G. DÉVELOPPER L'INDISPENSABLE PARTENARIAT
1. Renforcer la coordination nationale
L'utilité d'une réelle coordination entre
services
répressifs nationaux a déjà été
soulignée dans le présent rapport ainsi que par la
majorité des personnes auditionnées par la commission
d'enquête.
A cet égard, la commission estime que la création en mai 2002 des
groupes d'intervention régionaux (GIR), à l'initiative de M.
Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité
intérieure et des libertés locales, constitue une réelle
innovation, aujourd'hui couronnée de succès et qui devrait
être renforcée.
Dans son rapport d'évaluation du plan triennal de lutte contre la drogue
et de prévention des dépendances (1999-2002), l'Observatoire
français des drogues et des toxicomanies souligne que, d'un point de vue
stratégique,
les modalités organisationnelles adoptées
par les administrations en charge de la lutte contre les trafics pour mieux
coordonner leurs actions ne doivent pas être confinées à la
coordination horizontale de structures existantes et réduites à
la facilitation des conditions d'actions de ces dernières
. La
commission partage cette analyse et reconnaît la nécessité
d'une meilleure intégration verticale des services, à travers la
mise en place de structures destinées à piloter de manière
plus centralisée l'action répressive. De ce point de vue, la
création des GIR constitue une véritable innovation dont les
premiers résultats confirment l'efficacité.
Dans le but de renforcer la coordination institutionnelle, la commission
d'enquête proposera certains aménagements concernant les deux
principales structures de coordination existant en France : les groupes
d'intervention régionaux (GIR) et les bureaux de liaison de permanent
(BLP). Ces aménagements ont pour priorité essentielle de
permettre une réelle mutualisation du renseignement au niveau
national, une fluidité de la circulation de l'information ainsi qu'une
plus grande efficacité des services d'enquête
.
a) L'amélioration du fonctionnement des GIR
D'un
point de vue administratif
, M. Nicolas Sarkozy a fait part à la
commission d'enquête d'une
difficulté liée à la
spécificité de l'administration des douanes
. Il a
indiqué : «
Nous avons eu un petit problème
(...) administratif. Pour que les meilleurs soient volontaires pour
intégrer les GIR, il faut que ceux, douaniers, policiers ou gendarmes,
qui les intègrent ne soient pas sortis de leur administration et soient
reconnus dans une possibilité d'avancement. Je m'en suis ouvert avec M.
Mongin, directeur général des douanes, pour mettre ce petit point
en place. Cela va se faire
».
La commission souhaite ainsi que soit réglée la question de
l'attractivité des postes au sein des GIR pour des fonctionnaires qui
doivent faire leur carrière dans leur administration d'origine, afin
d'encourager les meilleurs fonctionnaires à la mobilité, sans
qu'ils soient oubliés en termes d'avancement par leur administration
d'origine. Dans le cadre des GIR, le problème se pose essentiellement
pour les fonctionnaires de l'administration des douanes et des services fiscaux.
D'un point de vue juridique
, M. François Mongin, directeur
général des douanes et des droits indirects, a soulevé,
lors de son audition par la commission d'enquête, une
difficulté tenant à la spécificité du code des
douanes
, également soulignée par M. Nicolas Sarkozy devant la
commission d'enquête. Il a indiqué que «
les agents
qui participent aux (...) GIR agissent sur la base du corpus juridique de
doctrine qui leur est propre. Les agents des douanes agissent à ce titre
sur la base du code des douanes qui est leur seule base de
légitimité juridique
». Or les GIR travaillent
essentiellement sur la base du code pénal et du code de procédure
pénale définissant les pouvoirs d'intervention et d'investigation
des officiers de police judiciaire. M. François Mongin a
souligné que «
toute la difficulté pour les agents
des douanes est donc d'arriver à trouver leur place dans un dispositif
qui est dominé par la mise en oeuvre du code de procédure
pénale et par la difficulté que peuvent avoir ces agents à
se situer dans ce cadre alors qu'ils ne sont pas officiers de police
judiciaire
».
La commission estime que cette difficulté de nature juridique pourrait
être réglée, d'une part,
en mettant davantage en oeuvre
au sein des GIR des procédures ressortissant du domaine de la police
administrative
, ce qui permettrait alors aux agents des douanes
intégrés dans les GIR d'agir sur la base du code des douanes et
aux agents de la direction générale des impôts d'agir sur
la base du code général des impôts, d'autre part,
en
élargissant les compétences des agents des douanes
habilités à faire des enquêtes judiciaires prévues
par l'article 28-1 du code de procédure pénale
.
En effet, d'après les dispositions de cet article, des agents des
douanes peuvent être habilités à effectuer des
enquêtes judiciaires sur réquisition du procureur de la
République ou sur commission rogatoire du juge d'instruction. Toutefois,
ils n'ont pas compétence, à ce titre, en matière de trafic
de stupéfiants, sous réserve de la décision du procureur
de la République ou du juge d'instruction territorialement
compétent de constituer des unités temporaires composées
d'officiers de police judiciaire et d'agents des douanes habilités
à effectuer des enquêtes judiciaires.
La commission d'enquête estime nécessaire d'élargir les
compétences des agents des douanes habilités à effectuer
des enquêtes judiciaires aux affaires concernant le trafic de
stupéfiants. A cet égard, le projet de loi portant adaptation de
la justice aux évolutions de la criminalité,
présenté en conseil des ministres le 9 avril 2003 par M.
Dominique Perben, garde des Sceaux, devrait permettre d'aller dans ce sens.
D'un point de vue opérationnel
, la commission d'enquête
insiste sur la priorité à donner à une
réorganisation de la circulation du renseignement ainsi qu'à la
mutualisation des moyens d'action des services répressifs. Lors de ses
déplacements à Saint-Martin et Valenciennes notamment, la
commission a été informée à plusieurs reprises de
la nécessité de positionner le recueil, l'analyse et le partage
du renseignement au centre du dispositif répressif de lutte contre le
trafic de stupéfiants.
Ainsi, l'analyse du renseignement doit précéder toute action
à vocation opérationnelle et le partage du renseignement doit
permettre à l'ensemble des acteurs parties prenantes de disposer
rapidement de l'intégralité des informations. En outre, la
nécessité d'agir en coopération avec les autres
administrations avec de très faibles préavis pour intercepter les
narco-trafiquants en flagrant délit a été soulignée
avec force par les différents services répressifs présents
sur l'île de Saint-Martin.
Une des propositions ayant particulièrement attiré l'attention de
la commission d'enquête est celle de la
création d'un
« GIR STUP » permanent
intégrant les pôles
d'excellence de chaque administration concernée. Actuellement, les GIR
ont en effet pour vocation de lutter contre l'économie souterraine et
les différentes formes de délinquance organisée. Les
infractions traitées par les GIR peuvent ainsi être
regroupées en trois agrégats : le trafic de
stupéfiants et le « proxénétisme de la
drogue », les atteintes aux biens (cambriolages, vols et recels) et
les trafics de véhicules volés.
La commission proposera la
création de groupes d'intervention
régionaux uniquement dédiés à la lutte contre le
trafic de stupéfiants
. La mise en place de telles unités
spéciales permettrait en outre de quantifier sur l'année les
opérations concertées de contrôle en matière de
trafic de stupéfiants ainsi que les opérations diligentées
pour mettre en oeuvre les dispositions de l'article 222-39-1 du code
pénal visant le proxénétisme de la drogue.
Enfin, la commission juge également nécessaire de
renforcer
les moyens humains et budgétaires des GIR
, afin de leur garantir une
réelle
autonomie de fonctionnement
. En effet, à l'heure
actuelle, les GIR ne disposent pas de moyens propres et ne fonctionnent que par
le biais des moyens des services participant à leurs activités.
b) L'amélioration du fonctionnement des bureaux de liaison permanents
Lors de
ses déplacements à Saint-Martin et à Valenciennes, deux
régions d'implantation des bureaux de liaison permanents, la commission
d'enquête a pu mesurer la relative inefficacité de ces instruments
de coordination nationale.
Ne disposant d'aucune marge de manoeuvre opérationnelle, les BLP ont
pour objectif principal de réguler l'activité des services
répressifs en matière de lutte contre le trafic de
stupéfiants en permettant notamment d'éviter les doublons
d'enquête et en centralisant les informations qui leur sont fournies par
les différents services.
La commission d'enquête proposera un
renforcement
et une
redéfinition des compétences des BLP
dans le sens d'une
plus grande complémentarité avec l'action des GIR et une
mutualisation / redistribution du renseignement. Elle proposera
également une généralisation de l'implantation de BLP
à toutes les frontières du territoire national.
En conséquence, elle souhaiterait un développement de
binômes GIR / BLP
, caractérisés par le
partage des compétences suivant : des compétences
opérationnelles dévolues aux GIR, des compétences en
matière de renseignement et de traitement de l'information
dévolues aux BLP.
c) Un recours plus systématique à certains outils juridiques aujourd'hui très peu utilisés
Réaffirmer la nécessité d'une plus grande
intégration verticale des services en charge de la lutte contre les
trafics de stupéfiants et d'un pilotage centralisé de l'action
répressive devrait permettre un recours plus systématique aux
outils juridiques spécifiques en matière de lutte contre le
trafic, mais encore insuffisamment exploités, tels
le délit de
non justification de ressources
ou celui de blanchiment de fonds provenant
de tout crime ou de tout délit.
Ces structures centralisées devraient permettre notamment une formation
directe des services répressifs aux nouveaux instruments
législatifs ainsi qu'une meilleure maîtrise de l'utilisation de
l'article 222-39-1 du code pénal.
S'agissant de la
répression du blanchiment
, qui couvre
désormais des activités criminelles dépassant largement le
strict champ du trafic de drogue et qui concerne l'ensemble des
intermédiaires du monde de la banque, de la finance et du conseil,
l'action ne peut plus reposer essentiellement sur les seules performances de
TRACFIN, des moyens et des instructions devant être accordés
à l'enquête à l'initiative des parquets.
Enfin, on peut imaginer que, dans le cadre de leur action en matière de
lutte contre les stupéfiants, les GIR s'adjoignent les services d'un
représentant de TRACFIN spécialisé dans la
répression du blanchiment.