B. UNE POSITION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE QUI S'INSPIRE DE CONSIDÉRATIONS DOGMATIQUES
Au cours
de ses travaux, le Sénat avait, suivant les recommandations de sa
Commission des affaires économiques, recherché une position de
compromis, susceptible de constituer la base d'une négociation lors de
la réunion de la Commission mixte paritaire.
La meilleure preuve de cette attitude constructive est que sur
440 amendements déposés au Sénat, dont 256 ont
été adoptés, 178 ont reçu un avis favorable du
Gouvernement -pourtant peu suspect de partager les orientations de la
majorité de votre Haute Assemblée !-
Or, lors de la Commission mixte paritaire, les députés de la
majorité gouvernementale ont explicitement refusé tout dialogue,
le rapporteur de la Commission de la production et des échanges estimant
pour sa part que
" seule une nouvelle lecture se rapprochant le plus
possible du texte déjà adopté par l'Assemblée
nationale, représentative des forces politiques du pays, peut garantir
à la loi une réelle longévité. "
Ces propos dénotent une interprétation pour le moins contestable
des dispositions de l'article 45 de la Constitution relatives à la
compétence législative du Sénat. Mais pour autant, le
parti pris caractérisant cette attitude n'occasionne pas de surprise,
puisqu'avant même le commencement de la Commission mixte paritaire, le
Gouvernement avait fait savoir que celle-ci échouerait.
Votre Commission des affaires économiques regrette cette attitude
contraire à la conception qu'elle a du rôle du Parlement, comme
à la lettre de la Constitution, puisque la Commission mixte paritaire
est, précisément, chargée, en vertu de l'article 45
alinéa 2, de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion, ce qui sous-entend, au moins, une tentative d'examen desdites
dispositions. Si ses membres ne sont pas obligés de trouver un
compromis, encore faudrait-il qu'ils essaient d'y parvenir, comme le souhaitait
d'ailleurs la majorité des représentants du Sénat et
plusieurs députés.
Votre Commission des affaires économiques observe d'ailleurs que,
contrairement aux affirmations de certains membres de la Commission mixte
paritaire, il était parfaitement possible de parvenir à un accord
sur le texte du projet de loi. La meilleure preuve en est qu'en nouvelle
lecture, l'Assemblée nationale a adopté sans modification un
certain nombre d'articles dans la rédaction élaborée par
le Sénat. Parmi ceux-ci, certains ont une importance déterminante
pour l'équilibre du secteur électrique français, à
l'instar des dispositions relatives :
- à l'approbation par le régulateur des investissements de
réseau (article 14) ;
- à la composition et au statut de la Commission de
Régulation (article 28) ;
- à la révision des contrats de vente par EDF (article 47).
L'Assemblée nationale a, en outre, conservé, en les modifiant,
des dispositions nouvelles introduites par votre Haute Assemblée telles
que :
- l'interdiction d'exercer certaines activités imposée aux
agents du gestionnaire du réseau de transport (article 13 bis) ;
- l'institution d'un pouvoir de perquisition au profit des
enquêteurs chargés de contrôler le bon fonctionnement du
marché (article 33 bis).
Elle a enfin conservé, pour l'essentiel, des dispositions capitales du
projet de loi substantiellement modifiées par le Sénat telles
que :
- le rôle des collectivités locales en matière de
distribution d'électricité (article 17) ;
- le pouvoir de sanction du ministre (article 39) ;
- la recherche d'infractions pénales (article 41).
- la révision de contrats d'achat d'électricité par
EDF (article 48) ;
Cette liste, non exhaustive, prouve, à l'évidence, que les
députés de la majorité gouvernementale -qui étaient
d'accord sur de nombreux apports du Sénat- ont choisi de faire passer
des préoccupations politiciennes avant l'intérêt national.
Votre Commission des affaires économiques tient, en outre, à
regretter vivement le ton du rapport déposé en nouvelle lecture
à l'Assemblée nationale, qui excède parfois ce qu'elle
estime être les limites de la courtoisie et du respect que chacune des
deux chambres du Parlement est tenue de porter à l'autre. Etait-il, par
exemple, nécessaire de qualifier, dans un commentaire, à
l'article 13, la rédaction du Sénat de "
forme de
contorsionnisme législatif
"
1(
*
)
?
Les exemples de tels excès de langage ne manquent d'ailleurs pas, dans
le commentaire des articles 18, 23, 25 ou 40, par exemple. Votre
Commission des affaires économiques estime que le débat
démocratique qui fonde nos institutions -s'il est par essence
contradictoire- mérite mieux qu'un discours où l'invective tient
lieu de seule argumentation. Elle aurait préféré que l'on
demeurât dans les limites du débat d'idées, à son
sens seul digne d'un régime républicain.