré ces efforts de structuration, et alors que la loi n° 2022-53 du 24 janvier 2022 recommandait la mise en oeuvre d'unités de soins post-covid pour prendre en charge les pathologies les plus lourdes254(*), le Covars regrette dans son avis de novembre 2023 un « parcours de soins chaotique dont la déclinaison territoriale est hétérogène » : si certaines régions ont mis en place des parcours de soins adaptés et novateurs avec des filières de prise en charge coordonnées, de nombreux territoires souffrent en revanche d'un réseau sous-doté. La situation serait encore plus préoccupante pour la prise en charge pédiatrique avec un très faible nombre de centres spécialisés avec une expertise spécifique sur les défis liés au covid long chez l'enfant. Pour faire face à ce constat, il a été entrepris de créer un cahier des charges commun entre les cellules de coordination post-covid, afin de partager les bonnes pratiques et tenter de résoudre les inégalités.

La feuille de route « Comprendre, informer, prendre en charge » du ministère des solidarités et de la santé prévoyait bien un financement de 20 millions d'euros au titre du Fonds d'investissement régional 2022-2025 pour soutenir les cellules de coordination et la structuration des filières de prise en charge mais, selon le Covars, seuls 5 millions auraient été utilisés sans assurance que ces crédits aient bénéficié au covid long en raison du caractère fongible de ce fonds. La mobilisation de ces financements apparaît dès lors prioritaire pour garantir un parcours de soins complet et facilement accessible à l'ensemble des patients, trop souvent sujets à l'errance médicale.

Pour le Covars, l'offre de soins est également « trop peu lisible » pour les patients et les médecins de premier recours, qui méconnaissent l'existence des cellules de coordination et des structures de prise en charge mises en place255(*). Or, si une trop faible proportion des patients est orientée par les médecins généralistes vers les structures adaptées, celles-ci risquent de pâtir d'un certain désengagement.

À cette méconnaissance des dispositifs de prise en charge, s'ajoute l'insuffisance de la formation et l'information des professionnels de santé sur cette maladie nouvelle256(*). La complexité du diagnostic, qui ne repose pas sur des lésions objectives mais nécessite des investigations longues et approfondies afin d'éliminer les diagnostics alternatifs257(*), conduit à un important sous-diagnostic et à des défauts de prise en charge. La controverse autour de la nature des troubles, parfois présentés comme somatiques, a également entraîné un défaut de reconnaissance du covid long par de nombreux professionnels de santé et une « psychiatrisation » des symptômes, en particulier lorsqu'un lien étiologique avec une infection passée ne pouvait être établi. Par conséquent, de nombreux patients atteints de covid long ont souffert d'un manque d'écoute et de relations parfois difficiles avec le corps médical, générant des sentiments d'abandon et de stigmatisation. La détresse engendrée - qui s'ajoute à celle inhérente à l'affection par une maladie persistante, fluctuante, pour laquelle il n'existe pas de traitement curatif et dont l'évolution et les conséquences à long terme sont mal connues - est en outre susceptible d'accentuer les conséquences psychologiques de la maladie et de conduire certains patients à s'orienter vers des médecines alternatives et des traitements prédateurs n'ayant pas fait preuve de leur efficacité258(*).

Aussi, en parallèle des efforts de structuration de l'offre de soins, il paraît essentiel de mieux former et informer les professionnels de santé sur cette maladie et de leur fournir du matériel pédagogique pour améliorer l'identification, la prise en charge et le suivi des patients qui en sont atteints. Les documents élaborés par la Haute Autorité de santé doivent faire l'objet d'une vaste campagne de communication et être régulièrement actualisés pour prendre en compte l'évolution des connaissances.

À la suite du vote de la loi du 24 janvier 2022 visant à la création d'une plateforme de référencement et de prise en charge des malades chroniques de la covid-19259(*), un espace d'information a été récemment mis en place sur le site internet sante.fr afin d'informer le grand public et les médecins généralistes260(*). Enfin, si des formations existent, il est primordial d'inciter les médecins à les suivre afin de les sensibiliser à cette problématique nouvelle.


* 249 Haute Autorité de santé, Parcours de soins de l'adulte avec des symptômes prolongés de la covid-19, 2024 ( https://www.has-sante.fr/jcms/p_3507843/fr/parcours-de-soins-de-l-adulte-avec-des-symptomes-prolonges-de-la-covid-19).

* 250 a) Ibid ; b) Haute Autorité de santé, Symptômes prolongés suite à une covid-19 de l'adulte - Diagnostic et prise en charge, 2023 ( https://www.has-sante.fr/jcms/p_3237041/fr/symptomes-prolonges-suite-a-une-covid-19-de-l-adulte-diagnostic-et-prise-en-charge).

* 251 Cette initiative fait suite à la loi du 24 janvier 2022 visant à la création d'une plateforme de référencement et de prise en charge des malades chroniques de la covid-19. Voir : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045067964/
Ce questionnaire se décline en 3 versions : pour les adultes, les adolescents de 12 à 17 ans et les enfants de 11 ans et moins. Voir :
https://touspartenairescovid.org/orientation-covid-long.

* 252 Ministère des solidarités et de la santé, Covid long : Comprendre - Informer - Prendre en charge, 2022 ( https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/220317_-_dp_covid_long__mars_2022.pdf).

* 253 Ibid.

* 254 Loi n° 2022-53 du 24 janvier 2022 visant à la création d'une plateforme de référencement et de prise en charge des malades chroniques de la covid-19 ( https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045067964/).

* 255 Selon le Covars, seul un quart des médecins généralistes connaîtraient l'existence des cellules de coordination.

* 256 Selon le Covars, seuls 30 % des médecins généralistes connaîtraient les fiches de réponse rapide de la Haute Autorité de la santé sur le covid long.

* 257 Comme le relève le Covars, le diagnostic du covid long nécessite « du temps, de l'expérience, une certaine disponibilité psychique, une bonne acuité diagnostique et une bonne dose d'empathie ».

* 258 a) M. Davies et al., BMJ 2022, 378, o1671 ( https://doi.org/10.1136/bmj.o1671) ; b) L. Turner et al., Stem Cell Reports 2024, 18, 2010 ( https://doi.org/10.1016/j.stemcr.2023.09.015).

* 259 Loi n° 2022-53 du 24 janvier 2022 visant à la création d'une plateforme de référencement et de prise en charge des malades chroniques de la covid-19 ( https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045067964/).

* 260  https://www.sante.fr/covid-long.

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page