SOMMAIRE
I. L'ADÉQUATION DE L'ACTION PUBLIQUE AUX RÉALITÉS LOCALES AU CoeUR DE LA DIFFÉRENCIATION OUTRE-MER 11
A. LES OUTRE-MER : UN PAYSAGE INSTITUTIONNEL ET JURIDIQUE EN RÉALITÉ « ÉCLATÉ » 11
1. Dans les collectivités des articles 73 et 74 de la Constitution, des organisations institutionnelles très diverses 12
a) Des formes institutionnelles différentes au sein de l'article 73 12
b) Un article 74 regroupant diverses réalités statutaires 13
2. La Nouvelle-Calédonie : une collectivité à statut particulier 15
3. Les possibilités offertes par la révision constitutionnelle de 2003 16
a) La faculté d'évolution institutionnelle assortie de l'identité législative 16
b) L'évolution statutaire bidirectionnelle 17
c) Des changements soumis au consentement des populations 18
B. DES DÉBATS STATUTAIRES ANCIENS ET ENCORE BIEN PRÉSENTS 19
1. Un débat bien présent dans les collectivités de l'article 73 de la Constitution 19
a) Les départements français d'Amérique 19
b) Le « statu quo » réunionnais 20
2. Les termes du débat institutionnel dans ces collectivités 21
a) L'enjeu du développement 22
b) Une gouvernance adaptée aux réalités locales 23
c) Exercer davantage de compétences localement 23
3. Les COM, laboratoires institutionnels de la République : entre amélioration de l'existant et aspiration à davantage de responsabilités 24
C. L'ADAPTATION, CLÉ DE VOÛTE DE LA DIFFÉRENCIATION TERRITORIALE OUTRE-MER 26
1. L'adaptation des normes par le Parlement : une prise de conscience qui doit se poursuivre 26
2. L'adaptation des normes par les collectivités : simplifier la procédure d'habilitation 28
3. Mieux prendre en compte les avis des collectivités 31
II. DES ASPIRATIONS EN MATIÈRE DE DÉMOCRATIE LOCALE AUSSI PLURIELLES QUE LES OUTRE-MER 33
A. DES DEGRÉS DE RESPONSABILITÉS VARIABLES DANS L'EXERCICE DES COMPÉTENCES ET DANS DES DOMAINES DIFFÉRENTS 33
1. Guyane : le choix d'un statut sui generis 33
2. Guadeloupe : la possibilité d'élaborer des normes localement 34
3. Martinique : une réforme à poursuivre ? 34
4. Saint-Barthélemy : amplifier les transferts de compétences vers une autonomie accrue 35
5. Saint-Martin : améliorer la mise en oeuvre du statut 35
6. Saint-Pierre-et-Miquelon : parfaire la pratique du statut 36
7. La Réunion : faire respirer la décentralisation 36
8. Wallis-et-Futuna : un partage des responsabilités plus équilibré 37
9. Polynésie française : élargir le champ de l'action extérieure de la collectivité 37
10. Nouvelle-Calédonie : un nouveau rendez-vous référendaire 38
B. UN SOCLE CONSTITUTIONNEL UNIQUE : UNE SOLUTION POUR PERMETTRE À LA PLURALITÉ DES ASPIRATIONS DE S'EXPRIMER ? 39
1. La nécessité de dépasser la logique binaire 39
a) Passer à une logique de subsidiarité 40
b) Dépassionner la question statutaire 40
c) Vers des statuts sur-mesure ? 42
2. La question de la dénomination 43
C. LES MOYENS FINANCIERS ET LA DIFFUSION D'UNE CULTURE OUTRE-MER, CONDITIONS D'UNE DIFFÉRENCIATION RÉUSSIE 45
1. Des moyens financiers à la hauteur 45
2. Infuser la culture outre-mer 46
III. PROPOSITIONS DE RÉVISION DES ARTICLES 73 ET 74 DE LA CONSTITUTION 49
1. Proposition de loi constitutionnelle du Sénat n° 682 (2019-2020) pour le plein exercice des libertés locales 51
2. Contribution de M. Didier Maus, ancien conseiller d'État, président émérite de l'Association française de droit constitutionnel 55
3. Contribution de M. Stéphane Diémert, président assesseur à la Cour administrative d'appel de Paris, ancien conseiller pour les affaires juridiques et institutionnelles de deux ministres de l'outre-mer (2002-2006) 59
I. ÉCHANGES AVEC LES PRÉSIDENTS DES EXÉCUTIFS LOCAUX 75
1. Collectivités régies par l'article 73 76
a) Entretien avec Mme Josette Borel-Lincertin, présidente du conseil départemental de la Guadeloupe 76
b) Entretien avec M. Ary Chalus, président du conseil régional de la Guadeloupe 87
c) Entretien avec M. Rodolphe Alexandre, président de la collectivité de Guyane 103
d) Entretien avec M. Claude Lise, président de l'Assemblée de Martinique 115
e) Entretien de M. Alfred Marie-Jeanne, président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de la Martinique 131
f) Entretien avec MM. Jean-Paul Virapoullé, ancien sénateur, conseiller régional de La Réunion et Jack Gauthier, conseiller régional de La Réunion 137
2. Collectivités régies par l'article 74 157
a) Entretien avec M. Édouard Fritch, président du gouvernement de la Polynésie française 157
b) Entretien avec M. Atoloto Kolokilagi, président de l'assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna 169
c) Entretien avec M. Daniel Gibbs, président de la collectivité de Saint-Martin 179
d) Entretien avec M. Stéphane Lenormand, président de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon 201
Entretien avec M. Thierry Santa, président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie 211
2. Gouvernement de la Polynésie française 231
3. Collectivité de Saint-Barthélemy 237
II. TABLE RONDE « LA DIFFÉRENCIATION TERRITORIALE OUTRE-MER : QUEL CADRE POUR LE SUR MESURE ? » DU 23 JUILLET 2020 243
III. ÉTUDE DE LÉGISLATION COMPARÉE : LE STATUT DES TERRITOIRES ULTRAMARINS EN EUROPE 271
1. Déclaration de Basse-Terre du 1 er décembre 1999 327
2. Discours de M. Jacques Chirac, Président de la République, prononcé le 11 mars 2000 à Madiana (Martinique) 329
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
En janvier 2020, un groupe de travail sur la décentralisation a été mis en place sous la présidence de Gérard Larcher, président du Sénat. Composé de manière pluraliste avec notamment la participation des présidents de tous les groupes politiques du Sénat, l'assemblée représentant les collectivités territoriales de la République, ce groupe de travail fait suite à l'annonce d'un « nouvel acte de la décentralisation » et d'un projet de loi baptisé « 3 D » : décentralisation, différenciation et déconcentration. Le président de la commission des lois, M. Philippe Bas (Les Républicains-Manche), en a été désigné rapporteur général et le président de la délégation aux collectivités territoriales, M. Jean-Marie Bockel (Union centriste-Haut-Rhin), co-rapporteur.
C'est dans ce cadre, qu'en ma qualité de président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer, j'ai été chargé du volet outre-mer, et en particulier de la problématique de la différenciation territoriale des collectivités concernées, autrement dit de la possibilité pour les collectivités ultramarines de disposer d'une organisation de la démocratie locale qui répondent à leurs réalités, dans le cadre de la République.
Pour nourrir cette réflexion, j'ai procédé, entre les mois de mai et juin 2020, à l'audition des exécutifs et présidents des assemblées territoriales de l'ensemble des collectivités - à l'exception de Mayotte - et de la Nouvelle-Calédonie. En me fondant sur les demandes et observations recueillies, j'ai établi une synthèse et formulé des propositions qui ont été présentées et reprises dans les 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales rendues publiques par le Gérard Larcher et les co-rapporteurs le 2 juillet dernier.
Pour compléter cette première approche qui avait recueilli l'adhésion du groupe de travail, le président du Sénat m'a confié la mission de réaliser un travail plus approfondi sur le volet outre-mer dans le cadre de la délégation que j'ai l'honneur de présider, pour lequel j'ai été désigné rapporteur, le 3 juillet, par ses membres 1 ( * ) .
Je tiens à les remercier pour leur confiance et leur contribution à cette démarche inédite, destinée à nourrir le futur débat institutionnel dont le Parlement sera saisi dans les prochains mois, lors de l'examen des différents textes sur la décentralisation.
La différenciation territoriale est en effet un sujet essentiel sur lequel je me suis engagé depuis longtemps. J'ai eu l'occasion de rappeler dans de nombreuses circonstances que les outre-mer étaient un véritable laboratoire institutionnel dont les différentes expériences devraient nourrir la réflexion sur le processus de décentralisation, y compris au niveau national, et qu'historiquement les outre-mer incarnent l'idée même de différenciation territoriale.
Plus que jamais d'actualité, la différenciation constitue, à mes yeux, un moyen et un levier pour parvenir à mettre en adéquation l'environnement normatif des outre-mer avec l'objectif de leur développement.
Durant mon mandat et en tant que président de la délégation sénatoriale aux outre-mer, chaque fois que possible, j'ai tenu à mettre en avant cet enjeu.
Ce fut en particulier le cas avec une étude en deux volets sur les normes, dans le secteur du BTP d'une part, et dans le secteur agricole d'autre part, qui a fortement contribué à mettre en lumière le caractère impérieux, voire vital pour l'avenir, de l'acclimatation des normes en outre-mer, face à la lourdeur de l'inflation normative et à l'inadéquation patente de certaines règlementations aux réalités locales.
La réflexion générale sur le cadre institutionnel, la répartition des compétences entre l'État et les collectivités, le degré de responsabilités locales, a pleinement sa pertinence dans le cadre des activités de la Délégation sénatoriale aux outre-mer et a d'ailleurs fait l'objet par le passé d'un rapport d'information réunissant les actes d'un colloque organisé le 10 avril 2014 et intitulé : « Un kaléidoscope de l'autonomie locale : théorie, pratique institutionnelle et déclinaisons ultramarines » 2 ( * ) , sous la présidence de mon prédécesseur M. Serge Larcher, sénateur de la Martinique.
La présente étude constitue donc le prolongement d'une réflexion engagée de longue date pour promouvoir, une logique de subsidiarité et de pertinence de l'action publique, à l'instar des collectivités hexagonales mais en prenant en compte les spécificités des outre-mer .
Il convient de rappeler que la révision constitutionnelle de 2003 a amorcé cette « révolution culturelle » avec l'idée de « statuts à la carte », à l'origine aussi bien des statuts de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin ainsi que de celui de Mayotte.
Pour autant, elle n'a pas remis en cause la summa divisio juridique entre les collectivités soumises à l'article 73 de la Constitution fondé sur le principe d'identité législative et celles placées sous le régime de l'article 74 associé au principe de spécialité législative dans les matières transférées. Or la réalité est, comme l'ont montré les auditions, beaucoup plus nuancée que ce que l'on croit généralement et l'évolution récente des débats internes, au sein de chaque collectivité, sur ce sujet l'illustre largement.
Une table ronde organisée le 23 juillet 2020 avec des experts juridiques a permis d'éclairer les grandes lignes de ces débats et d'examiner les formes d'un nouveau cadre juridique susceptible d'accueillir les aspirations diverses pour un « sur-mesure » statutaire de plus en plus souhaité par les responsables politiques .
La présente étude se veut donc le reflet des réalités locales vécues par les collectivités intéressées et de l'état des discussions sur leur évolution statutaire à court et moyen termes .
Pour accompagner concrètement les attentes exprimées, son objectif est aussi de tenter de contribuer à déterminer le socle constitutionnel commun qui pourrait répondre aux voeux des collectivités de disposer à l'avenir d'un cadre favorisant davantage leur épanouissement et l'efficacité des politiques publiques ainsi que des propositions sur les outils juridiques pouvant porter ces évolutions.
L'ensemble de ces travaux et échanges a mis en évidence l'urgence d'une refondation de la relation entre l'État et les outre-mer qui passera nécessairement par une réforme de l'exercice des libertés locales et de la plus large diffusion d'une culture des outre-mer.
* 1 Compte rendu du 3 juillet 2020 (Examen en délégation).
* 2 Rapport d'information du Sénat n° 452 (2013-2014) de M. Serge Larcher, fait au nom de la Délégation sénatoriale aux outre-mer, déposé le 11 avril 2014.