L'ESSENTIEL

Démissions nombreuses de maires et de conseillers municipaux, faits de violences ou d'injures à leur encontre, affaiblissement des moyens humains et financiers des communes, concurrence de l'intercommunalité : de fortes inquiétudes pèsent sur l'avenir de la commune et du maire.

La mission, lancée à l'initiative du groupe Les Républicains, a entendu objectiver cet état de fait en enrichissant ses auditions et déplacements par un sondage sur la perception qu'ont les citoyens de la commune et du maire ainsi qu'une vaste consultation des élus municipaux sur la plateforme dématérialisée du Sénat.

Le constat est sans équivoque : l'avenir des communes et des maires s'est assombri. Pour autant, l'institution communale, à laquelle les citoyens sont attachés et qui a fait la pleine preuve de sa résilience, doit être confortée.

I. UN AVIS DE TEMPÊTE SUR LA DÉMOCRATIE LOCALE ?

A. UN AVENIR ASSOMBRI

La place du mandat municipal dans la vie civique locale semble connaître un reflux inquiétant. D'une part, la baisse tendancielle de la participation aux élections municipales laisse craindre un désengagement de nos concitoyens. D'autre part, la crise des vocations des élus municipaux s'aggrave : les démissions de maires (1 078) et de conseillers municipaux (29 214), s'accélèrent par rapport au mandat 2014-20201(*), les maires partageant un vif pessimisme quant à l'avenir des communes.

En second lieu, la commune est parfois perçue comme une collectivité en voie d'affaiblissement. Confrontée à des difficultés de recrutement, en particulier de secrétaires de mairie, à l'érosion de leurs moyens financiers et au désengagement de l'État territorial, incapable d'assumer son rôle de conseil, l'institution communale est parfois concurrencée par la montée en puissance d'une intercommunalité qui a longtemps bénéficié d'une politique active d'intégration et d'extension intercommunale.

B. DES RAISONS, CEPENDANT, D'ESPÉRER

Il n'en demeure pas moins que l'institution communale a fait la preuve de ses forces. Résiliente face aux crises - comme elle a montré dans la gestion de la crise liée à l'épidémie de la covid-19 -, plastique dans la permanence et la relative unicité de sa forme juridique, la commune demeure aux yeux de nos concitoyens une collectivité agile, à la fois lieu de vie civique et lieu d'accueil des services publics locaux.

Les communes sont aussi riches de l'attachement que les citoyens leur portent, plus qu'à toute autre collectivité, et de l'efficacité qu'ils leur reconnaissent2(*).

Surtout, la mission a constaté à quel point notre pays est riche de l'engagement des élus municipaux au côté de nos concitoyens. La consultation conduite par la mission a notamment permis de montrer que les maires attendent de pouvoir agir au service de leurs administrés et qu'on peut assurément compter sur leur engagement tant que les moyens d'agir leur seront donnés.

II. RENDRE AUX COMMUNES LA LIBERTÉ DE LEUR AVENIR

A. LE MODÈLE COMMUNAL FRANÇAIS : UNE CHANCE POUR L'AVENIR

Les consultations organisées par la mission, les auditions ou les déplacements qu'elle a tenus confirment tous le fait que la commune constitue, aux yeux de tous les acteurs, l'échelon du quotidien, de la proximité et du lien démocratique. La commune, c'est d'une part un territoire de service et un territoire de projet : la conduite de projet est d'ailleurs, de loin, la fonction préférée des maires dans la consultation, quelle que soit la taille de la commune. C'est d'autre part, le lieu par excellence de la démocratie locale.

Afin de conforter ce modèle communal français, la mission propose deux mesures. La première est de consacrer constitutionnellement la clause générale de compétence des communes : c'est le fondement du pouvoir d'agir des maires, ce qui permet à toute commune de s'imaginer un projet et un avenir. La seconde mesure est de maintenir les modes de scrutin actuels pour les élections municipales et la désignation des conseillers communautaires : la légitimité des seconds doit dériver des premiers, non l'inverse. C'est la garantie que l'intercommunalité demeure un instrument au service de la commune.

B. FAIRE SOUFFLER UN VENT DE LIBERTÉ SUR L'ORGANISATION MUNICIPALE

La mission d'information estime qu'il faut d'abord rompre avec le dirigisme reconfigurateur que nous avons connu depuis plusieurs années et cesser les modifications autoritaires de la carte intercommunale. L'intégration intercommunale à marche forcée a cadenassé la marge de manoeuvre des élus. Le Sénat n'a eu de cesse, au cours des dernières années, de déverrouiller ce qui pouvait l'être lorsque cela avait du sens. Il faut pousser plus loin cette logique.

Si l'expression de « bloc communal » désigne la cohésion et la solidarité du couple que constituent les communes et leurs EPCI, cette idée évoque aussi une forme de fixité. Il est proposé d'y substituer la notion de « biotope communal ». Le biotope, c'est un milieu de vie, dont les éléments qui le composent sont en interaction et s'adaptent pour trouver, en fonction des contraintes du territoire, l'équilibre le plus efficient. Ainsi conçu, le biotope communal favorise la différenciation territoriale.

Pour aller dans le sens de cet assouplissement, il est proposé d'unifier les régimes de délégations de compétence, en supprimant les limitations instaurées pour l'exercice délégué de certaines compétences. Il faut, également, permettre, par accord local, de modifier la répartition des compétences. Le cas le plus pertinent, c'est celui de l'eau et de l'assainissement : il faut pouvoir réorganiser la dévolution de cette compétence en fonction des logiques territoriales et à partir des accords locaux.

La mission recommande également d'élargir le débat obligatoire sur le pacte de gouvernance de l'intercommunalité, qui a lieu après chaque élection municipale, à la question de la répartition des compétences au sein de l'intercommunalité.

En troisième lieu, soucieux de redonner du pouvoir à la commune au sein de l'intercommunalité, la mission propose d'autoriser l'instauration, dans le pacte de gouvernance, d'un droit de veto des communes membres.

C. ASSURER AUX COMMUNES LES MOYENS FINANCIERS DE LEUR LIBERTÉ : POUR DES FINANCEMENTS LISIBLES ET PRÉVISIBLES

De manière convergente avec le groupe de travail « Décentralisation » présidé par le Président du Sénat, Gérard Larcher, la mission insiste sur la nécessité de redonner aux financements des communes de la lisibilité et de la prévisibilité. Le rapporteur propose notamment que les communes continuent d'être attributaires de la dotation globale de fonctionnement et qu'une réflexion s'engage sur les modalités de calcul de cette dernière afin de rendre ses évolutions plus compréhensibles pour les élus locaux.

III. REDONNER AUX MAIRES LE POUVOIR D'AGIR

A. DONNER AUX ÉLUS LES MOYENS DE TRANSFORMER LEUR ENGAGEMENT EN ACTION

Afin de redonner de la simplicité à l'action quotidienne des maires, il apparaît particulièrement nécessaire de simplifier, renforcer et unifier autour du préfet de département l'accès des maires à l'État. L'exemple de l'ingénierie est à cet égard parlant : éclaté en plusieurs agences, désarmé dans les sous-préfectures, l'État ne parvient plus à être le partenaire qu'il constituait jadis pour les projets des communes. Le préfet de département doit dès lors redevenir le point d'entrée unique de celles-ci.

La mission a également dégagé trois outils pour sécuriser les maires dans la conduite de leurs projets : la réception par un guichet identifié d'un dossier unique, la fusion des trois dotations d'investissement en une seule, ainsi que le renforcement du recours aux rescrits - administratif et juridictionnel - devraient permettre à l'État d'internaliser la contrainte technique et administrative qu'il fait aujourd'hui injustement peser sur les communes, en particulier les plus petites d'entre elles, en matière de conduite de projets.

Enfin, il est urgent de conforter, par des moyens juridiques et humains renforcés, la liberté des maires de gérer les affaires de leur commune. Il existe un très fort consensus parmi les élus locaux, et singulièrement communaux, sur la nécessité d'approfondir le pouvoir réglementaire local, capacité normative d'agir, dans plusieurs domaines identifiés par la mission, comme, par exemple, les locations de meublés touristiques. Par ailleurs, face aux difficultés rencontrées en la matière, il est nécessaire de consolider l'équipe autour du maire en facilitant les recrutements de secrétaires de mairie et d'agents municipaux spécialisés et en encourageant les mutualisations de personnel.

B. FACILITER L'ENGAGEMENT DANS LE MANDAT MUNICIPAL

Afin d'éviter une crise de l'engagement local en 2026, il faut, d'une part, faciliter l'exercice des mandats municipaux afin de permettre à une diversité de profils d'y participer. On ne saurait faire, à cet égard, l'économie d'une réflexion sur la revalorisation des indemnités de fonction. Il est également nécessaire de mieux adapter les conditions d'exercice des mandats municipaux à la diversité de profil des élus, notamment ceux engagés dans la vie professionnelle. En particulier, la constitution de droits à la retraite pendant l'exercice du mandat devrait être facilitée, y compris par l'octroi de bonifications.

Enfin, la protection des élus municipaux dans l'exercice de leur mandat est une exigence dont l'actualité récente ne fait que renouveler l'acuité. La République doit à cet égard se tenir aux côtés des élus municipaux, sans faillir, en garantissant la protection effective des maires et élus municipaux face aux violences, menaces et outrages, par un renforcement de la protection fonctionnelle et une amélioration du dispositif judiciaire. Le Sénat a déjà été force de proposition en la matière, ces mesures étant pour l'essentiel déclinées par la proposition de loi déposée le 26 mai 2023 au Sénat par le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, le rapporteur et la présidente de la mission ainsi que plusieurs de leurs collègues, renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires ; le Gouvernement doit désormais s'en saisir.

LISTE DES PRINCIPALES PROPOSITIONS ET SOUS-PROPOSITIONS

Proposition n° 1 : Confirmer la commune comme le lieu du quotidien, de la proximité et du lien démocratique.

Sous-proposition n° 1 : Consacrer constitutionnellement la clause générale de compétence.

Sous-proposition n° 2 : Maintenir les modes de scrutins actuels pour les élections municipales et la désignation des conseillers communautaires.

Proposition n° 2 : Faire souffler un vent de liberté sur l'organisation municipale.

Sous-proposition n° 1 : Rompre avec le dirigisme reconfigurateur de la carte communale et intercommunale :

- plus de nouveau transfert obligatoire de compétences ;

- plus de modification autoritaire de la carte intercommunale.

Sous-proposition n° 2 : Simplifier et assouplir les conditions de la répartition des compétences et de leur exercice entre l'intercommunalité et les communes :

- unifier les régimes de délégation et ceux de création des syndicats, quelles que soient les compétences concernées ;

- permettre par accord local de modifier la répartition de certaines compétences (par exemple l'eau et l'assainissement).

Sous-proposition n° 3 : Pour une intercommunalité de projet, instaurer après chaque renouvellement général des conseils municipaux, un débat, conjoint à celui sur le pacte de gouvernance, relatif à la répartition des compétences au sein de l'intercommunalité.

Sous-proposition n° 4 : Permettre d'instaurer, au sein du pacte de gouvernance, un droit de veto des communes.

Sous-proposition n° 5 : Faciliter, dans l'esprit défendu par la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, le développement des communes nouvelles, notamment par le lissage des effets de seuils.

Proposition n° 3 : Assurer aux communes les moyens financiers de leur liberté : pour des financements lisibles et prévisibles.

Sous-proposition n° 1 : Conserver aux communes un financement par de la fiscalité locale et une dotation globale de fonctionnement.

Sous-proposition n° 2 : Lancer une réflexion pour refondre la DGF et le FPIC sur la base de deux principes : rendre leurs modalités de calculs compréhensibles et leur évolution prévisible.

Sous-proposition n° 3 : Faire des lois de programmation des finances publiques de véritables outils conférant une visibilité sur l'évolution des ressources des collectivités territoriales.

Proposition n° 4 : Normes, ingénierie, financements, interlocuteurs : redonner de la simplicité à l'action quotidienne des maires.

Sous-proposition n° 1 : Simplifier, renforcer et unifier autour du préfet de département l'accès des maires à l'État.

Sous-proposition n° 2 : Guichet de dossier unique, fusions des dotations d'investissement, rescrit : trois outils pour sécuriser les maires dans la conduite de leurs projets.

Sous-proposition n° 3 : Limiter le nombre d'instances et de structures de coopérations auxquelles doivent participer les maires, sans réelle plus-value.

Proposition n° 5 : Conforter, par des moyens juridiques et humains renforcés, la liberté des maires de gérer les affaires de leur commune.

Sous-proposition n° 1 : Renforcer le pouvoir réglementaire des maires, capacité normative d'agir.

Sous-proposition n° 2 : Renforcer l'effectivité du pouvoir de police du maire et ses moyens de contrôle.

Sous-proposition n° 3 : Consolider l'équipe autour du maire en facilitant les recrutements de secrétaires de mairie et d'agents municipaux spécialisés et en encourageant les mutualisations de personnel.

Proposition n° 6 : Faciliter l'exercice des mandats locaux en reconnaissant à sa juste valeur l'engagement municipal et en s'adaptant à la diversité des profils des élus.

Sous-proposition n° 1 : Lancer une réflexion sur la revalorisation des indemnités de fonction.

Sous-proposition n° 2 : Mieux adapter les conditions d'exercice des mandats municipaux à la diversité de profil des élus, notamment ceux engagés dans la vie professionnelle.

Proposition n° 7 : Protéger les élus municipaux en toutes circonstances face aux menaces et aux mises en cause.

Sous-proposition n° 1 : Garantir la protection effective des maires et élus municipaux face aux violences, menaces et outrages, par un renforcement de la protection fonctionnelle et une amélioration du dispositif judiciaire.

Sous-proposition n° 2: Stabiliser le cadre juridique des conflits d'intérêts et de la prise illégale d'intérêts et veiller à l'acculturation de tous les acteurs pour sécuriser l'action des élus locaux.

Sous-proposition n° 3 : Remédier à l'absence de protection spécifique des candidats aux élections municipales.

AVANT-PROPOS

Lancée à l'initiative du groupe Les Républicains, la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France a ouvert ses travaux, le 31 janvier 2023, avec la conviction profonde qu'il n'y a pas d'avenir pour nos territoires et pour la démocratie locale si les communes et les maires n'en ont plus.

Or, alors que se profilait la deuxième moitié du mandat municipal commencé en 2020, en pleine crise de la covid-19, l'inquiétude était forte que cet avenir soit menacé.

Malaise grandissant des élus municipaux, démissions nombreuses de maires, d'adjoints et de conseillers municipaux, faits de violences ou d'injures à l'égard de ces dépositaires de l'autorité publique, la démocratie locale était touchée.

Parallèlement à cette crise des vocations, une inquiétude émergeait sur l'affaiblissement progressif des communes, diminuées dans leurs moyens humains et financiers, abandonnées par l'État ou concurrencées au sein du bloc local.

C'est pourquoi, dès le début, la mission d'information s'est donné pour tâche de dresser un constat objectif, afin que tous s'accordent sur le diagnostic.

Elle a mobilisé pour cela plusieurs outils.

Elle a d'abord entendu des élus locaux, les représentants des associations de maires et ceux des autres acteurs territoriaux. Elle s'est déplacée dans quatre départements, l'Ille-et-Vilaine, la Haute-Garonne, les Vosges et la Somme, présentant des problématiques différentes, afin de confirmer le diagnostic au contact des acteurs de terrain et y trouver, aussi, des raisons d'espérer.

Elle a par ailleurs demandé au ministère de l'intérieur de recueillir et de lui transmettre les chiffres des démissions municipales constatées par ses services, ce qui a permis d'objectiver le sentiment d'un malaise des élus municipaux et contribué à ouvrir un plus vaste débat, sur le sujet, dans la société.

Enfin, la mission d'information a commandé à l'institut CSA un sondage sur la perception qu'ont les citoyens de la commune et du maire. Parallèlement à ce sondage, elle a lancé une vaste consultation des élus locaux sur la plateforme dématérialisée du Sénat, les interrogeant à la fois sur les difficultés qu'ils rencontrent, les satisfactions qu'ils éprouvent et les solutions qu'ils envisagent. 2 954 élus ont répondu, provenant de 94 départements différents. Parmi eux, comptent 2 093 maires, ce qui représente 8,3 % de l'effectif des maires.

Les travaux de la mission ne lui ont pas seulement permis de prendre la mesure de la crise que traverse la démocratie locale, ils lui ont aussi donné à voir ses atouts et la résilience dont elle a fait preuve.

Forte du constat qu'elle a pu établir, la mission d'information a cherché à comprendre quel avenir il était possible d'esquisser pour les communes et pour les maires, à quelles conditions il pourrait se réaliser et quelles réponses apporter aux difficultés des élus.

À l'issue de ses travaux, elle estime qu'il est urgent de rendre aux communes la liberté de leur avenir et de redonner aux maires le pouvoir d'agir.

PARTIE I
AVIS DE TEMPÊTE SUR LA DÉMOCRATIE LOCALE ?

S'interroger aujourd'hui sur l'avenir de la commune et du maire, c'est d'abord chercher à comprendre les menaces qui pèsent sur cet avenir.

Or, les nuages s'amoncellent sur la démocratie locale et il convient d'en prendre la mesure. Il n'est plus possible d'ignorer l'alerte donnée par ces élus qui renoncent à leur mandat et il faut comprendre quelles évolutions ont progressivement affaibli la force du modèle communal.

Il n'est pas d'avenir possible sans espoir. Heureusement, la vitalité de l'institution communale, l'attachement profond de nos concitoyens à l'égard de nos communes et de leurs maires et l'engagement civique de nos élus constituent, à cet égard, un phare dans la tempête.

I. UN AVENIR ASSOMBRI

A. DES SIGNES AVANT-COUREURS : CRISE DES VOCATIONS ET AFFAIBLISSEMENT DE LA PARTICIPATION ÉLECTORALE

La mission d'information a lancé ses travaux à la fin du mois de janvier 2023, alors que des inquiétudes se faisaient jour sur le découragement progressif des élus municipaux.

Les élections municipales de 2020 avaient déjà suscité certaines craintes. En novembre 2019, un sondage commandé par l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) annonçait que 28,3 % des maires sortants avaient décidé de ne pas se représenter et que 23 % hésitaient encore3(*), alors qu'en 2014, lors des précédentes élections municipales, la part des sortants non candidats ne s'élevait qu'à 27 %4(*).

Surtout, une fois la séquence électorale passée, les annonces de démissions de maires ou de conseillers municipaux se sont multipliées. Si le phénomène n'était pas inédit, son ampleur paraissait supérieure aux années précédentes, sans que personne ne soit en mesure de le quantifier exactement.

La première décision de la mission d'information a donc été de demander au ministère de l'intérieur de collecter les informations des préfectures sur le sujet et de les lui transmettre.

Les statistiques recueillies ne laissent pas place au doute : la crise des vocations municipales est une réalité et son aggravation depuis le dernier renouvellement des conseils municipaux ne peut plus être niée.

Les auditions de la mission d'information, enrichies par la consultation des élus locaux qu'elle a organisée, permettent de comprendre les ressorts de cette crise qui ne se limite pas aux seuls élus démissionnaires. Peu à peu, sous l'effet de la dégradation des conditions d'exercice du mandat municipal, l'écart se creuse entre les aspirations des élus municipaux et la réalité de leur mandat.

Se conjuguant à cette crise des vocations, la baisse de la participation aux élections municipales accentue le risque d'un affaiblissement de la démocratie locale.

1. La crise des vocations municipales : une réalité

La crise des vocations municipales est susceptible de couvrir deux phénomènes : la baisse des candidatures ou des intentions, pour les maires en place, de se porter à nouveau candidat lors des prochaines élections municipales ; l'augmentation des démissions volontaires d'élus municipaux en cours de mandat.

Or, les travaux de la mission établissent que si l'ampleur du premier phénomène est encore limitée, le second se signale par une aggravation sensible de la situation.

a) Une baisse des candidatures encore limitée

Lors du premier tour des dernières élections municipales, on dénombra 106 communes sans aucun candidat, dont quatre communes de 1 000 habitants ou plus5(*). C'était presque trois quarts de plus que six ans auparavant où seulement 62 communes avaient été dans ce cas et une seule de 1 000 habitants ou plus.

Ce phénomène est certes marginal par rapport à l'ensemble des 34 965 communes, mais il illustre le risque d'une diminution progressive de l'engagement municipal, que confirme la décrue du nombre de candidats aux dernières élections municipales. De 926 068 en 2014, il est passé à 902 465 en 2020, soit -2,55 %, ce qui représente une proportion plus importante que la baisse du nombre de communes, par fusion, sur la même période (-1,5 %).

Cette baisse d'engagement a-t-elle touché les candidats aux postes de maire ? Afin de mieux la mesurer, le rapporteur a interrogé le ministère de l'intérieur sur le nombre de maires élus en 2014 qui se sont présentés à nouveau en 2020.

Malheureusement, cette statistique ne fait pas l'objet d'un suivi systématique par les préfectures et les données transmises sont donc lacunaires : l'information complète n'est disponible, en 2014 et en 2020, que pour 39 départements. Or dans ceux-ci, trois situations se rencontrent : celle dans laquelle le nombre de maires s'étant présentés à nouveau aux suffrages des électeurs est supérieur en 2020 (par exemple en Ariège ou dans le Gard), celle dans laquelle il est inférieur, mais où le nombre de fusions de communes explique largement la baisse (par exemple le Cantal, le Lot, le Rhône ou l'Yonne), celle dans laquelle il est inférieur sans que ceci résulte de la seule recomposition de la carte communale (par exemple dans les Alpes-de-Haute-Provence, le Loiret, le Nord, les Yvelines ou en Vaucluse).

La proportion de représentation dans ces départements est quasiment le même en 2020 et 2014 puisqu'il est d'environ des deux tiers6(*) : la situation paraît donc stable de ce point de vue.

Faut-il craindre une aggravation à l'avenir ?

Un tel risque d'une baisse des candidatures en 2026 ne peut être appréhendé que par le biais de sondages sur le souhait des maires en place de se représenter ou non.

Dans le cadre de la consultation qu'elle a organisée, la mission a donc interrogé les maires sur leurs intentions à l'issue du mandat en cours.

Résultats de la consultation des maires pour la question :

Source : Mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France

Sur 2 093 maires ayant répondu à ce qu'ils envisageaient de faire à l'issue de leur mandat, 28 % indiquent d'ores et déjà souhaiter quitter la vie politique et un tiers se représenter. Le dernier tiers ne se prononce pas encore. Les ordres de grandeur sont les mêmes lorsqu'on ajoute les réponses des conseillers municipaux ou des adjoints7(*).

Ces niveaux de réponse sont très proches de ceux qu'avait recueillis l'AMF en 20198(*) dans son sondage précité. Même si le taux de non-représentation demeure élevé, on ne peut pas conclure, à ce stade, à une aggravation.

La situation, sur le front des démissions en cours de mandat, est, quant à elle, bien différente.

b) L'augmentation inquiétante des démissions municipales

Précisions méthodologiques : les statistiques des démissions

La loi fait obligation aux maires ou adjoints démissionnaires d'adresser leur démission au préfet pour qu'elle devienne définitive. Par ailleurs, ils doivent également l'informer des démissions de conseillers municipaux9(*).

Ce faisant, le ministère de l'intérieur est en mesure de suivre les cessations de mandats ou de fonctions municipales. Il centralise ces informations dans le répertoire national des élus (RNE), en précisant le motif de la vacance enregistrée.

Cet outil a toutefois longtemps présenté une faiblesse : jusqu'en janvier 2021, il ne comprenait qu'un nombre restreint de motifs de cessation de fonction (décès, démission volontaire ou d'office, autre...) et les services préfectoraux manquaient de rigueur dans l'enregistrement des motifs, privilégiant à l'excès le motif généraliste « autre »10(*). Depuis cette date, la liste des motifs a été affinée et leur renseignement fait l'objet d'une plus grande attention des préfectures, ce qui a nettement amélioré la fiabilité de ce recueil statistique.

Il n'en reste pas moins que les comparaisons longitudinales, couvrant des périodes antérieures et postérieures à 2021, s'en trouvent fragilisées : il est ainsi très vraisemblable que, de 2014 à 2020, de nombreuses démissions volontaires ont été plutôt enregistrées sous le motif « autre ». Afin de neutraliser ce biais, la méthode retenue, pour faire des comparaisons temporelles, a été de retenir l'ensemble des vacances de siège de maire, quel qu'en soit le motif, hors décès.

Selon les chiffres fournis par le ministère de l'intérieur à la mission d'information, depuis 2020 jusqu'au 10 mai de cette année, 1 078 maires ont démissionné volontairement11(*), ce qui représente, en à peine trois ans de mandat, 3 % de l'effectif total des maires12(*). Ces démissions se répartissent à 30 % (327) dans les communes de 1 000 habitants et plus, et 70 % (929) dans les communes de moins de 1 000 habitants, ce qui reflète quasi parfaitement la répartition des communes selon la strate démographique13(*).

Interpellé par Franck Menonville lors des questions d'actualité au Gouvernement du 5 avril 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu, a tenté de relativiser cette statistique en faisant valoir qu'elle était comparable à ce qui avait été observé lors du précédent mandat municipal. Se fondant sur le nombre de vacances de sièges de maire, pour tout motif, hors décès, il a estimé que « 1 293 : tel [est] le nombre exact de maires qui ont démissionné depuis le début de leur mandat. Pour autant, il faut toujours se méfier des chiffres : entre 2014 et 2020, quelque 2 925 maires avaient démissionné. La moyenne est donc comparable : de l'ordre de quarante par mois » 14(*).

Cette comparaison présente toutefois deux défauts.

D'une part, elle assimile la totalité des démissions enregistrées sous le motif « autre » à des démissions volontaires. Or, comme on l'a vu (cf. encadré méthodologique), il est probable qu'aient été classées dans cette catégorie des vacances de sièges de maires relevant d'autres motifs que celui d'une démission volontaire15(*).

D'autre part, elle compare les trois premières années d'un mandat à la totalité d'un autre. Ce faisant, elle néglige d'examiner les niveaux respectifs des trois premières années de chaque mandat et elle ne tient pas compte de la dynamique des vacances constatées au fil des années du mandat précédent.

Le tableau ci-dessous met en lumière cet aspect :

Nombre de vacances de sièges de maires, hors décès,
de 2014 au 10 mai 2023

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023
(10/05)

224

476

573

688

593

337

255

502

585

222

Trois premières années du mandat 2014

Trois dernières années du mandat 2014

Trois premières années du mandat 2020

Progression

1 273

1 618

1 342

+5,4 %

Progression entre les deux moitiés de mandat

+27,1 %

   

Source : Mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France
à partir des statistiques fournies par le ministère de l'intérieur

Or, on constate que le niveau actuel de vacances de sièges de maires, hors décès, est, à 1 342, 5,4 % supérieur à celui observé lors des trois premières années du mandat de 2014, qui s'élevait à 1 247.

L'augmentation n'est pas uniforme selon les strates démographiques des communes : si, pour celles de moins de 1 000 habitants le niveau de vacances de sièges au début du mandat 2020 est quasi identique, voire légèrement inférieur, à celui du début du mandat 2014 (respectivement 839 et 852), en revanche, l'essentiel de l'augmentation se concentre dans celles de 1 000 habitants et plus (respectivement 503 contre 421, soit une augmentation de près de 19,5 %).

Surtout, l'avenir se présenterait sous un jour plus sombre si les trois années qui viennent suivaient la même dynamique que celle observée lors de la deuxième moitié du mandat de 2014 (+27,1 %) : le chiffre des vacances se monterait alors à plus de 3 000, ce qui représenterait 8,8 % de l'effectif total des maires. Or, le nombre de démissions enregistrées au cours du premier semestre 2023 semble le confirmer : si le rythme de ces démissions ne se ralentit pas, on en comptera 623 à la fin de l'année.

D'ailleurs, d'autres indicateurs corroborent cette analyse d'une aggravation de la situation, même certains sont moins fiables que les premiers, faute, en ce qui les concerne, que la remontée d'informations auprès des préfectures ou leur traitement soit aussi systématique que pour les démissions de maire.

Le premier de ces indicateurs est le nombre annuel de décisions préfectorales relatives aux démissions de maires, quel qu'en soit le motif : selon les chiffres fournis au rapporteur par le ministère de l'intérieur, on en compte 1 058 pour la période 2014-2016 et 1 430 pour la période 2020-2022, soit une augmentation de 35 %.

Le deuxième indicateur est celui du nombre de vacances de sièges de conseillers municipaux enregistré au RNE.

Selon les chiffres fournis par le ministère de l'intérieur à la mission, de 2014 à 2016, le nombre de vacances de sièges de conseillers municipaux, pour tout motif, hors décès et renouvellement général16(*), était de 32 846. De 2020 à 2022, il était de 35 565, ce qui correspond à une augmentation de 8,28 %. En valeur absolue et à seulement mi-mandat, le nombre de ces vacances représente presque 7 % (6,94 %) de l'effectif des conseillers municipaux élus en 2020.

Les communes de 1 000 habitants et plus sont plus touchées par l'aggravation de la situation : l'augmentation, en ce qui les concerne, est de 13,1 % contre 1,6 % pour celles de moins de 1 000 habitants.

On peut avoir une idée plus précise de la part des démissions volontaires dans ce total pour 2021 et 2022 puisque, depuis 2021, le motif « démission volontaire » est suivi avec plus de rigueur dans le RNE. Il représente, pour ces deux années, 25 539 cas de vacances, soit 87,2 % du total des vacances pour ces deux années : il s'agit, très largement, de la cause principale des vacances observées. Ceci représente 78 % du total pour les communes de 1 000 habitants et plus et 95 % pour celles de moins de 1 000 habitants17(*).

La tendance semble continuer à la hausse en 2023. Interrogé par le rapporteur sur ce point, le ministère de l'intérieur a ainsi estimé que « sur un trimestre complet en 2023, 3 304 démissions volontaires ont été enregistrées. Ce chiffre est en légère hausse (+2,4%) par comparaison à 2022 (12 910 démissions volontaires de conseillers municipaux, soit 3 227 en moyenne par trimestre). Il est également en hausse (+4,6%) en comparaison avec une année de mi-mandat équivalente lors de la précédente mandature, c'est-à-dire en 2017 : 12 641 vacances de conseillers municipaux avaient été enregistrées pour tout motif (sauf décès), soit 3 160 en moyenne par trimestre en 2017 ».

Au total, selon la dernière évaluation fournie à la mission par le ministère de l'intérieur, au 10 mai 2023, le nombre de démissions volontaires de conseillers municipaux depuis 2020 s'élevait à 29 214.

Corollaire du précédent, le troisième indicateur est celui du nombre de scrutins locaux organisés entre deux renouvellements généraux des conseils municipaux. Cette statistique inclut, notamment, les élections partielles ou complémentaires destinées à remédier aux vacances au sein des conseils municipaux18(*). Elle présente toutefois le défaut de comprendre également toutes les consultations locales organisées par les communes, ce qui affaiblit sa portée pour notre sujet. Néanmoins, la tendance dessinée confirme l'analyse d'une nette augmentation des démissions municipales. De 1 040 scrutins organisés de 2014 à 2016, nous sommes passés à 1 335 de 2020 à 2022, soit une progression de 28,4 %.

Enfin, le dernier indicateur est celui des délégations spéciales mises en place, à l'initiative du préfet, pour administrer des communes dépourvues de conseil municipal en raison soit d'une impossibilité de le constituer, soit d'une démission de tous les conseillers, soit d'une annulation définitive de l'élection19(*). Entre les périodes 2014-2016 et 2020-2022, ce nombre a augmenté de plus de la moitié (+54,7 %), passant de 86 à 133. Il s'agit certes là de situations extrêmes. Toutefois, le fait remarquable est que si l'on observe un nombre identique de délégations spéciales en 2014 et 2020 (46), en revanche, les années qui suivent, il est au moins le double en 2021 (69) et 2022 (18) de celui de 2015 (35) et 2016 (5) : les dissolutions de conseils municipaux ou l'impossibilité de les constituer se sont donc aggravées d'un mandat à l'autre.

Pour résumer, le nombre de démissions municipales constatées pour ce second mandat se situe à un niveau absolu qui est, en lui-même, inquiétant et cette inquiétude ne peut être que renforcée par la dynamique dans laquelle il semble que nous soyons engagés. Ce phénomène touche les maires comme les conseillers municipaux.

Cette réalité ne peut plus être niée et il serait dommageable de ne pas en prendre la mesure. Elle est le symptôme d'une insatisfaction croissante des maires vis-à-vis des conditions d'exercice de leur mandat.

2. Un divorce consommé entre les aspirations des élus et les réalités du mandat municipal ?

Interrogé par le rapporteur sur les raisons de la crise des vocations municipales, Michel Gros, membre du bureau de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), a souligné que les maires ont « le sentiment d'une perte de sens. Les politiques publiques manquent de visibilité, de continuité. Elles changent trop vite et empêchent les maires de construire une politique de long terme. [...] Leurs interlocuteurs sont nombreux ; ce n'est pas simple à gérer pour les communes rurales dépourvues d'ingénierie. On constate avec une certaine amertume une marche forcée vers l'intercommunalité depuis la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe. [...] Résultat, les communes-centres se renforcent au détriment des communes rurales, sauf si le président de l'intercommunalité est maire d'une commune rurale. [...]

« Quand nos administrés s'interrogent, le premier réflexe est d'aller à la mairie. Mais lorsqu'on interroge le maire sur les poubelles qui débordent ou la réparation d'un réseau d'eau, que répond-il ? Cela ne dépend pas de moi, mais de l'intercommunalité... Cela le décrédibilise.

« Les maires ont le sentiment d'une perte de sens. Ils s'interrogent sur leur engagement, hésitent parfois à poursuivre. Ils ne comptent pas leurs heures. Mais nos concitoyens se comportent de plus en plus comme des consommateurs et ne voient pas le travail nécessaire pour faire avancer les dossiers. »20(*)

Perte de pouvoir des communes, complexité ou illisibilité des politiques publiques, multiplicité des interlocuteurs, difficultés techniques dans l'exercice du mandat, relation contrariée à l'intercommunalité, exigences trop pressantes des citoyens, le diagnostic ainsi formulé a été confirmé à de nombreuses reprises par les personnes entendues par la mission d'information, comme par exemple Emmanuel Éloré, ancien maire d'Andouillé-Neuville, en Ille-et-Vilaine, pour qui « [l]e travail de maire est un travail passionnant, qui devient cependant de plus en plus lourd dans les petites communes, rurales en particulier ». Soulignant comme déterminants dans sa décision de démissionner de son mandat la complexification de l'exercice de la compétence « urbanisme » et les enjeux des relations entre les communes et l'intercommunalité, il a indiqué avoir « le sentiment que le maire, peu à peu privé de compétences, est réduit à l'état de marionnette. »21(*)

Ce qui apparaît à travers ces réflexions, c'est un divorce entre les aspirations des élus, qui veulent être utiles à leur territoire et à leurs concitoyens, et la réalité des conditions d'exercice de leur mandat, qui ne leur permettent plus toujours de répondre à ces aspirations.

La consultation des élus municipaux organisée par la mission d'information confirme cette impression et permet d'en cerner les causes.

· Des conditions d'exercice du mandat loin d'être toujours satisfaisantes ; des maires qui ont le sentiment d'être toujours plus sollicités

Il s'avère que moins de la moitié (47,6 %) des maires répondants jugent les conditions d'exercice de leur mandat satisfaisantes. Seuls les élus dont la commune est urbaine ou se situe dans un territoire périurbain en sont majoritairement satisfaits.

La part de ceux qui les jugent mauvaises est certes limitée (13,9 %), mais elle illustre le fait qu'une frange non négligeable des maires fait face à d'importantes difficultés dans l'exercice de leur mandat.

Résultats de la consultation des maires pour la question (2093 réponses) :

Source : Mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France

La mission a également interrogé les maires sur l'implication qu'exige d'eux leur mandat depuis leur première élection. Or, le résultat est spectaculaire : les trois quarts des répondants (76,5 %) estiment que, depuis leur première élection, elle est plus ou beaucoup plus importante. Elle est identique pour seulement 14 % d'entre eux.

La situation s'est visiblement dégradée avec le temps puisque 85 % des élus dont c'est au moins le deuxième mandat jugent l'implication exigée plus importante. Et même ceux dont c'est le premier mandat font majoritairement (55,6 %) état d'une intensité plus forte depuis leur prise de fonction.

· Des difficultés d'exercice du mandat bien identifiées

Afin de mieux comprendre les causes de leurs difficultés, il a été demandé aux maires répondants de noter, sur une échelle de 0 à 10, les principales difficultés rencontrées dans l'exercice de leur mandat. Ceci a permis d'établir le classement suivant :

Résultats de la consultation des maires pour la question (2093 réponses) :

Source : Mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de ce classement.

En premier lieu, un facteur majeur de difficultés pour les maires tient à l'appréhension de la norme applicable. Il s'agit bien entendu de la complexité normative en elle-même qui, avec la note 8,34, est classé premier facteur de difficulté, mais aussi des conséquences de cette complexité : les risques de mise en cause de la responsabilité des élus, notamment pour des décisions erronées (6,95), et les risques contentieux (6,73).

Ceci corrobore l'analyse de Martial Foucault, professeur de sciences politiques et directeur du centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), pour qui les deux principales sources d'insatisfaction des maires sont : « l'absence de reconnaissance de la part de l'État, en particulier du pouvoir exécutif ; l'inflation normative, qui rend la fonction de plus en plus technique, à l'opposé de ce que porte la notion d'engagement politique. Cela est particulièrement le cas des municipalités qui ne disposent pas d'un secrétaire de mairie. »22(*)

La deuxième catégorie de difficultés tient à la charge de travail des maires, qui rend plus difficile la conciliation avec la poursuite d'une vie professionnelle (pour ceux qui travaillent, cette difficulté est notée 7,61). La charge des réunions et procédures est également dénoncée à ce titre (7,24) et, dans une moindre mesure, la difficulté de concilier mandat et vie personnelle (6,29 et 6,7 pour ceux qui sont dans la vie active).

La troisième catégorie est celle des moyens mis à la disposition des communes et des maires. Si l'insuffisance des moyens financiers occupe la troisième place du podium (7,17), le manque de personnel technique ou administratif se situe à la moyenne (6,37).

La quatrième catégorie est celle du rapport à la population : si les exigences plus pressantes des citoyens sont mises en avant comme une difficulté importante (6,76), en revanche, le manque de reconnaissance des citoyens ne compte pas au nombre des difficultés les plus fortes à gérer (5,90).

Enfin, parmi les facteurs qui leur étaient soumis, les répondants ont classé aux dernières places la gestion de l'équipe municipale ou le fait de manquer de relais auprès de l'intercommunalité ou des autres collectivités territoriales.

· Les motifs du renoncement au mandat

On a vu plus haut qu'un peu moins d'un tiers des maires consultés envisageaient de ne pas s'engager dans un nouveau mandat.

La mission s'est intéressée aux raisons de ce renoncement. Elles se partagent entre déceptions et sentiment du devoir accompli.

Résultats de la consultation des maires pour la question (2093 réponses) :

Source : Mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France

Ainsi, un peu moins de 48 % des 587 maires répondants envisageant de s'arrêter en 2026 estiment avoir rempli leur devoir civique et 36 % être trop âgés. Ces motivations rendent compte d'un engagement qui a atteint son but et passe le relais aux autres générations. Elles colorent la décision de ne pas se présenter à nouveau d'une note positive.

À l'inverse, la charge excessive de la fonction sur la vie personnelle ou professionnelle détourne près de 45 % d'entre eux d'un nouveau mandat. Et 35 % de ceux qui renonceront citent la déception que leur a causé leur mandat comme raison de leur choix. Le sacrifice qu'exige la fonction est, dans ce cas trop lourd, et les satisfactions du mandat insuffisantes.

· Un désenchantement du mandat en cours ?

La mission d'information a interrogé les maires sur leur décision de se présenter en 2020 : si c'était à refaire, y retourneraient-ils ? Cette question permet de mesurer l'éventuel désenchantement des élus sur la pratique de leur mandat : estiment-ils que cela en a valu la peine ?

Résultats de la consultation des maires pour la question (2093 réponses) :

Source : Mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France

Or, si l'on peut se féliciter que près des trois quarts des maires répondants confirment leur décision (73 %), on constate qu'un peu plus d'un quart soit hésitent (12 %) soit regrettent (14 %) cette décision. À l'épreuve du mandat, le choix de s'engager n'est plus si évident pour ces derniers.

· Des craintes pour l'avenir

Un dernier phénomène mérite d'être souligné. Les maires sont pessimistes pour l'avenir de la commune. Il leur a été proposé, dans le cadre de la consultation, d'évaluer, sur une échelle de 0 à 10, si la situation des communes était appelée à s'améliorer ou à se dégrader. Leurs réponses s'échelonnent ainsi :

Résultats de la consultation des maires pour la question (2093 réponses) :

Source : Mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France

La note moyenne est très basse, à 3,06, et les trois quarts des maires choisissent une note inférieure à 4.

3. Le relatif affaiblissement de la participation aux dernières élections municipales, un signe de désintérêt des citoyens pour l'action publique municipale ?

Pour la première fois sous la Cinquième République, lors des élections municipales de 2020, le taux de participation au premier tour est tombé en deçà de 50 %, à 44,6 %, rompant nettement avec les niveaux précédemment atteints : 63,6 % en 2014, 66,5 % en 2008 et 67,4 % en 2001.

On ne saurait attribuer cette abstention au premier tour à la seule crise de la covid-19. En effet, la faiblesse de la participation s'est confirmée, au mois de juin, lors du second tour de ces élections (41,8 %), dans un contexte sanitaire pourtant moins contraignant.

Cette inflexion historique du taux de participation à l'élection qui a toujours été, après l'élection présidentielle, celle qui mobilisait le plus les électeurs, ne laisse pas d'inquiéter. En effet, quelles en sont les causes ?

Martial Foucault, qui a interrogé les maires sur leur interprétation de cette baisse de participation, a indiqué, devant la mission d'information, qu'à leurs yeux, elle était le reflet du « développement de profondes tensions démocratiques dans leurs territoires [...]. En 2020, les maires interrogés estimaient que cette baisse était passagère. Les Français, attachés à leur maire, retrouveraient le chemin du bureau de vote. 83 % des mêmes maires interrogés en 2022 faisaient part de leur inquiétude à ce sujet, craignant un désintérêt politique plus profond. Le point de bascule, en deux ans, est considérable. [...] Pour les maires, ce phénomène serait notamment lié aux fractures territoriales, et au sentiment de relégation qu'elles suscitent et que ne contrecarre pas toujours la réinstallation des services de l'État. »23(*)

À cette lumière, on mesure que l'affaiblissement de la démocratie communale, dans ses moyens d'action et dans sa capacité à répondre aux attentes des citoyens, est un affaiblissement de cette démocratie dans l'engagement civique. L'avenir des communes et celui de l'expression démocratique locale sont donc liés.

B. DES INQUIÉTUDES : LA COMMUNE, UNE COLLECTIVITÉ EN VOIE D'AFFAIBLISSEMENT ?

Briques fondamentales de notre organisation territoriale et démocratique, les communes peuvent s'inquiéter de voir aujourd'hui leur position affaiblie. Leurs moyens humains et financiers sont en voie de diminution (1 et 2). L'État s'est progressivement désengagé vis-à-vis d'elles (2). Enfin, la montée en puissance de l'intercommunalité, pourtant initialement conçue pour servir les communes, s'est parfois effectuée au détriment de ces dernières (4).

1. Une échéance inquiétante : la crise du recrutement du personnel municipal

Les communes sont aujourd'hui confrontées à d'importantes difficultés de recrutement, qui posent, à terme, la question de leur capacité à assurer effectivement leurs missions.

· Des difficultés générales de recrutement

Cette crise du recrutement touche en premier lieu certains métiers dits « en tension ». Comme le rappelle un rapport récent de l'Inspection générale de l'administration (IGA) 24(*), dix métiers concentraient tout particulièrement les difficultés de recrutement sur la période 2014-2020 et s'avéraient en conséquence très régulièrement proposés au recrutement sur cette période.

Tableau des métiers les plus proposés au recrutement sur la période 2014-2020

Source : Inspection générale de l'administration25(*)

Cette appréciation corrobore celle des recruteurs, notamment la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG) et l'Association nationale des directeurs et directeurs adjoints de centres de gestion de la fonction publique territoriale. Ceux-ci notaient ainsi qu'en 2019, les dix métiers pour lesquels les offres de recrutement restaient publiées le plus longtemps - un indicateur de leur difficulté à pourvoir de tels postes - étaient les suivants : enseignant artistique, policier municipal, travailleur social, assistant de gestion de ressources humaines, chargé de propreté des locaux, animateur enfance-jeunesse, assistant de gestion administrative, agent de service polyvalent en milieu rural, assistant éducatif petite enfance et secrétaire de mairie.

Ce dernier métier a tout particulièrement concentré l'attention médiatique récemment, en raison des difficultés spécifiques de recrutement qu'il connaît actuellement.

· La question cruciale des secrétaires de mairie26(*)

Les secrétaires de mairie, auxquels la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat vient de consacrer un rapport d'information27(*), sont les auxiliaires essentiels à l'exercice quotidien du mandat dans les communes de moins de 3 500 habitants - soit 91 % des communes -, en particulier pour les communes de moins de 2 000 habitants28(*) - soit 84 % des communes29(*). Comme l'a rappelé au cours de son audition par la mission d'information Michel Hiriart, président de la fédération nationale des centres de gestion de la fonction publique territoriale, on recense environ 19 000 secrétaires de mairie, qui se répartissent en 5 % de catégorie A, 23 % de catégorie B et 60,5 % de catégorie C. Il s'agit à 94 % de femmes, et 20 % des secrétaires de mairie sont des agents contractuels.

Selon les termes des auteurs du rapport précité, les secrétaires de mairie « ont un rôle central pour garantir le bon fonctionnement des services publics locaux et l'administration communale »30(*).

Force est toutefois de constater, comme le rappelait Catherine Di Folco dans son rapport sur une récente proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie, que l'« indispensable “couteau suisse” » que constituent les secrétaires de mairie est « appelé à devenir une “perle rare” »31(*).

En effet, la profession est confrontée à une pyramide des âges particulièrement défavorable. Comme le rappellaient les auteurs du rapport précité de la délégation aux collectivités territoriales, Catherine Di Folco, Jérôme Durain et Cédric Vial, en 2022, « 25 % de ces agents avaient plus de 58 ans et 60 % plus de 50 ans ». En conséquence, il est estimé qu'un tiers environ des secrétaires de mairie actuellement en fonction partiront à la retraite d'ici à 203032(*).

Face à la nécessité de remplacer ces départs à la retraite massifs sur la décennie à venir, la faible attractivité du métier ne permet pas, pour l'heure, de dresser des perspectives favorables. En effet, au 10 mars 2023, 1 919 postes de secrétaire de mairie étaient à pourvoir33(*). Comme le rappelle le rapport précité de l'IGA, dans la dixième édition du « panorama de l'emploi territorial » établi par la FNCDG et l'Association nationale des directeurs et directeurs adjoints de centres de gestion, le métier de secrétaire de mairie était le deuxième plus en tension, derrière celui d'enseignant artistique34(*).

Ce déficit d'attractivité est la résultante de multiples facteurs35(*), ayant trait :

sur le fond, à la complexification de l'exercice des missions : l'inflation normative, la dématérialisation des procédures - sans cesse plus poussées -, ainsi que, force est de le constater, les demandes d'un public aux exigences toujours plus élevées rendent plus difficile l'exercice de ces fonctions et nécessitent de la part des agents concernés une capacité d'adaptation particulièrement soutenue ;

sur la forme, aux conditions d'exercice de ces fonctions : l'absence de concours propre pour le métier de secrétaire de mairie, qui rend ces fonctions difficilement visibles pour d'éventuels candidats, la difficulté à exercer, en particulier dans des communes de petite taille, d'un emploi à temps complet, le relatif isolement dans lequel s'exercent ces fonctions peuvent constituer autant d'obstacles à la représentation d'un exercice professionnel apaisé.

Comme l'a résumé Michel Hiriart devant la mission d'information : « Trois facteurs nuisent à l'attractivité de ce métier : l'exigence d'une large polyvalence - il faut tout savoir-faire -, le manque de poste à temps plein et l'insuffisance des formations. »

En l'état, la profession de secrétaire de mairie pâtit donc d'un grave déficit d'attractivité, ce qui pose la question de la capacité des communes, notamment de petite taille, à enjamber le fossé administratif et budgétaire que représenteront les nombreux départs à la retraite attendus.

· Une crise de recrutement inégalitaire

Ces difficultés de recrutement du personnel municipal sont d'autant plus préoccupantes qu'elles renforcent les inégalités entre communes de petite taille, qui y sont plus sensibles, et communes de taille plus conséquente ou établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, qui concentrent des postes plus attractifs.

Comme le relève ainsi le rapport de l'IGA précité, les collectivités territoriales de petite taille « semblent rencontrer plus de difficultés de recrutement que les grandes, notamment dans les territoires plus ruraux : en effet, elles offrent souvent moins de perspectives de déroulement de carrière et des métiers nécessitant plus de polyvalence [...] et aussi souvent de la solitude »36(*). Les communes de petite taille tendent au surplus à offrir des perspectives d'emploi moins nombreuses et diversifiées pour d'éventuels conjoints des agents municipaux, ce qui peut faire obstacle à des recrutements.

2. L'érosion des moyens financiers des communes

Du fait des règles budgétaires qui leur sont imposées et des efforts de gestion consentis par les maires au cours de la crise de la covid-19, la situation financière des communes est jugée globalement saine. L'ensemble des indicateurs de la santé financière des communes semblaient connaître une dynamique favorable en 2021 :

- les charges de fonctionnement des communes ont progressé en 2021 de 3,1 % après avoir décru de 0,3 % en 2020, retrouvant ainsi leur niveau d'avant la crise sanitaire de la covid-1937(*) ;

- parallèlement, les recettes de fonctionnement des communes se sont quant à elles consolidées en 2021 puisqu'elles ont progressé de 3,9 %, et ce quelle que soit la taille des communes38(*) ;

- enfin, les communes ont restauré leur niveau antérieur à la crise sanitaire d'épargne brute comme nette, malgré des disparités en fonction de leur taille.

Toutefois, cette image d'une apparente embellie, relayée par le Gouvernement lors des dernières discussions entourant le projet de loi de finances afin de justifier sa volonté de faire porter aux collectivités territoriales l'effort financier de redressement des comptes publics, masque une érosion continue des moyens financiers des communes depuis le début des années 2010.

En premier lieu, les communes ont vu leur autonomie fiscale réduite par la suppression d'un impôt local historique, hérité des « quatre vieilles », et particulièrement symbolique : la taxe d'habitation sur les résidences principales. Cette suppression est particulièrement préjudiciable aux communes, d'une part, en ce qu'elle les prive d'une recette dynamique et, d'autre part, en ce qu'elle a pour effet premier de distendre le lien entre le contribuable local et la collectivité communale. Poursuivant cet élan recentralisateur, le bloc local a aussi vu la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) lui échapper par une première diminution de moitié de son taux en 2023, avant une suppression anticipée en 2024 en application de la loi de finances pour 202339(*).

En deuxième lieu, parallèlement à cette érosion de leurs marges de manoeuvre en matière fiscale, les communes ont connu une diminution de leur autonomie financière directement imputable à la baisse des dotations de l'État - desquelles elles sont désormais largement tributaires, faute d'autonomie fiscale. Ainsi, au titre de la contribution des collectivités territoriales à la réduction des dépenses, il a été décidé une baisse significative et continue des concours de l'État aux collectivités territoriales entre 2014 et 2017. À titre d'exemple, entre 2014 et 2017, la part forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement (DGF) a été réduite de 11,2 milliards d'euros40(*).

Enfin, plus inquiétant encore, si la situation des communes est globalement saine malgré les récents chocs énergétique et inflationniste, celle-ci pourrait rapidement se dégrader tant du fait des conséquences à retardement de la crise énergétique de 2022 que des décisions unilatérales de l'État d'augmenter le point d'indice pour l'ensemble des fonctionnaires - alors que le coût de cette mesure est largement supporté par les employeurs territoriaux comme hospitaliers - et de permettre aux employeurs locaux d'attribuer des primes supplémentaires aux fonctionnaires41(*).

À cet égard, on peut douter que cette hausse soit intégralement compensée par l'État aux collectivités territoriales42(*). Force est en effet de constater qu'il n'en a rien été pour la dernière revalorisation du point d'indice au 1er juillet 2022, alors que son coût pour les collectivités était de 2,3 milliards d'euros, ce qui représentait, pour un coût global de la mesure de 7,5 milliards d'euros, près du tiers de la hausse43(*).

Que les causes en soient structurelles ou conjoncturelles, cette érosion continue des moyens financiers des communes rogne progressivement leur capacité d'agir.

3. Le désengagement territorial de l'État vis-à-vis des communes
a) Sur le plan quantitatif, un désengagement mesuré par l'amoindrissement des moyens de l'État territorial
(1) Un amoindrissement affectant spécifiquement les services préfectoraux, en particulier les sous-préfectures

L'amoindrissement tendanciel des moyens de l'État territorial contribue à un désengagement de celui-ci auprès des territoires, en particulier des communes, notamment de petite taille.

Abondamment documentée, cette évolution a tout particulièrement touché les moyens humains de l'État territorial. La Cour des comptes a ainsi rappelé, dans un rapport d'observations définitives délibéré le 14 avril 2022, que « depuis 2010, les trajectoires d'effectifs des préfectures et des directions départementales interministérielles (DDI) se caractérisent par leur dynamique fortement descendante »44(*). Le même rapport notait ainsi que la réforme de l'administration territoriale (RéATE) engagée à partir de 2010 a été suivie de « dix années de réductions ininterrompues d'effectifs, conduisant à la perte de plus de 11 000 ETPT45(*) soit 14 % de l'effectif initial. »

Chiffrée plus exactement à 11 763 ETPT entre 2012 et 2020, tous ministères, programmes et niveaux confondus, cette diminution drastique des effectifs a particulièrement affecté les préfectures et sous-préfectures, qui en ont absorbé le tiers46(*). Comme le montre le graphique ci-dessous, les effectifs physiques des préfectures, hors corps préfectoral, sont ainsi passés entre 2010 et 2020 de 27 613 à 23 652, soit une baisse de l'ordre de 14,3 %.

Évolution des effectifs physiques des préfectures entre 2010 et 2020

Source : Cour des comptes

L'analyse des données entre 2012 et 2019 montre au surplus que l'effort a essentiellement porté sur les sous-préfectures : en effet, le tableau ci-dessous montre que celles-ci ont perdu 24 % environ de leurs effectifs tandis que les préfectures n'en ont perdu que 4 % environ47(*).

Évolution des effectifs physiques en préfecture et sous-préfecture entre 2012 et 2019

Source : Cour des comptes, mission d'information

Comme l'avaient relevé Agnès Canayer et Éric Kerrouche dans leur rapport sur les services déconcentrés de l'État, cette diminution des effectifs, qui touche en priorité les sous-préfectures, s'est traduite par une « perte de compétences des services déconcentrés de l'État dont le degré d'expertise est mis à mal »48(*). Sans surprise, une telle évolution affecte principalement les communes, en particulier celles de petite taille, qui n'ont pas nécessairement l'ingénierie juridique suffisante ou les moyens financiers nécessaires pour faire appel à un prestataire privé susceptible de les assister.

Entendu par les rapporteurs de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Emmanuel Gros, vice-président du Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGCT), considérait ainsi que « l'État déconcentré n'a plus les compétences pour nous répondre. Donc, on se tourne vers le ministère compétent, mais c'est plus compliqué pour les petites communes»

Lors de son audition par la mission d'information, Daniel Cornalba, membre du bureau de l'Association des petites villes de France, a confirmé que « les petites communes sont victimes de la dévitalisation progressive de l'État déconcentré, qui joue de moins en moins son rôle de conseil. L'État se rétracte et tend à se recentrer sur ses missions de contrôle. Il est important de maintenir les sous-préfectures, afin que l'État puisse s'adapter aux réalités locales. Dans les Yvelines, les sous-préfets n'ont pas les mêmes rôles à Saint-Germain-en-Laye, zone urbaine dense, [et] à Rambouillet. Il faut penser ensemble déconcentration et décentralisation. »49(*)

Cet amoindrissement tendanciel des moyens de l'État territorial s'est particulièrement fait ressentir chez les maires et élus communaux puisque, d'après les résultats de la consultation lancée par la mission, 72% des répondants affirment que le service public de l'État s'est dégradé sur leur territoire, quand seulement 4,1 % ne partagent pas cette affirmation comme le montre le graphique ci-dessous.

Résultats de la consultation (2954 réponses) :

Une telle évolution est d'autant plus inquiétante que l'État territorial ne semble pas parvenir à compenser ce désengagement quantitatif par une nécessaire mutation qualitative de ses missions.

(2) L'exemple d'un impact marqué sur une mission essentielle : le contrôle budgétaire et le contrôle de légalité

Les services des préfectures et des sous-préfectures jouent un rôle particulièrement indispensable, dans leurs relations quotidiennes avec les communes, dans le contrôle des actes de ces dernières. Or, comme le rappelle un récent rapport de la Cour des comptes50(*), les effectifs alloués à ces missions ont fondu sous l'effet des diminutions d'effectifs qui ont plus largement affecté préfectures et sous-préfectures, décrites ci-avant.

Si, entre 2014 et 2021, les effectifs alloués au contrôle de légalité ont très peu évolué - une augmentation de l'ordre de 1 % étant constatée sur cette période, soit 6 ETPT51(*) -, ces services avaient connu entre 2009 et 2014 une diminution particulièrement sévère de leurs effectifs, de l'ordre de 30,17 %52(*). Les moyens humains alloués au contrôle budgétaire ont connu une évolution similaire, quoique encore plus prononcée : le même rapport de la Cour des comptes note ainsi qu'entre 2009 et 2014, « les effectifs affectés au contrôle des actes budgétaires ont quant à eux diminué de 29 % » et qu'entre 2014 et 2021, « la décrue s'est poursuivie, à hauteur de 13 %, pour s'établir à 243 ETPT en 2021 ».

Si, s'agissant du contrôle budgétaire, cette diminution générale ne connaît pas d'exception notable, la diminution constatée à l'échelle nationale des effectifs alloués au contrôle de légalité masque des situations contrastées. Comme le rappelle le rapport précité de la Cour des comptes, « sur la période 2014-2021, 46 [préfectures] ont vu les effectifs du contrôle de légalité augmenter de plus de 5 %, tandis que 37 ont perdu plus de 5 % de leurs agents. Ces diminutions d'effectifs sont parfois critiques, comme dans l'Indre-et-Loire (-70 % depuis 2014) ou la Nièvre (-35 %). En 2021, 34 préfectures comptent moins de 6 ETPT consacrés au contrôle de légalité (elles étaient 30 dans cette situation en 2014), tandis que 37 consacrent moins de 2 ETPT au contrôle budgétaire (contre 34 en 2014). »

Il résulte naturellement de ces diminutions d'effectifs une dégradation extrêmement notable du service rendu aux collectivités territoriales, en particulier aux communes qui, ne disposant pas nécessairement d'un service juridique dédié, ont particulièrement besoin de l'appui juridique des services de l'État. Au-delà de certaines disparités territoriales, la Cour des comptes souligne ainsi que le contrôle des actes n'est plus correctement assuré en raison de la diminution des moyens lui étant affectés.

Ainsi, le contrôle budgétaire est défaillant sur le plan quantitatif - certaines préfectures n'ayant, face à l'attrition des effectifs, pas les moyens d'atteindre le taux cible de contrôle de 63 % fixé par les programmes annuels de performance - et sur le plan qualitatif - le contrôle de la sincérité budgétaire n'étant selon la Cour « plus assuré par les préfectures, faute de ressources. » De façon analogue, le contrôle de légalité est parfois extrêmement défaillant, « certaines préfectures s'intéressant essentiellement à la légalité externe de l'acte », créant le risque d'une cacophonie territoriale entre préfectures portant des appréciations divergentes sur des actes pourtant similaires.

b) Sur le plan qualitatif, un État qui échoue à assumer un rôle de conseil

Un tel désengagement est d'autant plus problématique que l'État semble aujourd'hui hésiter sur le rôle qu'il lui revient de jouer auprès des collectivités territoriales. Incapable de mettre en oeuvre un contrôle réellement accompagnateur, il apparaît, aux yeux des élus, comme un censeur, en particulier dans des communes de petite taille ne disposant pas nécessairement de l'ingénierie juridique nécessaire à la conduite de certains projets.

Les auditions conduites par la mission ont ainsi permis de constater que les maires perçoivent bien souvent le préfet, voire le sous-préfet, comme une autorité de censure. Ainsi, Emmanuel Éloré, ancien maire d'Andouillé-Neuville, a estimé devant les membres de la mission que « concernant les relations entre sous-préfets et maires, nous mesurons très bien, nous autres maires, le poids des responsabilités qui pèsent sur nos épaules et nous savons que les sous-préfets ne nous passeront pas la moindre erreur, alors qu'eux-mêmes ne sont pas prompts à l'échange53(*). »

Les agents des collectivités rejoignent à cet égard les élus locaux. Le rapport d'Agnès Canayer et Éric Kerrouche précité relayait déjà les difficultés que certains agents rencontrent dans leur rapport à l'État. C'est notamment le cas s'agissant du contrôle de légalité, trop souvent « vécu comme inadapté, tatillon et passant à côté de l'essentiel » selon ce rapport, qui citait Florence Baco-Ambrass, vice-présidente du SNDGCT et directrice générale des services de la commune de Palaiseau : « on perd beaucoup de temps pour des questions de conformité à la loi (...) on est en face de contrôleurs, mais pas de “conseilleurs” ».

Sur ce point, les résultats de la consultation lancée par la mission sont particulièrement éclairants puisque 57,5 % des élus locaux ayant répondu déclarent avoir l'impression que les moyens dont disposent les services déconcentrés pour répondre à leurs demandes sont insatisfaisants. À l'inverse, seuls 13,7 % des répondants estiment ces moyens satisfaisants.

Résultats de la consultation à la question (2954 réponses) :

Plus encore, seuls 23,8 % des élus répondants estiment que l'État territorial rempli suffisamment son rôle de conseil et d'accompagnement à l'endroit de leur collectivité, illustrant le sentiment diffus chez les élus locaux d'un État qui, en plus ne disposer que des moyens insuffisants, ne remplit qu'imparfaitement son rôle de conseil, comme le démontre le graphique ci-dessous.

Résultats de la consultation à la question (2954 réponses) :

4. La montée en puissance de l'intercommunalité

Face à la persistance de l'émiettement communal en dépit des nouvelles facultés de fusion de communes instituées par la loi dite « Marcellin »54(*), il a été fait le choix, unique en Europe, de procéder à un renforcement contraint et continu de la coopération intercommunale.

En effet, si une première logique d'encouragement volontaire et de développement de simples incitations à la coopération intercommunale a vu le jour entre la fin des années 1990 et le début des années 2010, lui a succédé une logique contraignante et obligatoire à partir de la loi de réforme des collectivités territoriales, dite « RCT », du 16 décembre 2010.

Le législateur s'est alors fixé deux objectifs :

- la couverture du territoire national par des structures intercommunales ;

- le renforcement progressif des compétences intercommunales, par transfert des compétences généralement communales et parfois départementales - en particulier pour les structures intercommunales métropolitaines.

Pour atteindre ces objectifs, la loi « RCT » et les lois territoriales suivantes ont créé des outils sui generis et contraignants à la main des préfets.

Si ces deux objectifs ont été atteints, le bilan de la coopération intercommunale reste inégal en fonction des territoires et des réalités locales. Toutefois, la tentation existe, aujourd'hui encore, de prolonger le mouvement d'accélération de l'intégration intercommunale, en particulier en la consacrant comme interlocuteur privilégié du bloc local par tous les échelons de l'État.

a) Un double mouvement sans précédent d'approfondissement de l'intercommunalité, subit et subi
(1) L'achèvement à marche forcée de la carte intercommunale

Depuis la loi « RCT », l'objectif de couverture intégrale du territoire national par les structures intercommunales a été renforcé, au gré des lois territoriales, par la mobilisation d'un triptyque d'outils contraignants :

- l'avènement de quatre catégories d'EPCI à fiscalité propre de droit commun - la métropole, la communauté de communes, la communauté d'agglomération et la communauté urbaine - ayant pour corollaire la diminution imposée du nombre de syndicats intercommunaux obéissant à d'autres formes juridiques55(*) ;

l'élargissement de la taille de ces EPCI à fiscalité propre par l'imposition de seuils de populations rehaussés à plusieurs reprises56(*), tempérés par de rares dérogations à la main des préfets ;

l'octroi aux préfets de pouvoirs dérogatoires et spécifiques afin d'achever la carte intercommunale, si besoin, au moyen de mesures contraignantes et outrepassant l'avis des communes concernées.

L'achèvement à marche forcée
de la carte intercommunale : l'exemple des SDCI

Exemple topique de la marche forcée vers l'intercommunalité : s'agissant de ce dernier point, les préfets ont été chargés, en application de la loi « RCT » puis de la loi « NOTRe »57(*), d'élaborer et de mettre en oeuvre de nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) et, par ce biais, d'arrêter les périmètres des intercommunalités de leur ressort. Cet outil a visé, dès sa création, à l'achèvement et à la rationalisation de la carte intercommunale sur le territoire métropolitain et dans les collectivités ultramarines.

Dans ce cadre, les préfets ont eu pour instruction d'arrêter un SDCI au 31 mars 2016 afin qu'il soit mis en oeuvre au 1er janvier 2017. Les préfets ont été investis, pour ce faire, de pouvoirs dérogatoires et transitoires leur permettant d'arrêter la carte intercommunale y compris en cas de désaccord de certaines des communes concernées, selon deux modalités complémentaires : d'une part, le périmètre intercommunal pouvait être arrêté après accord non plus de l'ensemble des communes membres mais d'une majorité qualifiée de celles-ci ; d'autre part, le préfet a été autorisé à « passer outre » les désaccords des communes pour toute création ou toute modification d'un périmètre d'EPCI à fiscalité propre, sous réserve des amendements votés à la majorité des deux tiers des membres de la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI).

Le fait intercommunal a, dès lors, été étendu à l'ensemble du territoire national, seules quatre communes isolées n'appartenant aujourd'hui à aucun EPCI à fiscalité propre - survivance justifiée par leur seule insularité58(*) - et a été profondément bouleversée dans son modèle.

L'intercommunalité est aujourd'hui arrivée à maturité.

La carte intercommunale est, depuis le 1er janvier 2017 - date prévue par le législateur comme celle de son achèvement - relativement stable malgré les récentes facultés ouvertes aux communes membres de changer d'intercommunalité même en l'absence d'accord de l'intercommunalité et aux intercommunalités de se scinder en plusieurs structures intercommunales. Interrogée sur ce point, la Direction générale des collectivités locales (DGCL) a fait valoir qu'« aucun changement majeur n'a eu lieu en 2022, tous les EPCI à fiscalité propre [ayant] gardé la même nature juridique que l'an passé ». De rares changements de périmètre, à l'initiative des élus locaux, ont toutefois eu lieu en 2022 et 2023.

Carte de l'intercommunalité à fiscalité propre
au 1er janvier 2023

Source : BIS n° 172, mars 2023, DGCL

Les évolutions de la carte intercommunale
depuis l'ouverture des « divorces sans consentement »
et des procédures de scissions en 2022

En premier lieu, une seule fusion intercommunale a été menée à son terme : la communauté d'agglomération d'Agen (31 communes) a fusionné avec la communauté de communes Porte d'Aquitaine en Pays de Serres (13 communes). La communauté d'agglomération Agglomération d'Agen regroupant 44 communes a ainsi été créée au 1er janvier 2022.

En deuxième lieu, les scissions de communautés de communes, permises par la loi dite « Engagement et proximité » du 27 décembre 2019, ont été appliquées pour la première fois en 2022. Au nombre de deux, ces scissions ont eu lieu :

dans le Morbihan : la communauté de communes (CC) Centre Morbihan Communauté qui regroupait 18 communes a été scindée entre la CC Centre Morbihan Communauté (12 communes) et la CC Baud Communauté (6 communes) ;

dans les Vosges : la CC des Hautes Vosges qui regroupait 22 communes a été scindée entre la CC des Hautes Vosges (14 communes) et la CC Gérardmer Hautes Vosges (8 communes).

En dernier lieu, des changements de périmètres mineurs ont eu lieu depuis la promulgation de la loi « 3DS » puisque seules neuf communes ont changé, à leur initiative, d'EPCI à fiscalité propre. Selon les informations transmises par la dire la DGCL, il s'agit d'une commune en Corrèze, une dans les Côtes-d'Armor, une en Moselle, une dans le Nord, une en Haute-Saône, une dans la Sarthe, et trois dans une même communauté d'agglomération dans le Tarn.

Source : DGCL

Par ailleurs, l'intercommunalité a désormais atteint une « taille critique », largement encouragée par le législateur : ainsi, si, en 2010, un EPCI à fiscalité propre comptait en moyenne 22 175 habitants, il en compte, dix ans après, en moyenne 54 58259(*). Dans ce même mouvement, a été constatée une érosion du nombre de syndicats qui a été divisé par moitié entre 1999 et 2022, pour s'établir à moins de 9 000 en 202260(*).

Évolution du nombre d'EPCI à fiscalité propre et
de syndicats supra-communautaires entre 1992 et 2021

Source : Cour des comptes

Par conséquent, cette nouvelle « strate » de l'organisation territoriale s'est systématisée et a progressivement suppléé les formes souples et territorialisées de mutualisation supracommunales que constituaient les syndicats. Ce sont bien les intercommunalités, en particulier de grande taille, qui sont venues concurrencer directement les communes, tant par leur présence systématique que la dévolution - imposée à cette même période - à leur profit de compétences historiquement détenues par les communes.

(2) L'intégration intercommunale sans cesse renforcée par des transferts de compétences

Régies par les principes de spécialité et d'exclusivité, les intercommunalités se sont vues confier, au fil des lois territoriales, de nombreuses compétences, principalement dévolues précédemment aux communes, mais également, dans certains cas spécifiques, aux départements.

Le mécanisme juridique du transfert obligatoire de compétence a été le principal vecteur de ce renforcement de l'intégration communautaire, assorti de facultés de transferts initialement optionnels et facultatifs puis supplémentaires à partir de 2019. Le législateur a ainsi fait le choix de transférer aux EPCI à fiscalité propre des compétences jugées structurantes pour le territoire et nécessitant des mutualisations à l'échelle supracommunale. Aujourd'hui, chaque catégorie d'EPCI à fiscalité propre dispose de compétences obligatoires qu'il exerce, après transfert des communes membres, sans partage avec ces dernières. Ces transferts obligatoires, dont le nombre varie en fonction des régimes d'intercommunalités, rendent compte du degré d'intégration intercommunale retenue. Si les compétences obligatoires sont au nombre de sept pour les communautés de communes, les métropoles se sont vues transférer plus d'une trentaine de compétences obligatoires par les communes et les départements.

Tableau des compétences obligatoires des intercommunalités
en fonction de leur régime

Compétences

Communauté de communes

Communauté d'agglomération

Communauté urbaine

Métropole

Aménagement de l'espace

       

Développement économique et promotion du tourisme

       

Gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations

       

Aire d'accueil des gens du voyage

       

Collecte et traitement des déchets ménagers

       

Eau

       

Assainissement

       

Politiques de l'habitat

       

Politique de la ville

       

Gestion des eaux pluviales

       

Lycées et collèges

       

Voirie d'intérêt communautaire

       

Équipements sportifs et culturels d'intérêt communautaire

       

Cimetières et sites cinéraires

       

Lutte contre la pollution de l'air et les nuisances sonores

       

Réseaux et infrastructures de télécommunication

       

Plan climat-air-énergie territorial

       

Source : mission d'information

Il en va ainsi des compétences majeures pour le territoire intercommunal que sont les mobilités, la création et la gestion des zones d'activité industrielle ou commerciale, de la promotion du tourisme, des compétences « eau » et « assainissement » ou encore de la collecte et du traitement des déchets ménagers.

Du fait des marges de manoeuvres autorisées par le double régime de transfert, obligatoire ou facultatif, et les différences existant entre statuts intercommunaux, le nombre de compétences intercommunales est très variable. Néanmoins, par l'addition des transferts obligatoires de compétences, d'où qu'elles proviennent, aux intercommunalités et des transferts facultatifs, les intercommunalités exercent désormais, en moyenne, trente-deux compétences sur leur territoire61(*), battant d'autant en brèche le principe de la clause de compétence générale des communes.

Compétences exercées par les différents EPCI à fiscalité propre en 2022

Source : Cour des comptes62(*)

b) Une inégalité des communes dans la relation à l'intercommunalité

Subite et subie, l'intégration intercommunale n'a pas eu les mêmes conséquences pour toutes les communes et recouvre encore aujourd'hui des réalités très différentes. Celles-ci entretiennent en conséquence un rapport ambivalent au fait intercommunal, certaines considérant qu'il a constitué un bienfait, d'autres estimant qu'il peut nuire à la qualité de l'action publique locale.

Les résultats de la consultation conduite par la mission témoignent ainsi de ce rapport ambivalent : si la moitié environ (49,53 %) des répondants ont estimé que l'intercommunalité bénéficiait à la commune, un peu moins d'un quart (23,81 %) étaient en désaccord avec cette affirmation. La relation avec l'intercommunalité constitue ainsi un vecteur d'inégalité entre les communes, qui dépend de plusieurs facteurs, que la mission a tâché d'objectiver en consultant les maires et élus municipaux.

En premier lieu, il apparaît qu'un nombre non négligeable de communes sont placées dans des intercommunalités qui ne fonctionnent pas aussi bien que souhaité. Ainsi, 23,03 % du total des élus consultés ont jugé que leur intercommunalité fonctionnait mal - dont 6,11 %, très mal.

Le second vecteur d'inégalités est la capacité de l'intercommunalité à associer ses communes membres et leurs représentants aux décisions qu'elle prend. Ainsi 30,09 % des élus sondés estiment que l'intercommunalité dont leur commune est membre associe mal celle-ci à son fonctionnement. Sans surprise, cette part augmente avec le nombre de communes membres : parmi les répondants dont la commune est membre d'une intercommunalité de plus de 50 communes, elle atteint ainsi 34,36 %. Être membre d'une métropole semble induire une insatisfaction supérieure, les élus sondés dont la commune est membre d'une métropole jugeant à 39,57 % que celle-ci les associe mal à ses décisions.

De façon analogue, une majorité des élus sondés (54,51 %) jugent que leur commune ne pèse pas suffisamment sur les décisions de l'intercommunalité. Cette fois, il semble néanmoins que ce soit moins la nature de l'intercommunalité - les élus de communes membres d'une métropole étant néanmoins plus nombreux, à 57,55 %, à juger que leur commune ne pèse pas suffisamment sur les décisions de la métropole - que sa taille qui constitue le facteur décisif : ainsi, 62,55 % des élus de communes membres d'une intercommunalité de plus de 50 membres jugent que leur commune pèse insuffisamment sur les décisions de celle-ci.

Résultats de la consultation :

Source : mission d'information

Si ces résultats, fondés sur une base déclarative, doivent être pris avec les précautions méthodologiques nécessaires, ils concordent avec les témoignages recueillis par la mission : si l'intercommunalité présente d'indéniables atouts pour certaines communes, elle n'est pas vécue comme une chance pour l'ensemble d'entre elles.

c) La tentation contestable de privilégier l'intercommunalité comme interlocuteur pour le bloc communal à tous les niveaux de l'État

Parallèlement à l'achèvement d'une strate intercommunale sur l'ensemble du territoire et fortement dotée de compétences de proximité, la montée en puissance de l'intercommunalité s'est également manifestée par la tentation, à chaque échelon de l'État, de la consacrer comme interlocuteur pour le bloc communal. Cette nouvelle strate a pu sembler, aux yeux de certains, rendre obsolète le couple « maire-préfet » qui a pourtant historiquement fait preuve de sa solidité face aux crises et de sa pertinence pour assurer une réelle territorialisation des politiques publiques.

En effet, limité dans ses moyens, l'État territorial est tenté de ne s'intéresser qu'à un nombre réduit d'acteurs. Cette tendance est particulièrement défavorable aux communes et, parmi elles, les plus petites d'entre elles qui peuvent être injustement ignorées par les services de l'État au profit de l'intercommunalité à laquelle elles appartiennent.

De fait, les EPCI à fiscalité propre disposent d'atouts pour constituer des interlocuteurs privilégiés pour l'État. La Cour des comptes s'est d'ailleurs fait l'écho d'une telle évolution, particulièrement contestable, dans un rapport d'octobre 202263(*). Estimant que « les EPCI sont progressivement devenus un relais pour l'État sur les territoires », la Cour liait cette évolution à deux facteurs :

la mission d'appui à l'ingénierie des communes que jouent les EPCI à fiscalité propre : la Cour relevait ainsi qu'avec la « réduction des effectifs des services déconcentrés de l'État, l'appui aux communes en matière d'ingénierie a fortement diminué » et que « les EPCI, du moins les plus structurés d'entre eux, ont alors assuré ce rôle auprès de leurs communes membres », permettant ainsi à l'État de s'appuyer sur l'intercommunalité « pour assurer le rôle d'assistance aux communes qu'il ne remplit plus ». Telle est d'ailleurs la position qu'a défendue le préfet de la Haute-Garonne, lors du déplacement de la mission d'information dans ce département, considérant qu'il était préférable que l'État finance des investissements plutôt que des ressources humaines pour le conseil aux collectivités, cette tâche incombant plutôt, selon lui, aux intercommunalités ;

le rôle pivot que jouent les EPCI à fiscalité propre dans les politiques contractuelles territoriales de l'État, les programmes « Action coeur de ville », « Territoires d'industrie », mais également les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) plaçant les EPCI à fiscalité propre ou leurs groupements au centre des politiques menées par l'État en la matière.

À rebours des attentes des élus municipaux, la Cour a estimé souhaitable de prolonger de telles évolutions. Elle a ainsi proposé la mise en place d'une DGF territoriale, perçue à l'échelle de l'intercommunalité et reversée par celle-ci aux communes. Alors que cette faculté existe déjà, sur la base du volontariat et avec la nécessité d'une unanimité des communes au sein de l'intercommunalité, la Cour a ainsi émis le souhait de la rendre obligatoire.

Le caractère exploratoire de telles préconisations prêterait à sourire si de tels discours n'infusaient pas dans les mentalités au sein de l'État. Le rapporteur déplore à cet égard, en les termes les plus vifs, les mots employés par la Première ministre Élisabeth Borne, à la 32e convention des intercommunalités de France64(*) saluant le renforcement, consécutif à la négociation et à la conclusion des CRTE, du « tandem entre le préfet et le président d'intercommunalité », jugeant ce « couple moteur pour l'action publique »65(*).

II. DES RAISONS, CEPENDANT, D'ESPÉRER

Les nuages qui pèsent sur l'avenir des communes ne leur ôtent pas leurs atouts. En dépit des concurrences ou de l'amoindrissement de ses moyens d'action, la commune a su faire la preuve de sa vitalité. Confortée grâce au rôle qu'elle a joué dans les récentes crises, elle a su démontrer les forces structurelles du modèle d'organisation qu'elle incarne (A).

En outre, le maire, première figure locale, peut aujourd'hui se prévaloir, avec la commune, d'une légitimité solidement ancrée dans l'ensemble de la société française, jamais remise en question depuis 1884 (B).

A. LES FORCES DE L'INSTITUTION COMMUNALE

L'institution communale a su, au fil des crises et en raison de sa plasticité, traverser les décennies sans connaître de modification profonde de son régime juridique et en se trouvant, progressivement, renforcée dans sa légitimité. Elle a fait preuve, à la fois, de sa résilience (1) et de l'agilité de son modèle d'organisation, au meilleur bénéfice des citoyens et des territoires (2).

1. La résilience face aux crises

L'une des forces de la commune est sa capacité à affronter les crises. Échelon territorial de proximité, au plus près des difficultés rencontrées par les administrés, et d'une agilité sans équivalent, la commune sait apporter, lorsque l'urgence le nécessite, une première réponse particulièrement pertinente, délestée des contraintes de l'administration empesée de l'État.

Naturellement, cette capacité à assurer des services en temps de crise a connu, dans la longue histoire de l'institution communale, une illustration particulière lorsque la guerre a touché le territoire national. L'historien Philippe Nivet a ainsi souligné le rôle économique et social joué par les communes en temps de guerre66(*). Prenant l'exemple des diverses formes d'économie administrée mises en oeuvre lors des Première et Seconde Guerres mondiales - boucheries municipales, contrôlées et gérées par des coopératives, ateliers de confection militaire visant à lutter contre le chômage et à soutenir l'effort de guerre -, l'historien souligne ainsi le rôle majeur qu'ont tâché de jouer les communes, dans ces périodes de crise, au service de leur population et cite l'avocat et maire de Nantes Paul Bellamy qui écrivait, au lendemain de la Grande Guerre : « Les Municipalités françaises ont accompli une véritable mission de guerre. [...] Les services étaient réduits en effectifs par les appels ; des attributions nouvelles venaient chaque jour s'ajouter aux attributions légales. Le Gouvernement trouvait dans les Communes des agents d'exécution sans cesse en éveil. On recourait constamment à leurs offices [...]. Il fallait parer à tout, improviser, être agent de l'État, parfois son suppléant, devenir administrateur, acheteur, importateur, commerçant, producteur, agriculteur, assurer en un mot l'existence matérielle et administrative [des administrés]67(*). »

Une telle description de l'office des maires n'est évidemment pas sans rappeler le rôle qui leur a été dévolu dans la gestion de la crise résultant de l'épidémie de covid-19. Comme le rappelait un rapport sur la gestion de la crise liée à l'épidémie de covid-19 de la commission des lois du Sénat68(*), les communes ont joué un rôle majeur, dans les premières semaines en particulier, notamment pour assurer la continuité de services publics essentiels et prévenir d'éventuels défauts de prise en charge.

Les communes, acteurs sociaux de proximité
lors de la crise liée à l'épidémie de covid-19

Le rapport de la commission des lois précité soulignait ainsi que dans la crise, les communes ont joué un rôle majeur dans la continuité des services publics et la qualité de la prise en charge de personnes vulnérables : « elles organisent la continuité des services essentiels (gestion des déchets, propreté publique, assainissement, transports locaux...), tout en assurant une présence de proximité à l'égard des personnes âgées, des personnes handicapées et des personnes démunies. Beaucoup ont aussi contribué à l'organisation des soins en permettant aux médecins généralistes de recevoir des patients présentant des symptômes d'infection par la covid-19 dans des locaux municipaux adaptés. »

Au plus près du terrain, les communes ont ainsi constitué une « première ligne » territoriale, parant au plus pressé et préservant les solidarités. Comme le relevait un autre rapport de la commission des lois69(*), les communes ont été des « acteurs sociaux de proximité », jouant « à plein de leur lien de proximité avec les populations, en particulier en milieu rural » : « Grâce aux centres communaux d'action sociale, elles ont été en mesure de proposer une réponse réactive aux problématiques sociales se posant sur leur territoire. Leur connaissance du terrain et la proximité qu'elles entretiennent avec leurs habitants ont permis aux équipes municipales de combler d'éventuels manques dans la prise en charge de personnes vulnérables. Beaucoup de communes ont ainsi apporté des solutions concrètes aux problèmes pratiques rencontrés par leurs habitants, élargissant l'offre de garde d'enfants, initialement réservée aux enfants de soignants, à d'autres professions sur le terrain, ou organisant le portage de repas à domicile et les courses d'alimentation pour les personnes les plus vulnérables. »

Dans ces conditions, le « couple maire-préfet » aux avant-postes de la gestion de crise a connu un retour en grâce particulièrement bienvenu. Le Premier ministre Jean Castex a ainsi eu l'occasion de décrire « cette alchimie très particulière du couple maire-préfet »70(*), dans la proximité et l'efficacité de l'action publique qu'elle permet et dont la crise sanitaire a été un révélateur. Lors de son audition par la mission, Gilles Cremillieux, maire d'Orpierre, a ainsi résumé ce retour en grâce : « depuis le covid notamment, les pouvoirs publics ont redécouvert le rôle irremplaçable du maire. Indiscutablement - on parle d'ailleurs du couple préfet-maire -, la relation avec le préfet, dont les services sont davantage à l'écoute, a évolué71(*). »

Dans la gestion d'une crise, le couple maire-préfet semble aujourd'hui irremplaçable.

2. La plasticité de l'institution communale, au service des citoyens, des territoires et des élus
(1) Une singularité française : un modèle communal inchangé car efficace

La commune obéit à un régime juridique unifié dont les grands principes n'ont pas varié depuis ceux institués par la loi du 5 avril 1884 relative à l'organisation municipale.

Les grands principes de la loi du 5 avril 1884 relative à
l'organisation municipale

Composée de 168 articles, la loi du 5 avril 1884 fonde le régime communal républicain et irrigue, aujourd'hui encore, de ses grands principes ce régime.

Applicable sans distinction à toutes les communes de France, quelles qu'en soient les spécificités locales, la loi de 1884 a permis pour la première fois, sans remise en cause de principe depuis, l'unification du régime juridique applicable aux communes de France. Seule dérogation admise à cette uniformité, qui demeure encore : la Ville de Paris, dotée d'un statut sui generis.

S'agissant de la structure :

- un organe délibérant, le conseil municipal (article 1er), dont le principe a été codifié à l'article L. 2121-29 du CGCT ;

- un organe exécutif, le maire et un ou plusieurs adjoints ayant reçu des délégations, aujourd'hui régi par l'article L. 2122-1 du CGCT ;

- un représentant de l'État, le maire, dont les attributions exercées au nom de l'État sont aujourd'hui énumérées aux articles L. 2122-27 à L. 2122-34-2 ;

S'agissant du mode de désignation de ses membres :

- élection au suffrage universel direct du conseil municipal pour un mandat initialement de quatre ans (articles 14 et 41) et désormais six ans, dispositions prévues par l'article L. 2121-3 du CGCT ;

- élection du maire par le conseil municipal lors de la première séance du conseil municipal (articles 73 et 76), principe aujourd'hui énoncé à l'article L. 2122-7 du CGCT ;

S'agissant des mandats :

- le principe de la gratuité des fonctions, tolérant le remboursement des frais afférents (article 74), aujourd'hui codifié dans des termes identiques à l'article L. 2123-17 du CGCT ;

S'agissant des prérogatives du maire et de la commune :

- historiquement, tutelle préfectorale sur le maire et les actes de la commune (article 86), aujourd'hui transformée en un contrôle administratif du représentant de l'État dans le département (article L. 2122-21 du CGCT) ;

- une clause de compétence générale attribuée à la commune : l'article 61 de ladite loi dispose que « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ». Cette formulation a été codifiée, sans modification, à l'article L. 2121-29 du CGCT.

- des procédures d'établissement et de vote du budget spécifiques (article 145) reprises et détaillées par les articles L. 2312-1 et suivants du CGCT.

Signe que la plasticité communale a fait ses preuves, de grands principes inchangés continuent de régir l'action quotidienne des maires et de satisfaire aux besoins des populations de ces territoires, qu'il s'agisse de communes urbaines, péri-urbaines ou rurales, de communes de plaines, de montagne ou de littoral, de petites communes ou de grandes agglomérations, en métropole ou en outre-mer.

(2) Une collectivité agile, à la fois lieu de vie civique et lieu d'accueil des services publics locaux

Souple, ce régime juridique unifié permet au sein de chaque commune l'expression de deux conceptions complémentaires du fait communal : l'une civique - la commune constituant le creuset d'une identité locale, historique, quotidienne -, l'autre tenant à la conduite de l'action publique - la commune étant alors le lieu de la gestion des services publics et l'acteur du développement économique local.

S'agissant de la première de ces deux conceptions, la commune est restée et demeure, selon l'expression désormais consacrée72(*), « la cellule de base de la démocratie », siège du coeur de l'identité locale. En ce qu'elle abrite des lieux d'histoire et de mémoire, la commune incarne, en effet, une identité propre aux yeux de ses habitants.

En témoigne par exemple le choix de préserver les neuf « communes mortes pour la France »73(*) situées dans la Meuse et détruites pendant la Grande Guerre, « en mémoire des habitants de ces communes et en l'honneur des soldats qui tombèrent dans la zone » bien que la majorité d'entre elles soient inhabitées. Depuis 1919, ces villages demeurent des circonscriptions administratives communales et continuent à être comptabilisées au nombre des communes de France. 74(*)

Au-delà de la perception symbolique des structures administratives communales comme vecteur d'appartenance civique, la commune constitue un cadre familier du quotidien des administrés, au sein duquel une identité locale trouve à s'épanouir. En effet, d'après le sondage réalisé par l'observatoire de la démocratie locale, 41 % des sondés considèrent que leur commune a « une identité forte et vivante à laquelle ils sont attachés » quand seulement 15 % déclarent que leur commune a « une faible identité »75(*). Paradoxalement et comme le relève le graphique ci-après, la perception d'une identité locale communale forte semble être croissante en fonction de la taille de la commune : 52 % des habitants d'une commune de plus de 200 000 habitants estiment qu'elle dispose d'une identité forte et vivante à laquelle ils sont attachés, soit quatorze points de plus que pour les habitants des communes de moins de 2 000 habitants.

Part des sondés déclarants l'identité de leur commune forte
en fonction de la population de celle-ci

Source : mission d'information d'après les données
de l'Observatoire de la démocratie locale

À l'inverse, la conception de la commune comme gestionnaire de services publics et acteur du développement économique local a émergé plus récemment. Dans cette conception, les maires, comme l'indique Stéphane Cadiou, « se présentent comme entrepreneurs de politiques publiques aptes à conduire des projets en brandissant pour cela l'étendard du développement (qu'il soit économique, social, urbain, métropolitain ou durable) »76(*).

Comme l'a analysé Pierre Richard, ancien directeur général adjoint de la Caisse des dépôts et consignations, la commune poursuit un rôle économique double particulièrement singulier la plaçant comme « un acteur crucial de l'économie ». En effet, d'une part, elle agit directement sur l'économie « au titre de trois facteurs : l'emploi, leurs commandes aux entreprises” et les aides aux entreprises » et, d'autre part, elle y contribue indirectement par l'investissement public local centré sur des infrastructures et équipements collectifs susceptibles de renforcer la productivité d'entreprises privées et par « leur mission inédite mais essentielle de promotion de leur territoire »77(*).

Cette dualité est directement perceptible par le citoyen communal car, comme le soulignait Luciano Vandelli, « le rapport d'un individu avec sa commune d'appartenance se révèle être extrêmement profond puisque le fait d'être né, résider ou (...) se trouver pour un temps déterminé dans une commune entraîne une série de conséquences variées et non négligeables »78(*) tenant à sa participation aux élections locales et, directement ou non, aux choix de la commune, à l'usage des services publics locaux et à la participation directe ou indirecte aux recettes de la commune.

*
* *

La force d'adaptation du modèle communal, même face aux crises, sa capacité à tenir ensemble à la fois la composante démocratique de la vie locale et sa dimension gestionnaire constituent certainement ces principaux atouts. Ils entrent pour beaucoup dans l'attachement avéré des citoyens à l'égard de la commune et des maires.

B. LA CONFIRMATION DE L'ATTACHEMENT DES CITOYENS À LA COMMUNE ET AU MAIRE

Le sondage réalisé par l'institut CSA auprès d'un échantillon représentatif de la population française à la demande de la mission d'information a porté sur la perception, par nos concitoyens, des communes et des maires.

Les réponses apportées marquent toutes le fort degré d'attachement des citoyens non seulement à la figure du maire, mais aussi à la commune plus qu'à toute autre collectivité territoriale. Cet attachement est un atout essentiel lorsqu'il s'agit de construire un avenir pour la France des communes.

· Un attachement avéré à la commune ; une inquiétude pour son avenir

Dans le coeur de nos concitoyens, la commune l'emporte nettement sur toutes les autres collectivités et sur l'intercommunalité. C'est ce qu'a souligné Martial Foucault lors de son audition : « L'attachement des citoyens à leur municipalité est profond. Deux tiers des Français se déclarent attachés à leur commune, ce qui est un niveau comparable à l'attachement pour le pays, bien supérieur à celui déclaré pour le canton, la région ou l'Union européenne. »79(*)

Le sondage réalisé pour la mission d'information le vérifie, avec un taux d'attachement qui est plus élevé encore. Près des trois quarts des sondés (72 %) se déclarent attachés à la commune, dont un tiers (34 %) très attachés. Le département vient en deuxième, à 60 %, la région en troisième (54 %) et l'intercommunalité est dernière à seulement un peu plus d'un tiers (37 %).

Résultats du sondage à la question :

Pour chacun des acteurs suivants, diriez-vous que vous y êtes très, assez,
pas vraiment ou pas du tout attaché(e) ?


Base : ensemble (n=1012) - Une seule réponse possible par item

Source : Institut CSA pour la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France

Cet attachement trouve un écho dans l'appréciation de l'efficacité relative de chaque niveau de collectivité ou de l'intercommunalité. La commune l'emporte à nouveau avec 58 % des sondés qui la jugent efficace contre un peu moins de la moitié pour les départements et les régions (48 %), et l'intercommunalité (46 %).

Résultats du sondage à la question :

Pour chacun des acteurs suivants, considérez-vous que leurs actions soient... ?
Base : ensemble (n=1008) - Question non obligatoire - Une seule réponse possible par item

Source : Institut CSA pour la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France

Autre figure du même attachement à l'institution communale, deux tiers des sondés (66 %) se déclarent tout à fait ou plutôt intéressés par les décisions politiques prises par les communes.

Ils sont dans une proportion à peine moindre (60 %) plutôt ou très satisfaits des services publics qu'ils y trouvent. Sur ce dernier point, le niveau de satisfaction varie très sensiblement en fonction de la strate démographique de la commune : logiquement, les communes les plus peuplées sont aussi celles qui, apportant le plus haut niveau de services aux administrés, leur offrent le plus de satisfaction. Ce taux n'est en effet qu'à peine majoritaire (50 %) dans les communes de moins de 2 000 habitants.

Résultats du sondage à la question :

Taux des réponses « plutôt ou très satisfaits » des services publics communaux
en fonction de la taille de l'agglomération
Base : ensemble (n=1012)

Source : Institut CSA pour la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France

Reflet de ce niveau de satisfaction, les sondés estiment, à 39 %, que leur commune dispose de moyens suffisants pour répondre à leurs demandes. Seuls 22 % en doutent et 39 % se situent entre ces deux positions.

Le sondage livre un dernier enseignement qui contraste avec les notes positives précédentes. Il s'agit du pessimisme des Français sur l'avenir des communes. Il leur a en effet été demandé d'évaluer, sur une échelle de 0 à 10, si, dans les cinq prochaines années, la situation des communes allait s'améliorer ou se dégrader. Leur jugement est le suivant :

Résultats du sondage à la question :

Diriez-vous qu'au cours des 5 prochaines années, la situation générale des communes en France va s'améliorer ou se dégrader ?
Pour répondre, veuillez attribuer une note de 0 à 10.
Base : ensemble (n=1008)

Source : Institut CSA pour la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France

La proportion de notes pessimistes, entre 0 et 4, est importante et la note moyenne (4,7) rend compte d'une inquiétude pour l'avenir, à un niveau cependant moins élevé que celui des élus locaux mesuré par la consultation organisée par la mission d'information (3,06)80(*).

· Un attachement au maire qui s'accompagne d'une réelle conscience de ses difficultés

Pour les citoyens, le maire est un élu bien identifié, qui exerce une fonction qu'ils estiment et dont ils ont, en général, une bonne opinion.

Résultats du sondage aux questions :

Source : Institut CSA pour la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France

Les trois quarts des sondés affirment bien connaître leur maire et seulement 11 % ne l'identifient pas. Parmi eux, 63 % ont une bonne opinion des maires en général, un tiers, une opinion indifférente et seulement 5 %, une mauvaise opinion : la légitimité des maires n'est pas contestée.

D'ailleurs, les sondés placent la fonction de maire assez haut dans la hiérarchie sociale, puisque, sur une échelle de 1 à 10, ils lui attribuent la note de 6,9, ce qui corrobore les résultats obtenus par Martial Foucault qui a indiqué devant la mission d'information qu'il ressortait des études qu'il avait conduites que « les Français placent très haut leur maire parmi leurs représentants préférés » et que « [c]ette place symbolique du maire traduit une aspiration, qui n'est pas propre à la France : la demande de proximité. »81(*)

Résultats du sondage à la question :

Veuillez indiquer sur quelle marche vous placez la fonction de maire ?

Sur le schéma qui suit, la marche 1 correspond à la place la moins élevée dans la société,
la marche 10 à la plus élevée.

Source : Institut CSA pour la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France

Un tel résultat est d'ailleurs tout à fait conforme à celui obtenu dans le cadre de la consultation des maires organisée par la mission d'information. En effet, interrogés sur le niveau auquel les citoyens placent la fonction de maire, les répondants ont indiqué la note moyenne de 6,8. En revanche, à leurs propres yeux, la fonction de maire mérite la note de 7,4.

Reconnu par ses concitoyens, le maire est également jugé légitime dans son action.

Ainsi, 53 % des sondés font confiance à leur maire pour affronter les problèmes de leur commune. Seuls 18 % font preuve de défiance à leur égard sur ce sujet. En revanche, si 57 % estiment que les élus se préoccupent des gens comme eux, 43 % pensent le contraire.

Cette note dissonante dans un ensemble de réponses très favorables aux maires doit être correctement interprétée. On constate ainsi que le taux de confiance est plus élevé chez les sondés des communes rurales (63 %) : la proximité plus immédiate du maire vis-à-vis de ses administrés joue indéniablement en faveur de ces territoires. Le taux est également plus fort chez les catégories socio-professionnelles supérieures (62 %) ou en Île-de-France. À l'inverse, le taux de défiance monte à 48 % chez les sondés issus de catégories socio-professionnelles moins élevées, à 45 % dans les autres régions et à 50 % pour la classe d'âge 35-49 ans.

Résultats du sondage aux questions :

Source : Institut CSA pour la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France

Lorsqu'on demande aux citoyens d'indiquer, sur une liste donnée de notions, celles qui leur paraissent le mieux décrire la fonction de maire et qu'ils classeraient en première ou en deuxième position, trois qualités se détachent. Il y a tout d'abord l'engagement, placé en tête par 57 % des sondés (en première position pour 36 % d'entre eux). Puis viennent le service public, pour 36 % d'entre eux, et l'action pour un peu moins d'un tiers (31 %).

La figure du maire aux yeux de ses administrés se précise : c'est un homme ou une femme qui s'engage et agit au profit de ses concitoyens, pour leur apporter les services publics dont ils ont besoin.

Cela n'est pas anodin et ouvre une voie d'avenir : conforter le maire dans son engagement et son action au service des citoyens, c'est asseoir sa légitimité à leur égard.

Résultats du sondage à la question :

Selon vous, quels sont les mots qui décrivent le mieux la fonction de maire ?

En premier ? Et en deuxième ?

Source : Institut CSA pour la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France

Le dernier enseignement que livre le sondage et sur lequel, il est possible de fonder de nouveaux espoirs est que les citoyens sont largement conscients des difficultés que rencontrent les maires.

Ainsi, près des trois quarts (72 %) jugent que le travail d'un maire au quotidien est difficile et seulement 4 % l'estiment facile.

Leurs vues sur les difficultés rencontrées par les maires sont d'ailleurs assez pertinentes.

Ayant à choisir parmi une liste celles susceptibles d'arriver en première ou deuxième position, ils en distinguent quatre : l'insuffisance des moyens financiers pour 38 % d'entre eux, les exigences des habitants, plus fortes que par le passé, (27 %), l'agressivité et les menaces de certains administrés (22 %) et la complexité des lois (22 %). Ce faisant, ils placent en tête trois des cinq premières difficultés mises en avant par les maires consultés par la mission d'information.

Et ils n'hésitent pas à reconnaître la part qui incombe à la population elle-même, affirmant à 85 % que les citoyens sont de plus en plus exigeants vis-à-vis des maires, qu'ils manquent de reconnaissance à leur égard (73 %) et que les élus sont plus exposés aux incivilités et menaces (84 %)82(*).

Quant à la difficulté de concilier exercice du mandat et vie professionnelle - qui constitue, pour les maires encore dans la vie active, leur seconde principale difficulté -, les sondés en sont conscients à 72 %.

Résultats du sondage aux questions :

Parmi les éléments suivants, lesquels vous semblent les plus difficiles à gérer
pour un maire ? En premier ? Et en deuxième ?

Dans quelle mesure êtes-vous d'accord ou non avec chacune des affirmations suivantes qui concernent le travail des maires en France ?

Source : Institut CSA pour la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France

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* *

Des résultats du sondage ainsi présentés, l'enseignement le plus notable est que le fort attachement des citoyens à l'égard de l'institution communale et des maires est un attachement lucide sur les difficultés auxquelles nos élus et nos communes font face. C'est ce qui en fait un atout d'autant plus précieux pour construire l'avenir. L'engagement exceptionnel des élus municipaux au service des citoyens en est un autre.

C. L'ENGAGEMENT EXCEPTIONNEL DES ÉLUS

Notre pays est riche de l'engagement des élus municipaux au côté de nos concitoyens.

À chaque élection municipale, plus de 900 000 candidats se présentent au suffrage. Au 1er juillet 2020, le répertoire national des élus (RNE) faisait état de 512 266 élus municipaux. Leur engagement bénévole est un atout essentiel pour nos territoires.

Mais cet engagement n'est pas que quantitatif. Il rend également compte d'une volonté de faire - et pas simplement de gérer -, de changer la vie et de construire l'avenir.

La mission d'information a en effet consulté les maires sur les missions de leur mandat qui leur apportaient le plus de satisfaction, leur demandant de les noter de 0 à 10 et a reçu les réponses de 2 067 élus.

Trois missions se détachent nettement sur le podium.

La première d'entre elles, notée 8,61, est la conduite de projets. C'est à la fois la mission qui prépare l'avenir et celle qui, souvent, traduit l'engagement pris devant les électeurs à travers le programme défendu par le candidat.

Immédiatement après vient la représentation de la commune et des administrés, avec une note de 8,25. C'est le volet proprement politique du mandat municipal, celui par lequel le maire assume pleinement sa responsabilité vis-à-vis de ses électeurs. S'y rattachent également, au pied du podium, l'animation de l'équipe municipale et celle de la démocratie locale.

La troisième mission est celle de l'aménagement local (8,13) : c'est la volonté d'agir sur le territoire, qui passe nécessairement par des projets.

Les autres politiques municipales viennent ensuite et les fonctions exercées pour le compte de l'État (rôle d'officier d'état civil ou responsabilité de la police municipale) occupent le milieu et la fin du classement.

Résultats de la consultation :

Source : Mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France

Que conclure de ces réponses ? Que les maires souhaitent avant tout pouvoir agir au service de leurs administrés et qu'on peut assurément compter sur leur engagement tant que les moyens d'agir leur seront donnés.

Lors de leur audition, les maires de Colmar et de Douai, Éric Straumann et Frédéric Chéreau ont ainsi exprimé cette idée : « Pour que le maire subsiste », a estimé le premier, « il faut que la commune puisse conserver certaines compétences, comme les écoles, le périscolaire, l'urbanisme - sinon le compte à rebours de la fin de la commune et du maire va démarrer ». Ce qu'a confirmé le second : « les maires ne doivent pas uniquement gérer le quotidien, mais piloter une stratégie, sinon c'est la mort de la commune »83(*).

PARTIE II
RENDRE AUX COMMUNES LA LIBERTÉ DE LEUR AVENIR

Le constat dressé dans la partie précédente a montré que l'avenir de la démocratie locale est obscurci par l'affaiblissement progressif des communes, vidées de leurs moyens d'agir, abandonnées par l'État ou concurrencées au sein du bloc local ainsi que par le découragement des élus face aux multiples difficultés auxquelles ils sont confrontés.

Heureusement, l'engagement des élus municipaux demeure la première force de notre démocratie locale. Les communes françaises présentent des atouts indéniables et l'attachement de nos concitoyens à leur égard comme à celui des maires ne se dément pas.

Envisager l'avenir, c'est dessiner une vision et tracer la voie pour y parvenir.

Pour esquisser cette vision, le rapporteur considère qu'il est nécessaire de poser clairement certaines questions de principes.

Faut-il ou non remettre en cause le modèle communal actuel ? Faut-il envisager un nouveau rôle pour les communes ? Quelles évolutions souhaite-t-on pour la démocratie locale ? Une recomposition de la carte communale est-elle à conduire ?

Sur ces interrogations majeures, la mission estime que rien ne serait pire que d'imaginer l'avenir de la commune en tournant le dos à son passé et en se privant des formidables atouts du modèle français. Au contraire, il faut les consacrer.

En revanche, nous devons sans doute repenser la façon dont s'est opérée, dans les dernières années, la reconfiguration du bloc local, pour renouer avec un esprit de liberté.

Cependant, il n'est pas de liberté d'agir sans les moyens de le faire. La troisième partie de ce rapport explore les voies pour conforter les maires dans leur action. Auparavant, il importe de rappeler combien, pour se construire un avenir, les communes doivent pouvoir compter sur des financements lisibles et prévisibles.

I. LE MODÈLE COMMUNAL FRANÇAIS : UNE CHANCE POUR L'AVENIR

A. LA COMMUNE, ÉCHELON DU QUOTIDIEN, DE LA PROXIMITÉ ET DU LIEN DÉMOCRATIQUE 

Penser l'avenir de la commune exige de définir le rôle qu'on souhaite lui voir jouer. Or, les consultations organisées par la mission, les auditions tenues ou les déplacements effectués confirment tous le fait qu'elle constitue, aux yeux de tous les acteurs, l'échelon du quotidien, de la proximité et du lien démocratique.

La commune, aux yeux des élus et de nos concitoyens, présente deux aspects : territoire de projet et de service, de proximité et d'efficience de l'action publique, elle est aussi le lieu où bat le coeur de la démocratie locale. Il est important, symboliquement, au moment où l'on s'interroge sur son avenir, de la confirmer dans ce rôle et de reconnaître à toutes les communes le même statut juridique.

Proposition n° 1 : Confirmer la commune comme le lieu du quotidien, de la proximité et du lien démocratique.

1. La commune, territoire de projets et de services

La commune est un territoire de services.

S'il s'agit de la plus petite collectivité territoriale, administrativement et géographiquement, c'est aussi celle qui est, pour cette raison, la plus proche des citoyens. Elle incarne un service public lisible et de proximité. En ce sens, elle connaît de la vie de ses administrés de leur naissance (état civil84(*)), jusqu'à leur mort (cimetières et opérations funéraires85(*)) en passant par leur enfance (école élémentaire86(*)) et leur vie d'adulte (logement87(*), actions sociales88(*), urbanisme89(*)).

Les Français y sont particulièrement attachés comme l'a montré le sondage réalisé à la demande de la mission90(*). Les auditions menées par la mission confirment également qu'aux yeux des citoyens, la commune est le lieu des services de proximité, celui où ils souhaitent trouver les services publics et la gestion des problématiques très locales.

Toutefois, borner la commune à cette mission, ce serait condamner nombre d'entre elles à ne plus avoir d'avenir : elles seraient seulement, dans le meilleur des cas, lorsqu'un service public de l'État ou un équipement géré par l'intercommunalité est installé sur leur territoire, un lieu d'accueil et de guichet.

Aussi important soit-il, on ne saurait donc enfermer les communes dans le rôle exclusif de gestionnaire local de services de proximité.

Le rapporteur estime essentiel de consacrer également la commune comme territoire de projet.

En effet, les différents travaux de la mission ont permis d'identifier cette forte appétence des maires pour la conduite de projets. Comme on l'a vu précédemment, il s'agit, de loin, de leur mission préférée selon les résultats de la consultation en ligne. Cela peut notamment s'expliquer par le goût pour l'engagement aux services de leurs concitoyens. La direction de projet permet de répondre aux besoins directs de ces derniers et à ceux de la collectivité dans son ensemble. En outre, la durée du mandat municipal, six ans, permet aux élus locaux de réfléchir à un projet, le voir émerger et assurer son suivi.

Si ce rôle peut sembler évident pour les communes les plus peuplées, aux moyens les plus importants, ce serait une grave erreur que de croire que les communes plus modestes devraient renoncer à la conduite de projets, et abandonner ainsi toute prise sur leur avenir.

D'une part, les résultats de la consultation, qui placent la conduite de projet en première position dans les missions préférées des maires, sont sensiblement les mêmes quelle que soit la strate démographique de la commune du répondant.

D'autre part, le rapporteur a pu constater, au cours des déplacements, que cet engagement dans le projet constitue l'ADN des élus rencontrés, qui leur fait accepter, bien souvent, la complexité des circuits et des procédures nécessaires pour le voir aboutir.

Ainsi, lors du déplacement en Haute-Garonne, la maire de Saint-Marcel-Paulel, Véronique Rabanel, a exposé le projet qu'elle porte avec son équipe municipale et l'appui des services de l'État pour reconstituer, dans cette commune de 397 habitants, sans commerces ni services publics, un coeur de village rénové.

Dans les Vosges, aux Voivres, commune de 320 habitants dont le maire Michel Fournier est par ailleurs président de l'Association des maires ruraux de France, la mission a pu constater les projets en cours et ceux aboutis : résidence de vacances, installation d'entreprises, incubateur sur la filière « bois », réhabilitation du bâti ancien... Comme l'a alors indiqué ce maire : « il faut que toutes les communes puissent s'inventer un avenir ».

2. La commune, lieu de démocratie locale

La commune, grande ou petite, urbaine ou rurale, est la cellule de base de la démocratie où s'exerce l'expression du débat public direct entre les citoyens et les élus. Cette fonction a partie liée avec celle décrite ci-dessus : les candidats s'engagent sur un projet que choisissent les électeurs et la participation démocratique s'épuise s'il n'y a rien à décider.

À l'exception des dernières élections municipales, tenues lors de la crise sanitaire liée à l'épidémie de la covid-19, dont on a vu que le taux de participation était de 44,75 %, ce dernier a plutôt oscillé entre 63,55 % et 69,4 % lors des différentes élections municipales qui ont eu lieu entre 1995 et 2014. Il est supérieur à celui observé pour les élections des autres collectivités territoriales (département, région). En effet, en 2021, le taux de participation au second tour des élections départementales et régionales était d'environ 34 % tandis qu'en 2015, il s'élevait à 50 % pour les élections départementales et 58 % pour les élections régionales.

De ces taux de participation, il est possible d'en déduire que les Français apportent une attention plus particulière à la vie démocratique communale, d'une part, et au choix des élus qui auront vocation à prendre des décisions relatives à leur lieu de vie, d'autre part. D'ailleurs, comme on l'a vu précédemment, le sondage réalisé par la mission établit que 66 % des Français témoignent un intérêt vis-à-vis des décisions politiques prises par leur commune.

En outre, les Français se déclarent favorables à la participation des citoyens à la vie politique locale. Le sondage réalisé par la mission montre qu'ils sont 78 % à penser que les citoyens devraient pouvoir faire connaître leurs avis avant que les décisions importantes soient prises par les élus et 74 % à estimer que les citoyens devraient participer activement et directement à la conception des grandes décisions locales. Les élus eux-mêmes n'y sont pas opposés : 52 % des élus municipaux interrogés dans le cadre de la consultation de la mission d'information s'y déclarent favorables contre 19 % plutôt contre.

Au cours des dernières années, le législateur a instauré plusieurs outils permettant aux citoyens de jouer un rôle plus direct pour faire vivre la démocratie communale, sans attendre l'échéance majeure de l'élection municipale.

Exemples d'outils de participation développés depuis les années 1990

- commissions consultatives des services publics locaux (CCSPL), créées par la loi du 6 février 1992 relative à l'organisation territoriale de la République ;

- conseils de développement, formalisés par la loi du 25 juin 1999 pour l'aménagement et le développement durable du territoire, dite « Voynet », et étendus par la suite ;

- conseils de quartier, institués par la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, dite « Vaillant » ;

- conseils citoyens, issus de l'article 7 de la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine et prévus dans chaque quartier prioritaire de la politique de la ville ;

- comités d'usagers, librement institués par les collectivités territoriales pour évaluer tel ou tel service public local ;

- enquêtes publiques, en amont de l'élaboration des projets d'infrastructure, dans le cadre d'enquêtes publiques dont le champ d'application s'est élargi notamment avec la loi dite « Bouchardeau » du 12 juillet 1983 ;

- procédures mises en oeuvre avec la Commission nationale du débat public (CNDP), créée par la loi « Barnier » du 2 février 1995 ;

- référendum local (ouvert désormais à toutes les collectivités, mais initialement réservées aux communes), consultation des électeurs et pétition ont reçu une consécration constitutionnelle en 2003 ;

- consultation locale (demande d'avis ne liant pas juridiquement la collectivité territoriale qui en a pris l'initiative), parfois initiée par les électeurs eux-mêmes sous certaines conditions ; la décision d'organiser la consultation appartient toutefois à l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale concernée ;

- consultations intercommunales ;

- consultation portant sur la création d'une collectivité territoriale ou la modification de son organisation (article 72-1 de la Constitution) ;

- droit de pétition dans les collectivités territoriales (article 72-1 de la Constitution) pour demander l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante de cette collectivité d'une question relevant de sa compétence ;

- dispositifs participatifs moins normés, relevant d'une « co-élaboration » des décisions entre les citoyens et les élus : réunions publiques ou de rue, forums ouverts, sondages et pétitions en ligne ;

- budgets participatifs (processus par lequel les citoyens peuvent décider de l'affectation d'une partie des fonds d'une collectivité territoriale, généralement alloués à des projets d'investissement.

Source : Décider en 2017 : le temps d'une démocratie « coopérative »
(rapport d'information n° 556, (2016-2017), cité par le rapport d'information n° 648 (2021-2022)
fait par Henri Cabanel au nom de la mission d'information sur le thème
« Comment redynamiser la culture citoyenne »

Lors de son audition par le rapporteur, Camille Morio, maîtresse de conférence en droit public à Sciences Po Grenoble, a souligné que s'y ajoutait nombre de dispositifs ad hoc, conçus localement pour informer ou l'associer à la genèse d'un projet.

Si, comme l'a relevé la mission d'information sur le thème « Comment redynamiser la culture citoyenne »91(*), le succès de ces outils, sur lesquels peu de données statistiques fiables sont disponibles, est relatif92(*), ils contribuent à l'animation de la démocratie locale et confirment que la commune, l'échelon le plus proche des citoyens, est le meilleur creuset pour l'expression démocratique.

B. S'APPUYER SUR LES FORCES DU MODÈLE COMMUNAL FRANÇAIS

On a vu précédemment combien les principes qui sous-tendent l'organisation communale en constituent aujourd'hui les forces. Le rapporteur estime que c'est à partir d'eux que l'avenir des communes doit se construire.

1. La consécration d'un cadre commun à toutes les communes

Depuis la loi du 5 avril 1884, le conseil municipal a vocation à régler, par ses délibérations, les affaires de la commune. Ce texte constitue le support historique de la clause générale de compétence des communes. Ce principe est aujourd'hui repris à l'article L. 2121-2993(*) du code général des collectivités territoriales (CGCT). Le conseil municipal est compétent pour statuer sur toutes les questions d'intérêt public communal, dès lors qu'elles ne relèvent pas de la compétence d'une autre personne publique94(*).

Depuis l'acte I de la décentralisation de 1982, cette clause constitue « un marqueur fort non seulement du pouvoir nouveau accordé aux collectivités territoriales mais également de leur définition juridique »95(*).

Cette clause participe, historiquement, de la distinction entre les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre : ces derniers sont régis par un principe de spécialité de sorte qu'ils ne peuvent mettre en oeuvre une action relevant d'un domaine qui ne leur aurait pas été confié soit par leurs statuts soit par la loi, à l'inverse des collectivités qui bénéficiaient de la clause de compétence générale.

Cette clause est, depuis, le fondement de l'agilité et de la réactivité des communes face aux crises, comme l'a démontré celle liée à l'épidémie de la covid-19, au cours de laquelle les communes ont su s'adapter aux besoins de leurs habitants lorsque d'autres acteurs publics étaient défaillants ou dans l'incapacité de le faire. La commune est, actuellement, la seule collectivité territoriale de droit commun à bénéficier de cette clause générale de compétence. En effet depuis la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « NOTRe », les départements et les régions en ont définitivement perdu le bénéfice après des tergiversations du législateur.

En effet, comme le rappelaient justement Mathieu Darnaud et Françoise Gatel dans leur rapport sur la proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales en 2020, « la décennie passée a mis en exergue les incertitudes du législateur sur la compétence générale des collectivités territoriales, brouillant davantage la distinction entre établissements publics et collectivités territoriales »96(*).

Extraits du rapport sur la proposition de loi constitutionnelle
pour le plein exercice des libertés locales de 2020

« Au nom d'une volonté de spécialisation continue des collectivités territoriales, qui a justifié la définition toujours plus précise de « blocs de compétences », le législateur a supprimé la compétence générale des conseils départementaux et régionaux. L'article 73 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, dite « RCT », a ainsi prévu que les conseils généraux et régionaux règlent par leurs délibérations les affaires du département ou de la région, « dans les domaines de compétence que la loi [leur] attribue ». Brièvement réinstaurée par l'article 1er de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite « Maptam », elle a finalement été définitivement supprimée par la loi dite « NOTRe » pour les conseils départementaux et régionaux ».

Source : rapport précité, p. 32-33.

Face à ces hésitations, les rapporteurs préconisaient déjà de « rendre la clause de compétence générale des communes, prévue par l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales, plus difficilement réversible en la consacrant dans le texte constitutionnel »97(*).

L'idée selon laquelle l'échelon communal est le plus pertinent pour l'exercice de certaines compétences, outre les situations exceptionnelles de crise, est à cet égard soutenue par l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF). En effet, lors de son audition par les membres de la mission, son président, David Lisnard, réaffirmait « être favorable à l'application d'une véritable exigence de subsidiarité, avec une clause de compétence générale opérationnelle permettant à chaque maire de régler lui-même les affaires de sa commune. ».

Convaincu que les communes demeurent un échelon fondamental de proximité qui doit conserver toute latitude d'action pour répondre aux besoins des administrés, le rapporteur réaffirme la pertinence d'une telle proposition visant à garantir la pérennité de la clause générale de compétence des communes en l'inscrivant dans la Constitution.

Proposition n° 1 : Confirmer la commune comme le lieu du quotidien, de la proximité et du lien démocratique.

Sous-proposition n° 1 : Consacrer constitutionnellement la clause générale de compétence.

2. L'intercommunalité au service des communes

Aujourd'hui l'intercommunalité a atteint un point d'équilibre et la mutualisation de compétences présente des atouts certains. En effet, lorsque le maire doit faire face à des enjeux qui le dépassent, l'intercommunalité peut intervenir utilement en prolongement de sa commune. Certaines problématiques, notamment les compétences stratégiques, sont mieux appréhendées à l'échelle de l'intercommunalité.

Mais, comme le rapporteur a déjà eu l'occasion de le souligner par le passé, l'intercommunalité doit rester « un instrument au service des communes »98(*).

Ceci interdit toute concurrence entre les communes et leurs regroupements, qui ne peuvent s'en autonomiser totalement.

Il est nécessaire que le respect de ce principe soit garanti à la fois par les modalités de gouvernance de l'intercommunalité mais aussi par les modalités d'élection au sein des organes délibérants.

La modification du mode d'élection des représentants siégeant au sein d'intercommunalités risquerait d'affaiblir la commune. En effet, le mode de scrutin actuel permet d'assurer la place centrale des communes au sein du modèle communal. La légitimité démocratique de l'intercommunalité doit continuer d'émaner des élus communaux.

En effet, le législateur a choisi de conforter le lien démocratique entre les citoyens, d'une part, et la commune et l'intercommunalité en faisant dériver l'élection des conseillers communautaires de celle des conseillers municipaux, d'autre part. Pour les communes de 1 000 habitants et plus, l'élection des conseillers communautaires se fait ainsi au suffrage universel direct par « fléchage », dans le cadre des élections municipales depuis la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales99(*).

Lorsque la commune compte moins de 1 000 habitants, les conseillers communautaires sont désignés parmi les conseillers municipaux, suivant l'ordre du tableau, d'abord le maire, ses adjoints puis les conseillers municipaux, selon le nombre de sièges attribués à la commune.

Modalités d'élection des membres du conseil municipal

Dans les communes de moins de 1 000 habitants, ils sont élus au scrutin majoritaire, plurinominal, à deux tours. Sont élus au premier tour, les candidats qui obtiennent la majorité des suffrages exprimés et recueillent au moins un quart des voix des électeurs inscrits. Pour les sièges restants à pourvoir, un second tour est organisé et l'élection a lieu à la majorité relative. Le panachage est autorisé.

Dans les communes de plus de 1 000 habitants, ils sont élus au scrutin proportionnel, de liste, à deux tours avec prime majoritaire. Au premier tour, la liste qui obtient la majorité absolue des suffrages exprimés reçoit un nombre de sièges égal à la moitié des sièges à pourvoir, les autres sièges sont répartir à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne entre toutes les listes ayant obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés. Si un second tour est nécessaire, seules les listes ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés sont autorisées à se maintenir.

Le mode de scrutin des conseillers communautaires doit rester rattaché à l'élection municipale dans la mesure où les EPCI à fiscalité propre ne sont pas des collectivités territoriales aux termes de l'article 72 de la Constitution du 4 octobre 1958, mais bien des groupements créés au seul service des communes. C'est tout le sens de l'article L. 273-5 du code électoral qui précise que « nul ne peut être conseiller communautaire s'il n'est conseiller municipal ou conseiller d'arrondissement ».

Il ne peut exister de concurrence entre les communes et les EPCI. Ces derniers doivent demeurer des espaces de coopération entre les communes membres, à leur service, et ne sauraient devenir des collectivités territoriales supra-communales dont la légitimité ne dériverait pas de celles des communes elles-mêmes.

Les propos tenus, il y a plus de dix ans, par le sénateur Michel Delebarre, lors de l'examen du projet de loi relatif, notamment, à l'élection des délégués communautaires, gardent toute leur pertinence : « le mandat à la commune s'exerce indépendamment de sa représentation à l'intercommunalité ; il constitue la source et le fondement du mandat communautaire dont le sort lui est lié. L'inverse n'est pas vrai. »100(*).

Proposition n° 1 : Confirmer la commune comme le lieu du quotidien, de la proximité et du lien démocratique.

Sous-proposition n° 2 : Maintenir les modes de scrutins actuels pour les élections municipales et la désignation des conseillers communautaires.

L'avenir, ce n'est pas changer ce qui marche bien depuis longtemps. Comme on l'a vu dans la partie précédente, il y a tout lieu, au contraire, de conforter les forces du modèle communal français.

En revanche, il est sans doute nécessaire de revoir la méthode suivie pour procéder à la restructuration de la carte intercommunale et, rompant avec les logiques dirigistes, faire souffler à nouveau un vent de liberté sur l'organisation municipale.

II. FAIRE SOUFFLER UN VENT DE LIBERTÉ SUR L'ORGANISATION MUNICIPALE

A. METTRE UN TERME AU DIRIGISME

La recomposition du paysage communal et le développement de l'intercommunalité se sont faits à marche forcée. Qu'il s'agisse du nombre de commune, de l'intégration des compétences ou de la carte intercommunale, le rapporteur estime qu'à l'avenir, il faut abandonner la tentation dirigiste et s'en remettre plutôt aux acteurs eux-mêmes pour pacifier et améliorer l'organisation communale.

· Ne pas forcer les regroupements de communes

En premier lieu, la mission tient à souligner le fort attachement des Français à leur commune, loin devant les autres collectivités territoriales101(*). Le législateur l'avait justement rappelé lors de l'acte I de la décentralisation en consacrant la commune comme la collectivité territoriale de base de la République102(*).

Les communes en quelques chiffres

Au 1er janvier 2023, la France comptait 34 945 communes, soit dix de moins qu'en 2022 et 25 de moins qu'en 2019. Près de la moitié de ces communes ont moins de 500 habitants et plus de 70 %, moins de 1 000 habitants.

Ainsi, remettre en cause de manière forcée le nombre des communes en France risquerait de nier le lien solide qui existe entre les citoyens et la commune.

Le rapporteur ne partage donc pas l'opinion exprimée par la Cour des comptes dans son rapport public annuel pour 2023 selon laquelle il y aurait une difficulté découlant de « la persistance d'un trop grand nombre de trop petites communes »103(*).

Il s'agit avant tout d'une préoccupation de l'État qui souhaite rationaliser le nombre de communes et réduire la dépense locale, en s'appuyant notamment sur des comparaisons européennes104(*), mais qui ne tient pas compte de la construction historique de la France105(*) et de la relation quasi charnelle que les Français entretiennent avec leur commune.

En outre, comme le notait déjà le rapporteur en 2018, plus la taille de la commune est petite, plus le taux de participation des citoyens aux élections est élevé. Certains pays européens, qui ont réduit leur nombre de communes de manière importante, ont dû recréer des instances locales de proximité pour restaurer du lien entre les administrés et les pouvoirs publics locaux106(*).

Interrogé récemment par le sénateur Bruno Sido (Haute-Marne - Les Républicains) sur la réduction du nombre de communes, le Gouvernement a indiqué, par la voix de son ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu, que : « Dans certains cas, il faut rendre possibles les fusions en montrant ce qu'elles permettent, mais il ne faut pas les forcer [...] »107(*).

Le rapporteur prend note de cette position et souligne que toute forme de contrainte en matière de réduction du nombre de communes serait contraire à l'intérêt des territoires et des citoyens. En revanche, comme il sera indiqué ci-après, il lui semble utile d'améliorer les dispositifs de regroupement sur une base volontaire.

· Proscrire, à l'avenir, les transferts obligatoires de compétences communales aux intercommunalités

En deuxième lieu, comme on l'a vu précédemment, l'un des principaux instruments de l'intégration intercommunale a été le transfert obligatoire de certaines compétences. La logique initiale était que certaines compétences ne pouvaient être bien exercées qu'à un niveau supra-communal.

Le retrait progressif, mais constant, des compétences aux communes est matérialisé par un passage, entre 1992 et 2022, de deux à sept compétences obligatoires pour les communautés de communes et de quatre à dix pour les communautés d'agglomération.

Toutefois, force est de constater que cette logique a parfois conduit à des résultats peu satisfaisants, obligeant ensuite le législateur à prévoir la possibilité de restituer aux communes la compétence transférée. Il en est allé ainsi, par exemple, pour les communes classées « station de tourisme », de la compétence de promotion touristique, dont la création d'offices du tourisme108(*). Le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » à compter du 1er janvier 2026109(*) et les problèmes qu'il pose, en sont une autre manifestation (cf. infra).

En outre, il apparaît que le périmètre actuel des compétences détenues par les différents types d'EPCI à fiscalité propre n'a pas vocation à être davantage étendu, au risque de priver les communes de compétences constitutives de leur identité et dont elles sont les seules à pouvoir assurer, au niveau le plus pertinent, l'exercice. Ainsi, comme l'a souligné le maire de Colmar, Éric Straumann : « Pour que le maire subsiste, il faut que la commune puisse conserver certaines compétences, comme les écoles, le périscolaire, l'urbanisme - sinon le compte à rebours de la fin de la commune et du maire va démarrer ».

Il importe donc de rompre avec cette logique intégratrice. Le rapporteur appelle donc le Gouvernement à prendre l'engagement de ne plus augmenter le nombre de compétences obligatoires.

· Plus de modification autoritaire de la carte intercommunale

En troisième lieu, il convient de rompre également avec la logique dirigiste de recomposition de la carte intercommunale.

Les exemples sont nombreux des difficultés qu'elle a engendrées, comme la mission a pu le constater lors de son déplacement dans la Somme (cf. encadré ci-dessous) : taille XXL, nombre trop importants de communes, assemblages disparates qui ne concordent pas avec les bassins de vie ou réunissent des communes dont les problématiques territoriales sont trop différentes...

Le département de la Somme :
un découpage de la carte intercommunale qui interroge

Source : DGCL, base nationale sur l'intercommunalité (BANATIC)
mise à jour le 01/04/2023

Le département de la Somme compte 14 EPCI à fiscalité propre, dont deux communautés d'agglomération (Amiens Métropole et la communauté d'agglomération de la Baie de Somme) et 12 communautés de communes. Par ailleurs, 23 des 772 communes du département appartiennent à des intercommunalités dont le siège est en dehors du département.

Lors du déplacement des membres la mission d'information dans ce département, les maires ont notamment fait part de leurs interrogations sur la pertinence du découpage intercommunal avec les réalités territoriales, en particulier s'agissant des communes du littoral. Elles sont actuellement réparties dans trois intercommunalités différentes, dont deux d'entre elles (la communauté de communes de Ponthieu-Marquenterre et la communauté d'agglomération d'Abbeville) possèdent à la fois une façade côtière importante et un arrière-pays conséquent mais très éloigné des communes côtières. Les communes côtières, notamment en raison de leur activité touristique, n'ont pas les mêmes problématiques que les autres communes de l'intercommunalité, et inversement.

Proposition n° 2 : Faire souffler un vent de liberté sur l'organisation municipale.

Sous-proposition n° 1 : Rompre avec le dirigisme reconfigurateur de la carte communale et intercommunale :

- plus de nouveau transfert obligatoire de compétences ;

- plus de modification autoritaire de la carte intercommunale.

B. DU BLOC AU BIOTOPE COMMUNAL : LAISSER LES COMMUNES ET LES INTERCOMMUNALITÉS S'ADAPTER AUX RÉALITÉS DE L'ACTION TERRITORIALE

Le rapporteur souligne que nous nous situons à un moment très particulier.

L'intégration intercommunale est arrivée à maturité. Le mandat en cours est le premier qui se déroule dans ce cadre nouveau. Les élus apprennent à composer avec des intercommunalités étendues, aux compétences renforcées.

Il ne s'agit pas de défaire ce qui est fait, ni de « détricoter » la carte intercommunale actuelle.

En revanche, comment ignorer les difficultés qui persistent et les problèmes que les communes membres de certaines de ces intercommunalités rencontrent ? Comment s'assurer que le projet intercommunal reste bien conforme au principe qui doit l'inspirer d'un regroupement au seul service des communes ? Comment réparer ce qui doit l'être et garantir que l'action des communes et celle de leurs EPCI soient bien adaptées à la réalité des territoriales ? Comment retrouver une souplesse dans le fonctionnement du bloc local pour lui permettre d'apporter aux besoins des citoyens les réponses les plus efficientes et les plus agiles ? Comment mieux faire respecter le départ entre les compétences stratégiques, relevant de l'intercommunalité et celles du quotidien, plus efficacement mises en oeuvre par les communes ?

Le rapporteur a proposé à la mission un changement d'approche, qui vise à traduire la philosophie que défend le Sénat depuis plusieurs années, comme cela est notamment apparu lors de l'examen des lois « Engagement et Proximité » et « 3DS ».

L'expression de « bloc communal » est passée dans le langage courant pour désigner le couple que constituent les communes et leurs EPCI. L'image est frappante parce qu'elle renvoie à l'idée d'une cohésion et d'une solidarité, d'une force commune.

Pourtant, elle évoque également l'idée d'une fixité, d'une forme insusceptible d'évoluer.

Le rapporteur propose d'y substituer la notion de « biotope communal ». Le biotope, c'est un milieu de vie, dont les éléments qui le composent sont en interaction et s'adaptent pour trouver, en fonction des contraintes du territoire, l'équilibre le plus efficient. Chacun doit y trouver sa place, librement, au bénéfice de l'ensemble.

Or, c'est ce qu'il faut retrouver. Ainsi conçu, le biotope communal favorise la différenciation territoriale.

Sans doute la crainte d'un retour sur l'intégration intercommunale a-t-elle conduit le Gouvernement à s'opposer à de nombreuses reprises aux tentatives du Sénat d'apporter une souplesse dans l'organisation locale des compétences.

Mais le rapporteur relève les propos du représentant d'Intercommunalités de France, président de la communauté de communes de l'Ouest rhodanien, Patrick Verchère, au cours de son audition par la mission, qui a jugé la demande de différenciation territoriale légitime si elle n'aboutissait pas à remettre en cause des équilibres fondamentaux entre communes membres et intercommunalités et elle correspondait au choix des élus exprimé à travers un accord local. Il a estimé qu'on pouvait privilégier la souplesse sur la norme rigide si les principes fondamentaux n'étaient pas remis en cause.

Or il ne s'agit pas de dissoudre les intercommunalités, mais d'apporter tous les assouplissements nécessaires à ces coopérations locales afin que la commune soit confortée dans son rôle de proximité et que les élus puissent, ensemble, proposer des solutions adaptées à l'organisation communale en fonction des réalités de leurs territoires.

C. LES INSTRUMENTS PRIVILÉGIÉS DE CETTE NOUVELLE TERRITORIALISATION DE L'ACTION PUBLIQUE COMMUNALE

1. Compétences intercommunales : davantage de souplesse et d'adaptabilité

Le législateur a prévu plusieurs mécanismes pour adapter la répartition des compétences du bloc local ou de leur exercice aux réalités du territoire.

Longtemps, le dispositif a principalement reposé sur deux instruments.

Le premier est celui de l'intérêt communautaire, qui donne corps au principe de subsidiarité. Lorsque cela est expressément prévu par le législateur, certaines compétences, comme par exemple celle de la voirie pour certains EPCI à fiscalité propre ou des équipements sportifs ou culturels, ne sont transférées que pour la part qui intéresse le niveau intercommunal. Le reste de la compétence demeure de niveau communal. Il revient au conseil communautaire de définir cet intérêt, pour chaque compétence qui y est soumise, à la majorité des deux tiers de ses membres. Cette définition peut être modifiée à tout moment, pour adapter l'action de l'intercommunalité à la dynamique du territoire. Ceci permet d'éviter que remonte à l'intercommunalité la partie d'exercice d'une compétence qui, ne présentant pas de dimension stratégique, sera mieux exercée par les communes, au plus proche du terrain.

Le second instrument utilisé est celui des délégations conventionnelles. Si l'ensemble des EPCI à fiscalité propre bénéficient d'une faculté de délégation de gestion - qui permet la délégation par convention, à leurs communes membres ou à tout groupement, de « la création ou la gestion de certains équipements ou services relevant de ses attributions » -, ceux-ci n'ont longtemps pas pu, d'une part, déléguer tout ou partie de leurs compétences aux départements ou aux régions - au motif qu'ils n'étaient pas des collectivités territoriales - et d'autre part, bénéficier d'un régime unifié et fluide de délégations de certaines compétences pourtant précédemment exercées, en large partie, par des syndicats - l'on pense en particulier à l'eau, l'assainissement ou la gestion des ordures ménagères. Inversement, les communes membres ou leurs groupements peuvent procéder au même type de délégation au profit de l'intercommunalité110(*). Ces délégations peuvent intervenir dans n'importe quel champ de compétence du délégant, qu'il s'agisse d'une compétence facultative ou d'une compétence dont le transfert à l'intercommunalité est obligatoire.

Plus récemment, le législateur a cherché à offrir aux communes et aux intercommunalités plus de liberté dans la gestion de leurs compétences, pour l'adapter aux exigences du territoire.

La loi « Engagement et proximité » du 27 décembre 2019111(*) a ainsi procédé à trois aménagements.

Tout d'abord, elle a supprimé les compétences optionnelles112(*), les faisant relever du régime juridique des compétences facultatives.

Ensuite, elle a défini la procédure prévoyant la restitution de compétences facultatives de l'EPCI aux communes113(*). L'organe délibérant de l'EPCI doit prendre une décision concordante avec une majorité qualifiée des conseils municipaux afin de voir redescendre une telle compétence à la commune.

Liste des compétences facultatives des communautés de communes et des communautés d'agglomération

En vertu du II de l'article L. 5214-16 du CGCT, les sept compétences facultatives des communautés de communes sont les suivantes :

- la protection et mise en valeur de l'environnement,

- la politique du logement et du cadre de vie ;

- en matière de politique de la ville : l'élaboration du diagnostic du territoire et la définition des orientations du contrat de ville ; l'animation et la coordination des dispositifs contractuels de développement urbain, de développement local et d'insertion économique et sociale ainsi que des dispositifs locaux de prévention de la délinquance ; les programmes d'actions définis dans le contrat de ville ;

- la voirie (création, aménagement et entretien) ;

- la construction, l'entretien et le fonctionnement d'équipements culturels et sportifs d'intérêt communautaire et d'équipements de l'enseignement préélémentaire et élémentaire d'intérêt communautaire ;

- l'action sociale d'intérêt communautaire ;

- la participation à une convention France Services.

En vertu du II de l'article L. 5216-5 du CGCT, les cinq compétences facultatives des communautés d'agglomération sont les suivantes :

- la création ou l'aménagement et l'entretien de voirie et de parcs de stationnement d'intérêt communautaire ;

- en matière de protection et de mise en valeur de l'environnement et du cadre de vie : la lutte contre la pollution de l'air, la lutte contre les nuisances sonores, le soutien aux actions de maîtrise de la demande d'énergie ;

- la construction, l'aménagement, l'entretien et la gestion d'équipements culturels et sportifs d'intérêt communautaire ;

- l'action sociale d'intérêt communautaire ;

- la participation à une convention France Services.

Enfin, la loi « Engagement et proximité » a prévu, pour les communautés de communes ou les communautés d'agglomération, un mécanisme de délégation des compétences « eau » et « assainissement » à une commune membre ou à un syndicat infra-communautaire114(*). Toutefois, cette délégation est particulièrement encadrée. Le syndicat doit être existant au 1er janvier 2019 et inclus dans la totalité du périmètre du groupement à fiscalité propre. Seul l'organe délibérant de l'EPCI peut décider le maintien du syndicat. Comme toute délégation, elle s'exerce « au nom et pour le compte » du délégant.

Ce dernier assouplissement, adopté à l'initiative du Sénat a visé à limiter les conséquences du transfert obligatoire au plus tard au 1er janvier 2026 des compétences « eau » et « assainissement » imposé par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 dite « NOTRe »115(*). Le transfert continue cependant d'être fortement contesté, plusieurs maires s'en faisant l'écho au cours des auditions et déplacements de la mission, et des travaux sont en cours pour essayer d'y remédier116(*).

La loi « 3DS » du 21 février 2022117(*) a permis de territorialiser encore davantage l'exercice des compétences facultatives. Elle a prévu une possibilité de transfert « à la carte » des compétences facultatives des communes vers l'EPCI. Le transfert peut concerner tout ou partie de la compétence, d'une part, et il peut être mis en oeuvre par une ou plusieurs communes rattachées à l'EPCI, d'autre part. Cette hypothèse répond aux besoins de certaines communes de voir mutualiser une compétence qu'elles estiment pouvoir être mieux exercée à l'échelle intercommunale, mais que les autres communes préfèrent conserver.

Elle a également autorisé les communautés urbaines et les métropoles à déléguer, par convention, à leurs communes membres la gestion de tout ou partie des équipements et services nécessaires à l'entretien de la voirie dont elles ont la charge118(*). Cette délégation s'exerce au nom et pour le compte de la délégante.

L'ensemble de ces dispositifs, qui permettent de desserrer la contrainte du transfert par bloc vont dans le bon sens : celui de la liberté qui offre aux acteurs l'occasion de trouver le bon point d'équilibre dans l'exercice partagé d'une compétence.

Ce mouvement doit être poursuivi, sans remettre en cause le cadre juridique de l'intercommunalité.

Deux voies méritent d'être explorées.

Comme l'avait déjà proposé le Sénat dans son rapport 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales, si « le législateur, conscient que le périmètre idéal d'exercice de la compétence ne correspond pas nécessairement au périmètre administratif des intercommunalités à fiscalité propre, a prévu des mécanismes originaux et parfois temporaires de transferts de compétences à plusieurs syndicats, ou de délégation pour certaines compétences très spécifiques (...), il est nécessaire de simplifier cette architecture ». Le rapport préconisait, dès lors, de « faire des délégations de compétences l'outil de droit commun des coopérations entre les territoires [qui] permettrait une organisation des compétences plus adaptée aux réalités locales et d'[en] accroître la lisibilité pour les citoyens, les élus et les fonctionnaires territoriaux »119(*).

Dès lors, la première de ces voies serait d'unifier, par le haut, le régime des délégations conventionnelles. Le droit en vigueur distingue les délégations de gestion d'un équipement ou d'un service et la délégation de compétence, plus générale, comme celle prévue pour l'eau et l'assainissement.

Le rapporteur propose donc de simplifier le droit et de prévoir une seule procédure de délégation des compétences dévolues à l'intercommunalités à destination d'un ou plusieurs communes membres ou de tout syndicat infracommunautaire.

Comme l'a souligné le maire Blagnac et vice-président de Toulouse Métropole, Joseph Carles, lors du déplacement de la mission en Haute-Garonne : « il existe des questions supra-communales, mais infra-communautaires. Dans ce cas-là, même si la compétence relève de l'intercommunalité, elle est plus efficacement mise en oeuvre par les communes concernées ou leur groupement, sous le contrôle et au nom de l'intercommunalité. »

L'unification de régime juridique proposée permettra d'organiser avec souplesse la répartition de l'exercice de la compétence sur le territoire de l'intercommunalité.

Dans le même ordre d'idée, il paraît nécessaire de supprimer les restrictions existantes, pour l'exercice de certaines compétences, à la création d'un syndicat infra-communautaire susceptible d'assumer la délégation. Le dispositif en vigueur de délégation des compétences « eau » et « assainissement » en fournit un exemple de ses restrictions : il interdit la création d'un syndicat ad hoc et limite la délégation aux seuls syndicats déjà existants dont le périmètre couvre la totalité de l'EPCI. Or, si la délégation de compétence est jugée plus efficace par l'intercommunalité, pourquoi limiter la façon dont elle peut s'organiser ?

La deuxième voie pour assouplir les conditions de répartition et d'exercice des compétences au sein du biotope communal est de permettre, par accord local, la modification de répartition de certaines compétences au sein du bloc local.

Dès lors, un accord local exprimé à l'unanimité des communes membres permettrait de redescendre certaines compétences au niveau communal. Pour le rapporteur, ce pourrait être le cas, par exemple, des compétences « eau » et « assainissement ».

Proposition n° 2 : Faire souffler un vent de liberté sur l'organisation municipale.

Sous-proposition n° 2 : Simplifier et assouplir les conditions de la répartition des compétences et de leur exercice entre l'intercommunalité et les communes :

- unifier les régimes de délégation et ceux de création des syndicats, quelles que soient les compétences concernées ;

- permettre par accord local de modifier la répartition de certaines compétences (par exemple l'eau et l'assainissement).

2. Accepter le principe d'un réexamen, par les communes membres, de l'organisation des compétences au sein de l'intercommunalité

La loi « Engagement et proximité » a prévu qu'après chaque renouvellement général des conseils municipaux, les intercommunalités devraient débattre et délibérer sur l'élaboration d'un pacte de gouvernance, qui définit les relations entre les communes membres et le groupement à fiscalité propre et la façon dont les maires seront associés aux décisions.

Ce pacte peut également porter sur les conditions dans lesquelles l'EPCI confie, par convention, la gestion ou la création de certains équipements ou services à une commune membre ou fixer les orientations en matière de mutualisation de services entre les communes et leur groupement.

Le pacte n'est pas obligatoire. En revanche, le débat l'est. Ceci matérialise le fait qu'il est nécessaire de s'entendre à nouveau sur la façon dont l'intercommunalité doit travailler avec ses communes membres.

Mais, sauf pour la question des éventuelles délégations de gestion, le pacte ne porte pas sur la répartition des compétences ou leur exercice au sein de l'intercommunalité.

Or, les mêmes raisons qui justifient qu'on s'interroge sur la gouvernance de l'intercommunalité, tous les six ans après un renouvellement général des conseils municipaux, poussent à ce que les communes puissent débattre de la meilleure façon d'organiser l'exercice des compétences en leur sein et s'interrogent sur l'opportunité ou non du transfert ou de la redescente d'une compétence facultative, d'une nouvelle répartition dans l'exercice d'une compétence par délégation, en profitant, le cas échéant, des assouplissements proposés ci-dessus.

Ainsi, ce débat qui porterait sur la gouvernance et les compétences, donnerait l'occasion aux élus de débattre du projet que porte l'intercommunalité au service des communes membres.

Proposition n° 2 : Faire souffler un vent de liberté sur l'organisation municipale.

Sous-proposition n° 3 : Pour une intercommunalité de projet, instaurer après chaque renouvellement général des conseils municipaux, un débat, conjoint à celui sur le pacte de gouvernance, relatif à la répartition des compétences au sein de l'intercommunalité.

3. Redonner du pouvoir à la commune au sein de l'intercommunalité : le droit de veto

L'une des critiques récurrentes à l'encontre de l'intercommunalité est qu'elle serait trop éloignée des communes. Les modalités de gouvernance ne permettraient pas aux communes de faire valoir leur point de vue au sein du conseil communautaire dont le fonctionnement donnerait une place prépondérante à la ville centre.

Le pacte de gouvernance prévu à l'article L. 5211-11-2 du CGCT a justement été créé par la loi engagement et proximité du 27 décembre 2019 pour répondre à ces difficultés. Pour autant, les auditions et les déplacements effectués par la mission ont mis en avant le sentiment des maires toujours persistant d'une perte de capacité d'agir, en raison, notamment, du poids de l'intercommunalité.

Le rapporteur tient à mettre en avant une expérience particulièrement intéressante s'agissant du pouvoir redonné aux petites communes au sein de l'intercommunalité. Il s'agit d'un dispositif prévu par la communauté urbaine du Grand Reims qui comprend 143 communes et près de 300 000 habitants avec une ville centre (Reims) dont la population représente près de la moitié de l'intercommunalité120(*). Le conseil communautaire est composé de 208 élus.

La communauté urbaine du Grand Reims a été créée en 2017 à l'issue du regroupement de la communauté d'agglomération de Reims avec huit communautés de communes rurales. Dans le cadre de la préparation de cette fusion, une attention particulière a été portée au fait que l'intercommunalité devait demeurer au service des communes qui la composent et ne pas déposséder les maires de leur rôle décisionnaire sur leur territoire. La présidente du Grand Reims, Catherine Vautrin, a ainsi défini le sens de la démarche retenue : « À chaque fois que je rencontre les élus municipaux de la communauté urbaine, j'insiste sur le fait qu'il n'y a qu'un seul patron dans la commune, c'est le maire et son conseil municipal. »121(*)

La charte de gouvernance adoptée par la communauté urbaine du Grand Reims permet à chaque maire et à son conseil municipal de s'opposer à une décision ou un projet qui concernerait directement la commune. Soit il s'agit d'un projet communautaire qui ne concerne qu'une seule commune et l'opposition de cette dernière empêche la réalisation de ce projet. Soit il s'agit d'un projet qui en vise plusieurs et il n'est mis en oeuvre que dans celles qui ne s'y opposent pas.

En pratique, la mise en oeuvre du droit de veto implique l'envoi d'un courrier du maire à l'intercommunalité pour signifier son intention d'exercer son droit. L'EPCI bénéficie alors d'un délai de quinze jours pour répondre à la commune et trouver une solution. Une fois ce délai expiré et en l'absence d'accord, le maire doit confirmer le recours à son droit de veto après validation de son conseil municipal. L'objectif premier de ce dispositif est de trouver des compromis, l'exercice du droit de veto étant une réponse ultime mais qui vise, malgré tout, à redonner une capacité de décision des maires au sein de leur intercommunalité.

Le rapporteur juge ce dispositif judicieux et plaide pour son extension, notamment lorsque la commune centre détient la moitié des sièges de conseillers communautaires.

Proposition n° 2 : Faire souffler un vent de liberté sur l'organisation municipale.

Sous-proposition n° 4 : Permettre d'instaurer, au sein du pacte de gouvernance, un droit de veto des communes.

4. Aider au regroupement volontaire de communes

Les communes nouvelles, décrites par la sénatrice Françoise Gatel comme une « pépite législative »122(*), sont un outil, qui peut être mobilisé à la seule main des communes, destiné à faciliter le regroupement de communes au moyen d'une procédure simplifiée. Ce régime juridique s'est substitué au régime de fusion de communes institué par la loi « Marcellin »123(*).

Ce régime a par la suite été consolidé par deux initiatives parlementaires, l'une portée par le député Jacques Pélissard, ancien président de l'Association des maires de France124(*), et l'autre par la sénatrice Françoise Gatel125(*), qui ont permis respectivement l'introduction d'un mécanisme d'incitation financière appelé « pacte de stabilité » - qui prévoit notamment une garantie triennale de stabilité temporaire de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour les communes nouvelles - et de nombreux assouplissements dans leur mode de gouvernance et leur relation à l'intercommunalité - avec la création du régime de la « commune-communauté ».

Le pacte de stabilité des communes nouvelles

Les communes nouvelles bénéficient aujourd'hui d'un pacte de stabilité, dispositif complet et incitatif ayant été réformé en 2020. Ce régime favorable se traduit concrètement par les mesures suivantes :

- une garantie spécifique visant à neutraliser une baisse de leur dotation forfaitaire et de leurs dotations de péréquation suite à la fusion, pendant trois ans. La loi de finances pour 2023 prévoit que ces garanties seront prolongées d'un an pour les communes nouvelles qui y étaient éligibles pour la dernière année en 2022 ;

- une exemption de contribution au redressement des finances publiques pendant ses années d'application, entre 2014 et 2017 ;

- une dotation d'amorçage de 6 € par habitant perçue pendant trois ans, pouvant atteindre 10 € par habitant pour les petites communes nouvelles ;

- à compter de 2023, une éligibilité dérogatoire à la dotation de solidarité rurale lorsque les communes nouvelles dépassent les 10 000 habitants mais peuvent être objectivement qualifiées de rurales.

En conséquence, en 2022, la DGF moyenne des communes nouvelles s'élève à 220 € par habitant pour une moyenne nationale de 165 €, soit 32 % de plus.

Source : réponse de la DGCL au questionnaire du rapporteur

Comme l'a rappelé la DGCL, interrogée sur ce point par la mission d'information, « le succès des communes nouvelles entre 2014 et 2019 est largement lié à la mise en oeuvre de la contribution au redressement des finances publiques. Alors que cette mesure a conduit à une réduction globale de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des communes de plus de 13 Md€ entre 2014 et 2018, les communes nouvelles se sont vues garantir, selon des modalités qui ont évolué dans le temps, la stabilité de leurs dotations à leur date de création. La fusion a donc permis de “cranter” un niveau de dotations significativement plus élevé dans un contexte général de baisse ».

Ceci explique qu'entre 2010 et 2019, d'après les éléments statistiques transmis par la DGCL, 2 508 communes se sont regroupées pour créer 774 communes nouvelles. Ces créations se sont fortement accélérées entre 2016 et 2019 (317 communes créées au 1er janvier 2016 et 200 au 1er janvier 2017, contre 13 au 1er janvier 2015 et deux au 1er janvier 2014) avant de connaître un fort tassement entre 2020 et 2023, seules 21 communes nouvelles ayant été créées sur cette période126(*).

La mission a pu constater lors de ses déplacements, en particulier dans les communes nouvelles de Chateaugiron et de Mesnil-Roc'h en Ille-et-Vilaine, l'effet de levier favorable au territoire, aux communes et aux citoyens d'un tel regroupement de communes en ce qu'il permettait à des communes de très petite taille de bénéficier de l'effet d'entraînement d'une commune plus peuplée. L'on pense en particulier aux communes de Saint-Aubin-du-Pavail et d'Ossé peuplées respectivement de 822 et 1 189 habitants, désormais communes déléguées de la commune nouvelle de Chateaugiron, qui comptait avant le regroupement 7 423 habitants127(*).

Toutefois, comme l'ont observé Françoise Gatel et Éric Kerrouche au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, la création de communes nouvelles est susceptible d'avoir des effets induits, en particulier dits « de seuil », préjudiciables aux communes et à la dynamique de création des communes nouvelles. Il en va notamment ainsi pour les dotations financières dont le calcul n'est stabilisé que pour trois années et pour les quotas de logements sociaux, dits « quotas SRU », susceptibles d'être imposés en cas de franchissement, par ce regroupement, d'un seuil de population. Ces rapporteurs préconisent, à cet égard, de lisser dans le temps les effets de seuil en ces matières, pour les seules communes nouvelles qui conservent, par leurs caractéristiques, une identité rurale128(*).

Convaincue des avantages de ces regroupements décidés par la seule addition de volontés locales, la mission se rallie aux préconisations formulées par les deux rapporteurs au nom de la délégation aux collectivités territoriales et appelle à relancer la dynamique de création des communes nouvelles, dispositif ayant fait la preuve de son efficacité129(*).

Proposition n° 2 : Faire souffler un vent de liberté sur l'organisation municipale.

Sous-proposition n° 4 : Faciliter, dans l'esprit défendu par la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, le développement des communes nouvelles, notamment par le lissage des effets de seuils.

III. ASSURER AUX COMMUNES LES MOYENS FINANCIERS DE LEUR LIBERTÉ : POUR DES FINANCEMENTS LISIBLES ET PRÉVISIBLES

La question des moyens financiers des communes est une question importante qui ne peut cependant être étudiée indépendamment du reste de l'architecture des finances locales. D'autres instances du Sénat ont porté leur réflexion sur cette architecture en même temps que la mission conduisait ces travaux. Il en est ainsi allé du groupe de travail « Décentralisation », présidé par le Président Gérard Larcher130(*).

Renvoyant aux propositions ambitieuses formulées par ce groupe de travail, le rapporteur s'est attaché, dans le cadre des travaux de la mission, à retenir quelques principes, simples, de nature à conforter l'autonomie des communes et à leur garantir une certaine prévisibilité de leurs ressources.

A. RESTAURER UNE AUTONOMIE FINANCIÈRE RÉDUITE À PEAU DE CHAGRIN

Il n'y a pas de liberté sans moyens. Le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales est vidé de sa portée si l'autonomie financière des collectivités n'est pas garantie.

L'article 72-2 de la Constitution pose comme principe que « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources ».

Or, comme l'a mis en lumière le rapport de la mission d'information de la commission des finances sur les suites à donner à l'enquête de la Cour des comptes sur les scénarios de financement des collectivités territoriales131(*), force est de constater que l'autonomie financière du bloc communal s'est réduite au cours des dernières années.

Optiquement, il est vrai, le ratio d'autonomie financière des communes et intercommunalités s'élèverait à 70,9 %.

Cependant, comme les auteurs du rapport de la mission d'information de la commission des finances le relèvent, l'autonomie ainsi entendue couvre, non seulement « les impositions dont les collectivités fixent l'assiette ou le taux mais également les impôts partagés entre l'État et les collectivités territoriales, à la condition que le mode répartition retenu par le législateur maintienne un lien avec les collectivités concernées, par le biais du taux ou de l'assiette. [...] Le législateur organique a donc retenu une définition large de la ressource propre, en y incluant non seulement les ressources fiscales sur lesquelles les collectivités ont un certain pouvoir, mais aussi celles sur lesquelles elles n'ont aucune prise ».

Or, ces dernières années, les collectivités locales, et plus particulièrement les communes, ont connu plusieurs modifications substantielles de leurs recettes fiscales, modifiant la structure de leurs ressources.

En effet, la taxe professionnelle a été transformée132(*) et la taxe d'habitation sur les résidences principales supprimée par la loi de finances pour 2020133(*), sort qu'a aussi connu la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), du fait de la loi de finances pour 2023134(*).

À ce jour, les principaux impôts locaux dont bénéficient les communes sont les suivants :

- la taxe foncière sur le bâti (TFB) ;

- la taxe foncière sur le non bâti (TFNB) ;

- la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS) ;

- la cotisation foncière des entreprises (CFE).

En 2021, ces impôts fonciers ont représenté 40 % des ressources fiscales des communes135(*).

S'ajoutent à ces impôts locaux certaines taxes : taxe d'enlèvement d'ordures ménagères (TEOM), taxe sur les logements vacants (TLV), taxe de balayage, taxe sur les cessions de terrains devenus constructibles, taxe sur les friches commerciales et taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI).

Enfin, pour compenser les suppressions d'impôts locaux, les communes se sont vues affecter des fractions d'impôts nationaux. Mais, s'il s'agit bien de ressources fiscales, elles ne participent pas de l'autonomie fiscale des communes puisque celles-ci n'en maîtrisent ni le taux ni l'assiette.

Or, si l'on s'attache au seul ratio d'autonomie fiscale, excluant ces fractions d'impôts locaux, on constate, comme le relève la Cour des comptes, que, entre 2017 et 2021, les ressources fiscales locales des communes sont passées de 51,9 milliards d'euros à 47,5 milliards d'euros. Le taux d'autonomie fiscale au sens strict est donc tombé de 41,3 % à 35,5 %136(*).

Le rapporteur considère que continuer sur cette pente serait nier aux communes la maîtrise d'une part essentielle de leurs ressources, qui présente aussi un enjeu démocratique, puisqu'elle établit un lien entre le citoyen électeur et le citoyen contribuable. Il appelle donc à garantir et renforcer l'autonomie fiscale des collectivités territoriales.

En outre, le rapporteur estime que l'autonomie financière ne doit pas être remise en cause par une modification de la nature des attributaires de la DGF : celle-ci doit demeurer communale, sauf en cas de conclusion d'accord local visant à l'intercommunaliser.

En 2021, cette dotation était de 26,19 milliards d'euros en 2021 et répartie de la manière suivante : 11,75 milliards d'euros aux communes, 6,52 milliards d'euros aux communautés de communes et 7,93 milliards d'euros aux départements137(*).

Dans le deuxième fascicule de son rapport sur les finances publiques locales pour 2022, la Cour des comptes recommande de « verser la dotation globale de fonctionnement (DGF) au seul niveau des EPCI et laisser ensuite la possibilité de procéder à une répartition de droit commun ou dérogatoire ».138(*) Elle préconisait déjà une telle mesure dans son rapport sur les finances publiques locales d'octobre 2014.

Le principe d'une DGF territoriale ou intercommunale n'est pas nouveau. En effet, depuis 2010, la DGF peut être attribuée à l'intercommunalité. L'article L. 5211-28-2 du CGCT dispose qu'« afin de permettre une mise en commun des ressources, un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peut percevoir, en lieu et place de ses communes membres, les montants dont elles bénéficient au titre de la dotation globale de fonctionnement prévue aux articles L. 2334-1 et suivants, sur délibérations concordantes de l'organe délibérant et de chacun des conseils municipaux des communes membres. ».

La Cour des comptes note, dans le rapport précité, que cette mesure n'a jamais été mise en oeuvre. Il suffit de l'opposition d'une seule commune pour empêcher son instauration². Les critères de répartition doivent ensuite être acceptés à la majorité qualifiée.

Le rapporteur s'oppose fortement à la recommandation de la Cour des comptes et estime préférable d'en rester au droit en vigueur : l'attribution automatique de la DGF des communes à leur EPCI dépossèderait, encore un peu plus, les communes de leur liberté d'agir.

Proposition n° 3 : Assurer aux communes les moyens financiers de leur liberté : pour des financements lisibles et prévisibles.

Sous-proposition n° 1 : Conserver aux communes un financement par de la fiscalité locale et une dotation globale de fonctionnement.

B. SPLENDEURS ET MISÈRES DES DOTATIONS : APPORTER UNE RÉPONSE STRUCTURELLE AU MANQUE DE LISIBILITÉ ET DE VISIBILITÉ DES DOTATIONS

Les élus municipaux alertent depuis plusieurs années sur le manque de lisibilité et de visibilité des différentes dotations que perçoivent les communes. L'évolution de leurs montants, en particulier ceux de la DGF, est un sujet de crispation d'autant plus fort qu'il est souvent impossible de disposer, de la part des services de l'État, des éléments permettant de comprendre les raisons de leur évolution et celles de leur répartition.

La Cour des comptes, dans sa communication à la commission des finances du Sénat sur le financement des collectivités territoriales souligne que « la complexité de leurs critères de répartition, notamment de la trentaine de critères s'appliquant au calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF), qui n'a pas fait l'objet de réformes majeures depuis 2004-2005, ne permet pas aux élus locaux de faire le lien entre les ressources accordées via des dotations d'une part et les compétences exercées par les collectivités d'autre part »139(*). Selon elle, la DGF est « dotée d'une architecture peu lisible et d'une répartition incomprise par les nouveaux élus » et l'on observe que ce « principal concours financier de l'État consolide des situations passées. Aussi des communes présentant pourtant des populations et une typologie similaires bénéficient-elles de dotations différentes ».

En effet, la DGF des communes repose sur une architecture complexe combinant quatre dotations : la dotation forfaitaire des communes (basée principalement sur des critères de population et de superficie), la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (bénéficiant aux villes dont les ressources ne permettent pas de couvrir leurs dépenses), la dotation de solidarité rurale et la dotation nationale de péréquation.

La DGF est donc déterminée par une trentaine de critères dont la population, le nombre de résidences secondaires, le potentiel fiscal et financier mais aussi le nombre de places de caravanes ou bien le fait d'être un bureau centralisateur. Force est de constater que la pertinence de ces critères hétérogènes interroge et ne permet pas de refléter de manière lisible la richesse et les charges de chaque commune dans le but d'établir une dotation de fonctionnement adaptée aux besoins de chaque commune.

La mission juge qu'une réflexion doit être engagée sur une réforme de la DGF qui repose sur deux principes : des modalités de calcul compréhensibles et des règles d'évolution qui en assurent la prévisibilité.

La même réflexion doit s'étendre au fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), qui présente les mêmes défauts de lisibilité.

Le fonds national de péréquation
des ressources intercommunales et communales (FPIC)

Il s'agit d'un fonds de péréquation horizontale créé par la loi de finances initiale pour 2012 à la suite de la suppression de la taxe professionnelle en 2010. L'exigence de péréquation est également prévue par l'article 72-2 de la Constitution du 4 octobre 1958 en ce que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ». Initialement doté de 150 millions d'euros, le FPIC dispose d'une enveloppe annuelle d'un milliard d'euros depuis 2016.

La particularité du fonds est de mettre en oeuvre une péréquation entre les territoires (et non des collectivités territoriales). L'échelle retenue est celle de l'ensemble intercommunal qui rassemble l'EPCI et ses communes membres.

La richesse d'un ensemble territorial est appréciée à l'aune de son potentiel financier agrégé et la mesure de la pression fiscale opérée par les collectivités territoriales sur ce territoire est donnée par l'effort fiscal agrégé.

La redistribution s'opère en deux étapes, les ensembles intercommunaux sont soit contributeurs, soit bénéficiaires selon les critères précités. Ensuite ces ensembles ont le choix d'appliquer des modalités de répartition (du prélèvement ou de la dotation) de droit commun ou de leurs propres règles

Source : Rapport d'information n° 73 (2021-2022) sur le fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC)

En effet, les sénateurs Charles Guené et Claude Raynal ont souligné, dans le rapport d'information consacré à ce fonds, « la difficulté des administrations à apporter une justification précise et documentée des différents paramètres utilisés dans le cadre du FPIC »140(*).

Engager une réflexion sur ce point est d'autant plus important que, comme le notent ces deux rapporteurs, la prudence s'impose en la matière car toute modification des critères aurait des effets de bord : l'enveloppe du FPIC étant fermée (actuellement d'un montant d'un milliard d'euros), il y aurait nécessairement des perdants et des gagnants en cas de réforme.

Proposition n° 3 : Assurer aux communes les moyens financiers de leur liberté : pour des financements lisibles et prévisibles.

Sous-proposition n° 2 : Lancer une réflexion pour refondre la DGF et le FPIC sur la base de deux principes : rendre leurs modalités de calculs compréhensibles et leur évolution prévisible.

C. LE CHEF D'oeUVRE INCONNU : LES LOIS DE PROGRAMMATION PLURIANNUELLES DES FINANCES PUBLIQUES

Les collectivités territoriales, et les communes en particulier, jouent un rôle essentiel dans la vie économique française. Outre les services essentiels qu'elles assurent quotidiennement au profit de leurs administrés, elles participent grandement à l'investissement. En effet, les collectivités territoriales sont à l'origine de 70 % de cet investissement, soit 65 milliards d'euros en 2021141(*). Le bloc communal est responsable de 38,5 milliards d'euros de ces investissements142(*), soit plus de la moitié.

Or pour investir, un opérateur, quel qu'il soit, a besoin de prévisibilité de ses ressources. Les communes n'échappent pas à cette règle.

Le constat sur l'état des finances locales est connu et unanime. Comme le souligne le Charles Guené, les collectivités « font face à un manque de visibilité et de prévisibilité qui résulte aussi bien de leur dépendance accrue aux financements étatiques que de l'illisibilité du système »143(*). Les réformes récentes de la fiscalité locale, dont la suppression de la taxe d'habitation, illustrent le défaut d'information préalable des collectivités territoriales qui sont pourtant directement concernées par ces changements. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, la commission des lois avait souligné le manque de concertation en amont des élus locaux, d'une part, et regretté le choix du Gouvernement de ne pas débattre de cette suppression dans un texte centré sur la fiscalité locale, d'autre part144(*).

En outre, selon le sénateur Agnès Canayer, le manque de lisibilité des finances locales est aussi dû à « l'émiettement des mesures budgétaires et fiscales ayant une incidence sur les ressources comme les dépenses des collectivités territoriales dans le projet de loi de finances »145(*). Elle souligne à cet égard que la mission « Relation avec les collectivités territoriales » (RCT) ne représente qu'une part résiduelle des transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales. Selon le projet de loi de finances initial pour 2023, la mission « RCT » portait sur 4 % de ces montants. Cela représente environ 4,4 milliards d'euros sur 107,6 milliards transférés par l'État aux collectivités.

Le débat parlementaire sur les finances publiques apparaît donc morcelé, empêchant toute vision d'ensemble. Pour le sénateur Charles Guené, « il n'existe pas de cadre législatif retraçant de manière globale les prévisions de recettes et de dépenses des collectivités territoriales pour l'année. Du fait de la bipartition des lois de finances, ces dispositions sont éclatées entre la première (prélèvements sur recettes, impôts locaux) et la seconde partie (répartition des concours financiers de l'État et des fonds de péréquation). »146(*)

L'introduction à l'article 34 de la Constitution des lois de programmation des finances publiques (LPFP) aurait pu changer la donne et offrir aux élus locaux une meilleure prévisibilité de l'évolution des dotations d'État.

Néanmoins, en pratique, l'expérience a plutôt été mitigée voire négative. En effet, comme le note le Charles Guené dans l'avis cité précédemment, « les dernières lois de programmation des finances publiques (LPFP) se sont attachées à contraindre l'évolution de leurs dépenses de fonctionnement par la définition d'un objectif d'évolution de la dépense locale (Odedel), ce qui revient à assumer la réduction drastique des marges de manoeuvres laissées aux collectivités territoriales dont les choix de gestion sont désormais particulièrement contraints »147(*).

Il poursuit en précisant qu'« en LPFP 2018-2022, le suivi de cet objectif a été assorti d'un mécanisme contractuel contraignant de surveillance et de sanction, les “contrats de Cahors”, portant une atteinte claire à la libre administration des collectivités territoriales ».148(*) La même problématique est apparue lors de l'examen, à l'automne 2022, du dernier projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. L'article 23 de ce texte prévoyait notamment un dispositif d'association des collectivités à l'objectif de redressement des dépenses publiques. Particulièrement décrié, il a été rejeté par les deux assemblées. Le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, Jean-François Husson, a d'ailleurs qualifié ce mécanisme de « liberté surveillée », estimant qu'il s'agissait d'un dispositif très proche des anciens « contrats de Cahors »149(*).

Cependant, comme le relève Charles Guené, c'est moins l'outil en lui-même que « les choix politiques successifs opérés par l'État » qui ont conduit à cet échec150(*). Ceci le conduit à plaider pour faire « des LPFP de véritables outils de visibilité pour les collectivités territoriales, y compris en matière d'évolution des ressources de fiscalité partagée et d'évolution des compensations des transferts de compétences [...] et non des instruments de contrainte budgétaire comme ce fut le cas jusqu'ici »151(*).

Le rapporteur de la mission d'information estime que, dans ces conditions, cette idée, également formulée par le groupe de travail « Décentralisation » présidé par le Président du Sénat, Gérard Larcher, mérite d'être reprise pour apporter aux collectivités territoriales, et tout particulièrement aux communes, une plus grande prévisibilité dans l'évolution des dotations d'État.

Proposition n° 3 : Assurer aux communes les moyens financiers de leur liberté : pour des financements lisibles et prévisibles.

Sous-proposition n° 3 : Faire des lois de programmation des finances publiques de véritables outils conférant une visibilité sur l'évolution des ressources des collectivités territoriales.

PARTIE III
REDONNER AUX MAIRES LE POUVOIR D'AGIR

I. DONNER AUX ÉLUS LES MOYENS DE TRANSFORMER LEUR ENGAGEMENT EN ACTION

Les résultats de la consultation des maires énoncés ci-avant mettent en lumière les nombreuses difficultés que les élus municipaux rencontrent au quotidien dans l'exercice de leur mandat. Éviter un approfondissement de la crise de la démocratie locale à l'horizon de 2026 exige d'y porter remède au plus vite.

Les attentes des élus locaux à l'égard de leur mandat sont claires et peuvent être résumées en deux points :

- en premier lieu, ils souhaitent retrouver de la simplicité et le sens de leur mandat, aujourd'hui enserré dans un enchevêtrement de complexités dont la résolution s'avère particulièrement énergivore ;

- en second lieu, ils désirent retrouver les moyens nécessaires qui garantiront leur liberté d'agir sur le territoire de leur commune.

A. LE POINT DE DÉPART : REDONNER DE LA SIMPLICITÉ À L'ACTION QUOTIDIENNE DES MAIRES

Réaffirmant une position constante du Sénat, le rapporteur de la mission a considéré que les élus municipaux ne sont ni des administrateurs d'un territoire, ni de simples agents de l'État. Ils n'ont donc pas vocation à voir le temps qu'ils consacrent à leur mandat être consommé par de nombreuses réunions avec divers services et agences de l'État ou à déchiffrer les nouvelles normes et obligations qui, avec un degré de précision toujours plus poussé, s'imposent à eux. Responsables politiquement devant leurs administrés de la mise en oeuvre d'un projet pour lequel ils ont été élus, les maires attendent d'avoir les moyens de se consacrer à la transformation de leurs projets en réalisations concrètes et de résoudre les problèmes de leur territoire.

Une telle attente n'est d'ailleurs pas le seul fait des élus et rejoint en réalité une attente démocratique légitime de nos concitoyens : l'impuissance publique érode la vitalité de la démocratie locale car quel sens peut avoir le vote si les élus ne sont pas en mesure de mener à bien les projets sur lesquels ils se sont engagés devant les électeurs ?

Dès lors, la mission propose quatre axes simples et pragmatiques pour reconnecter la réalité du mandat local aux aspirations des maires :

- la simplicité des normes ;

- un point d'entrée unique dans l'État et pour l'accès à l'ingénierie publique, le préfet de département ;

- la sécurisation de leurs projets, à chaque étape ;

- la limitation de leur participation obligatoire à des structures de coopération sans plus-value.

Le maître mot doit être de redonner de la simplicité à l'action quotidienne des maires. Cette proposition phare se décline en trois sous-propositions qui sont présentées dans les développements qui suivent.

Proposition n° 4 : Normes, ingénierie, financements, interlocuteurs : redonner de la simplicité à l'action quotidienne des maires.

1. Mettre un coup d'arrêt à la complexification des normes applicables au bloc local
(1) Un phénomène bien établi

Nombre d'élus locaux rencontrés par la mission se sont accordés à dénoncer le double mouvement, quantitatif et qualitatif, d'inflation et de complexification croissantes - et parfois injustifiées - des normes applicables au bloc local.

Ainsi, David Lisnard président de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), a déclaré devant la mission que « cette inflation normative entrave l'action non seulement par sa pesanteur mais aussi par ses contradictions juridiques internes auxquels les maires sont confrontés ».

Ce constat est d'ailleurs partagé par la Direction générale des collectivités locales (DGCL) qui indique dans ses réponses aux questions du rapporteur que « les représentants des élus locaux soulèvent régulièrement la nécessité de simplifier certaines normes applicables aux collectivités locales », précisant qu'« en 2022, ils l'ont, particulièrement, souligné s'agissant de la législation applicable à la commande publique et des multiples textes réglementaires relatifs à la responsabilité élargie des producteurs ».

Afin d'objectiver ce phénomène difficilement quantifiable, il est possible de mobiliser deux indicateurs.

L'augmentation constante et soutenue du volume des réglementations permet de mesurer la multiplication des normes applicables aux communes et aux maires.

En effet, comme l'a avancé David Lisnard au cours de cette même audition : « cela se traduit quantitativement par le triplement du volume du code général des collectivités territoriales en vingt ans », chiffre confirmé par la ministre Dominique Faure au Sénat lors de son audition par la mission d'information sur l'impact des décisions réglementaires et budgétaires de l'État sur l'équilibre financier des collectivités locales.

De la même manière, le code de l'urbanisme a connu une progression de 44 % du nombre de ses mots, passant de 185 000 mots au 1er janvier 2012 à près de 265 000 au 1er janvier 2023. Le code de l'environnement ou le code de la santé publique qui contiennent nombre de prescriptions applicables aux communes ou encadrant l'action municipale, ont connu une évolution comparable.

Le second indicateur est la perception, par les élus eux-mêmes, de la complexité normative. Comme on l'a vu précédemment, la consultation organisée par la mission d'information dresse, à cet égard, un constat implacable : cette complexité est dénoncée par les maires comme la première difficulté de l'exercice de leur mandat, avec un degré élevé de 8,34 sur 10, 760 maires sur 2 046 répondants la plaçant même au niveau maximum de 10.

L'impossible inventaire des normes imposées aux collectivités locales152(*)

« Si la grande majorité des élus s'accordent à dire que la multiplication des normes de l'État emporte des conséquences importantes sur les finances locales, dans le contexte budgétaire contraint que chacun connaît, il est difficile d'objectiver la situation. À l'heure actuelle, aucun thermomètre ne permet de mesurer la fièvre normative

« Il est impossible d'identifier le nombre de normes applicables aux collectivités locales et leur évolution dans le temps. Le nombre de 400 000 normes, parfois avancé, ne repose sur aucun recensement rigoureux. En effet, ni le Secrétariat général du Gouvernement ni la direction générale des collectivités locales ne disposent d'outils permettant de fournir le nombre de normes applicables, entendues comme des prescriptions que les collectivités doivent respecter. »

(2) Un phénomène protéiforme

La mission s'est attachée à dresser une typologie des complexifications des règles applicables aux communes et aux maires obérant inutilement leur liberté d'action et éloignant l'action quotidienne des maires du bon sens qui doit la caractériser.

Ce florilège se présente ainsi :

l'addition de normes toujours plus précises tant pour définir la répartition des compétences entre communes et intercommunalités que pour encadrer l'action des maires dans certains champs tels que l'urbanisme ;

À cet égard, la réglementation applicable au transfert des compétences « eau » et « assainissement » des communes vers les communautés de communes représente un modèle, sûrement sans égal, de complexité normative. Ainsi, quoi que l'on pense de la nécessité d'un tel transfert, l'on peut reconnaître sans difficulté que ses modalités, impliquant des régimes juridiques distincts dont l'application a été différée, des modalités de blocage, l'interdiction de constitution des syndicats infra-communaux, ont constitué de réelles complexités juridiques et généré ce faisant des risques contentieux.

Un exemple de contentieux sur le transfert de la compétence « eau » :
règle générale ou règle spéciale pour s'opposer à un transfert ?

Confronté au cas d'une communauté de communes ayant « contourné » le report du transfert obligatoire par délibération de certaines communes membres, dans les conditions de minorité de blocage prévues spécialement pour la compétence « eau », au moyen d'un transfert facultatif consenti par les communes membres dans les conditions de majorité prévues par le régime général de l'article L. 5211-17 du CGCT, le Conseil d'État153(*) a dû se prononcer sur le régime juridique applicable.

Se fondant sur les principes lex posterior derogat priori et lex specialis derogat generali, il a écarté l'application du régime général au bénéfice du régime particulier prévu par le législateur dans le cadre de la loi n° 2018-702 du 3 août 2018154(*). Le Conseil d'État a au surplus étendu la durée d'application de cette solution jurisprudentielle protectrice de l'intérêt des communes : il a ainsi jugé qu'après le 1er janvier 2020, « ces dispositions générales ne peuvent recevoir application qu'à la condition que ne s'y opposent pas, dans les trois mois, au moins 25 % des communes représentant au moins 20 % de la population. »

Un tel exemple témoigne du « jeu » que créent des normes toujours plus précises.

- les évolutions rapprochées et constantes du droit applicable conduisent les maires à devoir modifier ou compléter certains documents obligatoires suivant un rythme effréné, en particulier s'agissant de l'urbanisme ou de différents zonages communaux ;

Ainsi, le législateur a été contraint de desserrer de six mois, dans le cadre de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite « 3DS »155(*), le calendrier initialement prévu pour l'intégration dans les documents d'aménagement et d'urbanisme de l'objectif de « zéro artificialisation nette ».

- la persistance de normes complexes à mettre en oeuvre malgré leur caractère désuet et en l'absence d'assouplissements ou d'actualisation de celles-ci ;

À titre d'exemple, comme l'a justement fait remarquer au ministre de l'intérieur la sénatrice de la Loire Cécile Cuckierman « l'obligation d'installation d'un téléphone fixe dans les établissements recevant du public (ERP) et plus particulièrement dans les salles des fêtes communales [...] impose une ligne téléphonique fixe directe réservée pour alerter les pompiers »156(*). Toutefois, « de nombreux maires de communes rurales s'interrogent sur la nécessité de maintenir cette obligation en raison de l'abandon programmé du RTC et d'une dégradation importante du réseau de téléphone fixe dans les territoires ruraux ». De nouvelles solutions techniques ont pourtant été développées depuis l'institution de cette obligation dont la modification la plus récente remonte à un arrêté du 5 février 2007157(*).

Si le ministre de l'intérieur a admis la nécessité d'évolutions de ces règles compte tenu de la disparition effective du réseau téléphonique commuté (RTC) et du déploiement de nouveaux outils de communication, il n'a pour l'instant qu'« engagé des réflexions [...] pour adapter les dispositions relatives à l'alerte des secours dans les établissements recevant du public, notamment pour les salles communales »158(*).

- le défaut de mise en oeuvre par le pouvoir réglementaire des mesures de simplification proposées par le législateur ;

La suppression de la double tenue du registre d'état civil constitue un exemple typique de mesure de simplification appelée de ses voeux par l'ensemble des élus locaux non mise en oeuvre, faute d'action du pouvoir réglementaire. En effet, à l'initiative du Gouvernement, a été actée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle la suppression du principe historique de conservation en double exemplaire des registres d'état civil en cas de traitement automatisé des données dudit état civil, dans des conditions fixées par décret.

Toutefois, si le décret d'application a bien été pris plus de six mois après la publication de la loi159(*), cette mesure de simplification demeure inapplicable faute de publication d'un arrêté ministériel définissant ses modalités techniques, ainsi que l'a relevé Cyril Pellevat, sénateur de la Haute-Savoie, dans une question au garde des sceaux160(*).

La réponse du garde des sceaux, reconnaissant l'absence de mise en oeuvre de cette simplification pourtant initiée par le Gouvernement près de sept années après son vote, ne peut satisfaire les maires qui attendent cette mesure et qui, faute de publication, doivent continuer de maintenir la double conservation des actes161(*).

l'extinction de certaines simplifications faute de prolongation ;

A été introduite dans la loi dite « Engagement et Proximité » du 27 décembre 2019, à l'initiative du Gouvernement, la faculté pour les maires de délivrer, dans les communes de moins de 3 500 habitants, une licence de quatrième catégorie, à condition que les communes n'en disposent pas. Comme l'avait alors annoncé le Gouvernement dans l'objet de son amendement, cette mesure de simplification « vis[ait] à soutenir les petits commerces dans les zones rurales, [particulièrement] la réimplantation de cafés [et] à éviter le départ des débits de boissons vers des territoires plus attractifs »162(*). Cette nouvelle faculté octroyée aux maires avait une durée de trois ans, compte tenu de l'habilitation conférée au Gouvernement de légiférer par ordonnance pour rénover et simplifier le régime juridique des débits de boissons. Toutefois, comme l'a souligné Pascale Gruny, rapporteur du bilan de l'application des lois, cette habilitation « n'a donné lieu à la prise d'aucune ordonnance »163(*) et a donc expiré.

- la complexification des normes votées par le législateur du fait des décisions du pouvoir réglementaire ;

L'exemple de la mise en oeuvre de l'objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) est à ce sujet particulièrement éclairant. La mission d'information du Sénat relative à la mise en oeuvre du ZAN a décrit les nombreuses difficultés tant pratiques que juridiques auxquelles se heurtent les communes dans la mise en oeuvre du « casse-tête du ZAN » au premier rang desquelles « les règles de comptabilisation de l'artificialisation bien trop floues [...] obligeant les collectivités à fixer ou accepter à l'aveugle leurs objectifs ZAN »164(*).

Au surplus, les décrets d'application de ces textes ont conduit non seulement à « une réduction de la liste des critères de territorialisation » et à « conférer au SRADDET165(*) une portée plus contraignante limitant de facto la possibilité d'adapter localement les objectifs régionaux »166(*). Ce mouvement conduit à un centralisme régional, non prévu par la loi et allant parfois à l'encontre même des volontés des exécutifs régionaux, venant complexifier encore davantage la mise en oeuvre d'un objectif national dont la territorialisation et les souplesses d'adaptation devaient être les plus larges possibles pour le rendre effectivement praticable pour les communes et intercommunalités.

Si la mission n'a pas pour objet de se prononcer politiquement sur l'objectif programmatique poursuivi par ces dispositifs, force est de constater que sa mise en oeuvre - qui devait, comme l'a toujours souhaité le Sénat, être différenciée et territorialisée - est inutilement rendue plus complexe par le pouvoir réglementaire...

(3) Des conséquences néfastes

Comme l'a relevé la mission d'information relative à la mise oeuvre du ZAN, « cette inflation normative a des répercussions financières, directes ou indirectes, sur la conduite des grandes politiques publiques locales »167(*). Les seuls coûts directs pour les collectivités de ce phénomène d'ampleur ont d'ailleurs été chiffrés à 2,5 milliards d'euros par le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) en 2022168(*).

De l'aveu même de la DGCL, « la question de la simplification normative est source d'enjeux démocratiques majeurs, locaux comme nationaux ; (...) la complexité grandissante de notre droit et l'inflation normative nuisent à l'intelligibilité, la lisibilité et à la transparence de l'action publique ». Le même constat a été dressé par Martial Foucault, professeur de sciences politiques et directeur du centre de recherches politique de Sciences Po (Cevipof), lors de son audition par la mission, qui relevait parmi les sources d'insatisfaction des élus dans l'exercice de leur mandat « l'inflation normative, qui rend la fonction de plus en plus technique, à l'opposé de ce que porte la notion d'engagement politique. Cela est particulièrement le cas des municipalités qui ne disposent pas d'un secrétaire de mairie. »

Le rapporteur rejoint en cela le professeur Foucault, et relève que cette difficulté est amplifiée pour les communes disposant de faibles capacités d'ingénierie, qui peinent alors à suivre les évolutions législatives et réglementaires qui se succèdent à une cadence particulièrement rapide, y compris sur des sujets parfois identiques.

(4) Une action résolue à conduire, tant sur le flux que sur le stock de normes

Le législateur doit agir avec résolution pour réduire cette inflation et cette complexification normative. On peut d'ailleurs se féliciter que le Sénat se soit déjà engagé dans cette voie.

Ainsi, pour agir sur le « flux » des normes, le président du Sénat, Gérard Larcher, et la présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Françoise Gatel, ont signé au nom du Sénat avec le Gouvernement, représenté par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu, une charte de la simplification destinée à simplifier les normes applicables aux collectivités.

Volet « mieux légiférer » de la charte de simplification des normes
signée entre le Sénat et le Gouvernement

« veillant à ce que les lois territoriales n'empiètent pas sur le pouvoir réglementaire, le Gouvernement et le Sénat pourront, dans les projets de lois à fort impact sur les collectivités territoriales, insérer, si nécessaire, des clauses de réexamen, voire, dans certains cas, à titre expérimental, des clauses « guillotine » ;

« ils encourageront le renforcement des formations de légistique destinées respectivement aux fonctionnaires et aux parlementaires ;

« afin de s'assurer de l'opportunité de recourir à une nouvelle norme législative, le Sénat et le Gouvernement s'engagent à développer les études présentant les différentes options ;

« le Gouvernement diffusera, à l'occasion de l'étude d'impact, l'avis du CNEN qui lui a été rendu en application de l'article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales ;

« le Gouvernement présentera dans l'étude d'impact des lois territoriales à enjeux financiers, conformément à la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution les impacts budgétaires prévisibles sur les collectivités territoriales, et indiquera selon quelles modalités (calendrier et vecteur législatif) le budget de l'État les prendra en compte ;

« le Gouvernement favorisera les expérimentations législatives locales, en lien avec le réseau préfectoral. Il s'engage à en évaluer le bilan pour définir les suites à donner »

Source : Sénat169(*)

Rappelé par le groupe de travail présidé par Gérard Larcher relatif à la décentralisation, l'objectif de la « sobriété normative » devra irriguer l'ensemble des travaux à venir du législateur, à commencer par le Sénat, pour apporter un premier coup d'arrêt à la complexité normative.

Plus précisément, poursuivant le même objectif, l'utilisation de l'expérimentation locale doit être promue en ce qu'elle permet de s'assurer, en amont de la production d'une nouvelle norme, de son adéquation avec les besoins locaux. Cette expérimentation pouvant revêtir la forme législative ou réglementaire est déjà prévue par les textes applicables et a récemment fait l'objet d'assouplissements bienvenus afin, notamment, de permettre l'adoption de règles différenciées à l'issue de l'expérimentation sur l'ensemble du territoire170(*).

Par ailleurs, la promotion du droit de dérogation du préfet en fonction des circonstances locales est un deuxième vecteur de simplification normative en ce qu'il permet au préfet, sans recourir à une nouvelle norme législative, de déroger, dans certains domaines limitativement énumérés, à une réglementation nationale. Ce pouvoir participe de la différenciation territoriale et de la conception promue par le Sénat des lois des territoires qui doivent, plutôt que d'énumérer de nombreuses exceptions, être des « lois des possibles », le législateur n'intervenant que pour fixer le cadre et les grands principes, qu'il convient ensuite aux préfets comme aux élus municipaux de mettre en oeuvre.

Ainsi, Sénat comme Gouvernement devront appliquer effectivement cette charte dont seul un suivi méticuleux, chiffré et attentif permettra d'en mesurer les effets concrets comme de constituer une « corde de rappel » pour le législateur.

En second lieu, une action résolue afin de simplifier le « stock » de normes existantes obérant la liberté d'action des maires et des communes doit être menée, avec le CNEN.

Ainsi que l'a préconisé le groupe de travail précité, une revue de ces normes doit être conduite le plus rapidement possible avec le CNEN. Elle pourrait déboucher sur une initiative législative destinée à abroger ou modifier ces normes. Ce travail pourrait, s'intéresser prioritairement aux codes multipliant les irritants pour les maires et les communes, en particulier les codes de l'urbanisme et de l'environnement.

2. Rationaliser l'accès à l'État pour les maires : pour un interlocuteur unique et accessible, le préfet de département

Les élus municipaux rencontrent trop souvent des difficultés dans leur accès à l'État.

En premier lieu, ils ne disposent pas nécessairement d'un accès aisé aux représentants de l'État. Les sénateurs Agnès Canayer et Éric Kerrouche ont ainsi relevé que, parmi les élus municipaux consultés dans le cadre de leurs travaux, « neuf sur dix (89,5 %) expliquent n'avoir “rarement ou jamais” d'échange avec leur préfet, cette proportion [étant] ramenée à sept sur dix (71,1 %) concernant le sous-préfet et un élu communal sur quatre (25,4 %) [indiquant] avoir une fréquence de “un à trois” échange(s) par mois avec lui »171(*). Si l'on peut se féliciter que les sous-préfets soient plus accessibles pour les élus municipaux que les préfets, il demeure surprenant qu'une nette majorité des élus n'aient que peu ou pas d'échanges avec le sous-préfet.

En second lieu, la profusion des interlocuteurs résultant de l'émiettement et l'agencification de l'État territorial rend aujourd'hui difficile l'identification de l'interlocuteur pertinent pour les élus municipaux en recherche d'un soutien de l'État territorial. Comme le rappelaient Agnès Canayer et Éric Kerrouche dans le même rapport, « Du point de vue des élus locaux, cette profusion d'acteurs rend difficile l'identification du bon interlocuteur au sein de la “nébuleuse étatique”. », 61 % des élus consultés par les rapporteurs considéraient « que même à l'issue des différents plans de modernisation des services déconcentrés de l'État, ils n'ont pas l'impression de trouver le bon interlocuteur », 64,7 % considérant en conséquence que « les agences de l'État sont trop nombreuses ».

Outre le coût administratif que représente, pour des élus municipaux contraints de procéder à des demandes multiples, auprès d'acteurs divers, afin d'obtenir une réponse à leur sollicitation, trois difficultés peuvent naître d'une telle situation :

la perte d'unicité de la parole de l'État ;

le défaut d'information coordonnée et claire adressée aux élus locaux ;

un accès excessivement complexe, particulièrement pour les communes de petite taille, aux services de l'État, notamment en matière d'ingénierie.

Sur chacune de ces difficultés, le rapporteur estime que des améliorations sont possibles afin de donner aux élus municipaux un interlocuteur unique identifié, accessible et agissant au niveau pertinent.

a) Pour un État territorial renforcé et unifié

Comme le relevait le rapport précité d'Agnès Canayer et Éric Kerrouche, l'éclatement et l'agencification de l'État territorial ne sont pas sans conséquence sur « la présence de l'État dans les territoires, l'unicité des positions qu'il est censé affirmer et, au final, sa relation avec les élus locaux », ajoutant qu'« au cours de la dernière décennie, on a souvent vu des administrations publiques de réseau (comme, par exemple, les finances publiques, Pôle Emploi...) annoncer sans coordination des fermetures d'agence ou d'antenne à quelques mois ou mêmes quelques semaines d'intervalle sur une même commune, plaçant celle-ci en grande difficulté. » Faute de coordination, « des dissonances, voire des contradictions, entre les réponses rendues par les différentes autorités administratives sollicitées » peuvent émerger, dévalorisant la parole même de l'État, « perdant son unicité ».

Ce fonctionnement en silos, bien connu des élus municipaux, représente un coût administratif non négligeable pour ces derniers. En conséquence, le rapporteur estime indispensable de procéder à de rapides améliorations dans l'organisation de l'État territorial.

· L'unification des services de l'État autour du préfet

En premier lieu, il convient de faire du préfet de département l'interlocuteur unique des élus, doté d'une autorité fonctionnelle sur l'ensemble des services territoriaux de l'État. Il doit ainsi être doté du statut de délégué territorial de l'ensemble des agences : des avancées ont été progressivement réalisées en la matière, y compris dans le cadre de la loi « 3DS » qui a octroyé au préfet de département le statut de délégué territorial de l'Office français de la biodiversité et à celui de région la qualité de délégué territorial de l'Ademe. Un tel mouvement doit impérativement se poursuivre et être progressivement étendu à l'ensemble des agences de l'État.

Le statut de délégué territorial

Sans remettre en cause l'autonomie des établissements concernés, le préfet peut être désigné délégué territorial de certains établissements.

Ce statut confère aux préfets plusieurs attributions, prévues aux articles 59-1 à 59-3 du décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, en particulier :

- coordonner l'action de l'établissement public avec celles des administrations et autres établissements publics de l'État, ce qui implique de « [s'assurer] de la cohérence de l'action respective des services de l'État et de l'établissement à l'égard des collectivités territoriales » (article 59-2) ;

- représenter localement l'établissement (1° de l'article 59-3) ;

- édicter à l'attention du représentant territorial de l'établissement public des directives d'action territoriale (DAT) (2° de l'article 59-3) ;

- participer à l'évaluation du responsable territorial en tant qu'autorité fonctionnelle au nom de l'État (3° de l'article 59-3) ;

- être l'ordonnateur secondaire de l'établissement public.

Les établissements publics concernés doivent figurer sur une liste établie par un décret en Conseil d'État, le décret n° 2012-509 du 18 avril 2012. Ils sont actuellement au nombre de sept : l'Agence nationale de l'habitat (Anah), l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), l'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (Odeadom), l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et l'Office français de la biodiversité (OFB)172(*).

Plus généralement, les relations au sein de l'État territorial entre les préfets et certains services ou agences échappant à son autorité gagneraient à être clarifiées. C'est notamment le cas des agences régionales de santé (ARS), dont les décisions ont paru éloignées du terrain et insuffisamment à l'écoute des élus locaux, particulièrement municipaux, dans le cadre de la réponse à l'épidémie de la covid-19173(*). Si l'article 27 de la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, dite « Lopmi » - qui permet de placer sous l'autorité du préfet de département, dans certaines situations de crise, l'ensemble des services de l'État - a constitué une avancée bienvenue, il convient d'en prolonger le mouvement.

L'État territorial connaît d'ailleurs déjà de telles formes d'organisation, plus accessibles pour les maires en ce que le préfet de département a gagné en autorité sur certaines missions des démembrements de l'État sur son territoire. En effet, les délégations régionales académiques à la jeunesse, à l'engagement et aux sports (Drajes) sont déjà placées, pour les missions qui relèvent de la compétence des préfets de département ou de région, sous l'autorité fonctionnelle de ceux-ci174(*). De façon similaire et à tout le moins dans un premier temps, il devrait être envisagé, sur la base d'un inventaire précis des missions des ARS, d'identifier celles de ces missions pour lesquelles les services pourraient être placés sous l'autorité fonctionnelle des préfets de département et de région et qui concernent les maires, au premier chef desquelles la santé publique et la salubrité notamment, deux missions pour lesquelles les préfets comme les maires disposent déjà de compétences étendues. À plus long terme, il apparaît nécessaire de mieux valoriser le rôle de représentant de l'ensemble des membres du Gouvernement du préfet.

Ces efforts demeureront néanmoins partiels s'ils ne s'accompagnent pas d'un nécessaire coup d'arrêt porté à l'agencification de l'État. Une réflexion sur le périmètre de ces agences gagnerait à être menée, dans le but de déterminer la pertinence de celles-ci. Au terme de celle-ci, la suppression de certaines agences au bénéfice des services de l'État devrait être envisagée, afin de renforcer les services de l'État. Certains de ses agents y semblent d'ailleurs prêts : ainsi Olivier Jacob, directeur du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (Dmates) a-t-il estimé lors de son audition par la mission que, malgré des progrès dans la lutte contre l'agencification, « il n'en demeure pas moins que, pour les agences, il existe encore des progrès à réaliser ».

· Le réarmement de l'État territorial

Unifier l'accès à l'État sans apporter de plus de moyens pour répondre aux demandes des élus ferait courir le risque d'une embolie des services.

C'est pourquoi il est nécessaire de poursuivre le réarmement de l'État territorial engagé depuis 2021 que la sénatrice de la Loire Cécile Cukierman a pu décrire, dans son avis sur la mission « Administration générale et territoriale de l'État » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023175(*), comme un « changement de paradigme » puisqu'il vise expressément la « consolidation de l'échelon infra-départemental ».

Si l'on ne peut que se réjouir de cet aggiornamento du dogme budgétaire de l'administration centrale, le rapporteur rejoint néanmoins Cécile Cukierman dans son constat : « force est de constater, cependant, que [cette prise de conscience] intervient trop tardivement et qu'elle ne s'accompagne pas de moyens budgétaires suffisants ». Ce même avis estimait ainsi que la création annoncée par le Président de la République le 10 octobre 2022 de six sous-préfectures176(*) était un trompe-l'oeil : « il s'agit en réalité de “déjumeler” des sous-préfectures fermées à la faveur des dernières réformes de l'administration territoriale de l'État. Seule une création de nouvelle sous-préfecture est prévue à Saint-Georges-de-l'Oyapock, en Guyane. » La programmation budgétaire paraît pour l'heure insuffisante.

Ce réarmement nécessaire doit en conséquence s'intensifier, au-delà des effets d'annonce, afin de le porter. Cécile Cukierman notait ainsi que « lors de son audition par la commission des lois le 2 novembre 2022, Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer, a annoncé que le Gouvernement se fixait pour objectif de créer 400 postes dans les préfectures avant la fin du quinquennat », « le schéma d'emplois du programme 354 [devant] ainsi augmenter de 4 % sur la période ». Ces annonces sont bienvenues, mais elles doivent connaître une traduction budgétaire concrète ; force est de constater que celle-ci fait encore défaut. Ainsi, le ministère de l'intérieur prévoyait dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023 « la création de 210 ETP sur trois ans dont 48 en 2023, 110 en 2024 et 52 en 2025 », à la hauteur des missions qui doivent être celles des préfectures et sous-préfectures, y compris en réallouant vers elles des effectifs des agences, notamment offrant des services d'ingénierie telles que l'Ademe et l'ANCT.

Enfin, ce réarmement de l'État territorial doit privilégier les emplois qui font le lien avec les communes et les élus municipaux, notamment à travers un renforcement des services dédiés à l'ingénierie et aux contrôles budgétaire et de légalité.

La consultation organisée par la mission d'information montre en effet que, sur les 44,1 % de répondants (ce qui représente 1 294 élus) dont la commune n'a pas eu l'occasion de candidater aux appels à projet de l'État, le manque de moyens humains en est la cause dans 63,2 % des cas.

Au regard du rôle essentiel qu'elles jouent pour nos concitoyens, les communes doivent enfin être considérées par les services de l'État, centraux comme déconcentrés, comme une priorité de premier rang.

· Pour une action de l'État territorial plus agile et plus lisible

Enfin, deux évolutions pourraient être envisagées, concomitamment à celles évoquées ci-avant, pour rendre l'action de l'État territorial plus agile et plus lisible.

S'agissant de l'agilité, la déconcentration plus poussée des moyens de gestion alloués aux préfets de département et de région va dans le bon sens. À titre d'exemple, la circulaire interministérielle du 22 décembre 2021 relative à l'élargissement de la faculté de choix de leurs collaborateurs par les autorités déconcentrées a ouvert la possibilité à tous les préfets de région, à partir du 1er janvier 2022, « de redéployer annuellement jusqu'à 3 % des effectifs du plafond global des emplois qui leur sont notifiés sur le périmètre de l'administration territoriale de l'État ». Selon le rapporteur, de tels mouvements d'effectifs doivent être employés par les préfets de région pour positionner des effectifs supplémentaires là où les communes en ont le plus besoin.

Par ailleurs, s'agissant de la lisibilité de l'action des préfets, il convient de publier systématiquement la feuille de route des préfets, action simple et réalisable à moyens constants.

La méthode de la « feuille de route » :
donner un mandat interministériel clair au préfet

Alors que la circulaire n° 6230/SG du 18 novembre 2020 détaille le suivi de l'exécution des priorités gouvernementales, la circulaire n° 6259/SG du 19 avril 2021 précise les conditions de mise en oeuvre de la « feuille de route ».

La combinaison de l'identification de réformes prioritaires et de la « feuille de route » vise à asseoir et renforcer le rôle du préfet dans le pilotage et l'animation des services et des opérateurs de l'État, en lien avec les collectivités territoriales et les autres partenaires de l'action publique locale.

La « feuille de route » est signée par le Premier ministre et donne au préfet un mandat de trois ans.

Les objectifs des réformes prioritaires sont territorialisés à la maille départementale et actés entre le préfet et les administrations centrales, en tenant compte des enjeux propres à chaque territoire. Les « feuilles de route » interministérielles identifient les réformes prioritaires et les projets structurants locaux à fort enjeu demandant un engagement personnel et un investissement particulier du préfet.

Les résultats obtenus par le préfet sont pris en compte dans son évaluation et la détermination de la part variable de sa rémunération.

Source : rapport d'Agnès Canayer et Eric Kerrouche précité

Si certaines préfectures ont effectivement communiqué sur la feuille de route, toutes ne l'ont pas fait alors même que celle-ci comporte une partie « ascendante », à la main du préfet, qui lui permet de fixer les priorités de son action : il convient donc d'en systématiser la publication, afin notamment de s'assurer que le soutien à l'action des maires soit suffisamment pris en compte dans chacune de ces feuilles de route. Conscient de la sensibilité de certaines informations contenues par les feuilles de route, il ne s'agit pas ici de prôner une publication intégrale des « feuilles de route » mais bien de plaider en faveur de la publication systématique des éléments susceptibles d'intéresser les maires et le quotidien de leur territoire.

b) Pour un État territorial plus facile d'accès aux maires

Au-delà de son renforcement et de l'unification de sa parole, l'État territorial doit impérativement se rendre plus accessible aux maires. Une telle évolution passe par une information renforcée sur les opérations des différents services de l'État sur le territoire de la commune et par un accès aux services de l'État, notamment en matière d'ingénierie, largement simplifié.

(1) Informer systématiquement les maires des opérations des différents services ou agences de l'État ayant lieu sur le territoire de la commune et les y associer

L'État et ses différents démembrements considèrent encore trop souvent les communes comme quantité négligeable dans la conduite de leurs actions. Même lorsque celles-ci recueillent l'accord des élus municipaux, en particulier des maires, ceux-ci n'en sont pas systématiquement informés.

À titre d'exemple, l'article 156 de la loi « 3DS » a étendu, à l'initiative du Sénat, à l'ensemble des communes et EPCI à fiscalité propre l'obligation d'information préalable par le préfet de département en cas de fermeture de services publics. Une telle mesure est bienvenue, mais il est notable qu'une intervention du législateur est nécessaire pour faire advenir un changement culturel qui devrait pourtant être intégrée, par principe, à la culture de l'État territorial. Plus préoccupant encore, malgré cette modification législative, un récent rapport de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales a préconisé de « rendre effective l'obligation d'information des élus locaux en amont de toute évolution des services de l'État dans leur territoire » et estimant « indispensable de rappeler l'obligation incombant à l'État »177(*) en la matière, qui échoue pour l'instant à la mettre en oeuvre effectivement.

Plus généralement, si l'information doit être renforcée s'agissant des compétences de l'État, les communes et les maires réclament avec constance une meilleure association aux décisions de l'État dans les champs de compétences qu'ils partagent avec celui-ci. Si les exemples en la matière ne manquent pas, un récent rapport de l'Inspection générale de l'administration (IGA) mentionnait notamment l'intérêt d'une meilleure association des communes et intercommunalités aux politiques d'éducation et de logement, dans le but d'une meilleure territorialisation178(*).

Le rapporteur est favorable à une telle évolution mais estime qu'il y a là un enjeu de principe : il n'est pas acceptable que le maire ne soit pas informé de toute opération à laquelle procèdent des services de l'État ou de ses démembrements sur le territoire de la commune. C'est tout particulièrement le cas pour des agences de l'État, qui n'ont pas nécessairement la même conscience que les préfets et sous-préfets des relais que constituent les élus locaux pour leur action. À titre d'exemple, la sénatrice Denise Saint-Pé a récemment attiré l'attention du Gouvernement sur l'insuffisante articulation entre les obligations d'information en matière de défrichement et de coupe ou d'abattage d'arbres, d'une part, et celles prévues en matière d'urbanisme, d'autre part. Cette inadéquation conduit à des situations extrêmement dommageables : « de nombreuses communes rencontrent des difficultés, en l'absence de dispositif de “porté à connaissance” des projets de coupes de bois relevant du code forestier et qui peuvent concerner des espaces boisés classés au titre des documents d'urbanisme communaux »179(*). L'ensemble des opérations ainsi conduites, notamment par l'OFB, sur le territoire de la commune gagneraient ainsi être déclarées au préalable au maire de la commune concernée.

Au-delà de ce premier exemple, le récent épisode, particulièrement médiatisé, du centre d'accueil pour demandeurs d'asile installé à Saint-Brevin-les-Pins a montré les difficultés que d'insuffisantes informations et associations des élus municipaux sur des décisions de l'État étaient susceptibles de générer. L'audition de Yannick Morez, maire démissionnaire de cette commune, témoigne d'ailleurs, d'une part, du caractère unilatéral des décisions prises par l'État et, d'autre part, du peu de cas fait par l'État pour préparer et associer la commune - ses élus, ses services, mais aussi ses habitants - à sa décision.

Extraits de l'audition de Yannick Morez
devant la commission des lois du Sénat et la mission d'information

« En 2016 [...], à la suite du démantèlement de la « jungle » de Calais, l'État nous a imposé l'arrivée de migrants et la création d'un centre d'accueil et d'orientation (CAO) de demandeurs d'asile. Il devait être situé dans un ancien centre de vacances qui appartenait au comité d'entreprise d'EDF, et qui n'était plus en fonction, puisqu'il n'était plus aux normes. [...]

« Le 11 mars 2021, j'ai invité le sous-préfet visiter un bunker - nous en avons plusieurs sur notre littoral - qui avait été réhabilité. À la fin de cette visite, il m'apprend que l'État a décidé que le centre d'hébergement d'urgence deviendrait un centre d'accueil de demandeurs d'asile (Cada) de façon pérenne. Il m'en a informé tout de go, de façon verbale ; je n'ai même pas reçu de courrier. De plus, le bâtiment du précédent centre, qui appartenait au comité d'entreprise d'EDF, était en vente et des promoteurs étaient déjà intéressés. Le préfet m'a indiqué qu'il nous fallait trouver un autre site pour accueillir ce Cada qui allait s'installer dans notre commune. [...]

« La première difficulté pour ce Cada, qui correspondait, tout simplement, à une délocalisation dans un autre quartier, c'est que l'État et ses représentants ne souhaitaient ni communiquer ni informer les habitants. Ils ont laissé la municipalité s'en charger, alors que c'était pourtant un projet de l'État. Nous avons donc organisé une réunion avec les parents d'élèves, la directrice de l'école et les différentes associations dont une qui, au sein de l'école, gère les accueils de loisirs sans hébergement. Nous les avons réunis de façon à les informer de ce projet le 5 octobre 2021, en mairie. Dès le lendemain, parce que nous savions bien que la nouvelle allait se diffuser à toute vitesse, nous avons distribué un flyer dans tout le quartier. Nous avons également publié des messages sur les réseaux et sur le site de la commune, ainsi que dans le bulletin hebdomadaire d'information Brev'Infos, sans oublier le magazine municipal de novembre-décembre 2021 et répondu pour l'écriture de nombreux articles de presse. Tout se passait alors bien, mais c'était la municipalité qui annonçait la nouvelle et qui a été chargée de l'expliquer à la population. »

Abondamment relayé, le cas brévinois témoigne ainsi d'un manquement caractérisé de l'État territorial dans ses obligations, si ce n'est juridiques, du moins de courtoisie républicaine, d'information des élus municipaux. Il en résulte pour les élus municipaux, à commencer par le maire, une double injustice :

- il est parfaitement inacceptable que le maire et l'équipe municipale se trouvent, faute d'information et d'association préalables, simples récipiendaires d'une décision à même de bouleverser en profondeur l'équilibre de la commune ;

- il est au surplus inadmissible que l'État n'assume pas les conséquences de ses décisions et fasse porter à l'équipe municipale la charge de l'information des administrés à une décision qu'elle n'a pas prise, et dont elle devra ultérieurement, fort tragiquement, payer les conséquences dramatiques.

(2) Simplifier l'accès à l'État sous l'égide du préfet de département : l'exemple de l'ingénierie

L'information et l'association des communes doivent au surplus se doubler d'un accès simplifié des communes aux services de l'État dont elles sollicitent l'appui. À ce jour, cet accès est rendu particulièrement complexe : c'est notamment le cas s'agissant de l'ingénierie.

Les communes pâtissent à cet égard de plusieurs difficultés :

la complexité des procédures, souvent jugées labyrinthiques, et plus largement la logique d'appels à projets, qui rend difficile l'obtention des financements ;

la nécessité de co-financements, qui peut ponctuellement nuire à la conduite d'un projet ;

la méconnaissance des dispositifs existants, dont la publicité est souvent mal assurée par les services et agences de l'État responsables et la multiplicité des acteurs.

Le récent rapport de Charles Guené et Céline Brulin notait ainsi que l'Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT) était particulièrement mal connue des élus locaux : plus de la moitié n'en avait pas entendu parler (52,1 %) et les trois quarts n'avaient jamais fait appel à ses services (74,1 %)180(*).

Il importe dès lors de simplifier l'accès des communes à l'offre d'ingénierie de l'État, notamment s'agissant de l'ANCT.

Le directeur général de l'ANCT, Stanislas Bourron, a indiqué souhaiter « avancer sur la déconcentration [du] marché d'ingénierie [de cette agence] pour l[a] rendre plus facilement mobilisable par les préfets de département, sans passer par une sollicitation parisienne. » Une telle évolution est particulièrement bienvenue : il est particulièrement inefficace que des décisions de financement soient prises depuis Paris, alors que la réalité des territoires est connue au plus près du terrain !

Cette déconcentration de la décision doit également s'opérer au sein des comités locaux de cohésion des territoires (CLCT), qui doivent permettre de mieux coordonner l'offre publique d'ingénierie. À titre d'exemple, certains conseils départementaux disposent d'une agence technique départementale structurée proposant une offre d'ingénierie de qualité aux communes et certaines intercommunalités sont également capables d'assister leurs communes membres dans la conduite de projets municipaux ; à l'inverse, dans d'autres territoires, l'offre d'ingénierie est particulièrement lacunaire. L'État doit donc jouer à plein le rôle péréquateur qui lui échoit, en ciblant son offre d'ingénierie dans les communes les plus en difficulté. Une telle évolution ne peut intervenir que par la déconcentration des décisions, seule à même d'apporter l'offre d'ingénierie au niveau pertinent.

Proposition n° 4 : Normes, ingénierie, financements, interlocuteurs : redonner de la simplicité à l'action quotidienne des maires.

Sous-proposition n° 1 : Simplifier, renforcer et unifier autour du préfet de département l'accès des maires à l'État.

3. Sécuriser les maires dans la conduite de leurs projets

Comme l'a montré la consultation menée par la mission, la conduite de projets est l'une des missions considérées comme les plus gratifiantes par les maires : sur les 2 954 répondants, maires et autres élus municipaux, 934 l'ont ainsi jugé « extrêmement satisfaisant » - en lui attribuant la valeur la plus élevée de 10 ; la seconde mission obtenant le plus souvent une valorisation de 10 - la représentation de la commune et de ses administrés - arrive nettement derrière, avec 688 répondants. Plus généralement, 87,1 % des répondants ont attribué une valeur supérieure à 7 à cette mission et, parmi eux, les maires lui ont donné la note moyenne de 8,34. Il apparaît donc clairement que le sens et l'intérêt du mandat de maire résident aujourd'hui, en premier lieu, dans la capacité à conduire des projets.

Or les maires sont trop souvent empêchés de conduire efficacement des projets, alors même que ceux-ci fondent généralement leur légitimité : de tels projets ont souvent été au coeur de leur campagne et sont parfois très identifiés de leurs administrés. Deux axes clairs d'amélioration se dessinent en la matière selon le rapporteur : la sécurisation des financements ; la sécurisation juridique des projets. Trois outils peuvent être mobilisés à cette fin : la fusion des dotations d'investissement, le rescrit et les guichets et dossiers uniques.

(1) Une indispensable sécurisation financière

En premier lieu, s'agissant des financements, la conduite administrative du projet doit être simplifiée. L'État ne doit pas faire supporter aux élus municipaux le poids de sa propre complexité. Comme dans d'autres champs de l'action publique - notamment en matière de prestations ou d'action sociales - l'État doit procéder à une révolution copernicienne de son mode de pensée et internaliser la contrainte administrative que son fonctionnement génère. Dans ces conditions, il importe qu'il simplifie drastiquement le mode d'obtention des dotations et des subventions d'investissement par les communes. Il en résulte deux propositions concrètes :

· d'une part, sur le plan structurel, procéder à la fusion des diverses dotations d'investissement :

La coexistence de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et du fonds vert paraît à cet égard particulièrement complexe sans que la démonstration ait été faite de son utilité en dehors d'une gestion partagée entre divers acteurs ministériels, ce qui ne saurait suffire à la justifier aux yeux des élus locaux. Le circuit d'attribution de la DSIL et de la DETR sont, dans les faits, intimement liés : la première étant parfois utilisée pour compenser un défaut d'attribution de la seconde et les services instruisant les demandes étant finalement souvent les mêmes malgré un niveau d'attribution régional pour la première et départemental pour la seconde. De même, la pertinence du fonds vert, distinct de ces deux dotations, ne semble pas démontrée pour l'heure, bien qu'il soit prématuré d'en tirer un bilan définitif à l'issue de sa première année d'existence.

Dans ces conditions, il est proposé de fusionner ces trois sources de financement au sein d'une unique dotation de soutien à l'investissement, à moyens au moins constants, attribuée au niveau départemental. Objectifs, les critères en seraient unifiés et clarifiés, et l'ensemble des attributions de cette dotation unique seraient soumises au contrôle des élus locaux, dans le cadre d'une commission modelée sur la commission dite « DETR » aux prérogatives élargies. Cette commission serait notamment destinataire de l'ensemble des projets, y compris ceux n'étant pas retenus par le préfet, afin de disposer d'un niveau d'information suffisant, ce qui n'est toujours pas le cas des actuelles commissions DETR.

· d'autre part, sur le plan matériel, de nombreuses améliorations doivent être mises en oeuvre pour simplifier les conditions d'accès à ces dotations :

La procédure d'accès à ces dotations est excessivement complexe. Il importe dès lors de la rendre accessible par le biais d'une plateforme unique : le Gouvernement a d'ailleurs déjà soutenu des propositions similaires, notamment celle d'une plateforme unique recensant l'ensemble des aides accessibles pour le financement du permis de conduire181(*). Cette simplification ne doit néanmoins pas se limiter à un simple catalogue des financements accessibles par les communes.

Elle doit être poursuivie par une internalisation de la contrainte administrative par l'État, fondée sur trois piliers :

un dossier unique de demande : charge à l'État, appliquant le principe « dites-le nous une fois », de communiquer entre les différents services instructeurs les pièces demandées ;

un examen à 360 ° de la demande : il incomberait à l'État d'orienter la demande vers le financement le plus approprié, en fonction de ses caractéristiques ;

un calendrier commun, ou à tout le moins harmonisé, de demande et de notification des montants, permettant aux communes de pallier le sentiment d'incertitude prévalant actuellement et de boucler leurs budgets en disposant d'une prévisibilité indispensable.

(2) Trouver les voies et moyens d'une sécurisation juridique attendue

En second lieu, l'État doit jouer un rôle plus affirmé dans la sécurisation juridique des projets des communes, notamment de petite taille, qui ne disposent pas toujours de l'ingénierie juridique suffisante.

En la matière, outre un investissement supérieur de son rôle de conseil, qui implique un changement culturel profond de la part des préfets et sous-préfets qu'il devient rituel de préconiser, en vain, les dispositifs de rescrit gagneraient à être davantage développés.

(a) Redonner vie à un rescrit juridictionnel mort-né, en l'ouvrant plus aux communes

L'article 31 du projet de loi pour un État au service d'une société de confiance a prévu l'expérimentation d'un dispositif de « rescrit juridictionnel ».

Le « rescrit juridictionnel »

N'ayant connu, malgré les propositions du Sénat, aucune modification substantielle durant la discussion parlementaire, le dispositif proposé par le Gouvernement, prévu à l'article 54 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 dite « ESSoC », est le suivant :

- dans les trois mois suivant la notification ou la publication182(*) d'une décision non réglementaire dans des domaines limitativement énumérés183(*), une demande en appréciation de régularité externe pouvait être présentée par le bénéficiaire ou l'auteur de la décision auprès d'un tribunal administratif partie à l'expérimentation ;

- la présentation d'une telle demande emportait la suspension de tout recours - à l'exception de recours en référé - formé à l'encontre de la décision en cause dans lesquels étaient soulevés des moyens de légalité externe ;

- statuant dans un délai fixé par voie réglementaire, le tribunal était tenu de se prononcer sur l'ensemble des moyens invoqués par la demande et avait la faculté de se prononcer « sur tout motif d'illégalité externe qu'il aurait estimé devoir relever d'office » ;

- insusceptible d'appel - mais pouvant faire l'objet d'un pourvoi en cassation -, la décision du tribunal limitait le champ de recours ultérieurs éventuels : dans le cas où une décision de légalité aurait été rendue, aucun moyen tiré de cette cause n'était plus invocable par un requérant à l'encontre de la décision.

Source : mission d'information

Le rescrit juridictionnel n'a fait l'objet d'aucune application. D'une durée de trois ans, l'expérimentation devait être mise en oeuvre selon des modalités précisées par décret en Conseil d'État. Pris le 4 décembre 2018, le décret n° 2018-1082 relatif à l'expérimentation des demandes en appréciation de régularité a prévu sa tenue dans le ressort de quatre tribunaux administratifs : Bordeaux, Montpellier, Montreuil et Nancy. Mais ces dispositions n'ont jamais été appliquées. Un tel échec peut s'expliquer par deux raisons.

En premier lieu, le calendrier de mise en oeuvre de ces dispositions s'est avéré très défavorable : un recours de représentants de la profession des magistrats administratifs184(*), opposés à la réforme, en a différé l'application jusqu'en mars 2020. L'épidémie de la covid-19 qui a suivi a conduit à la mise en sommeil de nombreux projets, dont celui-ci.

En second lieu, force est de constater que le champ de l'expérimentation demeurait relativement restreint. Si l'intention du législateur ne visait pas spécifiquement les collectivités territoriales, la mention de décisions relevant du code de l'urbanisme pouvait laisser espérer l'ouverture de cette disposition à certaines décisions prises par celles-ci. Il n'en fut finalement rien, le décret ouvrant essentiellement cette faculté à des décisions en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique ainsi que d'insalubrité, toutes décisions prises par le préfet. Surtout, en matière d'urbanisme, les seules décisions rendues éligibles par le décret étaient les arrêtés préfectoraux pour les zones d'aménagement concerté.

Or, d'une part, il aurait été possible d'ouvrir cette possibilité à l'ensemble des arrêtés de création de zones d'aménagement concerté, y compris ceux adoptés par les communes ou EPCI à fiscalité propre concernés.

D'autre part, il aurait pu être envisagé d'ouvrir cette possibilité à d'autres décisions constitutives d'opérations complexes en matière d'urbanisme, telles que les actes pris par les collectivités instaurant leur droit de préemption urbain185(*) ou les arrêtés des communes ou EPCI déclarant un projet d'intérêt général186(*).

Par défaut d'une attention suffisante aux besoins des collectivités territoriales, en particulier des communes, qui auraient gagné à se voir ouvrir plus largement le bénéfice d'une telle procédure, l'expérimentation leur a donc largement été fermée alors même que diverses dispositions en matière d'urbanisme auraient pu leur permettre de se saisir de cette faculté opportunément créée par le législateur.

Le rapporteur appelle donc à rouvrir une telle expérimentation en ouvrant davantage son champ, notamment à certaines décisions complexes des communes, par exemple en matière d'urbanisme.

(b) Donner un nouveau souffle au « rescrit » préfectoral

L'année suivant la création du rescrit juridictionnel, une procédure de prise de position formelle - parfois appelée, par abus de langage, « rescrit préfectoral » - était créée par la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et la proximité de l'action publique, dite « Engagement et proximité ». Son article 74187(*) prévoit en effet la possibilité pour les collectivités territoriales ou leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics d'adresser au préfet de département « une demande de prise de position formelle relative à la mise en oeuvre d'une disposition législative ou réglementaire régissant l'exercice de leurs compétences ou les prérogatives dévolues à leur exécutif ». La demande, « écrite, précise et complète », « comporte la transmission de la question de droit sur laquelle la prise de position formelle est demandée ainsi que du projet d'acte ».

Le silence gardé par le préfet sur la demande vaut absence de position formelle. En revanche, lorsqu'une position formelle est prise et que l'acte concerné est adopté conformément à celle-ci, le préfet perd la possibilité « au titre de la question de droit soulevée et sauf changement de circonstances, [de] le déférer au tribunal administratif. »

S'agissant de la prise de position formelle prévue par la loi « Engagement et proximité », le bilan est plus nuancé. Si elle semble utile lorsqu'elle est employée, cette procédure est relativement peu utilisée. Comme le relève la Cour des comptes dans son rapport sur le contrôle de légalité précité, cette procédure « à la lente diffusion [...] est encore peu mobilisée, avec 32 prises de position formelle en 2021. Outre sa temporalité considérée trop longue par les collectivités territoriales, ces dernières n'ont pas l'assurance d'obtenir une réponse de la part des préfectures, qui ne sont pas obligées de se positionner. Si cette nouvelle procédure peut être utile pour des projets de grande envergure, elle n'empêche pas les recours par des tiers comme les associations. Les collectivités territoriales continuent de privilégier l'appel téléphonique ou la demande de conseil par courriel pour obtenir une position de principe de la part de la préfecture188(*). »

Par une information insuffisante et le déploiement pour le moins parcellaire de ces outils, l'État territorial a échoué à opérer sa nécessaire mue d'un censeur vers un conseiller des collectivités territoriales, en particulier pour les communes.

Il convient dès lors de donner davantage de corps à cette procédure, en adaptant le dispositif aux décisions et aux questions de droit concernées :

- pour certains projets d'actes particulièrement communs, ou lorsque la question de droit posée ne porte que sur la légalité externe de la décision, il pourrait être envisagé d'abaisser le délai de réponse des services de l'État à deux mois ;

- à l'inverse, pour certaines décisions complexes, il pourrait être envisagé de transformer cette demande de prise de position formelle en un véritable rescrit, en supprimant la nécessité d'adresser une question de droit et en demandant une validation par les services de l'État de l'ensemble du projet d'acte, y compris dans le cadre d'un délai de réponse rallongé.

Cette deuxième modalité de conseil paraît ainsi de nature à encadrer et formaliser un dialogue souvent informel entre les communes et les préfectures, qui peut être fructueux pour les communes disposant des compétences et des moyens nécessaires sur le plan de l'ingénierie juridique mais qui peut sembler lointain et difficile à conduire pour des communes de plus petite taille.

Proposition n° 4 : Normes, ingénierie, financements, interlocuteurs : redonner de la simplicité à l'action quotidienne des maires.

Sous-proposition n° 2 : Guichet de dossier unique, fusions des dotations d'investissement, rescrit : trois outils pour sécuriser les maires dans la conduite de leurs projets.

4. Limiter le nombre d'instances et de structures de coopération auxquelles doivent participer les maires sans réelle plus-value

Nombre de maires et d'élus communaux entendus par la mission se plaignent de la récente multiplication des réunions auxquelles ils sont tenus de participer - généralement du fait d'une obligation légale ou réglementaire -, qui alourdissent leurs agendas et les empêchent d'utiliser librement et efficacement le temps qu'ils consacrent à leur mandat.

Ainsi, 62,4 % des maires ayant répondu à la consultation lancée par la mission ont attribué une note de 7 à 10 à l'affirmation selon laquelle la charge des réunions et des procédures constituait un facteur problématique rendant difficile l'exercice de leur mandat.

Cette inflation du nombre de réunions pesant sur les agendas des maires procède d'un triple mouvement :

- en premier lieu, la montée en puissance de l'intercommunalité a ajouté aux structures de coopération existantes une nouvelle strate territoriale assortie de réunions obligatoires de son organe délibérant et d'autant de commissions ad hoc ;

- en deuxième lieu, le législateur a progressivement formalisé des outils de coopération entre collectivités territoriales du fait de l'existence de compétences partagées entre strates de collectivités ;

- en dernier lieu, la multiplication des agences de l'État a participé du même mouvement, contraignant les maires à participer à des réunions administratives avec les nombreux démembrements de l'État tant pour représenter sa commune que pour représenter une strate communale à un échelon départemental ou régional.

Les auditions menées par le rapporteur n'ont pas permis de démontrer la nécessité du maintien d'un nombre pléthorique d'instances dont certaines n'ont pas, à ce jour, fait la preuve de leur plus-value. Si toutes ne sont pas à supprimer, il n'en demeure pas moins que d'utiles assouplissements pourraient être prévus pour faciliter la représentation des maires ou permettre des modalités de réunion simplifiées afin de desserrer la contrainte imposée aux agendas des maires.

Ainsi, il serait tout à fait bienvenu que soit systématisée à l'ensemble des structures de coopération locales la possibilité pour le maire de s'y faire représenter ou de bénéficier d'un suppléant choisi parmi les conseillers municipaux. De la même manière que pour d'autres commissions thématiques, le maire pourrait bénéficier d'une faculté de représentation par l'un de ses adjoints au sein de la commission communale pour l'accessibilité aux personnes handicapées dont la composition fixée à l'article L. 2143-3 du CGCT impose sa présence sans prévoir de mécanisme de représentation.

Pourraient également être généralisés les assouplissements de l'utilisation de la visioconférence à l'ensemble des réunions des syndicats intercommunaux. À titre d'exemple, il n'existe pas de disposition législative ouvrant aux syndicats mixtes ouverts la faculté de se réunir au moyen de visioconférence ou audioconférence alors que ces modalités ont été introduites pour l'ensemble des syndicats mixtes fermés189(*).

Par ailleurs, le regroupement de certains dispositifs de coopération locale sur des thématiques précises mériterait d'être étudié en ce qu'il participerait d'une rationalisation du paysage des structures de coopération et qu'il éviterait les critiques récurrentes de manque de coordination entre les structures trop émiettées sur des sujets très spécifiques.

La coordination locale de la sécurité, sur les volets tant répressif que préventif, est particulièrement éclairante. En effet, il existe une séparation stricte entre les structures chargées de coordonner les actions de prévention et celles chargées de la répression, alors même qu'elles réunissent les mêmes acteurs : les groupes de partenariat opérationnels (GPO) au coeur du dispositif de la sécurité du quotidien dans les zones police nationale, les groupes locaux de traitement de la délinquances (GLTD) animés par les procureurs de la République et les conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD/CISPD) animés par les élus locaux et réunissant le procureur de la république et les forces de l'ordre. Au surplus, le défaut d'articulation entre ces différentes structures a déjà été critiqué, notamment par la mission Flash de l'Assemblée nationale sur l'évolution et l'amélioration des CSPD.

Une articulation des dispositifs de sécurité locale qui pourrait encore être améliorée

Nous l'avons dit, chaque dispositif qui oeuvre en matière de prévention de la délinquance a sa propre utilité. Néanmoins, ce constat n'écarte pas entièrement le risque de la mise en place d'actions concurrentes et d'une articulation défaillante. De même, certains acteurs nous ont dit avoir le sentiment que les dispositifs « s'empilent », sans cohérence d'ensemble. D'autres ont enfin constaté que les GPO et les GLTD sont parfois institués à la place des groupes de travail des CSPD plutôt qu'en complément de ceux-ci.

Derrière la question de la pluralité des dispositifs, se pose aussi la question des moyens humains. En particulier, les procureurs de la République alertent sur l'insuffisance du personnel au sein des parquets, qui ne leur permet pas de se rendre disponibles pour l'ensemble des CSPD ni de préparer convenablement chacune des réunions. L'absentéisme de certains acteurs qui en découle compromet l'efficacité des CSPD.

Au niveau local, il est impératif que les acteurs veillent à la bonne articulation des dispositifs pour parvenir à créer une synergie. Par exemple, la remontée d'information des GPO vers les CSPD doit être effective. De même, l'élu local, à travers le CSPD, devrait être en mesure de proposer des actions aux GPO. S'agissant des GLTD, il semble utile de rappeler qu'ils ont vocation à traiter principalement des faits susceptibles de faire l'objet d'une procédure judiciaire, pour éviter tout doublon avec les CSPD.

Source : communication de la mission Flash de l'Assemblée nationale sur l'évolution et l'amélioration des conseils de sécurité et de prévention de la délinquance
de Stéphane Peu et Rémy Rebeyrotte, du 14 décembre 2020, pp. 5 et 9.

Ainsi, plutôt que de proposer une solution uniforme et descendante, il pourrait être envisagé de permettre à la réunion d'une structure, dans un même champ de compétence, de valoir réunion des autres. À titre d'exemple, la réunion du GPO pourrait valoir, si les membres obligatoires y sont conviés et prévenus, réunion du CLSPD et du GLTD, limitant ainsi le nombre de réunions sur des sujets quasi identiques.

Enfin, les instances de coopération n'ayant pas fait preuve de leur efficacité pourraient être supprimées afin de limiter les obligations de participation à des structures sans plus-value pesant sur les maires.

À cet égard, les conférences territoriales de l'action publique (CTAP) sont un exemple topique de structures de coopération rigidifiées dans la loi : elles imposent la présence de maires représentant l'ensemble des communes d'une même strate de population à l'échelle régionale et n'ont nullement fait la preuve de leur efficacité. Rendues obligatoires dans chaque région depuis la loi « Maptam », ces conférences concentrent des critiques de deux principaux ordres : d'une part, elles sont jugées au mieux inutiles, au pire comme étant un outil de centralisation régionale ; d'autre part, leur composition est jugée insuffisamment représentative des collectivités territoriales de plus petite taille, notamment les communes rurales. Plus précisément, dans la composition par défaut d'une CTAP190(*), trois maires sont désignés pour représenter l'ensemble des communes d'une région, dont un seul pour les communes de moins de 3 500 habitants, à l'inverse des EPCI qui voient l'ensemble des présidents d'une intercommunalité de plus de 30 000 habitants être représentés. Comme l'avait déjà relevé Cécile Cukierman dans un rapport de 2019 : « Dans les faits, la CTAP accorde donc une voix prépondérante aux collectivités de plus grande taille, au détriment des collectivités de petite taille. [...] Aucune collectivité ne trouve son compte dans la composition actuelle de la CTAP : les collectivités de petite taille ne s'estiment pas suffisamment représentées ; les collectivités de grande taille telles que les départements (ou les métropoles) sont proportionnellement moins bien représentées qu'au sein de la conférence des exécutifs, qui précédait la CTAP »191(*).

Si des assouplissements dans sa composition ont été récemment introduits par le législateur, il conviendrait de pousser à son terme cette logique et supprimer ces structures pour laisser les élus locaux organiser librement leurs instances de coopération en fonction des thématiques abordées et des besoins des territoires.

En définitive, la suppression d'instances jugées inutiles par les élus municipaux, le rapprochement d'instances réunissant les mêmes acteurs sur des thématiques proches et les assouplissements du fonctionnement, trop rigide, d'instances ayant cependant fait la preuve de leur utilité sont, aux yeux du rapporteur, de nature à simplifier l'exercice quotidien du mandat municipal, libérant ainsi le maire de dispositifs consommateurs de temps et d'énergie pour des résultats qui souvent peinent à convaincre.

Proposition n° 4 : Normes, ingénierie, financements, interlocuteurs : redonner de la simplicité à l'action quotidienne des maires.

Sous-proposition n° 3 : Limiter le nombre d'instances et de structures de coopérations auxquelles doivent participer les maires, sans réelle plus-value.

Le rapporteur souligne que la réduction ainsi proposée par la mission permettra également de faire venir les élus au sein des commissions où leur rôle pourrait être essentiel.

Tel est le cas notamment des commissions d'attribution des logements (CAL) et des commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF).

Les premières, créées dans chaque organisme d'habitations à loyer modéré (OHLM), sont chargées d'attribuer nominativement les logements sociaux. Y participent, avec voix délibérative, six membres représentant l'OHLM, le préfet ou son représentant ainsi que le maire de la commune et le président de l'EPCI où sont implantés les logements192(*). Si le maire dispose d'une voix prépondérante en cas d'égalité, la composition de la CAL fait qu'il pèse peu sur les décisions, pourtant importantes pour le logement des populations et le développement des communes. Le rapporteur juge donc nécessaire, dans la ligne de la proposition de loi déposée par la présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, de renforcer le poids des élus locaux en leur sein193(*).

De la même manière, les CDPENAF assurent un rôle, certes consultatif, mais non négligeable en matière de développement du territoire.

À cet égard, reprenant une position déjà exprimée par le Sénat lors des débats sur la loi « 3DS »194(*), le rapporteur considère nécessaire d'en modifier la composition pour instituer une proportion minimale de 50 % de représentants des collectivités territoriales, afin d'éviter qu'elles ne soient, comme aujourd'hui, du fait du nombre d'acteurs représentés195(*), de simples courroies de transmission des avis de l'État.

Au surplus, s'agissant des CDPENAF des seuls territoires ultramarins, il juge pertinent, pour simplifier l'action quotidienne des maires dans la conduite de leurs projets, de revoir la procédure d'avis conforme sur certains projets de construction ou documents d'urbanisme du fait de leurs conséquences foncières196(*).

Le rôle des CDPENAF : des spécificités ultramarines fortes

Créées par la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche, les commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) ont pour mission d'éclairer les élus dans leur prise de décisions en matière de documents et d'autorisations d'urbanisme.

La CDPENAF intervient à deux niveaux :

- elle statue sur les dossiers individuels des porteurs de projets ;

- elle se prononce sur les documents d'urbanisme, notamment ceux
présentés par les maires (PLU, carte communale, autorisations commerciales, autorisations de constructions ou d'installations, changement de destination des bâtiments en zone agricole).

En raison de règles spécifiques aux outre-mer, au surplus des règles applicables sur l'ensemble des territoires, un avis obligatoire conforme de ces commissions est requis pour tout projet :

- d'élaboration ou de révision d'un document d'aménagement ou d'urbanisme ayant pour conséquence d'entraîner le déclassement de terres classées agricoles ;

- d'opération d'aménagement et d'urbanisme ayant pour conséquence la réduction des surfaces naturelles, des surfaces agricoles et des surfaces forestières dans les communes disposant d'un document d'urbanisme, ou entraînant la réduction des espaces non encore urbanisés dans une commune soumise au règlement national d'urbanisme.

Comme l'ont rappelé Vivette Lopez et Thani Mohamed Soilihi dans un récent rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer, « l'avis conforme sur les décisions d'urbanisme est très controversé [...]. Pour [...] les maires, l'exigence d'un avis conforme de la CDPENAF est jugée anormale, déresponsabilisante, alors qu'un avis simple suffit dans l'Hexagone. L'avis conforme est perçu comme une mise sous tutelle. N'ouvrant droit à aucun recours, l'avis conforme tendant à figer et à fermer les positions »197(*). Le rapporteur estime donc nécessaire de transformer cet avis conforme des CDPENAF ultramarines en un avis simple, alignant ainsi ce régime sur celui de droit commun applicable dans l'Hexagone afin de faciliter les projets des maires dans ces territoires.

B. UN IMPÉRATIF : DONNER AUX ÉLUS LES MOYENS DE TRANSFORMER LEUR ENGAGEMENT EN ACTION

Les développements précédents ont porté sur l'aide que les communes doivent recevoir de l'État pour mener à bien leurs projets.

Mais les maires doivent aussi pouvoir trouver, au sein de leur commune, les outils pour agir et gérer les affaires municipales.

On ne peut que saluer les nombreux maires qui, dans l'adversité et en dépit des contraintes qui s'imposent à eux, ont démontré leur capacité d'initiative, d'innovation et ont pu, par des bonnes pratiques qu'il convient de mettre en lumière, dégager des marges de manoeuvre et surmonter les obstacles pour répondre aux besoins de leurs populations et de leur territoire.

Mais on a vu précédemment que l'équilibre était fragile, notamment sur la question du personnel municipal.

Il faut donc conforter l'action des maires en leur assurant des moyens juridiques et humains renforcés, qui leur permettent de retrouver dans leur action une autonomie certaine. Trois voies doivent être explorées : la relance du pouvoir réglementaire local, le renforcement de l'effectivité des pouvoirs de police du maire et la consolidation des équipes administratives et techniques sur lesquelles les maires peuvent s'appuyer pour agir.

Proposition n° 5 : Conforter, par des moyens juridiques et humains renforcés, la liberté des maires de gérer les affaires de leur commune.

1. Redonner la liberté aux maires de gérer les affaires de leur commune
a) Plaidoyer pour un pouvoir réglementaire local effectif et encouragé
(1) Les espoirs déçus du pouvoir réglementaire local

Le renforcement d'un pouvoir réglementaire local effectif, réaffirmé lors des débats sur la loi « 3DS », a suscité de grands espoirs chez les élus locaux comme chez les parlementaires, le Sénat appelant de longue date à une telle consécration.

Censée remédier au diagnostic persistant d'une inadaptation aux réalités territoriales de nombreuses normes réglementaires décidées « depuis Paris » par des administrations centrales, l'idée d'octroyer, lorsque c'est possible, un pouvoir réglementaire local aux élus, singulièrement municipaux, a été mise en avant lors du « Grand Débat » initié par le Président de la République.

Reprise par les associations d'élus, elle a suscité de grands espoirs malgré quelques réserves, incitant alors la ministre des collectivités territoriales de l'époque, Jacqueline Gourault, à mandater, dès le 18 janvier 2021, dans la perspective de l'examen du projet de loi « 3DS », l'IGA afin de conduire des travaux visant à « recenser et hiérarchiser les prérogatives réglementaires qui pourraient être confiées aux collectivités territoriales en privilégiant des ajustements utiles et pragmatiques »198(*).

La genèse d'une notion fortement soutenue par le Sénat

La notion de « pouvoir réglementaire local », si elle a connu une reconnaissance constitutionnelle dès la révision constitutionnelle de 2003, est un acquis ancien du droit des collectivités territoriales.

En effet, les lois du 10 août 1871 et du 5 avril 1884 ont affirmé la compétence des départements et des communes à régler spontanément les besoins administratifs de leur population. La reconnaissance de la libre administration des collectivités territoriales par la Constitution du 4 octobre 1958 consacre par ailleurs la possibilité dont disposent les collectivités de prendre des actes à caractère général et impersonnel pour l'exercice de leurs compétences : l'article L. 1111-2 du CGCT prévoyant que « les communes [...] règlent par leur délibérations les affaires de leur compétence ».

Confortées par le juge administratif, les collectivités territoriales ont toujours été en mesure de compléter les normes législatives et réglementaires existantes tant pour répondre à une exigence nouvelle de leur population ou de leur territoire que pour compléter une disposition qu'elles étaient chargées de mettre en oeuvre.

À la faveur de sa reconnaissance par le Conseil constitutionnel avant la révision de 2003, le juge constitutionnel a précisé les limites de ce pouvoir. Elles sont principalement de trois ordres :

- en premier lieu, ce pouvoir « ne saurait conduire à ce que les conditions essentielles de mise en oeuvre des libertés publiques et, par suite, l'ensemble des garanties que celles-ci comportent dépendent des décisions de collectivités territoriales et, ainsi, puissent ne pas être les mêmes sur l'ensemble du territoire de la République » ;

- en deuxième lieu, ce pouvoir « ne peut s'exercer en dehors du cadre des compétences qui [sont dévolues à la collectivité territoriale] par la loi » ;

- en dernier lieu, il ne peut avoir « ni pour objet ni pour effet de mettre en cause le pouvoir réglementaire d'exécution des lois que l'article 21 de la Constitution attribue au Premier ministre sous réserve des pouvoirs reconnus au Président de la République par l'article 13 de la Constitution »

Par la suite, a été inscrit par la révision constitutionnelle de 2003 à l'article 72 de la Constitution que les collectivités « dans les conditions prévues par la loi, disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences », le Sénat ayant exprimé largement son adhésion à cette modification par la voix du rapporteur de la commission des lois. Ce principe découle directement de celui de libre administration par des conseils élus des collectivités territoriales posé par le même article et participe donc directement de leur autonomie. Néanmoins, sa consécration constitutionnelle n'est pas allée de pair avec son articulation avec le pouvoir réglementaire national.

En effet, le Conseil d'État, dans son avis du 15 novembre 2012, a admis que « le Premier ministre ne peut intervenir, en vertu du pouvoir réglementaire autonome qu'il tient de l'article 37 de la Constitution, dans les domaines afférents à la compétence des collectivités territoriales. Il ne saurait le faire [...] que s'il y est habilité par le législateur ». Toutefois, cette habilitation est souvent implicite - par exemple lorsque le législateur n'a pas prévu de mesure réglementaire d'application, mais que l'entrée en vigueur effective de la loi suppose que certaines modalités soient fixées au niveau national, seul peut intervenir le pouvoir réglementaire d'application des lois de droit commun, c'est-à-dire le Premier ministre, pour fixer ces modalités -, renforçant alors le pouvoir réglementaire national, au détriment d'un pouvoir réglementaire local effectif.

Malgré un consensus sur son évidente utilité pour différencier et territorialiser l'action publique locale, le pouvoir réglementaire local reste insuffisamment utilisé, comme le Sénat s'en était fait l'écho dès 2020 dans son rapport 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales, en rappelant qu'« au cours des dernières années, l'État, entraîné par sa structure centralisatrice héritée de notre histoire, n'a pas permis l'épanouissement du mouvement décentralisateur. Il s'est immiscé toujours davantage, par l'exercice de son pouvoir réglementaire, par l'intervention de son administration et par ses choix budgétaires, dans la gestion des compétences transférées aux collectivités territoriales ».

Face à ce constat, le Sénat a, dès lors, souhaité « renforcer le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales [...], impératif pour développer les libertés locales, [en] ne permettant l'intervention de décrets dans les domaines de compétence des collectivités territoriales que lorsque la loi le prévoit ». Cette proposition a par la suite été votée par le Sénat, dans le cadre de l'examen de la proposition de loi constitutionnelle relative au plein exercice des libertés locales déposée par Philippe Bas et Jean-Marie Bockel.

Dans ce même rapport, il était également proposé de « passer en revue les législations sectorielles touchant aux compétences locales pour supprimer certains renvois au décret ou mieux encadrer l'exercice du pouvoir réglementaire national ».

Semblant partager ce constat d'un nécessaire renforcement du pouvoir réglementaire local, le projet de loi « 3DS » présentait à son article 2 initial un dispositif procédant à une extension de ce pouvoir à trois domaines : la fixation du nombre d'élus au conseil d'administration des CCAS et CIAS, la détermination par le maire du délai de transmission à l'Office national des forêts (ONF) de documents relatifs au pâturage et au panage, et la fixation du régime des redevances dues aux communes pour l'occupation provisoire de leur domaine public par les chantiers de travaux. Ce dispositif a été enrichi, à l'initiative du Sénat, d'autres mesures sectorielles permettant d'étendre l'application du pouvoir réglementaire local sur les champs de compétences existants des collectivités (cf. encadré suivant).

Cette idée a, dès sa première diffusion, suscité une très large adhésion des élus locaux de toutes strates et du Sénat, mais sa concrétisation est restée quasiment inexistante. Malgré de nombreuses initiatives sénatoriales, de nature constitutionnelle comme législative199(*), le renforcement du pouvoir réglementaire local constitue de l'aveu même de la DGCL un « échec collectif ».

À titre d'exemple, le dispositif proposé par Jacqueline Gourault dans le projet de loi « 3DS » a été qualifié par les rapporteurs Mathieu Darnaud et Françoise Gatel comme étant « d'une remarquable indigence au regard des ambitions affichées ». Au surplus, les espoirs placés dans le rapport mandaté par la ministre à l'IGA ont été quasi intégralement déçus. Ces travaux ont débouchés sur peu de propositions concrètes.

Parallèlement, la loi « 3DS » n'a accouché que de quelques modestes extensions du pouvoir réglementaire local, les divergences entre l'Assemblée nationale et le Sénat n'ayant permis d'emporter un consensus que sur de rares dispositions.

Les extensions du pouvoir réglementaire local
permises par l'article 6 de la loi « 3DS » :
des améliorations bienvenues mais étiques au regard de l'ambition affichée.

L'article L. 1413-1 du CGCT est modifié afin de donner la possibilité aux collectivités territoriales et leurs groupements concernés de déterminer librement les représentants à associer au sein de la commission consultative des services publics locaux, sans restreindre la participation aux seules associations locales.

L'article L. 123-6 du code de l'action sociale et des familles est complété afin de prévoir que le nombre de membres élus au conseil d'administration des centres communaux et intercommunaux d'action sociale soit fixé par délibération du conseil municipal ou du conseil communautaire.

L'article L. 1272-5 du code des transports est complété afin de prévoir que, pour les services ferroviaires de transport de voyageurs d'intérêt régional, le nombre minimal d'emplacements pour vélo à bord est fixé par délibération du conseil régional ou, pour la région Île-de-France, du conseil d'administration d'Île-de-France Mobilités.

L'article L. 241-11 du code forestier disposait que « Chaque année, le maire d'une commune dans laquelle existent des droits d'usage assure la publication de la liste des terrains qui n'ont pas fait l'objet d'une mise en défens et du nombre de bestiaux admis au pâturage et au panage, qui ont été portés à sa connaissance par l'Office national des forêts. Il dresse, s'il y a lieu, dans un délai fixé par décret, un état de répartition, entre les titulaires d'un droit d'usage, du nombre des bestiaux admis ». Or ce décret n'ayant jamais été pris, le renvoi a été supprimé, au profit d'une décision du maire qui doit, désormais, dresser un état de répartition dans un délai qu'il juge compatible avec la communication par l'ONF.

Sources : article 6 de la loi « 3DS » et DGCL

(2) La nécessité de redonner une capacité normative d'agir aux maires

En dépit des réticences du Gouvernement à déterminer précisément les règles nouvelles dont la fixation pourrait échoir au pouvoir réglementaire local200(*), il existe un très fort consensus parmi les élus locaux, et singulièrement communaux, sur la nécessité d'approfondir le pouvoir réglementaire local.

En témoigne la récente consultation menée par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, qui a révélé que 83 % des élus interrogés étaient favorables « à des transferts de capacités de décision aux collectivités locales »202(*).

Une vraie tendance de fond se dessine sur ce point et est mise en lumière par les récents travaux du groupe de travail sénatorial relatif à la décentralisation présidé par Gérard Larcher, président du Sénat : les élus locaux, en particulier municipaux, souhaitent, avant de se voir confier de nouvelles compétences ou de demander une évolution de l'organisation territoriale, disposer des moyens juridiques efficaces et à leur seule main pour exercer pleinement leurs responsabilités et mettre en oeuvre les projets pour lesquels ils ont été élus203(*).

Réaffirmant une position traditionnelle du Sénat, le rapporteur de la mission est convaincu que l'exercice du pouvoir réglementaire local dispose d'importants atouts qui justifient son renforcement : en ce qu'il permettrait non seulement de rapprocher la décision des citoyens mais surtout aux maires de disposer d'outils concrets et effectifs de différenciation et de libre administration, les facultés offertes par le pouvoir réglementaire local doivent être pleinement utilisées. L'ensemble des possibilités offertes par le pouvoir réglementaire local doivent être mises au service des maires et leur permettre, lorsque nécessaire et dès lors que cela est pertinent localement, de s'en saisir.

Toutefois, le rapporteur souhaite rappeler que, dans un contexte où nombreux sont les maires et élus municipaux préoccupés par l'engagement croissant de leur responsabilité, il convient de ne pas placer les élus dans des situations de carence quasiment inéluctable de l'exercice de leurs pouvoirs ou dans des situations juridiques problématiques en leur confiant une réglementation dont ils ne disposent pas des moyens de la mettre en oeuvre. Au surplus, le renforcement des exigences en matière de conflits d'intérêts ne doit pas être ignoré s'agissant du pouvoir réglementaire puisque celles-ci peuvent, suivant les champs dans lesquels serait développé ce pouvoir, conduire à des situations complexes obligeant le principal titulaire de ce pouvoir, le maire, à se déporter et à ne pas pouvoir l'exercer lui-même.

L'ensemble de ces éléments plaide donc pour un renforcement concret mais prudent des pouvoirs normatifs du maire. La voie privilégiée par le rapporteur est celle d'un pouvoir réglementaire local supplétif qui permettrait de compléter, renforcer, adapter ou déroger à une règle nationale existante qui trouverait à s'appliquer par défaut en l'absence d'intervention réglementaire locale afin d'éviter, autant que faire se peut, les situations de carence ou l'inapplication de mesures pourtant nécessaires aux administrés.

De la diversité du pouvoir réglementaire local :
tentative de typologie

S'il est présenté comme une notion unifiée, le pouvoir réglementaire local n'en recouvre pas moins des réalités et pouvoirs normatifs protéiformes.

En effet et comme l'a analysé un récent rapport de l'IGA, plusieurs fonctions de ce pouvoir réglementaire local existent et peuvent, sans prétendre à l'exhaustivité, être catégorisées comme suit :

- définir des modalités d'application d'une loi nationale. Il s'agit alors de confier directement aux collectivités territoriales le soin d'édicter les mesures d'application d'une loi ;

compléter les modalités fixées par décret. Ainsi, une norme locale peut adopter des conditions d'application plus favorables que la norme nationale (notamment s'agissant des prestations et minima sociaux), mais elle peut également renforcer les prescriptions nationales (à l'exemple des modulations de vitesses de circulation en centre-ville à la main du maire). De la même manière, une norme locale peut définir des prescriptions particulières en fonction des réalités locales comme lors de l'édiction de certains zonages, notamment en matière d'urbanisme ;

- mettre en oeuvre une disposition nationale conditionnée à un accord local. Plusieurs dispositifs nationaux nécessitent, pour être effectivement déployés, un accord local qui se manifeste par une délibération du conseil municipal ou de l'organe délibérant. Ainsi, le dispositif visant à encadrer le montant des loyers des biens loués est conditionné à des critères nationaux et à une délibération de la collectivité concernée ;

déroger à une norme réglementaire nationale dès lors que celle-ci le prévoit expressément. En effet, certains dispositifs nationaux peuvent, à titre dérogatoire, ne pas être déployés sur certains territoires après délibération de la collectivité territoriale concernée. Ainsi, les communes et les EPCI à fiscalité propre situés dans des bassins d'emplois à redynamiser peuvent, par délibération, supprimer l'exonération de contribution foncière des entreprises. 

Source : mission, d'après l'IGA204(*)

Bien que les maires puissent, en application de la clause de compétence générale des communes, intervenir dans des champs de politique publique extrêmement variés, il apparaît dès lors souhaitable de renforcer, en premier lieu, les pouvoirs normatifs dévolus aux maires dans des champs de compétence traditionnels du bloc local, à commencer par l'urbanisme et l'aménagement. En effet, un tel renforcement permettra de rendre davantage visible l'utilisation par le maire de ces nouvelles capacités d'agir tout en facilitant leur appropriation par les élus, déjà largement habitués à les manier et à les mettre en oeuvre au quotidien.

Ainsi, la location des résidences principales comme meublés de tourisme pose des difficultés très hétérogènes aux maires qui ne disposent d'aucune faculté d'adaptation locale de normes applicables nationalement malgré la disparité des situations auxquelles ils sont confrontés. En effet, aujourd'hui, peu de maires se satisfont des règles applicables à ces meublés touristiques : les communes les plus touristiques tentent, en vain, d'enrayer leur développement, tandis que les communes qui cherchent à développer l'offre touristique sur leur territoire ne disposent d'aucun levier en la matière. À titre d'exemple, lors de son audition par la mission, le maire de Saint-Malo, Gilles Lurton a déploré « l'impossibilité pour de nombreux travailleurs de Saint-Malo de trouver un logement sur la commune, et plus encore dans les remparts » - autrement dit, le centre-ville de Saint-Malo - qui doit aujourd'hui faire face à une forte pression immobilière du fait de la multiplication des meublés de tourisme.

À l'inverse, certains territoires, notamment ruraux, tentent de développer leur offre hôtelière et de la diversifier en proposant des alternatives aux stations littorales ou de montagnes touristiques et souhaitent disposer d'outils incitatifs pour ce faire. Ainsi, l'entreprise Airbnb et l'Association des maires ruraux de France ont conclu en avril 2021 un partenariat tendant à faciliter le déploiement de 15 000 meublés de tourisme exploités via cette plateforme dans des communes rurales205(*).

Dès lors, il apparaît souhaitable de donner aux maires la possibilité de moduler le nombre de nuitées susceptibles d'être proposées à la location pour des résidences principales - à la hausse comme à la baisse -, de même que des pouvoirs de modulation de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires en fonction des tensions et besoins de l'offre touristique locale ou encore de mieux contrôler ces activités en décidant d'instituer un dispositif ad hoc d'enregistrement des meublés de tourisme. Par ailleurs, les maires devraient pouvoir tenir compte de la qualité environnementale des logements pour les rendre inéligibles à la location, y compris en leur qualité de meublé de tourisme. Plus précisément, la réglementation nationale existante continuerait de s'appliquer ; toutefois, celle-ci pourrait évoluer par des décisions locales adaptées aux besoins des territoires et susceptibles d'évoluer en fonction des dynamiques touristiques de ceux-ci.

De la même manière, d'un constat partagé avec l'IGA206(*), il semble souhaitable et de nature à répondre aux souhaits des élus de redonner des marges d'appréciation locale s'agissant des constructions dispensées de formalités en matière d'urbanisme, dont la liste est aujourd'hui fixée nationalement à l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme. Ainsi, pourquoi ne pas octroyer aux maires ou présidents d'EPCI à fiscalité propre compétents le soin de définir, à titre supplétif, dans un PLUi, les caractéristiques des constructions dispensées de toute formalité au titre du code de l'urbanisme, en raison de leur nature ou faible importance, dès lors qu'elles ne se situent pas dans des zones soumises à avis conforme des architectes des bâtiments de France.

Par ailleurs et concernant plus spécifiquement les territoires ultramarins, la situation de l'habitat indigne est particulièrement préoccupante et se manifeste par des réalités très différentes d'un territoire à l'autre. Les associations d'élus, à commencer par l'AMF, alertent régulièrement les pouvoirs publics sur la complexité des critères de l'habitat indigne et leur inadaptation aux réalités de certains territoires du fait de leur uniformité. Les autorités organisatrices de l'habitat ultramarines devraient être en mesure d'adapter les prescriptions réglementaires nationales aux besoins particulièrement spécifiques de leur territoire.

Une insuffisante prise en compte des spécificités
de l'habitat dégradé et indigne en outre-mer

Selon le rapport sur la politique du logement en outre-mer publié en 2021 par la délégation sénatoriale aux outre-mer, les proportions d'habitat dégradé et indigne seraient encore bien supérieures dans les outre-mer à ce qui est connu dans l'Hexagone : le seul habitat indigne y concernerait près de 110 000 logements, soit 13 % du parc207(*) et environ dix fois plus que dans l'Hexagone.

Aujourd'hui, compte tenu notamment de leurs spécificités climatiques, certains de ces critères de décence des logements ne sont pas applicables dans les territoires d'outre-mer, notamment la présence d'un chauffage, la mise à disposition d'eau chaude et l'étanchéité du logement à l'air. Les critères de performance énergétiques introduits par la loi dite « Énergie Climat » ne sont pas valables dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution.

La volumétrie et les caractéristiques spécifiques de l'habitat dégradé dans les outre-mer ont conduit à l'adoption de mesures spécifiques. Il y a dix ans, la loi dite « Letchimy », faisant le constat d'une inadaptation des textes régissant la lutte contre l'habitat indigne aux situations observées outre-mer, a ainsi ciblé particulièrement les quartiers d'habitat informel (« bidonvilles »), organisé le repérage des différentes formes d'habitat précaire et indigne et permis la mise en oeuvre des moyens techniques, humains et financiers nécessaires à leur résorption.

Cependant, ces mesures spécifiques n'ont pas suffi à éradiquer le phénomène, désormais plus diffus sur ces territoires, de l'habitat dégradé et indigne.

Source : délégation sénatoriale aux outre-mer208(*)

Enfin, des obligations extrêmement détaillées ont été prévues dans la loi s'agissant du nombre de places de stationnement devant être créées pour les équipements collectifs financés par l'État ou la création de résidences universitaires ou d'établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Ces obligations doivent être mises en oeuvre par les communes et dupliquées dans leurs documents d'urbanisme. Est ainsi prévu, par l'article L. 151-35 du code de l'urbanisme, que lorsqu'un Ehpad est construit « à moins de cinq cents mètres d'une gare ou d'une station de transport public guidé ou de transport collectif en site propre et que la qualité de la desserte le permet, il ne peut, nonobstant toute disposition du plan local d'urbanisme, être exigé la réalisation de plus de 0,5 aire de stationnement par logement ». Ce dispositif est particulièrement rigide et pourrait être renvoyé à une décision du pouvoir réglementaire local. Si une dérogation est bien prévue par l'article L. 152-6 du même code, celle-ci n'est applicable qu'aux communes appartenant à une zone d'urbanisme continue de plus de 50 000 habitants. Dès lors, il serait souhaitable de redonner aux maires ou présidents d'intercommunalités chargés de l'urbanisme, des marges de manoeuvre locales en la matière ce qui permettrait d'adapter les règles aux contraintes locales et d'assouplir un dispositif inutilement corseté par la loi.

Proposition n° 5 : Conforter, par des moyens juridiques et humains renforcés, la liberté des maires de gérer les affaires de leur commune.

Sous-proposition n° 1 : Renforcer le pouvoir réglementaire des maires, capacité normative d'agir.

b) Renforcer les pouvoirs de police et les moyens de contrôle à la main des maires afin de rendre effectives leurs décisions

Comme on l'a vu précédemment, les maires interrogés sur leurs missions préférées ont classé celles de police municipale en dernière position, avec une note moyenne de 4,24 sur 10.

Ce désamour contraste avec l'importance qui s'attache à ses fonctions et le fait que, de leur côté, les citoyens interrogés par l'institut CSA pour le compte de la mission placent, à 41 %, la sécurité au premier ou au deuxième rang des priorités de l'action municipale.

On peut risquer une hypothèse : la police municipale, pour le maire, est l'une des missions plus susceptibles de conduire à des contestations, notamment contentieuses, voire des confrontations avec les administrés. En outre, c'est celle qui met au défi son autorité, en particulier lorsqu'il ne dispose pas toujours des moyens d'assurer l'effectivité des décisions qu'il prend.

Plusieurs voies méritent d'être explorées pour renforcer les moyens d'actions des maires en la matière et ainsi consolider leur autorité sur le territoire de leur commune.

(1) Améliorer concrètement l'information et la formation dédiées aux pouvoirs de police délivrée aux maires

Face aux difficultés quotidiennes que rencontrent les maires dans l'exercice d'un de leur pouvoir traditionnel, le rapporteur estime que deux propositions concrètes permettant de mieux former les maires à l'exercice des pouvoirs de police doivent être, prioritairement, mis en oeuvre :

- en premier lieu, comme l'avait déjà appelé de ses voeux la commission des lois du Sénat à la suite du tragique décès du maire de Signes, une formation spécifique à ces pouvoirs de police pourrait être renforcée « en s'appuyant sur les services du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) »209(*), aujourd'hui compétent pour les seuls agents territoriaux ;

- en second lieu, la diffusion d'une documentation complète expliquant l'étendue des pouvoirs de police et les modalités concrètes de leur exercice, si besoin au moyen de modèles d'actes (en particulier des arrêtés de police et des procès-verbaux types) serait de nature à simplifier l'exercice de leurs prérogatives par les maires. Au surplus, une telle documentation pourrait utilement renforcer la sécurité juridique des actes établis par les maires comme certaines préfectures le pratiquent déjà.

(2) Renforcer les pouvoirs de police des maires et les doter de moyens efficaces et simples de contrôle

Trois mesures peuvent être envisagées pour renforcer l'effectivité des pouvoirs de police du maire.

La première serait un élargissement du champ des infractions pour lesquelles les agents de police municipale sont habilités à dresser des amendes forfaitaires, qui présentent l'avantage de sanctionner rapidement et sans formalités excessives un contrevenant.

De telles amendes sont déjà prononcées, avec succès, dans un nombre très limité et limitativement énuméré de matières, par les agents de police municipale : l'on pense en particulier aux contraventions au code de la route ou aux infractions en matière de tapage nocturne210(*). C'est pourquoi la mission estime que cette mesure garantissant une efficacité immédiate de la sanction doit être étendue aux infractions aux arrêtés du maire facilement caractérisables et aisément constatables, notamment en matière de voirie, de consommation d'alcool sur la voie publique, de lutte contre la sécheresse et de baignade211(*). La mission, si elle souhaite renforcer cette modalité de poursuite à la main des agents de police municipale, n'estime cependant pas souhaitable de la généraliser à l'ensemble des manquements aux arrêtés municipaux tant le champ que ceux-ci recouvrent peut être divers et parfois inadapté au prononcé de sanctions au moyen d'une procédure aussi simplifiée.

En complément, la mission estime nécessaire de renforcer les sanctions applicables aux manquements à un arrêté de police du maire.

En l'occurrence, si l'élévation de la première à la deuxième classe de la contravention encourue en pareil cas a été récemment opérée par le pouvoir réglementaire212(*), après que des recommandations en ce sens émanent de la commission des lois du Sénat, il apparaît souhaitable de poursuivre en ce sens pour renforcer l'autorité de certains arrêtés de police en particulier au regard des amendes spécifiques sanctionnant les manquements à d'autres infractions nationales ou pour les arrêtés réprimant des troubles particuliers à l'ordre public.

Extraits du « plan pour la sécurité des maires » de la commission des lois du Sénat

« En l'état du droit, les infractions aux arrêtés de police édictés par le maire ou par le préfet sont punies, en application de l'article R. 610-5 du code pénal, d'une amende de la première classe, c'est-à-dire d'un maximum de 38 euros, à l'exception de celles faisant l'objet de dispositions légales ou réglementaires spécifiques.

« De manière à renforcer l'effectivité des pouvoirs de police du maire et à rendre les sanctions à ses arrêtés plus dissuasives, votre commission recommande d'élever la contravention de la première à la deuxième classe, pour porter le montant maximal de l'amende encourue à 150 euros.

« Proposée par le rapport précité de l'inspection générale de l'administration, cette augmentation n'apparaît pas disproportionnée au regard des amendes prévues, par des dispositions spéciales, pour réprimer d'autres atteintes à des arrêtés de police municipale. À titre d'exemple, le non-respect de la réglementation municipale en matière de collecte des ordures ménagères est d'ores et déjà puni d'une amende prévue pour les contraventions de la deuxième classe. »

Source : rapport précité.

Plus précisément et comme l'avait relevé le rapport précité de l'Assemblée nationale, « actuellement, par exemple, le code pénal réprime de l'amende prévue pour les contraventions de deuxième classe le non-respect de la réglementation en matière de collecte des ordures, et de celle prévue pour les contraventions de quatrième classe le dépôt sauvage d'ordures. Par ailleurs, la divagation d'animaux dangereux constitue une infraction passible de l'amende prévue pour les contraventions de deuxième classe, tandis que les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes ou l'excitation d'animaux dangereux sont passibles de l'amende prévue pour les contraventions de troisième classe ».

Ainsi, la mission recommande que, pour certaines infractions aux arrêtés de police du maire, en particulier au regard d'amendes spécifiques déjà existantes pour sanctionner des infractions similaires ou dans les situations occasionnant des troubles répétés et caractérisés à l'ordre public (consommation d'alcool sur la voie publique en dépit d'une interdiction formalisée par un arrêté municipal), la contravention soit élevée de la deuxième à la troisième classe. Tout en respectant le principe de proportionnalité des peines, le montant maximal de l'amende encourue serait alors de 450 euros, en application de l'article 131-13 du code pénal.

En troisième lieu, afin de simplifier le contrôle et la sanction des manquements aux arrêtés de police du maire, le rapporteur estime particulièrement nécessaire de développer l'établissement de procès-verbaux électroniques. Cette simplification, notamment défendue par Philippe Bas, auteur du « Plan pour la sécurité des maires », pourrait être facilement mise en oeuvre parallèlement à l'élargissement du champ des amendes forfaitaires applicable aux arrêtés de police du maire en ce qu'elle n'est applicable qu'aux seules infractions faisant l'objet d'une telle procédure213(*).

Enfin, le rapporteur fait sienne la recommandation émise par la commission des lois du Sénat s'agissant de l'assouplissement des conditions de prononcé, par le maire, des amendes administratives.

En l'occurrence, comme l'avait déjà fait valoir la commission des lois, « en limitant le prononcé des amendes administratives aux manquements “ayant un caractère répétitif ou continu”, le texte du Gouvernement tend à complexifier, pour le maire, la caractérisation des situations justifiant l'application d'une telle amende, ce qui priverait le dispositif de son efficacité. Au demeurant, il apparaît souhaitable que le maire puisse réagir dès la première incivilité, étant entendu que l'auteur du manquement aurait, en tout état de cause, toujours la possibilité de se mettre en conformité avec la réglementation dans le cadre d'une procédure de mise en demeure »214(*).

Le rapporteur de la mission, dans le cadre de son rapport sur le projet de loi dit « Engagement et Proximité », avait tenté, avec son co-rapporteur Françoise Gatel, de faire valoir cette position, sans succès215(*). Toutefois, les constats alors dressés sont toujours, plusieurs années après, d'actualité.

Fort de ces constats, le rapporteur propose donc de supprimer cette condition de répétition ou de continuité, qui nuit à l'applicabilité du dispositif de l'amende administrative, pourtant bienvenu et aujourd'hui pleinement approprié par les maires.

Proposition n° 5 : Conforter, par des moyens juridiques et humains renforcés, la liberté des maires de gérer les affaires de leur commune.

Sous-proposition n° 2 : Renforcer l'effectivité du pouvoir de police du maire et ses moyens de contrôle

2. Renforcer l'équipe autour du maire et garantir sa présence à ses côtés

Face à la démultiplication des missions qu'ils assument dans un environnement normatif toujours plus complexe, les maires doivent pouvoir s'appuyer sur une équipe polyvalente, dotée d'effectifs suffisants.

a) Remédier à la crise du recrutement des secrétaires de mairie 

Confronté à des difficultés de recrutement spécifiques, le poste de secrétaire de mairie doit impérativement être revalorisé, pour ne pas priver les maires des plus petites communes de ces agents indispensables au fonctionnement de la municipalité.

Plusieurs propositions ont récemment émergé dans ce sens, dont certaines soutenues par le Gouvernement. Il manque encore une réforme d'ensemble.

En premier lieu, s'agissant de l'évolution de carrière des secrétaires de mairie, la proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie adoptée par le Sénat le 14 juin 2023 prévoit la requalification dans un emploi de catégorie B des secrétaires de mairie de catégorie C. Si la portée de cette évolution, ouverte aux seuls fonctionnaires et instituée à titre temporaire jusqu'au 31 décembre 2028, ne doit pas être surestimée, la promotion interne étant souvent synonyme d'une mobilité géographique qui peut décourager les agents concernés, elle constitue un geste symbolique notable et permettra d'apporter une revalorisation attendue de cette profession essentielle.

En deuxième lieu, corollaire naturel de cette évolution de carrière renouvelée, il convient d'améliorer le niveau de rémunération des secrétaires de mairie, tant sur le plan indiciaire qu'indemnitaire. Ainsi, le rapporteur appelle le Gouvernement à concrétiser au plus vite les engagements pris par Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques, en séance publique au Sénat de créer « une future charte d'engagement, pour prévoir les critères et les montants pouvant être utilisés afin de faire de [l'indemnité de fonctions de sujétions et d'expertise (IFSE)] une véritable prime de responsabilité pour les secrétaires de mairie. »216(*)

En troisième lieu, il convient de renforcer la formation, notamment initiale, des secrétaires de mairie. Le président de la Fédération nationale des centres de gestion de la fonction publique territoriale, Michel Hiriart, a fait valoir devant la mission que « la priorité absolue, c'est la formation car c'est de cela que tout découle ».

Le Sénat a adopté en séance publique un amendement renforçant celle-ci et prévoyant notamment son adaptation « aux besoins des collectivités concernées » : une telle évolution doit non seulement aboutir dans le cadre de la discussion parlementaire mais également être effectivement traduite sur le terrain par une offre et des moyens de formation suffisants. La polyvalence étant au coeur des fonctions de secrétaire de mairie, la formation de chacun doit être renforcée pour tenir compte des spécificités de ce métier.

Enfin, en dernier lieu, il convient d'ouvrir plus largement l'accès aux emplois de secrétaire de mairie, en permettant notamment, comme recommandé par le rapport précité et adopté par le Sénat dans le cadre de la proposition de loi évoquée ci-avant, la possibilité de nommer des contractuels à ces fonctions, y compris dans les communes de moins de 2 000 habitants.

À cet égard, corrélativement à cette évolution, le rapporteur estime souhaitable que soient ouvertes plus largement les facultés de délégation, en matière d'état civil, à des contractuels. À l'heure où de plus en plus de secrétaires de mairie exerceront leurs missions sous un statut de contractuel, il est difficilement compréhensible que le maire ne puisse pas leur déléguer certaines missions relatives à l'état civil. L'argument selon lequel la nature régalienne de la mission s'y opposerait n'est pas recevable dans la mesure où la fonction publique d'État connaît déjà des cas de contractuels exerçant des fonctions régaliennes. La fonction de sous-préfet est elle-même ouverte à des contractuels, placés dans ces fonctions en service extraordinaire, sur le fondement du I de l'article 16 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

b) Des progrès dans la mutualisation de certains emplois : consolider les réussites des mutualisations de garde champêtres et policiers municipaux

Dans l'optique de consolider l'équipe autour du maire, les facultés de mutualisation existantes doivent être encouragées et prolongées.

Il est déjà possible de le faire, à l'échelle de l'intercommunalité, pour les gardes champêtres ou les policiers municipaux voire, pour ces derniers, dans le cadre d'un syndicat à vocation unique217(*).

Comme l'ont relevé les députés Naïma Moutchou et Philippe Gosselin en 2020, de telles mutualisations commencent déjà à porter leurs fruits. Il en va tout particulièrement de la pratique dite « des brigades vertes », réunissant des gardes champêtres ou des agents de police municipale et spécialement chargées de lutter contre les incivilités liées aux dépôts sauvages et aux atteintes à l'environnement. Il est relativement fréquent que de tels effectifs soient mutualisés à l'échelle de l'intercommunalité, ce qui constitue un indéniable progrès, comme le notent les deux députés : « Si de nombreuses communes ont mis en place de telles unités, la création de brigades intercommunales s'avère particulièrement intéressante, dans la mesure où en matière de protection de l'environnement, certaines compétences relèvent obligatoirement de l'EPCI. Lors de son audition, l'association Villes de France s'est en effet dite “favorable au développement d'une police de l'environnement à l'échelle de l'agglomération. En effet, les maires ont besoin de « brigades vertes » qui sillonnent l'ensemble du territoire intercommunal, pour lutter contre les dépôts sauvages, et toutes les formes d'atteintes à l'environnement ». Si certains territoires, pionniers en la matière - notamment avec la Brigade verte d'Alsace, qui existe depuis 1989 et s'appuie sur le syndicat mixte des gardes champêtres intercommunaux218(*) -, sont habitués à ce mode de fonctionnement, ce dernier tend à se populariser : ainsi, en 2017, les communes de Lapugnoy, Gonnehem, Robecq dans le Pas-de-Calais ont par exemple conclu une convention de mise à disposition d'un garde champêtre, rejointes par Calonne-sur-la-Lys en 2019219(*).

Un exemple de mutualisation à grande échelle : la Brigade verte d'Alsace

Comme le rappelle la chambre régionale des comptes du Grand Est, « ce syndicat mixte a été créé le 5 mai 1989 par arrêté du préfet du Haut-Rhin, le payeur départemental ayant été désigné comptable assignataire de la structure. Le siège social, l'administration et le poste central de la « Brigade Verte » sont installés à Soultz, le syndicat disposant de 10 autres postes couvrant le territoire du département du Haut-Rhin en trois secteurs géographiques distincts (nord, centre et sud). [...] Il est majoritairement financé par les participations des communes (1,8 M€ en 2019) et la contribution du département du Haut-Rhin (1,4 M€). »

En 2020, il compte parmi ses membres le département du Haut-Rhin, la région Grand Est, 329 communes du Haut-Rhin, et deux communes du Bas-Rhin (Muttersholtz et Kintzheim). Au 1er mars 2022, il revendiquait néanmoins un périmètre d'intervention particulièrement large, couvrant 379 communes, comme le montre la carte ci-après.

Carte du périmètre d'intervention de la Brigade verte d'Alsace

Source : Brigade verte d'Alsace

Désormais stabilisés, ces dispositifs doivent être encouragés afin de faciliter pour les maires le déploiement d'agents à même de garantir une sécurité du quotidien.

Au-delà du seul cas des pouvoirs de police, de tels dispositifs de mutualisation ou de mise en commun par voie conventionnelle ont d'ailleurs connu une nouvelle extension dans le cadre de la loi « 3DS », dont l'article 180 a assoupli la gestion des services communs dont les EPCI à fiscalité propre peuvent se doter en coopération avec leurs communes membres ainsi que leurs éventuels syndicats intercommunaux. Il a ainsi été prévu qu'en « fonction de la mission réalisée, les agents des services communs sont placés sous l'autorité fonctionnelle du maire ou sous celle du président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. »

Ces dispositifs ont donc fait la preuve de leur efficacité, et il conviendrait de les encourager. À titre d'exemple, dans les territoires ruraux, la mutualisation du recrutement d'une secrétaire de mairie pourrait être davantage encouragée, ce qui faciliterait l'organisation du travail de celui-ci et faciliterait le recrutement. Lors de son audition par la mission, le président de la Fédération nationale des centres de gestion de la fonction publique territoriale, Michel Hiriart, a d'ailleurs salué dans la mutualisation « un outil exceptionnel pour deux raisons : elle permet, d'une part, de pallier les absences et, d'autre part, de former les agents in situ avec l'appui de leurs collègues et des centres de gestion. Dans la quasi-totalité des cas, ces agents finissent par être recrutés sur des postes pérennes ».

Proposition n° 5 : Conforter, par des moyens juridiques et humains renforcés, la liberté des maires de gérer les affaires de leur commune.

Sous-proposition n° 3 : Consolider l'équipe autour du maire en facilitant les recrutements de secrétaires de mairie et d'agents municipaux spécialisés et en encourageant les mutualisations de personnel.

II. FACILITER L'ENGAGEMENT DANS LE MANDAT MUNICIPAL

Par ses travaux et en particulier la consultation des maires et le sondage citoyen, la mission a souhaité prendre la mesure de la crise de la démocratie locale que traverse notre pays. Dresser ce constat, comme elle l'a fait dans la première partie de ce rapport, n'a toutefois de sens que pour travailler aux propositions concrètes qui permettront d'apporter des réponses à la crise des vocations municipales.

L'horizon d'action est proche : c'est le prochain renouvellement général des conseils municipaux prévu en 2026. Pour y parvenir, des voies doivent être explorées : il faut, d'une part, faciliter l'exercice des mandats municipaux afin de permettre à une diversité de profils d'y participer et, d'autre part, mieux protéger le maire et les élus municipaux dans l'exercice de leur mandat.

L'ampleur de la tâche ne doit néanmoins pas constituer une excuse à l'attentisme. La mission souhaite ainsi insister sur la nécessité de conforter, par un ensemble de mesures concrètes et pragmatiques, les conditions de l'engagement des citoyens au service de leur commune.

A. UNE NÉCESSITÉ : SANS REMETTRE EN CAUSE LE PRINCIPE DU BÉNÉVOLAT, FACILITER L'EXERCICE DES MANDATS MUNICIPAUX

1. Préserver la conception française du mandat local et de la démocratie locale : des élus bénévoles et engagés, et perçus comme tels par leurs concitoyens

La conception française de la démocratie locale et du mandat de maire peut être résumée par la phrase de Montaigne qui indiquait que « c'est une charge qui doit sembler d'autant plus belle qu'elle n'a ni loyer, ni gain autre que l'honneur de son exécution »220(*). Alors qu'émergent des questionnements de plus en plus prégnants sur les conditions matérielles d'exercice du mandat, la mission souhaite réaffirmer son attachement à cette conception française de la démocratie, dont le principe continue de présider à celui des mandats municipaux actuels.

Le principe de gratuité du mandat a ainsi été appliqué aux mandats locaux par la loi municipale du 5 avril 1884, dont l'article 74 est aujourd'hui codifié, dans une formulation inchangée, à l'article L. 2123-17 du CGCT qui prévoit que « les fonctions de maire, d'adjoint et de conseiller municipal sont gratuites ». Le juge administratif l'a d'ailleurs rappelé de façon constante en insistant sur la « gratuité absolue du mandat »221(*).

Toutefois, dès l'institution de ce principe de gratuité, des aménagements ont été admis par le législateur, en particulier par la mise en place d'un régime d'indemnisation des frais afférents au mandat municipal222(*). En complément, un régime indemnitaire propre aux élus a été mis en place et progressivement renforcé par le législateur. En effet, des indemnités de fonctions qui ne sont « ni un salaire, ni un traitement ni une rémunération quelconque » (circulaire 15 avril 1992) sont venues compléter le régime de remboursements ponctuels de certaines dépenses engagées en raison du mandat (notamment les frais de déplacement ou de séjour et certains frais de bouche) pour certains maires ou adjoints. Ainsi que le chiffrait le rapporteur et Françoise Gatel, co-rapporteur, lors de l'examen du projet de loi « Engagement et proximité », « sur les 550 000 élus municipaux, 190 000 bénéficient toutefois d'une indemnité de fonction, destinée à compenser les charges inhérentes à leur mandat »223(*). Ainsi, en application des articles L. 2123-40 à L. 2123-24-1 du CGCT, un tiers des élus municipaux perçoivent aujourd'hui une indemnité de fonction.

D'autres aménagements sont venus ensuite tempérer le principe de gratuité du mandat municipal et ont trait spécifiquement à la conciliation de l'activité professionnelle avec le mandat municipal. Ainsi en est-il de l'institution d'un crédit d'heures alloués aux élus locaux salariés afin de disposer de temps pour administrer leur collectivité ou participer aux réunions de celles-ci.

Pour résumer, le régime applicable aux titulaires d'un mandat municipal exécutif ou d'un mandat de maire leur permet de bénéficier du remboursement des frais engagés, de la perception d'indemnités, de garanties financières et du bénéfice d'une protection sociale spécifique.

Néanmoins, malgré les aménagements, le principe de gratuité du mandat irrigue toujours le statut des élus, notamment municipaux, et continue de produire des effets juridiques. Une jurisprudence administrative constante impose ainsi que « le versement d'une somme à un élu municipal en raison de ses fonctions ne [puisse] être opéré que sur le fondement d'une disposition législative expresse »224(*). Autre conséquence juridique majeure de la gratuité du mandat : l'absence de toute situation ou tout rapport de subordination entre l'élu municipal et un tiers employeur. Une proposition de loi de Pierre-Yves Collombat, dont Mathieu Darnaud était rapporteur, sur l'application aux élus du régime du salariat et des conditions indemnitaires afférentes, avait été rejetée par le Sénat, suivant en cela sa commission lois qui y avait vu un « changement de paradigme [qui] ne para[issait] pas justifié [considérant] que le principe du bénévolat des élus locaux devait être conservé »225(*).

Le rapporteur demeure à cet égard convaincu que la fonction d'élu local, en particulier municipal, n'est pas un métier.

Ajoutons que très peu d'élus municipaux vivent effectivement et uniquement de leurs activités ou mandats politiques.

S'engager dans la voie d'une professionnalisation, voire une salarisation, battrait en brèche le principe d'unicité des mandats, en instaurant une différence de nature entre des élus professionnels-salariés, car titulaires de mandats devant être exercés à temps plein et ne vivant que de ce mandat et d'autres bénévoles car conciliant leur vie professionnelle et leur mandat.

Plus fondamentalement, à l'heure où la confiance de nos concitoyens dans leurs représentants est à un niveau particulièrement bas, la gratuité du mandat est une garantie du caractère désintéressé de l'engagement local. En effet, dans le sondage lancé par la mission, les citoyens perçoivent favorablement l'engagement et le bénévolat des élus qui sont gages d'une confiance en leur action. Ainsi, 57 % des sondés déclarent que « l'engagement » décrit le mieux la fonction de maire dont 36 % en première réponse, nettement devant le « service public » (respectivement 36 % puis 20 %) et « l'action » (respectivement 31 % puis 12 %).

En conséquence, la remise en question de la gratuité des mandats locaux doit, aux yeux du rapporteur, être écartée, comme étrangère aux attentes des élus locaux et des citoyens.

Le principe de la gratuité du mandat étant conservé, l'on ne peut néanmoins rester sourd aux revendications légitimes des élus quant à l'amélioration des conditions matérielles de l'exercice de leur mandat, rendu plus nécessaire par l'aggravation des contraintes qui pèsent sur eux.

Face à ces évolutions, la mission estime donc, à rebours des appels à la professionnalisation des élus qui bouleverserait la conception solidement ancrée historiquement et reconnue comme telle par les citoyens d'un mandat local bénévole et gratuit, que l'exercice du mandat doit être simplifié - permettant à chacun de pouvoir l'exercer, y compris sans disposer de compétences particulières en la matière ab initio - et accompagné en améliorant ses conditions matérielles d'exercice. Dans cet esprit, il convient de mettre les élus en situation de vivre leur engagement sans sacrifier pour autant leur vie personnelle, tout en répondant aux exigences qui s'attachent à leur position singulière. À cette fin, deux conditions sont requises : d'une part, une meilleure reconnaissance de l'engagement municipal et, d'autre part, une protection effective et efficace des élus au cours de leur mandat.

2. Reconnaître l'engagement municipal à sa juste valeur

Reconnaître l'engagement municipal à sa juste valeur, c'est reconnaître le juste besoin de compensation des dépenses et sujétions inhérentes à l'exercice par les élus locaux de la charge publique à laquelle ils ont été élus. La question du montant des indemnités, qui servent ce but, mérite donc d'être posée.

Le régime indemnitaire des élus communaux :
des évolutions résultant des lois de décentralisation

Comme l'ont mis en évidence Josiane Costes, Bernard Delcros et Charles Guené au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation226(*), « les modalités d'application du régime indemnitaire ont profondément évolué ces trente dernières années, au fur et à mesure des progrès de la décentralisation ».

Ils soulignaient ainsi cinq évolutions majeures :

- au début des années 1990, la clarification et la codification, dans le code général des collectivités territoriales, des taux plafonds et des règles de cumul régissant les modalités de calcul des indemnités de fonction ;

- au tournant des années 2000, l'indemnisation des élus intercommunaux ;

- au cours des années 2000, la diversification des indemnités, celles- ci ne visant plus simplement à compenser de manière uniforme les frais engagés par les élus locaux, mais également à couvrir certaines charges spécifiques comme les frais de garde d'enfant ou d'assistance aux personnes âgées ou en situation de handicap ;

- dans les années 2010 la reconnaissance de la possibilité pour certaines grandes collectivités de moduler les indemnités de fonction de leurs membres en fonction de leur participation à certaines réunions ou à majorer l'indemnité des exécutifs, d'une part, et l'application croissante aux indemnités de fonction des règles fiscales et sociales s'inscrivant dans le droit commun, d'autre part.

Aujourd'hui, le régime indemnitaire des élus communaux obéit à une double règle :

- certains élus communaux bénéficient de droit d'une indemnité, en application des articles L. 2123-23 à L. 2123-24-1 du CGCT : les maires, les adjoints au maire et les conseillers municipaux des communes de plus de 100 000 habitants ;

- pour tous les autres, une indemnité peut leur être versée, en application de l'article L. 2123-24-1 précité, dans la limite de l'enveloppe indemnitaire globale.

Les indemnités, fixées par une délibération du conseil municipal dans les trois mois de l'élection, doivent respecter des taux plafonds déterminés par le législateur, fixés en référence au montant du traitement correspondant à l'indice brut terminal de l'échelle indiciaire de la fonction publique.

Pour prendre en compte les spécificités inhérentes à l'exercice d'un mandat sur des territoires diversifiés, le législateur a également admis des facultés de majoration des indemnités de fonction des élus municipaux liées tant à la typologie des communes (communes sinistrées, communes classées, station de tourisme, communes attributaires de la dotation de solidarité urbaine), qu'à leur situation administrative (communes chefs-lieux d'arrondissement ou de département) ou encore à leur progression démographique.

En 2020, la loi « Engagement et proximité » a, à l'initiative du Sénat, revalorisé l'indemnité brute des maires pour les trois premières strates démographiques de communes de, respectivement, 50 %, 30% et 20 %.

La revalorisation du point de la fonction publique au 1er juillet 2022227(*) a conduit à une augmentation automatique de l'indemnité maximale brute.

Tableau comparatif des indemnités maximales des maires

Population (habitants)

Indemnité brute (en €)
avant la loi « Engagement et proximité »

Indemnité brute (en €)
au 1er juillet 2020

Indemnité brute (en €)
au 1er juillet 2022

Moins de 500

661

991

1 026

De 500 à 999

1 205

1 567

1 622

De 1 000 à 3 499

1 672

2 006

2 077

De 3 500 à 9 999

2 139

2 139

2 214

De 10 000 à 19 999

2 528

2 528

2 616

De 20 000 à 49 999

3 500

3 500

3 622

De 50 000 à 99 999

4 278

4 278

4 428

100 000 et plus

5 639

5 639

5 837

Source : mission d'après les données de la DGCL

Corrigée de l'inflation sur la période considérée228(*), la progression suite à cette dernière revalorisation est toutefois négative, à -1 %. La prochaine revalorisation de 1,5 % au 1er juillet 2023, annoncée par le ministre chargé de la fonction publique, Stanislas Guerini, ne compensera pas ce léger décrochage.

Néanmoins, les élus locaux expriment régulièrement des critiques à l'encontre du régime d'indemnisation qui leur est applicable. Ainsi, nombreux sont les élus qui déplorent l'insuffisance du montant des indemnisations en comparaison des charges toujours croissantes qui, dans un contexte de technicisation et complexification, résultent du mandat.

Ainsi, selon le rapporteur, il est nécessaire d'engager une réflexion sur la revalorisation du montant des indemnités des élus communaux, afin notamment d'examiner si elle doit au moins suivre l'inflation ou si des décisions plus fortes doivent être prises pour pallier le découragement de ces élus, en particulier dans les communes rurales, et mieux reconnaître le temps qu'ils consacrent à leur mandat.

En complément et à titre subsidiaire, la mission propose de procéder à quelques ajustements des modalités de calcul des indemnités allouées aux élus municipaux par délibération du conseil municipal et aux conseillers communautaires, d'une part, en élevant les taux maximaux enserrant le calcul du régime indemnitaire des élus siégeant au bureau des communautés de communes sans disposer d'attributions exécutives (présidence ou vice-présidence) et, d'autre part, en permettant aux communes de définir le volume des indemnités allouées au maire et aux adjoints à partir du nombre théorique maximal d'adjoints susceptibles d'être désignés et non plus en fonction du nombre réel d'adjoints. Ainsi, lorsque le nombre maximal ne sera pas atteint, il serait possible de répartir le surplus entre les adjoints et des conseillers municipaux délégués.

Proposition n° 6 : Faciliter l'exercice des mandats locaux en reconnaissant à sa juste valeur l'engagement municipal et en s'adaptant à la diversité des profils des élus.

Sous-proposition n° 1 : Lancer une réflexion sur la revalorisation des indemnités de fonction

Relevant de la même logique de reconnaissance de l'engagement des élus dans leur mandat, la mission estime utile de simplifier l'accès à l'honorariat municipal.

Assortie d'aucun avantage financier, cette distinction honorifique participe d'une plus large reconnaissance de l'implication quotidienne des maires, des maires délégués et des adjoints au service de leurs concitoyens. La mission propose donc de réduire de dix-huit à douze ans la durée requise pour bénéficier de l'honorariat. Elle coïncidera donc avec l'accomplissement de deux mandats complets et permettra à un plus grand nombre d'élus de se voir accorder cette distinction, en reconnaissance de leurs services.

Les conditions d'attribution de l'honorariat des maires et adjoints

L'article L. 2122-35 du CGCT prévoit les conditions dans lesquelles l'honorariat peut être attribué à un ancien maire ou adjoint. En vertu des dispositions de l'article L. 2541-1, cet article est applicable dans les communes des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle.

Afin de pouvoir prétendre à l'honorariat, un maire ou un adjoint doit donc remplir trois conditions cumulatives :

- il doit avoir cessé les fonctions pour lesquelles il se voit distingué. S'il n'est donc pas possible d'attribuer l'honorariat à un maire ou adjoint en exercice, rien ne s'oppose à ce qu'il lui soit attribué alors qu'il occupe encore des fonctions municipales distinctes ;

- il doit avoir exercé des fonctions municipales pendant au moins dix-huit ans. Aucune disposition ne fait néanmoins obstacle à ce que ces fonctions aient été exercées dans des communes distinctes ;

- enfin, il ne doit pas avoir fait l'objet d'une condamnation entraînant l'inéligibilité.

Lorsque ces trois conditions sont remplies, il appartient au principal intéressé de se manifester auprès des services de la préfecture, en envoyant les pièces justificatives nécessaires, afin que le préfet lui accorde par arrêté cette distinction honorifique.

3. Améliorer les conditions d'exercice des mandats municipaux en s'adaptant à la diversité des profils d'élus

Comme on l'a vu en première partie, une des raisons de la crise des vocations municipales est la difficulté à concilier vie professionnelle et mandat. Que ce dernier exige des sujétions est dans l'ordre des choses, s'agissant d'une vocation aux services des autres. Mais jusqu'où ce sacrifice peut-il aller ? Ne court-on pas le risque non seulement d'épuiser les élus en place mais aussi de se priver de la capacité à renouveler l'effectif des élus, en décourageant les vocations ?

C'est pourquoi la mission a souhaité formuler des propositions articulées autour de trois axes, poursuivant l'objectif d'améliorer les conditions du mandat municipal et de garantir la diversité sociologique des candidats :

- s'assurer que la trajectoire professionnelle ou personnelle d'une personne ne soit pas défavorisée en raison de l'exercice d'un mandat local ;

- favoriser l'exercice effectif du mandat en libérant du temps pour s'y consacrer ;

- mieux prendre en compte les situations professionnelles spécifiques.

Proposition n° 6 : Faciliter l'exercice des mandats locaux en reconnaissant à sa juste valeur l'engagement municipal et en s'adaptant à la diversité des profils des élus.

Sous-proposition n° 2 : Mieux adapter les conditions d'exercice des mandats municipaux à la diversité de profil des élus, notamment ceux engagés dans la vie professionnelle.

a) Préserver les trajectoires personnelles et professionnelles de la charge que représente un mandat local

Trois voies paraissent pouvoir être explorées pour limiter l'impact de l'engagement dans le mandat sur la vie professionnelle des intéressés.

· Tirer parti des dispositifs existants

La première consiste simplement à mieux faire connaître et mieux appliquer les dispositifs légaux existants, destinés à favoriser la conciliation entre exercice du mandat et vie professionnelle.

Le rapporteur ne peut que s'étonner que ces dispositions restent souvent inappliquées, par méconnaissance des employeurs ou des organismes de sécurité sociale. Plusieurs sénateurs se sont ainsi fait l'écho de ces dysfonctionnements.

Ainsi, Laurent Burgoa, sénateur du Gard, a alerté le ministre chargé des collectivités territoriales sur le fait qu'« en pratique, les employeurs ne respectent pas toujours »229(*) les dispositions relatives aux autorisations d'absence ou aux crédits d'heures attribués aux élus locaux. Pire encore, comme l'avait justement signalé Sylviane Noël, sénatrice de la Haute-Savoie, au ministre chargé des collectivités territoriales : « si plusieurs élus ne sont pas informés du cadre légal entourant leur fonction, certains employeurs refuseraient quant à eux que les salariés concernés utilisent le droit susmentionné »230(*).

De la même manière, Franck Menonville, sénateur de la Meuse, a dénoncé le fait que les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) réclament des remboursements des indemnités journalières versées en cas d'arrêt maladie auprès des élus qui ont continué, après accord médical, d'exercer leur mandat malgré cet arrêt maladie231(*). Par ailleurs, certains professionnels de santé ignoreraient cette faculté qui est offerte au bénéfice de la continuité de l'exercice des mandats municipaux et, comme l'a signalé la sénatrice de l'Yonne Dominique Vérien, « les praticiens eux-mêmes ne sont bien souvent pas au courant de cette subtilité »232(*).

Interrogée sur ce point par le rapporteur, la DGCL a admis que « ces dispositifs protecteurs peuvent parfois être méconnus, par les élus comme les employeurs, et sont insuffisamment mis en oeuvre ». Elle a toutefois indiqué à la mission mener « un travail de diffusion et d'explication en lien notamment avec les associations d'élus ».

Le rapporteur salue ce premier travail de diffusion des informations relatives au mandat municipal qui est une mesure de bon sens, mais il juge nécessaire son amplification et la rapide diffusion auprès d'un public large, dépassant la sphère politique locale, des droits ouverts aux élus locaux. Il rejoint en cela la préconisation émise par la mission pour la redynamisation de la culture citoyenne, estimant qu'il est impératif de mieux reconnaître, dans tous les domaines de la société, l'engagement des élus et d'opérer un profond changement de culture civique sur ce point233(*).

· Mieux tenir compte du mandat dans la constitution des droits à la retraite

La deuxième voie à explorer pour mieux préserver la trajectoire professionnelle de l'engagement dans un mandat local est celle d'une meilleure prise en compte de cet engagement dans la constitution des droits à la retraite ou des droits sociaux.

Le législateur s'est depuis engagé dans cette voie.

Ainsi, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, l'ensemble des élus locaux sont affiliés au régime général de la sécurité sociale. Comme l'a rappelé la DGCL interrogée sur ce point, « cette affiliation leur permet déjà, lorsque leurs indemnités de fonction sont assujetties à cotisations, d'acquérir des droits à l'assurance vieillesse du régime général au titre de leur mandat, sous réserve qu'ils ne soient pas déjà pensionnés à ce régime ».

En complément, les élus locaux bénéficient d'un régime de retraite complémentaire obligatoire ainsi que la faculté de se constituer, par rente, une retraite supplémentaire, à laquelle cotisent pour moitié les collectivités territoriales.

De surcroît, afin de garantir l'engagement de tous et de ne pas faire du mandat local un élément de perte d'avantages acquis, les facultés de cumul emploi-retraite ont été progressivement ouvertes aux élus locaux puis alignées sur le droit commun. Cette évolution traduit concrètement l'application du principe selon lequel un mandat ne donne lieu à la perception d'aucun salaire ou traitement, mais bien d'une indemnité qui peut être librement cumulée avec les bénéfices de cumul emploi-retraite dans certaines situations.

En effet, si le législateur a harmonisé les règles de cumul d'emploi retraite en introduisant le principe de cessation d'activité pour liquider sa retraite et de non-constitution de droits nouveaux en cas de reprise d'activité, il a également clarifié le statut des mandats électifs au regard de ces règles. Comme l'a rappelé la ministre Bérangère Couillard, interrogée sur ce point par la sénatrice Chantal Deseyne, « afin de ne pas décourager l'exercice d'un mandat local à la retraite, les règles du cumul ne font pas obstacle à la perception d'indemnités de fonction. Les élus ne sont donc pas obligés d'interrompre leur activité au moment où ils liquident leur retraite et peuvent continuer à percevoir leurs indemnités de fonction, ainsi qu'une pension. Ils bénéficient par ailleurs d'une mesure dérogatoire concernant le cumul emploi-retraite au titre de leur régime complémentaire obligatoire. Celle-ci leur permet de se constituer de nouveaux droits à retraite Ircantec »234(*).

Ces règles ont été consolidées, à l'initiative du Sénat, lors de l'examen du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 s'agissant de la création de droits nouveaux pour l'ensemble des assurés en situation de cumul emploi-retraite. Toutefois, des difficultés persistent en la matière pour certains élus affiliés à des régimes spéciaux, comme le soulignait justement Chantal Deseyne : « un élu local qui exercerait l'activité d'avocat, en même temps que l'exercice de son mandat, s'il voulait poursuivre à l'avenir son activité au titre du cumul emploi-retraite, serait dans l'obligation soit de démissionner de son mandat, soit de renoncer à ses indemnités, pour répondre à l'obligation de liquidation de l'ensemble des régimes de retraite obligatoires auprès desquels il cotise ».

Face à ces cas, dans lesquels les élus sont placés devant des situations inégales et injustifiées, la mission considère nécessaire de procéder rapidement à l'ensemble des modifications législatives et réglementaires indispensables pour garantir :

- d'une part, la possibilité pour tous les élus locaux de bénéficier de la forme du cumul emploi-retraites de leur choix sans effet sur leurs indemnités de mandat (en particulier pour les élus relevant d'un régime de retraite de base distinct du régime général, comme les avocats) ;

- d'autre part, à tous les élus locaux la possibilité de liquider leurs droits à pension de retraite auprès de l'ensemble des régimes obligatoires de base et complémentaires tout en se constituant des droits supplémentaires en contrepartie des cotisations versées au titre de leur mandat.

Plus généralement, si ces récentes évolutions ont permis des avancées évidentes pour les droits des élus municipaux leur permettant de bénéficier - par l'addition des différentes facultés - d'un montant de retraite plus convenable, il n'en demeure pas moins que nombre d'élus locaux ne disposent pas, à l'issue de leur mandat, d'une retraite à la hauteur de leur engagement au service de leur collectivité.

Le rapporteur estime, dès lors, que, sur le modèle du calcul des droits à la retraite des sapeurs-pompiers volontaires modifié à l'initiative du Sénat, les élus locaux, et particulièrement municipaux, doivent bénéficier d'une bonification à hauteur de trois trimestres par mandat, sans que cela puisse leur permettre de valider plus de quatre trimestres par an. Ceci viserait à compenser une éventuelle réduction de l'activité professionnelle, rendue nécessaire par l'exercice du mandat, qui aurait empêché l'intéressé de cotiser ses quatre trimestres par an. Il va sans dire qu'une telle mesure ne s'appliquerait qu'aux élus ne disposant pas, par le jeu de dispositions spécifiques, d'un régime plus favorable.

Bien que de nature à compenser les sujétions liées à l'exercice d'un mandat et à reconnaître à sa juste valeur l'engagement des élus, une telle mesure suscite les réticences du Gouvernement qui s'est opposé à l'ensemble des initiatives sénatoriales en ce sens. Ainsi que l'a rappelé la DGCL dans sa contribution à la mission, « le Gouvernement n'est pas favorable à ces mesures. Une telle évolution serait susceptible de contribuer à l'assimilation du mandat d'élu local à une activité professionnelle. Or, il convient de maintenir la singularité de l'activité d'élu, qui justifie les dispositions spécifiques, parfois plus favorables, et visent à compenser les sujétions liées à leur mandat ». Le rapporteur relève que, pour surprenant que soit cet argument, il n'en demeure pas moins insuffisant à justifier le refus d'accorder aux élus de telles bonifications, a fortiori dès lors que le Gouvernement a été favorable aux initiatives visant à les accorder aux sapeurs-pompiers volontaires sans que cela ne modifie le caractère bénévole de leur activité235(*).

· Étendre le champ de l'allocation différentielle de fin de mandat

L'allocation différentielle de fin de mandat constitue une mesure extrêmement bienvenue permettant à des élus, pendant un an au plus suivant la fin de leur mandat à l'occasion du renouvellement général, de bénéficier d'une indemnité facilitant la transition vers une nouvelle activité professionnelle. Lorsque l'élu prend la décision de mettre de côté sa carrière pour son engagement, il a ainsi la garantie d'être aidé dans sa reprise d'emploi. C'est une juste compensation de son sacrifice.

Dès lors, comment expliquer que cette allocation ne soit pas perceptible par les maires des communes de 1 000 habitants et moins ? Le rapporteur rappelle à nouveau que la difficulté de l'exercice du mandat dépend moins de la démographie de la commune que des fonctions effectivement exercées, dont le caractère chronophage peut rendre difficile la conservation d'une activité professionnelle. Il estime nécessaire d'ouvrir à l'ensemble des maires, y compris ceux de communes de 1 000 habitants et moins, le bénéfice de cette allocation, rétablissant ainsi une égalité de traitement entre des élus consentant tous à un niveau extrêmement élevé d'engagement236(*)

b) Favoriser l'exercice effectif du mandat en donnant aux élus municipaux le temps et les compétences de leur mandat

La prise d'une responsabilité aussi lourde que celle de maire peut s'accompagner, au moins dans les premiers temps, d'une difficulté à exercer effectivement ce mandat.

Deux types de dispositifs existent à cet égard : d'une part, ceux visant à assurer la disponibilité des élus en activité pour l'exercice de leur mandat et, d'autre part, ceux visant à les accompagner dans celui-ci par l'utilisation de droits à la formation spécifiques.

Le rapporteur considère que ces dispositifs, utiles, peuvent être améliorés.

(1) Donner aux élus le temps de leur mandat

Les élus municipaux salariés bénéficient tous, de plein droit, d'autorisations d'absence afin qu'ils puissent assister aux réunions des conseils municipaux et organes délibérants, commissions ou bureaux dont ils sont membres. L'employeur est tenu de leur accorder sous réserve d'avoir été prévenu au moins quarante-huit heures à l'avance ; il n'est en revanche pas tenu de rémunérer ces absences comme temps de travail.

Ce dispositif est complété par des crédits d'heures, qui prennent la forme d'une durée supplémentaire d'absence, qui n'est pas non plus rémunérée, pour participer à l'administration de sa collectivité. Ce crédit d'heures est forfaitaire et trimestriel, et son volume est calculé par rapport tant à la population de sa collectivité qu'à sa catégorie et aux fonctions exercées par ledit élu, comme le montre le tableau ci-après.

Durée du crédit d'heures, par trimestre, selon les fonctions
du salarié élu municipal

Fonctions de l'élu

Taille de la commune

Durée légale du crédit d'heures
(par trimestre)

Conseiller municipal

Moins de 3 500 habitants

10 heures 30

Entre 3 500 habitants et 9 999 habitants

10 heures 30

Entre 10 000 et 29 999 habitants

21 heures

Entre 30 000 et 99 999 habitants

35 heures

100 000 habitants ou plus

70 heures

Adjoint au maire

Moins de 10 000 habitants

70 heures

Entre 10 000 et 29 999 habitants

122 heures 30

30 000 habitants ou plus

140 heures

Maire

Moins de 10 000 habitants

122 heures 30

10 000 habitants ou plus

140 heures

Source : service-public.fr

S'il ne paraît pas illégitime, au regard de la moindre implication qu'implique un mandat de conseiller municipal non doté de fonctions exécutives, que les détenteurs de ce mandat disposent d'un crédit d'heures inférieur et dégressif en fonction de la strate de commune, le barème actuel ne semble pas rendre justice à l'engagement que requièrent les fonctions de maire et d'adjoint dans les communes de petite taille :

- d'une part, le principe d'un crédit dégressif en fonction de la démographie de la commune ne va pas de soi. Les responsabilités incombant aux élus locaux et le nombre de réunions auxquelles ils doivent participer pour l'exercice de leur mandat ne décroissent pas nécessairement avec le nombre d'habitants ; au contraire, les communes de petite taille exigent souvent du maire un investissement supérieur, faute d'une équipe structurée à ses côtés ;

- d'autre part, ce crédit peut encore être insuffisant, comme l'a montré la crise de l'épidémie de la covid-19, lors de laquelle les élus municipaux n'ont pas compté leurs heures.

En conséquence, le rapporteur propose de :

supprimer les critères démographiques pour la détermination du nombre d'heures dont disposent adjoints et maires ;

porter ce crédit unique à 140 heures pour les adjoints - soit quatre fois la durée hebdomadaire légale du travail -et à 175 heures pour les maires - soit cinq fois la durée hebdomadaire légale du travail -, ce qui garantirait aux maires de pouvoir consacrer un peu plus du tiers de leur temps de travail à leur mandat.

Le rapporteur souligne qu'un tel assouplissement ne poserait pas nécessairement de difficultés aux employeurs concernés, qui ne seraient toujours pas tenus de rémunérer les temps d'absence de l'élu salarié, la durée totale d'absence autorisée - cumulant autorisations d'absence et crédits d'heures - demeurant inchangée, à 803 heures 30 par an.

Elle apporterait seulement plus de souplesse et de sécurité aux personnes en activité professionnelle.

(2) Donner aux élus les compétences de leurs mandat

S'il ne doit en aucun cas devenir un métier auquel préparerait un diplôme, le mandat d'élu municipal implique, en raison de sa technicisation croissante, la maîtrise de certaines compétences.

La formation des élus locaux, dont le cadre juridique et économique a récemment été modifié237(*), doit être davantage mobilisée par les élus. Le Sénat avait d'ailleurs, sur proposition de la rapporteure Françoise Gatel, explicitement prévu dans le cadre de l'examen du projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la formation des élus locaux, que « dès la première année de leur mandat et gratuitement, des modules de formations élémentaires nécessaires à l'exercice de leur mandat » soient proposés aux élus locaux dans le cadre de leurs droits individuels à la formation (DIFE). Aux yeux de la rapporteure, un tel module constitue un « kit de survie de l'élu local » indispensable à l'exercice de son mandat.

L'horizon de 2026 constituera à cet égard un test « grandeur nature » de la qualité de ces modules pour les élus municipaux nouvellement élus. Une telle exigence doit être, dès aujourd'hui, un aiguillon de l'action publique et inciter les services de l'État, par la qualité et l'accessibilité des formations proposées, à mettre rapidement les élus municipaux en situation d'exercer pleinement leur mandat.

Parallèlement, certaines préfectures organisent, d'ores et déjà, des semaines de formations à destination des maires et des conseillers communaux dans les semaines suivant le renouvellement général des conseils municipaux. Le rapporteur salue ces initiatives qui permettent non seulement de délivrer des informations claires et fiables aux élus municipaux mais surtout d'établir de premiers liens directs entre les élus et les personnels des préfectures et sous-préfectures. Ces initiatives doivent être amplifiées et systématisées de sorte que les modules élémentaires de formation précités prennent, préférablement, cette forme plutôt que celle de modules en ligne ou à distance.

c) Prêter attention à certaines situations particulières : l'élu étudiant, les élus travailleurs transfrontaliers

La conciliation entre le mandat d'une part et la vie professionnelle et personnelle des maires et élus municipaux d'autre part doit être mieux assurée pour l'ensemble des élus. Trop souvent, les dispositions législatives et réglementaires prises pour la protection des élus ne prêtent qu'une attention distraite à certaines situations interstitielles, tangentes, qui sont en conséquence mal prises en compte. Si des mesures ont été effectivement mises en oeuvre pour favoriser la conciliation entre vie personnelle et professionnelle et exercice du mandat, elles manquent partiellement leur cible, faute de viser certains élus auxquels de telles mesures profiteraient pourtant particulièrement.

Un exemple est celui des élus transfrontaliers qui, faute d'une reconnaissance transfrontalière du statut d'élu local, perdent certains bénéfices pourtant accordés à tous les élus locaux salariés en France. Ce profil d'élus participe pourtant de la richesse de ces fonctions, en faisant dialoguer des cultures politiques et administratives différentes. Il ne devrait, à ce titre, pas être « désincité » à s'engager dans la vie politique de sa commune.

Conscient de ces difficultés, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères avait annoncé que « ce sujet pourrait se voir renvoyer à une négociation bilatérale entre partenaires transfrontaliers »238(*), ce qui n'a, à la connaissance du rapporteur, pas été fait. Il convient donc de réactiver les efforts en la matière afin de conclure, dans le cadre d'un dialogue bilatéral avec les États voisins, en particulier l'Allemagne et le Luxembourg, des conventions afin de limiter les conséquences négatives de cette absence d'harmonisation entre statuts.

Une seconde situation non prise en charge par les dispositifs existants est celle de l'élu étudiant.

Le rapporteur appelle de ses voeux la création d'un statut de l'élu étudiant pour les jeunes inscrits en université ou dans un établissement supérieur. En effet, comme l'a confirmé la secrétaire d'État chargé de la citoyenneté : « le code général des collectivités territoriales ne prévoit aucune disposition particulière pour aménager les conditions de poursuite des études avec l'exercice d'un mandat »239(*) ce qui apparaît, aux yeux du rapporteur, comme particulièrement regrettable, notamment au regard de l'importance de la diversification des profils au sein des conseils municipaux, qui doivent pouvoir être représentatifs de l'ensemble de la population de leur commune. Au surplus, les jeunes qui font le choix de l'engagement citoyen doivent être accompagnés, à la manière des dispositifs qui existent pour les étudiants exerçant une activité professionnelle, cet engagement au service de l'intérêt général ne devant pas être moins créateur de droits pour les jeunes.

Si la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté a consacré différentes mesures visant à encourager et faciliter cet engagement, elle a échoué à les systématiser en renvoyant à l'appréciation des établissements d'enseignement supérieur et, en conséquence, été une occasion manquée de consacrer un véritable statut de l'élu-étudiant. Dès lors, et d'un constat partagé avec la DGCL, un statut de l'élu-étudiant pourrait être consacré en insérant à l'article L. 611-11 du code de l'éducation la mention du mandat de l'élu local « afin d'assurer à tous les étudiants élus locaux le bénéfice de ces aménagements ».

La loi « Égalité et citoyenneté » : de premiers apports
pour favoriser l'engagement des jeunes dans le mandat local

Afin d'assurer les conditions de la participation de la jeunesse à la vie démocratique et citoyenne, la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté a notamment prévu de nouveaux dispositifs en matière de conciliation des études avec l'exercice d'activités particulières. Les établissements d'enseignement supérieur sont désormais compétents pour prévoir des aménagements dans l'organisation et le déroulement des études et des droits spécifiques liés à l'exercice de responsabilités particulières conformément à l'article L. 611-11 du code de l'éducation.

Ces aménagements et ces droits spécifiques sont définis, après évaluation des besoins, par la commission de la formation et de la vie universitaire du conseil académique de l'université ou, à défaut, par l'instance en tenant lieu (article D. 611-9 du même code). Si le code de l'éducation ne cite pas expressément l'exercice d'un mandat d'élu local au titre des activités donnant droit à aménagement, dans la pratique, plusieurs établissements d'enseignement supérieur prévoient déjà de tels dispositifs pour leurs étudiants concernés.

Source : DGCL

B. UNE EXIGENCE : PROTÉGER LES ÉLUS MUNICIPAUX EN TOUTES CIRCONSTANCES FACE AUX MENACES ET AUX MISES EN CAUSE

Les travaux de la mission confirment que les élus municipaux sont confrontés à deux phénomènes qui déstabilisent leur action et menacent parfois leur personne.

Ils ne doivent pas être confondus car ils sont de natures profondément différentes.

Le premier est celui des menaces, incivilités et violences auxquelles sont exposés les maires et les autres élus municipaux. C'est une atteinte directe, parfois physique, à leur personne, leur autorité, leurs biens et leurs proches. De tels manifestations ne peuvent être tolérées et appellent la réponse la plus ferme.

Le second phénomène est celui de la mise en cause des élus devant les tribunaux. Il s'appuie sur le droit des citoyens à contester les décisions administratives ou à dénoncer l'action des élus malgré les exigences déontologiques fortes qui s'imposent à ces derniers. Pour autant, il n'apparaît pas évident que toutes ces actions soient légitimes.

Dans ce cas, comme dans le premier, la demande de protection de des élus est justifiée. Y répondre est une exigence impérieuse pour les pouvoirs publics.

1. Garantir la protection effective des maires et élus municipaux dans l'exercice de leur mandat

· Incivilités, menaces et violences : un phénomène à l'expansion inquiétante

Saint-Brevin-les-Pins en Loire-Atlantique, Carnac dans le Morbihan, Montjoi en Tarn-et-Garonne, Lauris en Vaucluse, Annecy en Haute-Savoie, Kougoun à Mayotte, La Haÿ-Les-Roses dans le Val-de-Marne... Le nombre de faits ayant attiré l'attention des médias sur les violences ou les menaces contre les élus n'a cessé d'augmenter depuis que la mission a engagé ses travaux.

Encore ces affaires ne représentent-elles qu'une part infime d'un phénomène qui a gagné en extension au cours des dernières années.

Lors de ses déplacements ou de ses auditions, la mission a entendu de nombreux élus relater les menaces ou les violences dont ils ont été victimes, comme les maires de Neroy dans le Loiret, Fouilloy dans la Somme ou Ubexy dans les Vosges.

Surtout, elle a pris la mesure du phénomène par la consultation des élus locaux à laquelle elle a procédé : sur 2 954 élus ayant répondu, les proportions de ceux qui ont été victimes d'injures ou d'incivilités, de menaces ou de violence sont les suivantes :

Réponses à la question : Avez-vous été victime dans le cadre de l'exercice de vos fonctions municipales, depuis le début du mandat actuel...

... d'incivilités (impolitesse, agressivité, etc.) ou d'injures ?

... de menaces verbales ou écrites ?

... d'agressions physiques ou de violences ?

Fréquemment

5,1 %

2,5 %

0,6 %

Parfois

35,4 %

22,5 %

4,2 %

Rarement

31,0 %

27,0 %

9,4 %

Jamais

27,4 %

46,2 %

82,1 %

Ne se prononce pas

1,2 %

1,7 %

3,7 %

Source : Mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France

Les proportions sont importantes : seuls un peu plus d'un quart des élus répondants (27,4 %) ont été préservés des d'injures ou incivilités, et moins de la moitié (46,2 %), de menaces. Près de 20 % ont subi des violences.

Ceci rejoint les études conduites par l'AMF qui dénoncent une augmentation des outrages, menaces et violence contre les élus de 15 % en 2022, en dénombrant 1 500 environ à partir des déclarations faites à son observatoire des agressions envers les élus et des faits rapportés par la presse240(*).

Interrogé par le rapporteur, la DGCL a indiqué qu'au cours du premier trimestre 2023, « 891 faits visant des élus ont été recensés par les services de police et de gendarmerie et 632 procédures initiées. [...] Le plus fréquemment, les élus sont victimes d'outrages (36 %) et de menaces de mort (21 %). Les faits de violences physiques (160 en 2020) restent largement minoritaires et stables par rapport à 2022 (165). 42 % des procédures concernent les maires et 20 % les députés. En zone de gendarmerie nationale (ZGN), ce sont les maires, adjoints et conseillers municipaux qui sont principalement visés, à 85%. Les parlementaires représentent 12% des victimes. En zone de police nationale (ZPN), ce sont les députés qui sont le plus visés : ils représentent 50% des atteintes aux élus, devant les maires (25% ). » Encore ces statistiques ne rendent-elles compte que des affaires signalées aux services de police et de gendarmerie.

Si les faits les plus graves ne sont, heureusement, pas les plus nombreux, ceci signifie malgré tout que les maires sont régulièrement exposés à ces manifestations d'agressivité. Rien ne serait pire de les abandonner face à elles.

· Hausser le niveau de protection et d'accompagnement des élus municipaux victimes d'agressions de toutes sortes

Auditionné par la mission, Yannick Morez, maire démissionnaire de Saint-Brevin-les-Pins, a alerté sur les risques de désengagement des élus en cas de défaut de protection effective des maires dans le cadre de leur mandat. Ainsi a-t-il déclaré : « J'ai bien peur qu'en 2026, dans certaines petites communes, nous n'ayons pas de liste. Il va falloir prendre en compte cette non-participation et ce non-engagement des citoyens qui craignent parfois les conséquences d'un engagement politique. Nous devons les rassurer. »

Interrogée sur les réponses du Gouvernement pour répondre à la démission de Yannick Morez et au phénomène plus large de la protection des élus face à la recrudescence des violences à leur encontre, la DGCL a indiqué que « l'identification de solutions est l'enjeu même du centre d'analyse et de lutte contre les atteintes aux élus (CALAé) installé le 17 mai dernier par la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité en présence notamment du préfet de police de Paris, des directeurs généraux de la gendarmerie [DGGN] et de la police [DGPN] nationales, du directeur général de l'ANCT et de la directrice générale des collectivités locales ».

Cette avancée est un premier pas salutaire afin de mieux connaître le phénomène des violences aux élus et de coordonner l'action des forces de sécurité et du monde judiciaire dans la réponse opérationnelle et judiciaire apportée, sur le terrain, pour la protection des élus. Toutefois, la mission sera particulièrement vigilante quant à la mise en oeuvre et au fonctionnement du CALAé. En effet, une telle initiative ne doit pas demeurer une coquille vide et doit surtout s'appuyer sur un effort d'écoute particulièrement soutenu des maires et élus, qui doivent être associés à sa conduite, comme le rappelait l'AMF dans un communiqué de presse : « la création d'un Centre d'analyse et de lutte contre les violences faites aux élus, dont la présentation a eu lieu ce jour et qui doit permettre de comprendre l'origine de ces violences et de pouvoir agir dans le domaine de la prévention répond à une demande ancienne de l'AMF. L'Association a demandé à être étroitement associée aux travaux de ce nouveau centre d'analyse qui doit devenir une plate-forme nationale d'enregistrement et de suivi des plaintes »241(*).

Consultée sur ce point par la mission, la DGCL a rappelé les premières mesures du « pack de sécurité » annoncé par le Gouvernement, à savoir :

- la désignation de référents « atteintes aux élus » dans les zones gendarmerie et police nationales afin que les élus aient un point de contact privilégié pour parler des menaces ou des violences dont ils font l'objet, que leur situation soit connue et qu'une action soit mise en oeuvre ;

- le renforcement du dispositif « alarme élus » : inscription, à leur demande, des élus dans le système d'information opérationnel (SIP) de la DGGN et dans Pegase pour la DGPN ;

- des diagnostics réalisés par le réseau des correspondants et référents sûreté de la gendarmerie nationale (5 007 gendarmes) et de la police nationale (951 policiers) ;

- le recueil des plaintes des élus dans le lieu de leur choix (mairies, domiciles, etc.), dans une logique d'« aller vers », grâce aux moyens modernes de prise de plainte.

A également été annoncé l'envoi d'une instruction « aux préfets, aux unités de la police nationale et aux unités de gendarmerie nationale pour mobiliser l'ensemble de ces acteurs sur ce sujet et expliciter le contenu du pack » dont on ne connaît pas encore l'effectivité.

Ainsi, certaines des demandes des élus municipaux paraissent recevoir une première réponse dans les annonces gouvernementales, ce dont la mission ne peut que se féliciter.

Les constats établis à l'issue de ses travaux, en s'appuyant en particulier sur la consultation des élus locaux qu'elle a lancée, l'amènent toutefois à formuler des propositions complémentaires qui poursuivent un double objectif : d'une part, mieux protéger les élus locaux dans l'exercice de leurs mandats et, d'autre part, améliorer l'accompagnement par les acteurs judiciaires et étatiques chargés des élus victimes.

Ces propositions reprennent, pour l'essentiel, des mesures de la proposition de loi déposée le 26 mai 2023 au Sénat par le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, le rapporteur et la présidente de la mission ainsi que plusieurs de leurs collègues renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires.

Ainsi, il apparaît souhaitable, en premier lieu, de renforcer l'arsenal répressif en cas de violences commises à l'encontre des élus en :

aggravant les peines encourues pour des faits de violences commises à l'encontre des élus, afin de les aligner sur les peines prévues pour les dépositaires de l'autorité publique, soit cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende si les violences ont entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours et sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende si l'incapacité de travail qui en résulte dépasse huit jours ;

- prévoyant une peine de travail d'intérêt général en cas d'injure publique lorsqu'elle est commise à l'encontre des personnes dépositaires de l'autorité publique, dont les élus locaux, ainsi qu'une nouvelle circonstance aggravante pour les cas de harcèlement, notamment en ligne, contre les élus locaux, afin de répondre au développement des menaces en ligne et des injures proférées sur les réseaux sociaux, dont nombre des élus entendus par la mission ont souligné la nocivité, de ce point de vue.

En complément, il est apparu indispensable au rapporteur d'améliorer la prise en charge des élus victimes de violences, agressions ou injures dans le cadre de leur mandat. Il propose ainsi de :

simplifier la mise en oeuvre effective de la protection fonctionnelle, en lui conférant un caractère automatique pour les maires et adjoints qui en font la demande pour des faits commis dans l'exercice de leur mandat, y compris en cas de violence, menace ou outrage. Il resterait néanmoins loisible au conseil municipal, par une délibération spécialement motivée par l'intérêt général prise dans un délai de trois mois, de retirer le bénéfice d'une telle protection fonctionnelle au maire ou à un adjoint ;

élargir à l'ensemble des communes de moins de 10 000 habitants la compensation financière par l'État des coûts de couverture assurantielle pesant sur ces dernières pour l'octroi de la protection fonctionnelle ;

Au surplus, le rapporteur insiste sur la faiblesse des montants des barèmes de compensation de ces coûts compris entre 133 euros pour les communes les plus peuplées et 72 euros pour les plus petites242(*), ce qui ne permet pas toujours aux communes d'obtenir une juste compensation, à rebours de l'intention du législateur exprimée clairement lors des débats sur le projet de loi dit « Engagement et proximité » de 2019. Ce dispositif étant relativement récent, la mission estime indispensable que sa mise en oeuvre soit suivie, afin de voir s'il se confirme qu'une revalorisation des montants est nécessaire.

- prévoir, enfin, la prise en charge par la commune, au titre de la protection fonctionnelle, de l'ensemble des restes à charge ou dépassements d'honoraire résultant de la prise en charge médicale et psychologique des élus victimes.

Enfin, la mission est convaincue que ces évolutions de l'arsenal judiciaire et législatif destiné à protéger les maires et élus municipaux doivent impérativement s'accompagner d'un changement profond de culture des acteurs judiciaires qui ne peuvent plus rester passifs face à ces phénomènes.

Lors de son déplacement dans la Somme, elle a pu examiner le dispositif mis en place par Jean-Philippe Vicentini, procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Amiens, qui associe l'association départementale des maires et se décline en plusieurs points :

- la désignation d'un substitut du procureur référent par intercommunalité, auquel tous les maires peuvent avoir accès ;

- la création d'une boîte mail, réservée aux maires, relevée chaque jour par le substitut référent, sur laquelle ils peuvent échanger et porter plainte pour toute infraction commise sur le territoire de leur commune ;

- la mise en place d'une politique pénale par laquelle le procureur s'engage à donner des suites pénales, avec déferrement, à toute atteinte contre les élus et à toujours motiver les éventuels classements sans suite ;

- la mise en place de relais réguliers d'information auprès des élus.

Le rapporteur estime que cet ensemble de bonnes pratiques mériteraient d'être généralisé aux autres ressorts judiciaires.

Proposition n° 7 : Protéger les élus municipaux en toutes circonstances face aux menaces et aux mises en cause.

Sous-proposition n° 1 : Garantir la protection effective des maires et élus municipaux face aux violences, menaces et outrages, par un renforcement de la protection fonctionnelle et une amélioration du dispositif judiciaire.

2. Sécuriser l'action des élus locaux dans l'exercice quotidien de leur mandat : responsabilités et obligations déontologiques

Interrogées sur ces points, la DGCL et le ministère de la justice ne disposent d'aucune statistique exhaustive sur le nombre d'élus mis en cause et condamnés, de même que sur les violences commises contre les élus en général - les statistiques recensant uniquement les dépôts de plainte et faits dénoncés par les élus. Certaines approximations peuvent néanmoins permettre de dresser un premier panorama statistique. Ainsi, l'observatoire de la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL) établit un suivi statistique qui permet de dresser les tendances générales de poursuites engagées à l'encontre des élus, comme des condamnations effectives de ces derniers. Ses travaux sont éclairants à deux égards.

D'une part, les données qu'elle fournit confirment une hausse continue du nombre de poursuites des élus locaux depuis 1995 avec une stabilisation du nombre de mises en cause depuis le mandat 2014-2020. A ainsi été observée une hausse de 51,5 % du nombre de poursuites entre les mandats 2008-2014 et 2014-2020. D'autre part, selon les estimations réalisées par l'observatoire, le nombre de condamnations devrait atteindre sur le mandat 2020-2026 son record historique, s'établissant à 642 condamnations, tandis que le nombre d'élus locaux poursuivis connaîtrait une relative décrue, s'établissant à 1 617.

Nombre d'élus locaux poursuivis et condamnés par mandature
depuis 1995, toutes infractions confondues

Source : rapport annuel 2022 de la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales.

Confortant ces tendances, le Conseil d'État, dans une étude publiée en 2018, relevait que « si le risque de condamnation est limité par une définition raisonnable de la faute pénale, le risque de mise en cause est plus sérieux. [...] La recherche de la responsabilité pénale des décideurs paraît ainsi constituer une tendance forte »243(*).

(1) Un cadre juridique progressivement étoffé

Les obligations éthiques et déontologiques des élus locaux ont nettement crû depuis 2013 et l'adoption de la loi n° 2013-907 relative à la transparence de la vie publique, dont l'article 1er, qui oblige les responsables publics à exercer leurs fonctions « avec dignité, probité et intégrité » et à veiller « à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d'intérêts ».

S'agissant de la première de ces obligations, la loi n° 2015-366 du 31 mars 2015 visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat, a complété ces dispositions en insérant l'article L. 1111-1-1 au CGCT, qui détaille la « charte de l'élu local », dont il est donné lecture par le maire lors de la première réunion du conseil municipal et dont une copie est remise à chacun des conseillers municipaux244(*).

Charte de l'élu local

1. L'élu local exerce ses fonctions avec impartialité, diligence, dignité, probité et intégrité.

2. Dans l'exercice de son mandat, l'élu local poursuit le seul intérêt général, à l'exclusion de tout intérêt qui lui soit personnel, directement ou indirectement, ou de tout autre intérêt particulier.

3. L'élu local veille à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d'intérêts. Lorsque ses intérêts personnels sont en cause dans les affaires soumises à l'organe délibérant dont il est membre, l'élu local s'engage à les faire connaître avant le débat et le vote.

4. L'élu local s'engage à ne pas utiliser les ressources et les moyens mis à sa disposition pour l'exercice de son mandat ou de ses fonctions à d'autres fins.

5. Dans l'exercice de ses fonctions, l'élu local s'abstient de prendre des mesures lui accordant un avantage personnel ou professionnel futur après la cessation de son mandat et de ses fonctions.

6. L'élu local participe avec assiduité aux réunions de l'organe délibérant et des instances au sein desquelles il a été désigné.

7. Issu du suffrage universel, l'élu local est et reste responsable de ses actes pour la durée de son mandat devant l'ensemble des citoyens de la collectivité territoriale, à qui il rend compte des actes et décisions pris dans le cadre de ses fonctions.

Source : article L. 1111-1-1 du CGCT

S'agissant de la seconde des obligations faites aux élus locaux au titre de l'article 1er de la loi n° 2013-907, l'article 2 de la même loi définit le conflit d'intérêts et prévoit en son 2° que lorsqu'elles estiment se trouver en telle situation, les « personnes titulaires de fonctions exécutives locales sont suppléées par leur délégataire, auquel elles s'abstiennent d'adresser des instructions ».

Par ailleurs, l'article 432-12 du code pénal a prévu les conditions d'engagement de la responsabilité pénale des élus locaux sur le fondement du délit de prise illégale d'intérêts.

Conflits d'intérêts et prise illégale d'intérêt

I de l'article 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique :

« Au sens de la présente loi, constitue un conflit d'intérêts toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction. »

Article 432-12 du code pénal (dans sa rédaction avant le 22 décembre 2021) :

« Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction. »

Le cadre d'engagement de la responsabilité pénale des élus locaux a donc connu deux modifications importantes245(*) dans le cadre de loi « 3DS » :

- n'est désormais plus visée à l'article 432-12 du code pénal la prise d'un intérêt « quelconque », mais celle d'un intérêt « de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité »246(*) ;

- l'article L. 1111-6 du CGCT est rétabli pour prévoir que les « représentants d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales désignés pour participer aux organes décisionnels d'une autre personne morale de droit public ou d'une personne morale de droit privé en application de la loi ne sont pas considérés, du seul fait de cette désignation, comme ayant un intérêt » à l'affaire lorsque des délibérations de la collectivité ou du regroupement concerné sur des affaires intéressant la personne morale concernée ou, à l'inverse, des décisions de l'organe décisionnel de cette dernière sur des affaires intéressant la collectivité ou le groupement concerné sont prises. Ce cas vise notamment les sociétés publiques locales et les sociétés d'économie mixte locale247(*).

(2) Un besoin de stabilité

Alors que ce cadre juridique paraît aujourd'hui être arrivé à maturité, il importe d'en préserver pour l'heure la stabilité.

En effet, l'application de ces dispositions aux élus locaux, en particulier municipaux, a souvent nui à la sécurité juridique de leur action quotidienne. S'il est normal que les élus locaux soient soumis à un standard élevé d'exigences en matière de probité et d'intégrité, une interprétation excessivement large de ces dispositions a pu constituer un obstacle à l'action publique injustifié au regard de la bonne foi des élus concernés : il a pu sembler particulièrement absurde que la responsabilité pénale d'élus soit susceptible d'être engagée au motif qu'ils ne se sont pas déportés d'une décision au sein d'organes ou d'instances au sein desquels ils étaient tenus de siéger en vertu de prescriptions légales, une difficulté heureusement palliée par l'article 217 de la loi « 3DS »...

Les élus locaux sont encore en train de s'approprier ce cadre juridique comme en témoigne le rapport d'activité pour 2022 de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui soulignait que les demandes d'avis transmises à cette autorité émanaient en majorité d'élus locaux, témoignant à la fois de « l'enracinement d'un réflexe déontologique » de la part des élus et de capacités juridiques souvent moins dotées que d'autres responsables publics (administrations centrales, etc.)248(*).

Ce constat est partagé par la DGCL qui, interrogée sur ce point par le rapporteur, a rappelé que « compte tenu du caractère récent des évolutions opérées, il semble opportun d'attendre que les différents acteurs se soient appropriés les nouvelles dispositions et que les éventuelles limites du dispositif actuel aient été précisément identifiées avant toute nouvelle modification législative ».

Il importe dès lors, selon le rapporteur, de stabiliser le cadre juridique actuel, afin que les élus municipaux se l'approprient au mieux et que les parquets et les tribunaux tiennent bien compte du recentrement de la définition du conflit d'intérêts sur ceux de nature à compromettre l'impartialité, l'indépendance ou l'objectivité de la décision publique, dans les suites données aux plaintes dont ils sont saisies.

Une culture déontologique ne pourra au surplus se diffuser qu'au prix d'un réel effort de la part des services de l'État en la matière : la diffusion de guides de bonnes pratiques paraît à cet égard particulièrement nécessaire. Les référents déontologues, dont le statut a été prévu à l'article 218 de la loi « 3DS », pourraient utilement s'appuyer sur de tels outils. Au surplus, cette stabilisation du cadre juridique doit permettre au monde judiciaire de s'acculturer aux spécificités que recouvre l'exercice d'un mandat local, qui ne semblent pas toujours avoir été correctement appréciées par celui-ci.

En tout état de cause, toute évolution future de ce cadre juridique nécessiterait l'établissement préalable d'un bilan précis, prenant en compte, outre les dispositions prévues par le législateur, l'interprétation en étant effectivement faite, notamment dans le monde judiciaire.

Proposition n° 7 : Protéger les élus municipaux en toutes circonstances face aux menaces et aux mises en cause.

Sous-proposition n° 2 : Stabiliser le cadre juridique des conflits d'intérêts et de la prise illégale d'intérêts et veiller à l'acculturation de tous les acteurs pour sécuriser l'action des élus locaux.

3. Remédier à l'absence de protection spécifique des candidats aux élections municipales

Afin de garantir, dans un contexte de crise des vocations électorales, l'engagement des citoyens dans les campagnes électorales et de permettre à chacun d'être candidat aux élections sans craindre pour sa sécurité, la mission propose l'élargissement du bénéfice de la protection fonctionnelle aux candidats ayant déposé leur candidature, pendant toute la durée de la campagne électorale. Cette protection serait prise en charge par l'État, acteur impartial et garant de l'expression pluraliste des courants d'idées comme de la tenue régulière des opérations électorales.

De la même manière, il semble essentiel, aux yeux du rapporteur, de constituer un droit à une prise en charge par l'État, quels que soient le résultat électoral et la taille de la collectivité, des dépenses engagées par tout candidat pour sa sécurité. Celles-ci seraient prises en charge à une double condition : d'une part, que la prestation de sécurité ne soit pas exercée par les forces de l'ordre et, d'autre part, qu'il existe une menace avérée envers un candidat.

Proposition n° 7 : Protéger les élus municipaux en toutes circonstances face aux menaces et aux mises en cause.

Sous-proposition n° 3 : Remédier à l'absence de protection spécifique des candidats aux élections municipales.

EXAMEN EN COMMISSION
(Mercredi 5 juillet 2023)

Mme Maryse Carrère, présidente. - Mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui réunis pour clore les travaux de notre mission d'information, lancée en début d'année sur l'initiative du groupe Les Républicains.

Je souhaite remercier chacun d'entre vous pour la part qu'il a prise à ces travaux, tout particulièrement notre rapporteur Mathieu Darnaud.

Au cours des six mois qu'aura duré cette mission, nous avons pu recueillir la parole des maires et celles des principales associations les représentant sur les difficultés qu'ils rencontrent dans l'exercice de leur mandat et les souhaits qu'ils forment pour leur avenir. Nous avons été rattrapés par l'actualité, qu'il s'agisse de l'affaire du maire de Saint-Brevin-les-Pins ou des événements des derniers jours.

Nous avons conduit quatre déplacements, en Ille-et-Vilaine, dans les Vosges, en Haute-Garonne et dans la Somme, pour rencontrer les élus locaux sur le terrain et nous confronter à des réalités territoriales différentes.

Enfin, sur l'initiative de notre rapporteur et avec l'aide d'Éric Kerrouche, notre mission aura lancé deux consultations.

Nous avons tout d'abord consulté les élus locaux, avec un certain succès puisque près de 3 000 élus ont répondu, dont 2 093 maires. Si cette consultation ne présente pas les caractéristiques méthodologiques d'un sondage, le vaste échantillon des répondants nous a permis de mieux cerner les ressorts des difficultés actuelles des maires et leurs souhaits d'évolution.

Par ailleurs, nous avons lancé un sondage, conduit par l'institut CSA, sur la perception des Français à l'égard des maires et des communes.

Les résultats de ces deux travaux seront, si vous l'acceptez, publiés dans le cadre du rapport de la mission d'information.

Mes chers collègues, nul d'entre nous n'a pu être indifférent au sujet de notre mission. Pour les anciens élus locaux que nous sommes beaucoup à avoir été et pour des sénateurs qui se tiennent au plus près des collectivités territoriales, s'interroger sur l'avenir de la commune et des maires, c'est s'interroger sur ce qui fait le coeur de la démocratie locale. Dresser un constat lucide de la situation actuelle des communes et des maires, chercher à comprendre les ressorts de la crise qu'ils traversent et esquisser les pistes pour la surmonter : telle était l'ambition de notre mission d'information et c'est ce à quoi s'est employé notre rapporteur.

Nous devons aujourd'hui nous prononcer sur l'adoption de ce rapport. Le rapport a été mis à votre disposition lundi pour consultation et il vous a été donné la possibilité de nous soumettre des propositions de modification.

Je vous rappelle que les groupes politiques ont la possibilité, s'ils le souhaitent, de faire valoir leur position dans une contribution annexée au rapport. Toutefois, ces contributions devront être reçues avant le vendredi 7 juillet, à 17 heures.

Enfin, j'attire votre attention sur le fait que le rapport ne sera publié que mercredi 12 juillet prochain, après sa présentation à la presse dans la matinée. D'ici là, je vous invite à la plus grande confidentialité sur son contenu et ses conclusions.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Je voudrais tout d'abord, mes chers collègues, vous remercier de votre participation aux déplacements, à l'élaboration du sondage, à la concertation et à l'ensemble des échanges que nous avons eus autour des contours de cette mission d'information, qui - c'est le moins qu'on puisse dire - tombe à un moment particulièrement complexe. L'année 2023 n'aura pas épargné les maires !

Notre mission d'information achève donc ses travaux dans un contexte confirmant, malheureusement, les inquiétudes que nous nourrissions déjà en janvier dernier, au moment où nous l'avons lancée. Ces inquiétudes étaient nombreuses : augmentation des menaces, injures ou violences contre les élus ; multiplication des démissions d'élus municipaux ; malaise des maires, qui ne sentaient plus suffisamment le soutien de l'État ou étaient confrontés à des situations complexes, avec des citoyens de plus en plus exigeants.

Le mandat qui s'était ouvert deux ans plus tôt, au pire de la crise sanitaire, était aussi le premier à connaître le plein effet des nombreuses réformes territoriales des dernières années : arrivée à maturité de l'intégration intercommunale ; loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam), loi Engagement et proximité et loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS) ; suppression d'une part importante de la fiscalité locale...

En prenant l'initiative de créer une mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire, le groupe Les Républicains nous a invités, non seulement à faire le point sur la situation des communes et des élus municipaux, mais aussi à réfléchir au modèle de communes que nous devions défendre et à la façon d'améliorer les conditions d'exercice du mandat local.

Notre réflexion a pu s'enrichir des nombreux travaux conduits au Sénat sur la démocratie locale et la France des communes : je pense, en particulier, à ceux de la délégation aux collectivités territoriales, ceux des commissions des lois ou des finances, ou encore au récent groupe de travail sur la décentralisation présidé par le président Gérard Larcher.

Tous ces travaux nous ont permis de prendre la mesure de la situation actuelle et d'objectiver le malaise ressenti par les élus municipaux. C'est là un apport notable, je crois, de notre mission d'information : faire sortir des bases de données du ministère de l'intérieur le nombre des démissions de maires et, par le sondage et la consultation que nous avons lancés, en révéler les ressorts.

Trois résultats méritent d'être mis en lumière.

En premier lieu, le malaise des maires ne se lit pas encore dans une baisse drastique des candidatures : le nombre de candidats a certes baissé de 2,55 % entre les deux dernières élections, mais la baisse du nombre de communes, sur la même période, est de 1,5 %. On constate également que, de 2014 à 2020, la proportion de maires qui ne se sont pas présentés pour un nouveau mandat est sensiblement la même : un tiers de l'effectif. Tout au plus peut-on constater que, sur les 2 093 maires qui ont répondu à la consultation de notre mission d'information, 28 % d'entre eux indiquent vouloir quitter la vie politique à la fin de leur mandat. À trois ans des prochaines élections, c'est un taux important, mais comparable à ce que disaient les maires un an avant le scrutin de 2020.

La situation est en revanche plus inquiétante sur le front des démissions d'élus municipaux. À la date du 10 mai dernier, 1 078 maires avaient démissionné volontairement de leur mandat et 29 214 conseillers municipaux, ce qui représente 3 % de l'effectif total des maires et 7 % de celui des conseillers municipaux.

L'outil statistique du ministère de l'intérieur ne permet pas de comparer ce nombre avec celui des démissions volontaires en 2014. Mais, si l'on compte les vacances de sièges de maire ou de conseillers municipaux, pour tout motif, hors décès, on constate une aggravation de la situation par rapport à 2014 de l'ordre de 7 à 8 %.

Moins de la moitié des maires interrogés jugent les conditions d'exercice de leur mandat satisfaisantes. Parmi les facteurs contribuant à rendre difficile l'exercice de ce mandat, les maires citent principalement la complexité normative, la charge des réunions et des procédures, l'insuffisance des moyens financiers et, pour ceux qui ont un métier, la difficulté à concilier mandat et vie professionnelle. Il en résulte un certain découragement et un grand pessimisme, transparaissant dans notre consultation. Ainsi, parmi les maires interrogés qui entendent renoncer à la vie politique, la moitié juge que le travail politique leur prend trop de temps et un tiers se déclare déçu.

D'une manière générale les élus consultés pensent très majoritairement que la situation des communes va se dégrader fortement.

On constate ainsi un affaiblissement de la démocratie locale, passant par un découragement des élus municipaux. Il s'agit aussi d'un affaiblissement des communes elles-mêmes.

Le diagnostic est connu et tient à quatre éléments : la crise de recrutement du personnel municipal, l'érosion des moyens financiers des communes, le désengagement territorial de l'État et la montée en puissance des intercommunalités, parfois au détriment des communes membres.

Sur le premier point, les communes sont confrontées à un mur des départs à la retraite des secrétaires de mairie. Un tiers partiront à la retraite d'ici à 2030. Or, actuellement, près de 2 000 postes sont vacants.

Le désengagement territorial de l'État est une réalité : un tiers des 11 000 équivalents temps plein annuels travaillés (ETPT) supprimés depuis dix ans l'ont été dans les préfectures. D'ailleurs, les maires de la consultation estiment, à 72 %, que le service public d'État s'est dégradé sur leur territoire. La dégradation est quantitative, mais également qualitative : un tiers d'entre eux jugent que l'État territorial remplit insuffisamment son rôle de conseil auprès des communes et plus de la moitié considèrent que les moyens des préfectures sont insuffisants pour répondre à leurs demandes.

L'intégration intercommunale n'a pas eu les mêmes conséquences pour toutes les communes, qui entretiennent à son égard un rapport ambivalent. Si la moitié des répondants de la consultation estiment qu'elle bénéficie à leur commune, un peu moins d'un quart pensent le contraire. La même proportion juge que l'intercommunalité fonctionne mal. Plus inquiétant encore, plus de la moitié des élus - 54 % - considèrent que leur commune pèse insuffisamment sur les décisions de l'intercommunalité, cette proportion approchant les deux tiers dans les intercommunalités comptant plus de 50 communes membres, les intercommunalités dites « XXL ».

L'avenir des communes et des maires est donc assombri et l'on peut parler d'un avis de tempête sur la démocratie locale. Heureusement, il y a des raisons d'espérer, et c'est sur elles que nous allons nous concentrer. On peut compter, d'abord, sur le formidable engagement des 520 000 élus municipaux, force vive de notre démocratie. Il y a par ailleurs la force du modèle communal français, qui lui a permis de traverser toutes les crises, à commencer par celle du covid. S'y ajoute enfin, et surtout, le très fort attachement de nos concitoyens à la figure du maire et à la commune.

Un sondage CSA l'a confirmé, la commune est, de loin, la collectivité à laquelle les Français demeurent le plus attachés et qu'ils jugent la plus efficace. Le maire est, pour les Français, une personnalité bien identifiée, dont ils ont une bonne opinion à 63 % et qu'ils estiment, lui donnant la note moyenne de 6,9 sur 10.

Une fois ce constat dressé, quelles sont les pistes pour répondre à cette crise de la démocratie locale ? Il est nécessaire, selon nous, d'agir à deux niveaux : celui de l'organisation communale et territoriale ; et celui des conditions d'exercice du mandat municipal.

Dans les deux cas, le mot d'ordre est le même : la liberté. Or, il n'est pas de liberté sans moyens. Il faut donc, d'une part, rendre aux communes la liberté de leur avenir et, d'autre part, redonner aux maires le pouvoir d'agir. Rien ne serait pire que d'imaginer l'avenir de la commune en tournant le dos à son passé et aux formidables atouts du modèle communal français. Il faut au contraire conforter la commune dans le rôle que lui reconnaissent les citoyens et les élus.

Notre première proposition est donc, comme nous l'avions fait par le passé, de consacrer la commune comme le lieu du quotidien, de la proximité et du lien.

La commune, c'est un territoire de service et un territoire de projet - la conduite de projet est d'ailleurs, de loin, la fonction préférée des maires dans la consultation, et cela ne dépend pas de la strate démographique. La commune, c'est aussi le lieu par excellence de la démocratie locale. Voilà ce qu'il faut conforter !

Pour ce faire, je vous propose deux mesures. La première vise à consacrer constitutionnellement la clause générale de compétence des communes. C'est le fondement du pouvoir d'agir des maires, ce qui permet à toute commune de s'imaginer un projet et un avenir. La seconde, qui intéresse plutôt le versant démocratique de la commune, est de maintenir les modes de scrutin actuels pour les élections municipales et la désignation des conseillers communautaires. Comme le rappelait voilà dix ans Michel Delebarre : « le mandat à la commune s'exerce indépendamment de sa représentation à l'intercommunalité ; il constitue la source et le fondement du mandat communautaire dont le sort lui est lié. L'inverse n'est pas vrai. »

Notre deuxième proposition, c'est de faire, à nouveau, souffler un vent de liberté sur l'organisation municipale. Pour cela, il faut d'abord rompre avec le dirigisme reconfigurateur que nous avons connu depuis plusieurs années et cesser les modifications autoritaires de la carte intercommunale.

Sans défaire ce qui est fait ou détricoter la carte intercommunale, il faut laisser les communes et leurs regroupements s'adapter aux réalités de l'action territoriale. L'intégration intercommunale à marche forcée a cadenassé la marge de manoeuvre des élus. Le Sénat n'a eu de cesse, au cours des dernières années, de déverrouiller ce qui pouvait l'être lorsque cela avait du sens.

L'image du bloc communal participe de cette vision, un peu fixiste, d'un cadre figé qu'il ne faut pas remettre en cause pour régler les relations entre les communes membres et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Je vous propose d'y substituer une autre image : passer du bloc communal au biotope communal. Le biotope, c'est un milieu de vie, dont les éléments qui le composent sont en interaction et s'adaptent pour trouver, en fonction des contraintes du territoire, l'équilibre le plus efficient. Chacun doit y trouver sa place, librement, au bénéfice de l'ensemble.

Plusieurs mesures peuvent contribuer à cet assouplissement.

Il faut tout d'abord unifier les régimes de délégations de compétence, en supprimant les limitations instaurées pour l'exercice délégué de certaines compétences.

Il faut également permettre, par accord local, de modifier la répartition des compétences. Le cas le plus pertinent est celui de l'eau et de l'assainissement : il faut pouvoir réorganiser la dévolution de cette compétence en fonction des logiques territoriales et à partir des accords locaux.

L'intercommunalité doit rester une intercommunalité de projet, au service des communes. Pour cela, il y a les règles de gouvernance et il est prévu par la loi qu'après chaque renouvellement général des conseils municipaux, un débat ait lieu au sein de l'intercommunalité sur la gouvernance. Il faut étendre ce débat à la question de la répartition des compétences.

Pour que chaque commune soit écoutée, il faut qu'elle ait un pouvoir de négociation et, pour que la liberté de la commune soit respectée, il ne faut pas qu'on puisse lui imposer une décision de force. C'est pourquoi, à l'exemple de ce qu'a fait la communauté urbaine du Grand Reims, il me semble nécessaire de prévoir un droit de veto au profit des communes lorsque la commune centre détient la moitié des sièges de conseillers communautaires.

Enfin, parce que le regroupement des communes sur une base volontaire est une bonne chose, je vous propose, dans l'esprit défendu par Françoise Gatel et Éric Kerrouche dans leur récent rapport d'information sur les communes nouvelles, de faciliter l'essor de ces dernières, en lissant, notamment, les effets de seuils que peut engendrer ce regroupement.

Je le disais tout à l'heure, il n'est pas de liberté sans moyens. On sait que ceux des communes sont menacés. C'est pourquoi la troisième proposition vise à assurer aux communes des financements lisibles et prévisibles. C'est ce qui leur permettra de s'engager dans des projets avec plus de certitude.

Le deuxième axe que je vous propose de retenir pour les conclusions de la mission d'information, c'est de redonner aux maires le pouvoir d'agir.

Je suis convaincu, à cet égard, que c'est en donnant aux maires le pouvoir de faire qu'on fortifie leur engagement, qu'on donne du sens à leur mandat et qu'on favorise le lien démocratique, puisque le maire s'engage sur un projet et peut être jugé par ses concitoyens sur ce qu'il a réalisé.

La première chose à faire est de remettre de la simplicité dans l'action quotidienne des maires. Il serait tout d'abord bon de simplifier, de renforcer et d'unifier autour du préfet de département l'accès des maires à l'État. Cela passe notamment par un réarmement de l'État territorial, par l'instauration du préfet comme coordonnateur de tous les services et démembrements de l'État, y compris les agences régionales de santé (ARS), par la mise en extinction de la politique d'« agencification » et, aussi, par l'obligation faite aux services de l'État d'avertir le maire de toute intervention de leur part sur le territoire de sa commune.

Ensuite, les maires ont besoin que l'État leur apporte plus de sécurité, juridique, technique et financière dans la conduite de leurs projets. Trois outils doivent être mobilisés à cette fin : d'abord, il faut fusionner la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et le fonds vert pour éviter de disperser les demandes de financement. Dans le même ordre d'idée, il faut que l'État mette en place une plateforme et un dossier uniques pour toute demande d'aide financière, technique ou juridique. Enfin, il faut revitaliser les rescrits juridictionnels et administratifs, afin que les élus puissent exiger des services de l'État qu'ils se prononcent sur la légalité de décisions complexes, par exemple en matière d'urbanisme.

Par ailleurs, je vous propose de conforter, par des moyens juridiques et humains renforcés, la liberté des maires de gérer les affaires de leur commune.

Le premier instrument pour cela est le renforcement du pouvoir réglementaire local. Il s'agit d'une véritable capacité normative d'agir. Les champs à explorer sont nombreux. On peut prendre l'exemple de la réglementation des meublés de tourisme et de leur soumission, ou non, à l'interdiction de louer les passoires thermiques.

Le second instrument est le renforcement des pouvoirs de police du maire : il faut éviter que son autorité soit bafouée et lui donner les moyens d'éviter que la situation ne dégénère. Il s'agirait notamment d'étendre la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle et de renforcer les sanctions pour non-respect de certains arrêtés de police.

Il faut par ailleurs garantir aux maires le renfort d'une équipe municipale compétente. Pour cela, nous devons favoriser les mutualisations de personnels, qui ont fait la preuve de leur efficacité, et, surtout, faciliter le recrutement des secrétaires de mairie. Nous pouvons, à cet égard, nous inscrire dans les propositions de réforme qui sont actuellement débattues.

La proposition suivante vise à faciliter l'exercice des mandats locaux en reconnaissant à sa juste valeur l'engagement municipal et en s'adaptant à la diversité de profil des élus.

Il me semble que nous devons rester attachés au principe de la gratuité du mandat, que le Sénat a confirmé à plusieurs reprises. En revanche, il faut lancer une réflexion sur la revalorisation des indemnités perçues par les élus, qui rendent compte des sujétions particulières du mandat, toujours plus nombreuses.

Le deuxième enjeu est de faciliter la conciliation entre engagement public et poursuite de la vie professionnelle, afin de diversifier les profils de maire. Deux voies méritent d'être explorées : la valorisation du mandat au regard des droits à la retraite, par la création d'une bonification d'un trimestre par mandat ; l'extension aux maires des communes de moins de 1 000 habitants du bénéfice de l'allocation différentielle de fin de mandat. Enfin, il faut donner aux élus le temps d'exercer leur mandat en supprimant le critère démographique pour l'octroi des crédits d'heure et en relevant ce plafond.

La dernière proposition que je vous soumets vise la protection des élus en toutes circonstances face aux menaces et aux mises en cause. L'actualité récente vient de lui donner un relief tout particulier. Il est absolument nécessaire de garantir la protection effective des maires et des élus municipaux dans l'exercice de leur mandat face aux violences et menaces.

La protection fonctionnelle doit être octroyée automatiquement et son champ étendu tant pour les dépenses prises en charge que pour les personnes couvertes, comme, par exemple, les candidats aux élections municipales. Parallèlement, le dispositif judiciaire doit être amélioré. Cela passe par un renforcement de l'arsenal pénal - aggravation des peines, ajout d'une peine de travaux d'intérêt général en cas d'injure contre un élu - et une évolution des pratiques. Le dispositif mis en place à Amiens, dans la Somme, de substitut du procureur référent et de boîte mail réservée aux élus locaux mériterait d'être étendu.

Enfin, la protection des élus passe aussi par la stabilisation du cadre juridique des conflits d'intérêts et une meilleure acculturation des acteurs judiciaires et administratifs. C'est une source d'insécurité majeure pour les élus.

Telles sont les pistes que je vous propose, mes chers collègues. Le rapport est nettement plus détaillé et contient des sous-propositions permettant, je crois, de répondre de façon précise à toutes les difficultés rencontrées par les édiles de notre pays. Je l'ai dit, le maître-mot est liberté. Il faut faire confiance aux maires et leur redonner les moyens d'agir, c'est la seule façon de leur permettre de construire un avenir pour nos communes.

Au regard de l'ensemble de ces points, je vous propose d'intituler le rapport « Avis de tempête sur la démocratie locale : soignons le mal des maires ».

Mme Maryse Carrère, présidente. - Merci pour cette présentation, ce rapport volumineux et vos propositions qui reflètent bien le travail que nous avons mené.

M. Didier Marie. - Je remercie notre rapporteur pour ce résumé, absolument nécessaire puisque le rapport nous a été remis hier et qu'il n'était pas évident de lire les 167 pages qu'il comporte dans un délai aussi bref. D'ailleurs, on pourrait s'interroger sur l'urgence dans laquelle nous nous mettons pour l'adopter. Nous aurions pu choisir de l'examiner à la rentrée...

Nous avons une volonté partagée d'adresser un message positif, un message de solidarité aux maires de notre pays, en leur montrant que nous comprenons leurs difficultés et souhaitons trouver des solutions pour améliorer l'exercice de leurs missions.

Ce rapport a le mérite de rassembler dans un même document une série de propositions, dont certaines sont issues de travaux antérieurs, mais aussi d'apports plus récents comme celui du groupe de travail du président Gérard Larcher.

Sur le fond, je souhaiterais exprimer des accords, des réserves et des désaccords.

S'agissant des accords, on ne peut que souscrire à la première proposition - consacrer constitutionnellement la clause générale de compétences -, tout en notant la difficulté de parvenir à un tel objectif. Cela permettrait de réaffirmer la singularité de la commune, premier échelon de l'action publique et berceau de la vie démocratique.

En matière de finances des collectivités locales, cela n'étonnera pas le rapporteur, nous pensons qu'il faut aller plus loin. Nous revenons sur cette idée, qui apparaît en filigrane, d'une loi sur les finances locales : certaines formulations du rapport permettent de penser que l'on progresse un peu sur le sujet.

Il y a également convergence sur la simplification et le guichet unique. Cela fait bien longtemps, aussi, que nous évoquons les questions relatives au pouvoir réglementaire. Un travail consensuel a été mené par la délégation aux collectivités territoriales s'agissant des secrétaires de mairie : c'est un point supplémentaire sur lequel on peut se rejoindre. Enfin, nous retrouvons, en matière de protection des élus, des propositions que nous-mêmes avions avancées par le passé.

Au-delà de tous ces points de convergence, nous considérons que le rapport ne va pas suffisamment loin sur les questions financières et le statut des élus.

J'en viens aux désaccords. On retrouve dans ce document une forme de défiance, voire de mise en opposition, entre le fait communal et l'intercommunalité. Or celle-ci n'est que ce que les communes en font : elle est là pour les accompagner dans la mise en oeuvre de leurs compétences. De ce point de vue, certaines propositions peuvent poser difficulté. Autant on peut s'accorder sur le fait qu'il ne faut plus de modifications autoritaires de la carte intercommunale, autant fermer définitivement la porte aux transferts de compétences m'apparaît un peu osé. Par ailleurs, sur l'intercommunalité de projet, notons qu'aujourd'hui tout peut être débattu selon la volonté de l'assemblée communautaire. Nous proposons même d'aller plus loin, en prévoyant, au-delà du pacte de gouvernance, un pacte sur la fiscalité et les finances, les deux pouvant être rendus obligatoires.

Le rapport préconise aussi de tout figer en matière de modalités électorales. Il ne me semble pas possible de renoncer à une réflexion sur la légitimité et la représentativité de l'intercommunalité. Le sujet est difficile, mais des solutions originales pourraient être trouvées, en particulier pour rendre responsables les exécutifs intercommunaux devant la population.

Nous aurons peut-être l'occasion d'apporter quelques éléments complémentaires, même si les délais sont extrêmement contraints.

M. Éric Kerrouche. - À mon tour, je remercie le rapporteur pour ce travail d'ampleur, qui nous offre un panorama intéressant.

Je note tout d'abord un nombre important de convergences, notamment sur les troisième et quatrième propositions, sur l'augmentation des moyens financiers et sur la question normative. Elles témoignent du fait que nous rencontrons, dans des territoires différents, exactement les mêmes difficultés.

Cela étant, j'ai un regret fondamental.

Depuis 233 ans, la France a un problème avec ses communes. Quand les paroisses françaises ont été transformées en 44 000 communes, on a aussitôt vu naître une volonté de revenir sur ce découpage initial, qui s'est maintenue tout au long du XIXe siècle. L'intercommunalité de services et d'investissement s'est développée au tournant des XIXe et XXe siècles pour répondre à cet éparpillement communal et au fait que, déjà, les communes françaises étaient trop petites au regard de certains services à délivrer. Nous n'avons pas voulu fusionner nos communes en 1971, comme les autres pays européens l'ont fait, et nous avons trouvé la solution intermédiaire de l'intercommunalité.

Ce qui me gêne dans le rapport, c'est cette impression que communes et intercommunalités pourraient vivre séparément ou, plus exactement, que l'on rend aux communes une liberté dont elles étaient privées auparavant parce qu'elles n'en avaient pas les moyens. Je ne prétends pas qu'il ne faut pas donner plus de liberté communale au sein de l'édifice intercommunal, mais évitons de tomber systématiquement dans la caricature ! Par ailleurs, une proposition comme la constitutionnalisation de la clause générale de compétence ne me semble pas non plus de nature à garantir la capacité à mettre en place cette compétence.

Au-delà, face à une volonté fortement affirmée au début du rapport de transformer les choses, il me semble que l'on manque parfois d'ambition. Non, il ne faut pas maintenir des régimes d'élection différents dans les communes selon leur niveau de population : toutes les communes sont les mêmes ; elles doivent avoir le même système électoral, et c'est parfaitement possible. Par ailleurs, en matière de démocratie intercommunale, la fiction de l'EPCI permet de ne pas résoudre le problème de l'absence de mise en situation de responsabilité démocratique. Si le conseil communautaire doit toujours être l'émanation des conseils municipaux, il doit y avoir responsabilité politique de l'exécutif intercommunal.

Mon dernier point concerne le statut des élus. Je regrette qu'il n'y ait pas de volonté de rupture en la matière. Nous nous rejoignons évidemment sur la protection des maires : c'est une nécessité absolue dans la période actuelle. Mais ne pas vouloir rompre avec le paradigme indemnitaire en France et la fiction selon laquelle les mandats seraient gratuits est une erreur. De nombreux autres pays européens ont franchi le pas. Une telle évolution peut parfaitement être encadrée et elle permettrait de transformer le régime local et d'encourager des personnes d'horizons différents à s'impliquer dans la matière locale. C'est pourquoi je ne suis pas favorable au titre retenu : il contient le terme « démocratie », alors que, en réalité, le sujet démocratique est assez peu traité dans le rapport.

M. Jean-Marc Boyer. - Je retrouve dans les recommandations du rapport d'information de nombreux constats formulés par les maires et de nombreuses suggestions que je partage. La question de la capacité financière dont les maires disposent est notamment essentielle. Cela rejoint le sujet de la recherche de subventions.

L'intercommunalité était censée pouvoir soutenir des projets structurants qu'une commune seule ne pouvait mener à bien. C'est en tout cas de cette manière qu'elle a été présentée dans mon département, à son instauration, dans les années 2000. Or il n'en est rien. Les transferts de compétences se multiplient : eau, assainissement, urbanisme, etc. Si les dispositions de la loi 3DS relatives à l'objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) sont menées à leur terme, le maire n'aura plus la main sur l'urbanisme dans sa commune.

En augmentant ainsi le poids de l'intercommunalité sur tous les dossiers, on ne cesse de réduire le pouvoir de décision du maire. Instaurer un système d'élection au suffrage universel direct à l'échelon intercommunal aggraverait cette tendance.

L'engagement citoyen des maires de petites communes me paraît essentiel pour l'aménagement de nos territoires. Dans une commune de 150 habitants, c'est en effet le maire qui fait tout, avec son conseil municipal : le déneigement, la voirie, etc. De manière générale, quelle que soit leur taille, nous devons essayer de favoriser au maximum la capacité des communes à avoir un pouvoir de décision. Il faut leur donner de l'espace, et entendre leur parole.

Une intercommunalité peut très bien fonctionner, à condition de disposer d'une bonne gouvernance. Il faut laisser les communes fonctionner entre elles, sans les enfermer dans un carcan.

Je suis d'accord avec la recommandation visant à instaurer un droit de veto dans les intercommunalités, pour que les communes puissent rejeter les propositions qui ne leur conviennent pas.

Par ailleurs, la fonction de l'élu doit être sécurisée. Il lui faut une indemnité correspondant à l'importance de la fonction, et au calcul de ses trimestres de retraite. Il est important également de tenir compte de sa réinsertion, à l'issue de son mandat. Le maire doit pouvoir retrouver son activité professionnelle, particulièrement s'il exerce son métier sous statut libéral.

De manière générale, la commune doit rester la cellule de base de notre société et de l'aménagement de notre territoire.

Mme Cécile Cukierman. - Je salue le travail du rapporteur et de la présidente. Il est intéressant de voir comment l'actualité peut nous conduire parfois, dans la rédaction de nos rapports d'information, à prendre d'autres chemins que ceux qui ont été envisagés initialement.

Il ne s'agit pas ici de défendre la commune pour elle-même, ou pour satisfaire les ambitions individuelles des maires. La commune doit être défendue, car on n'a rien trouvé de mieux dans l'histoire de la République. Cet espace permet en effet de travailler l'engagement en proximité et d'aménager notre territoire en répondant aux besoins des populations.

Les communes sont de tailles diverses et rencontrent des problèmes différents, mais elles constituent l'une des réponses à la crise politique à laquelle sont confrontés nombre de nos concitoyens. En effet, c'est dans la proximité que l'on redonne du sens à un engagement difficile, y compris dans le monde associatif.

La commune ne transforme pas la société ; elle est traversée par les mêmes problèmes qu'elle. Toutefois, elle est un espace où il est possible d'agir.

La constitutionnalisation de la clause générale de compétence des communes ne réglera pas tout. Encore faut-il donner à la commune les moyens d'agir. Il est bon néanmoins d'inscrire dans la Constitution ce qui constitue l'un des grands principes de notre République. On ne peut, en effet, se passer de la commune. Il faut y être attentif, car elle nous permet de vivre ensemble.

Le rapport d'information reprend cet enjeu à sa façon. Je partage les éléments qu'il contient concernant les finances des communes. Il faut cependant souligner le fait qu'elles ne pourront pas toujours faire mieux avec le même montant, ou avec un montant moins élevé. Les collectivités en général, et les communes en particulier, ne sont pas des boulets pour la dépense publique, au contraire. Il s'agit de dépenses territorialisées, qui rapportent : économiquement, humainement, et sur le plan du développement. Il faut le mettre en avant, et insister sur l'importance d'une augmentation de ces dotations.

La question du rapport entre les élus et les citoyens est également primordiale. Si on ne la résout pas, rien ne pourra avancer. Actuellement, les élus reçoivent des critiques en toutes circonstances : lorsqu'ils s'adressent aux citoyens, comme lorsqu'ils ne le font pas. Pourtant, les citoyens leur ont délégué par le vote l'élément constitutif de leur citoyenneté qu'est le pouvoir de décider.

Les intercommunalités doivent par ailleurs laisser les communes agir. Il existe certes d'excellents présidents d'intercommunalités, mais il s'agit d'exemples ponctuels. Dans l'ensemble, les communes perdent en pouvoir de décision et leur marge de manoeuvre se réduit.

Pourquoi le droit de veto mentionné parmi les recommandations du rapport d'information ne se met-il en place que dans les intercommunalités dans lesquelles une ville abrite au moins la moitié des membres ? De telles intercommunalités sont en effet peu nombreuses.

Je comprends qu'il n'est pas question de faire des communes des « empêcheurs de tourner en rond » dans les intercommunalités. Cependant, peut-être pourrions-nous élargir ce droit de veto, en le réservant à certains domaines.

Je me félicite enfin d'autant plus de l'idée de supprimer les conférences territoriales de l'action publique (CTAP), contenue dans les recommandations du rapport d'information, que j'ai défendu plusieurs amendements en ce sens, qui ont tous reçu des avis défavorables en séance.

M. Jean-Michel Arnaud. - La notion de commune recouvre en réalité une multitude de situations différentes. Nous sommes un peu enfermés dans la définition d'une commune universelle, alors qu'il en existe 35 000 en France et qu'on ne peut leur appliquer un modèle unique. Entre une commune de 150 habitants et une métropole, il y a un monde, et la question de la relation entre élus et citoyens se présente différemment dans l'un et l'autre cas.

Il est important de rappeler la liberté locale, comme le fait le rapport d'information via ses recommandations. L'image du biotope est parlante à cet égard. Rétablir l'idée de la libre organisation des collectivités locales me paraît essentiel.

La possibilité d'un soutien particulier aux communes nouvelles est également intéressante. Une mobilisation en ce sens permettrait de trouver un bon équilibre.

J'émettrai en revanche quelques nuances concernant d'autres recommandations, notamment celles qui ont trait au pouvoir d'agir des maires. Il ne semble pas souhaitable, sous prétexte de sécuriser les financements de leurs projets, de fusionner des outils comme le DETR et le Fonds vert qui n'ont pas les mêmes objectifs et ne touchent pas forcément les mêmes catégories de communes.

L'idée de constituer un dossier unique pour les demandes de subventions me semble cependant pertinente, car les élus sont souvent perdus dans l'organisation de ces demandes.

J'en viens au statut de l'élu. La gratuité du mandat me paraît primordiale. Je ne crois pas à la fonctionnarisation des élus, d'autant que les confusions sont déjà nombreuses entre la fonction technique et la fonction politique, et qu'il est important de conserver cette frontière. Cela n'empêche pas toutefois de discuter de la valorisation des indemnités sur le mandat de base, tout en réfléchissant au cumul d'indemnités caché que constitue parfois le cumul des fonctions de certains élus locaux, qui perçoivent également des indemnités dans d'autres collectivités ou syndicats - sujet délicat, mais dont il faut parler.

Concernant la recommandation n° 7, qui porte sur la protection fonctionnelle, je souligne que l'accompagnement psychologique est important lorsqu'un maire est exposé à des menaces ou des violences. Dans mon département, j'ai proposé un conventionnement libre entre l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) et les communes membres pour un accès gratuit, universel et secret à un psychologue. J'apprécierais qu'un élément de ce type figure dans la recommandation.

Le titre du rapport me convient par ailleurs parfaitement.

Mme Brigitte Devésa. - Nous allons tous à la rencontre des maires, qui nous parlent souvent des mêmes sujets, notamment l'urbanisme et le logement. Le problème est que nos lois généralistes tiennent trop peu compte des spécificités des territoires. Or du nord au sud du territoire national, les problèmes varient. Nous pouvons le constater à travers l'exemple des Airbnb : des communes pauvres peuvent y trouver une utilité, car elles ont besoin de faire venir des touristes, quand de grandes villes souffrent de ce phénomène qui engendre une pénurie de logements pour leurs habitants.

Je reviens sur le statut des élus. Le cumul des mandats est désormais impossible. De plus, un sénateur ne peut plus poursuivre son activité professionnelle. Or à côté de cela certains élus locaux sont aussi présidents de métropoles, et cumulent à ce titre un grand nombre d'indemnités. Il faudra regarder de plus près le statut des élus et peut-être reprendre les choses à cet égard.

Enfin, j'attire l'attention sur les territoires d'outre-mer, où les cas d'habitat indigne sont fréquents et où près de 110 000 logements ne sont pas aux normes, selon une publication datant de 2021. Je regrette que nous ne soyons pas allés plus loin dans la partie relative à l'application de la loi portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer, dite loi Letchimy, qui faisait le constat d'une inadaptation des textes régissant la lutte contre l'habitat indigne. Les mesures prévues par ce texte n'ont pas suffi à résorber ce phénomène. Que pourrions-nous faire à cet égard ?

Les critères de performance énergétique introduits par la loi relative à l'énergie et au climat, régis par l'article 73 de la Constitution, ne sont pas valables dans les collectivités. Je trouve que nous ne sommes pas allés suffisamment loin sur ce point.

Merci enfin pour ce rapport d'information, qui répond aux attentes de nos maires et des collectivités. Les événements récents ont montré qu'il ne fallait pas les laisser dans l'oubli.

Mme Catherine Belrhiti. - Le rapport d'information doit être à la mesure des fortes attentes des maires. Ses recommandations sont intéressantes, cependant plusieurs éléments restent à revoir.

Les mots clés à retenir sont : liberté d'agir, simplification et moyens. C'est ce que les maires attendent. Il faut qu'on leur redonne la capacité d'agir et qu'on lutte contre les normes et les contraintes qui pèsent sur eux.

Le préfet doit effectivement reprendre la main sur les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal), les ARS, etc. Par ailleurs, si la fusion des dotations ne me semble pas souhaitable, le dossier unique pour les demandes de subventions des maires est bienvenu, et répond d'ailleurs à une forte attente de leur part.

Concernant la gratuité des mandats, il faut à mon sens aller vers un véritable statut et une véritable rémunération des maires. La plupart d'entre eux sont en effet retraités - les jeunes abandonnent leurs mandats, faute de pouvoir les concilier avec leurs vies professionnelles et familiales -, ou cumulent leurs fonctions de maire avec une présidence de communauté de communes, par exemple, pour avoir un salaire décent.

Enfin, je m'interroge sur le droit de veto, qui risque de s'avérer bloquant pour les communautés de communes. Nous pourrions peut-être plutôt envisager un rééquilibrage du nombre de voix dont dispose chaque commune, car il est vrai que les maires se sentent perdus dans ces grands ensembles.

M. Jean-François Rapin. - Merci à tous ceux qui ont oeuvré au rapport d'information.

Un dossier unique pour les demandes de subventions me semble effectivement pertinent, d'autant que 25 % du montant de la DSIL devaient être attribués cette année sur des critères proches de ceux du Fonds vert.

Dans l'arrondissement de Montreuil-sur-Mer, la DSIL représentait cette année 600 000 euros de fonds disponibles, pour 7,2 millions d'euros de demandes. Les déçus seront donc nombreux. Je rappelle par ailleurs que, si la DSIL a été créée pour toucher les communes rurales qui avaient peu accès à la DETR, les critères ont été refondus depuis lors, dans un jeu de vases communicants. Une simplification est donc souhaitable, et un dossier unique pour les demandes de subventions adressées à l'État, à la région et au département serait très apprécié par les maires.

J'en viens au droit de veto. Du fait de l'effet de seuil engendré par l'obligation de réserver 50 % des sièges à la commune-centre, les intercommunalités dans lesquelles cette mesure pourra s'appliquer seront en réalité très peu nombreuses, et ce ne sont pas forcément celles qui poseront problème.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Nous pouvons modifier ce point.

M. Jean-François Rapin. - Que se passera-t-il par ailleurs si un projet d'investissement, à cheval sur deux communes, est accepté par l'une et non par l'autre ?

La base de cette idée est excellente, mais il faut retravailler cette disposition, car de multiples exceptions risquent de poser problème.

J'espère que le travail qui a été mené dans le cadre de notre mission d'information libérera les élus de certaines contraintes. Ce rapport d'information arrive à un moment très important, non seulement du fait des événements actuels, mais parce que nous sommes sur une pente glissante, vers la perte du modèle français. Il faut donner un coup d'arrêt à cette tendance.

M. Christian Redon-Sarrazy. - Les liens entre les communes et les EPCI ne sont pas si mauvais, tout dépend des personnes qui les administrent. Il existe en la matière des situations variées.

Il est difficile en revanche pour les nouveaux élus, en tous les cas, de s'approprier l'historique de l'intercommunalité. Des mesures pourraient être prises à cet égard.

La fusion des dotations peut effectivement former une piste pertinente, à condition qu'elle n'entraîne pas un écrêtement des financements, préjudiciable à la capacité d'action des communes.

Le dossier unique peut être une solution intéressante, mais il faudra réfléchir à l'ingénierie nécessaire à sa constitution, d'autant qu'un même dossier ne pourra servir pour la DSIL et pour les subventions européennes. D'autres espaces de coopération pourraient être imaginés sur ce point.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Je vous dois le discours de l'honnêteté : en proposant un changement de paradigme, je pensais que cela susciterait davantage d'adhésion de la part de MM. Marie et Kerrouche. Je suis convaincu que, ce soir, je ne mettrai pas d'accord Jean-Marc Boyer, qui pense que notre politique sur l'intercommunalité a été trop intégratrice, avec Éric Kerrouche, qui est convaincu qu'en 233 ans nous n'avons toujours pas trouvé la recette miracle.

Ce changement de paradigme que nous proposons revient à dire qu'il faut une politique du « biotope communal », c'est-à-dire laisser aux élus intercommunaux et communaux le soin de s'organiser dans chaque territoire. Cela ne revient pas à décréter une redistribution des compétences de manière rigide, dirigiste, ascendante, de l'intercommunalité vers la commune, ou à l'inverse descendante : cela revient à utiliser le pacte de gouvernance et le début de mandat pour réaliser une évaluation. La Cour des comptes ne cesse de faire la liste des compétences mal organisées par les intercommunalités, sur la petite enfance par exemple. Qui mieux que les élus des territoires pour conduire ces évaluations ? Jean-Michel Arnaud a raison : à chaque commune sa vérité, et si l'on reconnaît un modèle communal, les vérités sont différentes selon les territoires.

L'autre souhait, comme Didier Marie le rappelait en soulignant la proximité entre certains éléments du groupe de travail sur la décentralisation et notre mission d'information, c'est de laisser une certaine liberté aux territoires, et d'éviter que la loi ne se saisisse de cas particuliers pour en faire des droits d'exception, comme certaines dispositions de la loi 3DS portant sur les métropoles d'Aix-Marseille et de Lyon. Plutôt que d'adopter à l'envi des droits d'exception pour résoudre des problèmes territoriaux ne concernant qu'une petite partie du territoire national, conservons agilité et souplesse, sans opposer intercommunalités et communes. Nous ne proposons pas de dessaisir l'exécutif intercommunal de sa compétence ou de sa capacité décisionnelle, mais nous autorisons en revanche une réflexion vers la répartition des compétences obligatoires et facultatives, et vers ce que demain on appellera peut-être les « compétences stratégiques », qui relèvent du niveau intercommunal. Le temps l'a démontré : la défense de l'amendement du nid-de-poule par Françoise Gatel montre bien qu'il faut de l'agilité pour la répartition de la compétence voirie.

Notre but n'est surtout pas de détricoter ou de revoir la carte des intercommunalités, car les lois Engagement et proximité et 3DS permettent déjà une certaine liberté ; c'est plutôt de travailler sur la compétence de chaque territoire, à partir de chaque vérité, en redonnant de la capacité d'agir et de la liberté. Nous étions d'accord pour constater que la compétence eau et assainissement ne se pose pas de manière identique selon les territoires, notamment pour les territoires de montagne. Nous ne voulons surtout pas de postures figées.

Sur la loi de programmation des finances publiques (LPFP), idéologiquement et philosophiquement, nos positions se rapprochent peut-être : le but est que chaque maire dispose du maximum d'indicateurs pour que l'état des dotations soit plus visible. La bonne information des maires et une meilleure visibilité leur permettraient de ne plus naviguer à vue, et d'inscrire l'action municipale dans un temps plus long que l'immédiateté imposée par les projets de loi de finances.

Ma réponse sur le statut des maires sera globale. Madame Belrhiti, la gratuité n'a rien à voir avec l'augmentation des indemnités, que nous souhaitons.

M. Éric Kerrouche. - C'est parce que c'est gratuit qu'il y a des indemnités !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Bien sûr. Nous sommes tout à fait d'accord. Ceux qui m'ont accompagné lors de nos déplacements dans les territoires sont témoins que pas un seul maire n'a demandé le salariat. Nous devons avoir ce débat : faut-il tendre vers le modèle allemand d'un maire fonctionnaire, qui est à la fois maire et directeur des services ? Dans la Hesse, les maires doivent passer un diplôme qui engage pendant deux années...

M. Éric Kerrouche. - Ce n'est pas ce que nous proposons.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Du moment que c'est un salaire, si, nécessairement. Si l'on admet que le principe de gratuité n'est plus...

M. Éric Kerrouche. - Le maire allemand a deux fonctions, mais le maire espagnol, qui est salarié, n'en a qu'une.

M. Didier Marie. - Nous devons discuter de notre proposition de loi...

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Naturellement. Vous avez déposé cette proposition de loi, d'autres sont annoncées, et ce thème est d'actualité, nous en avons parlé ce matin avec la ministre chargée des collectivités territoriales auditionnée par la commission des lois. Mais je ne suis pas sûr que la question du statut du maire soit abordée dans les travaux qui devraient déboucher à l'occasion du Congrès des maires, et que la copie soit exhaustive. Par définition, le statut évolue. Je préfère d'ailleurs parler des conditions d'exercice des mandats locaux : c'est une question sémantique, mais la réalité, c'est l'efficience mise à disposition des maires. La question de la violence ne se posait pas dans les mêmes termes il y a dix ou vingt ans, pas plus que la conjugaison du mandat d'élu et de la vie professionnelle : ces conditions d'exercice ou ce statut méritent d'être révisés.

Mme Catherine Belrhiti. - Augmenter l'indemnité ferait peser de nouvelles charges sur la commune. Un salaire permettrait que ce soit l'État qui mette la main à la poche.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Cela porterait atteinte au principe de libre administration des collectivités, car cela entraînerait la fonctionnarisation des maires.

M. Didier Marie. - Non, tous ces points sont traités dans notre proposition de loi.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Monsieur Boyer, la territorialisation de l'action publique me semble apporter une réponse claire à ce débat sur l'intégration et le prolongement du modèle communal, ou à la sanctuarisation de la place de la commune dans l'intercommunalité.

Madame Cukierman, je partage la plupart de vos constats, sur les enjeux financiers, mais aussi sur la relation du maire avec les citoyens, sujet difficile qui mériterait à lui seul un rapport, car il fait partie de ceux qui ont le plus changé et qui préoccupent le plus les élus.

Le droit de veto existe déjà : la communauté urbaine de Reims, qui comporte 143 communes, fait un travail admirable. Catherine Belrhiti, même en augmentant la part des petites communes dans l'intercommunalité et en leur accordant sept sièges de plus, leur position à l'égard du Grand Reims ne changerait pas ! Le droit de veto ne revient pas à interdire de faire quoi que ce soit sur le territoire d'une commune ; cela oblige à engager obligatoirement une discussion entre l'exécutif intercommunal et la commune pour que des solutions alternatives soient proposées. Nous n'opposons pas communes et intercommunalités, David contre Goliath. Un maire qui représente une commune, même dans un conseil communautaire de 250 membres, peut poser un acte pour obliger l'intercommunalité à revoir sa copie.

Politiquement, toutes les sensibilités sont représentées dans l'exécutif du Grand Reims ; de l'avis même des maires les plus ruraux de ce territoire, cela fonctionne. Il s'agit peut-être d'un exemple à suivre.

Enfin, au sujet de la CTAP, si j'ai provoqué des frustrations à l'encontre du groupe CRCE, cela n'est pas de mon fait. Ce genre d'outil, selon moi, n'apporte pas une plus-value absolue, et c'est peut-être en rigidifiant trop les choses qu'on empêche les collectivités de se parler.

Sans revenir sur les propos de Jean-Michel Arnaud, je dirai un mot sur la fusion des dotations du Fonds vert, de la DETR et de la DSIL. Je l'ai indiqué à la direction générale des collectivités locales (DGCL) : je ne vois pas un seul élément qui signalerait que le regroupement des trois fonds contreviendrait à la préservation de la spécificité de chacun. Ces trois fonds sont tous issus d'une volonté exprimée par l'État, sont administrés par ce dernier, sans qu'à aucun moment l'élu ne puisse contrarier le pouvoir discrétionnaire de celui qui notifie les fonds.

En revanche, la DGCL n'a pas réussi à m'apporter un élément contredisant le fait que tous les préfets, durant une année, sont amenés à utiliser l'enveloppe du DSIL à la place de celles de la DETR ou du Fonds vert. En revanche, je vous rappelle le combat que nous avons mené lors de l'examen de la loi 3DS, afin que l'État consente à ce que, sous autorisation du préfet de région, le préfet de département puisse notifier le montant de la DSIL.

Si l'on veut gagner en efficacité, il ressort de nos auditions du directeur du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (DMATES) et de plusieurs acteurs de l'État, dont des préfets de région, que la feuille de route des préfets de département doit être mieux connue et transmise à l'ensemble des élus. Elle doit contenir les objectifs alloués annuellement au préfet, pour permettre d'orienter les fonds en fonction des objectifs relatifs au Fonds vert, à la DETR et à la DSIL, en cohérence avec notre proposition d'un dossier unique.

Je ne crois pas, sincèrement, qu'un guichet unique conduira à attribuer uniformément une enveloppe regroupée. Même si le préfet de département conserve la faculté de notifier le montant de la DSIL, celle-ci restera toujours sous la responsabilité du préfet de région. Si l'on conserve la spécificité des fonds, le fonds vert et la DSIL resteront toujours sous l'autorité du préfet de région, et la DETR sous celle du préfet de département. Selon nous, ces trois fonds ressortent de l'État, et la base d'action, c'est le département ; on peut donc considérer que les montants du fonds vert ou de la DSIL doivent être fléchés par le département, comme dans les commissions DETR, pour fixer des priorités. Il faut des répliques de la commission DETR pour la DSIL et le Fonds vert.

Si l'on veut gagner en lisibilité et en efficacité, la fusion des fonds, bien sûr conditionnée à la spécificité des communes et à la poursuite des objectifs, relève d'un impératif absolu.

Monsieur Arnaud, nous avons évoqué le cumul des fonctions lors de notre première réunion, pendant laquelle nous avons borné notre travail. Nous n'avons pas souhaité revenir sur le cumul vertical ou horizontal des fonctions, pour mettre l'accent sur les maires sans trop déborder du sujet.

Madame Devésa, la question du logement demanderait également un rapport à elle seule. Lors de la réunion de la commission des lois de ce matin, nous avons été unanimes pour reprendre, comme le président Kanner le suggérait, une disposition de la proposition de loi déposée par Sophie Primas pour renforcer la présence des élus au sein des commissions d'attribution du logement.

Madame Belrhiti, le sujet sur la gratuité implique un débat philosophique : je me souviens d'un débat de quatre heures sur ce sujet avec Pierre-Yves Collombat. Dans tous les territoires, j'ai entendu des maires demander l'augmentation des indemnités. Il y a un besoin de revalorisation ; peut-être faut-il que la dotation élu local soit revue chaque année pour que l'État accompagne l'effort des maires. Je suis plus réservé sur le salariat des élus, mais encore une fois la question dépasse le rapport, qui visait avant tout à envoyer un signal.

Il faut tout de même arriver à une équité : selon que l'on travaille dans le secteur privé ou dans le public, la question des crédits d'heures ne se pose pas dans les mêmes termes. Des élus, en particulier du Puy-de-Dôme, nous ont indiqué qu'il était difficile de conjuguer vie professionnelle et vie d'élu, notamment lorsque l'on doit servir la cantine au restaurant scolaire. L'employeur public reconnaît le crédit d'heures, mais les choses sont plus compliquées pour les employeurs privés, singulièrement lorsqu'il s'agit d'entreprises de deux ou trois employés.

Il faut un rééquilibrage, avec un versant constitutionnel. Le débat sur une meilleure représentativité des petites communes dans les collectivités a été porté par Jean-Pierre Sueur en commission des lois ; ce sujet devra être posé à l'occasion d'un débat sur un texte constitutionnel, mais à l'évidence cela ne résoudra pas la question de la position des petites communes dans les grandes intercommunalités, raison pour laquelle nous recommandons un droit de veto.

Enfin, Jean-François Rapin a parlé de la fusion des dotations et du droit de veto et proposé de supprimer, pour ce dernier point, la proportion maximale de 50 % des sièges portés par la commune centre dans l'intercommunalité. C'est pertinent.

Par ailleurs, Georges Patient a proposé trois propositions de modifications pertinentes à ce rapport : rappeler l'adoption par le Sénat, à l'unanimité, de deux propositions de loi de Céline Brulin et François Patriat au sujet des secrétaires de mairie ; dans la première partie du rapport, relative aux constats, mentionner l'ambiguïté de la création des sous-préfets annoncés par le Président de la République, qui figure dans la troisième partie du rapport ; et enfin, ajouter à la liste des communes ayant subi des menaces les villes de Koungou, à Mayotte, et de L'Haÿ-les-Roses.

Ces propositions de modification sont adoptées.

M. Jean-Marc Boyer. - Une dotation d'action parlementaire au sein de la DETR, ancienne réserve parlementaire, permettrait une prise de décision des parlementaires pour soutenir les communes. Cela me semble essentiel, et les maires nous la réclament souvent.

De plus, nous devons aborder la question du retour du cumul : les parlementaires de tous bords réclament le retour du sénateur-maire ou du député-maire, d'un mandat local articulé à un mandat national. Il s'agit non pas d'autoriser à être à la fois président d'une intercommunalité de 300 000 habitants et sénateur, mais de revenir au lien entre mandat local et mandat national. Cela me semble absolument nécessaire : sans cela, dans dix ou quinze ans, quand nous, qui avons été élus locaux, ne serons plus en fonction, plus aucun élu national n'aura de liens ou d'ancrage communal. C'est un danger.

M. Mathieu Darnaud. - Le titre que nous proposons pour ce rapport est : « Avis de tempête sur la démocratie locale : soignons le mal des maires. »

Le titre du rapport d'information est adopté.

La mission d'information adopte le rapport d'information, ainsi modifié, et en autorise la publication.

Mme Maryse Carrère, présidente. - Je vous informe que nous avons desserré un peu les délais : les groupes politiques qui le souhaiteront peuvent nous soumettre leurs contributions écrites jusqu'au lundi 10 juillet, à 8 heures.

CONTRIBUTION DU GROUPE COMMUNISTE, RÉPUBLICAIN, CITOYEN ET ÉCOLOGISTE (CRCE)

Notre groupe remercie le travail du rapporteur sur un sujet aussi fondamental que celui de l'avenir du maire et de la commune en France. Nous avons toujours défendu la commune comme étant la cellule de base de la démocratie. C'est bien pour cela qu'il faut la préserver, la renforcer.

Les démissions d'élus locaux, plus nombreuses qu'il y a 6 ans, à mi-mandat, nous alertent. Si elles sont d'origines diverses, il n'en demeure pas moins que sans élu, pas de démocratie, pas de vie communale et donc aucune capacité à construire avec les citoyens les politiques publiques nécessaires. Pour y remédier, nous devons redonner du sens et des moyens à l'action communale pour permettre de renouer avec l'engagement politique.

En une décennie, la commune a été fragilisée, certains ont voulu la supprimer, ou en réduire drastiquement le nombre. L'expression marketing « couple maire/préfet », utilisée par le Président de la République, ne peut effacer la réalité et le fait qu'aujourd'hui entre des EPCI XXL et une asphyxie des finances locales, la commune est fragilisée et, à travers elle, les hommes et les femmes que sont les élus municipaux. Nous avons toujours défendu la libre administration de celle-ci, ainsi que la constitutionnalisation de la clause de compétence générale. C'est reconnaitre son rôle de cheville ouvrière de la République, c'est poser les bases d'un débat politique qui se doit de la renforcer plus que de l'effacer.

Nous ne développerons pas ici les propositions que nous avons formulées dans notre contribution sur le rapport Libre administration, simplification, libertés locales : 15 propositions pour rendre aux élus locaux leur « pouvoir dagir », qui fait suite au groupe de travail sur la décentralisation présidé par le Président Larcher.

Nous souhaitons brièvement réaffirmer :

L'impérieuse nécessité à redonner des capacités financières aux communes. Aujourd'hui, nombre d'entre elles n'ont plus les moyens d'honorer leurs dépenses de fonctionnement essentielles et conserver une capacité d'investissement. Les communes, comme les autres collectivités, ne doivent pas être perçues comme un objet de dépense par l'Etat mais comme une ressource qui met en place le service public local et qui, par ses investissements, est un acteur économique essentiel dans nombre de nos territoires.

L'urgence d'un statut de l'élu. Le parachèvement de la décentralisation ne pourra se faire sans garantir aux citoyens la capacité à être élu. Nous nous opposons à toute fonctionnarisation de l'élu, cependant nous devons poser les bases d'une garantie à devenir élu, à être élu et à ne plus être élu. Notre groupe n'a cessé, au cours de ces dernières décennies, de formuler nombre de propositions de loi en la matière, d'amendements lors de l'examen des projets de loi. C'est un point central de la démocratie, permettre à tout citoyen, quelle que soit son origine, de s'engager et d'être un acteur politique. Ne rien faire c'est accepter le fossé qui se creuse entre la population et les élus, un fossé qui devient le terreau du populisme, d'une certaine défiance, voire de violence à l'égard des élus. Les freins sont nombreux, celui de la compatibilité entre vie professionnelle et mandat local est majeur. De plus en plus de salariés, du secteur privé essentiellement, ne peuvent concilier ces deux temps, faute de volonté et d'autorisation de l'employeur, faute de moyens au regard d'indemnités trop faibles pour un grand nombre d'élus municipaux. Enfin la question de la reprise d'une activité professionnelle doit devenir un sujet de préoccupation majeur, pour trouver les formes de cette reprise et la rendre effective.

L'exigence de travailler au rapport avec les citoyens. L'objet de ce rapport n'était pas ce sujet. Mais il nous semble important d'interpeller l'ensemble du Sénat sur l'obligation de réussite avec les citoyens. Il ne peut y avoir de gestion de la cité sans l'implication de ceux qui la composent. Les réseaux sociaux, l'inertie de l'action publique, l'affaiblissement de la culture politique rendent le dialogue avec les citoyens de plus en plus compliqué et difficile. L'exacerbation de certains propos des uns et l'impuissance des autres sont une réalité que nous refusons d'accepter comme une fatalité. Nous devons repositionner le curseur au centre du pacte démocratique : en assurant la légitimité de l'élection et en garantissant les exigences citoyennes. Ne rien faire consisterait à isoler un peu plus encore les élus des citoyens.

Enfin, nous souhaitons souligner que l'avenir de la commune ne peut être envisagé sans celui des services publics. Dans toutes les communes (rurales, périurbaines ou urbaines) leur présence s'est réduite ; beaucoup ont disparu. Loin de faire une liste exhaustive, soulignons la fermeture progressive de nombreux bureaux de poste, le regroupement de commissariats, l'inquiétude qui pèse sur les maires au moment du dévoilement de la carte scolaire pour savoir s'ils conserveront leur classe ou leur école, le nombre de services hospitaliers (urgence et maternité notamment) a réduit amplifiant les déserts médicaux... Les maisons France service ne pallient en rien ce besoin de services publics de proximité, avec une présence humaine forte et au service de la population. Dans nombre de communes, le seul service public qui demeure est la mairie. Faisant peser sur les épaules du maire et de l'équipe municipale toutes les difficultés de vie des habitants. Le besoin de mobilité, de communiquer, de sécurité, de se former comme de travailler s'exprime chez tous nos concitoyens, les maires, les communes ne pourront pas seuls suppléer ces disparitions, ces reculs de l'égalité républicaine.

Sans optimisme béat, nous soulignons cependant que face à toutes ces difficultés, des centaines de milliers d'élus locaux s'impliquent quotidiennement, faisant de belles réalisations avec et au service de leur population. C'est aussi ces lueurs qui brillent chaque jour que nous devons valoriser, préserver et sécuriser pour redonner toute sa force à l'engagement.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA MISSION D'INFORMATION

Mercredi 1er mars 2023

M. Gilles Cadoret, ancien maire de Saint-Aignan (Morbihan)

M. Emmanuel Éloré, ancien maire d'Andouillé-Neuville (Ille-et-Vilaine)

M. Martial Foucault, professeur des universités en science politique à Sciences Po Paris et directeur du Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF)

M. Claude Landos, ancien maire de La Celle-Dunoise (Creuse)

M. Jean-Luc Wagnon, ancien maire de Longsols (Aube)

Mardi 14 mars 2023

Table ronde d'associations de maires

Association des maires ruraux de France

M. Jean-Paul Carteret, maire de Lavoncourt (Haute-Saône), vice-président

M. Michel Gros, maire de La Roquebrussanne (Var), membre du bureau

Association des petites villes de France

M. Daniel Cornalba, maire de l'Étang-la-Ville (Yvelines), membre du bureau

Villes de France

M. Frédéric Chéreau, maire de Douai, membre du conseil d'administration

M. Éric Straumann, maire de Colmar, membre du conseil d'administration

Contribution écrite de France Urbaine

Mercredi 29 mars 2023

Table ronde des maires de la montagne

Mme Alice Morel, maire de Bellefosse, présidente du massif vosgien et membre du comité directeur de l'association nationale des élus de la montagne

M. Gilles Cremillieux, maire d'Orpierre (Hautes-Alpes)

M. André Mir, maire de Saint-Lary-Soulan (Hautes-Pyrénées)

Mme Christine Portevin, maire de Guillestre (Hautes-Alpes)

M. Sébastien Pradier, président des maires ruraux de l'Ardèche, maire du Cros-de-Géorand

Mme Annie Sagnes, maire de Luz-Saint-Sauveur (Hautes-Pyrénées)

Table ronde d'associations de maires ultramarins

M. Héric André, premier vice-président de l'association des maires de Guadeloupe, maire de la commune de Vieux-Fort

M. Yannick Cambray, maire de Saint-Pierre (Saint-Pierre-et-Miquelon)

M. Franck Detcheverry, maire de Miquelon-Langlade (Saint-Pierre-et-Miquelon)

M. Jean-Claude Maes, président de l'association des communes et collectivités d'outre-mer, maire de Capesterre-de-Marie-Galante (Guadeloupe)

Mercredi 3 mai 2023

M. Michel Hiriart, président de la fédération nationale des centres de gestion de la fonction publique territoriale 

Mme Cindy Laborie, responsable des affaires juridiques de la fédération nationale des centres de gestion de la fonction publique territoriale

Mme Magali Moinard, présidente départementale de la fédération autonome de la fonction publique territoriale et présidente du Syndicat national des secrétaires de mairie, section de Vendée

Mardi 9 mai 2023

M. Laurent Dejoie, vice-président du conseil régional des Pays de la Loire, représentant Régions de France

M. Claude Riboulet, président de la commission Innovation et numérique de Départements de France, président du conseil départemental de l'Allier

Mardi 16 mai 2023

M. Stanislas Bourron, directeur général de l'Agence nationale de la cohésion des territoires

M. Olivier Jacob, directeur du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur du ministère de l'intérieur et des outre-mer

Mercredi 17 mai 2023

M. Yannick Morez, maire démissionnaire de Saint-Brévin-les-Pins.

L'audition a été organisée en commun avec la commission des lois

Mercredi 24 mai 2023

Mme Cécile Raquin, directrice générale des collectivités locales du ministère de l'intérieur et des outre-mer

M. Patrice Verchère, président de la communauté de communes de l'Ouest rhodanien, membre du conseil d'administration d'Intercommunalités de France

Mardi 6 juin 2023

M. David Lisnard, maire de Cannes, président de l'association des maires de France et des présidents d'intercommunalité

Mercredi 7 juin 2023

M. Quentin Llewellyn, directeur conseil, institut d'études CSA

LISTES DES PERSONNES ENTENDUES
PAR LE RAPPORTEUR

Mardi 11 avril 2023

Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT)

M. François Deluga, président

M. David Rey, conseiller

Jeudi 1er juin 2023

M. Hugo Biolley, maire de Vinzieux (Ardèche)

M. Sébastien Blanc, maire de Loubeyrat (Puy-de-Dôme)

M. Francis Cammal, président de la communauté de communes du giennois

M. Jean-François Darmois, maire de Nevoy (Loiret)

M. Victor Vogt, maire de Gundershoffen (Bas-Rhin)

Mardi 6 juin 2023

Table ronde sur le thème des communes nouvelles

M. Dikran Zakeossian, maire de Moret-Loing-et-Orvanne (Seine-et-Marne)

M. Philippe Chalopin, président de l'Association des maires de Maine-et-Loire, maire de Baugé-en-Anjou

Table ronde sur le thème de la démocratie participative

Mme Camille Morio, maîtresse de conférence en droit public à Sciences Po Grenoble - Cerdap 2

M. Christian Zwiebel, maire de Bambiderstroff

Mardi 22 juin 2023

Mme Émilie Schumacher, maire de Clémensat (Puy-de-Dôme)

PROGRAMME DES DÉPLACEMENTS

Déplacement en Ille-et-Vilaine

Lundi 20 mars 2023

Préfecture de Rennes

Rencontre avec M. Emmanuel Berthier, préfet de la région Bretagne, préfet de la zone de défense et de sécurité Ouest et du département d'Ille-et-Vilaine, M. Paul-Marie Claudon, Sous-préfet, secrétaire général de la préfecture d'Ille-et-Vilaine, et M. Jean Michel Tounot, directeur aux collectivités territoriales.

Châteaugiron

Présentation du pôle « petite enfance » de la communauté de communes (crèche et PMI mutualisés) et visite de la structure d'accueil des enfants.

Échange avec M. Yves Renault, maire de Châteaugiron, M. Denis Gâtel, maire délégué d'Ossé et Mme Laëtitia Mirallès, maire déléguée de Saint-Aubin du Pavail.

Rencontre avec la police municipale.

Conférence de presse.

Mesnil Roc'h

Échange avec Mme Christelle Brossellier, maire de Mesnil Roc'h, M. Erick Masson, maire délégué de Lanhélin et Mme Nancy Bourianne, maire déléguée de Tressé.

Hôtel de ville de Saint-Malo

Échange avec M. Gilles Lurton, maire de Saint-Malo et président de Saint-Malo Agglomération sur les bonnes pratiques mises en place pour fluidifier les relations entre les communes et l'intercommunalité, Mme Céline Bertel, directrice générale adjointe des Services à la population à la ville de Saint-Malo et M. Sidoine Ravet, directeur adjoint des services communautaires à Saint-Malo Agglomération.

Présentation du pôle ingénierie de la communauté d'agglomération à destination des communes de l'agglomération.

Déplacement dans les Vosges

Lundi 3 avril 2023

Épinal

Entretien avec M. David Percheron, secrétaire général de la préfecture des Vosges, sous-préfet d'Épinal, et Mme Aurore Bérard-Choinet, directrice de la citoyenneté et de la légalité.

Remiremont

Rencontre avec M. Jean-Benoit Tisserand, maire, et ses huit adjoints ainsi que Mme Isabelle Schild, directrice générale des services et Mme Marion Chevalier, chargée de mission « Petites villes de demain ».

Les Voivres

Rencontre avec M. Michel Fournier, maire des Voivres et président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF). Visite de la commune et présentation de plusieurs projets communaux.

Épinal

Entretien avec :

- Mme Lydie Barbaux, maire de Plombières les Bains, M. Joël  Mangel, maire de Cheniménil, Mme Virginie Gremillet, maire de Lépanges sur Vologne, M. Patrick Boeuf, maire de Charmes et M. Gérard Colin, maire de Ubexy.

- M. Michel Heinrich, président de la communauté d'agglomération.

- M. Dominique Peduzzi, président de l'association des maires des Vosges, maire de Fresse-sur-Moselle et président de la communauté de communes des Ballons des Hautes Vosges.

Déplacement en Haute-Garonne

Jeudi 13 avril 2023

Blagnac

Rencontre avec M. Joseph Carles maire de Blagnac, vice-président de Toulouse Métropole, et M. Emmanuel Reymund, directeur prospective de Toulouse Métropole.

Toulouse

Entretien avec MM. Pierre-André Durant, préfet de la région Occitanie, préfet de la Haute-Garonne, Serge Jacob, secrétaire général, Jean-Luc Blondel sous-préfet de Muret, Jean-Philippe Dargent, sous-préfet de Saint-Gaudens, Yves Schenfeigel, directeur départemental des territoires, Stéphane Lalanne, directeur de la citoyenneté et de la légalité et Mme Anabel Lesourd, directrice du service de la coordination des politiques publiques et de l'appui territorial.

Labège

Entretien avec MM. Jacques Oberti, maire d'Ayguevives, président de l'AMF 31, Patrick Lefebvre, maire de Saint-Julien sur Garonne, président de l'AMR 31, et Pierre Lattard, maire de Pouze, vice-président Eau potable et assainissement du Sicoval.

Rencontre avec M. Pierre Médevielle, sénateur de la Haute-Garonne, et Mme Brigitte Micouleau, sénatrice de la Haute-Garonne.

Revel

Accueil en mairie par M. Laurent Hourquet, maire de Revel, président de la communauté de communes Lauragais Revel Sorrezois et M. Alain Chatillon, sénateur de la Haute-Garonne, ancien maire de Revel.

Saint Marcel Paulel

Entretien avec Mme Véronique Rabanel, maire de Saint Marcel Paulel.

Déplacement dans la Somme

Jeudi 4 mai 2023

Amiens

Entretien avec :

- Mme Myriam Garcia, secrétaire générale de la préfecture de la Somme et M. Nicolas Garnier, directeur de la citoyenneté et de la légalité ;

M. Jean-Philippe Vicentini, procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Amiens et Mme Bénédicte Thiébaut, présidente de l'association des maires de la Somme et des président d'intercommunalité de la Somme ;

- M. Hubert de Jenlis, premier adjoint au maire d'Amiens ;

- M. Stéphane Haussoulier, président du conseil département de la Somme ;

- MM. Yves Ducrocq, maire de Fouilloy, Guy Penaud, maire de Glisy, Jean-Claude Renaux, maire de Camon, Denis Demarcy, maire de Bonnay, Franck Beauvarlet, maire d'Etinehem-Mericourt ;

- MM. François Rangeon, animateur bénévole de l'atelier démocratie de proximité pour le conseil de développement durable en commun du grand amiénois, Pascal Rifflart, président du pôle métropolitain du Grand Amiénois, Stéphane Descombes, 15e adjoint au maire d'Amiens délégué à la démocratie locale, la vie associative et la participation citoyenne.

Abbeville

Rencontre avec MM. Pascal Demarthe, maire d'Abbeville et président de la communauté d'agglomération Baie de Somme, Philippe Walrave, maire de Liercourt, Emmanuel Delahaye, maire de Mons Boubert.

Fort-Mahon-Plage

Entretien avec MM. Alain Baillet, maire de Fort-Mahon, Marcel Le Moigne, maire de Ault, Philippe Évrard, maire du Crotoy, Michel Delépine, maire de Mers les Bains, Francis Gouesbier, maire de Saint Quentin en Tourmont, Raynald Boulenger, maire de Saint Quentin Lamotte Croix au Bailly.

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI

N° de la proposition

Proposition

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support

1

Confirmer la commune comme le lieu du quotidien,
de la proximité et du lien

 

Consacrer constitutionnellement la clause générale de compétence des communes.

Parlement

2023-2024

Proposition de loi constitutionnelle, adoptée par le Sénat, n° 114 (Assemblée nationale - XVIe législature)

2

Faire souffler un vent de liberté sur l'organisation communale

 

Simplifier et assouplir les conditions
de la répartition
des compétences et de leur exercice entre l'intercommunalité
et les communes.

Gouvernement, Parlement

2023-2024

Loi

Pour une intercommunalité
de projet, instaurer après chaque renouvellement général des conseils municipaux, un débat relatif à la répartition des compétences
au sein de l'intercommunalité.

Gouvernement, Parlement

2026

Loi

Permettre d'instaurer, au sein du pacte de gouvernance, un droit de veto des communes.

Gouvernement, Parlement

2026

Loi

4

Normes, ingénierie, financements, interlocuteurs : redonner de la simplicité à l'action quotidienne des maires

 

Simplifier, renforcer
et unifier autour du préfet de département l'accès des maires
à l'État.

Gouvernement -

Ministère
de l'intérieur

2023-2025

Instructions ministérielles, localisation des ETP

Trois outils pour sécuriser les maires dans la conduite de leurs projets :

 

- fusion des dotations d'investissement ;

Gouvernement, Parlement

2024

Loi de finances

- plateforme et dossier unique ;

Gouvernement

2024

Règlement et instructions ministérielles

- rescrit juridictionnel et administratif.

Gouvernement, Parlement

2023

Loi, instructions ministérielles

5

Conforter, par des moyens juridiques et humains renforcés,
la liberté des maires de gérer les affaires de leur commune

 

Renforcer le pouvoir réglementaire des maires, capacité normative d'agir.

Gouvernement, Parlement

2023

Loi

Consolider l'équipe autour du maire
en facilitant
les recrutements de secrétaires de mairie
et d'agents municipaux spécialisés et en encourageant
les mutualisations
de personnel.

Gouvernement, Parlement

2023

Propositions de loi, adoptées par le Sénat, n° 598 (2021-2022) et n° 554 (2022-2023)

6

Faciliter l'exercice des mandats locaux en reconnaissant à sa juste valeur l'engagement municipal et en s'adaptant à la diversité des profils d'élus

 

Mieux adapter les conditions d'exercice des mandats municipaux à la diversité de profil des élus, notamment ceux engagés dans la vie professionnelle.

Gouvernement, Parlement

2023

Loi

7

Protéger les élus municipaux en toutes circonstances face aux menaces
et aux mises en cause

 

Garantir la protection effective des maires et élus municipaux dans l'exercice de leur mandat face aux violences, menaces et outrages, par un renforcement de la protection fonctionnelle et une amélioration du dispositif judiciaire :

 

- aggravation des peines ;

Gouvernement, Parlement

2023

Proposition de loi n° 648 (Sénat - 2022-2023) déposé
le 26 mai 2023

- extensions de la protection fonctionnelle ;

- généralisation des bonnes pratiques judiciaire de contact avec les élus et de suivi des infractions à leur encontre.

Ministère de la justice

2023

Circulaire de politique pénale


* 1 S'agissant des maires, le nombre de vacances de sièges hors décès atteint 1 342, un niveau 5,4 % supérieur à celui observé lors des trois premières années du mandat de 2014, qui s'élevait à 1 247.

* 2 Les sondés jugent, à 58 %, les actions des communes efficaces, contre 48 % pour les départements et les régions.

* 3 Martial Foucault, « Troisième enquête de l'Observatoire de la démocratie de proximité », AMF-CEVIPOF/SciencesPo, novembre 2019, p. 3.

* 4 Ibid.

* 5 Le Monde, « Quelqu'un va bien finir par se bouger » : le scrutin incertain des 106 communes sans candidats aux municipales, 7 mars 2020.

* 6 Respectivement 67 % et 66 %.

* 7 30,9 % souhaitent continuer au même poste, 30,8 % ne se prononcent pas et 26,8 % envisagent de quitter la vie politique.

* 8 Comme on l'a vu plus haut, ce sondage établissait que 28,3 % des maires sortants avaient décidé de ne pas se représenter et que 23 % hésitaient encore.

* 9 En vertu, respectivement, des articles L. 2122-15 et L. 2121-4 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

* 10 De 2014 à 2020, ce motif indéterminé représentait ainsi 78,9 % des motifs de vacance de mandat de maire enregistrés.

* 11 Des démissions d'office ou déchéance peuvent également intervenir, mais d'ampleur très limité, elles ne sont pas prises en compte de ce calcul.

* 12 Le total de maires en fonction est de 34 982.

* 13 Sur 34 965 communes en 2021, 71,5 % comptent moins de 1 000 habitants et 28,5 %, plus (DGCL, Les collectivités locales en chiffres 2021).

* 14 JO Sénat, Séance du 5 avril 2023, p. 3482.

* 15 On constate ainsi que, jusqu'au mois de janvier 2021 le nombre de vacances pour décès n'est jamais supérieur à 42 par an alors qu'à partir de 2021, il est trois fois supérieur. La différence est telle qu'il est impossible de l'expliquer uniquement par une augmentation de la mortalité due à la crise sanitaire de la Covid-19. Elle renvoie nécessairement à une sous-déclaration du motif « décès » dans les vacances de mandat, au profit de la catégorie « autre ».

* 16 Le ministère de l'intérieur précise que, « initialement entendu comme désignant les fins de fonction précédant le renouvellement général », ce motif a pu être « utilisé localement à d'autres fins ».

* 17 La différence, pour les communes de 1 000 habitants et plus, s'explique par le fait que, dans ces communes, lorsqu'il n'y a plus de possibilité de remplacer une vacance par un suivant de liste, il est procédé à une élection partielle qui renouvelle tous les conseillers municipaux (1 896 cas de vacances associés à ce motif de 2020 à 2022).

* 18 Ces dernières élections interviennent, dans les communes de moins de 1 000 habitants, les vacances atteignent un tiers de l'effectif du conseil municipal ou qu'il reste moins de cinq membres à ce conseil et, dans celles de 1 000 habitants et plus, lorsqu'il n'est plus possible de combler des vacances par appel du suivant de liste.

* 19 Article L. 2121-35 du CGCT.

* 20 Audition des représentants d'association de maires, le 14 mars 2023.

* 21 Audition sur la crise de vocation des maires, le 1er mars 2023.

* 22 Audition sur la crise de vocation des maires, le 1er mars 2023.

* 23 Audition sur la crise de vocation des maires, le 1er mars 2023.

* 24  Rapport de l'IGA établi par Philippe Laurent, maire de Sceaux et président du conseil supérieur de la fonction publique territoriale, Corinne Desforges, inspectrice générale de l'administration, Mathilde Icard, présidente de l'association des directeurs de ressources humaines des grandes collectivités, « L'attractivité de la fonction publique territoriale ».

* 25 Ibidem.

* 26 Comme on le verra ci-après, dans la partie III, en avril et juin de cette année, le Sénat a adopté à l'unanimité deux propositions de lois apportant quelques solutions pour remédier au déficit d'attractivité de ce métier : la proposition de loi n° 598 (2021-2022) visant à revaloriser le statut de secrétaire de mairie, de Céline Brulin, Cécile Cukierman, Michelle Gréaume, Marie-Claude Varaillas, Éliane Assassi et plusieurs de leurs collègues, déposée au Sénat le 30 mars 2022 et la n° 554 (2022-2023) visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie de François Patriat et plusieurs de ses collègues, déposée au Sénat le 1er mai 2023.

* 27  Rapport n° 676 (2022-2023) relatif au métier de secrétaire de mairie, fait par Catherine Di Folco, Jérôme Durain et Cédric Vial, au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

* 28 En vertu des alinéas 1er et 2 et l'article 2 du décret n°87-1103 du 30 décembre 1987 portant statut particulier du cadre d'emplois des secrétaires de mairie, les secrétaires de mairie « ont vocation à occuper les fonctions de secrétaire de mairie des communes de moins de 3 500 habitants », et peuvent exercer les fonctions de directeur général des services des communes de plus de 2 000 habitants.

* 29 Voir l'annuaire statistique Les collectivités territoriales en chiffres 2023 publié par la direction générale aux collectivités locales (DGCL).

* 30 Voir le rapport n° 676 (2022-2023) relatif au métier de secrétaire de mairie, fait par Catherine Di Folco, Jérôme Durain et Cédric Vial, au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

* 31 Voir le rapport n° 466 (2022-2023) sur la proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie, fait par Catherine Di Folco au nom de la commission des lois.

* 32 Ibidem.

* 33 Ibidem.

* 34 Rapport de l'IGA précité.

* 35 Pour un panorama plus complet des difficultés de recrutement rencontrées pour ce métier, voir le rapport n° 466 (2022-2023).

* 36 Rapport de l'IGA précité, p. 16.

* 37 Cour des comptes, op cit., p. 72

* 38 Cour des comptes, op cit., p. 68

* 39 Voir l'article 55 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 40 Cour des comptes, Les finances publiques locales, rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, septembre 2018.

* 41 Annonce du ministre Stanislas Guerini à l'issue de la réunion multilatérale du 12 juin 2023. Le communiqué de presse est consultable en ligne.

* 42 Dans un communiqué, l'AMF rappelle que  « les collectivités ont besoin d'anticipation et de visibilité sur leurs dépenses de fonctionnement : une autre méthode de travail est nécessaire pour éviter que des décisions, dont le coût a un impact fort sur les finances locales, soient prises de manière aléatoire et mises en oeuvre dans les quinze jours. »

* 43  Communiqué de presse de l'APVF, « Quelle compensation de la revalorisation du point d'indice et du coût de l'énergie pour les collectivités territoriales ? », juillet 2022.

* 44  Les effectifs de l'administration territoriale de l'État, rapport d'observations définitives n° S2022-0494 de la quatrième chambre de la Cour des comptes.

* 45 Équivalent temps plein travaillé.

* 46 Les directions départementales interministérielles (DDI) ont également perdu une part très significative de leurs effectifs, de l'ordre de 30,8 % de leurs emplois entre 2012 et 2020, pour une diminution annuelle moyenne entre 2011 et 2019 de 4,1 %. Néanmoins, à l'inverse des services des préfectures et sous-préfectures, cette diminution ne s'est pas effectuée à périmètre constant.

* 47 Comme on le verra ci-après, partie III, I.A.2.a), sous l'impulsion du Président de la République dans son discours du 10 octobre 2022 en Mayenne, le Gouvernement a créé six sous-préfecture pour renforcer la présence de l'État au niveau infra-départemental. Ces créations sont, cependant, insuffisantes.

* 48  À la recherche de l'État dans les territoires, rapport d'information n° 909 (2021-2022) fait par Agnès Canayer et Éric Kerrouche au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, déposé le 29 septembre 2022.

* 49 Table ronde des représentants d'associations de maires, le 14 mars 2023, dont le compte rendu est consultable en annexe du présent rapport.

* 50  Contrôle de légalité et contrôle des actes budgétaires en préfecture », rapport d'observations définitives, quatrième chambre de la Cour des comptes, n° s2022-1762.

* 51 Malgré une hausse notable des effectifs en 2017 (862,09 ETPT) et 2018 (898,86 ETPT), qui s'est tassée pour revenir en 2021 (841,34 ETPT) à un niveau proche de celui de 2014 (835,73 ETPT).

* 52 Cour des comptes, op. cit.

* 53 Table ronde du 1er mars 2023 réunissant des maires ayant démissionné de leur mandat, dont le compte rendu est consultable en annexe du présent rapport.

* 54 La loi n° 71-588 du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes dite « Marcellin » prévoyait la possibilité de fusion de communes avec deux formes distinctes : celle de la fusion simple et celle de la fusion-association.

* 55 À titre d'exemple, la loi « RCT » a introduit un article L. 5212-33 du CGCT qui prévoit deux modalités de dissolution de plein droit d'un syndicat de communes, sans pouvoir d'appréciation du préfet territorialement compétent et sans consultation des conseils municipaux dès lors que les compétences qu'il exerçait ont été transférées à un EPCI ou lorsqu'il ne compte plus qu'une seule commune, lui faisant ainsi perdre son caractère intercommunal. Poursuivant le même objectif, des mesures visant à transformer les syndicats en EPCI à fiscalité propres ont également été adoptées à l'occasion de ces textes. Enfin, la loi dite « NOTRe » a mis un dernier coup d'arrêt à la création syndical en organisant le transfert aux intercommunalités des compétences traditionnelles des SIVU et SIVOM qu'étaient l'eau, l'assainissement et les déchets ménagers.

* 56 Si la loi « RCT » avait fixé à 5 000 habitants le seuil démographique nécessaire à la constitution d'une intercommunalité, la loi dite « NOTRe » cinq après, l'a rehaussé à 15 000 habitants ; tout en octroyant au préfet la faculté d'y déroger pour maintenir le seuil de 5 000 habitants pour certains cas particuliers.

* 57 Articles 60 et 61 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 précitée, article 35 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 précitée.

* 58 Les communes bénéficiant d'une telle dérogation législatives sont L'Île-d'Yeu, L'Île-de-Bréhat, L'Île-de-Sein et L'Île-d'Ouessant.

* 59 Cour des comptes, Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements, fascicule 2 (rapport public thématique), octobre 2022, p. 70.

* 60 Ibid, p. 72.

* 61 Rapport Cour des comptes, op cit. p. 63.

* 62 Ibid, p. 85.

* 63 Cour des comptes, Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements, fascicule 2 (rapport public thématique), octobre 2022, p. 74.

* 64 Qui correspond au congrès de l'association Intercommunalités de France (ex-AdCF).

* 65 Discours consultable en ligne.

* 66 Nivet, Philippe, « Les municipalités en temps de guerre (1814-1944) », Parlement[s], Revue d'histoire politique, vol. 20, no. 2, 2013, p. 67-88.

* 67 Paul Bellamy, Guerre 1914-1919, la municipalité et son oeuvre, rapport présenté au Conseil municipal par le Maire de la Ville de Nantes, Nantes, Imprimerie du Commerce, 1920, p. 6.

* 68  Covid-19 : deuxième rapport d'étape sur la mise en oeuvre de l'état d'urgence sanitaire, rapport de la mission de suivi de la loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 de la commission des lois, 29 avril 2020.

* 69  Mieux organiser la Nation en temps de crise, rapport d'information n° 609 (2019-2020) fait par Philippe Bas, François-Noël Buffet, Pierre-Yves Collombat, Nathalie Delattre, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, Loïc Hervé, Patrick Kanner, Alain Richard, Jean-Pierre Sueur et Dany Wattebled au nom de la commission des lois, 8 juillet 2020.

* 70  Déclaration de Jean Castex, Premier ministre, sur l'importance du « couple » maire-préfet dans la gestion de la crise sanitaire et la mise en oeuvre du plan de relance, La Roche-sur-Foron le 6 novembre 2021.

* 71 Audition de maires de communes de montagne et d'outre-mer, dont le compte rendu est consultable en annexe du présent rapport.

* 72 Sans qu'il soit possible d'en retracer la généalogie exacte, cette expression a notamment été judicieusement utilisée par le professeur Luciano Vandelli dans un article paru dans la revue Pouvoirs en 2000 : « Cellule de base de toutes les démocraties », Pouvoirs n° 95 - La commune en France et en Europe - novembre 2000 - pp. 5-17.

* 73 Beaumont-en-Verdunois, Bezonvaux, Cumières-le-Mort-Homme, Douaumont, Fleury-devant-Douaumont, Haumont-près-Samogneux, Louvemont-Côte-du-Poivre et Vaux-devant-Damloup.

* 74 Lieux de mémoire, ces communes demeurent en conséquence, malgré l'impossibilité pratique d'en faire des lieux d'accueil de services publics - faute d'habitants - des lieux à l'identité locale incontestée. Comme l'indique le ministère de l'intérieur et des outre-mer « si la suppression de ces communes symboliques - ou leur rattachement à une autre commune -, a été envisagée, elle n'a jamais abouti, tant l'attachement local à leur existence reste très fort et se manifeste tout au long de l'année par des commémorations suscitant toujours une affluence ».

* 75 Martial Foucault, Enquête sur le rôle des maires, 22 juillet 2021.

* 76 Stéphane Cadiou, « Le maire et les paris (risqués) de l'action publique », Pouvoirs, revue française d'études constitutionnelles et politiques, n°148, 148 - Le Maire, p. 43-55.

* 77 Pierre Richard, « Le poids économique des communes », Pouvoirs, revue française d'études constitutionnelles et politiques ; La commune en France et en Europe, p. 43-53.

* 78 Luciano Vandelli, op. cit., p.7.

* 79 Audition sur la crise de vocation des maires, le 1er mars 2023.

* 80 Cf. supra, I.A.2.

* 81 Audition sur la crise de vocation des maires, le 1er mars 2023.

* 82 Le fait que le sondage ait été organisé entre le 12 et le 19 mai, au moment où la démission du maire de Saint-Brevin-les-Pins a fait l'actualité a sans doute accentué cette perception exprimée par les sondés.

* 83 Audition des représentants d'association de maires, le 14 mars 2023.

* 84 Article L. 2122-32 du code général des collectivités territoriales (CGCT)

* 85 Articles L. 2223-1 à 2223-51 du CGCT.

* 86 Article L. 2121-30 du CGCT.

* 87 Article L. 2254-1 du CGCT.

* 88 Article L. 121-6 du code l'action sociale et des familles.

* 89 Articles L. 153-8, L. 422-1 du code de l'urbanisme.

* 90 72 % des Français sont attachés à la commune, loin devant les autres collectivités territoriales et l'intercommunalité.

* 91  Jeunesse et citoyenneté : une culture à réinventer, rapport d'information n° 648 (2021-2022) fait par Henri Cabanel fait au nom de la mission d'information, déposé le 7 juin 2022 au Sénat.

* 92 Le sondage réalisé pour la mission d'information montre à cet égard que si les citoyens sont, sur le principe, favorable à ces dispositifs, ils sont plus partagés sur le fait de donner de leur temps personnel pour s'impliquer dans la vie politique locale : 54 % l'envisagent contre 46 % qui ne le souhaitent pas.

* 93 « Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune. Il donne son avis toutes les fois que cet avis est requis par les lois et règlements, ou qu'il est demandé par le représentant de l'État dans le département. Lorsque le conseil municipal, à ce régulièrement requis et convoqué, refuse ou néglige de donner avis, il peut être passé outre. Le conseil municipal émet des voeux sur tous les objets d'intérêt local. »

* 94 Conseil d'État, ass., 29 juin 2001, Commune de Mons-en-Baroeul, n° 193716 : en l'espèce, le conseil municipal a créé une allocation municipale d'habitation dans le but d'aider les citoyens de la commune à régler leurs dettes locatives en contrepartie d'un à participer à des activités d'intérêt général.

* 95 Comme l'avait noté le rapport n° 48 (2020-2021) sur la proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales, fait par le rapporteur du présent rapport et Françoise Gatel au nom de la commission des lois, déposé le 14 octobre 2020.

* 96 Ibidem.

* 97 Ibid., p. 33.

* 98  Rapport d'information n° 110 (2018-2019) fait par Mathieu Darnaud au nom de la commission des lois, déposé le 7 novembre 2018.

* 99 Antérieurement, l'organe délibérant des EPCI à fiscalité propre était composé de délégués élus par les conseils municipaux des communes-membres.

* 100  Rapport n° 404 (2012-2013) fait par Michel Delebarre au nom de la commission des lois, déposé le 27 février 2013.

* 101 Selon le sondage CSA réalisé pour la mission commune d'information, 72 % des Français sont attachés à la commune, contre 60 % pour le département et 54 % pour la région.

* 102 Loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.

* 103 Cour des comptes, rapport public annuel, La décentralisation 40 ans après : un élan à retrouver, mars 2023, p. 80-82.

* 104 Le rapport public annuel 2023 de la Cour des comptes relève que la population moyenne des communes françaises était de 1 891 habitants en 2017 alors que celle des communes allemandes étaient de 7 450 habitants, 7 960 en Italie, 15 507 en Pologne et 45 071 aux Pays-Bas.

* 105 La France comptait 44 000 communes lors de l'adoption du décret du 14 décembre 1789.

* 106  Fortifier la démocratie de proximité - Trente propositions pour nos communes, rapport d'information n° 110 (2018-2019) fait par Mathieu Darnaud au nom de la commission des lois, déposé le 7 novembre 2018, qui cite notamment l'exemple de la Grande Bretagne qui « a organisé le regroupement de ses collectivités territoriales en districts, au nombre de 545. Leur population moyenne est de 104 000 habitants et leur superficie moyenne de 468 km². Des instances locales de proximité ont néanmoins été recréées afin de garantir l'efficacité de l'action publique au sein de ces grands ensembles ».

* 107  Question d'actualité au gouvernement n° 0305G - 16e législature sur le nombre de communes en France, de Bruno Sido, posée le 15 mars 2023 au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

* 108 Article 10 de la loi précitée « 3DS ».

* 109 Ce transfert a été prévu par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).

* 110 Articles L. 5214-16-1, L. 5215-27 et L. 5216-7-1 du CGCT.

* 111 Loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, dite « Engagement et proximité ».

* 112 Il s'agissait d'une liste de compétences parmi lesquelles les communes avaient l'obligation de faire un choix pour transférer un certain nombre d'entre elles à leur groupement à fiscalité propre (trois sur neuf pour les communautés de communes, trois sur sept pour les communautés d'agglomération). La suppression de cette catégorie de compétences a eu pour effet d'en changer le statut et de les rendre, le cas échéant restituables.

* 113 Article L. 5211-17-1 du CGCT.

* 114 Articles L. 5214-16 et L. 5216-5 du CGCT.

* 115 Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « NOTRe », modifiée par loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes.

* 116 Proposition de loi n° 908 (2021-2022) de Jean-Yves Roux, visant à permettre une gestion différenciée des compétences « eau » et « assainissement » adoptée par le Sénat le 16 mars 2023 sous le n° 74 (2022-2023) puis adopté avec modifications en commission des lois à l'Assemblée nationale le 31 mai 2023. Le texte a été examiné par les députés lors d'une séance sans qu'un vote définitif n'ait pu avoir lieu. Le dossier législatif est consultable en ligne.

* 117 Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite « 3DS ».

* 118 Articles L. 5215-20 et L. 5217-2 du CGCT.

* 119 L'ensemble de ces citations est issue du rapport du Sénat 50 proposition pour le plein exercice des libertés locales, du 2 juillet 2020.

* 120 11 communes ont moins de 100 habitants et 114 communes ont entre 100 et 1 000 habitants étant précisé que le territoire s'étend sur une longueur de 70 kilomètres.

* 121 Banque des territoires, Un droit de veto pour les élus municipaux du Grand Reims (51), article publié le 13 décembre 2022.

* 122 Discours de Françoise Gatel, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, lors de la rencontre nationale des communes nouvelles, co-organisée par le Sénat et l'AMF, sous le haut-patronage de Gérard Larcher, en septembre 2022.

* 123 Ce régime est codifié aux articles L. 2123-1 à L. 2113-22-2 du CGCT.

* 124 Loi n° 2015-292 du 16 mars 2015 relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes.

* 125 Loi n° 2019-809 du 1er août 2019 visant à adapter l'organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires.

* 126 Réponses au questionnaire du rapporteur apportées par la DGCL, p. 13.

* 127 Recensement Insee 2017.

* 128  Rapport d'information n° 798 (2022-2023), de Françoise Gatel et Eric Kerrouche fait au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, « Commune nouvelle : Soutenir le projet d'un destin commun », déposé le 28 juin 2023

* 129 Les raisons de ce succès ont été analysées par Mathieu Darnaud dans son rapport n° 110 (2018-2019) précité.

* 130  Rapport du groupe de travail du Sénat sur la décentralisation présidé par Gérard Larcher « Libre administration, simplification, libertés locales : 15 propositions pour rendre aux élus locaux leur pouvoir d'agir ».

* 131  Rapport d'information n° 41 (2022-2023) fait par Charles Guéné, Jean-François Husson et Claude Raynal, pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur les scénarios de financement des collectivités territoriales, fait au nom de la commission des finances, déposé le 12 octobre 2022.

* 132 Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.

* 133 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 134 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 135 Cour des comptes, Le financement des collectivités territoriales : des scénarios d'évolution, communication à la commission des finances du Sénat, octobre 2022, p. 31.

* 136 Cour des comptes, Le financement des collectivités territoriales : des scénarios d'évolution, communication à la commission des finances du Sénat, octobre 2022, p. 44.

* 137 Cour des comptes, Le financement des collectivités territoriales : des scénarios d'évolution, communication à la commission des finances du Sénat, octobre 2022, p. 159.

* 138 Cour des comptes, Les finances publiques locales, fascicule 2, octobre 2022, p. 121-123.

* 139 Cour des comptes, Le financement des collectivités territoriales : des scénarios d'évolution, communication à la commission des finances du Sénat, octobre 2022, p. 38.

* 140  Pour un fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales plus proche des réalités locales, rapport d'information n° 73 (2021-2022) fait par Charles Guené et Claude Raynal au nom de la commission des finances sur le fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales, déposé le 20 octobre 2021.

* 141  Rapport d'information n° 1004 fait par Thomas Cazenave au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l'Assemblée nationale sur l'accélération de l'investissement des collectivités territoriales dans la transition écologique.

* 142 Cour des comptes, Les finances publiques locales 2022, fascicule 1, rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements en 2021, juillet 2022.

* 143  Avis n° 468 (2022-2023) présenté par Charles Guené au nom de la commission des finances sur la proposition de loi constitutionnelle visant à créer une loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements et à garantir la compensation financière des transferts de compétences.

* 144  Avis n° 146 (2019-2020) - Tome XII présenté par Loïc Hervé au nom de la commission des lois sur le projet de loi de finances pour 2020 (« Relations avec les collectivités territoriales »), déposé le 21 novembre 2019.

* 145  Rapport n° 471 (2022-2023) fait par Agnès Canayer au nom de la commission des lois sur la proposition de loi constitutionnelle visant à créer une loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements et à garantir la compensation financière des transferts de compétences, déposé le 29 mars 2023.

* 146 Ibid, op. cit. note n° 1.

* 147 Avis n° 468 (2022-2023) présenté par Charles Guené, préc.

* 148 Ibid.

* 149  Rapport n° 86 (2022-2023) fait par Jean-François Husson au nom de la commission des finances sur le projet de loi, rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation des finances publiques pour les années 2023-2027, déposé le 27 octobre 2022.

* 150 Avis n° 468 (2022-2023) présenté par Charles Guené, préc.

* 151 Ibid.

* 152 Extrait de État et collectivités territoriales : les bons comptes feront les bons amis !, rapport d'information n° 729 (2022-2023) fait par Guylène Pantel au nom de la mission d'information sur l'impact des décisions réglementaires et budgétaires de l'État sur l'équilibre financier des collectivités locales, déposé le 13 juin 2023

* 153 Conseil d'État, 29 juillet 2020, Commune de Salses-le-Château, n° 437283.

* 154 Dans le paragraphe 5 de sa décision, le Conseil d'État juge ainsi que « les dispositions générales de l'article L. 5211-17, relatives aux transferts facultatifs de compétences, qui renvoient notamment aux conditions de majorité requise pour la création de l'EPCI, ne peuvent recevoir application entre le 1er juillet 2019 et le 1er janvier 2020 » 

* 155 Article 114 de la loi.

* 156  Question écrite n° 04894 de Cécile Cukierman, sénatrice de la Loire, publiée le 26 janvier 2023 au Journal officiel

* 157 Voir l'arrêté du 5 février 2007 portant approbation de diverses dispositions complétant et modifiant le règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public.

* 158 Réponse du ministère de l'intérieur et des outre-mer à la question écrite précitée, publiée le 18 mai 2023.

* 159  Décret n° 2017-890 du 6 mai 2017 relatif à l'état civil.

* 160  Question écrite n° 04895 de Cyril Pellevat publiée le 26 janvier 2023 au journal officiel.

* 161 Ainsi, la réponse du garde des sceaux se termine sur les phrases suivantes : « Ces arrêtés, indispensables à la mise en oeuvre de la dispense évoquée, n'ont pas été publiés à ce jour. Conscient de l'importance que revêt, tant pour les communes que pour les juridictions, la mise en oeuvre effective de la dispense des obligations de dépôt au greffe du second exemplaire des registres de l'état civil et d'envoi des avis de mentions, le ministère de la Justice élabore actuellement ces projets d'arrêtés et oeuvre à leur publication dans les meilleurs délais. Cette élaboration revêt une réelle complexité technique et doit permettre de garantir la sécurité et l'intégrité des traitements automatisés. Dans l'attente de ces arrêtés, il est indispensable pour les communes de respecter ces obligations, dont le respect conditionne la possibilité de mettre en oeuvre la procédure de reconstitution des actes ou des registres en cas de perte, dégradation ou destruction. ».

* 162  Amendement n° 1633 (Rect) présenté le 20 novembre 2019 par le Gouvernement sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, examiné en première lecture à l'Assemblée nationale.

* 163  Bilan annuel de l'application des lois au 31 mars 2021, rapport d'information n° 645 (20202021) de Pascale Gruny, président de la délégation du Bureau en charge du travail parlementaire, du contrôle et du suivi des ordonnances, déposé le 27 mai 2021.

* 164 Rapport de la Mission conjointe de contrôle relative à la mise en application du « Zéro artificialisation nette », présidée par Valérie Létard et rapporté par Jean-Baptiste Blanc, p. 26.

* 165 Schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire.

* 166  Rapport n° 415 (2022-2023) fait par Jean-Baptiste Blanc au nom de la commission spéciale sur la proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au coeur des territoires, déposé le 8 mars 2023.

* 167 Rapport précité, p. 4.

* 168  Rapport public d'activité du Conseil national d'évaluation des normes pour la période 2019-2022, Février 2023, p. 31.

* 169 Voir les États généraux du 16 mars 2023, « Objectifs communs pour simplifier les normes applicables aux collectivités locales ».

* 170 Voir la loi organique n° 2021-467 du 19 avril 2021 relative à la simplification des expérimentations mises en oeuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution.

* 171 Rapport n° 909 (2021-2022) précité, p. 98.

* 172 Ces deux derniers ayant été ajoutés à l'issue de l'adoption de la loi « 3DS ».

* 173 Le rapport n° 199 (2020-2021) fait par Catherine Deroche, Bernard Jomier et Sylvie Vermeillet au nom de la commission d'enquête relative à l'évaluation des politiques publiques face aux pandémies, déposé le 8 décembre 2020, relevait ainsi : « les auditions menées par la commission d'enquête ont mis en exergue, au-delà des relations interpersonnelles parfois cordiales et de la grande mobilisation des équipes concernées, un sentiment partagé d'éloignement du terrain de la part des ARS. Cet éloignement résulte, au moins pour partie, de l'échelle à laquelle opèrent ces agences : alors que la gestion d'une crise nécessite - en particulier pour les questions logistiques - une attention au « dernier kilomètre », la régionalisation de ces administrations, à plus forte raison à la suite de la refonte de la carte régionale, a semblé constituer un frein à une action publique efficace. »

* 174 Voir notamment le III de l'article 5 du décret n° 2020-1542 du 9 décembre 2020 relatif aux compétences des autorités académiques dans le domaine des politiques de la jeunesse, de l'éducation populaire, de la vie associative, de l'engagement civique et des sports et à l'organisation des services chargés de leur mise en oeuvre.

* 175  Avis n° 121 (2022-2023) - Tome I « Administration générale et territoriale de l'État » présenté par Cécile Cukierman au nom de la commission des lois sur le projet de lois de finances pour 2023, déposé le 17 novembre 2022.

* 176 Il s'agit des sous-préfectures de : Château-Gontier (Mayenne), Clamecy (Nièvre), Mondidier (Somme), Nantua (Ain), Rochechouart (Haute-Vienne) et Saint-Georges-de-l'Oyapock (Guyane).

* 177 Rapport d'Agnès Cannayer et d'Éric Kerrouche, op. cit, p. 27.

* 178 Acar, Bruno et Angel, Noémie, IGA, « Le pouvoir règlementaire des collectivités territoriales : enjeux et perspectives », p. 66.

* 179  Question écrite n° 05063 de Denise Saint-Pé du 2 février 2023.

* 180 Rapport n° 313 (2022-2023) de Charles Guené et Céline Brulin, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, relatif à l'ANCT.

* 181 Article L. 221-3 du code de la route résultant de l'article 1er de la n° 2023-479 du 21 juin 2023 visant à faciliter le passage et l'obtention de l'examen du permis de conduire, issue d'une proposition de loi de Sacha Houlié.

* 182 Rendue publique selon des formes permettant à toute personne ayant intérêt à agir contre celle-ci.

* 183 Garantie de la constitutionnalité du dispositif, le champ des décisions potentiellement concernées par le dispositif était circonscrit aux décisions non réglementaires prises sur le fondement du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, du code de l'urbanisme ou du régime de déclaration d'insalubrité des immeubles (articles L. 1331-25 à L. 1331-29 du code de la santé publique).

* 184 Dont l'Union syndicale des magistrats administratifs (USMA) et le Syndicat de la juridiction administrative (SJA).

* 185 Voir à titre d'exemple : Conseil d'État, 10 mai 2017, req. n° 398736.

* 186 Comme l'indique le commentaire du Conseil constitutionnel sur la décision n° 2019-794 QPC précitée.

* 187 Qui crée un nouvel article L. 1116-1 du CGCT.

* 188 Cour des comptes, op. cit., p. 38.

* 189 Les modalités de réunion en visioconférence sont, depuis la loi « 3DS », applicables aux syndicats mixtes fermés en application de l'article L. 5211-11-1 du CGCT. Toutefois, aucune disposition législative n'a étendu cette faculté aux syndicats mixtes ouverts.

* 190 Voir l'article L. 1111-9-1 du CGCT.

* 191  Rallier les citoyens, relier les territoires : le rôle incontournable des départements, rapport d'information n° 706 (2019-2020) fait par Cécile Cukierman au nom de la mission d'information sur le thème « Quel rôle, quelle place, quelles compétences des départements dans les régions fusionnées aujourd'hui et demain ? » déposé le 15 septembre 2020.

* 192 Article L. 441-2 du code de la construction et de l'habitat (CCH).

* 193 Proposition de loi n° 494 (2022-2023) visant à renforcer le rôle des maires dans l'attribution des logements sociaux, de Mme Sophie Primas, déposée le 4 avril 2023.

* 194 À l'initiative de Claudine Thomas et Sylvie Vermeillet, la commission des lois du Sénat a modifié, lors de l'examen du projet de loi « 3DS », l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime régissant la composition des CDPENAF en prévoyant une proportion minimale de 50 % des représentants des collectivités et de leurs groupements.

* 195 Présidées par le préfet du département, ces commissions regroupent des représentants :

- de l'État ;

- des collectivités territoriales et de leurs groupements ;

- des professions agricole et forestière ainsi que des chambres d'agriculture et des organismes nationaux à vocation agricole et rurale ;

- des propriétaires fonciers ;

- des notaires ;

- des associations agréées de protection de l'environnement ;

- des fédérations départementales ou interdépartementales des chasseurs.

* 196 Voir le premier alinéa de l'article L. 181-12 du code rural et de la pêche maritime.

* 197  Foncier agricole outre-mer : une reconquête nécessaire pour la souveraineté alimentaire, rapport d'information n° 799 (2022-2023) fait par Vivette Lopez et Thani Mohamed Soilihi au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer déposé 28 juin 2023.

* 198  Lettre de mission, annexée au rapport de l'IGA, « Le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales : enjeux et perspectives », juin 2021, p. 75.

* 199 Voir encadré ci-avant.

* 200 Le Gouvernement n'a pourtant, sur le principe, jamais été défavorable, au contraire, à un renforcement du pouvoir réglementaire local : l'exposé des motifs du projet de loi « 3DS » est sur point éclairant en ce qu'il déclarait qu'« il est temps de construire une nouvelle étape de la décentralisation : une décentralisation de liberté et de confiance qui offre aux territoires les moyens d'être plus dynamiques, plus agiles face aux principaux défis auxquels ils font face »201. Voir l'exposé des motifs.

* 202  Résultats de la consultation nationale des élus en matière de décentralisation, organisée par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, dans la perspective de l'examen du projet de loi dit « 4D » et publiés le 11 mai 2021.

* 203 Rapport du groupe de travail du Sénat sur la décentralisation précité, p. 43.

* 204 Rapport de l'IGA, op. cit, p. 23-24.

* 205 Voir le communiqué de presse de l'AMRF.

* 206 Rapport de l'IGA, op. cit., p. 58.

* 207  La politique du logement dans les outre-mer, rapport d'information n° 728 (2020-2021) fait par Guillaume Gontard, Micheline Jacques et Victorin Lurel au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer, déposé le 1er juillet 2021.

* 208  Rapport n° 411 (2022-2023) fait par Micheline Jacques au nom de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi visant à mieux protéger les locataires bénéficiant d'une allocation de logement et vivant dans un habitat non-décent, déposé le 8 mars 2023.

* 209  Plan d'action pour une plus grande sécurité des maires - Résultats de la consultation lancée par le Sénat, rapport d'information n° 11 (2019-2020) fait par Philippe Bas au nom de la commission des lois du Sénat, déposé le 2 octobre 2019.

* 210 Voir l'article 1er du décret n° 2022-185 du 15 février 2022 modifiant la classe de la contravention prévue à l'article R. 610-5 du code pénal et instituant de nouvelles contraventions.

* 211 Le rapport de la commission des lois du Sénat précité avait identifié ces mêmes matières et préconisait des mesures en ce sens.

* 212 Rapport n° 97 précité.

* 213 Voir les articles R49-1 et A37-19 du code de procédure pénale.

* 214 Rapport de la commission des lois du Sénat précité, p. 42.

* 215 Voir le commentaire de l'article 15 du projet de loi initial dit « Engagement et Proximité » : « Par le même amendement COM-610 de ses rapporteurs, [la commission] a supprimé la condition tendant à restreindre le prononcé des amendes administratives aux manquements « ayant un caractère répétitif ou continu ». Il lui est en effet apparu qu'une telle condition était de nature à complexifier, pour le maire, la caractérisation des situations dans lesquelles une amende administrative pourrait être prononcée. Au demeurant, dès lors que serait supprimé le cumul des poursuites administratives et pénales, il apparaît souhaitable que le maire puisse réagir dès le premier manquement constaté ».

* 216  Compte rendu intégral des débats de la séance du 14 juin 2023.

* 217 Articles 61 et 63 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 dite « Engagement et proximité » et 8 de la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés.

* 218 Voir le rapport d'observations définitives de la chambre régionale des comptes du Grand Est sur cette structure, en date du 15 février 2021.

* 219 Pour une présentation succincte, voir notamment « La mutualisation des gardes champêtre séduit les communes rurales », Gazette des communes, 10 novembre 2021.

* 220 Montaigne, Les Essais.

* 221 Conseil d'État, 27 janvier 1911, Richemond.

* 222 Ainsi, alors que la première phrase de l'article 74 de la loi municipale précitée posait le principe de gratuité du mandat, la seconde prévoyait déjà que ces fonctions « donnent seulement droit au remboursement des frais que nécessite l'exécution des mandats spéciaux. Les conseils municipaux peuvent voter, sur les ressources ordinaires de la commune, des indemnités aux maires pour frais de représentation ».

* 223 Voir le commentaire de l'article 28 du projet de loi « Engagement et Proximité » du rapport précité, p. 212.

* 224 Conseil d'État, 21 juillet 2006, Commune de Boulogne-sur-Mer, req. n° 279504.

* 225  Rapport n° 533 (2018-2019) fait par Mathieu Darnaud au nom de la commission des lois du Sénat, sur la proposition de loi créant un statut de l'élu communal.

* 226  Faciliter l'exercice des mandats locaux, tome 2, « Le régime indemnitaire », rapport d'information n° 642 (2017-2018) fait par Josiane Costes, Bernard Delcros et Charles Guené au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

* 227 Décret n° 2022-994 du 7 juillet 2022 portant majoration de la rémunération des fonctionnaires issus des grandes catégories.

* 228 0,5 % en 2020, 1,6%en 2021 et 5,2 % en 2022. Pour le calcul de l'inflation au second semestre 2020 et au premier semestre 2022, il a été fait l'hypothèse qu'elle était continue et que le taux annuel pouvait donc être pris en compte pour moitié pour cette période.

* 229  Question écrite n° 03488 de Laurent Burgoa, publiée le 27 octobre 2022.

* 230  Question écrite n° 06473 de Sylviane Noel, publiée le 20 avril 2023.

* 231 Pour plus de précisions, voir sur ce point la question écrite n° 05962 de Franck Menonville, publiée le 23 mars 2023.

* 232 Voir notamment la question écrite n° 01599 de Dominique Vérien, publiée le 21 juillet 2022.

* 233  Jeunesse et citoyenneté : une culture à réinventer, rapport d'information n° 648 (2021-2022) fait par Henri Cabanel au nom de la mission d'information sur le thème « Comment redynamiser la culture citoyenne ? » déposé le 7 juin 2022.

* 234  Réponse à la question orale n° 0399S de Chantal Deseyne par Bérangère Couillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l'écologie.

* 235 Voir notamment les amendements identiques n° 85 rect. ter, 120 rect., 1904 rect. bis, 339 rect. quater, 3101, 3415, 4732 déposé sur le projet de loi de financement de la sécurité social rectificatif pour 2023 par des sénateurs issus de divers groupes politiques.

* 236 Le Gouvernement avait d'ailleurs indiqué étudier une telle possibilité en 2012, en réponse à la question écrite n° 00691 (14ème législature) de Roland Povinelli : « Le Gouvernement étudie la possibilité d'intégrer les maires des communes de moins de 1 000 habitants parmi les bénéficiaires de l'allocation de fin de mandat qui n'étaient pas inclus dans ce dispositif alors même qu'ils pouvaient suspendre leur activité professionnelle. Cette mesure permettrait de rétablir une égalité de traitement entre tous les maires. Elle mettrait également en cohérence les dispositions qui concernent la suspension de l'activité professionnelle avec celles prévoyant le versement d'une allocation différentielle de fin de mandat. »

* 237 Voir la loi n° 2021-771 du 17 juin 2021 ratifiant les ordonnances n° 2021-45 du 20 janvier 2021 et n° 2021-71 du 27 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux.

* 238  Réponse du ministère de l'Europe et des affaires étrangères à la question écrite n° 00662 de Jean Louis Masson, le 15 mars 2018.

* 239  Réponse à la question écrite n° 01519 d'Evelyne Perrot publiée le 22 décembre 2022.

* 240 Dépêche AFP du 16 février 2023.

* 241  Communiqué de presse de l'AMF du 17 mai 2023, « Mobilisation commune contre les violences faites aux élus : Elisabeth Borne a reçu Yannick Morez avec David Lisnard et Maurice Perrion ».

* 242 Décret n° 2020-1072 du 18 août 2020 fixant le barème relatif à la compensation par l'État des sommes payées par les communes de moins de 3 500 habitants pour la souscription de contrats d'assurance relatifs à la protection fonctionnelle de leurs élus.

* 243  Étude du Conseil d'État du 25 juin 2018, « La prise en compte du risque dans la décision publique : pour une action publique ambitieuse », p. 67.

* 244 Voir le troisième alinéa de l'article L. 2121-7 du CGCT.

* 245 Respectivement prévues à l'article 15 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire et l'article 217 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 « 3DS ».

* 246 Cette disposition n'est pas d'application exclusive aux élus locaux, mais vise l'ensemble des responsables publics inclus dans le champ de l'article 432-12 du code pénal.

* 247 Voir notamment l'article L. 1524-5 du code général des collectivités territoriales.

* 248 Rapport annuel pour 2022, p. 31.