N° 583

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 mai 2013

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (1) sur les dispositions du projet de loi n° 582 (2012-2013) portant diverses dispositions d' adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l' Union européenne et des engagements internationaux de la France , dont la délégation a été saisie par la commission des lois,

Par Mme Maryvonne BLONDIN,

Sénatrice.

(1) Cette délégation est composée de : Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente , M. Roland Courteau, Mmes Christiane Demontès, Joëlle Garriaud-Maylam, M. Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Chantal Jouanno, Françoise Laborde, Gisèle Printz, vice-présidents ; Mmes Caroline Cayeux, Danielle Michel, secrétaires ; Mmes Maryvonne Blondin, Nicole Bonnefoy, M. Christian Bourquin, Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Bruguière, Françoise Cartron, Laurence Cohen, MM. Gérard Cornu, Daniel Dubois, Mmes Marie-Annick Duchêne Jacqueline Farreyrol, M. Alain Fouché, Mmes Catherine Genisson, Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Jean-François Husson, Mmes Christiane Kammermann, Claudine Lepage, Valérie Létard, Michelle Meunier, M. Jean-Vincent Placé, Mmes Sophie Primas, Laurence Rossignol, Esther Sittler et Catherine Troendle.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La délégation aux droits des femmes a été saisie le 10 avril par notre Commission des lois du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France. Deux chapitres l'intéressent plus particulièrement :

Le chapitre premier (articles 1 et 2) qui transpose la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil. L'article premier définit l'infraction de traite des êtres humains, l'article 2 concerne la protection des mineurs victimes.

Le chapitre XI (articles 16 et 17) qui adapte la législation française à la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique signée à Istanbul, le 11 mai 2011. L'article 16 adapte le code pénal à la convention, l'article 17 adapte le code de procédure pénale. A noter que la France n'a pas encore soumis cette convention à l'approbation du Parlement. Le Gouvernement a néanmoins jugé rationnel d'en adapter les dispositions pénales en droit interne à l'occasion de ce projet de loi qui transpose ou adapte les dispositions de 11 textes internationaux concernant la justice.

Votre rapporteure a entendu la direction générale de la police nationale, la direction générale de la gendarmerie nationale, et deux associations spécialisées : l'association « Voix de femmes », et le dispositif national Accueil-Sécurisé (AC-SE), qui ont l'expérience de l'aide aux victimes. La direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice a par ailleurs été interrogée par écrit. Tous se montrent disponibles et motivés, malgré les difficultés de ces sujets.

La traite des êtres humains et les violences faites aux femmes sont deux sujets connexes et bien souvent imbriqués, des fléaux mondiaux aux ramifications internationales, qui nécessitent à la fois une intense coopération policière et judiciaire et une réponse pénale adaptée en droit interne, que le projet de loi s'efforce d'apporter. Votre délégation s'est penchée à de nombreuses reprises sur ces thèmes : la prostitution (rapport d'activité 2000), la lutte contre les violences au sein des couples (rapport d'information de 2005), la lutte contre les discriminations (rapport d'information de 2008), les mariages forcés et crimes dits « d'honneur » (colloque du 8 mars 2010), enfin le harcèlement sexuel en 2012. Une des conditions de la parade à ces abominations est le braquage des projecteurs, faire accéder les medias, l'opinion publique, les pouvoirs publics à la connaissance de ces phénomènes pour pouvoir les combattre. L'impunité se nourrit ici du huis clos, à l'abri des regards. En France, la sensibilité de l'opinion publique à ces phénomènes s'est accrue par la médiatisation de faits divers récents et des procédures judiciaires ensuivies, sur le territoire national mais aussi à l'étranger.

Les modifications de notre droit interne induites par ces textes internationaux sont d'ampleur assez modeste, notre arsenal pénal étant pour l'essentiel déjà conforme à nos engagements vis-à-vis de nos partenaires. Elles comportent néanmoins des avancées à souligner, qui témoignent de la volonté de lutter toujours plus fermement et efficacement contre ces ignominies, mais aussi, hélas, de l'évolution rapide de ces criminalités auxquelles les États doivent adapter leur législation et leurs moyens pour pouvoir les combattre.

Ces modifications ont essentiellement pour but de mettre notre droit en conformité avec nos engagements européens, mais elles doivent avoir aussi pour effet, en assouplissant et en élargissant la définition des faits en cause, de faciliter leur établissement par les services judiciaires, et par voie de conséquence d'améliorer leur prévention et leur répression. Elles faciliteront aussi la coopération internationale, très importante sur ces sujets, de nombreux États se dotant du même ordonnancement juridique en ces matières.

I. LA PRÉVENTION ET LA LUTTE CONTRE LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS

A. ÉCLAIRAGE INTERNATIONAL

La traite des êtres humains est un phénomène international, ce qui rend complexe sa prévention et sa répression dans les limites d'un territoire national. Les statistiques générales sur le sujet, par nature très difficiles à établir, sont fournies par l'Organisation internationale du travail (OIT).

Il y aurait 21 millions de personnes exploitées dans le monde, à 68 % pour du travail forcé, 22 % pour l'exploitation sexuelle (les proportions constatées en France sont inverses, voir infra ). La région la plus concernée est la zone Asie-pacifique (la moitié des victimes). L'Union européenne compterait 1,5 million de victimes de traite (au regard de ce chiffre le nombre de victimes identifiées en France paraît bien faible : quelques dizaines chaque année, voir infra ).

Cette activité génèrerait un chiffre d'affaires de 3 milliards d'euros en Europe, ce qui rend essentielle la lutte contre les aspects financiers de ces opérations, dont les profits ne restent pas dans le pays où l'exploitation a lieu.

La nature internationale de ces crimes se lit aussi sur la provenance des victimes, qui sont dans 44% des cas des personnes migrantes.

C'est enfin un phénomène qui touche surtout les femmes et les filles (à 55 %).

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