C. LES INSTRUMENTS PRIVILÉGIÉS DE CETTE NOUVELLE TERRITORIALISATION DE L'ACTION PUBLIQUE COMMUNALE

1. Compétences intercommunales : davantage de souplesse et d'adaptabilité

Le législateur a prévu plusieurs mécanismes pour adapter la répartition des compétences du bloc local ou de leur exercice aux réalités du territoire.

Longtemps, le dispositif a principalement reposé sur deux instruments.

Le premier est celui de l'intérêt communautaire, qui donne corps au principe de subsidiarité. Lorsque cela est expressément prévu par le législateur, certaines compétences, comme par exemple celle de la voirie pour certains EPCI à fiscalité propre ou des équipements sportifs ou culturels, ne sont transférées que pour la part qui intéresse le niveau intercommunal. Le reste de la compétence demeure de niveau communal. Il revient au conseil communautaire de définir cet intérêt, pour chaque compétence qui y est soumise, à la majorité des deux tiers de ses membres. Cette définition peut être modifiée à tout moment, pour adapter l'action de l'intercommunalité à la dynamique du territoire. Ceci permet d'éviter que remonte à l'intercommunalité la partie d'exercice d'une compétence qui, ne présentant pas de dimension stratégique, sera mieux exercée par les communes, au plus proche du terrain.

Le second instrument utilisé est celui des délégations conventionnelles. Si l'ensemble des EPCI à fiscalité propre bénéficient d'une faculté de délégation de gestion - qui permet la délégation par convention, à leurs communes membres ou à tout groupement, de « la création ou la gestion de certains équipements ou services relevant de ses attributions » -, ceux-ci n'ont longtemps pas pu, d'une part, déléguer tout ou partie de leurs compétences aux départements ou aux régions - au motif qu'ils n'étaient pas des collectivités territoriales - et d'autre part, bénéficier d'un régime unifié et fluide de délégations de certaines compétences pourtant précédemment exercées, en large partie, par des syndicats - l'on pense en particulier à l'eau, l'assainissement ou la gestion des ordures ménagères. Inversement, les communes membres ou leurs groupements peuvent procéder au même type de délégation au profit de l'intercommunalité110(*). Ces délégations peuvent intervenir dans n'importe quel champ de compétence du délégant, qu'il s'agisse d'une compétence facultative ou d'une compétence dont le transfert à l'intercommunalité est obligatoire.

Plus récemment, le législateur a cherché à offrir aux communes et aux intercommunalités plus de liberté dans la gestion de leurs compétences, pour l'adapter aux exigences du territoire.

La loi « Engagement et proximité » du 27 décembre 2019111(*) a ainsi procédé à trois aménagements.

Tout d'abord, elle a supprimé les compétences optionnelles112(*), les faisant relever du régime juridique des compétences facultatives.

Ensuite, elle a défini la procédure prévoyant la restitution de compétences facultatives de l'EPCI aux communes113(*). L'organe délibérant de l'EPCI doit prendre une décision concordante avec une majorité qualifiée des conseils municipaux afin de voir redescendre une telle compétence à la commune.

Liste des compétences facultatives des communautés de communes et des communautés d'agglomération

En vertu du II de l'article L. 5214-16 du CGCT, les sept compétences facultatives des communautés de communes sont les suivantes :

- la protection et mise en valeur de l'environnement,

- la politique du logement et du cadre de vie ;

- en matière de politique de la ville : l'élaboration du diagnostic du territoire et la définition des orientations du contrat de ville ; l'animation et la coordination des dispositifs contractuels de développement urbain, de développement local et d'insertion économique et sociale ainsi que des dispositifs locaux de prévention de la délinquance ; les programmes d'actions définis dans le contrat de ville ;

- la voirie (création, aménagement et entretien) ;

- la construction, l'entretien et le fonctionnement d'équipements culturels et sportifs d'intérêt communautaire et d'équipements de l'enseignement préélémentaire et élémentaire d'intérêt communautaire ;

- l'action sociale d'intérêt communautaire ;

- la participation à une convention France Services.

En vertu du II de l'article L. 5216-5 du CGCT, les cinq compétences facultatives des communautés d'agglomération sont les suivantes :

- la création ou l'aménagement et l'entretien de voirie et de parcs de stationnement d'intérêt communautaire ;

- en matière de protection et de mise en valeur de l'environnement et du cadre de vie : la lutte contre la pollution de l'air, la lutte contre les nuisances sonores, le soutien aux actions de maîtrise de la demande d'énergie ;

- la construction, l'aménagement, l'entretien et la gestion d'équipements culturels et sportifs d'intérêt communautaire ;

- l'action sociale d'intérêt communautaire ;

- la participation à une convention France Services.

Enfin, la loi « Engagement et proximité » a prévu, pour les communautés de communes ou les communautés d'agglomération, un mécanisme de délégation des compétences « eau » et « assainissement » à une commune membre ou à un syndicat infra-communautaire114(*). Toutefois, cette délégation est particulièrement encadrée. Le syndicat doit être existant au 1er janvier 2019 et inclus dans la totalité du périmètre du groupement à fiscalité propre. Seul l'organe délibérant de l'EPCI peut décider le maintien du syndicat. Comme toute délégation, elle s'exerce « au nom et pour le compte » du délégant.

Ce dernier assouplissement, adopté à l'initiative du Sénat a visé à limiter les conséquences du transfert obligatoire au plus tard au 1er janvier 2026 des compétences « eau » et « assainissement » imposé par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 dite « NOTRe »115(*). Le transfert continue cependant d'être fortement contesté, plusieurs maires s'en faisant l'écho au cours des auditions et déplacements de la mission, et des travaux sont en cours pour essayer d'y remédier116(*).

La loi « 3DS » du 21 février 2022117(*) a permis de territorialiser encore davantage l'exercice des compétences facultatives. Elle a prévu une possibilité de transfert « à la carte » des compétences facultatives des communes vers l'EPCI. Le transfert peut concerner tout ou partie de la compétence, d'une part, et il peut être mis en oeuvre par une ou plusieurs communes rattachées à l'EPCI, d'autre part. Cette hypothèse répond aux besoins de certaines communes de voir mutualiser une compétence qu'elles estiment pouvoir être mieux exercée à l'échelle intercommunale, mais que les autres communes préfèrent conserver.

Elle a également autorisé les communautés urbaines et les métropoles à déléguer, par convention, à leurs communes membres la gestion de tout ou partie des équipements et services nécessaires à l'entretien de la voirie dont elles ont la charge118(*). Cette délégation s'exerce au nom et pour le compte de la délégante.

L'ensemble de ces dispositifs, qui permettent de desserrer la contrainte du transfert par bloc vont dans le bon sens : celui de la liberté qui offre aux acteurs l'occasion de trouver le bon point d'équilibre dans l'exercice partagé d'une compétence.

Ce mouvement doit être poursuivi, sans remettre en cause le cadre juridique de l'intercommunalité.

Deux voies méritent d'être explorées.

Comme l'avait déjà proposé le Sénat dans son rapport 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales, si « le législateur, conscient que le périmètre idéal d'exercice de la compétence ne correspond pas nécessairement au périmètre administratif des intercommunalités à fiscalité propre, a prévu des mécanismes originaux et parfois temporaires de transferts de compétences à plusieurs syndicats, ou de délégation pour certaines compétences très spécifiques (...), il est nécessaire de simplifier cette architecture ». Le rapport préconisait, dès lors, de « faire des délégations de compétences l'outil de droit commun des coopérations entre les territoires [qui] permettrait une organisation des compétences plus adaptée aux réalités locales et d'[en] accroître la lisibilité pour les citoyens, les élus et les fonctionnaires territoriaux »119(*).

Dès lors, la première de ces voies serait d'unifier, par le haut, le régime des délégations conventionnelles. Le droit en vigueur distingue les délégations de gestion d'un équipement ou d'un service et la délégation de compétence, plus générale, comme celle prévue pour l'eau et l'assainissement.

Le rapporteur propose donc de simplifier le droit et de prévoir une seule procédure de délégation des compétences dévolues à l'intercommunalités à destination d'un ou plusieurs communes membres ou de tout syndicat infracommunautaire.

Comme l'a souligné le maire Blagnac et vice-président de Toulouse Métropole, Joseph Carles, lors du déplacement de la mission en Haute-Garonne : « il existe des questions supra-communales, mais infra-communautaires. Dans ce cas-là, même si la compétence relève de l'intercommunalité, elle est plus efficacement mise en oeuvre par les communes concernées ou leur groupement, sous le contrôle et au nom de l'intercommunalité. »

L'unification de régime juridique proposée permettra d'organiser avec souplesse la répartition de l'exercice de la compétence sur le territoire de l'intercommunalité.

Dans le même ordre d'idée, il paraît nécessaire de supprimer les restrictions existantes, pour l'exercice de certaines compétences, à la création d'un syndicat infra-communautaire susceptible d'assumer la délégation. Le dispositif en vigueur de délégation des compétences « eau » et « assainissement » en fournit un exemple de ses restrictions : il interdit la création d'un syndicat ad hoc et limite la délégation aux seuls syndicats déjà existants dont le périmètre couvre la totalité de l'EPCI. Or, si la délégation de compétence est jugée plus efficace par l'intercommunalité, pourquoi limiter la façon dont elle peut s'organiser ?

La deuxième voie pour assouplir les conditions de répartition et d'exercice des compétences au sein du biotope communal est de permettre, par accord local, la modification de répartition de certaines compétences au sein du bloc local.

Dès lors, un accord local exprimé à l'unanimité des communes membres permettrait de redescendre certaines compétences au niveau communal. Pour le rapporteur, ce pourrait être le cas, par exemple, des compétences « eau » et « assainissement ».

Proposition n° 2 : Faire souffler un vent de liberté sur l'organisation municipale.

Sous-proposition n° 2 : Simplifier et assouplir les conditions de la répartition des compétences et de leur exercice entre l'intercommunalité et les communes :

- unifier les régimes de délégation et ceux de création des syndicats, quelles que soient les compétences concernées ;

- permettre par accord local de modifier la répartition de certaines compétences (par exemple l'eau et l'assainissement).

2. Accepter le principe d'un réexamen, par les communes membres, de l'organisation des compétences au sein de l'intercommunalité

La loi « Engagement et proximité » a prévu qu'après chaque renouvellement général des conseils municipaux, les intercommunalités devraient débattre et délibérer sur l'élaboration d'un pacte de gouvernance, qui définit les relations entre les communes membres et le groupement à fiscalité propre et la façon dont les maires seront associés aux décisions.

Ce pacte peut également porter sur les conditions dans lesquelles l'EPCI confie, par convention, la gestion ou la création de certains équipements ou services à une commune membre ou fixer les orientations en matière de mutualisation de services entre les communes et leur groupement.

Le pacte n'est pas obligatoire. En revanche, le débat l'est. Ceci matérialise le fait qu'il est nécessaire de s'entendre à nouveau sur la façon dont l'intercommunalité doit travailler avec ses communes membres.

Mais, sauf pour la question des éventuelles délégations de gestion, le pacte ne porte pas sur la répartition des compétences ou leur exercice au sein de l'intercommunalité.

Or, les mêmes raisons qui justifient qu'on s'interroge sur la gouvernance de l'intercommunalité, tous les six ans après un renouvellement général des conseils municipaux, poussent à ce que les communes puissent débattre de la meilleure façon d'organiser l'exercice des compétences en leur sein et s'interrogent sur l'opportunité ou non du transfert ou de la redescente d'une compétence facultative, d'une nouvelle répartition dans l'exercice d'une compétence par délégation, en profitant, le cas échéant, des assouplissements proposés ci-dessus.

Ainsi, ce débat qui porterait sur la gouvernance et les compétences, donnerait l'occasion aux élus de débattre du projet que porte l'intercommunalité au service des communes membres.

Proposition n° 2 : Faire souffler un vent de liberté sur l'organisation municipale.

Sous-proposition n° 3 : Pour une intercommunalité de projet, instaurer après chaque renouvellement général des conseils municipaux, un débat, conjoint à celui sur le pacte de gouvernance, relatif à la répartition des compétences au sein de l'intercommunalité.

3. Redonner du pouvoir à la commune au sein de l'intercommunalité : le droit de veto

L'une des critiques récurrentes à l'encontre de l'intercommunalité est qu'elle serait trop éloignée des communes. Les modalités de gouvernance ne permettraient pas aux communes de faire valoir leur point de vue au sein du conseil communautaire dont le fonctionnement donnerait une place prépondérante à la ville centre.

Le pacte de gouvernance prévu à l'article L. 5211-11-2 du CGCT a justement été créé par la loi engagement et proximité du 27 décembre 2019 pour répondre à ces difficultés. Pour autant, les auditions et les déplacements effectués par la mission ont mis en avant le sentiment des maires toujours persistant d'une perte de capacité d'agir, en raison, notamment, du poids de l'intercommunalité.

Le rapporteur tient à mettre en avant une expérience particulièrement intéressante s'agissant du pouvoir redonné aux petites communes au sein de l'intercommunalité. Il s'agit d'un dispositif prévu par la communauté urbaine du Grand Reims qui comprend 143 communes et près de 300 000 habitants avec une ville centre (Reims) dont la population représente près de la moitié de l'intercommunalité120(*). Le conseil communautaire est composé de 208 élus.

La communauté urbaine du Grand Reims a été créée en 2017 à l'issue du regroupement de la communauté d'agglomération de Reims avec huit communautés de communes rurales. Dans le cadre de la préparation de cette fusion, une attention particulière a été portée au fait que l'intercommunalité devait demeurer au service des communes qui la composent et ne pas déposséder les maires de leur rôle décisionnaire sur leur territoire. La présidente du Grand Reims, Catherine Vautrin, a ainsi défini le sens de la démarche retenue : « À chaque fois que je rencontre les élus municipaux de la communauté urbaine, j'insiste sur le fait qu'il n'y a qu'un seul patron dans la commune, c'est le maire et son conseil municipal. »121(*)

La charte de gouvernance adoptée par la communauté urbaine du Grand Reims permet à chaque maire et à son conseil municipal de s'opposer à une décision ou un projet qui concernerait directement la commune. Soit il s'agit d'un projet communautaire qui ne concerne qu'une seule commune et l'opposition de cette dernière empêche la réalisation de ce projet. Soit il s'agit d'un projet qui en vise plusieurs et il n'est mis en oeuvre que dans celles qui ne s'y opposent pas.

En pratique, la mise en oeuvre du droit de veto implique l'envoi d'un courrier du maire à l'intercommunalité pour signifier son intention d'exercer son droit. L'EPCI bénéficie alors d'un délai de quinze jours pour répondre à la commune et trouver une solution. Une fois ce délai expiré et en l'absence d'accord, le maire doit confirmer le recours à son droit de veto après validation de son conseil municipal. L'objectif premier de ce dispositif est de trouver des compromis, l'exercice du droit de veto étant une réponse ultime mais qui vise, malgré tout, à redonner une capacité de décision des maires au sein de leur intercommunalité.

Le rapporteur juge ce dispositif judicieux et plaide pour son extension, notamment lorsque la commune centre détient la moitié des sièges de conseillers communautaires.

Proposition n° 2 : Faire souffler un vent de liberté sur l'organisation municipale.

Sous-proposition n° 4 : Permettre d'instaurer, au sein du pacte de gouvernance, un droit de veto des communes.

4. Aider au regroupement volontaire de communes

Les communes nouvelles, décrites par la sénatrice Françoise Gatel comme une « pépite législative »122(*), sont un outil, qui peut être mobilisé à la seule main des communes, destiné à faciliter le regroupement de communes au moyen d'une procédure simplifiée. Ce régime juridique s'est substitué au régime de fusion de communes institué par la loi « Marcellin »123(*).

Ce régime a par la suite été consolidé par deux initiatives parlementaires, l'une portée par le député Jacques Pélissard, ancien président de l'Association des maires de France124(*), et l'autre par la sénatrice Françoise Gatel125(*), qui ont permis respectivement l'introduction d'un mécanisme d'incitation financière appelé « pacte de stabilité » - qui prévoit notamment une garantie triennale de stabilité temporaire de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour les communes nouvelles - et de nombreux assouplissements dans leur mode de gouvernance et leur relation à l'intercommunalité - avec la création du régime de la « commune-communauté ».

Le pacte de stabilité des communes nouvelles

Les communes nouvelles bénéficient aujourd'hui d'un pacte de stabilité, dispositif complet et incitatif ayant été réformé en 2020. Ce régime favorable se traduit concrètement par les mesures suivantes :

- une garantie spécifique visant à neutraliser une baisse de leur dotation forfaitaire et de leurs dotations de péréquation suite à la fusion, pendant trois ans. La loi de finances pour 2023 prévoit que ces garanties seront prolongées d'un an pour les communes nouvelles qui y étaient éligibles pour la dernière année en 2022 ;

- une exemption de contribution au redressement des finances publiques pendant ses années d'application, entre 2014 et 2017 ;

- une dotation d'amorçage de 6 € par habitant perçue pendant trois ans, pouvant atteindre 10 € par habitant pour les petites communes nouvelles ;

- à compter de 2023, une éligibilité dérogatoire à la dotation de solidarité rurale lorsque les communes nouvelles dépassent les 10 000 habitants mais peuvent être objectivement qualifiées de rurales.

En conséquence, en 2022, la DGF moyenne des communes nouvelles s'élève à 220 € par habitant pour une moyenne nationale de 165 €, soit 32 % de plus.

Source : réponse de la DGCL au questionnaire du rapporteur

Comme l'a rappelé la DGCL, interrogée sur ce point par la mission d'information, « le succès des communes nouvelles entre 2014 et 2019 est largement lié à la mise en oeuvre de la contribution au redressement des finances publiques. Alors que cette mesure a conduit à une réduction globale de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des communes de plus de 13 Md€ entre 2014 et 2018, les communes nouvelles se sont vues garantir, selon des modalités qui ont évolué dans le temps, la stabilité de leurs dotations à leur date de création. La fusion a donc permis de “cranter” un niveau de dotations significativement plus élevé dans un contexte général de baisse ».

Ceci explique qu'entre 2010 et 2019, d'après les éléments statistiques transmis par la DGCL, 2 508 communes se sont regroupées pour créer 774 communes nouvelles. Ces créations se sont fortement accélérées entre 2016 et 2019 (317 communes créées au 1er janvier 2016 et 200 au 1er janvier 2017, contre 13 au 1er janvier 2015 et deux au 1er janvier 2014) avant de connaître un fort tassement entre 2020 et 2023, seules 21 communes nouvelles ayant été créées sur cette période126(*).

La mission a pu constater lors de ses déplacements, en particulier dans les communes nouvelles de Chateaugiron et de Mesnil-Roc'h en Ille-et-Vilaine, l'effet de levier favorable au territoire, aux communes et aux citoyens d'un tel regroupement de communes en ce qu'il permettait à des communes de très petite taille de bénéficier de l'effet d'entraînement d'une commune plus peuplée. L'on pense en particulier aux communes de Saint-Aubin-du-Pavail et d'Ossé peuplées respectivement de 822 et 1 189 habitants, désormais communes déléguées de la commune nouvelle de Chateaugiron, qui comptait avant le regroupement 7 423 habitants127(*).

Toutefois, comme l'ont observé Françoise Gatel et Éric Kerrouche au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, la création de communes nouvelles est susceptible d'avoir des effets induits, en particulier dits « de seuil », préjudiciables aux communes et à la dynamique de création des communes nouvelles. Il en va notamment ainsi pour les dotations financières dont le calcul n'est stabilisé que pour trois années et pour les quotas de logements sociaux, dits « quotas SRU », susceptibles d'être imposés en cas de franchissement, par ce regroupement, d'un seuil de population. Ces rapporteurs préconisent, à cet égard, de lisser dans le temps les effets de seuil en ces matières, pour les seules communes nouvelles qui conservent, par leurs caractéristiques, une identité rurale128(*).

Convaincue des avantages de ces regroupements décidés par la seule addition de volontés locales, la mission se rallie aux préconisations formulées par les deux rapporteurs au nom de la délégation aux collectivités territoriales et appelle à relancer la dynamique de création des communes nouvelles, dispositif ayant fait la preuve de son efficacité129(*).

Proposition n° 2 : Faire souffler un vent de liberté sur l'organisation municipale.

Sous-proposition n° 4 : Faciliter, dans l'esprit défendu par la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, le développement des communes nouvelles, notamment par le lissage des effets de seuils.


* 110 Articles L. 5214-16-1, L. 5215-27 et L. 5216-7-1 du CGCT.

* 111 Loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, dite « Engagement et proximité ».

* 112 Il s'agissait d'une liste de compétences parmi lesquelles les communes avaient l'obligation de faire un choix pour transférer un certain nombre d'entre elles à leur groupement à fiscalité propre (trois sur neuf pour les communautés de communes, trois sur sept pour les communautés d'agglomération). La suppression de cette catégorie de compétences a eu pour effet d'en changer le statut et de les rendre, le cas échéant restituables.

* 113 Article L. 5211-17-1 du CGCT.

* 114 Articles L. 5214-16 et L. 5216-5 du CGCT.

* 115 Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « NOTRe », modifiée par loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes.

* 116 Proposition de loi n° 908 (2021-2022) de Jean-Yves Roux, visant à permettre une gestion différenciée des compétences « eau » et « assainissement » adoptée par le Sénat le 16 mars 2023 sous le n° 74 (2022-2023) puis adopté avec modifications en commission des lois à l'Assemblée nationale le 31 mai 2023. Le texte a été examiné par les députés lors d'une séance sans qu'un vote définitif n'ait pu avoir lieu. Le dossier législatif est consultable en ligne.

* 117 Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite « 3DS ».

* 118 Articles L. 5215-20 et L. 5217-2 du CGCT.

* 119 L'ensemble de ces citations est issue du rapport du Sénat 50 proposition pour le plein exercice des libertés locales, du 2 juillet 2020.

* 120 11 communes ont moins de 100 habitants et 114 communes ont entre 100 et 1 000 habitants étant précisé que le territoire s'étend sur une longueur de 70 kilomètres.

* 121 Banque des territoires, Un droit de veto pour les élus municipaux du Grand Reims (51), article publié le 13 décembre 2022.

* 122 Discours de Françoise Gatel, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, lors de la rencontre nationale des communes nouvelles, co-organisée par le Sénat et l'AMF, sous le haut-patronage de Gérard Larcher, en septembre 2022.

* 123 Ce régime est codifié aux articles L. 2123-1 à L. 2113-22-2 du CGCT.

* 124 Loi n° 2015-292 du 16 mars 2015 relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes.

* 125 Loi n° 2019-809 du 1er août 2019 visant à adapter l'organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires.

* 126 Réponses au questionnaire du rapporteur apportées par la DGCL, p. 13.

* 127 Recensement Insee 2017.

* 128  Rapport d'information n° 798 (2022-2023), de Françoise Gatel et Eric Kerrouche fait au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, « Commune nouvelle : Soutenir le projet d'un destin commun », déposé le 28 juin 2023

* 129 Les raisons de ce succès ont été analysées par Mathieu Darnaud dans son rapport n° 110 (2018-2019) précité.