2. Renforcer les pouvoirs effectifs du maire en matière de prévention et de lutte contre les drogues
De
manière récurrente, les maires se plaignent d'apprendre dans la
presse certains événements intervenus dans leur commune. Ils
souhaitent que leur information ne dépende pas de la qualité de
leurs relations personnelles avec les responsables des services de
sécurité.
Ainsi que l'a reconnu lors de son audition M. Pierre Mutz, directeur
général de la gendarmerie, les problèmes de drogue sont
évoqués de façon rarissime avec les élus locaux.
Les agents et officiers de police judiciaire s'abritent bien souvent
derrière le secret de l'instruction, particulièrement dans les
petites communes rurales, où chacun se connaît.
a) Des CLS aux CLSPD
La loi
n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la
sécurité quotidienne a donné une consécration
législative aux contrats locaux de sécurité (CLS)
prévus par les circulaires interministérielles des
28 octobre 1997 et 7 juin 1999. Cosignés par le
préfet, le procureur de la République et le ou les maires
concernés, ces contrats associent différents partenaires
privés, tels les bailleurs sociaux ou les sociétés de
transport (article L. 2215-2 du code général des
collectivités territoriales). Les rapports de l'inspection
générale de la police nationale ont montré que ces CLS
avaient souvent été conclus sur la base de diagnostics locaux de
sécurité insuffisants et fait l'objet d'une faible implication
des administrations de l'État et d'un suivi insuffisant.
L'annexe de la loi d'orientation et de programmation pour la
sécurité intérieure du 29 août 2002 a donc
précisé que «
l'ancrage des forces de
sécurité dans la démocratie locale
» serait
assuré grâce à la mise en place de conseils locaux de
sécurité et de prévention de la délinquance
amenés en outre à conduire, en matière de
prévention, une action de proximité en coordination avec le
conseil départemental de prévention. Ces deux conseils ont
été créés par le décret
n° 2002-999 du 17 juillet 2002.
Le conseil local de sécurité et de prévention de la
délinquance (CLSPD) est placé sous la présidence d'un
maire et comprend, outre le préfet et le procureur de la
République, des élus locaux, des représentants des
administrations de l'État et des représentants des associations,
organismes et professions concernés par les questions de
sécurité. Il se réunit au moins deux fois par an à
l'initiative de son président et, de droit, à l'initiative du
préfet ou de la majorité de ses membres. C'est un lieu
d'information et d'organisation de la coopération entre les
différents intervenants dans le domaine de la sécurité et
de la prévention.
En matière de lutte contre l'insécurité, il favorise
l'échange d'informations avec les services de l'État
auprès desquels il retranscrit les attentes des populations. Il est en
retour
informé régulièrement des statistiques et de
l'évolution de la délinquance dans le ressort territorial
. Au
titre de la prévention, il dresse le constat des actions de
prévention et définit les objectifs et les actions
coordonnées dont il suit l'exécution.
Il constitue ainsi l'enceinte normale d'élaboration, de mise en oeuvre
et d'évaluation des contrats locaux de sécurité et son
action est conduite en coordination avec celle du conseil départemental
de prévention.
b) Une nécessaire information des maires
En
outre, le
décret du 17 juillet 2002
précise que,
indépendamment de l'existence d'un conseil local de
sécurité et de prévention de la délinquance,
les
maires sont informés sans délai des actes graves de
délinquance commis dans leur commune
et qu'ils sont informés
au moins une fois par an de l'ensemble des moyens mis en oeuvre par l'Etat dans
la commune. La loi sur la sécurité intérieure du 18 mars
2003 a pris en compte la modification réglementaire des CLS en CLSPD.
Le projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la
criminalité dit « Perben II » prévoit en
outre certaines mesures :
- le maire serait tenu de signaler sans délai au procureur de la
République les crimes ou les délits dont il acquiert la
connaissance dans l'exercice de ses fonctions. Le maire serait alors
avisé des suites données ;
- le procureur de la République pourrait également
communiquer au maire les éléments d'information sur les
procédures relatives à des infractions commises sur le territoire
de la commune qu'il rend publics conformément aux dispositions du
troisième alinéa de l'article 11
117(
*
)
;
- le procureur de la République devrait aviser les maires des
poursuites ou des mesures alternatives aux poursuites décidées
à l'occasion de leur signalement. Lorsque l'auteur des faits est
identifié mais que le procureur de la République
déciderait de classer sans suite la procédure, il les aviserait
également de sa décision, qui devrait être motivée.
Ces mesures répondraient à un certain nombre de remarques et de
propositions émises par la commission des Lois du Sénat lors de
la discussion de la loi sur la sécurité quotidienne. Le
Sénat avait insisté sur la nécessité pour les
maires d'obtenir un véritable droit à l'information en
matière de sécurité et de participer aux politiques de
sécurité.
c) Le maire, véritable acteur de la lutte contre la délinquance
M.
Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité
intérieure et des libertés locales, a indiqué que les
questions relatives à la prévention de l'usage des drogues et de
la toxicomanie seraient couvertes par le futur projet de loi sur la
prévention de la délinquance et que la commune devait avoir un
rôle beaucoup plus important, ce en raison de la connaissance fine du
terrain qu'ont les maires et les élus.
Si toutes ces mesures ont permis ou permettront une amélioration notable
de l'information des maires, nombre d'entre eux considèrent toujours
qu'ils ne disposent pas en la matière d'un pouvoir d'animation
suffisant. Ainsi que l'a rappelé lors de son audition M. Pierre Cardo,
député-maire de Chanteloup-les-Vignes, aux yeux des
électeurs, le maire est responsable de la sécurité dans la
commune.
La commission d'enquête préconise donc de reprendre certaines des
propositions émises par la commission des Lois du Sénat lors de
la discussion du projet de loi relatif à la sécurité
quotidienne :
-
permettre au maire
d'exercer l'action
publique pour les infractions intervenues sur la voie publique dans sa
commune
;
-
encadrer de manière législative la possibilité
de prendre un arrêté réglementant la circulation, entre
minuit et six heures du matin, des mineurs de moins de treize ans non
accompagnés
d'une personne responsable d'eux, afin de réduire
l'implication d'enfants de plus en plus jeunes dans l'organisation et la
protection du « commerce des stupéfiants ». Cet
encadrement législatif permettrait de fixer la jurisprudence
du
Conseil d'Etat et d'assurer l'exécution de ces arrêtés dans
de bonnes conditions. En 1997, le Conseil d'Etat, sans se prononcer sur la
validité de l'interdiction de circuler en elle-même, avait en
effet annulé plusieurs arrêtés en ce qu'ils
prévoyaient une exécution forcée en prescrivant le
raccompagnement des mineurs. Le Conseil d'État avait
considéré qu'à défaut d'habilitation par le
législateur, l'exécution par l'administration d'une
décision de police sanctionnée pénalement ne pouvait que
résulter de l'urgence
.
Les arrêtés
validés par le Conseil d'Etat se réfèrent ainsi
à la situation d'urgence pour justifier la reconduite des mineurs. Ils
s'en trouvent fortement fragilisés, l'urgence ne pouvant
systématiquement être démontrée en la
matière. La mesure de reconduite apparaît cependant plus efficace
que toute amende pour assurer le succès de l'interdiction de
circuler ;
-
reconnaître au maire le pouvoir de faire appel aux forces de
police étatisées dans le cadre de l'exercice de son pouvoir de
police dans les communes où la police est étatisée
(le
maire ne disposant à l'heure actuelle que
des gardes-champêtres et des polices municipales
régies par la loi du 15 avril 1999, qui ont des pouvoirs
limités).
M. Dominique Perben, ministre de la justice, a en outre indiqué qu'il
avait demandé à M. Daniel Hoeffel, président de
l'Association des maires de France et vice-président du Sénat, de
désigner un certain nombre de maires afin de participer à un
groupe de travail avec des magistrats, en particulier du parquet,
«
non pas pour fixer le principe d'une information procureur-
maire qui va de soi, mais pour essayer de préciser quelle pourrait en
être la règle du jeu. Il ne faut pas non plus que le maire se
trouve dans une situation dans laquelle il partagerait des informations qu'il
n'a pas forcément à partager, y compris dans son
intérêt.
» Avant l'été, un petit guide
méthodologique pourrait paraître. Il serait souhaitable que toutes
ces propositions y soient discutées.
En outre, la commission d'enquête préconise, au-delà des
textes, de
donner des moyens effectifs aux maires
.
M. Pierre Cardo député-maire de Chanteloup-les-Vignes, a lors de
son audition rappelé que les maires étaient souvent
interpellés par les citoyens et appelés à
«
jouer les assistantes sociales
», et que dans
l'esprit des administrés, le maire présidait réellement le
conseil local de sécurité et de prévention de la
délinquance, même si ce n'était pas l'analyse des
partenaires institutionnels, pour lesquels, selon lui, le maire était
une «
potiche
». Il a souligné que les
diverses réformes législatives intervenues n'avaient pas
donné plus de moyens effectifs au maire pour mettre en cohérence
les interventions des différentes institutions, qu'elles soient
étatiques ou qu'elles dépendent des collectivités
territoriales, pour définir la politique sociale du conseil
général, de la police, des enseignants, des travailleurs sociaux
ou de la caisse d'allocations familiales.
Il a donc préconisé d'ériger le maire en coordinateur d'un
réseau, et pour ce faire, d'établir une sorte de code des
procédures validé par tous afin de définir clairement la
manière dont intervient chaque institution sur le territoire. Le maire
chef d'orchestre serait chargé de vérifier le respect des
procédures ou d'intervenir pour rectifier, sans autorité
hiérarchique, mais par une simple responsabilité fonctionnelle.
Ceci permettrait de mettre en place un pôle d'orientation. Ce pôle
d'accueil devrait faire circuler l'information entre les différents
acteurs concernés par un problème ou une personne à
problèmes, afin d'éviter la multiplication de décisions
ponctuelles, en établissant au contraire des itinéraires, tant
pour les enfants que pour les parents, afin de mener une réelle
politique de prévention.
M. Pierre Cardo, député-maire de Chanteloup-les-Vignes, a
illustré l'intérêt d'un tel pôle en indiquant qu'un
juge des enfants, «
qui doit actuellement attendre neuf mois pour
avoir la réponse à sa demande d'enquête au service social
et à l'aide sociale à l'enfance du fait du manque de
disponibilité des services
», pourrait recevoir une
réponse rapide et apporter une réponse judiciaire
réellement adaptée.
Il a indiqué qu'un pôle d'accueil jeunes validé par le
président du conseil général des Yvelines et par les
différents gardes des Sceaux existait depuis des années, mais que
rien n'avait suivi.
La commission d'enquête recommande donc aux partenaires institutionnels
de prêter une attention renforcée à ce type de dispositifs,
qu'elle estime essentiels.
En outre, l'information du maire s'agissant de la lutte contre les
réseaux est primordiale, afin de mieux anticiper les réactions
dans les quartiers avec les médiateurs, en cas d'intervention des GIR
notamment.
Par ailleurs, il faudrait relier les discussions qui ont lieu dans les
commissions locales d'insertion et dans les CLSPD pour repérer les
trains de vie ne correspondant pas aux revenus déclarés.
M. Pierre Cardo, député-maire de Chanteloup-les-Vignes, a enfin
estimé que les CLSPD devraient aussi être amenés à
définir les familles sur lesquelles seraient engagées des actions
pour étudier les cas concrets, parler de statistiques étant
suffisant.