EXAMEN DES ARTICLES
TITRE
I
er
LE SERVICE PUBLIC DE L'ELECTRICITE
Article 1
er
-
Définition du service public
de l'électricité
1.
Dispositions du projet de loi initial
Conformément à l'exposé des motifs du projet de loi qui se
propose de
" moderniser et de conforter "
le service public de
l'électricité, l'article 1
er
donne une
définition de ce service public qui faisait défaut en droit
français. En effet, l'article 1
er
de la loi
n° 46-628 sur la nationalisation de l'électricité et du
gaz du 8 avril 1946 ne précisait pas le contenu des prestations
correspondant au service public, mais désignait un opérateur
chargé du service public et disposait que :
" la
production, le transport, la distribution, l'importation et l'exportation de
l'électricité "
étaient nationalisés.
Aux termes du premier alinéa de l'article 1, l'objet du service
public de l'électricité est de "
garantir
l'approvisionnement
" en électricité sur
"
l'ensemble du territoire national
". La notion
d'approvisionnement
vise la fourniture d'électricité,
aussi bien par la production intérieure que, le cas
échéant, par le recours aux importations. Quant à
l'étendue du
" territoire national "
auquel la loi est
applicable, elle recouvre :
- le territoire de la France métropolitaine ;
- les départements d'outre-mer ;
- Saint-Pierre et Miquelon.
En effet, à défaut de mention expresse dans le texte de la
présente loi, celle-ci ne s'applique ni aux territoires d'outre-mer
(Nouvelle-Calédonie, Polynésie française,
Wallis-et-Futuna, terres australes et antarctiques françaises) ni
à la collectivité territoriale de Mayotte
8(
*
)
.
S'inscrivant dans le cadre de la politique de l'énergie, le service
public de l'électricité contribue à la réalisation
des trois objectifs principaux de cette politique (art. 1
er
al.3) :
- l'indépendance et la sécurité
d'approvisionnement ;
- la gestion optimale des ressources nationales ;
- la maîtrise de la demande d'énergie.
En outre, le service public de l'électricité concourt à
d'autres objectifs d'intérêt national :
- la cohésion sociale ;
- le développement équilibré du territoire, dans le
respect de l'environnement ;
- la recherche et le progrès technologique ;
- la défense et la sécurité publique.
Cette rédaction est légèrement différente de celle
de l'article 3-2 de la directive n° 96/92, aux termes duquel les
" obligations de service public "
auxquelles peuvent
être soumises les entreprises du secteur de l'électricité
sont susceptibles de porter sur :
- la sécurité, y compris la sécurité
d'approvisionnement ;
- la régularité ;
- la qualité et les prix de la fourniture ;
- la protection de l'environnement.
Le dernier alinéa de l'article 1
er
du projet de loi
initial ajoute cependant que le service public s'effectue dans le respect des
principes traditionnels définis par la doctrine et par la jurisprudence
administrative : égalité, continuité,
adaptabilité.
Cet alinéa précise, en outre, que le service public est
géré dans
" les meilleures conditions "
de
sécurité, de qualité, de prix et d'efficacité
économique. Quel que soit le caractère elliptique de cette
expression, on retiendra qu'elle rapproche le texte de la rédaction de
l'article 3-2 de la directive.
2.
Modifications adoptées par l'assemblée
nationale
Outre un amendement de précision et un amendement rédactionnel,
l'Assemblée nationale a adopté quatre amendements à
l'article 1
er
. Ils concernent d'une part, la maîtrise de
l'énergie et la prise en compte de l'environnement, d'autre part, la
contribution du service public de l'électricité à la lutte
contre l'exclusion et enfin les autorités chargées de
l'organisation du service public.
Le service public est ainsi appelé à contribuer :
- à la
qualité de l'air
et à la
lutte
contre l'effet de serre
;
- à la
maîtrise de la demande d'énergie
,
à la
compétitivité de l'activité
économique
et à la
maîtrise des choix technologiques
d'avenir
;
- à la
lutte contre les exclusions
.
Sur ce dernier sujet, l'Assemblée nationale a également
adopté un amendement, selon lequel le service public de
l'électricité
" matérialise le
droit de tous
à l'électricité
, produit de première
nécessité ".
Enfin, au cours de ses travaux, l'Assemblée nationale a adopté
-contre l'avis du Gouvernement et de la Commission de la production et des
échanges- un cinquième alinéa qui dispose que l'Etat, les
communes ou leurs établissements organisent, chacun pour ce qui les
concerne, le service public de l'électricité.
3.
Observations de votre commission
Ce premier article traduit la philosophie qui inspire les auteurs du projet de
loi et les réserves qu'ils émettent implicitement
vis-à-vis de la directive n° 96-92 sur les règles
communes du marché intérieur de l'électricité.
Pour contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur
européen de l'énergie, ce dernier texte vise, en effet, à
favoriser l'émergence d'un
" marché de
l'électricité concurrentiel et compétitif "
(considérant n° 9 et article 3-1). Il prend acte du fait
que
" pour certains Etats membres, l'imposition d'obligations de
service public peut être nécessaire pour assurer la
sécurité d'approvisionnement, la protection du consommateur et la
protection de l'environnement "
(considérant n° 13).
Il prévoit que, sous réserve des dispositions des traités
communautaires relatives à la concurrence (article 90), les Etats
membres peuvent imposer aux entreprises du secteur de
l'électricité des obligations de service public, qui doivent
être
" clairement définies, transparentes et non
discriminatoires "
(article 3-2).
Il est, par conséquent, quelque peu paradoxal de faire figurer au
fronton d'un texte qui a pour objet de libéraliser progressivement le
marché de l'électricité, la
définition
très générale
d'un service public dont chacun
s'accorde à reconnaître l'importance, mais qui n'a plus vocation
à s'exercer sous forme de monopole et
doit donc être plus
clairement et plus précisément défini que par le
passé.
Votre Commission des Affaires économiques s'interroge sur l'incidence
concrète du contenu du premier article de ce projet de loi. Elle
considère que le souci d'assurer un service public de
l'électricité à tous les usagers, dans un esprit
d'égalité, est louable. Pour autant,
la proclamation d'un
" droit de tous " à l'électricité relève
davantage de l'effet d'annonce que de l'exercice du pouvoir normatif
. La
mise en oeuvre de ce droit nécessite des mesures d'application sur
lesquelles le présent rapport reviendra (cf. article 4 ci-après).
Faute de moyens, le " droit à l'électricité "
pourrait bien ne pas trouver davantage d'application que le " droit
d'obtenir un emploi " édicté par le
cinquième
alinéa du préambule de la
Constitution du 27 octobre 1946.
Compte tenu de l'absence de portée normative de l'article premier,
de caractère purement déclaratoire, votre commission a
jugé inutile d'y apporter des modifications de fond. Elle vous
présentera cependant
deux amendements de portée
rédactionnelle
aux
deuxième
et au
dernier
alinéas de cet article.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.
Article 2 -
Missions du service public de
l'électricité
A. LE
PROJET DE LOI INITIAL
Consacré aux trois missions dévolues au service public de
l'électricité, cet article est composé de trois
paragraphes qui concernent respectivement :
- la mission de développement équilibré de
l'approvisionnement
en électricité (I) ;
- la mission de développement et d'exploitation des
réseaux publics de transport et de distribution
(II) ;
- la mission de
fourniture d'électricité
(III).
1.
Développer l'approvisionnement de façon
équilibrée
Atteindre les objectifs en matière d'investissements de
production
L'approvisionnement en électricité repose, en premier lieu, sur
l'existence d'une capacité de production nationale. En 1998, la France a
produit 486 Twh et n'a importé que 4 Twh
d'électricité. Le projet de loi entend maintenir la
capacité nationale de production de courant, au moyen d'une
programmation pluriannuelle des investissements de production, dans les
conditions fixées par son article 6. Tel est le premier objectif
assigné au service public de l'électricité en
matière d'approvisionnement.
Garantir l'approvisionnement des zones non raccordées au
réseau métropolitain continental
Le deuxième objectif assigné au service public est
l'approvisionnement des zones du territoire non raccordées au
réseau métropolitain continental. Ce réseau couvre
l'ensemble du territoire métropolitain (y compris les îles du
Levant et de Port Cros, les îles de Porquerolles, Batz, Groix, Belle-Ile,
Houat et Hoëdic), à l'exception de :
- la Corse (qui n'est pas reliée à la France mais à
la Sardaigne) ;
- les îles d'Ouessant, Molène et Sein.
Dans le reste du territoire national, auquel la loi est applicable dans les
conditions précisées à l'article précédent,
mais qui n'est pas raccordé au réseau national, il importe de
garantir un approvisionnement " autochtone ". Tel est le second
objectif de la mission d'approvisionnement.
Financer les charges qui résultent de ces missions
L'ensemble des producteurs d'électricité sont appelés
à contribuer à la réalisation des deux objectifs
précités. Comme le coût de ces missions de service public
pourra excéder le montant des recettes auxquelles elles donneront lieu,
le texte prévoit qu'un mécanisme de compensation, visé
à l'article 5, viendra en aide aux producteurs qui subiront les
charges susceptibles de résulter de :
- la construction de capacités de production par appel d'offres
(article 8) ;
- l'achat de courant issu de certaines techniques de production que les
pouvoirs publics souhaitent encourager (article 10).
2.
Développer et exploiter les réseaux publics de transport
et de distribution
Depuis 1946, EDF jouit du monopole du
transport
de
l'électricité et bénéficie, aux termes de l'article
2 du cahier des charges de la concession
9(
*
)
, des installations de tension
supérieures ou égales à 63 kilovolts (Kv). Seuls quelques
ouvrages de tension supérieure à 63 Kv appartenant aux
distributeurs non nationalisés (DNN), dont le statut a été
rappelé dans l'exposé général, sont destinés
à alimenter leurs réseaux de distribution.
Le projet de loi confie la mission de gestionnaire du réseau de
transport à EDF. La gestion du réseau de
distribution
est,
quant à elle, partagée entre EDF et les distributeurs non
nationalisés.
Le deuxième paragraphe de l'article 2 prévoit que l'ensemble
des gestionnaires de réseaux de transport et de distribution concourent
au développement et à l'exploitation de ceux-ci en assurant :
- la desserte rationnelle du territoire national ;
- le raccordement et l'accès, dans des conditions non
discriminatoires, à ces réseaux publics.
La notion de "
desserte rationnelle
" du territoire trouve
également une application à l'article 11-II du projet de loi
qui prévoit que les communes et leurs établissements publics
pourront créer des installations de production
d'électricité afin d'éviter l'extension ou le renforcement
des réseaux publics relevant de leur compétence.
L'
absence de discrimination
pour le raccordement et l'accès aux
réseaux de transport et de distribution constitue, quant à elle,
une obligation de la directive n° 96-92, dont le considérant
n° 33 évoque la nécessité de prévoir des
options d'accès au réseau selon des critères :
" objectifs, transparents et non discriminatoires ".
Le dernier alinéa du paragraphe II prévoit enfin que les
charges résultant de cette mission feront l'objet d'un financement
" total ou partiel "
conformément aux dispositions de
l'article 5-I du projet de loi.
3.
Fournir de l'électricité
Le projet de loi tend à permettre une
ouverture progressive du
marché de l'électricité à la concurrence
.
Cependant, le service public doit fournir du courant sur l'ensemble du
territoire à des consommateurs explicitement désignés au
paragraphe III. Celui-ci dispose que la troisième mission du
service public de l'électricité concerne la fourniture
d'électricité :
- aux
clients non éligibles
(1°) ;
- aux
producteurs ou aux clients éligibles
qui en font la
demande afin de leur apporter un "
secours
" (2°) ;
- à tout
client éligible
lorsque ce dernier
ne
trouve aucun fournisseur
dans des conditions économiques ou
techniques raisonnables (3°).
Fourniture aux clients non éligibles (article 2-III-1°)
La fourniture d'électricité aux clients non
éligibles
10(
*
)
doit
" concourir à la
cohésion sociale
" grâce
à la "
péréquation géographique des
tarifs
" et au dispositif institué en faveur des
" personnes en situation de précarité ".
La
péréquation géographique des tarifs qui permet une
uniformité des tarifs de raccordement et de consommation quelles que
soient les différences de localisation -et donc de coûts
supportés- est l'un des acquis du système français de
desserte électrique. Elle garantit la cohésion du territoire
national. En effet, la répartition des sites de production sur le
territoire n'est nullement homogène, comme on l'a vu dans
l'exposé général du présent rapport.
La péréquation tarifaire joue aussi un
rôle social
pour les consommateurs non éligibles. Dans chaque tranche du
barème EDF, tous les Français bénéficient du
même prix du kilowatt/heure, quelle que soit leur consommation. En ce
sens,
la péréquation tarifaire constitue un facteur de
cohésion sociale.
Les
personnes en situation de précarité
bénéficient actuellement, quant à elles, d'un dispositif
spécifique destiné à éviter les coupures de courant
et à leur assurer une fourniture minimum d'énergie. Ce dispositif
a été créé par les articles 43-5 et 43-6 de la
loi n° 88-1088 du 1
er
décembre 1988
modifiée relative au revenu minimum d'insertion (RMI). Il s'inscrit dans
un dispositif plus général qui tend également au maintien
de la fourniture d'eau et de gaz. Au
niveau national
, ce dispositif
procède de conventions passées entre l'Etat et EDF qui
définissent le montant et les modalités de leurs concours
financiers respectifs. Au
niveau départemental
, des conventions
sont signées entre les représentants de l'Etat et d'EDF, les
distributeurs d'énergie, les collectivités locales
concernées et leurs groupements, chaque centre communal ou intercommunal
d'action sociale, les organismes de protection sociale et les associations de
solidarité. Elles déterminent, outre les conditions d'application
des conventions nationales, les actions préventives ou éducatives
en matière de maîtrise d'énergie ou d'eau.
Concrètement, en cas de non paiement d'une facture EDF, les
chargés de clientèle de l'opérateur public sont tenus de
prendre contact avec les usagers intéressés. Ils leur
suggèrent de contacter les services sociaux compétents. EDF
s'engage à ne pas couper le courant, dans l'attente de la
décision de la commission départementale compétente, et
à fournir une puissance minimale de 3000 watts
11(
*
)
aux usagers concernés. En 1998,
EDF et GDF ont versé environ 75 millions de francs au titre de ce
service qui concerne environ
200.000 foyers
.
La contribution à la cohésion sociale apportée par le
service public de l'électricité ne saurait avoir pour effet de
susciter une consommation qui dépasserait les besoins réels des
personnes en difficulté. C'est pourquoi le 1° du III porte que la
mission de fourniture de l'électricité
" favorise la
maîtrise de la demande ".
Le deuxième alinéa du
3° du III précise qu'EDF et les distributeurs non
nationalisés sont investis de cette mission et que les charges qui
résultent de la fourniture d'électricité pour concourir
à la cohésion sociale sont
" réparties "
par le fonds de péréquation de l'électricité.
Créé par l'article 33 de la loi n° 46-628
précitée, ce fonds, géré par EDF, est
alimenté par des prélèvements sur les recettes des
organismes de distribution d'électricité auxquels il verse, en
contrepartie, des dotations de péréquation (cf. commentaire de
l'article 5).
Fourniture de secours aux clients éligibles et aux producteurs
(article 2-III-2°)
Cette fourniture de secours incombe, aux termes du projet de loi initial,
à EDF, mais elle peut également être assurée par un
producteur indépendant s'il le souhaite, car EDF n'en a pas le monopole.
Le coût de la fourniture de secours serait, selon les informations
communiquées à votre rapporteur, susceptible de se
décomposer en deux parties :
- d'une part, le coût lié au
dimensionnement du parc de
production
;
- d'autre part, le coût relatif au
réseau
qu'utiliseront les producteurs de façon régulière pour
acheminer du courant et celui du réseau que certains autoconsommateurs
n'utiliseront que pour avoir accès à une fourniture de secours.
Selon EDF, le coût de l'accès au réseau au titre du service
de secours pourrait être préfiguré par le prix de mise
à disposition de courant pour une " courte utilisation "
figurant au barème transitoire publié en 1999
(cf. article 6).
En dernière analyse, le coût total de la fourniture de secours
sera déterminé par les pouvoirs publics après avis de la
Commission de régulation de l'électricité (CRE) compte
tenu des éléments ci-dessus.
Fourniture aux clients éligibles qui ne trouvent pas de fournisseur
(article 2-III-3°).
Cette mission, appelée à s'exercer essentiellement dans les zones
non raccordées au réseau national métropolitain, incombe
également à EDF. En pratique, l'opérateur public conclura
des contrats de vente
" dans la limite de ses capacités de
fourniture "
selon le dernier alinéa de l'article 2. Il ne
pourra refuser de livrer du courant que par une décision motivée
et notifiée au demandeur.
B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'Assemblée nationale a apporté d'importantes précisions
à cet article.
La mission de développement équilibré de
l'approvisionnement (I)
L'Assemblée nationale a supprimé l'adverbe
" notamment "
au premier alinéa du I. Cette
suppression, qualifiée de "
rédactionnelle
" par
le rapporteur a néanmoins pour effet de restreindre la mission
d'approvisionnement aux deux seules modalités que ce paragraphe
prévoit : respect de la programmation des
investissements (1°), garantie d'approvisionnement des zones non
interconnectées au territoire métropolitain continental (2°).
L'Assemblée a également souhaité donner un tour
impératif à la formule utilisée en ce qui concerne le
respect de la programmation pluriannuelle des investissements puisque la
mission de service public tend, dans le texte transmis au Sénat,
à
" réaliser "
et non plus à
" favoriser la réalisation "
des investissements.
Elle a enfin adopté un amendement rédactionnel au dernier
alinéa du I.
La mission de développement et d'exploitation des réseaux
publics de transport et de distribution (II)
Au paragraphe II de l'article 2, l'Assemblée nationale a, tout
d'abord, précisé que la desserte rationnelle du territoire
national par les réseaux devrait s'effectuer
" dans le respect
de l'environnement et de l'interconnexion avec les pays voisins ".
Elle a, en outre, apporté des
précisions relatives à
l'intervention des collectivités locales :
- en mentionnant que les collectivités concédantes de la
distribution publique d'électricité sont investies de la mission
de raccordement et d'accès aux réseaux, au même titre
qu'EDF et les distributeurs non nationalisés
(II-2°-al. 2) ;
- en précisant que la zone de desserte des distributeurs non
nationalisés était
" exclusive "
(II-2°-al. 2), ce qui vise la situation actuelle : EDF ne
dessert pas les zones couvertes par les DNN ;
- en faisant référence aux concessions et aux
règlements des services des régies (II-2°-al.2).
L'Assemblée nationale a, enfin, adopté un amendement aux termes
duquel le financement de la mission visée au II serait
" total "
(le texte initial évoquait un financement
" total ou partiel "
).
La mission de fourniture de l'électricité (III)
la cohésion sociale (III - 1°)
A ce paragraphe, outre deux amendements de portée rédactionnelle,
l'Assemblée nationale a apporté des précisions relatives
à la contribution du service public de l'électricité
à la mission de cohésion sociale. Elle a notamment
précisé, au 1°, qu'outre la péréquation
géographique, deux mécanismes contribuaient à la mise en
oeuvre de cette mission, à savoir :
- la garantie de maintien temporaire de la fourniture d'énergie
(qui résulte de l'article n° 43-5 de la loi
n° 88-1088 du 1
er
décembre 1988
précité) ;
- le raccordement aux réseaux publics ou, le cas
échéant, aux installations de production
d'électricité de proximité.
L'Assemblée nationale a également souhaité expliciter les
conditions de mise en oeuvre du
" droit à
l'électricité "
proclamé à
l'article 1
er
en adoptant un amendement présenté
par M. Billard, sous-amendé par le Gouvernement. Il résulte de
celui-ci que la mission d'aide à la fourniture d'énergie aux
personnes en situation de précarité est
" élargie "
afin d'ouvrir le bénéfice des
dispositions des articles 43-5 et 43-6 de la loi n° 88-1088
précitée,
" en fonction de la situation
particulière de ces personnes et pour une durée
adaptée "
, dans des conditions prévues par
décret. Ce texte fixera les modalités de l'aide et les
critères d'attribution qui s'imposeront aux conventions
départementales. Ces critères tiendront compte des revenus et des
besoins effectifs des familles et personnes visées à
l'article 43-5 précité.
La fourniture aux clients éligibles ne trouvant pas de
fournisseurs (III - 3°)
Sur ce point, l'Assemblée nationale a adopté, outre deux
amendements de précision, un amendement supprimant la
référence aux
" conditions économiques ou
techniques raisonnables "
au premier alinéa du 3°,
afin d'éviter une équivoque : le texte initial pouvait
donner à penser que le caractère " raisonnable " des
offres était laissé à la seule appréciation du
client éligible. Désormais, selon la nouvelle rédaction,
EDF n'est donc plus tenue de fournir de l'électricité aux clients
éligibles que lorsque ceux-ci ne trouvent aucun fournisseur. M. Jacques
Desallangre, expliquant son amendement devant l'Assemblée nationale,
indiquait que celui-ci
" permettrait à EDF de ne pas vendre
à des clients éligibles dans des conditions économiques ou
techniques déraisonnables
[car]
il apparaît difficilement
acceptable, dans un marché ouvert à la concurrence, d'obliger EDF
à fournir à perte un service à des clients
éligibles
[ce qui]
reviendrait à socialiser les pertes et
à privatiser les bénéfices ".
L'Assemblée nationale a également introduit, par deux amendements
de précision, la référence :
- aux règlements de service des régies à
l'alinéa 2 (les cahiers des charges des concessions étaient
déjà visés) ;
- aux cahiers des charges de concessions et aux règlements de
service des régies à l'alinéa 3.
Elle a aussi précisé que la mission de fourniture de secours
mentionnée au III-2° serait également assurée, outre
EDF, par les distributeurs non nationalisés (DNN), s'ils disposent des
capacités de production nécessaires, et qu'elle s'exercerait dans
le cadre de contrats de secours qui assureraient
" la couverture de la
totalité des coûts "
supportés par EDF et par les
DNN.
Elle a également ajouté que les décisions, positives ou
négatives, prises par EDF ou les DNN en réponse aux demandes de
secours des clients éligibles seraient motivées et
notifiées au demandeur.
Elle a enfin adopté un dernier alinéa qui tend à faire
supporter aux clients éligibles qui ne trouveraient aucun fournisseur
(cf. III - 3°) le surcoût qui résultera pour EDF de la
nécessité de conserver des capacités de production
disponibles afin de répondre aux pointes de consommation
suscitées par leurs demandes. C'est pourquoi ce dernier alinéa
précise que les contrats de vente de courant seront signés
" dans la limite des capacités "
de fourniture d'EDF et
des DNN et
" dans des conditions financières qui tiennent compte
notamment de la faible utilisation des installations de production
mobilisées par cette fourniture ".
C. LES OBSERVATIONS DE VOTRE COMMISSION
Votre commission estime souhaitable de préciser que les
charges qui
résultent du service public
, et précisément de la
mission de
développement équilibré de
l'approvisionnement
en électricité (a. 3-I) et de la
mission de
fourniture d'électricité
(a. 3 - II) doivent
faire l'objet d'une
compensation intégrale.
L'Assemblée
nationale a, d'ores et déjà, apporté une
amélioration importante au texte initial dont le dernier alinéa
du II évoquait un
" financement total ou partiel "
de
la mission de fourniture d'électricité.
Votre commission vous propose, en conséquence, d'aller plus loin, dans
un souci de clarification en adoptant
deux amendements
, l'un au
dernier alinéa du I
, l'autre au
dernier alinéa du
II
, afin de viser la
" compensation intégrale "
des
charges précitées. Le terme de
" compensation "
apparaît plus approprié que celui de
" financement "
car il indique que les fonds versés
à EDF sont une
contrepartie
des charges supportées au
titre des missions de service public. Le libellé du deuxième
amendement précise que les charges afférentes à la mission
de développement et d'exploitation des réseaux doivent être
strictement interprétées. En d'autres termes, elles ne peuvent
pas résulter d'erreurs de gestion mais uniquement de dépenses
justifiées par le service public.
Votre commission vous propose, en outre, d'adopter des
amendements
rédactionnels
aux
dernier alinéa du II, premier et
deuxième alinéas du (1°) du III, 2° du III
et
aux
trois derniers alinéas de cet article.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.
Article 3
-
Mise en oeuvre et contrôle
des
missions de service public
1.
Le
projet de loi initial
Cet article confie au Gouvernement la charge de prendre les mesures
nécessaires à la mise en oeuvre des missions de service public. A
cette fin, le ministre chargé de l'énergie, le ministre
chargé de l'économie et la Commission de régulation de
l'électricité veillent à l'accomplissement de ces missions
et au bon fonctionnement du marché de l'électricité, en
liaison avec :
- les collectivités concédantes ;
- le Conseil supérieur de l'électricité et du
gaz ;
- le Conseil de la concurrence ;
- les commissions départementales d'organisation et de
modernisation des services publics ;
- les conférences régionales de l'aménagement et du
développement du territoire.
Ces deux dernières instances bénéficient, aux termes des
alinéas 4 et 5 du projet de loi initial, de
compétences renforcées.
La commission départementale d'organisation et de modernisation
des services publics (CDOMSP)
Cette commission reçoit, chaque année, un rapport
d'activité émanant des organismes en charge de la distribution
d'électricité. Elle peut être saisie par toute personne
intéressée (consommateur, producteur, distributeur ou puissance
publique) par :
- le développement et l'exploitation des réseaux dans des
conditions de desserte rationnelle (article 2-II-1°) ;
- la fourniture de courant aux clients non éligibles
(article 2-III -1°).
La conférence régionale d'aménagement et de
développement du territoire (CRADT)
A l'occasion de l'élaboration du schéma régional
d'aménagement et de développement du territoire, cette commission
est consultée sur la planification du réseau public de transport
d'électricité d'intérêt régional et sur le
développement de la production décentralisée
d'électricité.
La CDOMSP et la CRADT peuvent adresser des avis et propositions au ministre
chargé de l'énergie et à la Commission de
régulation de l'électricité.
2.
Modifications adoptées par l'Assemblée nationale
A cet article, l'Assemblée nationale a, tout d'abord, rangé les
autorités concédantes au nombre des autorités publiques
qui assurent le bon accomplissement des missions de service public et le bon
fonctionnement du marché de l'électricité (alinéa
2) et, en conséquence, supprimé la référence
à ces autorités de la liste des instances qui ne font que
concourir à l'exercice des missions de service public (cf. alinéa
3).
L'Assemblée nationale a également souhaité que le
Comité régional de distribution et la Commission de
régulation de l'électricité soient destinataires du
rapport annuel qu'établissent les organismes en charge de la
distribution publique d'électricité. Elle a étendu au
Comité régional de distribution la possibilité
d'être saisi dans des conditions et sur un objet analogues à celui
des commissions départementales d'organisation et de modernisation des
services publics. Ces entités ont été créées
par le décret n° 53-863 du 31 décembre 1953
pour compenser l'absence des
" établissements publics
régionaux chargés de la distribution
d'électricité "
, dont l'article 2
alinéa premier de la loi du 8 avril 1946 prévoyait
la création. Ces comités, instances consultatives, sont
placés auprès du préfet de région depuis la
publication du décret n° 90-285 du 25 mars 1990.
L'Observatoire national du service public de l'électricité
a pour
mission
:
- d'examiner les conditions de mise en oeuvre du service public ;
- de donner des avis et formuler des propositions, notamment sur la
tarification du service public et sur la fourniture d'électricité
aux clients non éligibles.
Le texte précise que cet observatoire est doté des moyens utiles
à l'accomplissement de sa mission.
Dans chaque région un
observatoire régional
du service
public de l'électricité
est créé auprès
du Conseil économique, social et régional.
Cet observatoire est composé de représentants :
- des usagers domestiques ;
- des usagers professionnels (le texte ne fait pas de distinction entre
les usagers éligibles et non éligibles) ;
- des organisations syndicales représentatives ;
- d'Electricité de France ;
- des autres
" opérateurs
d'électricité "
;
- d'élus locaux et territoriaux.
Leur composition et leurs modalités de fonctionnement sont fixées
par décret.
3.
Observations de votre commission
Il est souhaitable de préciser le statut des observatoires
créés à cet article. Comment ne pas s'interroger, en
effet, sur le nombre des membres de ces structures, sur leur coût de
fonctionnement et leur localisation ?
Votre commission souhaite faire confiance au sens de l'intérêt
général et à la contribution
désintéressée des personnes appelées à
participer aux travaux de ces instances. C'est pourquoi elle vous proposera un
amendement avant le dernier alinéa de cet article
tendant
à préciser que
les fonctions des membres de ces
observatoires
étant exercées à titre
bénévole, elles
ne donnent lieu à aucune
indemnité ni aucune rémunération.
Votre commission considère également que le libellé du
6
e
alinéa
mérite d'être éclairci.
C'est pourquoi elle vous proposera de préciser par un amendement que
l'Observatoire national peut émettre des avis et propositions
motivés et rendus publics sur toute question relative à son
objet. Afin d'éviter toute interprétation limitative du sens des
deux dernières phrases relatives aux compétences des
observatoires, elle suggère de supprimer ces dispositions.
Elle estime, en outre, souhaitable d'assurer la pluralité des
représentants des clients en faisant référence à la
présence de
" chacun des types de clients "
ce qui
vise, tant les usagers éligibles -que le texte transmis ne mentionne
pas- et parmi eux les professionnels, que les clients non éligibles
établis dans les diverses parties du territoire (DOM, zones urbaines et
zones rurales, zones de montagne), les organismes consulaires mais aussi les
personnes en situation de précarité, ainsi que les
autorités concédantes de la distribution
d'électricité. La liste des diverses catégories de clients
serait précisée par un décret. Votre Commission des
Affaires économiques vous présente, en conséquence, un
amendement
au
septième alinéa
et un
amendement
au
onzième et avant-dernier alinéa
de cet article.
Votre commission estime, en outre, nécessaire de
souligner que la CRE
ne jouit pas de la personnalité morale
, mais est une autorité
indépendante qui ne se distingue pas de l'Etat. A cette fin, elle vous
propose un amendement à la fin du
troisième alinéa de
l'article 3.
Elle vous demande enfin d'adopter un
amendement rédactionnel
, au
cinquième alinéa
de cet article.
Article 4
-
Tarifs et plafonds de prix
Depuis
l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 86-1243 du
11 décembre 1986 relative à la liberté des prix
et à la concurrence, la fixation des prix est libre en France, hormis
dans
les " secteurs ou dans les zones où la concurrence par les
prix est limitée "
en raison d'une situation de monopole. Tel
est le cas dans le secteur de l'électricité. Le décret
n° 88-850 du 1
er
décembre 1988 relatif au
prix de l'électricité, a été pris sur le fondement
de l'article 1
er
de l'ordonnance n° 86-1243
précitée. Il précise que la tarification de
l'électricité traduit les coûts de production et de mise
à disposition de cette énergie et que pour chaque contrat, le
tarif comporte, outre une redevance forfaitaire d'abonnement, le prix de
l'énergie effectivement consommée. La seconde annexe du contrat
d'entreprise d'EDF a, quant à elle, fixé, année par
année, pour la période 1997-2000, les orientations relatives
à l'évolution des différents tarifs. En dernier ressort,
les tarifs proposés par EDF sont approuvés par le ministre de
l'économie et publiés par arrêté
12(
*
)
. Ils s'appliquent tant à
l'opérateur public qu'aux distributeurs non nationalisés.
A. CONTENU DU PROJET DE LOI INITIAL
1.
Liste des tarifs réglementés (I)
A compter de l'entrée en vigueur de la loi, le prix de
l'électricité fournie aux clients éligibles sera
établi librement, par le jeu de l'offre et de la demande. En
conséquence, le champ des tarifs réglementés dans le cadre
du premier article de l'ordonnance n° 86-1243 du
1
er
décembre 1986 précitée se
réduira :
- aux tarifs de
vente aux clients non éligibles
;
- aux tarifs de
cession
de l'électricité
aux
distributeurs non nationalisés
;
- aux tarifs de
fourniture de secours
aux consommateurs
éligibles (article 2-III-2°).
Le champ précité s'étendra également
désormais aux tarifs
d'utilisation des réseaux publics de
transport et de distribution
qui permettront le transit de courant entre
producteurs et consommateurs éligibles.
Le second alinéa du I prévoit, en outre, que des
" plafonds de prix "
pourront être fixés pour la
fourniture d'électricité aux clients éligibles dans les
zones du territoire non interconnectées au réseau
métropolitain. En effet, comme le souligne l'exposé des motifs,
les tarifs dans ces zones ne bénéficieront pas d'économies
d'échelles équivalentes à celles que procure le
réseau. C'est pourquoi les plafonds de prix permettront d'éviter
leur augmentation inconsidérée.
2.
Modalités de fixation des coûts (II)
Dans le droit fil du décret n° 88-850 du
1
er
décembre 1988 précité, le
paragraphe II distingue, en matière tarifaire, entre les prix
applicables à la
fourniture de courant
et ceux relatifs à
l'utilisation des réseaux publics
.
Les tarifs applicables aux
diverses catégories de fourniture
de courant
seront définis, en fonction :
- des caractéristiques intrinsèques de ces fournitures,
telles que les quantités consommées ou la saisonnalité des
consommations ;
- des coûts liés à ces fournitures.
Quant aux tarifs applicables à
l'utilisation des réseaux
publics
de
transport et de distribution
qui seront acquittés
par les utilisateurs, ils reposeront sur
" l'ensemble des coûts
de ces réseaux "
et seront calculés
" de
manière non discriminatoire "
, conformément à une
formule utilisée à plusieurs reprises dans la directive. Selon
les informations communiquées à votre rapporteur, le Gouvernement
entend que les coûts respectifs du transport et celui de la distribution
soient chacun facturés aussi bien aux consommateurs éligibles,
pour la part qui leur revient, qu'aux consommateurs non éligibles. Il ne
saurait, en conséquence, y avoir " d'amalgame " de l'ensemble
des coûts de transport, au détriment des clients éligibles.
L'ensemble des tarifs devront donc refléter
les coûts de la
production et/ou du transport
. Le projet de loi initial donne des
indications claires mais sommaires sur les principes de fixation des tarifs.
Ceux-ci devront, en effet, être précisés par le pouvoir
réglementaire. Saisi d'une demande d'annulation du décret relatif
à la détermination des coûts d'interconnexion des services
de télécommunications, le Conseil d'Etat a d'ores et
déjà jugé qu'il appartenait au pouvoir
réglementaire de définir les règles d'évaluation de
ces coûts, dans la mesure où l'article L.34-8 du code des
télécommunications, qui prévoit que "
les tarifs
d'interconnexion rémunèrent l'usage effectif du réseau de
transport et de desserte et reflètent les coûts
correspondants
", n'avait ni pour objet ni pour effet d'indiquer la
méthode d'évaluation de ces coûts. Dans le cas
précis de la fixation des tarifs d'interconnexion des
télécommunications, dont le régime juridique est
transposable à la fixation des tarifs de l'électricité, la
Haute juridiction a jugé légales des dispositions
réglementaires qui disposent que : "
les coûts
[...]
doivent prendre en compte les investissements de renouvellement du
réseau fondés sur la base des meilleures technologies
industriellement disponibles et tendant à un dimensionnement optimal du
réseau dans l'hypothèse d'un maintien de la qualité de
service
" ; ainsi que celles qui prescrivent que
l'Autorité de régulation des télécommunications
doit également tenir compte, dans l'estimation des coûts,
"
des références internationales en matière de
coût d'interconnexion
"
13(
*
)
.
3.
Autorités compétentes pour fixer les tarifs
(III)
Désormais, la fixation des tarifs relève de la compétence
conjointe des ministres respectivement chargés de l'économie et
de l'énergie. La Commission de régulation de
l'électricité leur présentera une
proposition
en ce
qui concerne
les tarifs et les plafonds de prix relatifs à
l'utilisation des réseaux
, et formulera un
avis
pour les
autres tarifs et plafonds de prix
.
La proposition de la CRE liera le Gouvernement,
qui ne pourra que la
prendre en compte ou la rejeter, quitte à demander à la
Commission d'en formuler une nouvelle ; mais rien n'interdira à la
CRE de maintenir ses propositions antérieures. Les avis de la CRE
n'auront, quant à eux, qu'une portée consultative et ne lieront
pas le Gouvernement dans ses décisions
14(
*
)
.
B. MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
A cet article, outre deux amendements de portée rédactionnelle,
l'Assemblée nationale a adopté trois amendements relatifs au
tarif de l'électricité fournie à titre de secours aux
clients éligibles, aux tarifs appliqués aux clients non
éligibles et enfin au tarif réservé aux usagers
domestiques, pour des raisons d'ordre social.
S'agissant de la
tarification aux consommateurs éligibles au titre du
secours
qu'ils sont fondés à demander en application de
l'article 2-III-2°, l'Assemblée nationale a
précisé que ces tarifs
" ne pourront être
inférieurs aux prix de revient
"
(article 4-I-alinéa 4). Selon M. Desalangre, auteur de
l'amendement, cet ajout a pour objet d'éviter qu'EDF ne soit contrainte
de fournir à perte des clients éligibles.
En ce qui concerne les
tarifs applicables aux clients non
éligibles
, l'adoption d'un amendement du Gouvernement a permis de
préciser que ces tarifs traduisent les
" coûts de
revient "
supportés par EDF au titre de ces usagers, notamment
les
" dépenses de développement du service
public "
afin
" d'éviter les subventions en faveur des
clients éligibles ".
Ainsi, selon les explications
données par le secrétaire d'Etat à l'Industrie, les tarifs
permettront à EDF de faire face à toutes les charges
d'exploitation, de capital et d'investissement, et intégreront le
coût des dispositions spéciales prises en faveur des usagers les
plus modestes.
Sur ce dernier point, l'Assemblée nationale a, dans le droit fil des
dispositions adoptées sur le
" droit à
l'électricité "
à l'article 1
er
,
renforcé le dispositif tendant
à permettre un
allégement des tarifs de l'électricité pour les
consommateurs non éligibles les plus modestes
. Le texte transmis au
Sénat porte que
" pour les usagers dont les revenus du foyer
sont, au regard de la composition familiale, inférieurs à un
plafond "
(dont le seuil n'est pas précisé),
" les tarifs tiennent compte du caractère indispensable de
l'électricité "
en instaurant, pour une tranche de leur
consommation, une tarification spéciale intitulée
" produit de première nécessité ".
Selon
l'auteur de l'amendement, ce
" tarif modulé "
ne
devrait s'appliquer que sur les kilowatts/heure
" correspondant
à une consommation normale, la consommation excédentaire
étant facturée au plein tarif ".
En outre, le
financement de cette mesure serait assuré par la solidarité entre
les usagers sans dépenses supplémentaires pour EDF.
C. OBSERVATIONS DE VOTRE COMMISSION
Votre rapporteur juge pertinent de préciser que les tarifs doivent
procéder des coûts, qu'il s'agisse des coûts observés
ou des coûts d'opportunité qui résulteraient d'un
" collapsus " du système électrique. Il appartiendra au
pouvoir réglementaire de fixer, sous le contrôle du juge et sur la
base des conclusions du groupe de travail présidé par
l'inspecteur général Champsaur, directeur général
de l'INSEE, le mode d'évaluation de ces coûts.
Votre rapporteur
souhaiterait
également
obtenir publiquement
du Gouvernement
l'assurance que les tarifs n'auront pas pour vocation de privilégier
tel ou tel mode de production
mais
uniquement de traduire les
coûts de transport et de distribution
.
Il convient de souligner, au demeurant, le double écueil que doit
éviter le tarif : trop élevé, il favoriserait une
subvention des consommateurs non éligibles aux consommateurs
éligibles ; trop bas, il menacerait la stabilité
financière d'EDF.
Afin de respecter la directive relative à l'éligibilité
des consommateurs de plus de 40 Gwh applicable depuis le
19 février 1999, Electricité de France a
élaboré un "
barème provisoire
" qui
repose, d'après les informations communiquées à votre
rapporteur, sur l'ensemble des coûts de l'activité de transport
répartis par niveau de tension. Selon EDF, le caractère public de
ce barème garantirait le maximum de transparence. La simplicité
et la continuité de son mode de calcul par rapport aux tarifs
antérieurs seraient de nature à faciliter la comparaison des
offres et à éviter la création de barrières
artificielles aux échanges. Enfin, le niveau de prix retenu se situerait
dans une fourchette comparable aux tarifs européens, ainsi qu'il ressort
du tableau suivant :
COMPARAISON DES PRIX DE TRANSPORT D'ELECTRICITÉ POUR 1999
Client raccordé en haute tension |
||||||||
Prix du transport 1999 (cF/Kwh) |
France |
Allemagne
|
Espagne |
Grande-Bretagne |
Suède |
|||
Durée d'utilisation |
|
|
|
|
(1) |
(2) |
(1) |
(2) |
8760 heures |
4,8 |
5,2 |
5,1 |
6,0 |
4,4 |
5,2 |
0,1 |
3,1 |
5000 heures |
6,3 |
6,7 |
6,9 |
7,5 |
5,9 |
7,0 |
1,1 |
4,6 |
2000 heures |
11,3 |
10,5 |
10,4 |
12,0 |
9,6 |
11,8 |
5,1 |
9,4 |
Client raccordé en très haute tension |
||||||||
Prix du transport 1999 (cF/Kwh) |
France |
Allemagne
|
Espagne |
Grande-Bretagne |
Suède |
|||
Durée d'utilisation |
|
|
|
|
|
|
|
|
8760 heures |
3,8 |
3,2 |
3,1 |
5,2 |
1,9 |
3,0 |
1,6 |
|
5000 heures |
4,8 |
4,4 |
3,9 |
5,8 |
2,3 |
4,2 |
2,1 |
|
2000 heures |
8,4 |
7,4 |
5,3 |
9,4 |
3,7 |
8,5 |
3,4 |
(1)
Transit Sud-Nord (2) Transit Nord-Sud
Source
: EDF
Lors des auditions auxquelles a procédé votre Commission des
Affaires économiques, des personnalités ont estimé que ce
barème correspondait à un
coût du réseau
d'environ 20 milliards de francs par an
. Dans la mesure où
l'expérience acquise du fait de l'utilisation de ce barème
servira nécessairement pour élaborer les tarifs futurs, votre
Commission des Affaires économiques souhaiterait
connaître la
position du Gouvernement sur cette estimation
.
Elle désire, en premier lieu,
clarifier les principes applicables au
mode de calcul des tarifs
. Elle veut, en deuxième lieu,
concentrer l'aide aux plus démunis sur les personnes qui en ont
réellement besoin
. Elle entend, enfin, que les
avis de la CRE sur
les tarifs soient motivés et publiés.
Prendre en compte les coûts de façon détaillée
et exhaustive lors du calcul des tarifs.
Votre commission vous propose, par cohérence, d'adopter
trois
amendements
tendant à :
-
déplacer les deuxième et quatrième
alinéas du I
de cet article
, relatif au calcul des tarifs
applicables aux non éligibles, au
II
;
- y remplacer la formule "
en évitant les subventions en
faveur des clients éligibles
" par "
en prohibant les
subventions en faveur des clients éligibles
", car la
formulation adoptée à l'Assemblée nationale manque de
clarté et n'élimine pas le risque de telles subventions.
-
modifier le deuxième alinéa du II
de cet
article, pour
préciser que les tarifs sont établis en fonction
des coût respectifs des fournitures et que les coûts respectifs des
réseaux publics de transport et ceux des réseaux publics de
distribution doivent être pris en compte séparément, sans
aucun amalgame
entre les uns et les autres.
- faire figurer au II de cet article la précision
antérieurement adoptée par l'Assemblée nationale à
l'article 5-I-3° aux termes de laquelle figurent, parmi les coûts
des réseaux, les
" surcoûts de recherche et de
développement nécessaires à l'accroissement des
capacités de transport des lignes électriques "
car
l'amélioration des interconnexions avec les pays voisins et l'insertion
esthétique de ces lignes nécessiteront inévitablement de
coûteuses études dont il est utile de prévoir le
financement.
Centrer les aides sur les plus démunis, afin d'accroître
l'impact
Votre commission vous présentera un amendement tendant à revenir
sur la création d'une " tranche sociale " prévue par le
dernier alinéa du I de cet article, dans la mesure où ce
dispositif ne lui apparaît pas approprié pour résoudre des
problèmes sociaux dont elle connaît la gravité. Elle estime
que la " tranche sociale " généralisée par ce
texte tend à disperser les moyens. En effet, rien n'indique qu'un foyer
disposant de revenus ne tomberait pas, du fait du nombre de ses membres,
au-dessous du plafond prévu à l'alinéa 4 du I. La
" tranche sociale " n'aurait pas d'autre effet que celui d'attribuer
une aide à des foyers qui n'en ont pas besoin. Tout au contraire,
il
conviendrait de concentrer les crédits sur les 200.000 foyers qui
se trouvent en situation de précarité
. Comme l'ont
montré les auditions auxquelles a procédé votre
rapporteur, les associations d'aides aux exclus sont hostiles au gaspillage des
crédits. Or, le mécanisme proposé par le texte est de
nature à bénéficier à 2, voire 3 millions de
personnes, soit le décuple du nombre de foyers auxquels elles devraient
revenir.
Au cours des auditions organisées pour préparer le présent
rapport, plusieurs personnalités ont affirmé que
le coût
des mesures en faveur des personnes en situation de précarité
sous forme de " tranche sociale " varierait de 400 millions
à 4 milliards de francs,
selon que
le nombre de clients
concernés serait de 200.000 (hypothèse basse),
ou de
2 millions (hypothèse haute).
En se fondant sur ces conclusions, votre commission vous propose que le tarif
" première nécessité " ne soit accordé
qu'aux consommateurs frappés par l'exclusion, dans les conditions
actuellement fixées par la loi n° 88-1088 relative au revenu
minimum d'insertion.
Votre commission vous propose, en conséquence, un
amendement
au
dernier alinéa du I
de cet article, afin de
le remplacer,
à l'article 5
, par un mécanisme d'aide conforme aux
indications données ci-dessus.
Publicité et motivation des avis de la CRE
En ce qui concerne le rôle de la Commission de régulation de
l'électricité dans la détermination des tarifs, la
Commission des Affaires économiques observe qu'il serait souhaitable que
les
propositions de la CRE
sur les tarifs et les plafonds de prix de
vente d'électricité aux clients non éligibles
et que
ses avis
sur les tarifs d'utilisation des réseaux publics de
transport et de distribution
soient motivés
et
publiés
. Elle vous proposera, à cette fin,
un
amendement au dernier alinéa
(III) de cet article.
Votre commission vous demande d'adopter cet article, ainsi amendé.
Article 5
-
Mécanismes de
compensation
Cet
article détermine la liste et les modalités de financement des
missions de service public. Son premier paragraphe définit les charges
compensées en matière de production par le biais du Fonds des
charges d'intérêt général. Son deuxième
paragraphe énumère les charges relatives à la
distribution, qui seront couvertes par le Fonds de péréquation de
l'électricité.
A. DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI INITIAL
Comme le souligne l'exposé des motifs du projet de loi, certaines
missions de service public occasionneront des charges spécifiques.
1.
Compensation des charges de service public en matière de
production
Liste des charges prises en compte (I, premier alinéa, 1° et
2°)
Le premier paragraphe précise que les charges imputables aux missions de
service public assignées aux producteurs d'électricité
comprennent les surcoûts :
- susceptibles de
résulter des contrats consécutifs aux
appels d'offres
lancés lorsque les capacités de production ne
correspondent pas aux objectifs de la programmation pluriannuelle des
investissements (article 8) ;
- pouvant résulter de
l'obligation, imposée à EDF,
d'achat d'électricité
produite grâce à
certaines installations
qui utilisent des
énergies
renouvelables
, des
déchets
ou des
produits non
commercialisables
(article 10) ;
-
enregistrés dans les zones non interconnectées avec
réseau métropolitain continental
, lorsque ces coûts ne
sont pas couverts par la part relative à la production dans les tarifs
de vente ou par les plafonds de prix susceptibles d'être
édictés pour la fourniture d'électricité aux
clients éligibles dans ces zones (cf. article 4-I-al.2).
Evaluation des charges (I-3°-al. 2)
Les charges supportées au titre de la production sont
évaluées sur la base d'une comptabilité tenue par les
opérateurs, contrôlée par un organisme indépendant.
Concrètement, les opérateurs auront recours à des cabinets
d'audit ou d'expertise comptable. Les charges seront cependant définies,
en dernière analyse, par arrêté des ministres
chargés de l'énergie et de l'économie, sur proposition de
la CRE. Ces ministres exerceront alors une compétence liée,
puisqu'ils n'auront que la faculté de demander à la CRE de
reconsidérer son point de vue, sans pouvoir modifier cependant le
contenu de ses propositions
15(
*
)
.
S'ils passent outre cette proposition, leur décision sera susceptible
d'annulation par le juge administratif.
Rôle du Fonds des charges d'intérêt
général (I-2°-al 3 à 5)
Géré par la Caisse des dépôts et consignations
(CDC), le fonds des charges d'intérêt général est
une innovation importante du projet de loi.
En recettes,
ce fonds recouvre les contributions que verseront :
- les producteurs ;
- les fournisseurs d'électricité livrant aux clients
finals ;
- les autoproducteurs d'électricité ;
- les clients finals importateurs d'électricité ;
- les clients finals qui effectuent des acquisitions intracommunautaires
d'électricité.
Le montant des contributions sera calculé
" au prorata du nombre
de kilowatts/heure livrés à des clients finals ou produits par
des autoproducteurs "
, déduction faite des charges que le fonds
a vocation à couvrir, pour chaque redevable. En d'autres termes,
lorsqu'un redevable au fonds est également éligible à ses
subventions, il ne paie que la valeur " nette " de ce qu'il doit,
déduction faite de ce qu'il reçoit, ou ne reçoit que la
valeur " nette " de ce qui lui revient, déduction faite de ce
qu'il verse.
En dépenses
, le fonds enregistrera les sommes versées au
titre de la contribution financière nette destinée aux
opérateurs qui supportent des charges. Tout comme pour les charges, le
montant des contributions nettes au fonds sera déterminé par
arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et
du ministre chargé de l'industrie, après avis de la CRE.
Fonctionnement du fonds
Le fonds des charges d'intérêt général sera un
" compte spécifique
" ouvert dans les lignes de la CDC
(I, 2°, al.3). Comme le précise le rapport de la Caisse des
Dépôts au Parlement, celle-ci comptabilise, pour chaque fonds
inscrit dans ses livres, les ressources qui lui sont propres, les emplois qui
en sont faits et le résultat qui s'y rapporte au sein d'une section
comptable, de façon individualisée. La Caisse gère d'ores
et déjà le fonds de service universel des
télécommunications qui fonctionne dans des conditions analogues
à celles que prévoit le projet de loi pour le service public de
la production d'électricité.
La Caisse des Dépôts imputera sur le fonds lui-même les
frais de gestion qui résulteront de son existence, après que le
montant de ces frais aura été fixé par arrêté
conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre
chargé de l'industrie. Le texte précise enfin que les
contributions -qui auront une nature fiscale- seront
recouvrées par la CDC dans les mêmes conditions que ses
créances propres. Il prévoit également que si le montant
des contributions ne correspond pas au montant des charges de l'année,
la régularisation intervient l'année suivante, et que les sommes
non recouvrées dans le délai d'un an sont imputées au
fonds l'année suivante.
2.
Compensation des charges de service public en matière de
distribution
L'article 5-II prévoit le financement des charges relatives au
développement et à l'exploitation des réseaux publics sur
le territoire (cf. art 2-II) et celui de la distribution de courant
au titre de la préservation de la cohésion sociale (cf. art. 2
III-1°).
Liste des charges prises en compte (II-1° et 2°)
Le troisième alinéa du paragraphe II précise que les
charges en question comprennent :
-
" tout ou partie des surcoûts supportés par les
organismes de distribution qui, du fait des particularités de leur
réseau ou de leur clientèle ne sont pas couverts par la part
relative à l'utilisation de ces réseaux dans les tarifs de vente
aux clients non éligibles et par les tarifs d'utilisation des
réseaux publics de distribution ".
Notons qu'EDF n'entre pas
dans cette catégorie car la couverture quasi-totale du territoire
homogénéise l'effet de structure de son réseau.
- la participation au dispositif institué en faveur des personnes
en situation de précarité.
Les organismes de distribution qui sont concernés par ces dispositions
sont, en premier lieu, les distributeurs non nationalisés. En effet,
ceux-ci subissent des charges particulières car, bien souvent, leur
réseau est très étendu (pour desservir un habitat
dispersé). Ils sont dotés de lignes à basse tension d'une
longueur importante qui alimentent un faible nombre de clients, si bien que le
coût effectif de leur réseau est plus élevé que le
coût moyen du réseau EDF, lequel sert de base pour fixer les
tarifs nationaux péréqués applicables aux clients non
éligibles.
Le texte du 1°) porte que le fonds assumera
" tout ou partie "
des surcoûts supportés par des organismes de distribution dont la
structure du réseau est spécifique, afin de laisser à
l'autorité gestionnaire du fonds une marge d'appréciation qui lui
permette de juger de l'efficacité du distributeur, pour éviter de
subventionner des pertes résultant non pas de coûts dus à
la structure du réseau mais d'erreurs de gestion.
Rôle du Fonds de péréquation de
l'électricité
Le premier alinéa du I prévoit que des charges de distribution
relatives au service public " social " de l'électricité
seront compensées par le Fonds de péréquation de
l'électricité (FPE). Ce fonds a été
créé par un décret-loi du 18 septembre 1956 qui
a modifié l'article 33 de la loi n° 46-698 du
8 avril 1946 précitée. Il compense les charges
supplémentaires et les déficits d'exploitation subis par les
distributeurs non nationalisés dont les coûts de distribution
effectifs sont plus élevés que ceux d'EDF (leurs réseaux
étant plus étendus, notamment en zone rurale), comme cela a
été exposé ci-dessus.
Il est alimenté par des prélèvements
16(
*
)
sur les recettes des organismes de
distribution d'électricité bénéficiaires qu'il
reverse aux organismes déficitaires sous la forme de dotations de
péréquation dont le montant total a atteint 22 millions de
francs en 1998.
B. MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
1.
Charges résultant du service public de production
A cet article, outre deux amendements rédactionnels, l'Assemblée
nationale a adopté douze amendements qui en modifient assez
substantiellement l'économie générale.
Nature des coûts assimilés à des charges de service
public
A l'initiative du rapporteur, l'Assemblée a prévu que les
coûts de référence qui serviraient de base au calcul des
surcoûts résultant de contrats issus d'appels d'offres (I-1°)
seraient évalués compte tenu des coûts d'investissement et
d'exploitation évités à EDF.
Elle a précisé, s'agissant des surcoûts enregistrés
dans les régions insulaires non interconnectées au réseau
national, que "
les particularités du parc de production
inhérentes à la nature de ces zones ",
feraient l'objet
d'une compensation.
Elle a, enfin, ajouté à la liste des coûts susceptibles
d'entrer dans les charges consécutives à l'exercice de missions
de service public : "
les surcoûts des recherches et du
développement nécessaires à l'accroissement des
capacités de transport des lignes, en particulier de celles
destinées à l'interconnexion avec les pays voisins et à
l'amélioration de leur insertion esthétique dans
l'environnement. "
Celles-ci peuvent, en effet, donner lieu à
des évaluations techniques ou à des mesures compensatoires
très coûteuses.
Evaluation des charges de service public
L'Assemblée nationale a précisé que les charges ne
seraient pas "
évaluées
" mais
"
calculées
" en fonction d'une comptabilité
appropriée, et que la CRE délivrerait un agrément aux
organismes indépendants susceptibles de contrôler la
comptabilité des gestionnaires de missions de service public.
Le fonds du service public de la production d'électricité
Après avoir modifié le
nom du fonds
des charges
d'intérêt général qu'elle a
dénommé :
fonds du service public de la production
d'électricité
, l'Assemblée nationale a ajouté
à la liste des contributeurs au fonds :
- les filiales des producteurs et les organismes de production, dès
lors que les uns et les autres livrent du courant à des clients finals
installés sur le territoire national ;
- les producteurs d'électricité produisant pour leur propre usage
une puissance supérieure à un seuil fixé par décret.
Le texte précise, enfin, que les installations de production de moins de
3 mégawatts seront dispensées de contribution au fonds, ce
qui vise de petites chutes hydrauliques et de petites installations diesel
situées chez des particuliers.
En ce qui concerne le
mode de calcul des contributions
,
l'Assemblée nationale a précisé (I-3° alinéa
5), qu'outre l'énergie produite par les auto-producteurs pour leur
propre usage, c'est le nombre de kilowattheures livrés à des
clients finals
" établis sur le territoire national "
qui constituerait la base de calcul. Elle a également ajouté, en
se fondant sur l'exemple d'un dispositif existant pour les
télécommunications, que le montant des contributions nettes que
les redevables et les opérateurs versent ou reçoivent serait
arrêté conjointement par les ministres respectivement
chargés de l'économie et de l'industrie, sur proposition de la
CRE.
2.
Charges résultant du service public de distribution
L'Assemblée nationale n'a apporté que deux modifications au II de
cet article. La première, de coordination, tend à préciser
que c'est le dispositif institué en faveur des personnes en situation
" de pauvreté et de précarité "
(et non
seulement de celles en situation de précarité) qui est
visé. La seconde s'inscrivant, selon le rapporteur, dans le cadre de la
politique de la ville, ajoute une troisième charge (3°) aux deux
premières. Il s'agit de : "
la participation, dans le cadre
de la contribution à la sécurité publique, aux moyens mis
en oeuvre dans les quartiers en difficulté pour renforcer la
présence du service public et contribuer à la médiation
sociale
", ce qui vise la participation d'EDF à la politique de la
ville et notamment au financement de certains emplois-jeunes
.
C. OBSERVATIONS DE VOTRE COMMISSION
Sur proposition de son rapporteur, la Commission des Affaires
économiques vous propose de modifier le texte de l'article 5 afin
d'assurer une compensation intégrale des coûts, de revoir les
modalités de financement du fonds du service public de la production et
enfin de renforcer le rôle de la Commission de régulation de
l'électricité.
Ne viser que les charges relatives au service public de
l'électricité
Dans la rédaction transmise au Sénat, il est prévu que
figurent notamment parmi les charges qui découlent de la mission de
développement et d'exploitation des réseaux publics de transport
et de distribution "
la participation, dans le cadre de la
sécurité publique, aux moyens mis en oeuvre dans les quartiers en
difficulté pour renforcer la présence du service public et la
médiation sociale
".
Votre commission estime que ces charges relèvent de la politique de la
ville : elles correspondent à une débudgétisation de
dépenses de l'Etat aux dépens d'EDF, qui finance des
" emplois villes ". En conséquence, la commission a
jugé que ces charges n'avaient pas à être financées
par le biais du fonds de péréquation de
l'électricité et elle a adopté un
amendement de
suppression
du
dernier alinéa (3°) du II de cet
article
.
Assurer une compensation intégrale des charges de service public
.
Votre commission désire indiquer que
les charges que finance le fonds
du service public de la production sont compensées
intégralement
et vous propose un
amendement
en ce sens au
premier alinéa du I
de cet article.
Financement du fonds de service public de la production
Votre commission est
soucieuse de voir tous les fournisseurs
d'électricité à des tiers
-à commencer par
Réseau Ferré de France (RFF) qui aura la faculté de
fournir de l'électricité à d'autres opérateurs
ferroviaires après l'entrée en vigueur de la loi-
soumis
à la
contribution
calculée sur le volume total de la
production consommée en France. C'est pourquoi elle souhaite, par un
amendement à la
première phrase du huitième
alinéa du I de cet article,
faire figurer les fournisseurs parmi les
assujettis à la taxe parce qu'ils livrent du courant à des
clients finals installés en France.
En revanche, votre commission
ne juge pas équitable de voir les
autoproducteurs produisant pour eux-mêmes
l'électricité
qu'ils consomment
taxés pour cette partie de leur consommation
.
Elle considère que l'institution d'une telle taxe est gravement
dommageable à l'équilibre économique des autoproducteurs
et, notamment, des installations de cogénération. C'est pourquoi
elle vous propose de supprimer toute référence à la
taxation des autoproducteurs à
l'article 8-I alinéa
premier
, ainsi que,
par coordination
, au
neuvième
alinéa du I
.
Pouvoirs de la CRE
Votre commission souhaite également que la
CRE évalue,
chaque année dans son
rapport
annuel,
le fonctionnement
du fonds
du service public de la production
, pour que soit rendu un
avis public et circonstancié sur cet instrument indispensable à
la mise en oeuvre du service public de l'électricité. Elle vous
proposera, à cette fin, un
amendement à la fin du I de cet
article
.
Enfin, votre commission a adopté des
amendements
rédactionnels
aux
troisième alinéa (1°) du
I
,
septième alinéa du I, troisième
alinéa (1°) du II et au III
,
et vous demandera
également de
supprimer
, par coordination avec un amendement
à l'article 4-I,
le cinquième alinéa (3°) du
I de l'article 5
.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.
TITRE II
-
LA PRODUCTION D'ÉLECTRICITÉ
Composé de sept articles (6 à 12) le
titre II détermine le régime juridique de la production
d'électricité. Il prévoit successivement :
- la programmation pluriannuelle des investissements
(article 6) ;
- le régime de l'autorisation d'exploiter une installation de
production (article 7) ;
- le régime des appels d'offres susceptibles d'être
lancés lorsque les capacités de production ne répondent
pas aux objectifs fixés par la programmation pluriannuelle
(article 8) ;
- les critères de sélection des autorisations des
réponses aux appels d'offres (article 9) ;
- l'obligation d'achat d'électricité produite par certains
procédés (article 10) ;
- le régime juridique de l'exploitation d'installations par des
collectivités locales (article 11 qui introduit une
section VI, composée de deux articles, L.2224-32 et L.2224-33,
dans le code général des collectivités locales) ;
- la possibilité pour les producteurs de compléter leur
offre (article 12).
Article 6 -
La programmation pluriannuelle des
investissements
La
directive 96/92 permet une planification a long terme des investissements.
Elle prévoit qu'une telle planification peut s'avérer
nécessaire pour remplir les obligations de service public, notamment en
matière de sécurité d'approvisionnement, de protection du
consommateur et de l'environnement. Ces principes généraux,
énoncés aux considérants 13 et 14, trouvent leur
application aux articles 3 à 6 du même texte, dont
l'article 3-2 précise que, sous réserve de l'application des
règles de concurrence fixées à l'article 90 du
traité instituant la Communauté européenne, les Etats
membres peuvent imposer aux entreprises du secteur de
l'électricité des obligations de service public dans
l'intérêt économique général. A condition
d'être clairement définies, transparentes, non discriminatoires et
contrôlables, publiées et communiquées sans tarder à
la Commission européenne, ces obligations sont susceptibles de
concerner :
- la sécurité, y compris la sécurité
d'approvisionnement ;
- la régularité ;
- la qualité ;
- le prix de la fourniture ;
- la protection de l'environnement.
Le même article indique enfin que : "
Comme moyen pour
réaliser les obligations de service public, les Etats membres peuvent
mettre en oeuvre une planification à long terme
". Celle-ci est
définie, à l'article 2 comme : "
la
planification des besoins d'investissement en capacité de production et
de transport dans une perspective de long terme, en vue de satisfaire la
demande en électricité du réseau et d'assurer
l'approvisionnement des clients
".
L'article 6 du projet de loi met en oeuvre ces dispositions de la
directive.
Contenu du projet de loi initial
La programmation pluriannuelle des investissements (I)
Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi, il n'existait pas de
planification des investissements d'origine étatique ni d'objectifs de
répartition par modes de production. Cependant les projets
d'investissement d'Electricité de France étaient
nécessairement soumis au contrôle du Comité
spécialisé énergie composé de représentants
des diverses administrations de l'Etat, puis à celui du Comité
des investissements économiques et sociaux (CIES) qui a
succédé au Fonds de développement économique et
social (FDES). L'apparition d'autres opérateurs sur le marché de
la production d'électricité conduit, pour répondre aux
obligations de transparence fixées par la directive, à
définir les modalités d'une
programmation pluriannuelle
des investissements
(PPI) qui fixe les objectifs en matière de
répartition des capacités de production :
- par source d'énergie primaire ;
- par technique de production ;
- par zone géographique.
Le
ministre chargé de l'industrie arrête la PPI
" périodiquement "
, selon le premier alinéa
du I, sans préciser cette périodicité. Celle-ci serait
d'au maximum cinq ans puisque le même ministre est tenu de
présenter un rapport au Parlement sur la programmation tous les
cinq ans. Toutefois, le premier de ces rapports sera
présenté dans l'année suivant la publication de la loi. Le
gestionnaire du réseau public de transport établit
, quant
à lui, au moins tous les deux ans,
un bilan prévisionnel
pluriannuel
, sous le contrôle de l'Etat. Ce bilan, qui se fonde sur
les évolutions de la consommation, des capacités de transport et
des échanges avec l'étranger, servira à
l'élaboration de la PPI.
Un régime d'autorisation (II)
Comme l'indique l'article 4 de la directive : "
pour la
construction de nouvelles installations de production, les Etats membres
peuvent choisir entre un système d'autorisation et/ou un système
d'appel d'offres
", sous réserve que l'un et l'autre
obéissent à des critères "
objectifs, transparents
et non discriminatoires
".
La France a choisi de conserver la plus grande latitude pour la construction
d'installations nouvelles, qui s'effectuera soit à la suite d'une
autorisation (articles 6-II, 7 et 9 du projet de loi) soit après un
appel d'offres (article 8 du même texte). Les autorisations seront
délivrées, aux termes du II premier alinéa, dans le cadre
de la PPI, à toute personne physique ou morale de droit privé ou
public, y compris les collectivités locales dont le statut particulier
est fixé par l'article 11 du texte qui introduit deux nouveaux
articles (L.2224-32 et L.2224-33) au code général des
collectivités locales.
Le projet de loi précise également que les installations
nouvelles sont celles qui :
- remplacent une installation existante ;
- font appel à une autre source d'énergie primaire ;
- augmentent
" significativement "
la puissance
disponible.
Mesures temporaires de sauvegarde (III)
Le troisième et dernier paragraphe du texte précise que si une
crise grave survient sur le marché de l'énergie, et constitue une
menace pour la sécurité des réseaux et installations
électriques ou un risque pour la sécurité des personnes,
des
mesures temporaires de sauvegarde
peuvent être prises par le
ministre chargé de l'énergie. Ce dernier aurait, par exemple, la
faculté de déroger aux quotas de production par filière
fixés par la PPI afin de permettre de maintenir la production globale au
niveau requis. Les dispositions de cet article seront précisées
par des décrets mentionnés au II de l'article 9.
Votre rapporteur regrette que, malgré ses demandes
réitérées, le Gouvernement ne lui ait pas fourni le
contenu de ces décrets.
Modifications adoptées par l'Assemblée nationale
Sans en bouleverser l'économie générale,
l'Assemblée nationale a apporté à cet article de
substantiels compléments, tant en ce qui concerne la programmation des
investissements qu'en matière d'autorisation des activités de
production ou d'édiction de mesures temporaires de sauvegarde en cas de
crise grave du marché de l'énergie.
La programmation pluriannuelle des investissements
L'Assemblée a tout d'abord prévu qu'avant le passage au
troisième stade de l'ouverture du marché de
l'électricité (qui surviendra le
1
er
janvier 2003) une
loi d'orientation sur
l'énergie
exposerait les lignes directrices de la programmation
pluriannuelle des investissements de production. Elle a ensuite
précisé que le ministre :
-
rendrait publique cette programmation
, laquelle serait
"
établie de manière à laisser une place aux
productions décentralisées, à la
cogénération et aux technologies nouvelles
" ;
-
présenterait un rapport au Parlement
dans l'année
suivant tout renouvellement de l'Assemblée nationale ;
- s'appuierait également
sur le schéma de services
collectifs de l'énergie
prévu par la loi n°99-533 du 25
juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement
durable du territoire pour élaborer la PPI.
Autorisation des activités de production
L'Assemblée nationale a souhaité
assouplir le régime
d'autorisation de la production
. C'est pourquoi elle a prévu que les
installations d'une puissance inférieure à
3 mégawatts seraient réputées autorisées
moyennant une déclaration préalable adressée au ministre
chargé de l'énergie (article 6-II alinéa 2). Ces
installations ne constituent en effet pas un enjeu concurrentiel car leur
puissance totale installée est très modeste.
Elle a également prévu que les autres installations ne feraient
pas l'objet d'une autorisation, mais d'une
simple déclaration,
dès lors que leur puissance augmenterait de moins de 10 %.
L'Assemblée a apporté une importante précision à la
notion
d'installation nouvelle
en y incluant outre les installations
dont la nature de l'énergie primaire vient à changer, les
installations qui remplacent une installation existante et les installations
qui majorent de 10 % au moins la puissance installée d'une
installation existante.
Elle a enfin prévu le dépôt d'une
"
déclaration d'intention "
, préalable au
dépôt d'une demande d'autorisation d'exploiter, afin de favoriser
la transparence de la procédure vis-à-vis de l'ensemble des
acteurs du marché. En pratique, le dernier alinéa de
l'article 6-II prévoit désormais qu'au moins deux mois
avant le dépôt d'une demande d'autorisation d'exploiter, il sera
nécessaire de déposer une déclaration d'intention
auprès du ministre chargé de l'énergie. Celui-ci
procédera à sa publication qui précisera :
- les capacités de production ;
- la source d'énergie primaire ;
- la technique de production ;
- la localisation de l'installation.
Mesures temporaires de sauvegarde
L'Assemblée nationale a, enfin, souhaité que les mesures
temporaires de sauvegarde prévues à l'article 6-III ne
puissent pas faire l'objet d'une indemnisation. Selon l'auteur de cette
disposition, celle-ci repose sur l'idée "
qu'il est important
[...] de garantir une indifférence totale à l'égard
d'éventuelles considérations de nature financière qui
pourraient interférer dans les décisions, sachant que les
montants en jeu peuvent être considérables
".
L'Assemblée nationale a, enfin, adopté un amendement de
portée rédactionnelle au premier alinéa du II de cet
article.
Observations de votre rapporteur
Votre rapporteur se félicite de l'annonce du dépôt d'une
loi d'orientation sur l'énergie avant le 31 décembre 2002
.
L'Assemblée nationale a, en adoptant cette disposition, suivi les
recommandations de la Commission d'enquête du Sénat sur le devenir
de la politique énergétique de la France présidée
par M. Jacques Valade, dont votre rapporteur présenta les conclusions
devant la Haute Assemblée. Comme le relevait cette Commission
d'enquête dans son rapport intitulé :
La politique
énergétique de la France : passion ou raison
, il est
hautement souhaitable de fixer le cadre de la politique à mener en
définissant une programmation à long terme des investissements
s'appuyant sur des quotas par combustible, en vue d'atteindre un
équilibre entre les sources d'énergie primaire
17(
*
)
.
Valeur normative et contenu de la PPI
Votre rapporteur s'interroge, en premier lieu, sur la
valeur normative de la
programmation pluriannuelle des investissements
. En effet, la PPI peut
constituer un cadre souple, destiné à orienter les choix
d'investissements afin de garantir l'équilibre des modes de production
et la répartition géographique des investissements. Elle
permettra, si elle est ainsi conçue, de diversifier les sources
d'approvisionnement, de conserver un équilibre entre les
différentes formes d'énergie fossiles, nucléaire et
renouvelable, en fonction des objectifs de compétitivité et de
sécurité d'approvisionnement que poursuit l'Etat, et facilitera
le développement de toutes les énergies renouvelables.
Votre rapporteur est
hostile à une programmation qui n'aurait d'autre
but que d'éviter une diversification des modes de production
afin de
protéger l'opérateur historique, en apparence et dans un premier
temps, au risque de menacer sa compétitivité sur le long terme.
Il estime, en particulier,
que la volonté d'influer sur la
répartition géographique des investissements ne doit pas conduire
à prohiber toute nouvelle installation
. Elle doit seulement tendre
à limiter le surdimensionnement du réseau de transport afin, par
exemple, d'éviter d'acheminer toujours plus d'électricité
du sud-est au nord-ouest de la France, région spécialement
déficitaire en termes de production.
C'est pourquoi votre commission vous proposera par un
amendement
au
premier alinéa de cet article
, de souligner le
caractère prévisionnel
de la PPI.
Modalités d'élaboration de la PPI
Il apparaît, en second lieu, souhaitable de
clarifier les conditions
dans lesquelles la décision prise par le ministre -responsable de
la définition de la PPI- est préparée.
En effet,
aux termes du texte transmis au Sénat, le ministre s'appuie, outre le
schéma de services collectifs de l'énergie, sur un
" bilan prévisionnel "
établi par le
gestionnaire du réseau de transport (GRT). Votre Commission des Affaires
économiques estime qu'il est nécessaire que le GRT communique,
notamment au Gouvernement, qui délivre les autorisations, les
éléments techniques sur les flux d'électricité en
France et avec l'étranger. Cependant, le GRT étant chargé
du
transport
, il n'apparaît pas qualifié pour
élaborer la programmation des
modes de production
qui fera
également partie de la PPI. Conserver le texte en l'état
susciterait, en outre, inévitablement des questions sur
l'éventuel " parti pris " du GRT en faveur de
l'opérateur historique dont il demeure un service. C'est pourquoi, la
Commission des Affaires économiques vous propose
un
amendement
au dernier alinéa du I
tendant à supprimer toute
référence au GRT à cet article.
Votre commission vous proposera également de mentionner, au
dernier
alinéa III
de cet article, la " sûreté ",
à côté de la " sécurité " parmi les
menaces qui justifient que le ministre prenne des mesures exceptionnelles.
Seront ainsi visées :
- non seulement la menace aux personnes et aux biens à laquelle se
rapporte la notion de " sécurité " (cf. sur ce point,
la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 relative à
l'organisation de la protection civile selon laquelle la
" sécurité civile " a pour objet la protection des
personnes, des biens et de l'environnement) ;
- mais aussi la menace encourue par les installations et les ouvrages.
Votre commission vous proposera également d'alléger le dispositif
de publicité des demandes d'autorisation en remplaçant la
déclaration d'intention prévue par le texte transmis par la
publication des caractéristiques de la demande dès sa
réception par le ministre par un
amendement
au dernier
alinéa du II.
Elle vous proposera des
amendements de précision
ou de
portée rédactionnelle
aux
deuxième et
troisième alinéas du II
et au
III
.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
Article 7 -
Régime de l'autorisation
d'exploiter
1.
Contenu du projet de loi initial
Le
premier paragraphe (I)
de cet article donne au ministre chargé
de l'énergie compétence pour délivrer
les autorisations
d'exploiter des installations nouvelles
. Celles-ci seront donc
concrètement formalisées par un arrêté
ministériel susceptible de recours devant le Conseil d'Etat, dans les
conditions fixées par le décret n° 53-934 modifié du
30 septembre 1953 portant réforme du contentieux administratif. Les
dispositions de l'article 5-3 de la directive, selon lesquelles des voies
de recours contre les décisions de refus d'autorisation doivent
être ouvertes au demandeur, sont donc bien respectées.
Afin d'éviter l'apparition d'un " marché des droits à
produire " de l'électricité, le second alinéa du I
précise que l'autorisation est "
liée à la
personne de son titulaire
", et qu'en cas de changement d'exploitant
l'autorisation d'exploiter pourra cependant être transférée
au nouvel exploitant par le ministre chargé de l'énergie. La
puissance publique aura donc à connaître des changements de
titulaire d'autorisation.
L'article 5-3 de la directive prévoit que les décisions de
refus d'autorisation sont "
motivées, justifiées et
communiquées à la Commission
". Le texte de
l'article 7 ne contient pas de dispositions relatives à ce point.
Dans le silence de la loi, les dispositions de la loi du 11 juillet 1979 qui
imposent une motivation des décisions individuelles défavorables
aux personnes qu'elles concernent directement et des décisions
administratives qui dérogent aux règles générales
fixées par les lois et règlements s'appliquent donc et satisfont
par anticipation à l'obligation de transposition.
On notera cependant que ce texte ne mentionnant pas de procédure de
notification pour information à la Commission européenne celle-ci
sera précisée par décret, afin de respecter la directive.
Les paragraphes II et III
du même article régissent
les
autorisations relatives aux installations existantes
à la date de
publication de la loi.
Le paragraphe II mentionne les titres administratifs délivrés
conformément aux dispositions de la loi du 16 octobre 1919
relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique (concessions
pour les installations dont la puissance dépasse 4.500 Kw, autorisations
pour les installations dont la puissance est inférieure à 4.500
Kw). Ceux-ci sont assimilés aux autorisations prévues par
l'article 7.
Le paragraphe III précise que les autres installations existantes
"
régulièrement établies à la date de
publication de la loi sont réputées autorisées
".
Cette disposition permet d'éviter de devoir délivrer une
autorisation à l'ensemble des installations existantes dans les
conditions prévues par la nouvelle loi, tout en réservant le cas
des installations qui auraient été mises en service de
façon irrégulière, lesquelles pourront faire l'objet des
sanctions établies à l'article 39 du projet de loi (sanction
pécuniaire ou retrait temporaire de l'autorisation d'exploiter).
Il convient de noter que, conformément aux dispositions de
l'article 9-II, les dispositions de l'article 7 pourront être
précisées par des décrets en Conseil d'Etat.
2.
Modifications adoptées par l'Assemblée nationale
A cet article, l'Assemblée nationale a apporté
deux modifications.
La première donne une nouvelle rédaction du dernier alinéa
du I afin de signifier plus clairement le caractère nominatif et
incessible des autorisations de production. La seconde tend à
préciser, dans un paragraphe, IV que les producteurs autorisés
à exploiter des installations au sens de l'article 7 peuvent
consommer l'énergie fournie pour leur propre usage.
3.
Observations de votre rapporteur
Votre rapporteur regrette, tout d'abord,
que le Gouvernement ne lui ait pas
communiqué le contenu des projets de décrets relatifs à
cet article.
En effet, comme il a eu l'occasion de le souligner dans
l'exposé général du présent rapport,
ces
décrets joueront un rôle essentiel dans la mise en oeuvre de la
loi.
Il juge, en outre, souhaitable d'assurer le bon déroulement de
l'instruction des demandes d'autorisation en les confiant à la CRE et en
prévoyant que la commission émet sur ces demandes un avis
motivé et public (
amendement
au
premier alinéa du
I
).
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
Article 8 -
Appels d'offres pour la production
d'électricité
Comme on
l'a vu à l'article précédent, les Etats peuvent
également recourir à la procédure d'appel d'offres pour la
construction de nouvelles installations de production. Celle-ci s'entend, selon
le 20) de l'article 2 de la directive, comme "
la procédure
par laquelle des besoins additionnels et des capacités de renouvellement
planifiés sont couverts par des fournitures en provenance
d'installations de production nouvelles ou existantes
". Son
régime juridique est fixé par l'article 6 de la directive.
Evaluation des capacités de production et des besoins
La directive énonce que l'évaluation des besoins passe par un
inventaire préalable des ressources disponibles, et qu'elle est suivie
d'une procédure de choix des concurrents transparente, sous la direction
d'une entité indépendante.
Un inventaire préalable des ressources
Si un Etat choisit de recourir à la procédure d'appel d'offres,
il est tenu d'
établir un inventaire des nouveaux moyens de
production
en fonction du bilan prévisionnel réalisé,
au moins tous les deux ans, par le gestionnaire du réseau. Ce bilan
porte sur :
- les capacités de production et de transport susceptibles
d'être raccordées au réseau ;
- les besoins d'interconnexions avec d'autres réseaux ;
- les capacités de transport potentielles ;
- la demande d'électricité (article 6-2).
En France, le gestionnaire de réseau sera tenu de présenter un
bilan qui, aux termes de l'article 6-I alinéa 3 :
" prend en compte les évolutions de la consommation, les
capacités de transport, les échanges avec les réseaux
étrangers "
, ce qui répond aux dispositions de
l'article 6-II de la directive.
Une procédure transparente de mise en concurrence au niveau
européen
L'article 6-3 de la directive prévoit que
la procédure
est transparente
, afin de permettre aux concurrents de présenter
leurs offre grâce à :
- une
publication au Journal officiel
des Communautés
européennes au moins six mois avant la clôture de l'appel
d'offres ;
- la
mise à disposition du cahier des charges
à
toutes les entreprises intéressées ;
- la
description détaillée des spécifications du
marché et de la procédure
suivie par tous les
soumissionnaires ;
- la
publication de la liste exhaustive des critères
qui
déterminent la sélection
des
soumissionnaires
et
l'attribution du marché
.
Mise en oeuvre par une entité indépendante
L'article 6-5 de la directive astreint les Etats à désigner
" une autorité ou un organisme privé ou public
indépendant des activités de production et de distribution
d'électricité "
. Cette autorité, garante de la
confidentialité des offres des soumissionnaires, est responsable de
l'organisation, du suivi et du contrôle de la procédure d'appel
d'offres.
1.
Contenu du projet de loi initial
La
procédure d'appel d'offres
est
destinée
remédier à une situation de sous-production globale ou
partielle
affectant l'un des modes de production prévus par la PPI,
qui, comme on l'a vu ci-dessus, fixera des objectifs de production par mode
(nucléaire, gaz, charbon, pétrole, énergies
renouvelables). Dans ce cas, "
lorsque les capacités de
production ne répondent pas aux objectifs de la PPI "
, le
ministre a la faculté de recourir à un appel d'offres,
après avis du GRT, ce qui est conforme aux dispositions
précitées de la directive (article 8, alinéa premier).
L'entité indépendante chargée de l'organisation de
l'appel d'offres sera,
en France,
la Commission de régulation de
l'électricité
. Les conditions dans lesquelles celle-ci
" met en oeuvre la procédure "
(article 8
alinéa 2) seront définies par un décret qui s'inspirera
des dispositions analogues du code des marchés publics.
Les soumissionnaires pourront être :
- toute personne physique ou morale de droit public ou privé
désirant exploiter une unité de production sur le territoire de
la Communauté européenne ou, dans le cadre d'accords
internationaux, sur le territoire de tout autre Etat ;
- les collectivités locales, dans les conditions prévues aux
articles L.2234-32 et 33 du code général des collectivités
territoriales, relatifs à la distribution d'électricité
(cf. article 17).
Une fois la procédure d'appel d'offres terminée, le
ministre
retrouve une plus grande latitude puisqu'il
peut
,
après avoir recueilli l'avis de la CRE,
désigner les candidats
retenus et délivrer une autorisation
dans les conditions
prévues à l'article 7, ou s'abstenir de donner suite à
l'appel d'offres.
Les deux derniers alinéas de l'article 8 visent le cas où le
soumissionnaire retenu n'est pas EDF. En application de l'article 3-2 de la
directive, l'Etat conserve le pouvoir d'imposer des obligations de service
public à EDF. L'opérateur public est par conséquent tenu
de conclure un contrat d'achat d'électricité dans les conditions
prévues par l'appel d'offres, tout en préservant la
confidentialité des informations économiques, commerciales,
industrielles, financières ou techniques dont le service qui
achète l'électricité a connaissance, afin de garantir le
respect des règles de libre concurrence et de non discrimination. La
violation de cette obligation, par toute personne appartenant au service d'EDF
qui achète l'électricité et qui en serait
dépositaire, est punie de 100.000 francs d'amende.
2.
Modifications adoptées par l'Assemblée nationale
A cet article, outre deux amendements de portée rédactionnelle,
l'Assemblée nationale a adopté quatre amendements qui
précisent que :
- le ministre définit les conditions de l'appel d'offres que la CRE
met en oeuvre sur la base d'un cahier des charges
"
détaillé
" (alinéa 2) ;
- le service d'EDF précité est celui qui
"
négocie et conclut le contrat d'achat
"
(alinéa 6) ;
- la concurrence doit être "
libre et loyale "
(dernier alinéa) ;
- toute personne dépositaire des informations confidentielles
visées à cet article (et non plus seulement les
dépositaires appartenant à EDF) serait punie d'une amende de
100.000 francs si elle communiquait ces informations à des tiers.
3.
Observations de votre rapporteur
Renforcer la place de la CRE.
Il est nécessaire de renforcer les compétences consultatives de
la CRE en matière de choix des candidats aux appels d'offres. En effet,
si la décision doit revenir au ministre, il est souhaitable que celui-ci
soit éclairé par la commission de régulation. C'est
pourquoi, votre rapporteur vous propose d'adopter
deux amendements
tendant à donner compétence à la CRE pour
émettre des avis motivés et rendus publics
:
-
sur l'opportunité de recourir à la procédure
d'appel d'offres
, tout comme le fera le GRT (
article 8, premier
alinéa
) ;
- sur
la désignation
des candidats
par le ministre
(
quatrième alinéa
).
Etendre le champ de la sanction frappant la violation de la
confidentialité de certaines informations
Il vous propose, en outre, de préciser le champ d'application de
la
sanction prévue au dernier alinéa de cet article
pour les
personnes qui seraient dépositaires de ces informations et qui les
divulgueraient, dans des conditions analogues à celles qu'il vous
proposera d'adopter à l'article 16 (cf. ci-dessous) par une
formule qui s'inspire des dispositions du code pénal relatives à
la protection du secret professionnel.
Il vous suggère enfin d'adopter
trois amendements
rédactionnels
aux
troisième et dernier alinéas
de cet article.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.
Article 9 -
Critères d'attribution des
autorisations et de choix des réponses aux appels d'offres tendant
à la création d'une installation de production
Le
cinquième article de la directive n° 96/92
précitée dispose que les Etats qui choisissent la
procédure d'autorisation fixent des critères rendus publics pour
l'octroi des titres qui y sont relatifs. Ces critères peuvent porter
sur :
- la sécurité et la sûreté des réseaux
électriques, des installations et des équipements
associés ;
- la protection de l'environnement ;
- l'occupation des sols et le choix des sites ;
- l'utilisation du domaine public ;
- l'efficacité énergétique ;
- la nature des sources primaires ;
- les caractéristiques particulières du demandeur (qu'elles
soient techniques, économiques ou financières) ;
- les dispositions de l'article 3 de la directive relatives aux
obligations de service public.
Le texte précise enfin que les raisons d'un refus d'autorisation sont
objectives, non discriminatoires, dûment motivées et
justifiées, communiquées au demandeur et à la Commission
européenne, et susceptibles de recours.
1.
Dispositions du projet de loi initial
Les six premiers alinéas du I du projet de loi initial reprennent
l'intégralité des critères fixés par la directive,
exception faite des
" sources d'énergie primaire "
visées à l'article 5-1 f), tout en précisant explicitement
que figurent parmi ces critères : "
la compatibilité
avec les principes et les missions de service public, notamment avec la
programmation pluriannuelle des investissements
".
Le septième alinéa de l'article dispose que ces critères
s'appliquent également à l'élaboration des conditions des
appels d'offres visés à l'article 8.
Le huitième alinéa précise, enfin, que l'octroi d'une
autorisation d'exploiter ne dispense pas son bénéficiaire
d'obtenir les titres requis par d'autres lois. Cette disposition, qui traduit
le principe de spécialité des législations, est d'autant
plus utile que la réalisation d'une installation de production
d'énergie suppose l'obtention de diverses autorisations telles que :
- le permis de construire ;
- l'autorisation délivrée en application de la loi
n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations
classées pour la protection de l'environnement ;
- l'autorisation préalable à la création d'une
installation nucléaire de base, conformément aux dispositions du
décret n° 63-1228 du 11 décembre 1963 ;
- les titres administratifs requis pour l'exploitation d'une installation
hydroélectrique, dans les conditions fixées par la loi du
16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie
hydraulique ;
- le certificat de conformité (pour une installation utilisant une
technique de cogénération), délivré
conformément aux dispositions de l'article 1
er
du
décret n° 55-662 du 20 mai 1955 modifié et de
l'arrêté du 23 janvier 1995).
Le paragraphe II précise enfin que des décrets en Conseil
d'Etat fixent les modalité d'application des articles 6 à 9
de la loi.
2.
Modifications adoptées par l'Assemblée nationale
A cet article, l'Assemblée nationale a adopté
trois amendements. Le premier tend à prévoir que les
critères d'octroi de l'autorisation "
peuvent porter
sur
" la liste que fixe l'article alors que dans la rédaction
initiale, l'autorité "
prenait ces critères en
considération
". La nouvelle rédaction reprend, sur ce
point, les termes mêmes de l'article 5-1 de la directive.
L'Assemblée nationale a également inclus dans la liste des
critères d'octroi de l'autorisation d'une part "
la nature des
sources d'énergie primaire
" mentionnée à
l'article 5-1 f) de la directive, et, d'autre part,
" le
respect de la législation sociale en vigueur ",
qui, lui, ne
figure pas dans la liste dressée aux alinéas a) à h) de
l'article 5-1 de la directive.
3.
Observations de votre rapporteur
Il est souhaitable
d'éviter tout arbitraire
lors de la
délivrance ou du refus de délivrer des autorisations d'exploiter
des installations de production d'électricité : tous les
candidats à l'exploitation d'une centrale électrique doivent
être placés dans une situation de stricte égalité.
C'est pourquoi votre rapporteur vous propose de mentionner explicitement les
cas dans lesquels l'autorisation peut être refusée.
Un
premier amendement
au premier alinéa du paragraphe I
de
cet article tend à préciser que l'autorisation " porte
sur " et non plus " peut porter sur " afin de souligner que
dès lors que les conditions fixées par cet article sont remplies,
l'autorisation doit être accordée.
Votre rapporteur vous proposera de
supprimer le septième
alinéa
de cet article, qui concerne la compatibilité des
demandes d'autorisations avec la programmation des investissements. Cette
disposition est susceptible de faire l'objet d'une interprétation
particulièrement rigoureuse par le Gouvernement, ce qui aurait pour
effet de priver la libéralisation de tout effet. Cette
compatibilité doit -tout comme la PPI- être
appréciée de
façon souple
et non pas constituer un
carcan
.
Un
amendement
au
dernier alinéa (II)
de cet article tend
à prévoir que
la CRE émettra un avis simple sur les
projets de décret
pris pour l'application des articles 6 à 9
de la loi. On voit mal, en effet, pourquoi la CRE qui pourra, en vertu de
l'article 31 alinéa 2 du texte, être associée à la
représentation française dans les organisations internationales
et communautaires compétentes en matière
d'électricité, et être consultée sur les projets de
règlements relatifs au transport d'électricité, ne saurait
émettre un simple avis sur des projets de décrets relatifs aux
appels d'offres qu'elle a pour mission de mettre en oeuvre en vertu de
l'article 8 alinéa 2.
Votre rapporteur vous proposera enfin d'adopter
deux amendements
rédactionnels
au
neuvième alinéa
et au
dernier alinéa du I
de cet article.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.
Article 10 -
Obligation d'achat
d'électricité incombant à EDF
Cet
article tend, comme le précise l'exposé des motifs du projet de
loi, à déterminer le régime de l'obligation d'achat de
courant imposée à EDF, afin de
" favoriser le recours
à des énergies respectueuses de l'environnement ou des techniques
de production performantes en termes d'efficacité
énergétique ".
1.
Le droit en vigueur
Une obligation d'achat d'électricité a déjà
été imposée à l'opérateur historique par le
passé. C'est ainsi qu'un décret n° 55-662 du 20 mai 1955 a
prescrit à EDF et aux DNN l'achat de courant en provenance des
producteurs non nationalisés détenant des installations
inférieures à 8.000 Kva, des installations annexes à des
réseaux de chaleur, des installations d'auto-production
réalisées par les collectivités pour leur propre
utilisation et accessoires d'un service public. Le tarif d'achat était
calculé compte tenu du tarif de vente du courant, des
" coûts évités à EDF "
et des
charges supportées par l'opérateur monopolistique pour distribuer
l'énergie produite aux clients finals.
Le décret n° 55-662 précité permettait aux pouvoirs
publics de lever l'obligation d'achat pesant sur EDF et les DNN, sans que le
ministre ne puisse, toutefois, moduler la suspension de cette obligation ou
l'assortir de conditions particulières.
Le développement de petites unités de production n'étant
plus nécessaire, compte tenu de capacités de production largement
suffisantes, le décret n° 94-1110 du 20 décembre 1994 a
prévu la possibilité de suspendre, de façon
sélective, l'obligation d'achat de courant aux producteurs non
nationalisés, exception faite de celui produit par
cogénération, par les énergies renouvelables ou à
partir de déchets, pour lesquels l'obligation d'achat était
renforcée, puisque le ministre perdait le droit de la suspendre. En
application de ce décret, un arrêté du 23 janvier 1995,
prorogé le 20 janvier 1998, a levé l'obligation de conclure
de nouveaux contrats d'achat pour une durée de trois ans pour les modes
de production autres que la cogénération, les énergies
renouvelables et l'utilisation de déchets.
2.
Dispositions du projet de loi initial : l'obligation d'achat,
moyen de mettre en oeuvre la programmation pluriannuelle des
investissements
Dans le droit fil de la réforme évoquée ci-dessus,
l'article 10 du projet de loi limite le bénéfice de l'obligation
d'achat par EDF à des producteurs qui ne pourront pas vendre leur
courant à des clients éligibles, du fait de leur taille trop
modeste, ainsi qu'à des producteurs dont la puissance publique souhaite
favoriser l'existence, en raison des avantages écologiques du mode de
production qu'ils utilisent. Le premier alinéa de cet article limite, en
conséquence, l'obligation d'achat aux productions qui utilisent :
- des énergies renouvelables ;
- des déchets ;
- des produits non commercialisables ;
- et à celles qui
" mettent en oeuvre des techniques
performantes en termes d'efficacité
énergétique "
, dès lors qu'elles
" ne
peuvent trouver des clients dans des conditions économiques
raisonnables ".
L'obligation d'achat ne concerne que les unités de production
situées sur le territoire national et s'applique sous réserve de
la préservation du
" bon fonctionnement des
réseaux "
. Comme tel était le cas sous l'empire du
décret n° 94-1110 du 20 décembre 1994, l'obligation de
conclure un contrat d'achat ne vaut que lorsque les producteurs
intéressés en font la demande à EDF. En outre, cette
obligation de " conclure un contrat " peut-être suspendue par
décret, de façon totale ou partielle, pour une durée qui
ne peut excéder dix ans, dès lors que son application ne
répond plus aux objectifs fixés par la PPI ou n'est plus
nécessaire pour les atteindre.
La possibilité de suspension ne
vaut que pour l'obligation de conclure un contrat
. Elle est
sans effet
sur le déroulement des contrats en cours
qui continuent de
s'exécuter.
Aux termes des deuxième et troisième alinéas du texte, des
décrets fixeront :
- les obligations qui s'imposeront aux producteurs qui
bénéficieront de l'obligation d'achat ;
- les conditions dans lesquelles les ministres respectivement
chargés de l'économie et de l'énergie arrêteront,
après avis de la CRE, les conditions d'achat de l'énergie.
Conformément aux dispositions de l'article 5-I-1° et 2°
alinéa 3 du projet de loi, les charges spécifiques
résultant de l'obligation d'achat font l'objet d'une compensation
versée par le fonds des charges d'intérêt
général.
3.
Modifications apportées par l'Assemblée nationale et
observations de votre rapporteur
A cet article, l'Assemblée nationale a apporté des amendements
tendant à :
- étendre aux DNN l'obligation de conclure un contrat d'achat avec
les producteurs qui en font la demande ;
- étendre l'obligation d'achat à l'électricité
produite par des installations qui visent à alimenter un réseau
de chaleur dès lors que la puissance de ces installations correspond
à la taille du réseau de chaleur ;
- porter à 12 Mégawatts le seuil au-dessous duquel
s'applique l'obligation d'achat ;
- préciser que la faculté de suspendre les contrats ne
s'applique pas aux contrats en cours ;
- ne soumettre la suspension des contrats qu'à la condition que
leur exécution ne réponde plus aux objectifs de la PPI, et ne
plus faire référence au fait que
" cette obligation
n'apparaisse plus nécessaire pour atteindre ces objectifs ".
Votre rapporteur vous proposera d'adopter des
amendements
rédactionnels
aux
premier, deuxième (1°),
troisième (2°), quatrième
et dernier
alinéas
de cet article.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.
Article 11
-
(articles L.2224-32 et L.2224-33 du code
général des collectivités locales) -
Régime juridique de l'exploitation d'installations
par
les collectivités locales et production d'électricité par
les DNN
dans leur zone de desserte exclusive
Le livre
II du code général des collectivités locales est
consacré à l'administration et aux services communaux. Son titre
II, qui concerne spécifiquement les services communaux, se compose de
quatre chapitres, respectivement relatifs :
- aux régies municipales ;
- aux concessions et affermages ;
- aux cimetières et opérations funéraires ;
- aux services publics industriels et commerciaux (chapitre 4).
Les articles 11 et 17 du projet de loi prévoient d'introduire, à
la fin de ce dernier chapitre, une section 6, intitulée
"
Distribution et production d'électricité
",
consacrée aux interventions des collectivités locales dans le
domaine de l'électricité. L'article 11 prévoit plus
précisément, d'une part (I), d'insérer deux articles
2224-32 et 2224-33 dans le code précité. Et d'autre part, (II)
d'autoriser les DNN à exploiter certaines installations de production.
RAPPEL SUR LES COMPÉTENCES ACTUELLES DES COLLECTIVITÉS LOCALES EN MATIÈRE DE PRODUCTION D'ÉLECTRICITÉ
Les
6°), 7°) et 12°) du troisième alinéa de
l'article 8 de la loi n° 46-628 sur la nationalisation de
l'électricité et du gaz modifiée excluent notamment du
champ de la nationalisation :
"
les installations réalisées
[...] sous
l'autorité des collectivités locales ou des établissements
publics ou de leurs groupements,
en vue
d'utiliser le pouvoir
calorifique des résidus et déchets collectés dans les
centres urbains ou en vue d'alimenter un réseau de chaleur "
lorsqu'elles sont " gérées par les collectivités
locales, selon les diverses modalités définies par le code des
communes "
;
les aménagements de production d'électricité utilisant
de l'énergie hydraulique
dont la puissance installée ne
dépasse pas 8.000 Kva ;
les installations nouvelles exploitées par les collectivités
pour leur propre utilisation.
Dans un avis du 30 novembre 1982, le Conseil d'Etat a estimé
que -sous réserve du respect des conditions fixées par le
quatrième alinéa de l'article 8 de la loi du
8 avril 1946-, il était loisible à une
collectivité locale
" d'aménager, d'exploiter [...] de
nouvelles installations de production d'électricité sans
limitation de puissance, non seulement en vue de la satisfaction des besoins en
électricité de services publics [...] mais aussi en vue de la
distribution aux habitants de la collectivité
". La Haute
juridiction soulignait toutefois que la disposition précitée
" n'autorise pas une collectivité locale à produire de
l'électricité en vue de la distribution de celle-ci aux habitants
d'autres collectivités, à moins qu'elle ne se trouve
groupée avec ces dernières dans un syndicat de communes, un
district ou une communauté urbaine et que les installations ne soient
gérées par ce groupement ".
MODIFICATION DU RÉGIME APPLICABLE AUX
COLLECTIVITÉS
LOCALES (articles L.2224-32 et L.2224-33, I)
Article L.2224-32 du code général des collectivités
locales -
Compétence des collectivités locales en
matière de production électrique
1.
Contenu du projet de loi initial
Cet article reprend et complète la liste fixée par
l'article 8 de la loi du 8 avril 1946 précitée en
ouvrant aux communes et aux établissements publics de coopération
intercommunale (EPCI) dont elles sont membres la faculté de produire de
l'électricité sur leur territoire, sous des conditions qu'elle
fixe avec précision.
Le courant produit à ce titre ne peut être destiné à
l'alimentation de clients éligibles.
Les nouvelles installations de production que vise l'article 11 doivent avoir
reçu l'autorisation d'exploiter, dont le régime est fixé
par l'article 7 du projet de loi, et disposer :
- d'installations hydroélectriques dont la puissance maximale
installée des équipements susceptibles de fonctionner
simultanément ne dépasse pas 8.000 Kwa ;
- d'installations fonctionnant grâce à la valorisation des
déchets ménagers ou assimilés, ou à la
récupération d'énergie provenant d'installations visant
l'alimentation d'un réseau de chaleur (sans limitation de
puissance) ;
- d'installations utilisant des énergies renouvelables (sans
limitation de puissance) ; cette nouvelle catégorie est
créée par le projet de loi.
Le même article précise enfin que ces dispositions s'appliquent
sans préjudice du maintien des activités de production existantes
à la date de publication de la loi et que les collectivités
peuvent bénéficier de l'obligation d'achat prévu à
l'article 10.
2.
Modifications adoptées par l'Assemblée nationale
Outre deux amendements de portée rédactionnelle,
l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à
préciser, à cet article, que les installations qu'il vise
devaient permettre
" une réelle économie d'énergie
et un progrès en matière de réduction des pollutions
atmosphériques ".
3.
Observations du rapporteur
Aligner sur le droit commun le régime d'autorisation applicable aux
collectivités locales concernées
Il convient
d'aligner la procédure d'autorisation des installations
de production des collectivités territoriales sur le droit commun.
Or, le libellé du premier alinéa de cet article a pour effet de
soumettre ces collectivités à la
procédure
d'autorisation
prévue par l'article 8 alinéa 12 de la
loi de 1946. Celle-ci n'est délivrée que si les installations ne
présentent qu'une "
utilité accessoire
" par
rapport au service public nationalisé (article 8, alinéa 8
et alinéa 2, de la loi de 1946 précitée).
Dès lors que la production d'électricité n'est plus
nationalisée, la notion même "
d'installation ne
présentant qu'une utilité accessoire
" par rapport au
service public nationalisé, n'a plus lieu d'être.
En revanche, il est souhaitable de souligner que les installations des
collectivités territoriales ont pour vocation de servir à la
" propre utilisation " de celles-ci. C'est pourquoi votre rapporteur
vous proposera
un amendement au premier alinéa de
l'article L.2224-32 du code général des collectivités
territoriales
, afin de supprimer toute référence à
l'article 8 alinéa 12 de la loi de 1946 dont il proposera, en outre, la
suppression par un amendement à l'article 50.
Affirmer le droit de produire de l'électricité appartenant
aux communes et à leurs établissements publics
Afin d'éviter toute équivoque, votre rapporteur vous propose
d'adopter au
premier alinéa de l'article L.2224-32
du code
général des collectivités territoriales un amendement
tendant à préciser que les communes et leurs EPCI peuvent non
seulement exploiter, mais aussi aménager dans les conditions
prévues par ce code, c'est-à-dire soit directement par
elles-mêmes, soit par l'intermédiaire d'un tiers des installations
de production dans les limites fixées par cet article.
Votre rapporteur vous demandera enfin d'adopter
un amendement
rédactionnel
au
dernier alinéa
de cet article.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.
Article L.2224-33 du code général des
collectivités locales -
Installations de production
d'électricité de proximité
1.
Contenu du projet de loi initial
Le régime juridique de la distribution d'électricité est
déterminé à l'article 17 de la loi.
L'article L.2224-33 du code général des collectivités
locales introduit par l'article10 prévoit, quant à lui, que les
communes et les EPCI dont elles sont membres peuvent aménager, exploiter
ou faire exploiter par leurs concessionnaires des installations de production
de proximité dont la puissance est inférieure à un seuil
fixé par décret, dès lors que leur existence est de nature
à
" éviter dans de bonnes conditions économiques
l'extension ou le renforcement des réseaux publics de distribution
d'électricité "
qui relèvent de leur
compétence. Cette disposition est, comme le souligne l'exposé des
motifs, destinée à favoriser la production
décentralisée d'électricité dès lors que
celle-ci évite d'accroître les capacités des réseaux
et donc d'effectuer de nouveaux investissements. Elle est limitée au cas
où ces installations sont rentables, d'où la
référence aux "
bonnes conditions
économiques
" qui doivent caractériser ces
opérations.
En outre, cet article ne vise que les installations dont la puissance est
inférieure à un seuil fixé par décret.
Votre
rapporteur souhaiterait obtenir des précisions sur les critères
qui présideront à la définition de ce seuil et sur les
raisons qui conduisent le Gouvernement à y avoir recours.
2.
Modifications adoptés par l'Assemblée nationale
A cet article, l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui
tend à mentionner, au premier alinéa, à côté
des "
bonnes conditions économiques
" auxquelles
doivent répondre les installations de production de proximité
visées à l'article L.2222-33, la "
qualité et la
sûreté des installations électriques
".
LES
DISTRIBUTEURS NON NATIONALISÉS
ET LA PRODUCTION
D'ÉLECTRICITÉ (article L.2224-33, II)
1.
Contenu du projet de loi
Le paragraphe II de l'article II du projet de loi prévoit que les
DNN autres que ceux qui sont gérés par des régies ou par
une société d'économie mixte pourront exploiter des
installations de production d'électricité afin de satisfaire des
clients situés dans leur zone de desserte exclusive, y compris les
clients éligibles.
Cet article est, par conséquent, applicable aux DNN qui ne sont pas
soumis (régies) ou liés (SEM) à des collectivités
locales, c'est-à-dire à ceux qui sont soit des
sociétés anonymes, soit des sociétés
coopératives, soit des sociétés collectives agricoles
d'électricité. Ces structures ne sauraient relever du
régime prévu au I pour les collectivités locales. C'est
pourquoi, le II fixe un régime plus souple. La seule contrainte pour le
DNN est d'obtenir l'autorisation d'exploiter prévue à l'article 7
dans les conditions de droit commun et de satisfaire des clients situés
dans sa zone de desserte exclusive qu'ils soient ou non éligibles (alors
que, rappelons-le, l'article L.2224-32, premier alinéa,
interdit aux collectivités locales de vendre leur production aux clients
éligibles et indique que la puissance des installations de production
d'énergie autorisée par l'article L.2224-33, pour éviter
l'extension ou le renforcement des réseaux publics, est limitée
par décret).
2.
Modifications adoptées par l'assemblée nationale
L'Assemblée a adopté un amendement au paragraphe II de
l'article 11, afin de préciser que tous les DNN dotés de la
personnalité morale et de l'autonomie financière auront la
faculté de produire de l'énergie. Selon le rapporteur, auteur de
cet amendement, seules certaines micro-régies communales,
dépourvues de l'autonomie financière, ne jouiront pas de la
faculté de produire du courant électrique.
3.
Observations de votre rapporteur
Votre rapporteur vous présentera un
amendement de
précision
tendant à remplacer la référence aux
"
communes et EPCI dont elles sont membres
" par celle aux
"
autorités concédantes de la distribution
d'électricité
" précision indispensable puisque
deux départements ont le statut d'autorités concédantes.
Rien ne justifie, en effet, de ne pas leur conférer les mêmes
droits qu'aux autres autorités concédantes.
Il vous proposera, outre un amendement de précision,
trois amendements rédactionnels
à
l'article L.2224-33 du code général des collectivités
territoriales.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.
Article 12 -
Conclusion de contrats
d'approvisionnement par les producteurs
afin de compléter leur offre
1.
Dispositions du projet de loi initial
L'article 22- IV du projet de loi initial donne au ministre chargé de
l'énergie compétence pour délivrer l'autorisation
d'exercer l'activité d'achat d'électricité pour revente
aux clients éligibles, connue sous le nom de négoce, ou de son
équivalent en langue anglaise " trading ". L'article 12 ouvre,
quant à lui, la faculté d'exercer cette activité aux
producteurs d'électricité, à l'exception des
collectivités territoriales et des EPCI dont elles sont membres.
Cet article octroie également à ces producteurs la faculté
de conclure des contrats d'approvisionnement avec des producteurs ou des
fournisseurs autorisés, que ceux-ci soient installés sur le
territoire d'un Etat membre de la Communauté européenne ou sur le
territoire de tout autre Etat, dans le cadre de l'exécution d'accords
internationaux. Ces " accords internationaux " sont ceux visés
à l'article 55 de la Constitution. Ils ressortissent donc au droit
international public.
2.
Cet article a été supprimé par l'Assemblée
nationale
Le rapporteur a souhaité que les dispositions figurant à cet
article soient transférées au IV de l'article 22 et a, en
conséquence, demandé et obtenu, outre la suppression de
l'article 12, leur adoption, sous une forme légèrement
modifiée au plan rédactionnel, au IV de l'article 22.
Votre rapporteur se propose, en conséquence, de revenir sur leur contenu
dans son commentaire de l'article 22.
Votre commission vous propose de maintenir la suppression de cet article.
TITRE III
-
TRANSPORT ET DISTRIBUTION D'ÉLECTRICITÉ
Composé de deux chapitres respectivement consacrés au transport et à la distribution de l'électricité, le titre III du projet de loi comprend huit articles (13 à 20).
CHAPITRE
1
ER
-
RÉGIME JURIDIQUE DU
TRANSPORT D'ÉLECTRICITÉ
Consacré au transport de l'électricité
qui,
rappelons-le, s'effectue grâce à des installations d'une
capacité supérieure à 63 Kva, ce chapitre contient
quatre articles fondamentaux du projet de loi puisqu'ils
déterminent :
- le
statut du gestionnaire du réseau public de transport
ou
GRT
(article 13) ;
- les
missions
du GRT (article 14) ;
- les
modalités d'action
du GRT (article 15) ;
- les
sanctions applicables au personnel
du GRT en cas de
transmission d'informations confidentielles (article 16).
Ces quatre articles ont pour objet de transposer les articles 7 à 9
de la directive dont l'économie générale est la
suivante :
1.
Le gestionnaire de réseau est la pierre angulaire du transport
de l'électricité
Le GRT est "
responsable de l'exploitation, de l'entretien et, le cas
échéant, du transport dans une zone donnée ainsi que de
ses interconnexions avec d'autres réseaux
" (article 7-1
de la directive). Il gère "
le flux d'énergie sur le
réseau, compte tenu des échanges avec les réseaux
interconnectés
" et assure "
la sécurité,
la fiabilité, l'efficacité
" du réseau tout en
veillant à "
la disponibilité de tous les services
auxiliaires indispensables
18(
*
)
" (article 7-3 de la
directive). En relation avec les GRT des autres Etats membres, il garantit une
"
exploitation sûre et efficace, un développement
coordonné et l'interopérabilité du réseau
interconnecté
", (article 7-4 de la directive). Au plan
technique, le GRT est "
responsable de l'appel des installations de
production situées dans sa zone de compétence
"
(article 8-1 de la directive).
2.
Le GRT doit appliquer strictement des principes permettant le
fonctionnement d'un véritable marché
En premier lieu, le GRT
s'abstient de " toute discrimination "
entre les utilisateurs ou les catégories d'utilisateurs, notamment en ce
qui concerne ses filiales ou ses actionnaires (article 7-5 de la
directive). Il doit, en deuxième lieu, "
préserver la
confidentialité des informations commercialement sensibles dont il a
connaissance
" (article 9 de la directive).
Il
appelle
les installations sur la base de critères
qui "
peuvent
être approuvés par l'Etat membre
" et qui
"
doivent être
objectifs, publiés, appliqués de
manière non discriminatoire
"
. Ces critères
"
tiennent comptent de l'ordre de préséance
économique de l'électricité ou de transferts provenant des
installations de production disponible ou de transport par interconnexion, et
des contraintes techniques pesant sur le réseau
"
(article 8-2 de la directive).
3.
Les Etats jouissent d'une marge de liberté dans la
désignation du GRT, sous réserve de satisfaire aux obligations
précitées
Les Etats sont tenus de désigner le GRT par eux-mêmes ou de
demander aux entreprises propriétaires des réseaux de transport
de le désigner. La directive ne prévoit nullement une
séparation absolue du GRT et de l'opérateur historique pas plus
qu'une désignation par la seule puissance publique. Elle laisse aux
Etats la faculté d'organiser les modalités de
l'indépendance du GRT, la conformité du résultat obtenu
par rapport à ses dispositions étant le seul critère
d'appréciation sur ce point. L'article 7-6 de la directive
prévoit seulement que si le réseau de transport n'est pas
indépendant des activités de production et de distribution, le
GRT doit "
être indépendant au moins sur le plan de la
gestion, des autres activités non liées au réseau de
transport
". Ainsi, la directive fixe-t-elle des principes minimaux
que les Etats membres ont choisi d'appliquer selon les modalités
variables de l'un à l'autre, comme l'a montré l'exposé
général du présent rapport.
Article 13
-
Statut du service autonome
gestionnaire
du réseau de transport d'électricité
1.
Dispositions du projet de loi initial : un service d'EDF
indépendant au plan de la gestion
Le projet de loi ne dissocie pas le GRT d'Electricité de France
puisqu'il est constitué
" en son sein "
. Le GRT n'a
donc pas de personnalité morale distincte de celle de l'opérateur
historique. Le service exerce ses missions conformément à un
cahier des charges de concession approuvé par décret en Conseil
d'Etat. Cette procédure est analogue à celle par laquelle l'Etat
a concédé à EDF le réseau d'alimentation
générale en énergie électrique, dans le cadre d'un
cahier des charges approuvé par un décret du
23 décembre 1994. La France a donc adopté une solution
intermédiaire parmi celles proposées par la directive : le
GRT est désigné par l'Etat, au sein de l'opérateur
historique. En conséquence, le deuxième alinéa de
l'article 13 prévoit, que le service gestionnaire du réseau
public de transport est
" indépendant, sur le plan de la
gestion ",
des autres activités d'EDF. C'est transposer, a
minima, la règle figurant à l'article 7-6 de la directive
selon laquelle le GRT doit être
" au moins "
indépendant des autres activités non liées au
réseau de transport. Le dernier alinéa de l'article 13
prévoit, en outre, que le service gestionnaire du réseau de
transport
" dispose d'un budget qui
lui est propre "
et
que ce budget et les comptes sont communiqués à la Commission de
régulation de l'électricité. EDF et le GRT auront donc des
budgets et des périmètres comptables distincts sur lesquels la
CRE sera amenée à statuer, de même que sur les principes
comptables qui leur seront applicables.
Alors que la directive ne détermine pas de règles
particulières en ce qui concerne le statut et les pouvoirs du chef du
GRT, le troisième alinéa de l'article 13 définit un
régime particulier, applicable au directeur du service gestionnaire du
réseau de transport. En principe, les directeurs des services d'EDF sont
nommés par le président du conseil d'administration,
lui-même choisi par les administrateurs et nommé sur proposition
du Conseil d'administration, par décret en Conseil des ministres.
Le Gouvernement a entendu renforcer l'indépendance du directeur du
service chargé du réseau de transport en prévoyant, lors
de sa désignation, l'intervention de trois autorités :
- le
président d'EDF
propose son nom ;
- la
CRE
émet un avis sur cette proposition ;
- le
ministre chargé de l'énergie
le nomme.
La durée de ses fonctions est de six ans renouvelables (dans le silence
de la loi). Il ne peut être mis fin à ses fonctions de
façon anticipée que dans
" l'intérêt du
service "
et sous réserve du respect des mêmes formes.
2.
Modifications apportées par l'Assemblée
nationale
A cet article, l'Assemblée nationale a adopté
six
amendements
.
Trois d'entre eux
renforcent les compétences de la CRE
qui
émet un avis sur le cahier des charges de concession
qui
détermine les missions du GRT et devant laquelle le directeur du GRT
rend compte de ses activités, notamment sur la base du
bilan
établi pour servir de base à la programmation
prévisionnelle
des investissements (conformément à
l'article 6 du projet de loi). Le texte précise que le
directeur
du GRT est tenu de respecter la confidentialité de ce document
, mais
que le ministre peut le relever de cette obligation par décision
motivée.
Enfin, la CRE donne communication du budget et des comptes du GRT à
" toute personne en faisant la demande ".
Les
trois autres amendements renforcent l'indépendance et les
pouvoirs du directeur
:
- il ne peut être membre du Conseil d'administration d'EDF ;
- il est consulté préalablement à toute
décision touchant la carrière de chacun des agents
affectés dans son service, ces agents ne pouvant
" recevoir
d'instruction que du directeur de ce service ou d'un agent placé sous
son autorité "
;
- il est désigné comme
" seul responsable de la
gestion de ce service "
et dispose, à ce titre, du pouvoir
d'engager les dépenses liées à son fonctionnement et
à l'accomplissement de sa mission.
3.
Observations de votre commission
Ouvrir la voie à une évolution ultérieure du GRT
Votre rapporteur estime qu'une séparation statutaire et juridique
immédiate entre EDF et le GRT est techniquement très difficile
à opérer et que son coût économique et social serait
exorbitant par rapport aux bénéfices qu'en tirerait le
marché de l'électricité.
En revanche, il lui paraît souhaitable dès à présent
de permettre une évolution vers cette nouvelle étape en
indiquant, après le premier alinéa de l'article 13, que ce
service "
pourra être constitué en filiale
d'Electricité de France "
.
Renforcer l'autonomie et l'impartialité du GRT
Votre commission vous propose de souligner l'autonomie du GRT en modifiant son
nom, par un
amendement
au premier alinéa. Le service d'EDF
responsable de la gestion du réseau de transport deviendrait, de la
sorte, le "
service autonome gestionnaire du réseau public de
transport
".
Le texte du projet de loi prévoit que le GRT est
" indépendant sur le plan de la gestion
" des autres
activités d'Electricité de France. Cette formulation est, certes,
conforme à la lettre de la directive. Est-ce à dire que ce texte
permettra de respecter à coup sûr l'une des principales
obligations qui incombent au GRT :
la préservation de la
confidentialité des informations commercialement sensibles
dont le
GRT aura à connaître
19(
*
)
? Votre rapporteur ne le pense
pas.
Il vous proposera, en conséquence, un
amendement
au
deuxième alinéa
de cet article, afin de préciser
que
la localisation du GRT
et
celle des autres services d'EDF devront
être distinctes
. Cet amendement prévoira, en outre, que
les
services informatiques et comptables
du GRT
seront
dissociés
de ceux d'EDF
. Comment assurer, en effet, la
confidentialité des informations relatives au réseau de transport
si celles-ci sont accessibles aux autres services de l'opérateur
historique ?
Renforcer le statut du directeur du GRT
Pour renforcer le statut du directeur du GRT, votre rapporteur vous propose que
l'avis transmis
par la
CRE
au ministre
avant
l'éventuelle révocation
du directeur soit
motivé
et qu'il soit notifié à l'intéressé qui aura,
par conséquent, s'il le souhaite, la faculté de le rendre public
(amendement au troisième alinéa
de cet article).
Publicité du " bilan prévisionnel "
La quatrième phrase de l'article 13 prévoit que le directeur du
GRT rend compte de ses activités devant la CRE et notamment du bilan
prévisionnel prévu à l'article 6 pour préparer
l'élaboration de la programmation pluriannuelle des investissements
(PPI).
Cette
formulation
pourrait être
améliorée
par
l'adoption d'un
amendement
au
troisième alinéa
prévoyant que le directeur du GRT rend compte des activités de
son service à la CRE. Cette formule permet que
le directeur du GRT
rende compte chaque année de ses activités devant la Commission,
à charge pour celle-ci d'organiser la publicité des informations
et des statistiques qui lui seront communiquées à cette
occasion.
Votre rapporteur vous proposera également, par coordination avec
l'abandon de la référence au "
bilan
prévisionnel
",
un amendement de suppression de
l'avant-dernière phrase du troisième alinéa
de cet
article, qui dispose que le directeur du GRT est "
tenu à la
confidentialité
" sur le contenu du bilan prévisionnel
" sauf décision contraire et motivée du ministre
destinataire
",
Rien ne justifie
, en effet,
que les
données techniques et statistiques du bilan
prévisionnel -qui n'ont pas le caractère de données
commercialement sensibles- soient considérées comme
secrètes et que la seule entité ayant connaissance de ces
informations, hormis le ministre, soit un service appartenant à
l'opérateur historique, ce service fût-il le GRT.
Votre rapporteur vous présentera enfin un
amendement
rédactionnel
à la
fin de l'avant-dernier alinéa
de cet article et
un amendement de coordination après le dernier
alinéa
(cet amendement tendant, par cohérence, à
déplacer le premier alinéa de l'article 14 à la fin
de l'article 13).
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.
Article additionnel après l'article 13 -
Incompatibilité de certaines activités
avec
les fonctions précédentes d'agent du GRT
ayant eu connaissance
d'informations commercialement sensibles
Votre
rapporteur s'interroge sur les difficultés susceptibles de survenir si
un agent ayant connaissance d'informations commercialement sensibles
exerçait, juste après le terme de ses fonctions, une
activité lui permettant de mettre à profit la parfaite
connaissance du marché de l'électricité qu'il aurait
acquise dans le cadre de son activité au GRT. Rien n'interdit, en effet,
actuellement, qu'un agent du service autonome gestionnaire ne quitte celui-ci,
soit ponctuellement, soit définitivement, pour exercer de telles
activités dans des conditions éventuellement plus
rémunératrices.
Les dispositions
de l'article 87 de
la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984,
qui ont institué
une
commission chargée d'apprécier la compatibilité
avec leurs fonctions précédentes des activités
privées
que souhaitent exercer les fonctionnaires ne s'appliquent
pas aux personnels du GRT
. Rien n'empêcherait donc un expert du GRT
d'accéder à des fonctions commerciales, soit chez un concurrent
d'EDF, soit au sein de l'opérateur historique même, juste
après avoir quitté le GRT. Cette absence de contrôle et de
sanction constitue une
grave lacune
à laquelle il convient de
remédier.
C'est pourquoi, le présent article additionnel, qui s'inspire des
dispositions de la loi n° 84-16 précitée,
prévoit
qu'un décret fixe la liste des activités qu'un
agent du GRT ne peut exercer,
soit que l'application de son contrat de
travail soit suspendue, soit qu'il envisage d'exercer des fonctions dans un
autre service d'EDF, soit qu'il ait cessé ses fonctions.
La
notion " d'activité
"
doit être
interprétée lato sensu
. Elle vise
toutes les
activités dans lesquelles l'agent du GRT pourrait faire usage des
informations commercialement sensibles
dont il a eu connaissance, que ses
activités soient exercées chez EDF, ou chez ses concurrents.
Le dispositif ne s'applique qu'aux agents du GRT ayant eu connaissance de
ces informations,
et non pas à ceux qui exercent des fonctions
subalternes ne les mettant pas en mesure de disposer de ces données
" sensibles ".
Enfin,
l'interdiction d'exercer une activité ne serait pas
absolue
.
Après un délai raisonnable
fixé par
décret, cette
interdiction pourrait être levée pour les
agents qui auraient cessé définitivement leurs fonctions
comme tel est le cas pour les fonctionnaires de l'Etat auxquels la loi
n° 84-16 précitée est applicable.
Le système proposé est donc
souple
et permet aux
personnels du GRT de valoriser leurs compétences au cours de leurs
carrières, tout en évitant qu'ils ne soient tentés de
mettre à profit la connaissance d'informations qui sont et doivent
rester secrètes, à raison de leur caractère commercial.
La
sanction de la violation
de
ces dispositions
serait, pour les
agents retraités, soit une
retenue sur pension
, voire même
la
déchéance de ses droits à pension
, sous
réserve de l'avis du conseil de discipline du corps auquel il
appartenait.
Votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.
Article additionnel après l'article 13
-
Consultation de la CRE sur la compatibilité des
activités nouvelles exercées par les agents du GRT avec leurs
fonctions précédentes
L'article 4 de la loi n° 94-530 du 28 juin 1994 qui
modifie l'article 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993
a prévu la création, dans chacune des trois fonctions publiques,
de
commissions chargées d'apprécier la compatibilité
avec leurs fonctions précédentes des activités que
souhaitent exercer les fonctionnaires devant cesser ou ayant cessé
définitivement leurs fonctions
. Ces dispositions ne s'appliquent pas
au personnel du service d'EDF chargé du GRT. Il est cependant
souhaitable, pour donner une pleine application au principe posé au
précédent article additionnel,
de créer une commission
de déontologie
analogue à celles instituées par
l'article 87 précité. Tel est l'objet du présent
article additionnel après l'article 13
.
Concrètement, la CRE serait investie d'un
pouvoir consultatif
afin d'apprécier la compatibilité de certaines activités
avec celles exercées antérieurement au sein du GRT. Un
décret en Conseil d'Etat fixerait les conditions d'application de cet
article. Il pourrait être analogue au décret n° 95-168
du 17 février 1995 modifié qui, outre la liste des
activités privées interdites aux fonctionnaires concernés,
détermine la composition, les règles de procédure
applicables devant les commissions de déontologie, les modalités
de transmission de l'avis qu'elles émettent à l'autorité
dont relève le fonctionnaire intéressé, et dispose que le
silence de cette autorité pendant un délai d'un mois à
compter de la date de l'avis vaut décision conforme à cet avis.
Votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.
Article additionnel après l'article 13 -
Régime disciplinaire des agents du GRT
Le
régime disciplinaire des agents d'EDF résulte des articles 3 et 6
du statut national du personnel des industriels électriques et
gazières. L'échelle des sanctions qui leur sont applicables
s'étend de l'avertissement à la révocation sans pension,
en passant par :
- le blâme avec inscription au dossier ;
- la mise à pied limitée à huit jours avec privation
de salaire ;
- la mise à pied limitée à un mois avec privation de
salaire ;
- la rétrogradation d'un ou plusieurs échelons ;
- la mise à la retraite d'office.
Le statut prévoit qu'au-delà du troisième avertissement ou
blâme, un agent récidiviste est déféré devant
les instances disciplinaires paritaires qui émettent une proposition de
sanction : les commissions secondaires, les commissions
interrégionales et la Commission supérieure nationale du
personnel.
Les commissions secondaires du personnel statuent sur les dossiers des agents
n'appartenant pas à l'encadrement. Leurs décisions sont
susceptibles d'appel devant les commissions interrégionales.
Les litiges qui concernent des cadres sont directement portés devant la
Commission supérieure nationale du personnel qui propose, le cas
échéant, des sanctions à l'autorité
compétente.
Votre rapporteur juge qu'il serait néfaste que les questions
disciplinaires impliquant des agents du GRT soient transmises à des
formations composées d'agent du personnel des autres services d'EDF.
L'impartialité du GRT suppose que cette entité dispose de ses
propres instances disciplinaires.
Tel est l'objet du présent article additionnel.
Votre commission vous demande d'adopter le présent article
additionnel.
Article 14 -
Missions du service autonome
gestionnaire du transport d'électricité
1.
Contenu du projet de loi initial
Le service gestionnaire du réseau public de transport est responsable
de :
- son exploitation ;
- son entretien ;
- son développement, (qui doit permettre tant le raccordement des
producteurs, distributeurs et consommateurs, que l'interconnexion avec les
autres réseaux).
Il établit un
" schéma de développement "
du réseau public de transport qui, après avis de la CRE, est
soumis à l'approbation du ministre chargé de l'énergie.
L'article 7-2 de la directive prévoit l'élaboration des
prescriptions fixant les exigences techniques minimales de conception et de
fonctionnement en matière de raccordement au réseau de transport
d'installations de production, de réseaux de distribution,
d'équipements de clients, de circuits d'interconnexions et de lignes
directes. Le texte dispose, en outre, que ces exigences doivent être
objectives, non discriminatoires et assurer l'interopérabilité
des réseaux.
Le dernier alinéa de l'article 14 du projet de loi transpose ces
dispositions en prévoyant que ces prescriptions sont
déterminées par décret pris après avis du
comité technique de l'électricité. Cette instance, dont le
statut résulte de la loi du 15 juin 1906 modifiée sur
les distributions d'énergie et du décret n° 87-437 du
17 juin 1987 est composée de représentants d'EDF, des
distributeurs non nationalisés, des exploitants de réseaux de
traction électrique et de la SNCF, des collectivités
concédantes, d'entreprises ou d'organismes dont l'activité
relève du secteur des industries électriques, et de
représentants des ministères concernés. Il a pour mission
de donner des avis, soit en vertu de dispositions spécifiques telle que
celle qui figure au présent article, soit de sa propre initiative, soit
à la demande des ministres intéressés.
2.
Modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté cinq amendements à cet
article, dont l'un est d'importance majeure.
En effet, afin, selon les termes mêmes du rapporteur, de
" définir le périmètre du GRT "
,
l'Assemblée a précisé (à l'alinéa 2)
que celui-ci
" exploite et entretient "
le réseau
public de transport. Alors que le texte initial portait, à l'instar de
la directive, que le GRT
" est responsable de l'exploitation et de
l'entretien "
du réseau précité. Selon le
rapporteur la
" conception large "
du GRT qui sous-tend
l'amendement présente un double avantage : d'une part
" elle limite les risques de sous-traitance car un GRT de conception
limitée devrait recourir à une procédure d'appel d'offres
pour toute intervention sur le réseau et EDF risquerait ainsi de voir
lui échapper une partie de ses compétences, et de perdre certains
savoir-faire ".
D'autre part, cette option
" élimine
tout problème de frontière entre les activités
d'exploitation, d'entretien et de démantèlement du
réseau ".
Les quatre autres amendements sont d'importance mineure. Le premier d'entre eux
rappelle, au premier alinéa de l'article 14, que le
GRT
" exerce sa mission conformément aux principes du service public
visés aux articles 1 et 2 du texte ",
tandis que les trois
autres précisent :
- que le GRT assure le raccordement des
" réseaux publics
de distribution "
(deuxième alinéa) ;
- que le schéma du développement du réseau public de
transport est soumis au ministre tous les deux ans au minimum (ce qui est
conforme aux dispositions de l'article 3, troisième
alinéa) ;
- que ce schéma tient compte des schémas de services
régionaux de l'énergie (avant-dernier alinéa).
3.
Observations de votre rapporteur
Renforcer le contrôle de la CRE sur le programme d'investissements du
GRT
Comme l'a souligné dans son rapport l'inspecteur général
Champsaur, il est indispensable que la CRE connaisse du programme
d'investissements du GRT. Celui-ci aura en effet une incidence
déterminante sur le transit d'électricité : si les
infrastructures font défaut, les échanges de courant ne pourront
avoir lieu.
C'est pourquoi il convient que l'autorité de régulation ait
connaissance de ce programme d'investissements et qu'elle émette un
avis conforme
sur son adéquation par rapport aux besoins.
Votre rapporteur vous présentera un
amendement
au
deuxième alinéa
de l'article 14 à cette fin.
Votre rapporteur vous présentera également à cet article,
outre
deux amendements rédactionnels
(aux
quatrième et
cinquième
alinéas
),
un
amendement
de coordination
tendant à
supprimer le premier alinéa
dont le texte figurerait à la fin de l'article 13 dans la
rédaction qu'il propose au Sénat d'adopter.
Votre Commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.
Article 15 -
Gestion des flux
d'énergie par
le GRT
Cet
article précise les conditions dans lesquelles le GRT assure la gestion
des flux d'énergie sur le réseau de transport. Il est
composé de quatre paragraphes qui détaillent les activités
du gestionnaire de réseau en matière de :
- mise en oeuvre des programmes d'appel d'approvisionnement et de
consommation (I) ;
- équilibre des flux d'énergie (II) ;
- compensation des pertes d'électricité survenues sur le
réseau (III) ;
- compensation des écarts enregistrés par rapport aux
programmes de consommation, d'approvisionnement et d'appel (IV).
1.
Contenu du projet de loi initial
Mise en oeuvre des programmes d'appel, d'approvisionnement et de
consommation (I)
L'article 23 du projet de loi donne un droit d'accès au réseau,
notamment pour assurer les missions de service public, exécuter les
contrats passés entre producteurs et clients
éligibles, permettre l'approvisionnement des filiales d'un
producteur par celui-ci et assurer l'exécution des contrats
d'exportation.
A cette fin, le paragraphe I de cet article prévoit que le GRT met en
oeuvre les programmes d'appel, d'approvisionnement et de consommation
préalablement établis, et qu'il s'assure de leur équilibre.
Les
programmes de consommation
sont élaborés par les
clients.
Ils sont satisfaits par les
programmes d'appel
établis par des producteurs et les personnes qui achètent du
courant, soit à l'intérieur de la Communauté, soit hors de
celle-ci. Les
programmes d'approvisionnement,
qui tendent aussi à
satisfaire les besoins des clients sont, quant à eux, établis
par :
- les distributeurs d'électricité ;
- les propriétaires et gestionnaires de réseaux
ferroviaires ;
- les fournisseurs qui achètent de l'électricité, non
pas pour leur propre consommation mais pour la revendre.
En pratique, comme le précise l'exposé des motifs, le GRT
appellera, sur la base du programme établi la veille, les installations
des producteurs et les sources d'importation en temps réel. Il leur
délivrera l'autorisation de se connecter au réseau à une
certaine puissance, compte tenu, le cas échéant, des risques de
congestion, et pourra, si besoin est, demander des modifications des programmes
d'appel.
Equilibre des flux d'énergie (II)
Sur ce point, le texte de la loi reprend celui de la directive, sous
réserve de quelques modifications ainsi que le montre le tableau
suivant :
Article 7-3
|
Article 15
|
Le GRT est chargé : |
Le GRT assure : |
- de gérer les flux d'énergie en tenant compte des échanges avec d'autres réseaux interconnectés ; |
- à tout instant, l'équilibre des flux d'électricité sur le réseau ; |
- de la sécurité du réseau, de sa fiabilité et de son efficacité. |
-la sécurité et l'efficacité du réseau. |
Le GRT
est également investi de la mission de
veiller
, dans l'instant,
au respect des règles relatives à l'interconnexion des
différents réseaux nationaux
de transport de
l'électricité.
L'article 17-5 de la directive donne le droit au gestionnaire de
refuser
l'accès
au réseau
lorsque celui-ci ne dispose pas de
la capacité nécessaire, sous réserve que ce refus soit
motivé et justifié. Dans le même esprit,
l'article 15-II prévoit que le GRT peut modifier les programmes
d'appel pour permettre l'équilibre du réseau, tout en
précisant que ces modifications tiennent compte de l'ordre de
préséance économique entre les propositions d'ajustement
qui lui sont soumises, et qui sont analysées sur la base de
critères de choix "
objectifs, non discriminatoires et
publiés
". Ainsi, sont respectées les dispositions
précitées de l'article 8-2 de la directive qui
prévoient que l'appel des capacités de production s'effectue en
fonction de l'ordre de préséance économique
(c'est-à-dire de leur classement selon des critères
économiques
20(
*
)
reposant
sur des éléments objectifs, publiés et non
discriminatoires).
Compensation des pertes d'électricité sur le
réseau (III)
Pour assurer la compensation des pertes d'énergie liées à
l'acheminement de l'électricité (dues à l'effet
" Joule "), le GRT dispose de la faculté de conclure des
contrats d'achat d'électricité avec des producteurs et des
fournisseurs. Le texte précise que si le fournisseur est EDF, des
" protocoles "
règlent leurs relations dans les
domaines technique et financier. Ces documents de caractère non
contractuel auront cependant une portée obligatoire. Il seront
élaborés sous le contrôle de la CRE en ce qui concerne les
conditions d'accès au réseau et d'affectation des coûts et
sous le double contrôle de la CRE et de l'autorité de tutelle en
ce qui concerne les charges de service public.
Le texte prévoit également que pour couvrir ses besoins à
court terme le gestionnaire peut demander la modification des programmes
d'appel.
Comptages et compensation des coûts liés aux
ajustements (IV)
Garant du fonctionnement du réseau, le GRT assure le comptage des
interventions des opérateurs sur celui-ci. Il a la faculté de
leur demander ou de leur attribuer des compensations, compte tenu des
écarts observés et des coûts qui résultent des
différences entre les programmes d'appel, d'approvisionnement et de
consommation qui lui ont été notifiés la veille de leur
mise en oeuvre. Ces fonctions seront exercées, sous réserve des
stipulations des contrats et protocoles qui lieront le GRT, les producteurs et
les clients, auxquelles pourront s'ajouter des compensations
spécifiques, consécutives à la modification d'un contrat
d'approvisionnement à la demande du GRT.
3.
Modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a, tout d'abord, explicité aux
alinéas 2 à 4 de cet article
la définition des
trois types de programmes
dont le GRT est destinataire afin
d'établir l'équilibre du réseau. C'est ainsi que :
-
les programmes d'appel
portent sur les quantités
d'électricité que les producteurs ou les importateurs
" prévoient de livrer au cours de la journée
suivante
" et précisent les propositions d'ajustement qui sont
soumises au GRT ;
-
les programmes d'approvisionnement
sont établis par les
organismes de distribution d'électricité (les
propriétaires et les gestionnaires de réseaux de transport
collectifs urbains) et portent sur les quantités
d'électricité qu'ils prévoient de livrer à leurs
clients au cours de la journée suivante ;
-
les programmes de consommation
sont établis par les
clients finals et portent sur les quantités d'électricité
qu'il est prévu de leur livrer au cours de la journée suivante.
Au paragraphe I, alinéa 3
, l'Assemblée a
supprimé la référence aux fournisseurs opérant par
achat pour compte de tiers (mentionnés antérieurement à
l'article 22-IV). Elle a également précisé,
au dernier
alinéa du I,
que la durée des contrats doit être
compatible avec l'équilibre global du réseau public de transport
et de distribution. Au
paragraphe IV
, elle a indiqué que les
" comptages "
visés étaient "
ceux
nécessaire à l'exercice
" des missions du GRT et
adopté un amendement rédactionnel.
4.
Observations de votre rapporteur
Par coordination avec les amendements qu'il vous proposera à l'article
22-IV, votre rapporteur vous demande d'adopter un
amendement
tendant
à
faire figurer les fournisseurs au nombre des entités qui
présenteront des programmes d'approvisionnement
(par
un
amendement au
I, alinéa 3
)
.
Il est souhaitable que lorsqu'il modifie les programmes d'appel le GRT soit
tenu de respecter l'ordre de préséance économique
. Or,
selon le libellé actuel de la
deuxième phrase du dernier
alinéa du II
porte que les modifications "
tiennent
compte
" de l'ordre de préséance économique,
formule qui ne présente pas un caractère suffisamment
impératif. C'est pourquoi votre rapporteur vous présente un
amendement
au
second alinéa
du II tendant à la
remplacer par l'expression "
suivent
" l'ordre de
préséance économique.
Il est enfin
nécessaire que le régime applicable aux contrats
passés entre les clients, les producteurs et le GRT s'applique
également aux protocoles signés au sein d'EDF
aux termes du
III de cet article. C'est pourquoi votre rapporteur vous présente un
amendement
au IV de cet article
tendant à y
mentionner
ces protocoles
, afin que le GRT ait la faculté de demander ou
d'attribuer des compensations financières aux utilisateurs, sous
réserve des stipulations des contrats et des protocoles visés au
III de cet article.
Il vous présente enfin des
amendements rédactionnels
au
dernier
alinéas du I
et
premier alinéa du II
.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.
Article 16 -
Protection de la
confidentialité des informations communiquées au GRT
Cet
article a pour objet de
transposer l'article 9 de la directive,
aux
termes duquel le GRT doit préserver la confidentialité des
"
informations commercialement sensibles
" dont il a
connaissance au cours de l'exécution de sa mission. Le texte du projet
de loi précise que ces informations sont "
d'ordre
économique, commercial, industriel, financier ou technique
" et
que
" leur communication serait de nature à porter atteinte aux
règles de libre concurrence et de non discrimination imposées par
la loi
". Il ajoute que la liste des informations
précitées sera fixée par un décret en Conseil
d'Etat qui, comme l'a indiqué le ministre en séance publique
devant l'Assemblée nationale, est susceptible de viser :
- les conditions techniques et financières du raccordement des
installations de production et de consommation aux réseaux publics ;
- les programmes d'appel des installations de production ;
- les programmes de consommation ;
- les propositions des producteurs et des fournisseurs qui permettent
d'élaborer l'ordre de préséance économique ou le
règlement technique et financier des écarts.
Le texte punit de 100.000 francs d'amende les personnes appartenant au
GRT, dépositaires des informations précitées, qui
enfreindraient
" sciemment "
l'obligation de
confidentialité qu'il édicte. Il précise cependant que
cette sanction ne s'applique pas à la communication d'informations
nécessaires au bon accomplissement des missions :
- des services gestionnaires de réseaux publics de
distribution ;
- des services gestionnaires de réseaux étrangers auxquels
l'article 7-4 de la directive prévoit que le GRT fournit
"
des informations suffisantes pour garantir une exploitation
sûre et efficace, un développement coordonné et
l'interopérabilité du réseau
interconnecté ".
A cet article,
l'Assemblée nationale a adopté trois
amendements
afin de :
- remplacer l'expression de
" libre concurrence
" par
celle de
" concurrence libre et loyale
" ;
- faire en sorte que la sanction relative à la divulgation des
informations économiquement sensibles ne s'applique pas qu'aux seuls
agents du GRT, mais aussi aux autres dépositaires de ces
éléments ;
- étendre l'exception prévue par la dernière phrase
de cet article (qui prévoit que la sanction qu'il édicte ne
s'applique pas à la communication d'informations nécessaires
à l'accomplissement des missions du GRT et des distributeurs) à
la transmission d'informations aux fonctionnaires et agents conduisant une
enquête en application de l'article 33.
Observations de votre rapporteur
Cet article stigmatise les agents du GRT
qui se trouvent menacés
d'une sanction qui n'a vocation à ne s'appliquer qu'à eux,
alors même qu'une personne étrangère au GRT qui se
trouverait en situation de recel d'informations pourrait en faire usage ou les
divulguer sans être inquiétée.
Le libellé de cet
article ne permet, en effet, pas de sanctionner les comportements
délictueux des
stagiaires
ou des
consultants
extérieurs
qui, à raison de leurs fonction au GRT -mais
sans faire partie de ses agents statutaires- contreviendraient à
l'obligation de confidentialité que prescrit la loi, pas plus que les
personnes qui, par un concours de circonstances indépendant de leur
volonté, viendraient à connaître ces informations et en
feraient usage.
Votre rapporteur jugeant particulièrement
inéquitable qu'une
personne n'appartenant pas au GRT ne puisse être sanctionnée,
il vous propose de
rendre applicable la sanction prévue à
cet article à toute personne ayant connaissance des informations
confidentielles en provenance du GRT
qui les diffuserait au dehors de
celui-ci, que ces personnes soient dépositaires de ces informations soit
par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une
mission temporaire. Le champ des personnes visées à cet article
serait, de la sorte, identique à celui fixé par
l'article L.226-13 du code pénal qui réprime la violation du
secret professionnel et qui emploie précisément cette
formulation. Cette solution permet de sanctionner la divulgation des
informations précitées par des personnes n'appartenant pas au
GRT, quand bien même celles-ci appartiendraient à un autre service
d'EDF. En d'autres termes, la sanction de la violation du secret s'appliquerait
aussi bien aux autres agents d'EDF qu'à toute personne ayant
connaissance d'informations secrètes ou qu'aux agents du GRT si les uns
et les autres contreviennent à ces dispositions.
Il vous présente un
amendement
à cette fin.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
CHAPITRE
II -
LA DISTRIBUTION D'ÉLECTRICITÉ
Composé de quatre articles (17 à 20), le
chapitre II
est consacré à la distribution d'électricité. Il
tend à :
- clarifier et étendre les compétences des autorités
concédantes de la distribution d'électricité
(article 17) ;
- confirmer EDF et les DNN dans leur mission de gestionnaires des
réseaux de distribution (article 18) ;
- déterminer le régime juridique auquel est soumis chaque
gestionnaire de réseau de distribution (article 19) ;
- imposer à ces gestionnaires des obligations de
confidentialité analogues à celles du GRT (article 20).
Article 17 -
Compétences des
collectivités locales en matière de distribution
Le chapitre II du projet de loi prévoit d'ajouter une section 6 intitulée " Distribution et production " d'électricité au chapitre IV du titre II du livre II du code général des collectivités locales. L'article 17 tend, quant à lui, à insérer deux articles L.2224-31 et L.2224-34 à cette section, l'un avant, l'autre après les articles L.2224-32 et L.2224-33 visés à l'article 11.
Article L.2224-31 du code général des
collectivités territoriales -
Compétences des
collectivités locales
en matière de distribution
d'électricité
1.
Le
droit en vigueur
L'article 6 de la loi du 15 juin 1906 modifiée sur les
distributions d'énergie électrique a donné aux communes ou
aux syndicats de communes, pour leur territoire, ou au département,
compétence pour délivrer la concession des distributions
électriques. Il précise que "
toute concession est
soumise aux clauses d'un cahier des charges conforme à l'un de ceux
approuvés par décret en Conseil d'Etat
". Il existe
cependant encore quelques exceptions à la dévolution des
concessions par les communes ou leurs EPCI. Les départements de la
Sarthe et du Loiret jouissent du statut d'autorités concédantes,
et dans la Somme et le Pas-de-Calais le préfet exerce le pouvoir
concédant dans 400 communes.
2.
Contenu du projet de loi
Le premier paragraphe de l'article
L.2224-31 du code des
collectivités territoriales
confirme la qualité
d'autorités concédantes des collectivités territoriales ou
de leurs établissements publics. A ce titre, elle
" exercent le
contrôle du bon accomplissement des missions de service public
fixées par le cahier des charges de concession "
, ce qui
constitue une prérogative traditionnelle des autorités
concédantes.
Le second alinéa de l'article L.2224-31 précise, en outre, que
ces collectivités assurent "
le contrôle et l'inspection
technique des ouvrages de la distribution publique
d'électricité
"
qui leur appartiennent
en
désignant un "
agent de contrôle
" distinct du
gestionnaire du réseau public de distribution. En d'autres termes, les
communes ou les syndicats d'électrification devront nommer une instance
de contrôle telle qu'un bureau d'études qui ne pourra être
ni EDF ni le DNN qui les dessert lorsque tel est le cas.
Le second paragraphe prévoit, quant à lui, l'édiction de
décrets relatifs au contenu des cahiers des charges des concessions et
aux règlements de service des régies. Selon l'exposé des
motifs, cette disposition procède du souci de concilier l'autonomie des
collectivités locales et les principes d'universalité et
d'égalité du service public en encadrant les règles
techniques, environnementales et financières, afin qu'elles s'appliquent
de façon uniforme sur le territoire de la République.
Des décrets préciseront donc les "
procédures et
les prescriptions "
en matière de :
- règles techniques destinées à répondre aux
objectifs de sécurité ;
- indicateurs de performances techniques relatifs aux objectifs de
qualité de l'électricité livrée ;
- normes d'insertion paysagère des réseaux destinées
à protéger l'environnement ;
- conditions financières des concessions (redevances et
pénalités).
3.
Modifications adoptées à l'Assemblée
nationale
Sans en modifier l'économie générale, l'Assemblée
nationale a adopté plusieurs amendements à cet article.
Au I, elle a rappelé qu'avant même d'exercer leur contrôle
sur le bon accomplissement des missions par leurs concessionnaires, les
collectivités "
négocient et passent des contrats de
concession
", le rapporteur souhaitant par là indiquer que les
autorités concédantes "
contribuent également
à définir le détail des missions
" dont elles
assurent ensuite le contrôle.
L'Assemblée nationale a également précisé, au
deuxième alinéa, que ce sont les
" les autorités
concédantes qui assurent le contrôle et l'inspection technique des
réseaux publics de distribution d'électricité
".
Un dernier alinéa a été ajouté au I par amendement
de M. Micaux, contre l'avis de la Commission, le Gouvernement s'en remettant
à la sagesse de l'Assemblée nationale. Il tend à permettre
aux collectivités et établissements publics concédants
d'assurer la maîtrise d'ouvrage des travaux de développement des
réseaux publics de distribution, conformément à
l'article 36 alinéa 4 de la loi n°46-628 du
8 avril 1946, qui dispose que "
les collectivités
concédantes conservent la faculté de faire exécuter [...],
à leur charge, les travaux de premier établissement, d'extension,
de renforcement et de perfectionnement des ouvrages de distribution
".
Dans le but d'éviter que les autorités concédantes ne
perdent toute initiative dans la rédaction des contrats de concession,
un amendement au premier alinéa du II prévoit que les
décrets en Conseil d'Etat relatifs au contenu de ces contrats fixeront
"
le cadre général des procédures et prescriptions
particulières applicables aux cahiers de charges des concessions et aux
règlements de service des régies
".
Un second amendement au II de cet article a, quant à lui, prévu
que les décrets précités préciseraient
également les conditions dans lesquelles les collectivités
concédantes pourraient faire prendre en charge par leur concessionnaire
les opérations de maîtrise de la demande
d'électricité
,
le secrétaire d'Etat estimant, en
séance, que les concessionnaires étaient
" co-responsables "
de cette politique.
4.
Observations de votre commission
Votre commission vous propose, par
l'insertion d'un alinéa
additionnel
après le
deuxième alinéa
du I
de l'article L.2224-31 du code général des
collectivités territoriales, de souligner que l'obligation de
transparence qui s'impose au concessionnaire porte sur toutes les
activités de service des organismes de distribution (conclusion des
contrats, fourniture de courant, facturation) et non pas seulement sur celle de
gestionnaire de réseau et de mentionner, en conséquence, qu'outre
les informations d'ordre économique et commercial, chaque organisme de
distribution doit communiquer à l'autorité concédante les
données industrielles, financières ou techniques
nécessaires pour qu'elle exerce son contrôle.
Votre rapporteur vous propose également d'adopter, outre un
amendement de précision
,
trois amendements
rédactionnels aux
premier et dernier alinéas du I
et au
II
de cet article.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.
Article L.2224-34 du code général des
collectivités locales -
Compétences des
autorités concédantes de la distribution
en matière de
maîtrise de la demande d'électricité
1.
Contenu du projet de loi initial
Afin de promouvoir une politique décentralisée de maîtrise
de la demande d'électricité, cet article donne compétence
aux collectivités concédantes pour : "
prendre en
charge des actions tenant à maîtriser la demande
d'électricité des consommateurs domestiques
"
lorsqu'elles permettent d'éviter "
l'extension ou le
renforcement des réseaux publics de distribution
d'électricité
". La seule réserve
édictée par le texte est que ces actions doivent se
dérouler "
dans de bonnes conditions
économiques
", ce qui exclut les initiatives qui ne seraient
pas de nature à réduire les coûts et qui, tout au
contraire, les alourdiraient, contredisant par là l'objectif de
maîtrise de la demande d'énergie que vise le premier alinéa
de l'article L.2224-34.
Concrètement, le deuxième alinéa du texte reconnaît
aux collectivités territoriales et aux EPCI compétents en
matière de distribution la possibilité d'aider les consommateurs
domestiques en prenant en charge tout ou partie du coût des travaux
d'isolation, de régulation thermique ou de régulation de la
consommation d'électricité, ou encore en participant à
l'acquisition d'équipements domestiques à faible consommation,
dans le cadre de conventions signées avec le bénéficiaire.
Le dernier alinéa du texte prévoit enfin qu'un décret en
Conseil d'Etat fixera les modalités d'application de cet article.
Votre rapporteur souhaiterait obtenir du Gouvernement des précisions
sur le contenu de ce décret.
2.
Modifications apportées par l'Assemblée nationale
A cet article, l'Assemblée nationale a souhaité, d'une part,
permettre explicitement aux collectivités de financer une
opération de maîtrise de la demande avec l'aide du Fonds
d'amortissement des charges d'électrification (FACE), de l'ADEME ou
d'organismes de financement de logements sociaux. C'est pourquoi, elle a
adopté un amendement précisant que les collectivités
compétentes en matière de distribution peuvent
"
réaliser ou faire réaliser
" les actions de
maîtrise de la demande, dans le cadre de l'article L.2224-31 du code
général des collectivités territoriales.
D'autre part, l'Assemblée nationale a supprimé la fin du
premier alinéa de cet article qui fait désormais
référence aux "
actions tendant à maîtriser
la demande d'électricité des consommateurs domestiques
"
(le texte initial précisait que ces actions devaient, en outre,
être de nature à éviter, dans de bonnes conditions
économiques, l'extension ou le renforcement des réseaux de
distribution).
Selon les explications données par le rapporteur, cette modification a
pour effet de permettre aux collectivités locales qui le souhaitent de
conduire des opérations de maîtrise de la demande
d'électricité dans les logements sociaux situés en zone
urbaine.
Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modifications.
Article 18 -
Désignation des
gestionnaires
des réseaux publics de distribution
1.
Contenu de la directive n° 96-92
Le chapitre V de la directive précitée (articles 10 à 12)
est consacré à la distribution d'électricité. Il
impose aux Etats signataires des obligations analogues à celles qui leur
incombent en vertu du chapitre IV, relatif au réseau de transport. Les
Etats sont tenus de désigner par eux-mêmes ou de faire
désigner par les entreprises propriétaires ou responsables du
réseau, un gestionnaire de réseau (article 10-2).
Responsable de l'exploitation, de l'entretien et du développement du
réseau et de ses interconnexions avec d'autres réseaux, le
gestionnaire est également tenu d'en assurer la sécurité,
la fiabilité et l'efficacité dans la zone qu'il dessert, sous
réserve de la protection de l'environnement (article 11-1).
2.
Contenu du projet de loi initial
Le projet de loi transpose ces dispositions à l'article 18 dont le
premier alinéa désigne EDF et les DNN comme gestionnaires
des réseaux publics de distribution, conformément à
l'article 2-II qui détermine l'étendue et le contenu de la
mission de développement et d'exploitation des réseaux publics.
Chaque gestionnaire d'un réseau public de distribution jouit d'une zone
de desserte exclusive où il est responsable :
- de l'exploitation et de l'entretien ;
- du développement ;
- de l'interconnexion avec d'autres réseaux.
Tout comme le prévoyait le dernier alinéa de l'article 14
pour le GRT, un décret pris après avis du Comité technique
de l'électricité fixe "
les prescriptions techniques
générales de conception et de fonctionnement pour le raccordement
auxquelles doivent satisfaire, outre les installations des producteurs et
celles des consommateurs, les circuits d'interconnexion et les lignes directes
destinées aux clients éligibles
".
3.
Modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale n'a adopté qu'un amendement de
portée purement rédactionnelle à cet article.
4.
Observations de votre rapporteur
Votre rapporteur estime qu'en vertu de l'adage " qui peut le plus peut le
moins ", il est souhaitable que
la CRE émette un avis simple sur
les projets de décrets relatifs aux prescriptions techniques
visées au
dernier alinéa
de cet article et vous
présente un
amendement
au
dernier alinéa
à
cette fin.
Il vous propose, en outre,
un amendement rédactionnel
au
dernier alinéa
de cet article.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.
Article 19 -
Mission des gestionnaires de
réseaux publics de distribution
Cet
article détermine la mission des gestionnaires de réseau de
distribution. Conformément aux dispositions de l'article 11-1 de la
directive, son premier paragraphe charge chaque gestionnaire de réseau
de veiller à tout instant à l'équilibre des flux
d'électricité, à la sécurité et à
l'efficacité du réseau, compte tenu des contraintes
spécifiques auxquelles celui-ci est soumis.
L'article 11-2 de la directive prévoit que chaque gestionnaire de
réseau s'abstient de toute discrimination entre utilisateurs ou
catégories d'utilisateurs, notamment en faveur de ses filiales ou de ses
actionnaires. Le II de l'article 18 dispose, en conséquence, que
chaque gestionnaire "
assure de manière non discriminatoire
l'appel des installations de production reliées au réseau public
de transport
", en accord avec le GRT.
Le dernier paragraphe (III) prévoit que le gestionnaire du réseau
public de distribution procède aux comptages nécessaires, tant en
ce qui concerne la production que la consommation de courant.
On notera que l'activité de distribution est soumise au principe de
séparation comptable. Cette obligation moins stricte que
l'indépendance imposée au GRT résulte des dispositions des
articles 25 et 26 du projet de loi.
A cet article, l'Assemblée nationale n'a adopté qu'un amendement
de portée purement rédactionnelle.
Votre rapporteur vous proposera d'adopter un
amendement
rédactionnel
au
premier alinéa
(I)
de cet
article.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.
Article 20 -
Protection de la
confidentialité des informations communiquées
aux
gestionnaires de réseaux publics de distribution
L'article 12 de la directive n° 96-92 impose au
gestionnaire du réseau de distribution (GRD) de préserver la
confidentialité des informations commercialement sensibles, obligation
identique à celle qui pèse sur le GRT aux termes de l'article 9
de la directive.
L'article 20 du projet de loi transpose ces dispositions en prévoyant
explicitement que le GRD
" préserve la confidentialité
des informations d'ordre économique, commercial, industriel, financier
ou technique de nature à porter atteinte aux règles de libre
concurrence et de non discrimination qu'impose la loi "
. La liste de
ces informations, analogue à celle visée à
l'article 16, est fixée par un décret en Conseil d'Etat.
La sanction du non respect de l'obligation de confidentialité, par toute
personne dépositaire de ces informations, appartenant au GRD, qui les
communique
" sciemment "
" sous quelque forme que ce
soit " à une personne
étrangère au service est
une amende de 100.000 francs. Toutefois, ces dispositions ne s'appliquent
pas à la communication des informations nécessaires au bon
fonctionnement du réseau et des services gestionnaires de réseaux
étrangers.
L'Assemblée nationale a adopté
deux amendements
a cet
article. Le premier fait référence à une concurrence
"
libre et loyale
" et non à une
"
libre-concurrence
". Le second précise que la
sanction prévue à l'article 20 ne s'applique pas à la
communication des informations confidentielles à des fonctionnaires ou
aux agents de la Commission de régulation de l'électricité
qui réalisent une enquête dans les conditions prévues
à l'article 33.
Observations de votre rapporteur
Votre rapporteur estime souhaitable, pour des raisons analogues à celles
qu'il a développées en commentant l'article 16, d'étendre
aux cas de recel
le régime spécifique de sanction de
l'obligation de confidentialité relative aux informations
commercialement sensibles détenues par un gestionnaire du réseau
de distribution
(GRD)
.
Il vous présente un
amendement
au
premier alinéa
de cet article à cette fin.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.
CHAPITRE
III -
Sécurité des réseaux
Ce chapitre, consacré à la sécurité des réseaux, est composé d'un article unique (21).
Article 21 -
Sécurité des
réseaux
L'article 23 de la directive prévoit le cas où
une
"
crise soudaine
" survenant sur le marché de
l'énergie menacerait "
la sécurité physique ou la
sécurité des personnes, des biens et des
installations
", ou "
l'intégrité du
réseau
". Dès lors, un Etat membre a le droit de
prendre, à titre temporaire, les "
mesures de
sauvegarde
" nécessaires. L'article 21 donne compétence
au ministre chargé de l'énergie pour ordonner des
"
mesures conservatoires
", soit d'office, soit sur
proposition de la CRE. Il précise que ce pouvoir s'exerce "
en
cas d'atteinte grave et immédiate à la sécurité des
réseaux publics de transport et de distribution et à la
qualité de leur fonctionnement "
et sans préjudice des
pouvoirs reconnus aux gestionnaires de réseaux de transport (articles 14
et 15) ou de distribution (articles 18 et 19).
Selon la directive (article 23, alinéa 2), ces mesures doivent
être proportionnées afin de "
provoquer le moins de
perturbations possibles pour le fonctionnement du marché
intérieur
" et ne pas "
excéder la portée
strictement indispensable pour remédier aux difficultés soudaines
qui se sont manifestées
".
S'il exerce cette compétence, le ministre sera tenu, aux termes de
l'article 23, alinéa 3, de la directive précitée, de
notifier ces mesures aux Etats membres et à la Commission
européenne. Celle-ci ne pourra décider de leur modification ou de
leur suppression que s'ils "
provoquent des distorsions de concurrence et
perturbent les échanges "
d'une manière
"
incompatible avec l'intérêt commun
".
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans
modification.
Votre rapporteur vous proposera
deux amendements
à cet article.
Le
premier
tend, par coordination, à
faire
référence à la
" sûreté "
des réseaux à
côté de
" sécurité "
de ceux-ci. Le
second
tend à mentionner explicitement que
le ministre peut
ordonner les mesures conservatoires sous réserve des pouvoirs reconnus
à la CRE par l'article 36 de la loi en matière de
règlement des conflits relatifs à l'accès au
réseau
.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.
Avant
l'article 21
Intitulé du chapitre III du titre III de la
loi
Par coordination avec le reste du texte, votre rapporteur vous propose d'intituler le chapitre III " Sécurité et sûreté des réseaux " et non pas seulement " Sécurité des réseaux ".
TITRE IV
-
L'ACCÈS AUX RÉSEAUX PUBLICS
D'ÉLECTRICITÉ
Le
quatrième titre du projet de loi, consacré à
l'accès aux réseaux publics d'électricité, est
composé de trois articles qui concernent respectivement :
- la définition des "
clients éligibles
"
et le régime de l'achat d'électricité pour revente
(article 22) ;
- le droit d'accès aux réseaux de transport (article
23) ;
- la construction de lignes directes (article 24).
Avant d'examiner l'économie propre de chacun de ces articles, votre
rapporteur rappellera les principales normes de droit communautaire relatives
à l'accès au réseau.
1.
Dispositions de la directive n° 96-92 relatives à
l'accès au réseau
Le chapitre VII de la directive n° 96-92 est consacré à
l'organisation de l'accès au réseau. Ses rédacteurs ont
laissé aux Etats la faculté de recourir à
l'accès négocié,
à
l'accès
réglementé
(article 17), ou encore à la formule
de
l'acheteur unique
(article 18). L'essentiel est que,
conformément à l'article 3-1 de la directive, ces approches
aboutissent à "
des résultats économiques
équivalents et, par conséquent, à un niveau directement
comparable d'ouverture des marchés, et à un degré
directement comparable d'accès aux marchés de
l'électricité ".
Accès négocié
Dans ce système, les producteurs, les fournisseurs et les clients
éligibles négocient un accès au réseau et concluent
des contrats de fourniture entre eux, sur la base d'accords commerciaux
volontaires.
Accès réglementé
Cette formule d'accès au réseau tend à donner aux clients
éligibles un droit d'accès sur la base de tarifs publiés.
Ces tarifs, valables tant pour les réseaux de transport que pour ceux de
distribution, doivent permettre un accès équivalent à
celui obtenu grâce à l'accès négocié ou au
système de l'acheteur unique.
Acheteur unique
Cette formule repose sur la désignation d'une personne morale comme
acheteur unique. Les Etats sont tenus de faire en sorte qu'un tarif non
discriminatoire soit publié pour l'utilisation du réseau de
transport et de distribution, que les clients éligibles puissent
conclure des contrats avec des producteurs ou des fournisseurs et que les
producteurs indépendants aient la faculté de négocier leur
accès au réseau afin de conclure des accords de fourniture avec
des clients éligibles en dehors du réseau.
La directive prévoit, en outre, la publication des tarifs, qu'il
s'agisse de tarifs indicatifs de prix pour l'utilisation des réseaux
dans le cas de l'accès négocié ou de tarifs
préétablis et publiés, tant pour l'accès
réglementé qu'en cas de recours à un acheteur unique.
Quelle que soit la formule d'accès au réseau retenue, les
articles 17-2 et 18-4 reconnaissent au GRT le droit de refuser
l'accès au réseau, si celui-ci ne dispose pas de la
capacité nécessaire, sous réserve que ce refus soit
motivé et justifié.
Article 22
-
Définition des clients
éligibles
et régime de l'achat de l'électricité
pour revente
Les
trois premiers paragraphes de cet article déterminent le régime
auquel sont soumis les clients éligibles. Le quatrième et dernier
paragraphe fixe, quant à lui, les règles applicables à
l'activité d'achat pour revente d'électricité.
1.
Rappel des dispositions de la directive
Le premier paragraphe de l'article 19 de la directive prévoit que la
part du marché national qui doit être ouverte à la
concurrence par les Etats lors de son entrée en vigueur est
calculée sur la base de la part communautaire moyenne
d'électricité consommée par les consommateurs finals de
plus de 40 gigawatts/heure par an.
Pour déterminer cette " part communautaire moyenne "
-correspondant au degré minimal d'ouverture, et qui est
révisée chaque année-, la Commission européenne a
calculé
21(
*
)
pour
l'ensemble des Etats membres :
- d'une part, la consommation d'électricité des
consommateurs de plus de 40 gigawatts/heure ;
- d'autre part, la consommation totale nette d'électricité.
Puis, elle a divisé le premier chiffre par le second, ce qui correspond
à une part communautaire moyenne de 26,48 %.
On trouvera, pour mémoire, dans le tableau ci-dessous, l'ensemble du
calcul précité :
CALCUL
DE LA PART COMMUNAUTAIRE MOYENNE D'OUVERTURE
DU MARCHÉ DE
L'ÉLECTRICITÉ POUR 1999
|
Consommation de plus de 40 Gwh |
Consommation nette totale |
% |
Belgique |
27.363 |
73.320 |
37,32 % |
Danemark |
3.036 |
32.356 |
9,38 % |
Allemagne |
133.000 |
467.000 |
28,48 % |
Grèce |
6.369 |
30.584 |
20,82 % |
Espagne |
39.433 |
161.381 |
24,43 % |
France |
101.678 |
381.600 |
26,65 % |
Irlande |
1.951 |
17.000 |
11,48 % |
Italie |
66.300 |
253.700 |
26,13 % |
Luxembourg |
2.763 |
5.219 |
52,94 % |
Pays-Bas |
24.660 |
92.280 |
26,72 % |
Autriche |
14.017 |
49.813 |
28,14 % |
Portugal |
5.714 |
32.348 |
17,66 % |
Finlande |
32.570 |
71.268 |
45,70 % |
Suède |
43.676 |
132.557 |
32,95 % |
Royaume-Uni |
56.169 |
309.251 |
18,16 % |
TOTAL |
558.699 |
2 109.677 |
|
Part communautaire moyenne : 26,48 % |
Source
: Commission européenne
Les paragraphes 2 et 3 de la directive prévoient, en outre, une
ouverture progressive du marché en deux étapes. Trois ans
après son entrée en vigueur (février 2000), la part
moyenne communautaire sera calculée en fonction de la consommation
totale des clients de 20 gigawatts/heure par an, puis encore trois ans
plus tard (février 2003), en fonction de la consommation totale des
clients dont la consommation annuelle est au moins égale à
9 gigawatts/heure.
La directive prévoit enfin que les consommateurs de plus de
100 gigawatts/heure par an sont tous éligibles dès son
entrée en vigueur.
1.
Contenu du projet de loi initial
Définition des clients éligibles
Le
caractère de clients éligibles est reconnu
aux
consommateurs finals
pour
chaque site
sur lequel la consommation
annuelle d'énergie électrique est supérieure à un
seuil fixé par décret. Selon les termes mêmes de
l'exposé des motifs du projet de loi, la fixation du seuil
d'éligibilité permettra de
" limiter l'ouverture du
marché aux valeurs minimales qui résultent du mode de calcul
fixé par la directive "
, soit : 26,48 % en 1999, puis
environ 28% en 2000 et plus de 30 % en 2003, compte tenu des derniers
calculs établis par la Commission.
Il convient de souligner que
" l'ouverture " du marché ne
signifie pas que tout le marché passera aux concurrents d'EDF, mais bien
que ceux-ci auront la faculté d'y concurrencer l'opérateur
historique.
Selon les informations communiquées à votre rapporteur, 441 sites
-appartenant à une quarantaine d'entreprises de très grande
taille- sont éligibles, au cours de la 1
ère
phase
d'application de la loi. L'éligibilité s'appréciera non
pas au niveau de la société elle-même, mais au niveau de
chaque site. En d'autres termes, au sein d'une même
société, certains sites pourront être éligibles,
tandis que d'autres ne le seront pas. Le Gouvernement entend, s'agissant de la
définition des " sites ", s'inspirer des concepts statistiques
élaborés par l'INSEE. On utilisera pour définir les sites,
la notion " d'établissement " au sens du décret
n° 73-314 du 14 mars 1973 portant création d'un
système national d'identification et d'un répertoire des
entreprises et de leurs établissements, laquelle est la plus proche du
concept " d'unité locale " au sens du règlement CEE
n° 696-93 du Conseil européen du 15 mars 1993. Cette
dernière définition servira d'ailleurs aux autorités de
Bruxelles pour calculer le degré d'ouverture des marchés de
l'électricité. Elle correspond à
" une entreprise
ou une partie d'entreprise (atelier, usine, magasin, bureau, mine,
dépôt) sise en un lieu topographiquement identifié "
dans lequel
" sont exercées des activités pour
lesquelles, sauf exception, une ou plusieurs personnes travaillent
(éventuellement à temps partiel) pour le compte d'une même
entreprise ".
Une note de la Commission relative à l'élaboration des
statistiques pour les seuils d'ouverture du marché permet d'expliciter
le contenu de la notion de " site " : "
Un site de
consommation peut être l'objet de plusieurs contrats de fourniture. Les
consommations relatives à ces différents contrats seront
additionnées pour déterminer la consommation totale
.
Lorsque plusieurs sites sont alimentés par un autoproducteur, seuls
les sites consommant plus de 40 Gwh seront comptabilisés comme
" site de plus de 40 Gwh ". Par exemple, lorsqu'un
autoproducteur de 90 Gwh utilise 5 Gwh pour usage propre, et fournit
à ses filiales respectivement 45 Gwh, 35 Gwh et 5 Gwh, seule
la consommation de 45 Gwh sera comptabilisée comme " site de
plus de 40 Gwh ".
On peut considérer comme un seul site la société
gérant toutes les installations d'un port, même si celui-ci est
vaste. Mais, par contre, deux usines de la même
société, situées dans ce complexe portuaire, et distantes
de 5 km, ne sont pas considérées comme un seul site.
L'ensemble des bâtiments appartenant à une collectivité
locale (administration, écoles, centre culturel, hôpital, ...) ne
peuvent pas être considérés comme un seul site de
consommation, étant séparés par d'autres immeubles. Un
important complexe municipal (mairie, centre culturel, sportif, ...) peut
être considéré comme un seul site. Un centre commercial ne
sera pas considéré comme un seul site, car il est composé
d'une série de commerces individualisés. Notons toutefois que
l'infrastructure commune du centre commercial (ascenseurs, escaliers roulants,
chauffage, éclairage des halls, ...) est également un " site
d'importante consommation d'électricité
".
S'agissant du cas particulier des chemins de fer, la même note
précise qu'"
un même réseau de chemin de fer sera
considéré comme un seul consommateur, même s'il y a
plusieurs points d'alimentation. Lorsque les réseaux sont distincts ou
qu'ils appartiennent à différentes sociétés, ils
seront considérés comme différents sites de
consommations
".
La définition des seuils variera dans le temps
, afin de permettre
une ouverture limitée à la part communautaire moyenne qui
définit le degré d'ouverture du marché, et qui est
publiée chaque année par la Commission européenne.
Les seuils seront
modulables
, puisqu'afin de limiter les distorsions de
concurrence entre entreprises d'un même secteur ils pourront prendre en
compte la part de la consommation d'électricité dans les
consommations intermédiaires de ce secteur. Ce système pourrait
donc éventuellement permettre de rendre éligibles certaines
filières industrielles dont le processus de production est fortement
consommateur d'électricité, quelle que soit la taille des
établissements.
Ils seront fixés par un décret qui précisera
également la procédure de reconnaissance de
l'éligibilité, en fonction des variations des consommations
annuelles d'électricité.
Votre rapporteur souhaiterait obtenir du Gouvernement des précisions
sur le contenu de ce décret.
S'agissant de la fixation des seuils, le premier alinéa du I
précise que l'éligibilité des entreprises exploitant des
services de transport ferroviaire sera fonction de leur consommation annuelle
totale d'électricité de traction sur le territoire national.
Le deuxième paragraphe reconnaît également
l'éligibilité :
- aux producteurs autorisés qui concluent des contrats
d'approvisionnement afin de compléter leur offre (cf. article 12) ;
- aux fournisseurs qui achètent de l'électricité pour
la revendre (visés à l'article 22-IV) ;
- aux DNN qui approvisionnent des clients éligibles situés
dans leur zone de desserte exclusive ;
- aux propriétaires ou aux gestionnaires de réseaux
ferroviaires électriquement interconnectés en aval des points de
livraison par EDF ou un DNN.
Le paragraphe III précise, quant à lui, qu'un client
éligible peut conclure un contrat d'achat d'électricité
avec un producteur ou un fournisseur de son choix, que celui-ci soit
installé sur le territoire d'un Etat membre de la Communauté, ou
dans le cadre de l'exécution " d'accords internationaux ".
Cette formule vise des accords conclus avec des Etats dans les conditions
prévues par l'article 55 de la Constitution.
Exercice de l'activité d'achat pour revente
Le quatrième paragraphe de cet article soumet l'activité d'achat
pour revente à un régime d'autorisation.
Le ministre chargé de l'industrie est compétent pour
délivrer cette autorisation, tant aux entités qui exercent cette
seule activité qu'aux producteurs qui achètent pour revendre aux
clients éligibles afin de compléter leur offre. Dans ce dernier
cas, le ministre peut refuser l'autorisation pour des motifs mettant en cause
les capacités techniques, économiques ou financières du
demandeur, afin d'assurer la sécurité et la sûreté
des réseaux publics d'électricité, des installations et
des équipements associés, et la compatibilité avec les
missions de service public.
Le dernier alinéa du IV prévoit enfin qu'un décret en
Conseil d'Etat fixera, là encore, les conditions d'application du
paragraphe.
Votre rapporteur souhaiterait -de nouveau- obtenir du
Gouvernement des précisions sur le contenu de ce décret.
3.
Modifications adoptées par l'Assemblée nationale
Au cours de ses débats, l'Assemblée nationale a apporté
d'importantes modifications à cet article puisqu'elle a
substantiellement amendé les paragraphes I à III, et
réécrit l'intégralité du paragraphe IV.
La définition des clients éligibles
Après avoir adopté un amendement de portée
rédactionnelle au I, l'Assemblée nationale a modifié le
deuxième alinéa du II. Celui-ci prévoit désormais
que sont éligibles : "
sous réserve des dispositions
du IV, les producteurs autorisés en application de l'article 7,
autres que les collectivités territoriales ou les établissements
publics de coopération qui, afin de compléter leur offre,
concluent des contrats d'approvisionnement avec des producteurs et des
fournisseurs autorisés
", que ceux-ci soient
"
installés sur le territoire d'un Etats membres de la
Communauté européenne ou dans le cadre de l'exécution
d'accords internationaux, sur le territoire de tout autre Etat
".
En votant cet amendement, l'Assemblée nationale a donc
supprimé " l'achat pour revente " de la liste des
activités " éligibles ".
Selon le rapporteur, le
négoce d'électricité serait inutile dans un marché
partiellement ouvert à la concurrence, en outre, il pourrait tirer les
prix vers le coût marginal et n'aurait qu'un impact insignifiant sur
l'emploi. Enfin, l'existence d'un " marché de gros " serait de
nature à dévier des objectifs fixés par la programmation
pluriannuelle des investissements.
La nouvelle rédaction de l'alinéa 2 du II reprend, en
revanche, les dispositions qui figuraient antérieurement à
l'article 12, lesquelles ouvrent aux producteurs la possibilité de
compléter leur offre.
L'Assemblée nationale a également adopté un amendement de
précision afin de prévoir explicitement qu'outre les
réseaux ferroviaires, les réseaux de transports collectifs
urbains seraient éligibles lorsqu'ils sont électriquement
interconnectés en aval des points de livraison par EDF ou par les DNN
(quatrième alinéa).
Au troisième paragraphe, l'Assemblée nationale a voté un
amendement de M. Claude Billard, sous-amendé par le Gouvernement, aux
termes duquel
le cadre contractuel dans lequel s'effectue la fourniture
d'électricité ne peut avoir une durée inférieure
à 3 ans
. Selon l'auteur de cet amendement,
" si les
clients éligibles peuvent changer à tout moment de fournisseur
d'électricité [...] on vide la politique
énergétique et la planification de tout contenu. On prend le
risque soit de pénurie, soit de gaspillage "
. Quant au
secrétaire d'Etat à l'industrie, il a observé
qu'
" il faut
veiller à ce que
[cette]
mesure ne
soit pas contradictoire avec la liberté de contracter de
l'opérateur et du client éligible. Elle doit s'insérer au
sein d'une liberté contractuelle qui demeure le droit commun de la vie
commerciale entre des entreprises. La durée, les prix, les
quantités, les effacements aux jours de pointe, les compléments
de fourniture, la saisonnabilité, les secours, notamment, ne
ressortissent pas au cadre contractuel mais doivent être laissés
à la négociation ".
Régime
de l'achat pour revente par les producteurs
autorisés
Un amendement du rapporteur, sous-amendé par M. Claude Billard, a
transformé la portée du IV de cet article en modifiant ses deux
premiers alinéas. Comme on l'a vu ci-dessus, ce paragraphe
prévoyait initialement que l'autorisation d'achat pour revente
était délivrée par le ministre chargé de
l'industrie tant aux sociétés dont c'était
l'activité exclusive qu'aux producteurs soucieux de compléter
leur offre. A l'issue des travaux de l'Assemblée nationale,
le champ
du négoce d'électricité ne se limite plus qu'à
l'achat par des producteurs ou les filiales qu'ils contrôlent
majoritairement, afin de compléter leur offre
. En outre,
l'Assemblée nationale a apporté deux autres restrictions à
cette faculté :
- d'une part, l'autorisation n'est accordée que
" pour une
durée déterminée ".
- d'autre part,
les volumes annuels d'électricité
achetés par un producteur, ou par les filiales qu'il contrôle
majoritairement
, pour les revendre aux clients éligibles,
ne
peuvent excéder un plafond fixé par décret
en
fonction de leur production annuelle
. Dans son amendement initial, M.
Billard souhaitait que ce seuil soit fixé par la loi à 20 %
de la production annuelle moyenne du producteur. Le ministre de l'industrie a
approuvé le principe d'une fixation du seuil par décret, tout en
jugeant
" raisonnable "
le chiffre de 20 %.
L'Assemblée nationale a enfin ajouté, à l'initiative de
M. Franck Borotra, un paragraphe V à cet article qui
prévoit désormais que le ministre chargé de
l'énergie établit et rend publiques les listes des clients
éligibles et des producteurs qui achètent pour revendre aux
clients éligibles, ainsi qu'un amendement de précision au
paragraphe IV, selon lequel l'autorisation d'acheter pour revendre peut
être retirée.
4.
Observations de votre rapporteur
Fixation du seuil d'éligibilité
Le libellé de la troisième phrase de cet article
qui dispose
que les seuils sont "
définis de manière à
permettre une ouverture du marché national limitée à la
part communautaire moyenne
"
est de nature à susciter des
difficultés d'application
et, selon toute vraisemblance,
des
contentieux
. En effet, la directive impose
de déterminer la liste
des clients éligibles à partir de critères objectifs.
Dans ces conditions, le Gouvernement se trouvera confronté à une
difficulté insoluble
:
définir des critères
a priori, afin de respecter le seuil maximum d'ouverture que lui impose la
loi
(puisque celle-ci est limitée à la part communautaire
moyenne)
et respecter le seuil minimum que lui impose la directive.
En transformant le seuil plancher posé par la directive en seuil plafond
dans la loi, le Gouvernement risque fort de ne pouvoir respecter soit l'un,
soit l'autre
, faute de parvenir à définir des critères
objectifs pertinents. En conséquence, votre rapporteur vous propose
d'adopter un
amendement
au premier alinéa du I
tendant
à remplacer l'expression
de seuil limité à la part
communautaire
par celle de
seuil correspondant à la part
communautaire,
qui laisse une légère marge
d'appréciation pour déterminer des critères objectifs
assurant le respect des dispositions de la directive, ainsi qu'un amendement de
coordination au même alinéa, et un
amendement
de
coordination
avec le précédent au
même
alinéa
.
Supprimer la notion de " cadre contractuel " de trois ans
Votre rapporteur estime, en outre, que la référence à un
cadre contractuel de trois ans minimum est contraire à l'esprit de la
directive de libéralisation. En effet, depuis l'entrée en vigueur
de celle-ci, l'électricité se négocie en Europe tant sur
le " marché spot", de court terme, que sur les marchés
à terme.
L'introduction d'un cadre contractuel minimal est une source
de rigidité incompatible avec la souplesse de la vie des affaires
qui, sur un marché concurrentiel, tend à assurer
l'équilibre entre l'offre et la demande grâce aux variations de
prix.
L'adoption de cette disposition, contraire à la directive, serait de
nature à engager la responsabilité de la France
vis-à-vis de l'Union européenne
et à lui faire encourir
des mesures de rétorsion
de la part des autres Etats signataires qui
feraient jouer la clause de réciprocité.
C'est pourquoi votre rapporteur vous proposera un amendement tendant à
supprimer le dernier alinéa du III
de cet article.
Rétablissement du négoce d'électricité
Au cours de ses travaux,
l'Assemblée nationale a restreint le droit
d'effectuer le négoce d'électricité aux producteurs dans
la limite d'une partie de leur production
dont le seuil sera fixé
par décret.
Cette disposition est totalement contraire à la
directive
.
En effet, dans la mesure où la production propre de l'opérateur
historique s'établit à environ 95 % de la production
nationale, tous ses concurrents seront, en pratique, empêchés de
se livrer au commerce de l'électricité, puisqu'ils n'auront pas
la production requise pour que leur part sur le marché du négoce
soit significative. En d'autres termes,
cette mesure revient à
instituer un monopole du négoce au profit d'EDF.
Tous ses
concurrents iront donc faire du négoce à l'étranger !
Votre rapporteur juge cette situation d'autant plus regrettable que
le
négoce d'électricité est une activité à
forte valeur ajoutée
et que l'opérateur historique,
lui-même soucieux d'accroître sa part de marché dans ce
secteur en expansion, semble peu désireux de bénéficier de
telles
protections purement artificielles.
La meilleure preuve en est
qu'il a choisi de créer une filiale à Londres afin d'y faire du
négoce dans un cadre parfaitement libéralisé
.
N'aurait-il pas été souhaitable que cette filiale s'installe
à Paris ?
Tout comme la censure de la presse sous l'Ancien
régime a ruiné l'industrie de l'imprimerie française et
assuré la prospérité des éditeurs
néerlandais, l'interdiction du négoce d'électricité
fera la fortune des places commerciales étrangères : des
bourses de l'électricité se constituent à Londres,
à Rotterdam ou à Francfort, qui accueilleront les
activités que le texte adopté par l'Assemblée nationale
contribuerait à délocaliser hors de France.
Votre rapporteur vous proposera en conséquence de revenir, au
IV de
cet article
par un
amendement
, à un régime dans lequel
l'activité d'achat d'électricité pour revente est soumis
à l'obtention d'une autorisation ministérielle
précédée d'un avis de la CRE
.
Votre rapporteur vous demandera enfin d'adopter
un amendement
rédactionnel
au
second alinéa
du I
de cet
article.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Article 23
-
Droit d'accès au
réseau
de transport
1.
Contenu du projet de loi initial
Comme votre rapporteur a eu l'occasion de le souligner à plusieurs
reprises, le droit d'accéder au réseau est la condition sine qua
non de l'ouverture du marché de l'électricité. C'est
pourquoi la directive insiste sur la nécessité de le rendre
effectif (considérant n° 12 et articles 16 à 18).
Actuellement, EDF n'est tenue de transporter du courant pour le compte de tiers
que dans des cas limitativement énumérés par
l'article 2 du décret n° 55-662 du 20 mai 1955
qui institue, principalement au profit des industriels, un dispositif connu
sous le nom de " règle des trois points ". Celui-ci
prévoit qu'EDF assure le transport de l'énergie produite
notamment par :
- les installations des entreprises pour les besoins de leur exploitation
lorsqu'elles fonctionnent comme accessoire de la fabrication principale ;
- les aménagements de production de tout établissement,
entreprise ou particulier de puissance installée supérieure
à 8.000 Kva.
La seule restriction instituée par l'article 2 du décret
n° 55-662 précité est que le producteur doit utiliser
cette énergie dans ses propres établissements ou dans ses
entreprises mère ou filiales, sans que le nombre de lieux d'utilisation
puisse excéder le nombre de trois. Le caractère très
limitatif de ces dispositions était incompatible avec l'esprit de la
directive sur la libéralisation du marché de
l'électricité. C'est pourquoi le projet de loi modernise le
régime de l'accès au réseau de transport, dans les
conditions suivantes :
Liste des activités bénéficiant d'un droit
d'accès au réseau
L'article 23 a pour objet de tirer les conséquences de la directive en
instituant un droit d'accès aux réseaux de transport, garanti par
le GRT pour :
- assurer les missions de service public (notamment la fourniture
d'électricité aux clients non éligibles et celle, à
titre de secours, aux clients éligibles) ;
- assurer l'exécution des contrats conclus entre les clients
éligibles et leurs fournisseurs ;
- permettre l'approvisionnement par un producteur de ses
établissements, de ses filiales, de sa société-mère
et des filiales de cette dernière dans les limites de sa propre
production ;
- assurer l'exécution des contrats d'exportation
d'électricité conclus par un producteur ou un fournisseur
d'électricité installé sur le territoire national.
Conclusion d'accords relatifs à l'accès au réseau
Les utilisateurs du réseau de transport devront conclure avec le GRT des
accords. Il s'agira :
- de contrats pour tous les utilisateurs ;
- de protocoles pour régir les relations entre le GRT et EDF.
Ces contrats et protocoles, dont la CRE sera informée puisqu'ils lui
seront transmis, préciseront les conditions d'accès au
réseau et
" l'application de la tarification "
. Comme
le prévoit l'article 17-5 de la directive, le refus de conclure un
contrat d'accès au réseau -qui ne peut être fondé
que sur l'absence de capacité nécessaire- sera motivé et
notifié au demandeur et à la CRE.
Le dernier alinéa de cet article prévoit qu'un décret en
Conseil d'Etat en précisera les modalités d'application.
Votre rapporteur souhaiterait obtenir du Gouvernement des précisions
sur le contenu de ce décret.
2.
Modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté cinq amendements à cet
article, dont les deux plus importants tendent à :
- exclure la possibilité pour un producteur de desservir les
filiales de sa société-mère (quatrième
alinéa) ;
- permettre aux collectivités locales d'utiliser
l'électricité qu'elles produisent elles-mêmes pour
approvisionner les services publics locaux (avant-dernier alinéa).
Les trois autres précisent que :
- les critères du refus de conclure un contrat d'accès sont
"
objectifs, non discriminatoires
" et "
fondés
sur des motifs techniques tenant à la sécurité et à
l'intégrité du réseau
"
(alinéa 7) ;
- l'exécution des contrats d'exportation
d'électricité est limitée aux producteurs puisque les
fournisseurs d'électricité n'ont plus la faculté d'exercer
leur activité (alinéa 5) ;
- les protocoles signés entre le GRT et l'opérateur
historique règlent également les conditions d'utilisation des
réseaux et les conditions d'application de leur tarification
(alinéa 6).
3.
Observations de votre rapporteur
Votre rapporteur estime que
la seule transmission à la CRE des
contrats et des protocoles n'est pas suffisante pour assurer le respect de
l'ensemble des règles de concurrence
. C'est pourquoi il vous demande
d'adopter un amendement fondé sur l'exemple des dispositions de
l'article L. 34-8 du code des télécommunications qui
prévoit que "
lorsque cela est indispensable pour garantir
l'égalité des conditions de concurrence ou
l'interopérabilité des services, l'Autorité de
régulation des télécommunications peut, après avis
du Conseil de la Concurrence, demander la modification des conventions ou des
protocoles déjà conclus
".
Cette procédure, applicable, en ce qui concerne le secteur de
l'électricité, à l'accès aux réseaux donne
en outre un
gage de rapidité
puisque le pouvoir
réglementaire peut également fixer, comme il l'a fait pour
l'Autorité de régulation des télécommunications,
à 3 mois au plus le délai avant le terme duquel la CRE doit avoir
statué, ainsi qu'en dispose l'article R.11-1 du code des
Télécommunications pour l'ART (ce délai est porté
à six mois en cas de difficultés particulières
nécessitant des investigations ou des expertises.)
Cette procédure permettrait
d'éviter
, dans un grand nombre
de cas, de recourir aux juridictions ordinaires et, en conséquence,
d'encourir des délais d'instruction supplémentaires.
Il vous
proposera, en conséquence, un
amendement
au
septième alinéa de cet article
afin de la mettre en
oeuvre.
Votre rapporteur vous propose, en outre, d'adopter
trois amendements
à cet article :
-
le premier
tendant,
par coordination
, à mentionner
" la sécurité et la sûreté
" des
réseaux à la fin de la dernière phrase du
septième alinéa
;
- et
les deux autres
, de
portée rédactionnelle ou
de précision
, aux
sixième et avant-dernier
alinéas
de cet article.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.
Article 24
-
Construction de lignes directes
1.
Contenu de la directive
L'article 21 de la directive prévoit que les Etats membres prennent des
mesures afin de permettre aux producteurs et aux fournisseurs
d'électricité d'approvisionner leurs propres
établissements et filiales ou leurs clients éligibles par des
lignes directes. Le même droit est reconnu aux clients éligibles
eux-mêmes. Toutefois, les Etats peuvent subordonner l'autorisation de
construire une ligne directe soit à un refus d'accès au
réseau, soit à l'ouverture d'une procédure de
règlement des litiges relatifs à l'accès au réseau
par l'autorité indépendante chargée de cette mission dans
les conditions prévues par l'article 20 de la directive. Enfin, les
refus d'autorisation doivent être motivés et justifiés.
2. Le droit en vigueur
La
construction de lignes électriques
, qu'elles soient publiques
ou privées, est régie par trois textes principaux :
- l'article de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions
d'énergie détermine le régime des servitudes
d'utilité publique sur les propriétés privées
(article 12) ;
- la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de
l'électricité et du gaz fixe le régime applicable aux
servitudes d'ancrage, d'appui, de passage, d'abattage d'arbres, d'aqueducs, de
submersion et d'occupation temporaire ;
- la loi n° 52-1265 du 29 novembre 1952 sur les travaux mixtes
et procédure d'instruction mixte à l'échelon local
s'applique, quant à elle, aux lignes de tension supérieure
à 150 Kv.
Le régime relatif à la
construction des lignes
privées
relève, en outre, d'une législation
spécifique. Comme le montre le tableau ci-dessous, il est adapté
en fonction de la tension des lignes et selon que le propriétaire jouit
ou non de la libre disposition du sol.
Dispositions applicables aux lignes privées avec libre disposition
du sol.
a) Lignes à 63 Kv
Code de l'urbanisme : articles L.122-1, L.123-8 et L.421-1. |
Compatibilité avec les documents d'urbanisme existants : schémas directeurs, POS et permis de construire (PC) sur pylônes supérieurs à 12 m (dispense de PC pour les lignes souterraines). |
Loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 modifiée relative à la protection de la nature, décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 modifié. |
Etude d'impact. |
Loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 et décret n° 85-453 du 23 avril 1985 modifié, notamment son article 4 sur les regroupements d'enquêtes. |
Enquête publique " Bouchardeau ". |
Article 35 de la loi du 8 avril 1946 |
Déclaration d'utilité publique suivie d'une enquête parcellaire (art. 13 à 17 du décret n° 70-492 du 11 juin 1970 pris pour l'application de l'art. 35 de la loi de 1946) et mise en servitude par arrêté préfectoral (art. 18 et 19 du même décret). |
b) Lignes < à 63 Kv
Code de l'urbanisme : articles L.122-1, L.123-8 et L.421-1. |
Idem, sauf dispense de PC (régime de déclaration) si pylônes inférieurs à 12 mètres et ligne inférieure à 1 km. |
Loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 modifiée relative à la protection de la nature. |
Notice d'impact |
Article 24 du projet de loi |
Enquête publique :
|
Article 35 de la loi du 8 avril 1946 |
Déclaration d'utilité publique suivie d'une enquête parcellaire (art. 13 à 17 du décret n° 70-492 du 11 juin 1970 pris pour l'application de l'art. 35 de la loi de 1946) et mise en servitude par arrêté préfectoral (art. 18 et 19 du même décret). |
Dispositions applicables aux lignes privées sans libre disposition du
sol.
Lignes à 63 Kv
Législations et réglementations applicables |
Domaine d'application des textes |
Code de l'urbanisme : articles L.122-1, L.123-8 et L.421-1. |
Compatibilité avec les documents d'urbanisme existants : schémas directeurs, POS et permis de construire sur pylônes > 12 m (dispense de PC pour les lignes souterraines) |
Loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 modifiée relative à la protection de la nature, décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 modifié. |
Etude d'impact. |
Loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 et décret n° 85-453 du 23 avril 1985 modifié. |
Enquête publique " Bouchardeau ". |
Lignes < à 63 Kv
Code de l'urbanisme : articles L.122-1, L.123-8 et L.421-1. |
Idem sauf dispense de permis de construire (régime de déclaration) si pylônes inférieurs à 12 mètres et ligne inférieure à 1 km. |
Loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 modifiée relative à la protection de la nature. |
Notice d'impact. |
3.
Contenu du projet de loi
Cet article tend à permettre la construction de lignes directes, afin de
répondre aux besoins de transport d'énergie qui ne sont pas
couverts par le réseau. Il est donc la contrepartie du refus
d'accès que les producteurs peuvent se voir opposer en cas de manque de
capacité sur le réseau du transport.
Construction de lignes directes à l'initiative du producteur
Un régime d'autorisation est institué pour la construction des
lignes destinées à satisfaire :
- un producteur et un client éligible ;
- le transport de courant destiné à l'exportation ;
- l'approvisionnement par un producteur de ses établissements,
filiales, de sa société-mère ou des filiales de cette
dernière.
Les réserves à la délivrance de cette autorisation par
l'autorité compétente -qui peut être le préfet ou le
ministre selon que les travaux concernent des lignes de puissance
supérieure ou inférieure à 225 Kv-, sont de trois ordres.
En premier lieu, le demandeur doit jouir de la libre disposition des terrains
où sont situés ses ouvrages. En deuxième lieu, l'octroi de
cette autorisation doit être compatible avec les impératifs
d'intérêt général et le bon accomplissement des
missions de service public (alinéa 2). Enfin, elle doit être
conforme à la législation ci-dessus évoquée que cet
article n'a pas pour effet d'abroger.
Constructions de lignes consécutives à un refus
d'accès aux réseaux
Le dernier alinéa du texte prévoit un régime
spécifique pour les demandes de construction de ligne directe
consécutives à un refus d'autorisation d'accès aux
réseaux publics de transport. Dans ce cas, en effet, le demandeur peut
bénéficier d'une déclaration d'utilité publique,
sous réserve d'une enquête publique, procédure
réservée en principe aux opérations d'intérêt
général, dans les conditions prévues par les articles
1
er
et suivants du code de l'expropriation. Cette servitude,
analogue à celle que prévoit l'article 12 de la loi du
15 juin 1906 pour l'ancrage, l'appui, le passage, l'abattage d'arbres
nécessaires à l'établissement d'une ligne directe, sera
cependant exclusive de toute expropriation et de toute possibilité pour
les agents du bénéficiaire de pénétrer dans les
locaux d'habitation.
Concrètement, cette procédure exorbitante du droit commun sera
précédée d'une enquête publique au cours de laquelle
les propriétaires concernés seront, entre autres, appelés
à présenter leurs observations. Une indemnisation sera
versée tant au propriétaire qu'à l'exploitant du fonds qui
détient un titre régulier d'occupation, compte tenu du
préjudice qu'ils subissent respectivement. Faute d'un accord amiable,
cette indemnité sera fixée par le juge de l'expropriation.
4.
Modifications adoptées par l'Assemblée nationale
Au premier alinéa de cet article, l'Assemblée nationale a
adopté deux amendements :
- l'un, de conséquence, tend à ne plus faire
référence aux filiales des sociétés-mères
des producteurs désireux d'obtenir la construction d'une ligne
directe ;
- l'autre précise que les demandeurs qui bénéficient
d'une permission de voirie seront assimilés à ceux qui ont la
libre disposition des terrains où sera implantée la ligne.
En cas de refus d'autorisation de construction d'une ligne nouvelle,
l'Assemblée a prévu que l'autorité administrative
compétente serait tenue de recueillir l'avis de la CRE, puis de motiver
et de justifier son refus (alinéa 3).
Un nouvel alinéa 3 précise le régime juridique de
l'autorisation de construction de ligne directe. La validité de celle-ci
n'est que de vingt ans renouvelables. Elle doit respecter les dispositions
relatives à l'intégration visuelle des lignes dans
l'environnement contenues dans les cahiers des charges des concessions ou les
règlements-types des régies applicables dans les territoires
qu'elles traversent. Enfin, si un titulaire d'autorisation vient à ne
pas utiliser sa ligne durant dix-huit mois consécutifs, il est tenu de
la déposer, dans les trois mois qui suivent l'expiration du délai
de dix mois précité.
Au dernier alinéa, l'Assemblée nationale a prévu que
l'absence de réponse du GRT à une demande d'accès au
réseau dans un délai de trois mois, à compter du
dépôt de cette demande serait assimilée à un refus
et ouvrirait au demandeur la faculté de demander la création
d'une ligne directe.
5.
Observations du rapporteur
Votre rapporteur vous proposera de rendre la procédure d'autorisation
d'une ligne directe
plus transparente
; en prévoyant qu'en
cas de refus, l'avis de la CRE sera adressé au demandeur, en même
temps que la réponse négative du ministre. De la sorte, le
demandeur pourra connaître tant les motifs de la décision
ministérielle que l'appréciation portée par
l'autorité de régulation.
Ceci le mettra en mesure de contester plus aisément, s'il estime qu'elle
est illégale, cette décision devant la juridiction administrative.
Il vous présentera un
amendement
au
deuxième
alinéa
à cette fin.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.
TITRE V -
LA DISSOCIATION COMPTABLE
ET LA TRANSPARENCE DE LA
COMPTABILITÉ
Ce
titre, composé de trois articles (25 à 27), impose aux
opérateurs du secteur de l'électricité le respect de
diverses règles comptables, afin d'assurer la loyauté de la
concurrence par la transparence des comptes de leurs différentes
activités, en vue de prohiber notamment, conformément au droit de
la concurrence, toute subvention croisée.
A. UNE OBLIGATION TRADITIONNELLE DU DROIT DE LA CONCURRENCE
1. Un moyen de contrôler l'absence d'abus de position dominante, de
discrimination ou de subvention croisée faussant la concurrence
En vue de la constitution d'un marché commun, le traité
instituant la Communauté européenne,
signé à
Rome le 25 mars 1957, contenait un chapitre relatif aux règles de
concurrence. Il s'agit des articles 85 à 94
22(
*
)
du traité, qui ont fondé
la politique de concurrence mise en oeuvre, en vertu de l'article 89 du
même traité, par la Commission, et plus spécialement par la
direction générale IV.
En 1998, la Commission
23(
*
)
a
traité 509 dossiers sur le fondement des articles 85 et 86 du
traité, le contrôle des concentrations ayant, quant à lui,
donné lieu à 225 notifications et 238 décisions
et le régime des aides d'Etat à 714 notifications.
Ces dispositions, qui portent, entre autres, sur l'interdiction de principe et
l'instauration d'un régime d'autorisation des concentrations et des
aides d'Etat, interdisent, notamment "
dans la mesure où le
commerce entre Etats membres est susceptible d'en être affecté, le
fait pour une ou plusieurs entreprises
d'exploiter de façon abusive
une position dominante sur le marché commun
ou dans une partie
substantielle de celle-ci
"
.
(article 86).
L'article 90 du même traité, interprété par la Cour
de Justice des Communautés européennes
24(
*
)
, soumet les entreprises publiques et
les entreprises disposant de droits "
spéciaux ou
exclusifs
" au respect de ces règles de concurrence, ainsi que
les entreprises chargées de la gestion de "
services
d'intérêt économique général
", dans
la mesure où l'application de ces règles ne fait pas échec
à l'accomplissement de leur mission.
En droit français, c'est l'ordonnance n° 86-1243 du
1
er
décembre 1986 relative à la
liberté des prix et de la concurrence
qui fixe le principe de
l'interdiction, d'une part, des ententes faussant la concurrence
(article 7) et, d'autre part, de l'exploitation abusive d'une position
dominante ou d'un état de dépendance économique
(article 8).
Sont interdits, pour des marchés considérés comme
économiquement pertinents, tant les tarifs ou les traitements
discriminatoires pour des prestations équivalentes que les subventions
croisées entre différentes activités, susceptibles de
fausser le jeu concurrentiel.
Le raisonnement est, en effet, le suivant : sur un marché
donné, si l'un des opérateurs dispose d'une position dominante,
il peut être tenté d'utiliser la force que lui confère
cette position pour pratiquer des "
prix de prédation
"
destinés à éliminer son ou ses concurrents sur ce
marché ou sur un autre marché. Cette pratique est
considérée, en droit national comme en droit communautaire, comme
un abus de position dominante prohibé.
Dans cette optique, les entreprises disposant, en droit ou en fait, d'un
monopole sur un marché donné sont soumis à une
surveillance particulièrement attentive
, notamment de la Commission
européenne, qui considère que
25(
*
)
" comme les monopoleurs
détiennent par définition une position dominante, il leur
appartient tout particulièrement de veiller à ne pas agir de
façon abusive. A titre d'exemple (...) ils doivent prendre soin de ne
pas utiliser les recettes qu'ils tirent de leurs activités soumises
à monopole pour subventionner leurs ventes dans d'autres secteurs,
défavorisant ainsi de manière artificielle leurs
concurrents ".
Le Conseil de la concurrence tient un raisonnement équivalent. Il
estime
26(
*
)
, en application d'une
jurisprudence constante, qu'une entreprise disposant d'une position dominante
sur un marché (ou a fortiori d'un monopole légal sur un service
public si ce monopole légal lui confère une position dominante
sur un marché économique) peut abuser de sa puissance
économique dans des conditions contraires aux prescriptions du droit de
la concurrence, y compris sur un autre marché que sur celui sur lequel
elle détient une position dominante.
Les entreprises disposant d'"
infrastructures essentielles
",
c'est-à-dire d'infrastructures indispensables à l'activité
d'un secteur et dont la duplication n'est pas économiquement
envisageable, sont sujettes à la même surveillance.
Cette surveillance attentive des opérateurs dominants se manifeste
par un contrôle comptable, qui nécessite une dissociation
comptable de leurs différentes activités.
Par l'arrêt AKZ0 du 3 juillet 1991, la Cour de justice des
Communautés européennes a posé les principes
méthodologiques du
contrôle des prix d'une entreprise dominante
sur un marché donné
. La Cour a fixé des
critères permettant d'établir si les pratiques tarifaires
considérées ont ou non pour objet d'éliminer les
concurrents, eu égard aux coûts moyens totaux de l'entreprise. La
Cour indique que le fait qu'un opérateur dominant qui enregistre des
pertes importantes sur un produit suggère que ces prix ont pour objet
d'écarter du marché des entreprises qui sont peut-être
aussi efficaces que l'entreprise dominante, mais qui, en raison de leur
capacité financière moindre, sont incapables de résister
à la concurrence qui leur est faite.
L'appréciation du caractère abusif d'une position dominante
résulte donc de la comparaison entre les prix pratiqués et les
coûts moyens totaux entrant dans leur formation.
Afin de pouvoir exercer ce contrôle tarifaire, les autorités
concurrentielles doivent disposer d'éléments comptables
précis et individualisés, permettant de retracer la formation des
coûts des différentes activités des opérateurs.
La détermination du caractère abusif de la tarification
pratiquée par l'opérateur dominant suppose donc que soient connus
les éléments de comptabilité concernant tant
l'activité de ses concurrents que la sienne propre sur le marché
considéré, afin de s'assurer que l'entreprise dominante n'utilise
pas, pour l'exercice de cette activité, de ressources non
imputées. Cette détermination exige, en outre, que puissent
être comparés les éléments de comptabilité
des différents acteurs du marché : l'amélioration de
la qualité et de la transparence de ces données sont donc
essentielles pour une mise en oeuvre effective du droit de la concurrence.
C'est dans ce contexte que sont posées, par la directive, des
exigences de dissociation comptable entre différentes activités
d'un même opérateur électrique.
2. Une obligation de séparation comptable qui s'applique à
d'autres secteurs, comme les télécommunications ou les services
postaux
Ces principes de transparence et de dissociation comptables se retrouvent dans
plusieurs directives européennes et textes de loi qui concernent
d'autres secteurs d'activité.
En matière de télécommunications
, la directive
97/33/CE du 30 juin 1997 relative à l'interconnexion dans le
secteur des télécommunications en vue d'assurer un service
universel et l'interopérabilité prévoit, notamment dans
son article 8, que les opérateurs notifiés par leur
autorité réglementaire à la Commission comme étant
des
organismes puissants sur le
marché séparent leurs
comptes entre leurs activités en matière d'interconnexion et
leurs autres activités
. En outre, les opérateurs titulaires,
dans d'autres secteurs,
de droits exclusifs ou spéciaux
doivent
également tenir une comptabilité séparée pour leurs
activités de télécommunications.
La Commission a, également, fixé des lignes directrices
détaillées en matière d'imputation comptable des
différents coûts entre les activités, dans une
recommandation -extrêmement précise-, du
8 avril 1998
27(
*
)
.
En droit français, le II de l'article L.33-1 du code des postes et
télécommunications dispose que les opérateurs doivent, en
outre, au-delà d'un chiffre d'affaires dont le montant est fixé
par décret, individualiser sur le plan comptable l'activité
autorisée.
Dans le secteur postal,
la directive 97/67/CE du
15 décembre 1997 concernant des règles communes pour le
développement du marché intérieur des services postaux
dispose que les prestataires du service universel postal (terme qui recouvre,
de fait, les opérateurs historiques) tiennent
des
comptabilités séparées pour les services
réservés
28(
*
)
et
les services non réservés
, d'une part, et entre les services
relevant du service universel postal et les autres, d'autre part.
3. Obligation de séparation juridique
Dans certains cas, la réglementation va jusqu'à poser
l'obligation d'une séparation, non plus seulement comptable, mais
juridique, des différentes activités d'un opérateur
puissant, afin d'étanchéifier les diverses branches d'une
même entreprise, par la création de filiales. En matière de
télécommunications, la loi du 26 juillet 1996 de
réglementation des télécommunications a, par exemple,
imposé que, lorsque les opérateurs disposent, dans un autre
secteur d'activité, d'une position dominante, ils sont tenus de
séparer juridiquement leurs activités, à condition que les
infrastructures y afférentes puissent être physiquement
dissociées (une même obligation est prévue pour le secteur
de l'électricité par le présent projet de loi, à
l'article 26 commenté ci-dessous).
B. DES PRESCRIPTIONS INSCRITES À L'ARTICLE 14 DE LA DIRECTIVE DU
19 DÉCEMBRE 1996
L'article 14 paragraphes 3, 4 et 5 de la directive
du
19 décembre 1996 sur le marché intérieur de
l'électricité impose aux entreprises d'électricité
intégrées -c'est-à-dire exerçant plusieurs
activités- un certain nombre de normes comptables :
-
des comptes séparés
doivent être tenus, dans
la comptabilité interne, pour les activités de production, de
transport et de distribution et, le cas échéant, des comptes
"
consolidés
" pour d'autres activités en dehors
du secteur de l'électricité. Remarquons que le terme de
" consolidés "
signifie que
l'ensemble des autres
activités doit faire l'objet
d'un seul compte
séparé
, ce terme n'ayant donc pas la signification
traditionnelle qui est la sienne en droit comptable ;
- un
bilan et un compte de résultat
de chaque
activité doivent figurer en
annexe
des comptes ;
- les
règles d'imputation
comptables retenues, qui ne
peuvent être modifiées qu'exceptionnellement, doivent être
précisées en annexe des comptes annuels. Les modifications
doivent être indiquées dans l'annexe et motivées ;
- les comptes annuels doivent indiquer les opérations importantes
effectuées avec
les entreprises liées
à ces
opérateurs.
Ces obligations visent, comme le précise le texte de la directive,
à "
éviter les discriminations, les subventions
croisées et les distorsions de concurrence
".
Article 25 -
Transparence comptable d'EDF,
des DNN
et de la CNR
Cet
article impose à EDF, aux distributeurs non nationalisés (DNN) et
à la Compagnie Nationale du Rhône (CNR), la tenue de comptes
séparés pour, respectivement, la production, le transport, la
distribution d'électricité et l'ensemble de leurs autres
activités, afin d'assurer la transparence comptable de chacune de ces
activités et de permettre de détecter d'éventuels abus de
position dominante ou des subventions croisées.
I. TEXTE DU PROJET DE LOI INITIAL
Le champ d'application de cet article est défini au
premier alinéa
Les obligations de l'article 25 s'appliquent à EDF, aux distributeurs
non nationalisés
29(
*
)
(DNN) et à la Compagnie nationale du Rhône (CNR).
Rappelons qu'en vertu de la loi du 27 mai 1921 et des trois cahiers
des charges qui s'appliquent à elle, la CNR a pour mission, outre la
navigation sur le Rhône, mission de service public, l'aménagement
du fleuve en vue de la navigation et l'usage agricole de ses eaux. La CNR ne
peut produire d'électricité hydraulique (18 barrages
existent aujourd'hui sur le Rhône) qu'à condition de maintenir la
libre circulation fluviale. La compagnie, qui entretient les berges et
gère les ports fluviaux, a l'obligation de garantir le niveau
adéquat du fleuve pour la navigation, ainsi que la régulation des
bras secs du Rhône.
En vertu du premier alinéa du présent article, ces trois types
d'entreprises seraient donc astreints à produire, au plus,
4 comptabilités séparées pour, respectivement, la
production, le transport, la distribution d'électricité et leurs
autres activités, conformément aux stipulations de la directive.
Le deuxième alinéa détaille le contenu de cette
obligation
Dans sa rédaction initiale, le projet de loi propose,
conformément à la directive, de faire figurer, en annexe des
comptes annuels aussi bien que des comptes consolidés,
un bilan et un
compte de résultat pour chacune des quatre activités
visées.
Votre rapporteur rappellera brièvement le contenu de ces
différentes notions comptables.
Les comptes annuels
comprennent, d'après l'article 8 du code de
commerce, le bilan, le compte de résultat et une annexe, le tout formant
un ensemble indissociable.
Le code de commerce (article 9) dispose que :
-
le bilan
décrit, séparément, à la
clôture de l'exercice, les éléments actifs et passifs de
l'entreprise, et fait apparaître, de façon distincte, les capitaux
propres ;
-
le compte de résultat
récapitule les produits et
les charges de l'exercice, sans qu'il soit tenu compte de leur date
d'encaissement ou de paiement. Il fait apparaître, par différence
après déduction des amortissements et des provisions, le
bénéfice ou la perte de l'exercice.
Est assujettie à l'établissement de comptes annuels
toute
personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant
(code de commerce, article 8). Il s'agit principalement des
commerçants personnes physiques, des groupements d'intérêt
économique (GIE à objet commercial) et des sociétés
commerciales : sociétés anonymes (SA) ;
sociétés en commandite par actions (SCA) ;
sociétés par actions simplifiées (SAS) ;
sociétés à responsabilité limitée
(SARL) ; sociétés en nom collectif (SNC) ;
sociétés en commandite simple (SCS).
Les personnes morales de droit privé
non commerçantes
ayant une activité économique et une certaine taille sont
également concernées.
L'existence de
l'annexe
découle du constat que
les
états financiers
, si bien agencés soient-ils,
ne peuvent
communiquer par eux-mêmes l'image fidèle
que recherchent leurs
utilisateurs. Les bilans et comptes de résultats ne remplissent
utilement l'objet d'information qui leur est assigné que s'ils sont
accompagnés de notes qui les explicitent. C'est pourquoi le code de
commerce a fait de l'annexe une partie intégrante des comptes
annuels ; elle
complète et commente l'information
donnée par le bilan et le compte de résultat.
Le décret du 29 novembre 1983 (article 24) a fixé, pour sa part,
le contenu de l'annexe :
-
certaines informations sont obligatoires quelle que soit leur
importance
: le nombre d'informations prescrites varie selon la taille
des personnes morales commerçantes et selon leur nature, qu'il s'agisse
d'une personne morale ou physique ;
-
certaines informations
sont obligatoires car
nécessaires à l'obtention de l'image fidèle
du
patrimoine, de la situation financière et du résultat de
l'entreprise.
Les comptes consolidés
ont, quant à eux, en droit
comptable, pour but de présenter le patrimoine, la situation
financière et le résultat des entreprises d'un groupe comprises
dans un périmètre de consolidation, comme s'il s'agissait
d'une seule entreprise
. Cette technique permet l'établissement de
comptes uniques présentant l'activité globale et la situation
financière d'un ensemble de sociétés ayant des liaisons
d'intérêt commun (ou dépendant d'un centre de
décision commun) mais gardant chacune une personnalité juridique
propre.
On le voit, la consolidation, au sens du droit comptable français,
répond à une situation précise : celle d'entreprises
liées au sein d'un même groupe.
La loi n° 85-11 du 3 janvier 1985
, qui a transposé la
" 7
e
directive " européenne sur les comptes
consolidés, a introduit dans la loi sur les sociétés
commerciales du 24 juillet 1966 l'obligation d'établir et de publier des
comptes consolidés (art. 357-1 à 11). Les modalités en ont
été fixées par le décret n° 86-221 du 17
février 1966 (art. D 248 et D 248-1 à 13) et le
décret n° 90-72 du 17 janvier 1990. Un arrêté du 9
décembre 1986 a complété la réglementation relative
aux comptes consolidés par l'inclusion dans le plan comptable
général d'une " méthodologie " de consolidation.
Les sociétés qui sont tenues d'élaborer des comptes
consolidés, en vertu de l'article 357-1 de la loi précitée
sur les sociétés commerciales, sont
les sociétés
commerciales qui contrôlent de manière exclusive ou conjointe une
ou plusieurs autres entreprises ou qui exercent une influence notable sur
celles-ci
. Aussi, est-il nécessaire d'avoir, au minimum, une filiale
ou une participation pour être tenu d'établir des comptes
consolidés. Toutes les sociétés sont concernées,
qu'elles soient cotées ou non. L'obligation s'applique aux
sociétés commerciales par leur forme ou leur objet.
Le tableau suivant récapitule le champ d'application de l'obligation de
consolidation :
SOCIÉTÉS ASTREINTES À L'ÉTABLISSEMENT DE COMPTES CONSOLIDÉS
Sociétés tenues de consolider |
Exemptions |
Sociétés
émettant des
valeurs
mobilières
admises aux négociations
|
Aucune
|
Sociétés anonymes , en commandite par actions , par actions simplifiées , à responsabilité limitée , en nom collectif , en commandite simple et entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée |
Trois
types d'exemptions possibles :
|
Les
entreprises contrôlées sont retenues dans l'ensemble
consolidé en fonction de
la nature des liens financiers avec la
société mère du groupe
. La méthode de
consolidation à appliquer dépend du degré de
contrôle de la société-mère sur l'entreprise :
- les comptes des entreprises placées sous le contrôle
exclusif de la société consolidante sont consolidés par
intégration globale
;
- les comptes des entreprises contrôlées conjointement, avec
d'autres actionnaires ou associés, sont consolidés par
intégration proportionnelle
;
- les comptes des entreprises sur lesquelles la société
consolidante exerce une influence notable sont consolidés par simple
mise en équivalence
.
Par symétrie avec les comptes annuels, l'article 357-5 de la loi
précitée du 24 juillet 1966 dispose que les comptes
consolidés comprennent le bilan et le compte de résultat
consolidés, ainsi qu'
une
annexe
et qu'ils forment un tout
indissociable.
Rappelons que le terme de comptes
" consolidés
"
utilisé par la directive
ne vise pas la réalité comptable décrite ci-dessus, mais
plutôt l'existence d'un compte agrégé de l'ensemble des
activités non électriques des entreprises du secteur de
l'électricité.
Le troisième alinéa du présent article vise à
la transparence et à la stabilité des règles d'imputation
entre les comptabilités dissociées.
Le troisième alinéa du texte du projet de loi initial dispose que
les règles d'imputation, entre les différentes activités,
des actifs, passifs, charges et produits doivent être
précisées dans l'annexe, respectivement, des comptes annuels,
conformément à la directive, et des comptes consolidés.
En outre, reprenant mot pour mot les stipulations de la directive, le texte
proposé initialement, modifié par l'Assemblée
nationale
30(
*
)
, indiquait que
" ces règles ne peuvent être modifiées
qu'
à
titre exceptionnel
"
. Il s'agissait en effet
d'assurer, par la
continuité des clés de répartition
comptable
, une lisibilité des comptes, faute de laquelle ces
derniers nécessiteraient un retraitement préalable, en vue de
reconstituer un périmètre constant.
Le texte indique, de plus, que les éventuelles modifications doivent
être non seulement indiquées, mais également
motivées, dans les annexes concernées, conformément
à la directive (article 14, paragraphe 4). Cette
précision est indispensable pour assurer l'information du
régulateur et des autorités chargées de la mise en oeuvre
du droit de la concurrence.
Le quatrième alinéa concerne la publicité de ces
comptes,
dont le texte du projet de loi indique qu'elle est la même
que celle qui s'applique aux comptes annuels et consolidés des
entreprises concernées.
Rappelons que les sociétés par actions (SA, SCA et SAS), ainsi
que les SARL et EURL sont, en droit,
tenues de déposer leurs comptes
annuels dans le mois qui suit leur approbation
au greffe du tribunal de
commerce où la société est immatriculée.
Les sociétés en nom collectif (SNC) dont tous les associés
sont soit des SARL ou des sociétés par actions, soit des SNC ou
des SCS dont tous les associés sont des SARL ou des
sociétés par actions sont également soumises à
cette obligation.
La sanction du non respect de cette obligation est l'amende prévue pour
les contraventions de la cinquième classe (10.000 francs au plus et
20.000 francs en cas de récidive).
Le dernier alinéa traite des obligations applicables à
l'établissement de ces comptes séparés et de leur
contrôle par le régulateur.
La rédaction initialement proposée par le Gouvernement indiquait
que le périmètre des "
activités
séparées
" et les "
règles
déterminant leurs relations financières
" doivent
être "
stables et transparents
".
En outre, les règles déterminant les relations financières
donnaient lieu, dans la rédaction proposée par le Gouvernement,
à
une approbation de la CRE, après avis du Conseil de la
concurrence
, le texte indiquant qu'il en était ainsi "
de
manière à éviter les discriminations, les subventions
croisées et les distorsions de concurrence
".
A cet alinéa, se pose la question du
degré de liberté
des opérateurs
, non seulement pour la détermination des
périmètres comptables distincts selon les activités, mais
aussi pour les règles d'imputation comptable qui permettent, en
comptabilité analytique, de ventiler les coûts communs, ainsi que
pour la traduction comptable des inévitables prestations
réciproques entre ces activités.
Cette disposition va de pair avec le 6° de l'article 35 du
présent projet de loi, qui disposait, dans la rédaction initiale,
que la Commission de régulation de l'électricité peut
préciser les règles concernant "
le
périmètre de chacune des activités séparées
au plan comptable
et les règles déterminant les
relations financières entre les différentes entités ainsi
séparées
".
Les "
règles "
-ou principes-
" déterminant les relations financières
" entre les
activités devant faire l'objet d'une séparation comptable ont, en
effet, une importance toute particulière au regard du respect du droit
de la concurrence et du contrôle de l'absence de subventions
croisées. L'objectif de la séparation comptable est de faire
apparaître des comptes aussi distincts que si les différentes
activités étaient le fait de plusieurs sociétés,
comme l'indique la directive. Les
prestations réciproques
entre
ces activités et leur
" prix "
(purement comptable)
doivent donc apparaître dans les comptabilités
séparées, et à un niveau reflétant le mieux
possible leur coût réel. Ainsi en est-il du
" prix "
du transport facturé par le GRT à EDF
par exemple, ou du coût du capital. Les principes utilisés pour
établir ces
" prix "
ont donc une grande importance.
II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Son rapporteur estimant que la rédaction du Gouvernement posait
"
de multiples problèmes de fond et de forme
",
l'Assemblée nationale a totalement réécrit
l'article 25. Si l'amendement de rédaction globale de cet article,
sous-amendé par le Gouvernement, vise essentiellement à une
clarification rédactionnelle
, il apporte toutefois quelques
changements plus significatifs au projet initial.
Les changements de nature rédactionnelle
- Au
premier alinéa
, l'Assemblée nationale a
introduit l'adverbe "
respectivement
" pour préciser la
rédaction ;
- au
deuxième alinéa
, ont été
introduits les mots : "
le cas échéant
"
devant le terme de "
comptes consolidés
", cette notion
ne s'appliquant, comme cela a été dit, qu'aux
sociétés éventuellement membres d'un groupe ;
- au
troisième alinéa
, la formulation du
début de la première phrase a été
précisée pour la rendre cohérente avec les termes
employés en droit des sociétés. Il est désormais
indiqué : "
dans l'annexe
" des comptes annuels et
"
dans celle
" des comptes consolidés ;
- au
quatrième alinéa
, le
début de la
dernière phrase
a été précisé et
complété, puisque l'obligation de motivation et d'indication dans
l'annexe a été étendue aux modifications des
périmètres comptables, au-delà des seuls changements des
règles d'affectation.
Les changements ayant une incidence sur le fond
- L'Assemblée nationale a ajouté, à l'obligation de
séparation comptable des activités de production, de transport,
de distribution d'électricité et des autres activités,
celle d'établir un
bilan social pour chacune de ces
activités
. Cette obligation ne figure pas dans la directive.
Présentée comme une avancée sociale, elle n'est en
réalité pas très éloignée de la pratique
actuelle, en ce qui concerne en tout cas EDF.
- Sur proposition de son rapporteur, l'Assemblée nationale a
inséré une disposition inspirée du texte de la directive
et qui impose à EDF, à la CNR et aux DNN, dans le cas où
ils ne seraient pas tenus légalement de publier des comptes annuels, de
tenir à la disposition du public des comptes séparés
suivant la nature de leur activité
.
- Au
quatrième alinéa
, la mention du principe d'une
modification seulement "
à titre exceptionnel
" des
règles d'imputation comptable, directement reprise de la directive, a
été supprimée car jugée peu normative par le
rapporteur. Pourtant, aucune disposition mettant en oeuvre cette obligation
dans le droit français n'a été proposée en
contrepartie.
- Enfin, l'Assemblée nationale a réécrit le
cinquième alinéa de cet article. La nouvelle rédaction
supprime
les principes de stabilité et de transparence des
périmètres comptables et des règles déterminant les
relations financières entre les entités
séparées
, au motif que ces notions juridiques sont
"
plus vaseuses que le delta du Nil
"
31(
*
)
!
Là non plus, aucun dispositif opérationnel n'a été
proposé en remplacement des principes généraux du texte
initial. La nouvelle rédaction a substitué aux
"
règles déterminant les relations
financières
" entre les différentes comptabilités
distinctes d'un même opérateur, les "
principes
déterminant les relations financières entre les
différentes activités faisant l'objet d'une séparation
comptable
", les "
périmètres
"
comptables des différentes activités ayant été
ajoutés au dernier alinéa, qui prévoit une approbation par
la CRE après avis du Conseil de la concurrence.
Le 6° de l'article 35, comme il sera indiqué ci-dessous,
a d'ailleurs été modifié en conséquence, le pouvoir
réglementaire de la CRE s'attachant à la
"
détermination, par les opérateurs mentionnés
à l'article 25 (...) des principes déterminant les relations
financières entre les activités faisant l'objet d'une
séparation comptable
".
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
Outre un amendement rédactionnel
au premier alinéa de cet
article
, tendant à préciser que l'ensemble des
activités non électriques doit faire l'objet d'un seul compte et
non d'un compte par activité, votre commission vous propose d'adopter
des amendements tendant à :
-
inscrire
dans le texte (
troisième alinéa
)
une recommandation du Conseil national de la comptabilité
concernant la
précision
, dans l'annexe des comptes,
des
incidences d'éventuels changements d'affectation comptable qui
devraient, en outre, être motivés,
et préciser que le
contrôle exercé par la CRE et le Conseil de la concurrence porte
sur les périmètres comptables, les règles d'imputation
comptables et les principes déterminant les relations financières
internes, afin de bien
soumettre la totalité du processus de
séparation comptable au contrôle du régulateur
. En
effet, alors qu'une règle d'imputation comptable sert essentiellement
à ventiler des coûts communs, la notion de principes
déterminant les relations financières recouvre quant à
elle, plus largement, la " facturation " comptable des prestations
internes entre activités comptablement séparées
(3
e
alinéa)
;
-
réintroduire
les
principes de stabilité et de
transparence comptable (dernier alinéa)
dont la
CRE est
garante
;
- limiter au
deuxième alinéa
l'obligation
d'établissement de bilans sociaux dissociés par activités
aux organismes qui dépassent le seuil d'effectif fixé par le
droit du travail pour l'établissement d'un bilan social
(300 personnes en vertu de l'article L.438-1 du code du
travail) ;
-
supprimer l'obligation d'établissement d'une
comptabilité dissociée pour les comptes consolidés
(1
ère
phrase du 2
e
alinéa)
, cette
obligation non prévue par la directive n'apportant pas d'information
réellement pertinente. Elle revient en effet à amalgamer dans un
même compte les activités, respectivement, de production, de
transport, de distribution, de fourniture d'électricité et les
autres activités des opérateurs et de leurs filiales dans
l'ensemble des pays dans lesquels ils opèrent, alors même qu'entre
un opérateur et ses filiales existe une séparation juridique qui
est une meilleure garantie qu'une simple séparation comptable contre
l'existence de subventions croisées.
De plus, on cherche en vain la signification d'un document qui
agrégerait l'activité de transport d'EDF en France et dans le
reste du monde.
Interrogés à ce sujet, les services compétents
d'Electricité de France ont indiqué à votre rapporteur que
"
l'établissement de comptes consolidés dissociés
ne serait ni pertinente, ni utile, ni réalisable
" (...)
"
Se pose le problème de la faisabilité technique d'une
telle opération : elle supposerait de recueillir, tout à
travers le monde, sur la base d'un cadre (...) unique et détaillé
(...) les informations nécessaires à la publication
demandée. Cette supposition reste totalement
hypothétique
" ;
- transposer l'obligation, figurant à l'article 14 de la
directive, de faire figurer dans les documents comptables des opérations
réalisées avec des sociétés du même groupe,
au-delà d'un seuil fixé par arrêté (
après
le troisième alinéa
).
Les autres amendements adoptés par la commission sont de simple
coordination avec les changements décrits ci-dessus.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
Article 26 -
Obligation de dissociation
comptable
et juridique
des autres entreprises du secteur de l'électricité
Cet
article impose aux autres entreprises intervenant dans le secteur
électrique et dans un autre secteur d'activité, une dissociation
comptable des activités électriques et, dans certains cas, une
filialisation de ces dernières.
- L'obligation de dissociation comptable
Cet article impose aux entreprises dont l'activité est multisectorielle,
qui concerne le secteur de l'électricité
et un ou plusieurs
autres secteurs
(par exemple l'eau, les déchets, les
télécommunications...) les
mêmes obligations
de
dissociation comptable
que celles applicables aux entreprises visées
à l'article 25, au-delà d'un seuil de chiffre d'affaires
annuel dans le secteur de l'électricité fixé par
arrêté conjoint des ministres chargés de l'Economie et de
l'Energie.
Le ministre a précisé lors de la discussion de cet article
à l'Assemblée nationale que ce seuil devrait être
situé autour de
10 millions de francs de chiffre d'affaires
annuel
.
A titre de comparaison, la loi de réglementation des
télécommunications du 26 juillet 1996 avait
prévu, dans son article 6 (II de l'article L.33-1 du code des
postes et télécommunications), une obligation similaire pour les
opérateurs réalisant un chiffre d'affaires supérieur
à un certain seuil, fixé par arrêté conjoint, sur le
marché des télécommunications. L'arrêté du 14
août 1997 a fixé le seuil à
trois cents millions de
francs
de chiffre d'affaires annuel.
- L'obligation de séparation juridique.
En outre, lorsque les sociétés concernées disposent,
dans un autre secteur d'activité, d'une position dominante,
appréciée après avis du Conseil de la concurrence, une
filialisation de leur activité dans le secteur de
l'électricité peut leur être imposée.
Cette obligation, qui ne figure pas dans la directive, mais qui résulte,
comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi, d'un
"
souci de symétrie et d'équité
", va
plus loin que ce qui est exigé, à l'article 25, des
entreprises dites
" verticalement intégrées "
c'est-à-dire ayant plusieurs activités dans le secteur
électrique. Elle rejoint toutefois les dispositions applicables à
EDF, en vertu de l'article 42 du projet de loi, pour les prestations
complémentaires à la fourniture d'électricité.
Cette disposition vise à limiter les possibilités d'abus de
position dominante.
Rappelons que, selon une jurisprudence
32(
*
)
, tant européenne que nationale,
désormais bien fixée, l'abus de position dominante est
sanctionnable quand bien même il serait commis
sur un autre
marché que celui où l'entreprise est en position dominante.
Les autorités chargées de veiller au respect des règles de
concurrence considèrent en effet que les marchés captifs, ou sous
domination, permettent de dégager des moyens hors du commun pour
développer d'autres activités. Dès lors, un risque de
subvention des activités de diversification par les activités de
base apparaît, dont la réalisation constituerait une distorsion de
concurrence. A terme, de telles pratiques risquent en effet d'éliminer
du marché tous les acteurs économiques ne
bénéficiant pas de conditions analogues.
Comme le rappelle le Conseil de la concurrence dans son avis
33(
*
)
sur les problèmes
soulevés par la diversification d'EDF et de GDF : "
Aucune
disposition législative ou réglementaire et aucune jurisprudence
nationale ou communautaire ne prohibent en soi le développement
d'activités nouvelles, quand bien même l'entreprise qui cherche
à se diversifier serait en position dominante sur un marché [...]
Les droits [...] de la concurrence n'interdisent pas la position dominante mais
sanctionnent exclusivement son abus. "
C'est sur le fondement de ce raisonnement que le projet de loi propose une
obligation de filialisation pour les entreprises disposant, sur un autre
marché, d'une position dominante
, l'objectif étant de rendre
les activités à la fois plus " étanches " les
unes des autres et plus transparentes dans leurs relations réciproques,
afin d'éviter -et de permettre de déceler- d'éventuelles
subventions croisées.
Elle est, en outre, similaire à celle qui est imposée, dans le
secteur des télécommunications, par la loi précitée
du 26 juillet 1996 de réglementation des
télécommunications.
Le texte du présent article prévoit que ce sont "
les
ministres
" qui imposent une telle obligation.
-
La position de votre commission
Votre commission vous propose de préciser les modalités
juridiques de l'obligation de filialisation : un arrêté
conjoint des ministres chargés de l'Économie et de
l'Énergie (dernier alinéa)
.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
Article 27 -
Droit d'accès à la
comptabilité et aux informations financières
des entreprises
du secteur de l'électricité
Cet
article donne aux ministres chargés de l'Économie et de
l'Énergie et au régulateur un droit d'accès à la
comptabilité et aux informations financières des entreprises
exerçant une activité dans le secteur de
l'électricité.
Entreprises concernées
Les entreprises concernées par ce droit d'accès aux comptes et
aux informations financières étaient, dans la version initiale du
texte, les entreprises "
de production, de transport et de distribution
d'électricité
".
L'Assemblée nationale
a
étendu ce champ d'application à l'ensemble des entreprises
"
exerçant une activité dans le secteur de
l'électricité
", afin de viser également les
entreprises de fourniture d'électricité.
Etendue du droit d'accès
Le texte du projet de loi prévoit que le droit d'accès aux
informations internes à l'entreprise concerne :
- la comptabilité ;
- les informations financières ;
- et, comme l'a ajouté
l'Assemblée nationale
, sur
proposition du rapporteur, les informations nécessaires aux
"
missions de contrôle
" des ministres de
l'Économie, de l'Énergie et de la CRE, en application de la
présente loi, certains articles étant plus
précisément visés :
.
l'article 4
(tarifs et plafonds de prix de
l'électricité) ;
.
l'article 5
(compensation des charges imputables aux
missions de service public) ;
.
les articles 25 et 26
(dissociation comptable et juridique
des entreprises d'électricité) ;
.
l'article 42
(aménagement du principe de
spécialité d'Electricité de France) ;
.
l'article 44
(transparence comptable en matière de
protection sociale) ;
.
l'article 46
(coûts échoués).
Le texte prévoit que les modalités de cet accès seront
définies par un décret d'application.
Les titulaires de ce droit d'accès
sont au nombre de
trois : il s'agit du ministre chargé de l'Économie, du
ministre chargé de l'Énergie et de la CRE.
Le Conseil de la concurrence n'est pas cité par le texte du projet de
loi. Rappelons, en effet, qu'en vertu du titre VI de l'ordonnance
n° 86-1243 du 1
er
décembre 1986 relative
à la liberté des prix et de la concurrence, des fonctionnaires
habilités à cette fin et les rapporteurs du Conseil disposent
d'importants pouvoirs d'enquête -y compris sur place- dans le cadre des
missions de contrôle de cette autorité.
Position de votre commission
Votre commission vous propose d'insérer les informations
économiques, au même rang que les informations financières
et sociales, dans le champ des informations devant être
communiquées.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
TITRE VI
-
LA RÉGULATION
La mise
en place d'une régulation équilibrée et efficiente est
d'une importance capitale pour la future organisation électrique
française.
I. LE CHOIX D'UN RÉGULATEUR INDÉPENDANT AU SEIN DE L'ETAT
A. LA DIRECTIVE LAISSE UNE LARGE MARGE DE MANOEUVRE AUX ETATS
MEMBRES
1. L'obligation de créer une autorité indépendante des
parties pour le règlement des litiges
La directive laisse aux Etats membres le choix du système de
régulation retenu. Son article 20 dispose, d'une part, que
"
les Etats membres désignent
une autorité
compétente, qui doit être indépendante des parties, pour
régler les litiges
relatifs aux contrats et aux négociations
en question. Cette autorité doit notamment régler les litiges
concernant les contrats, les négociations et le refus de l'accès
et d'achat
". Il est, d'autre part, prévu qu'en cas de litige
transfrontalier, l'autorité compétente pour régler le
litige sera celle dont relève le gestionnaire qui refuse l'utilisation
ou l'accès au réseau et que le recours à cette
autorité se fera "
sans préjudice de l'exercice des voies
de recours du droit communautaire
".
Il est par ailleurs précisé, à l'article 22 de la
directive, que "
les Etats membres créent des mécanismes
appropriés et efficaces de
régulation, de contrôle et de
transparence, afin d'éviter tout abus de position dominante
, au
détriment notamment des consommateurs, et tout comportement
prédateur. Ces mécanismes tiennent compte des dispositions du
Traité, et plus particulièrement de son article 86
34(
*
)
".
Les Etats-membres restent libres d'organiser les modalités de cette
régulation, comme le rappellent d'ailleurs les considérants de la
directive, qui constatent qu'il existe actuellement, en raison de
"
différences structurelles
" entre les Etats-membres,
des systèmes différents de régulation de
l'électricité. Il est aussi précisé que,
conformément au principe de subsidiarité, la fixation des
modalités d'application des principes institués par la directive
incombe aux Etats-membres "
qui pourront choisir le régime le
plus approprié à leur situation propre
".
2. Une concrétisation diverse dans les différentes
législations nationales
Malgré la liberté laissée en la matière par la
directive, la majorité des Etats-membres a choisi la solution -la
mieux adaptée au sens de la Commission européenne- d'un
régulateur indépendant de l'administration, comme le
détaille le tableau reproduit dans l'exposé général
du présent rapport.
B. EN FRANCE, LA CONSULTATION PUBLIQUE A DÉBOUCHÉ SUR LA
CRÉATION D'UNE AUTORITÉ ADMINISTRATIVE INDÉPENDANTE
Le livre blanc précité du Gouvernement
" Vers la future
organisation électrique française
" n'excluait pas la
prise en charge directe, par l'Etat, de la fonction de régulation
technico-économique, même si celle-ci aurait relevé d'une
structure administrative distincte des services en charge de la tutelle d'EDF.
Mais quelle légitimité l'Etat aurait-il eu à
être, sans intervention d'une autorité véritablement
indépendante en son sein, à la fois le détenteur du
monopole historique et l'arbitre de l'ouverture partielle à la
concurrence de ce secteur ?
1. L'avis du Conseil de la concurrence
Dans son avis
35(
*
)
sur le
fonctionnement concurrentiel du marché électrique dans le cadre
tracé par la directive européenne, le Conseil de la concurrence
évoque l'exemple de pays -comme la Suède- ayant opté pour
une régulation exercée par l'administration. Le Conseil
considère toutefois que la situation suédoise est très
différente de la situation française, puisqu'y existent de
nombreux producteurs capables de rivaliser les uns avec les autres. Les
fonctions de transport et de production d'électricité y sont, en
outre, séparées.
Le Conseil de la concurrence, dans ce même avis, a identifié les
deux champs à son sens ouverts à la régulation dans la
future organisation du secteur électrique :
la définition, la tarification et le financement mutualisé des
charges d'intérêt général
, ainsi que le
contrôle des
investissements de production
. Estimant que ce bloc
" conditionne le succès de politiques publiques "
, le
Conseil estime qu'il peut relever du
ministre chargé de
l'Énergie
;
les paramètres conditionnant directement
l'ouverture à la
concurrence
comme
l'accès au réseau, la gestion du
système électrique et le contrôle de l'action d'EDF sur le
marché concurrentiel
devraient, d'après le Conseil de la
concurrence "
être mobilisés au bénéfice
égal de tous les intervenants sur le marché, donc
sans subir
l'influence de l'administration de tutelle
qui est aussi
" actionnaire " de l'opérateur public
".
Dans ce même avis, le Conseil passe en revue les différentes
solutions institutionnelles qui permettent de répondre à ces
préoccupations. Il estime que des trois solutions possibles,
chacune présente des avantages et des inconvénients, qui sont
résumés dans l'encadré ci-après :
AVIS
DU CONSEIL DE LA CONCURRENCE
SUR LES DIFFÉRENTS MODES DE
RÉGULATION
L'instance de régulation peut être soit une
direction
(de la régulation) du ministère chargé de
l'énergie, ayant à sa tête un responsable rattaché
directement à celui-ci, soit une autorité administrative
indépendante du type de l'Autorité de régulation des
télécommunications (ART), soit une formation
spécialisée du Conseil de la concurrence. Chacune de ces
solutions "
présente des avantages et des inconvénients
qu'il convient d'apprécier à la lumière du contexte
français
".
"
Si l'on choisit la solution " Direction de la
régulation "
, des gages forts d'indépendance de
celle-ci par rapport à l'administration de tutelle de l'opérateur
public paraissent devoir être donnés : nomination du
directeur pour une période longue, choix d'un expert non engagé
dans une carrière purement administrative, par exemple.
"
La solution de l'autorité administrative
autonome
permet une concentration des compétences et manifeste le souci
d'indépendance vis-à-vis de la tutelle de l'opérateur
public, notamment aux yeux de la Commission européenne et de la Cour de
justice. Ce choix est de nature à limiter les saisines contentieuses des
autorités communautaires. Il suppose la mise en oeuvre des
mécanismes de contrôle de l'action de l'Autorité et de
coopération de celle-ci avec les autres acteurs de la régulation,
le Conseil de la concurrence en premier lieu.
"
La solution d'une formation spécialisée au sein du
Conseil de la concurrence
, à l'image de ce qui a été
fait en Australie (...) permet une plus grande cohérence dans les
affaires intéressant le droit de la concurrence en ce qui concerne les
différents services en réseaux, en admettant que cette solution
soit progressivement étendue à l'avenir. Elle implique pour le
Conseil une croissance forte et un développement substantiel de ses
compétences et de ses moyens. Elle implique également une
coopération étroite avec les services du ministère
chargé de l'Énergie.
" L'organisation de la régulation sous la forme d'une
autorité spécialisée suppose que soit bien
précisée l'articulation entre les compétences du ministre,
celles de cette autorité spécialisée et celles du Conseil
de la concurrence. La création d'une autorité à
compétence plus large, qui couvrirait les différentes formes
d'énergie, notamment le gaz, pourrait d'ailleurs être
envisagée, compte tenu de la concurrence existant d'ores et
déjà entre certaines énergies. "
En conclusion de son avis, le Conseil estime
"
nécessaire que
la régulation soit confiée à une autorité
indépendante, dont les missions devront être clairement
définies et dont les décisions, motivées et rendues
publiques, devront être soumises à un contrôle
juridictionnel.
"
Source
: Avis n°98-A-05 du 28 avril 1998.
2. La position de la commission d'enquête du Sénat
La commission d'enquête du Sénat sur la politique
énergétique de la France, présidée par notre
collègue Jacques Valade, et dont votre rapporteur était
rapporteur, avait pris position pour que la régulation technique du
secteur et le contrôle du respect des règles du jeu soient
confiés à
une autorité administrative
indépendante
. Dans son rapport
36(
*
)
, la commission d'enquête
affirmait :
" Votre commission d'enquête souhaite que soit
créée une autorité de régulation
indépendante à la fois des opérateurs et de
l'administration, mais liée à l'Etat. Une telle instance devrait
être dotée d'un pouvoir de sanction, gage de l'efficacité
de ses décisions ".
C. UN CHOIX INSPIRÉ DE CELUI EFFECTUÉ POUR LE SECTEUR DES
TÉLÉCOMMUNICATIONS
Comme le préconisait le rapport précité de la Commission
d'enquête du Sénat, l'autorité administrative
indépendante proposée par le présent projet de loi, la
Commission de régulation de l'électricité (CRE), s'inspire
de l'Autorité de régulation des télécommunications
(ART) mise en place par la loi n° 96-659 de réglementation des
télécommunications du 26 juillet 1996. Cette loi a
défini entre le ministre chargé des
Télécommunications et l'ART un partage d'attributions qui se
distingue toutefois du choix effectué pour la CRE. Comme le
décrit son premier rapport d'activité, les missions de l'ART sont
les suivantes :
Consultation en matière réglementaire
L'ART
rend des avis
sur les projets de loi ou de règlement
relatifs au secteur des télécommunications et
participe
à leur mise en oeuvre
37(
*
)
. En 1997, d'après son rapport
annuel, elle a rendu 22 avis sur des textes d'application de la loi du
26 juillet 1996. Elle a ainsi participé à la
définition du cadre réglementaire de l'ouverture à la
concurrence
, en particulier sur les deux questions essentielles de
l'interconnexion
et du
service universel
des
télécommunications.
Instructions des licences
L'ART instruit, pour le compte du ministre chargé des
Télécommunications, les demandes de licences
d'établissement et d'exploitation de réseaux ouverts au public
ainsi que les demandes de licences de fourniture du service
téléphonique au public
38(
*
)
. Elle instruit également les
demandes de licences nécessaires à la fourniture au public de
services de télécommunications utilisant des fréquences
hertziennes
39(
*
)
.
Elle
transmet les dossiers instruits au ministre qui est chargé de
délivrer les autorisations.
Autorisation de certains réseaux
L'ART délivre les autorisations d'ouverture et d'exploitation des
réseaux indépendants
40(
*
)
qui sont destinés à la
fourniture de services de télécommunications
réservés à un usage privé ou partagé et non
au public. Il peut s'agir par exemple de réseaux internes à des
entreprises, à des administrations ou à des universités.
Numérotation
L'ART est chargée
d'établir et de gérer le plan de
numérotation
national
et
d'attribuer les ressources en
fréquences et en numéros
aux opérateurs et aux
utilisateurs, dans des conditions objectives, transparentes et non
discriminatoires
41(
*
)
.
Tarifs d'interconnexion
Les opérateurs de réseaux ouverts au public dont la part de
marché est supérieure à 25 % sont
réputés " puissants "
42(
*
)
et doivent à ce titre publier
leurs tarifs, sous la forme d'un catalogue d'interconnexion
43(
*
)
.
L'ART établit chaque
année la liste des opérateurs puissants et approuve leur
catalogue d'interconnexion
.
Evaluation du coût du service universel
L'ART propose l'évaluation du coût du service universel et des
contributions
des différents opérateurs à son
financement
au ministre, qui les constate
44(
*
)
.
L'ART rend également
des avis sur les tarifs et les objectifs
tarifaires
pluriannuels du service universel des
télécommunications, ainsi que sur les
tarifs
des services
pour lesquels il n'existe
pas de concurrents sur le
marché
45(
*
)
.
Pouvoirs d'arbitrage, de conciliation et de sanction
L'ART est chargée du
règlement des différends
entre
les opérateurs de télécommunications dans trois
domaines
46(
*
)
:
- le refus
d'interconnexion,
la conclusion et l'exécution
des
conventions d'interconnexion
et les
conditions d'accès
à un réseau de télécommunications ;
-
la mise en conformité des conventions
comportant des
clauses excluant ou apportant des restrictions de nature juridique à la
fourniture de
services de télécommunications sur les
réseaux câblés
;
- les possibilités et les conditions d'une
utilisation
partagée des installations existantes
situées sur le domaine
public ou sur une propriété privée.
Ce pouvoir d'arbitrage s'exerce sous le contrôle du juge (la Cour d'appel
de Paris).
L'autorité peut également être saisie d'une
demande de
conciliation
pour régler les litiges qui ne relèvent pas de
la procédure de règlement des différends
47(
*
)
. Outre le ministre chargé des
Télécommunications, toute personne morale ou physique
concernée, toute organisation professionnelle ou association de
consommateurs peut ainsi saisir le régulateur, qui en informe le Conseil
de la concurrence.
L'Autorité peut, enfin,
sanctionner
tout manquement des
opérateurs aux dispositions législatives et
réglementaires
48(
*
)
. Elle
peut ainsi prendre des mesures de
suspension temporaire ou définitive
d'une licence ou infliger une amende
pouvant aller jusqu'à 5 %
du chiffre d'affaires de l'opérateur en cas de récidive.
En définitive, la répartition des compétences entre l'ART
et le ministre peut être ainsi résumée :
PARTAGE DES COMPÉTENCES ENTRE LE MINISTRE ET L'ART
|
Ministre chargé des télécommunications |
Autorité de régulation des télécommunications (ART) |
Pouvoir réglementaire |
- Elaboration des textes réglementaires |
-
Avis
sur des projets
de loi ou de règlement
|
Autorisations |
- Attribution des licences d'exploitation de réseaux ouverts au public et de fourniture du service téléphonique au public. |
-
Instruction
des
demandes de licences d'exploitation de
réseaux ouverts au public et de fourniture du service
téléphonique au public
|
Service universel |
-
Constat
de
l'évaluation du coût du
service universel
|
-
Proposition
de l'évaluation du coût du service universel et
de la répartition de son financement entre les opérateurs
|
Numérotation, fréquences, homologation |
|
- Allocation des ressources en
fréquences
et en
numérotation
|
Arbitrage, conciliation
|
|
-
Règlement des
litiges
dans les domaines de
l'interconnexion, des réseaux câblés et du partage des
infrastructures.
|
Interconnexion des réseaux |
|
-
Approbation du
catalogue d'interconnexion (tarifs)
|
Source
: Rapport d'activité 1997 de
l'ART,
page 26.
La CRE, telle que propose de l'instaurer le présent projet de loi, est
façonnée sur le modèle de l'ART, choix justifié,
-outre la proximité qui existe, malgré leurs
particularités respectives, entre ces deux
industries de
réseaux-
, par le fait qu'il s'agit, dans les deux cas, d'un
service public
, dont l'opérateur historique est totalement ou
majoritairement
propriété de l'Etat
.
Votre commission approuve ce principe, dont le Sénat avait
déjà appelé de ses voeux la mise en oeuvre.
La Commission de régulation de l'électricité viendrait
ainsi étoffer une série d'institutions qui forment
désormais une catégorie juridique à part
entière :
les autorités administratives
indépendantes
.
II. L'AUTORITÉ ADMINISTRATIVE
INDÉPENDANTE :
UN MODÈLE JURIDIQUE DÉSORMAIS
CONSACRÉ
A. UNE CATÉGORIE QUI RASSEMBLE DES INSTITUTIONS DIVERSES
49(
*
)
1. Une apparition progressive
Alors que l'organisation administrative française est historiquement
fondée sur
un principe hiérarchique
, conforté par
l'article 20 de la Constitution, qui indique que le Gouvernement
"
dispose de l'administration
", sont peu à peu
apparues,
au sein de l'administration publique
, des institutions
exerçant, en toute indépendance, des fonctions administratives.
Dès la création, en 1967, de la Commission des opérations
de bourse (COB), puis de la Commission nationale du droit de réponse
(1975) et de la Commission des sondages (1977),
le modèle des
autorités administratives indépendantes
s'est peu à
peu dégagé, même s'il faut attendre la loi du 6 janvier
1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés pour
voir figurer dans la loi -au sujet de la Commission nationale informatique et
libertés (CNIL)- le terme "
d'autorité administrative
indépendante
".
Le
Conseil Constitutionnel
n'a pas censuré le mouvement de
création de ces autorités spécifiques. Bien au contraire,
il lui est arrivé de suppléer le silence de la loi, en qualifiant
d'autorité administrative indépendante la Haute autorité
de la communication audiovisuelle (décision du 26 juillet 1984), puis le
Conseil supérieur de l'audiovisuel qui a succédé à
la Haute autorité (décision du 17 janvier 1989).
Plusieurs
décisions du Conseil constitutionnel ont admis que soient
transférés aux autorités administratives
indépendantes des
pouvoirs de réglementation et de
sanction administratives.
Dans son rapport annuel, le
Conseil d'Etat,
par la voix de sa section du
rapport et des études a, dès 1983, estimé
"
commode et légitime
", de regrouper sous le vocable
d'"
autorités administratives indépendantes
"
des organismes publics situés au sein de l'exécutif, dotés
d'un pouvoir autonome de décision ou d'influence dans un secteur
déterminé.
Au contentieux, le Conseil d'Etat, compétent pour connaître, en
tant que juge administratif, des recours pour excès de pouvoir
dirigés contre les actes des autorités administratives s'est
attaché à
qualifier ces actes d'actes administratifs
.
Ainsi en a-t-il été, par exemple, des décisions du
Médiateur de la République (arrêt Retail du 10 juillet
1981).
Quant à la doctrine
, elle a depuis longtemps admis l'existence
d'une nouvelle notion de droit administratif.
2. Une réalité multiforme
La liste de ces autorités est difficile à établir, en
raison de leur extrême diversité. Au-delà de certaines
autorités bien connues comme le sont la COB, le CSA ou l'ART existent,
en effet, d'autres commissions qui peuvent être rattachées
à cette catégorie.
Le tableau suivant tente d'en dresser une liste, sans doute non
exhaustive :
LES AUTORITES ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES
La
régulation des activités financières
- la Commission des opérations de Bourse
- le Conseil de discipline des organismes de placement collectif en
valeurs mobilières
- la Commission bancaire
- le Conseil des marchés financiers
- la Commission de contrôle des assurances
- le Conseil de la concurrence
- la Commission des clauses abusives
- la Commission de la sécurité des consommateurs
- le Médiateur du cinéma
La régulation de l'information et de la communication
- le Conseil supérieur de l'audiovisuel
- le Conseil supérieur de l'agence France-Presse
- La Commission paritaire des publications et des agences de presse
- la Commission des sondages
- la Commission nationale des comptes de campagne et des financements
politiques
La protection contre les excès de la bureaucratie
- la Commission nationale de l'informatique et des libertés
- la Commission d'accès aux documents administratifs
- la Commission nationale de contrôle des interceptions de
sécurité
- le Médiateur de la République
- la Commission des infractions fiscales
L'évaluation de l'action administrative
- le Comité national d'évaluation des établissements
publics à caractère scientifique, culturel et professionnel
La régulation des services publics de réseau
- l'Autorité de régulation des
télécommunications
- la future Commission de régulation de l'électricité
(projet de loi).
Comme le fait remarquer la doctrine "
on ne saurait nier les
différences évidentes qui apparaissent entre les
autorités. Aussi doit-on convenir
qu'il existe parmi ces
autorités un " noyau dur " composé d'autorités
disposant d'un pouvoir de décision qui en fait d'incontestables
autorités
(CNIL, CNCL
50(
*
)
, COB, Conseil de la concurrence...)
et
une nébuleuse
composée d'autorités qui ne
disposent pas d'un pouvoir de décision au sens juridique classique mais
qui exercent une influence déterminante en fixant des directives de
comportement... "
51(
*
)
.
C'est bien au " noyau dur " d'autorités dotées de
réels pouvoirs qu'appartient l'ART, et dont devrait relever,
d'après votre rapporteur, la Commission de régulation de
l'électricité proposée par le projet de loi soumis au
Sénat.
La définition de l'autorité administrative indépendante a
été mise à jour de façon empirique, en comparant
les textes relatifs à ces diverses institutions.
B QUELQUES ÉLÉMENTS DE DÉFINITION DU RÉGIME
JURIDIQUE DE CES AUTORITÉS
1. Autorité...
Les autorités administratives indépendantes sont investies d'une
autorité soit réellement coercitive soit simplement morale, qui
se manifeste par un pouvoir soit de décision, soit de recommandation, de
proposition ou même simplement d'avis
. C'est davantage leur influence,
leur capacité de persuasion, la légitimité qui leur est
reconnue
pour assurer la régulation d'un secteur ou l'application
d'une loi qui importent, plus que l'étendue de leur pouvoir normatif.
Ces autorités ont souvent été
créées
52(
*
)
, pour
"
renouveler les modes classiques d'expression du pouvoir
d'Etat
". Cette analyse semble adaptée aux services publics
de réseaux où la présence d'un opérateur dominant
à caractère public suscite une nouvelle forme de
régulation, par opposition au pouvoir gouvernemental classique. La
doctrine
53(
*
)
estime que :
" C'est donc une définition large de
" l'autorité " qu'il convient de retenir, intégrant des
organismes qui ont des responsabilités dans un processus administratif
de décision ou de contrôle, en exerçant un " pouvoir
d'influence " ou une " magistrature morale ", autant que
ceux auxquels le législateur a confié le pouvoir de prendre des
décisions réglementaires ou individuelles. "
Deux caractéristiques renforcent généralement ce
critère d'autorité :
- la respectabilité, la compétence voire l'éminence
des membres, parfois dénommés les " sages " ;
- la collégialité des délibérations et des
décisions.
2....administrative...
Les autorités administratives indépendantes sont
constituées au sein de l'administration. Elles font partie de l'Etat.
Ce caractère administratif est révélé par le
fait qu'elles n'ont pas de personnalité morale propre. Elles disposent
en outre de
prérogatives de puissance publique
: il s'agit
parfois de pouvoirs réglementaires, voire, comme cela est ici
envisagé, d'un pouvoir de sanction administrative. Des recours peuvent
être formés devant le juge administratif contre les actes
administratifs pris par elles, (voire devant le juge judiciaire).
La gamme des pouvoirs qui peuvent être confiés à ces
autorités administratives est large :
-
pouvoir d'avis
: ce pouvoir, qualifié de
" minimum vital " par certains auteurs, concrétise le pouvoir
d'influence de ces autorités. Il s'agit souvent d'une consultation,
parfois d'un avis conforme (Commission des infractions fiscales ; CNIL),
plus contraignant ;
-
pouvoir de recommandation
: proche de l'avis, la
recommandation émane spontanément de l'autorité. Elle est
dépourvue de force exécutoire ;
-
pouvoirs d'investigation
: il peut s'agir d'une obligation
d'information, d'un droit à recueillir des renseignements (CNIL, CADA,
COB) ; d'un droit à convoquer des agents publics (Médiateur,
CNIL, Conseil de la concurrence) ; ou d'un pouvoir de saisie de documents
(Conseil de la concurrence) ;
-
pouvoir réglementaire
: le pouvoir de prendre des
règlements, c'est-à-dire des normes générales et
impersonnelles créant des obligations et ouvrant des droits, a
été conféré par la loi à certaines
autorités. Le Conseil Constitutionnel a admis cette
possibilité
54(
*
)
;
-
pouvoir de prendre des mesures individuelles :
certaines
autorités (CSA, ART...) ont un pouvoir d'autorisation individuelle,
voire de nomination (CSA), ainsi que de mise en cause (avertissement de la
CNIL, mise en demeure de l'ART, injonction du CSA, de la COB, de la Commission
bancaire...) ;
-
pouvoir de saisir un juge :
la COB ou le Conseil de la
concurrence sont titulaires, par exemple, de ce type de pouvoir ;
-
pouvoir de sanction :
c'est le cas du CSA, de la COB, du
Conseil de la concurrence ou de l'ART. L'octroi de pouvoirs de sanction
à une autorité administrative indépendante a
été reconnu par le Conseil Constitutionnel (pour le CSA et la COB
en 1989, pour l'ART en 1996).
-
pouvoir de médiation, voire d'arbitrage :
l'ART
dispose, en matière d'interconnexion
55(
*
)
, de pouvoirs importants d'arbitrage
entre les opérateurs, dans le cadre de la conclusion des conventions
d'interconnexion. Ces pouvoirs ont été utilisés à
plusieurs reprises, dans le cadre du litige sur la fourniture du
téléphone et d'Internet sur les réseaux
câblés, notamment.
3. ...indépendante.
Bien que ce point ait pu être, par le passé, sujet à
controverse
56(
*
)
, en raison du
mode de nomination de certains membres,
l'indépendance
est une
des caractéristiques essentielles de ces autorités. Elle est
assurée par le
statut des membres,
qui se caractérise par
:
- leur irrévocabilité ;
- l'impossibilité d'effectuer un second mandat, ou " non
renouvelabilité " ;
- un régime d'incompatibilités strictes qui permettent de
garantir leur impartialité.
Cette indépendance s'entend aussi bien vis-à-vis du Gouvernement
que de différents groupements d'intérêts, et même de
l'opinion. Elle est renforcée par le fait que ces autorités
disposent de services propres et d'une autonomie de gestion.
La future Commission de régulation de l'électricité
répondrait aux critères énumérés
ci-dessus.
Le tableau ci-après présente l'équilibre des pouvoirs
entre la CRE et le Gouvernement proposé par le projet de loi transmis
à votre Haute Assemblée :
RÉPARTITION DES POUVOIRS
ENTRE LA CRE ET LE
GOUVERNEMENT
GOUVERNEMENT ET MINISTRE CHARGÉ DE L'ÉNERGIE |
COMMISSION DE RÉGULATION DE L'ÉLECTRICITÉ |
Le
Gouvernement
|
- propose les tarifs
d'utilisation des réseaux publics
de transport et de distribution (article 4) et émet un avis
sur les autres tarifs
|
Article 28
-
Commission de régulation de
l'électricité (CRE)
Composition et statut des membres
Cet
article institue la Commission de régulation de
l'électricité (CRE), définit sa composition et le statut
de ses membres : mode de nomination, durée du mandat,
incompatibilités, traitement.
A. CONTENU DU PROJET DE LOI
La rédaction du présent article s'apparente fortement aux
dispositions en vigueur pour les autres autorités administratives
indépendantes. Il est quasiment identique, par exemple, à
l'article L.36-1 du code des postes et télécommunications,
relatif à l'ART.
Le premier alinéa porte sur la création d'une Commission de
régulation de l'électricité (CRE)
dont il
précise la composition.
le nombre de membres de l'autorité est fixé à six
par le projet de loi
. Les exemples d'autorités indépendantes
existantes montrent que le législateur a opté, au fil des textes
de loi, pour une diversité de solutions : le nombre de membres de
la CNIL est de dix-sept, celui de la COB de dix, alors que le CSA a neuf
membres, l'ART cinq membres, tandis que la loi du 12 juillet 1999
portant création de l'autorité de contrôle des nuisances
sonores aéroportuaires (ACNUSA) fixe à 8 le nombre de ses membres.
le mode de nomination des membres est mixte
, comme c'est souvent
le cas pour ce type de structure administrative. Le texte prévoit
qu'à l'instar des dispositions de la Constitution relatives au Conseil
constitutionnel et de dispositions législatives similaires applicables
à d'autres autorités, certains membres seront nommés par
le
pouvoir exécutif
et d'autres par le
pouvoir
législatif.
Cette pluralité d'origine vise à
accroître
la légitimité, la
représentativité, le pluralisme et l'indépendance des
membres.
Il est ici prévu que 3 membres, dont le président,
seront nommés par décret, le président de
l'Assemblée nationale et du Sénat nommant chacun, comme il est de
coutume pour ces autorités, un membre supplémentaire. En outre,
contrairement à l'ART ou au CSA, par exemple, le projet de loi propose
que
le président du Conseil économique et social
nomme
un membre de la CRE
.
Seuls certains membres de la COB sont désignés dans des
conditions analogues, puisque, en vertu de l'article 89 de la loi
n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation
financière, trois des neuf membres de cette commission sont
nommés respectivement par les présidents du Sénat, de
l'Assemblée nationale et du Conseil économique et social.
Notons, comme le relève dans son rapport au nom de la commission de la
production et des échanges, notre collègue député
Christian Bataille, que s'il ne s'agit pas d'une novation juridique, il faut
toutefois voir dans ce pouvoir de nomination
" un
précédent, en raison du poids important que représentera
la personne désignée par le président du Conseil
économique et social dans les décisions de la CRE "
.
Ce même rapport précise que le CES
" ne dispose pas, en
vertu de la Constitution ou de l'ordonnance n° 58-1360 du
29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil
économique et social de pouvoirs, notamment de nomination, sortant du
cadre du fonctionnement interne du Conseil, contrairement aux présidents
des assemblées parlementaires ".
Le projet de loi prévoit que les membres de la commission sont
nommés pour six ans.
Cette durée est identique à celle prévue par le statut des
membres du CSA, de l'ACNUSA ou de l'ART. La durée du mandat des membres
de la CNIL est quant à elle de cinq ans, celle des membres de la COB de
quatre ans (six ans pour le Président).
La définition des compétences
requises des membres est,
comme il est de coutume, assez floue : ils sont nommés en raison de
leur qualification dans les domaines juridique, économique et technique.
L'Assemblée nationale
a adopté un amendement de
portée purement rédactionnelle au début du premier
alinéa.
Le deuxième alinéa fixe une limite d'âge,
de
65 ans
, pour la nomination à la CRE. Il s'agit, là
encore, d'une disposition traditionnelle pour ce type d'autorité, qui
existe, par exemple, pour le CSA, et que votre Haute assemblée avait
introduite pour l'ART lors de la discussion de la loi précitée de
réglementation des télécommunications en 1996 ainsi que
pour l'ACNUSA en 1999.
L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet alinéa.
Le troisième alinéa porte sur l'irrévocabilité
et le caractère non renouvelable du mandat
, qui sont deux garanties
essentielles d'indépendance des membres, avec le système
d'incompatibilités prévu plus loin au présent article.
Comme pour l'ART,
une exception est prévue
au principe de
non-renouvelabilité dans le cas où la durée du mandat n'a
pas excédé deux ans. En effet, en vertu du
cinquième alinéa du présent article, lors de la
constitution initiale de la commission, afin d'assurer l'habituel
renouvellement partiel (par tiers en l'espèce) de cette institution,
certains membres, choisis par tirage au sort, seront nommés pour
deux ans ou quatre ans seulement.
L'Assemblée nationale,
qui a introduit un avant-dernier
alinéa supplémentaire à cet article (cf. ci-dessous)
concernant la
démission d'office des membres en cas de non-respect du
régime d'incompatibilités
, a, par coordination, prévu
au présent alinéa :
- la possibilité d'une révocation des membres dans ce
cas ;
- et d'une renomination éventuelle des membres
déclarés démissionnaires d'office mais dont le mandat n'a
pas excédé 2 ans.
Le quatrième alinéa dispose que le remplaçant d'un
membre démissionnaire n'est nommé que pour la durée du
mandat restant à courir.
Cette disposition est, là encore, traditionnelle. Elle est
prévue, à l'identique, pour l'ART ou pour l'ACNUSA, par exemple.
L'Assemblée nationale n'y a pas apporté de modification.
Le cinquième alinéa concerne les règles de
constitution initiale de la commission
.
Comme pour les autres autorités du même type, et afin d'assurer
une certaine
continuité
à ces institutions en
évitant par là même le risque d'un revirement brutal de sa
doctrine, le texte proposé pour cet alinéa institue, comme cela a
déjà été dit,
un renouvellement partiel
, par
le jeu combiné :
- de durées de mandats inégales des membres à la
constitution de la commission, par tirage au sort : 2, 4 et 6 ans
pour les membres nommés par décret ;
- d'une durée de mandat de 6 ans des membres nommés
ultérieurement.
La rédaction de cet alinéa est calquée sur les
dispositions qui régissent la constitution initiale de l'ART (6°
alinéa de l'article L.36-1 du code des postes et
télécommunications), à une adaptation près,
liée au nombre de membres (6 au lieu de 5).
Le système prévu est schématisé dans le tableau
suivant :
RYTHME DE RENOUVELLEMENT DES MEMBRES DE LA CRE
|
|
n |
n+1 |
n+2 |
n+3 |
n+4 |
n+5 |
n+6 |
n+7 |
n+8 |
n+9 |
n+10 |
n+11 |
Membres |
Président |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
nommés par |
membre |
* |
* |
* |
* |
|
|
|
|
|
|
|
|
décret |
membre (*) |
|
|
|
|
|
|
|
|
+ |
+ |
+ |
+ |
Membres nommés par les présidents de |
membre |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
l'Assemblée nationale, du Sénat et |
membre |
* |
* |
* |
* |
|
|
|
|
|
|
|
|
du Conseil économique et social |
membre (*) |
|
|
|
|
|
|
|
|
+ |
+ |
+ |
+ |
(*)
possibilité de renouvellement pour la
première nomination, d'une durée de 2 ans.
première série de nominations pour 6 ans : le
président et un membre non nommé par décret
désigné par tirage au sort.
* première série de nominations pour 4 ans, par tirage au
sort entre les 2 membres nommés par décret (hors le
président) et les 3 membres non nommés par décret
première série de nominations pour 2 ans entre les 2
membres nommés par décret (hors le président) et les 3
membres non nommés par décret
deuxième série de nominations (pour 6 ans)
troisième série de nominations (pour 6 ans)
quatrième série de nominations (pour 6 ans)
+ cinquième série de nominations (pour 6 ans)
sixième série de nominations (pour 6 ans).
L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet alinéa.
Le sixième alinéa concerne les règles de quorum et de
délibération
de la CRE
. Il prévoit que la
commission ne peut délibérer que si quatre au moins de ses
membres sont présents (le quorum requis pour l'ART est de trois, mais
cette autorité ne compte que 5 membres). La commission
délibère à la majorité des présents (comme
l'ART).
En cas de partage égal des voix, celle du président est
prépondérante. Cette disposition ne figure pas dans le texte de
loi relatif à l'ART, même si elle existe pour la COB, la CNIL et
le Conseil de la concurrence. Cette précision paraît d'autant plus
utile que la CRE compte un nombre pair de membres.
L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet alinéa.
Le septième alinéa dispose que "
les membres de la
commission exercent leurs fonctions à plein temps
".
Cette
précision, si elle figure à l'article 3 de l'ordonnance
n° 86-1243 du 1
er
décembre 1986
créant le Conseil de la concurrence, n'apparaît pas dans le texte
relatif à l'ART, non plus que dans la loi n° 86-1067 du
30 septembre 1986 relative à la liberté de
communication, qui contient les dispositions relatives au CSA. En effet, le
régime d'incompatibilités électives et professionnelles
qui s'applique aux membres de ces autorités a semblé, dans ces
cas, suffisant au législateur pour garantir la disponibilité et
l'assiduité des membres. La pratique de ces autorités est
d'ailleurs celle d'une activité à plein temps de ses membres.
Toutefois, cette précision n'est pas inutile car elle présente
l'avantage de lever, si cela était nécessaire, toute
ambiguïté sur le rôle que le législateur a entendu
conférer à la CRE.
L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet alinéa.
Le huitième alinéa concerne les incompatibilités
électives et professionnelles qui s'attachent à la fonction de
membre de la CRE. Il s'agit d'une garantie essentielle de leur
indépendance, qui figure traditionnellement dans les textes instituant
les autorités administratives indépendantes
57(
*
)
et qui singularise leurs membres par
rapport à d'autres conseils ou commissions consultatives.
Le projet initialement proposé par le Gouvernement reprenait
textuellement les incompatibilités relatives aux membres de l'ART, qui
s'apparentent fortement d'ailleurs à celles existant pour le CSA, par
exemple :
- incompatibilité avec
toute activité
professionnelle
;
- incompatibilité avec
tout mandat électif
national
;
- incompatibilité avec
tout emploi public
;
- incompatibilité avec
toute détention
, directe ou
indirecte,
d'intérêts dans une entreprise
du secteur
d'activité concerné (en l'occurrence, l'énergie).
Pour ce qui est de
l'incompatibilité entre la détention d'un
mandat parlementaire et la fonction de membre d'une autorité
administrative indépendante,
notons que le Conseil constitutionnel a
posé dans sa décision 86-217 DC du 18 septembre 1986 sur le
projet de loi relatif à la liberté de communication, au sujet des
membres de la CNCL (actuel CSA), le principe d'une incompatibilité, sur
le fondement du code électoral, même en l'absence de
précision expresse dans la loi ordinaire :
" Considérant qu'aux termes du 1
er
alinéa de
l'article 5 de la loi : " les fonctions de membre de la Commission
nationale de la communication et des libertés sont incompatibles avec
tout mandat électif, tout emploi public et toute activité
professionnelle (...).
" Considérant d'une part, qu'aux termes du 1
er
alinéa de l'article L.O. 142 du Code électoral
58(
*
)
, " l'exercice des fonctions
publiques non électives est incompatible avec le mandat de
député ", sous les exceptions énumérées
au 2
ème
alinéa du même article qui concernent
respectivement les professeurs de l'enseignement supérieur et, dans les
départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, les ministres
des cultes et les délégués du Gouvernement dans
l'administration des cultes ; que les mêmes dispositions sont
applicables au mandat de sénateur en vertu de l'article L.O. 297 du Code
électoral ;
qu'il en résulte que les fonctions de membres
de la Commission nationale de la communication et des libertés, qui
constituent des fonctions publiques non électives, sont incompatibles
avec tout mandat parlementaire ;
que, dans ces conditions, le rappel
par la loi ordinaire d'une règle antérieurement fixée par
la loi organique ne constitue pas une violation de l'article 25 de la
Constitution. "
Outre une modification rédactionnelle à cet article,
l'Assemblée nationale a souhaité étendre les
incompatibilités :
- aux mandats électifs locaux, considérant que les
collectivités locales peuvent, en vertu de l'article 17 de la
présente loi, être propriétaires d'un réseau de
distribution d'électricité ;
- aux mandats électifs européens ;
- à la détention d'intérêts dans une entreprise
éligible en vertu de l'article 22 de la présente loi ;
- à l'appartenance au Conseil économique et social.
De plus, l'Assemblée nationale a inséré, comme cela a
déjà été dit, un alinéa additionnel
organisant une procédure de démission d'office,
par
arrêté du ministre chargé de l'énergie, après
consultation de la CRE, si un des membres refusait de mettre fin à des
fonctions éventuellement incompatibles avec la qualité de membre
de la commission.
Le dernier alinéa concerne la rémunération des membres
de la CRE.
En contrepartie de l'impossibilité totale d'exercer d'une
activité professionnelle, et afin de concrétiser
financièrement leur indépendance, le projet de loi prévoit
que les membres de la Commission reçoivent, comme il est de coutume pour
ce type d'autorités :
- un traitement égal à celui afférent à la
première catégorie supérieure des emplois de l'Etat
classés hors échelle (groupe G) pour le président, soit
494.190 francs bruts par an ;
- un traitement égal à celui afférent à la
deuxième catégorie supérieure hors échelle pour les
autres membres (groupe F) soit 450.653 francs brut annuels.
Il en est de même pour l'ART, ou le CSA par exemple, de même que
pour le Conseil constitutionnel.
L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet alinéa.
B. POSITION DE VOTRE COMMISSION
Votre commission vous propose
d'adopter un amendement rédactionnel
à la première phrase du
8
e
alinéa
de cet
article.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
Article 29
-
Commissaire du Gouvernement
auprès de la CRE
Cet
article institue, auprès de la CRE, un commissaire du Gouvernement.
A. CONTENU DU PROJET DE LOI
a)
Une disposition qui distingue la CRE des autorités du même
type
La présence d'un commissaire du Gouvernement
,
c'est-à-dire d'un représentant souvent issu de l'administration
de tutelle
59(
*
)
, est courante
dans les
établissements publics
. Ce dernier est chargé de
faire connaître le point de vue du ministre de tutelle au nom du
Gouvernement.
Un commissaire du Gouvernement a été nommé au conseil
d'administration d'EDF, des Charbonnages de France, de La Poste ou de la SNCF.
Dans ces cas, la désignation d'un commissaire du Gouvernement est une
manifestation de la tutelle de l'Etat sur ses établissements publics.
Entendue en ce sens, la présence permanente auprès de la CRE,
d'un tel représentant du Gouvernement, qui en ferait un quasi
septième membre, serait contraire à l'objectif
d'indépendance de cette institution.
Le commissaire du Gouvernement peut également être un tiers
impartial, chargé de " dire le droit ".
Il en est ainsi du " commissaire du Gouvernement " des juridictions
administratives, qui n'exprime pas, contrairement à ce que son
appellation pourrait laisser penser, d'instruction gouvernementale. Dans ces
juridictions, pour chacune des formations de jugement, l'affaire est
exposée en public par le " commissaire du Gouvernement "
-terme hérité du XIX
e
siècle- qui est un membre
de la juridiction chargé de faire connaître, en toute
indépendance, son appréciation impartiale, sur les circonstances
de fait de l'espèce et les règles de droit applicables, ainsi que
son opinion sur les solutions qu'appelle, suivant sa conscience, le litige
soumis à la juridiction à laquelle il appartient. Ayant pris
publiquement position, le commissaire du Gouvernement ne participe ensuite pas
aux délibérations.
On ne retrouve que très rarement, et presque par exception, de
commissaires du Gouvernement dans les autorités administratives
indépendantes. Lorsque le cas se présente, c'est plutôt
dans les conditions fixées pour la juridiction administrative que
celui-ci exerce ses fonctions.
Seules deux autorités
administratives
parmi les plus couramment citées (ART, CSA, CNIL,
COB, Conseil de la concurrence, CADA
60(
*
)
, disposent d'un commissaire du
Gouvernement :
-
Il s'agit d'abord de la CNIL
. L'article 9 de la loi du
6 janvier 1978 précitée a institué auprès
de la CNIL un commissaire du Gouvernement nommé par le Premier ministre,
qui peut, dans les 10 jours suivant une délibération,
provoquer une seconde délibération.
Toutefois :
. d'une part, la CNIL se singularise des autres autorités
indépendantes par le fait qu'
y siègent ès
qualité des membres qui, non seulement continuent d'exercer leurs autres
fonctions, mais représentent de surcroît leurs corps ou leur
assemblée
: en sont membres deux Parlementaires élus par
chaque assemblée ; deux membres du Conseil économique et
social élus en son sein ; deux conseillers d'Etat élus par les
membres de cette juridiction ; deux membres élus respectivement en
leur sein par la Cour de cassation et la Cour des comptes, en plus de
personnalités qualifiées. Ainsi, le régime
d'incompatibilité des membres est, par nature, différent de celui
qui s'applique à la CRE. Dans cette optique, il est logique que le
Gouvernement dispose, lui aussi, d'un représentant " ès
qualité " ;
. d'autre part, la CNIL intervient dans un domaine particulièrement
essentiel, celui du respect des
libertés publiques
, dont l'Etat
est le garant.
-
Le Conseil de la concurrence
dispose également, en vertu
de l'article 3 de l'ordonnance du
1
er
décembre 1986 précitée, d'un
commissaire du Gouvernement. Mais là encore y siègent, ès
qualité, notamment des représentants des grands corps de l'Etat.
En outre, le Conseil est chargé de veiller, d'une manière
générale, à la bonne application de
l'ordre public
économique, dont est chargé le ministre de l'économie, et
non de la régulation d'un secteur d'activité qui s'ouvre à
la concurrence et dont l'Etat détient l'opérateur dominant
.
Une présence incompatible avec le caractère
" asymétrique " de la régulation du secteur de
l'électricité
Comme l'a fait le Gouvernement en rédigeant son projet de loi, c'est de
l'ART -et non de la CNIL ou du Conseil de la concurrence- qu'il faut rapprocher
la future CRE, car elles sont toutes deux en charge
d'une
régulation
que la doctrine économique qualifie parfois
d'" asymétrique ".
Ce type de régulation distingue les régulations
" sectorielles ", qu'il s'agisse des télécommunications
ou de l'électricité, du droit de la concurrence.
Sa
spécificité résulte de la situation particulière
dans laquelle se trouve l'opérateur dominant, qui justifie de le
soumettre à des obligations renforcées
.
En effet, l'opérateur historique est en position dominante en raison du
monopole dont il a longtemps bénéficié et qui lui procure
encore des avantages après l'ouverture du marché, tels qu'une
bonne connaissance de celui-ci, une forte notoriété auprès
des consommateurs, une présence sur l'ensemble des segments de
marché, un réseau étendu lui permettant de maîtriser
l'accès direct à ses clients.
Les opérateurs qui arrivent sur le marché peuvent
également bénéficier d'autres avantages tels que la
possibilité d'utiliser les dernières technologies disponibles,
l'absence d'investissements antérieurs devant être
rentabilisés, la possibilité de s'installer sur les segments les
plus profitables du marché ou de s'adapter rapidement à
l'évolution des usages et des technologies. Mais, du fait de sa position
spécifique, l'opérateur historique aurait la possibilité,
au cours de la période transitoire qui suit l'ouverture du secteur,
d'empêcher l'entrée de nouveaux acteurs sur certains segments de
marché. Ce danger est renforcé lorsque l'opérateur
dominant dispose des infrastructures nécessaires au développement
de l'activité de ses concurrents.
Cette asymétrie fondamentale
justifie qu'une régulation spécifique
s'applique au
marché récemment libéralisé en
général et à l'opérateur dominant en particulier.
Dans ces conditions, la présence permanente au sein du collège de
la Commission de régulation d'un représentant de l'actionnaire de
l'opérateur historique n'est pas neutre.
Rappelons par exemple qu'aucun commissaire du Gouvernement n'est
désigné à l'ART. De plus, les premières
années de fonctionnement de cette autorité sont riches
d'enseignements en la matière. L'ART s'est prononcée, à de
multiples reprises, par arbitrage, confirmé, le cas
échéant, par la Cour d'appel de Paris, sur des différends
opposant France Télécom à ses concurrents, notamment pour
la fourniture de services de téléphone et d'Internet sur les
réseaux du Plan câble, ou le régime de l'interconnexion des
réseaux.
Il paraît évident que la
crédibilité et l'impartialité de l'arbitre auraient
été entamées, et l'équilibre entre les parties
modifié si l'Etat, actionnaire de l'opérateur historique, avait
eu un " représentant " à l'ART, lors de l'instruction
de ces délicats dossiers, même si ce dernier s'était
retiré au moment des délibérations !
Il avait d'ailleurs été largement admis, lors des débats
sur la loi précitée de réglementation des
télécommunications, que l'Etat ne pouvait être à la
fois acteur et arbitre, et
que son désir, légitime, de
conserver la propriété d'une entreprise de service public, avait
pour contrepartie l'indépendance réelle du régulateur.
En outre,
rien ne s'oppose, dans la rédaction actuelle, à ce
que le commissaire du Gouvernement auprès de la CRE soit
également commissaire du Gouvernement auprès d'EDF
!
Cette situation, qui serait la plus commode administrativement, porterait
singulièrement atteinte à l'objectif d'une indépendance de
l'autorité de règlement des litiges que fixe la directive.
b)
Des pouvoirs renforcés par l'Assemblée
nationale
Le texte du projet de loi initial prévoyait que le commissaire du
Gouvernement, nommé par le ministre de l'énergie,
" fait
connaître les analyses du Gouvernement, en particulier en ce qui concerne
la politique énergétique ",
sans toutefois participer
aux délibérations de la Commission
.
Le raisonnement
implicite qui sous-tendait cette rédaction était que
l'énergie étant un bien
" à part "
,
lié à l'indépendance nationale, il convenait d'instituer
une faculté d'expression permanente du Gouvernement auprès du
régulateur.
Son rôle était, déjà dans la rédaction
initiale, très large : assurer une présence au nom du
Gouvernement, probablement rendre compte à son administration de la
teneur des débats, et s'exprimer très largement (puisqu'il peut
évoquer tout sujet) au nom du Gouvernement. Il était, en fait,
comme le septième membre de la CRE, même s'il ne prenait pas part
aux délibérations préalables aux décisions de la
Commission.
L'Assemblée nationale a accentué son poids au sein de la CRE
en lui conférant un quasi pouvoir de maîtrise de son ordre du
jour, par un amendement du rapporteur, pourtant présenté en
séance comme un "
amendement de
précision
"
61(
*
)
.
En effet, le commissaire du Gouvernement pourrait désormais faire
inscrire à l'ordre du jour de la CRE toute question entrant dans les
compétences de la Commission. L'examen ne saurait lui en être
refusé. S'il entrait dans ses intentions de pratiquer une obstruction
systématique aux débats de la CRE, sa maîtrise de l'ordre
du jour des débats pourrait, en théorie, être presque
totale, le président de la CRE lui-même ne pouvant s'opposer
à la décision imposée par le représentant du
Gouvernement.
c)
Position de votre commission
Votre commission vous propose une nouvelle rédaction de cet article qui
permet au ministre chargé de l'énergie d'être entendu quand
il le souhaite par la CRE, afin de faire connaître les analyses du
Gouvernement en matière de politique énergétique, ce qui
paraît en effet essentiel à votre rapporteur,
car :
- l'indépendance énergétique est un enjeu politique
majeur ;
- l'énergie tient une place particulière dans le
débat démocratique ;
- les politiques publiques ont une forte incidence sur le secteur.
La CRE se réunirait spécialement pour entendre la communication
du ministre ou de son représentant.
L'amendement précise d'autre part, le rôle du commissaire du
Gouvernement, ce dernier ne pouvant être simultanément commissaire
du Gouvernement auprès d'EDF. L'audition du ministre pourrait être
rendue publique sur décision conjointe du ministre et de la CRE.
Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 30
-
Services et budget de la CRE
Cet
article fixe les règles d'organisation de la CRE et détermine la
provenance de ses ressources financières.
Ces dispositions sont traditionnelles pour une autorité administrative
indépendante, et quasiment identiques à celles que
prévoient, pour l'ART, les articles L.36-3 et L.36-4 du code des
postes et télécommunications.
Le texte indique que la CRE dispose de services placés sous
l'autorité du président
, qu'elle établit son
règlement intérieur, qu'elle peut employer des fonctionnaires et
recruter des contractuels.
L'Assemblée nationale
, sur proposition de son rapporteur, a
précisé que les fonctionnaires devaient être
en position
de détachement
. En effet, la commission de la production et des
échanges a jugé qu'il n'était pas réaliste d'exiger
que les fonctionnaires de la CRE soient mis en disponibilité, compte
tenu de la perte, dans le corps d'origine, des droits à l'avancement et
à la retraite que cette position implique. Dans ces conditions, le
rapporteur a donc jugé le détachement (placement hors du corps
d'origine, avec maintien des droits à l'avancement et à la
retraite) préférable à la mise à disposition (dans
laquelle le fonctionnaire reste dans son corps d'origine).
S'agissant du budget de la CRE
, il est prévu, comme pour l'ART,
que la commission propose au ministre, lors de l'élaboration du projet
de loi de finances, les crédits nécessaires à l'exercice
de ses missions.
L'Assemblée nationale, sur proposition de M. Franck Borotra, a
précisé que ces crédits sont inscrits au budget
général de l'Etat, comme il est indiqué pour l'ART dans le
code des postes et télécommunications.
En revanche, contrairement aux dispositions de la loi de réglementation
des télécommunications pour le budget de l'ART, le projet de loi
ne prévoit pas la possibilité pour la CRE de
bénéficier d'autres recettes (rémunérations pour
services rendus, vente de publications, frais de participation à des
colloques, taxes et redevances éventuelles).
L'article 30 précise également que les dispositions de la loi du
10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle
des dépenses engagées ne sont pas applicables à la gestion
des crédits de la CRE
62(
*
)
. De plus, il est prévu que le
président de la CRE sera ordonnateur des dépenses, et que le
contrôle de la Cour des comptes s'appliquera au budget de la CRE.
Disposant de ressources budgétaires, les autorités
administratives indépendantes sont naturellement tenues de
vérifier l'emploi de ces fonds et de respecter les règles de la
comptabilité publique. Toutefois,
le contrôle financier a
priori
qui s'applique à l'administration, apparaît peu
compatible avec le caractère indépendant de ces
institutions : c'est la raison pour laquelle il est écarté
par le projet de loi, au bénéfice du
contrôle financier
a posteriori
exercé par la Cour des comptes.
Comme tel est le cas pour l'ART, en vertu de l'article L.36-12 du code des
postes et télécommunications, il est prévu que le
président de la commission a qualité pour agir en justice, pour
l'accomplissement des missions confiées à la CRE.
Position de la commission
La Commission des Affaires économiques a adopté des amendements
tendant à :
- préciser que les prises de position publiques des membres de la
CRE à titre personnel, (publication d'articles, d'ouvrages,
participations à des colloques) qui concernent le secteur de
l'électricité, doivent être autorisés
préalablement par la CRE (
deuxième alinéa
) ;
- donner à la CRE la possibilité de percevoir des
rémunérations pour services rendus (vente d'ouvrages, frais de
participation à des colloques, ...) en sus des crédits
budgétaires qui lui seront affectés (
après le
troisième alinéa
, et
coordinations au quatrième
alinéa
).
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
Article 31
-
Consultation de la CRE sur les
textes
réglementaires
et participation aux négociations
internationales
Cet
article est relatif à deux missions distinctes de la CRE : son
pouvoir consultatif en matière réglementaire et, à la
suite d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale, sa
faculté d'être associée à la représentation
de la France dans les négociations internationales dans le domaine de
l'électricité.
Le pouvoir consultatif en matière réglementaire est
commun à la plupart des autorités administratives
indépendantes
.
Il convient de préciser que
la consultation ne lie aucunement le
titulaire du pouvoir réglementaire
, qui peut parfaitement passer
outre l'avis recueilli : il ne s'agit que
d'une compétence
consultative
, dont le non-respect peut toutefois constituer un vice de
forme susceptible d'entacher la régularité de la procédure.
Votre rapporteur regrette que, s'agissant d'une obligation qui ne lie pas le
Gouvernement au fond,
le texte n'ait pas prévu, contrairement
à l'ART, que la CRE puisse formuler un avis sur les projets de loi
relatifs au secteur de l'électricité
. L'expérience
récente acquise dans le secteur, à l'initiative du Gouvernement,
a pourtant montré l'enrichissement apporté à la
rédaction d'un projet de loi par une concertation -certes tardive- mais
approfondie. Comment imaginer que la CRE soit, le cas échéant,
seule absente de la concertation éventuellement menée en vue de
l'adoption d'un futur projet de loi ?
En outre, pourquoi prévoir à l'alinéa suivant la
faculté pour le ministre d'associer la CRE à la
négociation des textes supranationaux (directives européennes,
accords divers...) et lui refuser, dans le même temps, de pouvoir donner
un avis simple sur les projets de normes internes qui pourront d'ailleurs
être des textes de transposition de normes internationales
éventuellement négociées par le Gouvernement en
association avec la CRE ?
L'Assemblée nationale
a adopté à cet article, sur
proposition du rapporteur pour avis de la commission des Finances, un
amendement assurant la possibilité d'associer la CRE, à la
demande du ministre, à la représentation de la France ou à
la négociation dans les organisations internationales. Cette
rédaction, reprise de celle de l'article L.36-5 du code des postes
et télécommunications pour l'ART, recueille l'assentiment de
votre commission. Elle est en effet de nature à renforcer et à
améliorer la représentation de notre pays dans les institutions
communautaires et internationales et à consolider ainsi les positions
françaises.
-
Position de la commission
Votre commission vous propose une rédaction du premier alinéa
qui étend le pouvoir de consultation de la CRE aux projets de loi
concernant l'accès et l'utilisation des réseaux.
La contribution de la CRE permettra en effet d'apporter un éclairage
avisé sur les textes en préparation, de nature à en
améliorer la rédaction.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
Article 32
-
Relations de la CRE avec le
Parlement
et les acteurs du secteur ;
rapport annuel
Cet
article régit les relations entre la CRE et les acteurs institutionnels
du secteur électrique. Il contient également les dispositions
relatives à son rapport annuel.
Le premier alinéa
dispose que les commissions
compétentes du Parlement peuvent entendre les membres de la CRE
,
comme tel est le cas pour l'ART (article L.36-14 du code des postes et
télécommunications). La rédaction du projet de loi initial
octroyait également cette faculté au Conseil économique et
social.
L'Assemblée nationale
a étendu cette faculté au
Conseil supérieur de l'électricité et du gaz et à
l'Observatoire national du service public de l'électricité,
créé par l'article 3 du présent projet de loi. Elle a
en outre prévu que la CRE puisse être
" consultée "
, non seulement par les commissions
parlementaires compétentes, mais également par le Conseil
économique et social, le Conseil supérieur de
l'électricité et du gaz et l'Observatoire national du service
public de l'électricité, sur toute question intéressant la
" régulation du secteur de
l'électricité "
, notion très large, ainsi que sur
la gestion des réseaux de transport et de distribution.
Le deuxième alinéa
concerne l'établissement du
rapport annuel de la CRE, avant le 30 juin de chaque année. Sa
rédaction est inspirée, notamment en ce qui concerne la date de
remise du rapport, de celle relative au rapport annuel de l'ART, mais
diffère de cette dernière sur plusieurs points :
- le rapport de la CRE n'a pour objet, outre la description de son
activité, que de rendre compte
" de l'application des
dispositions législatives et réglementaires relatives à
l'accès aux réseaux publics de transport et de
distribution "
;
- il est prévu que ce rapport "
évalue
"
les effets des décisions de la CRE sur l'accès aux réseaux
et l'exécution des missions de service public.
L'Assemblée nationale
a ajouté au texte initial la mention
selon laquelle le rapport de la CRE est adressé non seulement au
Gouvernement et au Parlement, mais aussi au Conseil supérieur de
l'électricité et du gaz, ce qui ne paraît pas absolument
indispensable, compte-tenu du caractère public de ce rapport. En outre,
l'Assemblée nationale a précisé que les
" suggestions et propositions "
du Conseil supérieur de
l'électricité et du gaz (CSEG) sont transmises au ministre
chargé de l'énergie et à la CRE.
Du point de vue formel, cette dernière disposition ne relève pas
du présent alinéa, qui traite du rapport annuel de la CRE, et non
des suggestions du CSEG. Il est prévu à l'alinéa
précédent que le CSEG a la possibilité d'entendre les
membres de la CRE, et réciproquement à l'alinéa suivant,
que la CRE peut recueillir l'avis des acteurs du secteur au rang desquels
figure le CSEG, ce qui paraît une garantie suffisante à
l'établissement d'une bonne communication entre ces deux instances.
En revanche, il n'est pas prévu que la CRE puisse, dans son rapport
annuel,
proposer les modifications législatives et
réglementaires
que lui paraissent appeler les évolutions du
secteur. Cette disposition, qui figure explicitement à
l'article L.36-14 du code des postes et télécommunications
pour l'ART,
donne à cette autorité la faculté
d'enrichir le débat public de ses propositions.
Ainsi, le premier
rapport annuel de l'ART a consacré un développement
intéressant à la question -d'une grande actualité-
relative à l'ouverture effective à la concurrence de la boucle
locale
63(
*
)
. Couplées
à une consultation publique actuellement en cours sur ce sujet, ces
propositions permettent de faire progresser la réflexion des acteurs du
secteur des télécommunications.
Le troisième alinéa
indique que la CRE peut recueillir
l'avis des différents acteurs du secteur de l'électricité
sur les sujets qui les concernent. La CRE doit, en effet, établir un
dialogue le plus large possible avec toutes les personnes concernées.
Le dernier alinéa
a été ajouté par
l'Assemblée nationale : il indique, d'une part, que l'Observatoire
de la diversification remet annuellement un rapport sur
" ses
observations "
et d'autre part que la CRE peut
" consulter les
données fournies par l'Observatoire de la diversification ".
- Position de votre commission
Votre commission a adopté plusieurs amendements :
-
au premier alinéa
, elle a précisé que la CRE
peut être consultée par toute personne concernée par
l'électricité et que, réciproquement, la commission peut
entendre toute personne dont l'audition lui paraît susceptible de
contribuer à son information. En conséquence, elle a
supprimé
l'avant-dernier alinéa
;
-
au deuxième alinéa
, elle a ajouté
l'utilisation des réseaux à la liste des thèmes devant
être traités par le rapport annuel de la CRE, ainsi que
l'évaluation du fonds du service public de la production. En effet, les
données purement comptables relatives à ce fonds figurant dans le
rapport annuel de la Caisse des dépôts ne seront pas assorties
d'une appréciation qualitative sur le fonctionnement du fonds. Aussi
est-il nécessaire que la CRE procède régulièrement
à une telle évaluation. La commission a précisé que
la CRE pouvait suggérer des modifications législatives et
réglementaires dans son rapport annuel ;
- après le
deuxième alinéa
, elle a
indiqué que la CRE rendait compte de son activité aux commissions
permanentes du Parlement compétentes en matière de service public
de l'électricité ;
- votre rapporteur vous propose également de supprimer le
dernier alinéa
de cet article, qui concerne les relations de
l'observatoire de la diversification et de la CRE afin d'en déplacer le
contenu au III de l'article 42, qui est consacré à cet
observatoire, et vous présentera un amendement à cette fin.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
Article 33
-
Pouvoir d'enquête des agents
habilités par le ministre et par la CRE
Cet
article confère à des fonctionnaires habilités par le
ministre chargé de l'énergie et aux agents de la CRE
habilités par son Président des pouvoirs d'enquête et de
constatation d'éventuels manquements aux dispositions
législatives et réglementaires.
a)
Paragraphe I : pouvoir d'enquête pour l'accomplissement
des missions confiées par la loi
Le texte donne au
ministre chargé de l'énergie
la
possibilité d'habiliter
des fonctionnaires
pour réaliser
des enquêtes nécessaires à
" l'application du
présent texte de loi ".
Cette phrase confère un pouvoir
d'enquête général très large, puisqu'elle est
identique à celle qui détermine les pouvoirs d'enquête du
Conseil de la concurrence, à l'article 45 de l'ordonnance du
1
er
décembre 1986 précitée, sur
habilitation du ministre chargé de l'économie. Relevons
toutefois, s'agissant du Conseil de la concurrence, que ce dernier dispose
d'une plénitude de compétences en matière d'application
des règles de concurrence, ce qui n'est pas le cas du ministre en
matière d'électricité, ce dernier partageant le pouvoir de
régulation avec la CRE. Il semblerait plus logique de limiter le pouvoir
d'enquête du ministre à l'exercice des compétences que lui
confère le projet de loi.
Le texte prévoit des pouvoirs identiques pour les agents de la
CRE
, sur habilitation
de son président,
mais uniquement pour
les missions relevant de la compétence de cette dernière. Les
enquêtes de la CRE pourront notamment porter sur les conditions de
raccordement imposées par le GRT à un opérateur ou sur le
respect des règles de raccordement et d'accès au réseau.
Les enquêtes du ministre porteront plus vraisemblablement sur les
conditions de mise en oeuvre des autorisations d'exploitation ou sur le respect
de l'obligation de paiement des contributions de service public.
Le président de la CRE pourra désigner indifféremment ses
agents contractuels ou fonctionnaires, comme l'y autorise l'emploi du terme
"
agents
", qui recouvre l'ensemble des agents de
caractère public et privé.
Il est précisé
qu'un double du procès verbal
établi à l'occasion des enquêtes est remis aux parties
intéressées afin de permettre le respect des droits de la
défense, principe à valeur constitutionnelle. Une disposition
similaire existe pour le Conseil de la concurrence à l'article 46
de l'ordonnance du 1
er
décembre 1986.
En outre, la CRE et le ministre chargé de l'énergie peuvent
diligenter
une expertise
, si le besoin s'en fait sentir.
L'Assemblée nationale
a apporté deux modifications
à ce paragraphe :
- d'une part, à la demande de son rapporteur, elle a inclus
le
ministre chargé de l'économie
, en plus du ministre
chargé de l'énergie, au rang des titulaires du pouvoir
d'habilitation des agents en vue d'une enquête pour l'application du
présent texte de loi. Cette précision serait utile,
d'après les explications fournies à votre rapporteur, pour les
enquêtes relatives au paiement des contributions de service public ;
- d'autre part, à la demande du Gouvernement, en seconde
délibération, après qu'un amendement en ce sens de
M. Jean-Louis Dumont a été repoussé en
1
ère
délibération, l'Assemblée nationale
a introduit, avant le paragraphe I, un alinéa relatif au
droit pour
la CRE de recueillir toute information auprès des ministres de
l'économie et de l'énergie ainsi que des opérateurs du
secteur de l'électricité.
S'agissant de ce dernier amendement, votre commission considère qu'il
améliore le texte, qui n'avait pas prévu d'accès
privilégié à l'information pour la CRE.
b)
Paragraphe II : pouvoir d'enquête auprès du GRT
et des autres opérateurs du secteur de
l'électricité.
Le premier alinéa du paragraphe II
concerne plus
précisément
les enquêtes menées auprès du
GRT
, pour lesquelles les titulaires d'une habilitation (agents
habilités par le ministre ou par la CRE) possèdent les pouvoirs
les plus étendus :
- accès à toute information détenue ;
- obtention de tout renseignement et de toute justification ;
- accès
" à tout moment "
aux locaux et
moyens de transport à usage professionnel (véhicules).
L'étendue donnée par le projet de loi à ce pouvoir
d'enquête résulte, semble-t-il du
caractère public
du GRT (il fait partie d'un établissement public)
64(
*
)
, et du caractère continu de son
activité, qui exclut tout interruption nocturne. Un encadrement horaire
(de 8 heures à 20 heures, par exemple) du droit d'accès
n'est donc pas techniquement pertinent.
L'Assemblée nationale
a adopté un amendement tendant
à viser les
" fonctionnaires et agents "
et non les
" agents "
comme titulaires de ce pouvoir d'enquête. Le
terme, plus générique, d'
" agents "
recouvre
pourtant tant les fonctionnaires que les contractuels (agents publics ou
même privés).
Les deuxième et troisième alinéas du paragraphe II
concernent les enquêtes relatives aux opérateurs autres que le
GRT, dont l'activité concerne la production, la distribution ou la
fourniture d'électricité.
Les pouvoirs d'accès et d'enquête sont, en la matière, plus
encadrés, ce qui est logique s'agissant d'une atteinte potentielle
à la propriété privée, puisqu'ils touchent :
- les établissements, terrains et locaux professionnels où
sont exercés la production, la distribution ou la fourniture
d'électricité
65(
*
)
;
- les véhicules professionnels ;
- sont explicitement exemptés de ce droit d'accès les
" domiciles et parties de locaux servant de domiciles "
;
- les accès sont
limités dans le temps
, puisqu'ils ne
peuvent avoir lieu que de 8 heures à 20 heures, sauf si
l'activité de production de fourniture
1
ou de distribution
est en cours. Cette exigence tend à garantir le respect du droit de
propriété. Notons que des horaires similaires existent, par
exemple, pour les enquêtes en matière de
télécommunications.
L'Assemblée nationale
a adopté une nouvelle
rédaction de ces alinéas, qui apporte des changements d'ordre
surtout rédactionnel :
- par coordination, le mot
" fonctionnaires "
a
été ajouté à celui d'agents, comme
précédemment ;
- sont désormais également visés les activités
de
fourniture
d'électricité et non seulement de production
et de distribution ;
- les 2° et 3° alinéas de ce paragraphe ont
été fusionnés en un seul.
Le dernier alinéa du paragraphe II
donne aux enquêteurs un
large droit à communication de documents :
- documents comptables ; (cette rédaction est issue d'un
amendement rédactionnel de l'Assemblée nationale,
le
projet de loi visant les "
livres
", terme usuel visant
certains documents comptables, mais trop vague, bien qu'utilisé à
l'article 47 de l'ordonnance du
1
er
décembre 1986 relative à la
liberté des prix et à la concurrence) ;
- factures ;
- pièces ou documents utiles.
Pour l'accomplissement de leur mission, les enquêteurs peuvent, en outre,
soit procéder à une convocation, soit recueillir sur place les
renseignements dont ils souhaitent communication, comme cela est prévu
à l'article 47 de l'ordonnance précitée de 1986.
Leurs pouvoirs sont donc étendus, puisqu'ils s'appliquent à des
opérateurs qui peuvent avoir un caractère privé.
c)
Paragraphe III : constatation des manquements
à la réglementation
Le paragraphe III donne aux mêmes agents un pouvoir de constatation des
manquements à la réglementation, dans le cadre :
- du pouvoir de sanction de la CRE (article 38) en cas de contravention
des opérateurs à la réglementation relative à
l'accès aux réseaux de transport et de distribution ;
- du pouvoir de sanction du ministre (article 39) en cas de manquement aux
obligations de paiement des contributions ou à la réglementation
relative à la production ou à l'achat pour revente
d'électricité, ou encore aux prescriptions du titre en vertu
duquel cette activité est exercée. Cette constatation doit
remplir certaines conditions de forme et de procédure permettant
de
garantir le caractère contradictoire de la procédure et le
respect des droits de la défense
:
- un
procès verbal
est dressé et notifié
à l'intéressé ;
- le
montant maximum
de la sanction pécuniaire encourue lui
est communiqué ;
- les personnes concernées sont invitées à
présenter leurs observations
dans un délai de
15 jours. Le respect de cette procédure n'entame pas le droit
prévu, parallèlement, au 3° de l'article 38, à
ce que les sanctions ne soient prononcés qu'après que le GRT ou
l'utilisateur du réseau de transport a reçu notification des
griefs et a été mis à même de consulter le dossier
et de formuler des observations, assisté par une personne de son choix.
Le non respect de ces obligations constituerait un vice de forme dont le
juge pourrait estimer qu'il entache la régularité de la
procédure.
Par coordination rédactionnelle,
l'Assemblée nationale
a
adopté à ce paragraphe un amendement visant les
" fonctionnaires et agents ".
Elle a également inséré l'obligation de notification
à l'intéressé des
sanctions
" administratives
et pécuniaires ",
afin de
" parfaire la garantie
des droits de la défense
66(
*
)
".
-
Position de votre commission
:
Votre commission vous propose de préciser,
après le
premier alinéa
, que les avis et propositions de la CRE sont
motivés et rendus publics.
Elle a, en outre, adopté un amendement soumettant les gestionnaires de
réseaux publics à l'obligation de transmettre à la CRE les
informations en leur possession (
premier alinéa
).
La commission a circonscrit les pouvoirs d'enquête des ministres de
l'économie et de l'énergie aux seuls pouvoirs qui leur sont
confiés en vertu du projet de loi (
deuxième alinéa
).
Outre une clarification rédactionnelle (
dernier alinéa du
I
), la commission a précisé (
troisième
alinéa
du II) que la transmission des informations demandées
par les agents enquêteurs était bien une obligation.
La commission a adopté un
amendement
portant à
5 jours maximum le délai pour la transmission du
procès-verbal aux parties intéressées, et ce afin de
laisser aux agents enquêteurs le temps de la rédaction.
S'agissant de la notification des sanctions encourues, votre commission vous
propose un amendement de précision (
dernier alinéa
) qui
reprend la volonté du rapporteur de l'Assemblée nationale de
notifier à l'intéressé l'ensemble des sanctions encourues,
qu'il s'agisse d'un retrait d'autorisation ou d'une sanction pécuniaire,
mais qui n'établit pas la distinction, inopérante en droit, entre
sanctions "
pécuniaires
" et
"
administratives
", les sanctions pécuniaires
présentant ici le caractère de sanctions administratives.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
Article additionnel après l'article 33
-
Pouvoir de perquisition des enquêteurs
Afin de
permettre aux agents enquêteurs de saisir et d'emporter des objets et
documents, et d'effectuer des visites en tous lieux et non seulement dans les
locaux professionnels, votre commission vous demande d'adopter un
article
additionnel
qui leur attribue un pouvoir de perquisition, sous le
contrôle du juge. La rédaction en est inspirée de
l'article 47 de l'ordonnance précitée du
1
er
décembre 1986 relative à la
liberté des prix et à la concurrence.
Votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.
Article 34
-
Obligation de
confidentialité
des membres et agents de la CRE
Cet
article soumet les membres et agents de la CRE au respect du secret
professionnel et rappelle les règles applicables à la
communication au public des documents administratifs.
L'obligation de confidentialité
Le premier alinéa porte sur le devoir de confidentialité qui est
prévu au présent article, la même obligation est
instituée par les autres textes relatifs aux autorités
administratives indépendantes, et notamment le code des postes et
télécommunications pour l'ART. Cette règle constitue la
contrepartie indispensable des droits d'information et d'enquête
importants qui sont dévolus aux membres et agents de la CRE.
Le texte initial disposait seulement que les membres et agents de la CRE sont
tenus au secret professionnel. Sur le modèle des dispositions
applicables à l'ART (article L.36-2 du code des postes et
télécommunications),
l'Assemblée nationale
a
précisé que cette obligation porte sur les faits, actes et
renseignements dont ces personnes ont pu avoir communication en raison de leurs
fonctions. Rappelons que
l'article 226-13 du code pénal
, qui
prévoit que
" la révélation d'une information
à caractère secret par une personne qui en est dépositaire
soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une
mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de
100.000 francs d'amende "
trouvera à s'appliquer en la
matière.
La communication de documents administratifs
Le deuxième alinéa du texte précise, en outre, que la
Commission veille à ce que ne soient pas divulguées les
informations protégées par l'article 6 de la loi du
17 juillet 1978 portant amélioration des relations entre
l'administration et le public (secret des délibérations
gouvernementales ; secret de la défense nationale et de la
politique extérieure ; atteinte à la monnaie, à la
sûreté de l'Etat,
à la sécurité
publique
, au déroulement des procédures judiciaires ;
secrets de la vie privée
, dossiers personnels et
médicaux ;
secrets industriels et commerciaux
, secrets
protégés par la loi...). Il s'agit en réalité du
simple rappel de dispositions législatives applicables à la CRE,
comme au reste de l'administration, en vertu de la loi de 1978.
L'Assemblée nationale
a prévu en outre que le non-respect
du secret professionnel, établi par une décision de justice,
entraîne la cessation d'office des fonctions au sein de la CRE.
Position de la commission
La commission a adopté un amendement (
premier alinéa
)
disposant que les membres et agents de la CRE exercent leurs fonctions en toute
impartialité.
Par souci de clarté juridique, elle a reformulé la
dernière phrase du premier alinéa
relative à la non
communication des documents protégés par la loi de 1978
précitée.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
Article 34 bis
-
Récapitulatif des
attributions de la CRE
Sur
proposition de son rapporteur, l'Assemblée nationale a
inséré cet article additionnel, qui énumère les
diverses attributions dévolues à la CRE par les autres articles
du projet de loi.
Comme le relève lui-même le rapporteur, page 265 de son rapport,
cet article
" n'a pas un caractère réellement
normatif "
! Il s'apparente en effet à un exercice de
synthèse, qui trouverait, en toute rigueur, davantage sa place dans un
rapport parlementaire ou dans le premier rapport annuel de la CRE que dans le
corps même du projet de loi.
Composé de 12 paragraphes, il énumère les
attributions dévolues à la CRE, par tous les articles du texte et
tente de les regrouper par thème :
" la CRE propose (...).
Elle donne son avis (...). Elle reçoit communication (...). Elle a
accès à (...). Elle dispose (...) ".
La rédaction proposée ventile ainsi les pouvoirs de la CRE :
1) Pouvoir de
proposition
(articles 4, 5 et 46) ;
2) Pouvoir
d'agrément
d'un organisme (article 5) ;
3) Possibilité de
proposer
des mesures conservatoires
(article 21) ;
4)
Avis
de la CRE (articles 4, 10, 13, 14, 24) ;
5)
Consultation
de la CRE (article 31) ;
6) Pouvoir de
mise en oeuvre
des appels d'offre (article 8) ;
7) Possibilité de
recevoir communication
de certains
documents (articles 3, 13, 23) ;
8)
Approbation
en matière comptable (articles 25 et 26) ;
9)
Droit d'accès
aux informations (article 27) ;
10) Pouvoir
réglementaire
(article 35) ;
11)
Règlement des litiges
(article 36) ;
12) Pouvoirs
d'enquête
et de sanctions (article 33 et 38).
La méthode employée de
" codification "
, par un
article interne à un projet de loi, de plusieurs autres dispositions de
ce texte, est juridiquement surprenante. Elle pourrait en outre s'avérer
cause de contradictions quand les formules employées dans
l'article-source et dans cet article de "
codification
"
diffèrent, risque aggravé par la nécessité d'une
coordination, au cours des débats parlementaires, de la rédaction
de cet article avec celle des articles-sources, dans
l'éventualité d'une modification, par amendement, des
attributions de la CRE. En cas de divergence, le juge serait bien en peine de
discerner l'intention du législateur !
Les travaux de l'Assemblée nationale ont déjà donné
un premier exemple de concrétisation de ce risque. Ainsi, la seconde
délibération a inscrit à l'article 33 du projet de
loi la faculté pour la CRE de recueillir toutes informations
auprès des ministres chargés de l'économie et de
l'énergie et des opérateurs. Cette faculté n'a pas
été simultanément retranscrite à
l'article 34 bis (nouveau). Ne figurent pas non plus à cet
article la notification des refus d'accès au réseau (article 23)
ou l'avis sur les candidats à l'appel d'offres (article 8).
Votre commission a, en conséquence, adopté un amendement de
rédaction globale de cet article, afin de procéder aux
coordinations nécessaires avec, non seulement, les modifications
adoptées par l'Assemblée nationale, mais aussi avec les
changements proposés par la commission.
Votre commission vous demande de d'adopter cet article ainsi modifié.
Article 35 -
Pouvoir réglementaire de
la CRE
Cet
article confère à la CRE un pouvoir réglementaire
spécifique et limité.
a) La possibilité d'attribuer un pouvoir réglementaire
spécifique aux autorités administratives indépendantes est
reconnue en droit
Ce n'est que progressivement que s'est affirmée la possibilité,
reconnue par la jurisprudence constitutionnelle, que le pouvoir
réglementaire, qui jouit de la faculté d'édicter
unilatéralement des normes générales et impersonnelles
créant des obligations et ouvrant des droits, puisse être
dévolu à une autorité administrative indépendante.
L'article 21 de la Constitution dispose, en effet, que le
Premier ministre
"
assure l'exécution des
lois
" et, sous réserve de l'article 13, "
exerce
le pouvoir réglementaire
". Cette disposition est apparue
à certains auteurs de nature à interdire au législateur de
conférer un pouvoir de réglementation, même limité,
à une autorité indépendante.
A l'occasion du contrôle de constitutionnalité du projet de loi
instituant la Commission nationale de la communication et des libertés
(CNCL) le Conseil constitutionnel
67(
*
)
affirma clairement cette
possibilité :
DÉCISION 86-217 DC DU CONSEIL
CONSTITUTIONNEL
SUR
LA LIBERTÉ DE COMMUNICATION
En ce
qui concerne l'attribution à la Commission nationale de la communication
et des libertés d'un pouvoir réglementaire :
55 - Considérant qu'en vertu du 1
er
alinéa de
l'article 6 de la loi, celles des décisions de la Commission
nationale de la communication et des libertés, mentionnées aux
articles 22,27 et au 2
e
alinéa de l'article 34
" qui présentent un caractère réglementaire ",
sont transmises au Premier ministre qui peut, dans les quinze jours, demander
à la commission une nouvelle délibération ;
56 - Considérant qu'il est soutenu par les auteurs de la saisine que la
dévolution du pouvoir réglementaire à la commission
méconnaît les dispositions de l'article 21 de la Constitution
qui attribuent au Premier ministre le pouvoir réglementaire sous
réserve des dispositions de l'article 13 concernant la
compétence du Président de la République pour les
décrets et ordonnances délibérés en Conseil des
ministres ;
57 - Considérant que les deux premiers alinéas de
l'article 21 de la Constitution sont ainsi conçus " Le
Premier ministre dirige l'action du Gouvernement. Il est responsable de la
Défense nationale. Il assure l'exécution des lois. Sous
réserve des dispositions de l'article 13, il exerce le pouvoir
réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires. Il peut
déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres
" ;
58 - Considérant que ces dispositions confèrent au Premier
ministre, sous réserve des pouvoirs reconnus au Président de la
République, l'exercice du pouvoir réglementaire à
l'échelon national ;
qu'elles ne font cependant pas obstacle
à ce que le législateur confie à une autorité de
l'Etat autre que le Premier ministre, le soin de fixer, dans un domaine
déterminé et dans le cadre défini par les lois et
règlements, des normes permettant de mettre en oeuvre une
loi
;
Le pouvoir ainsi reconnu est un pouvoir réglementaire spécial,
cantonné à la mise en oeuvre de la loi.
Dans sa décision du 17 janvier 1989
68(
*
)
relative à la loi sur le
Conseil supérieur de l'audiovisuel, le Conseil constitutionnel a
précisé qu'une autorité administrative indépendante
pouvait être chargée par la loi de mettre en oeuvre par voie
réglementaire certaines de ses dispositions, mais que cette habilitation
ne devait concerner que "
des mesures de portée
limitée tant par leur champ d'application que par leur
contenu
".
La doctrine
69(
*
)
relève
que plusieurs autorités administratives indépendantes, outre
le CSA
évoqué ci-dessus, sont dotées d'un pouvoir
réglementaire :
-
la CNIL
édicte des normes simplifiées pour les
catégories les plus courantes de traitements automatisés de
l'information (article 17 de la loi précitée du
6 janvier 1978) ;
-
la COB
dispose également un pouvoir
réglementaire ;
-
l'ART
est investie d'une mission générale de
participation à la mise en oeuvre de la législation (article
L.36-5 du code des postes et télécommunications). En outre,
l'article L.36-6 du même code la charge de préciser les
règles concernant l'exploitation des réseaux et services de
télécommunications, les prescriptions techniques et
financières d'interconnexion, d'interopérabilité des
réseaux et de portabilité des numéros. Ses
décisions, à caractère réglementaire, sont
publiées au Journal Officiel après homologation par
arrêté du ministre.
A l'occasion de sa saisine sur le projet de loi de réglementation des
télécommunications, en 1996, le Conseil constitutionnel a
d'ailleurs validé ces dispositions relatives à l'ART, en
rappelant que : "
Considérant qu'en vertu de
l'article 21 de la Constitution, le Premier ministre assure
l'exécution des lois et, sous réserve des dispositions de
l'article 13, exerce le pouvoir réglementaire ; qu'il peut
déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres ;
Considérant que si ces dispositions ne font pas obstacle à ce que
le législateur confie à une autorité publique autre que le
Premier ministre le soin de fixer les normes permettant de mettre en oeuvre une
loi,
c'est à la condition que cette habilitation ne concerne que des
mesures de portée limitée tant par leur champ d'application que
par leur contenu
;
Considérant que la compétence réglementaire reconnue
à l'Autorité de régulation des
télécommunications par l'article L.36-6 1°
précité
est limitée dans son champ d'application
et
doit s'exercer, en vertu dudit article, dans le respect des dispositions du
code des postes et télécommunications et de ses règlements
d'application [...] ; que par suite le moyen tiré de la
méconnaissance de l'article 21 de la Constitution ne peut
qu'être écarté
".
b) Le projet de loi propose de conférer un pouvoir
réglementaire spécifique et limité à la CRE
Le texte de l'article 35 limite doublement le pouvoir réglementaire
de la CRE. Son
champ est strictement circonscrit
à l'application
de certaines dispositions du projet de loi, limitativement
énumérées. En outre, l'intervention de la CRE n'est
qu'
une possibilité
et non une obligation.
Aux termes du projet de loi, les matières dans lesquelles la CRE
pourrait être appelée à réglementer sont :
1) Les missions des gestionnaires de réseaux publics de transport et de
distribution en matière
d'exploitation et de développement des
réseaux
, en application des articles 14 et 18 ;
2) Les conditions de
raccordement aux réseaux publics de transport et
de distribution
en application des articles 14 et 18 ;
3) Les conditions
d'accès aux réseaux et de leur
utilisation
, en application de l'article 23.
4) La mise en oeuvre et l'ajustement
des programmes d'appel,
d'approvisionnement et de consommation
, et la
compensation
financière des écarts
entre production et consommation, en
application des articles 15 et 19.
5) La conclusion de
contrats d'achat
par les gestionnaires de
réseaux publics de transport ou de distribution, en application du III
de l'article 15.
6)
Le périmètre
de chacune des activités
séparées au plan comptable et les
règles
déterminant les relations financières
entre les
différentes entités ainsi séparées,
mentionnés à l'article 25.
Outre un amendement rédactionnel,
l'Assemblée nationale
a
modifié cet article par coordination avec les changements
apportés à la rédaction des articles 15, 19 et 25.
c) Position de la commission
La commission a tout d'abord précisé (
premier
alinéa
) que la CRE exerçait son pouvoir réglementaire
par décision publiée au Journal Officiel.
Elle a également adopté deux amendements de coordination
avec la rédaction des articles 15 paragraphe III et 25
(
sixième et dernier alinéa
). Il est en effet
nécessaire que la CRE puisse préciser les règles
applicables aux " protocoles " qui auront la même portée
que les contrats qui régiront les relations du GRT avec les autres
services d'EDF.
Votre commission a enfin renforcé les compétences
réglementaires de la CRE par l'ajout de trois alinéas
(7°, 8° et 9°) supplémentaires qui étendent son
pouvoir :
- aux tarifs d'accès aux réseaux publics de transport et de
distribution ;
- aux droits et obligations afférentes à l'obligation
d'exploiter ;
- à la procédure d'obtention d'une autorisation.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
Article 36 -
Règlement des
différends
par la CRE
pour l'accès aux réseaux publics
Cet
article confère à la CRE, sous le contrôle du juge, le
pouvoir de trancher les différends liés à l'accès
aux réseaux et à leur utilisation
.
a) Une possibilité reconnue en droit, si la procédure
garantit les droits de la défense.
Le Conseil constitutionnel a déjà reconnu comme conforme à
la Constitution, sous certaines conditions, la possibilité donnée
par la loi à une autorité administrative indépendante
d'exercer un
pouvoir de règlement des différends
. Tel est
le cas, par exemple, du Conseil de la concurrence, ou de l'ART.
L'impératif du respect des droits de la défense
Pour le Conseil de la concurrence
, par exemple, le Conseil
constitutionnel a déclaré
70(
*
)
non conforme à la Constitution
la loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des
décisions du Conseil de la concurrence, en raison
d'un insuffisant
respect des droits de la défense, la loi ne prévoyant pas de
possibilité de sursis à exécution des décisions du
Conseil de la concurrence.
Le raisonnement du Conseil était le suivant :
"
Considérant que l'ordonnance du
1
er
décembre 1986 crée un Conseil de la
concurrence ; qu'au nombre des attributions dudit conseil figure le
pouvoir de prendre deux sortes de mesures à l'encontre des entreprises
ou des personnes auxquelles seraient reprochées des pratiques
anticoncurrentielles ; (...)
" Mais considérant que la loi déférée au
Conseil constitutionnel a pour effet de priver les justiciables d'une des
garanties essentielles à leur défense ;
" Considérant en effet que le troisième alinéa de
l'article 15 de l'ordonnance du
1
er
décembre 1986 dispose que le recours
formé contre une décision du Conseil de la concurrence
" n'est pas suspensif " ; (...)
" Considérant que, compte tenu de la nature non juridictionnelle du
Conseil de la concurrence, de l'étendue des injonctions et de la
gravité des sanctions pécuniaires qu'il peut prononcer,
le
droit pour le justiciable formant un recours contre une décision de cet
organisme de demander et d'obtenir, le cas échéant, un sursis
à l'exécution de la décision attaquée constitue une
garantie essentielle des droits de la défense ;
" Considérant dès lors que les dispositions de
l'article 2 de la loi présentement examinée ne sont pas
conformes à la Constitution ; que, les dispositions de
l'article 1
er
n'en étant pas séparables, la loi
doit, dans son ensemble, être regardée comme non conforme à
la Constitution ;
"
S'agissant de l'ART, dont le pouvoir de règlement des
différends
est proche de celui que propose de donner à la CRE
le projet de loi, le Conseil constitutionnel a validé les dispositions
de la loi précitée du 26 juillet 1996, tout en relevant
les garanties apportées par sa rédaction, dans sa décision
n° 96-378 DC du 23 juillet 1996 :
"
Considérant qu'en vertu du I de l'article L.36-8 du code
des postes et télécommunications, dans sa rédaction issue
de l'article 8 de la loi déférée, l'Autorité
de régulation des télécommunications peut être
saisie des différends qui interviennent en cas de refus
d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de
désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention
d'interconnexion ou d'accès à un réseau de
télécommunications ;
qu'à l'issue d'une
procédure contradictoire, elle prend une décision
motivée,
laquelle précise les conditions équitables,
d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou
l'accès doivent être assurés ; qu'en cas d'atteinte
grave aux règles régissant le secteur des
télécommunications, elle est habilitée
après
avoir entendu les parties en cause,
à prendre des mesures
conservatoires destinées à assurer la continuité du
fonctionnement des réseaux, qu'en vertu du II du même article,
l'Autorité peut également être saisie de différends
concernant soit les conditions de mise en conformité des conventions
comportant des clauses excluant ou restreignant la fourniture des services de
télécommunications sur les réseaux mentionnés
à l'article L.34-4 du code des postes et
télécommunications, soit les possibilités et les
conditions d'une utilisation partagée entre opérateurs
d'installations existantes ; (...).
On le voit, cette possibilité d'arbitrage, tout comme le pouvoir de
sanction, est encadrée, en droit constitutionnel, par la
nécessité de respecter les droits de la défense en
prévoyant, notamment :
- une procédure contradictoire ;
- un contrôle juridictionnel des décisions rendues, assorti
d'une possibilité de sursis à exécution.
La procédure prévue devant la CRE
La procédure
Le projet de loi propose, s'agissant du pouvoir de règlement des
différends de la CRE, une rédaction proche de celle,
validée par le Conseil constitutionnel, dans sa décision sur la
loi précitée du 26 juillet 1996 créant l'ART.
Au paragraphe I
, qui concerne le mode de saisine de la CRE et la
procédure suivie, ainsi que la faculté pour la CRE d'ordonner des
mesures conservatoires, il est précisé que la CRE peut être
saisie par l'une ou l'autre des parties à un différend entre les
gestionnaires et les utilisateurs des réseaux
publics de
transport ou de distribution. La Commission se prononce dans des conditions et
un délai fixés par décret en Conseil d'Etat
après avoir mis les parties à même de présenter
leurs observations
, afin d'assurer le respect des droits de la
défense.
Le texte prévoit explicitement que la CRE peut effectuer,
" le
cas échéant "
une enquête, alors que cette
disposition ne figure pas dans le code des postes et
télécommunications s'agissant de l'ART.
La décision motivée de la CRE,
"
précise
les conditions équitables d'ordre technique et financier "
de règlement du différend.
L'Assemblée
nationale
a ajouté la mention suivante : la décision de
la CRE précise les conditions de règlement du différend
" dans lesquelles l'accès ou l'utilisation des réseaux
doivent être assurés ".
Comme pour l'ART, il est prévu que les décisions de la CRE sont
notifiées aux parties et rendues publiques,
sous réserve
des secrets protégés par la loi. C'est ainsi que les
décisions d'arbitrage de l'ART, notamment en matière de condition
d'utilisation des réseaux dits du " plan câble " par les
opérateurs de télécommunications, ou, plus
récemment, d'interconnexion " entrante ", font l'objet d'une
publication au Journal officiel.
Enfin, également sur le modèle du pouvoir dévolu tant
à l'ART, qu'au Conseil de la concurrence, le dernier alinéa du
paragraphe I donne à la CRE
le pouvoir de prendre des mesures
conservatoires
, après avoir entendu les parties en cause, en cas
d'atteinte grave et immédiate aux règles régissant
l'accès et l'utilisation des réseaux.
Afin d'encadrer quelque peu ce pouvoir, sans toutefois le limiter,
l'Assemblée nationale
a précisé qu'il tendait
à assurer, notamment, la continuité du fonctionnement des
réseaux.
Délai d'instruction
En matière de délai pour l'instruction du dossier et
d'intervention de la décision
, le texte avait initialement
prévu, sur le modèle de l'ART, que le décret en Conseil
d'Etat qui fixerait les conditions d'application de cet article
déterminerait également le délai dans lequel la CRE doit
se prononcer.
L'Assemblée nationale
a
préféré fixer dans la loi le délai à trois
mois, porté à un an
" en cas de
nécessité ".
b) La nécessité de prévoir un recours juridictionnel
qui respecte le principe constitutionnel de la dualité de
juridiction.
La question de l'ordre judiciaire compétent
Tout comme l'ART,
la CRE est une autorité administrative, dont le
contentieux relève
, par nature, en l'absence de dispositions
contraires, de
la juridiction administrative
.
C'est ainsi que seront du ressort de la juridiction administrative les recours
contre :
- les mesures de portée réglementaire prises par la
commission sur le fondement de l'article 35 du projet de loi ;
- les sanctions, de nature administrative qu'il s'agisse d'un retrait
d'autorisation ou d'une sanction pécuniaire, infligées en vertu
de l'article 39.
Rappelons en outre que, même si le législateur le souhaitait, il
ne serait pas totalement libre de choisir une autre voie de recours contre les
décisions d'une autorité qui revêt un caractère
administratif. En effet, l'existence de la juridiction administrative s'est vu
reconnaître par la décision 80-119 DC du 17 juillet 1980 du
Conseil constitutionnel sur la validation d'actes administratifs, la valeur
d'un
" principe fondamental reconnu par les lois de la
République "
intégré au bloc de
constitutionnalité auquel le législateur ne peut librement
déroger.
Le Conseil a précisé sa doctrine dans la décision
précitée du 23 janvier 1987 relative au Conseil de la
concurrence, par laquelle il a posé comme
principe à valeur
constitutionnelle la compétence de la juridiction administrative
pour
" l'annulation ou la réformation des décisions
prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par les
autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les
collectivités territoriales de la République ou les organismes
publics placés sous leur autorité ou sous leur
contrôle. "
Pourtant, des aménagements précis et limités à ce
principe à valeur constitutionnelle sont possibles, dans
l'intérêt d'une bonne administration de la justice.
Dans cette même décision, le Conseil constitutionnel avait ainsi
admis la possibilité de confier au juge judiciaire le contentieux des
décisions du Conseil de la concurrence, considérant que, dans la
mise en oeuvre du principe constitutionnel énoncé ci-dessus,
" lorsque l'application d'une législation ou d'une
réglementation spécifique pourrait engendrer des contestations
contentieuses diverses qui se répartiraient, selon les règles
habituelles de compétence, entre la juridiction administrative et la
juridiction judiciaire,
il est loisible au législateur, dans
l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'unifier les
règles de compétence juridictionnelle au sein de l'ordre
juridictionnel principalement intéressé ;
" Considérant que, si le Conseil de la concurrence, organisme
administratif, est appelé à jouer un rôle important dans
l'application de certaines règles relatives au droit de la concurrence,
il n'en demeure pas moins que le juge pénal participe également
à la répression des pratiques anticoncurrentielles sans
préjudice de celle d'autres infractions intéressant le droit de
la concurrence ; qu'à des titres divers le juge civil ou commercial
est appelé à connaître d'actions en responsabilité
ou en nullité fondées sur le droit de la concurrence ; que
la loi présentement examinée tend à unifier sous
l'autorité de la cour de cassation l'ensemble de ce contentieux
spécifique et ainsi à éviter ou à supprimer des
divergences qui pourraient apparaître dans l'application et dans
l'interprétation du droit de la concurrence ;
" Considérant dès lors que cet aménagement
précis et limité des règles de compétence
juridictionnelle, justifié par les nécessités d'une bonne
administration de la justice ne méconnaît pas le principe
fondamental ci-dessus analysé tel qu'il est reconnu par les lois de la
République ; "
C'est de cette liberté que se propose d'user le présent projet
de loi, qui prévoit, au quatrième alinéa du paragraphe VI
de cet article, que les recours contre les décisions de règlement
des différends et les mesures conservatoires prises par la CRE sont du
ressort du juge judiciaire, en l'espèce la Cour d'appel de Paris.
Cette juridiction est déjà compétente pour les recours
contre des décisions semblables de l'ART et celles du Conseil de la
concurrence. En effet, les différends que la CRE sera amenée
à régler porteront sur l'exécution
de contrats de droit
privé, qui sont par nature du ressort du juge judiciaire.
Il s'agira
notamment des contrats passés entre le GRT et les producteurs,
visés à l'article 23 sixième alinéa. Les
mêmes raisons avaient, en 1996, poussé le législateur
à aboutir, pour l'ART, aux mêmes conclusions, validées par
le Conseil constitutionnel dans sa décision du 23 juillet 1996 :
" Considérant que les décisions de l'Autorité de
régulation des télécommunications, autorité
administrative, prises en application des I et II de l'article L.36-8 du code
des postes et télécommunications, qui s'imposent aux parties qui
ont saisi cette autorité, constituent des décisions
exécutoires prises dans l'exercice de prérogatives de puissance
publique ;
Considérant que toutefois, lorsque l'application d'une
législation ou d'une réglementation spécifique pourrait
engendrer des contestations contentieuses diverses qui se répartiraient,
selon les règles habituelles de compétence, entre la juridiction
administrative et la juridiction judiciaire, il est loisible au
législateur, dans l'intérêt d'une bonne administration de
la justice, d'unifier les règles de compétence au sein de l'ordre
juridictionnel principalement intéressé ; qu'une telle
unification peut être opérée tant en fonction de
l'autorité dont les décisions sont contestées, qu'au
regard de la matière concernée ; (...)
Considérant que cet aménagement précis et limité
des règles de compétence juridictionnelle peut être
justifié par les nécessités d'une bonne administration de
la justice ; que dès lors il ne méconnaît pas le
principe à valeur constitutionnelle invoqué
".
La question des délais de recours
Pour ce qui est des recours contre les décisions de la CRE qui ne
relèvent pas du présent article, le droit administratif
général s'applique, s'agissant d'actes de nature administrative,
et reconnus comme tels par le juge administratif.
Pour les décisions prises en vertu du présent article
,
dont le contentieux est expressément confié au juge judiciaire,
le paragraphe II précise qu'un recours en annulation ou en
réformation peut intervenir dans un
délai d'un mois,
porté à 2 mois par l'Assemblée nationale
.
Le recours n'est pas suspensif, un
sursis à exécution
pouvant toutefois être ordonné si la décision en cause est
susceptible d'entraîner des "
conséquences manifestement
excessives
" ou si est survenu depuis son intervention un fait nouveau
"
d'une exceptionnelle gravité
".
Le texte précise que les recours éventuels contre
les mesures
conservatoires
décidées par la CRE sont ouverts dans un
délai de dix jours,
porté à 15 jours par
l'Assemblée nationale
, le juge devant se prononcer dans un
délai d'un mois.
Enfin, le texte dispose que
le pourvoi en cassation
éventuellement formé contre l'arrêt de la cour d'appel de
Paris doit, pour être recevable, s'exercer, lui aussi, dans le
délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt.
c) Position de votre commission
Votre commission vous propose au
premier alinéa
un amendement
donnant compétence à la CRE pour l'interprétation des
contrats, mais aussi des protocoles, d'accès au réseau, ainsi
qu'un amendement de clarification qui précise que la CRE peut
procéder, si elle l'estime nécessaire, à une enquête
dans les conditions prévues à l'article
33.
S'agissant d'une procédure qui doit être rapide -c'est
l'accès au réseau qui sera le plus probablement en jeu- et qui
s'exerce sous le contrôle du juge en appel et en cassation, votre
commission vous propose de ramener le délai maximal de règlement
du différend à
6 mois
, comme c'est le cas pour
l'ART
71(
*
)
, et comme le
souhaitait initialement la commission de la production et des échanges
de l'Assemblée nationale, et à
un mois
au lieu de deux le
délai pour faire appel de la décision de la CRE.
Ces délais paraissent en effet plus conformes à
l'intérêt des différentes parties intéressées
et à une bonne administration de la justice, compte-tenu de la
nécessité de ne pas allonger par trop les procédures.
Votre commission vous propose en outre
quatre amendements
de
clarification rédactionnelle aux
deuxième, quatrième,
cinquième et sixième alinéas
, ainsi qu'un
amendement précisant que la décision de règlement du
différend est publiée au Journal Officiel (
deuxième
alinéa
).
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
Article additionnel après l'article 36 -
Pouvoir de conciliation de la CRE
Votre
commission a adopté un article additionnel donnant à la CRE un
pouvoir de conciliation pour régler les litiges d'accès aux
réseaux publics de transport et de distribution, en vue d'éviter
un recours à la procédure juridictionnelle de l'arbitrage. La loi
précitée de réglementation des
télécommunications contient une disposition analogue pour l'ART.
Cette disposition a déjà été mise en oeuvre par
cette autorité qui a ainsi, depuis sa mise en place il y a bientôt
trois ans, permis d'éviter que certaines divergences -certes
mineures- ne se transforment en litiges.
Votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.
Article 37 -
Coordination des actions du
Conseil
de la concurrence et de la CRE ;
information du procureur de la
République en matière pénale
Cet
article organise les relations mutuelles entre le Conseil de la concurrence et
la Commission de régulation de l'électricité. Sa
rédaction reprend les dispositions du code des postes et
télécommunications qui règlent les relations entre l'ART
et le Conseil de la concurrence.
Son adoption est nécessaire pour assurer l'efficience et la
cohérence de l'action administrative, grâce à
l'instauration d'un dialogue entre des institutions aux missions voisines, mais
distinctes.
Il a été adopté sans modification par l'Assemblée
nationale.
a) Le texte du projet de loi
En vertu du premier alinéa, le président de la CRE saisit le
Conseil de la concurrence des abus de position dominante et des pratiques
entravant le libre exercice de la concurrence.
La rédaction de cet alinéa, qui reprend textuellement les
dispositions précitées relatives à l'ART
72(
*
)
, aurait pu être
allégée, puisqu'un abus de position dominante est, en droit, une
pratique entravant le libre exercice de la concurrence.
De telles pratiques entrant explicitement dans le champ de compétence du
Conseil de la concurrence, aux termes de l'ordonnance du
1
er
décembre 1986 précitée, il est logique
que le président de la CRE en saisisse, le cas échéant,
cette autorité.
Une disposition voisine est d'ailleurs prévue à l'article 19
du projet de loi modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative
à la liberté de communication, actuellement en cours de
discussion, en ce qui concerne la saisine du Conseil de la concurrence par le
CSA.
Au point de vue formel, il est précisé que cette saisine peut
intervenir dans le cadre d'une procédure d'urgence, conformément
à l'article 12 de l'ordonnance, qui donne au Conseil le pouvoir de
prendre des mesures conservatoires, si
" la pratique
dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à
l'économie générale, à celle du secteur
intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou
à l'entreprise plaignante ".
Rappelons qu'un recours est
possible auprès de la Cour d'appel de Paris contre la décision du
Conseil de la concurrence, la Cour statuant dans un délai d'un mois.
Contrairement à ce qui est prévu dans le secteur des
télécommunications, la loi ne fixe pas de délai au Conseil
de la concurrence pour se prononcer sur une saisine de la CRE. Le projet de loi
précité sur l'audiovisuel ne prévoit pas non plus de
délai pour que le Conseil de la concurrence se prononce sur une saisine
du CSA.
Le Président de la CRE peut saisir pour avis le Conseil de la
concurrence de toute question relevant de sa compétence.
Cette disposition, également reprise de l'article L.36-10 du code des
postes et télécommunications, recueille l'assentiment de votre
commission. Elle permettra à la CRE d'avoir, sur telle ou telle
question, l'éclairage du Conseil de la concurrence.
Réciproquement, il est prévu que le Conseil de la concurrence
communique à la CRE les saisines qui entreraient dans le champ de
compétence de cette dernière.
Si l'objectif du deuxième alinéa est de permettre à la CRE
de bénéficier, de la part du Conseil de la concurrence, d'un
droit à être informée ou saisie des affaires entrant dans
son champ de compétences, la rédaction en paraît toutefois
inutilement restrictive. Ainsi, le droit à communication des saisines
n'est-il restreint qu'aux compétences de la CRE définies à
l'article 36 (règlement des différends), et non étendu
à l'ensemble de ses compétences.
En outre, contrairement à la pratique de consultation
systématique d'autorités, le cas échéant
compétentes, la rédaction indique que la demande d'avis à
la CRE, de la part du Conseil de la concurrence, lorsque le secteur de
l'électricité est concerné, n'est que facultative.
Enfin, il est prévu que le président de la CRE informe le
procureur de la République des faits qui sont susceptibles de recevoir
une qualification pénale.
L'article 40 du projet de loi définit certaines infractions
pénalement sanctionnées dont la CRE pourrait avoir connaissance
(exploitation d'une installation de production sans autorisation, construction
sans autorisation d'une ligne directe...). Le président de la CRE doit
en informer le procureur de la République.
b) Position de votre commission
Votre commission a adopté une rédaction qui, en s'inspirant de
l'article L.36-10 du code des postes et télécommunications et de
la pratique du Conseil de la concurrence dans différents secteurs,
élargit les communications que le Conseil de la concurrence adresse
à la CRE à l'ensemble de ses attributions et rend
systématique sa consultation lorsque le secteur de
l'électricité est concerné. Il en est de même dans
le projet de loi précité sur l'audiovisuel (article 19) qui
prévoit une consultation systématique du CSA par le Conseil de la
concurrence, le CSA ayant un mois pour transmettre ses observations.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
Article 38 -
Pouvoir de sanction de la CRE
Cet
article donne à la CRE le pouvoir d'infliger des sanctions, sous le
contrôle du juge.
I. LE POUVOIR DE SANCTION DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES
INDÉPENDANTES
A. DES POUVOIRS ÉTENDUS DÉVOLUS À CERTAINES
AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES
Plusieurs autorités administratives indépendantes peuvent
infliger des sanctions.
La COB
dispose, en vertu de l'article 9-2
73(
*
)
de l'ordonnance n° 67-833 du
21 septembre 1967 précitée, du pouvoir d'infliger, lorsqu'elle
constate
des pratiques contraires à ses règlements
, une
sanction pécuniaire
limitée à 10 millions de francs
ou au décuple du montant des profits éventuellement
réalisés.
Le CSA
peut, quant à lui, prononcer, sur le fondement de
l'article 42-1 de la loi précitée du 30 septembre 1986, à
l'encontre d'un
exploitant de service de communication audiovisuelle qui ne
respecterait pas ses obligations
, une des sanctions suivantes :
- suspension de l'autorisation ou d'une partie de programme pour au plus
un mois ;
- réduction de la durée de l'autorisation, dans la limite
d'une année ;
- sanction pécuniaire, limitée en vertu de l'article 42-2,
à 3 % du chiffre d'affaires annuel hors taxes, mais dont le montant
peut être porté à 5 % en cas de récidive, et
éventuellement assortie d'une suspension de l'autorisation ;
- retrait de l'autorisation d'exploiter.
Le Conseil de la concurrence
peut, en vertu de l'article 13 de
l'ordonnance précitée du 1
er
septembre 1986, infliger,
en cas de
pratique anti-concurrentielle
, une
sanction
pécuniaire
applicable soit immédiatement, soit en cas
d'inexécution des injonctions du conseil pour les faire cesser. Le
montant maximal de cette sanction est de 5 % du chiffre d'affaires pour
une entreprise et de 10 millions de francs dans les autres cas.
L'ART
peut, quant à elle, en vertu de l'article L.36-11 du code
des postes et télécommunications, sanctionner les manquements
qu'elle constate, de la part des opérateurs de
télécommunications, aux dispositions législatives et
réglementaires afférentes à leurs activités, qu'il
s'agisse d'une infraction aux règles en vigueur ou du non-respect d'une
décision de règlement des différends.
Les sanctions sont les suivantes :
- soit la suppression totale ou partielle pour au plus un mois, la
réduction de la durée d'un mois au plus ou le retrait de
l'autorisation ;
- soit une sanction pécuniaire, qui ne peut excéder 3 %
du chiffre d'affaires annuel hors taxes, montant porté à 5 %
en cas de récidive (à défaut d'activité
l'année antérieure, le plafond est d'un million de francs,
pouvant être porté à 2,5 millions de francs en cas de
récidive).
Ces pouvoirs sont exercés sous le contrôle du juge, et doivent
être assortis de garanties permettant de respecter les droits
constitutionnellement protégés.
B. UNE CONSTITUTIONNALITÉ RECONNUE MAIS ENCADRÉE
Tout comme pour leur pouvoir de règlement des différends, le
Conseil constitutionnel a expressément reconnu la
constitutionnalité du pouvoir de sanction des autorités
indépendantes, notamment dans ses décisions, déjà
largement citées ci-dessus, 88-248 DC du 17 janvier 1989 Conseil
Supérieur de l'Audiovisuel ; 89-260 DC du 28 juillet 1989
Commission des Opérations de Bourse ; 96-378 DC du 23 juillet 1996
Loi de réglementation des télécommunications.
Un tel pouvoir aurait pu contrevenir, notamment, au principe constitutionnel
de séparation des pouvoirs, une autorité administrative
exerçant un pouvoir en principe confié au juge, réunissant
ainsi les pouvoirs de réglementation et de sanction en une même
main.
Le Conseil constitutionnel a estimé
74(
*
)
" que
le principe de
séparation des pouvoirs,
non plus qu'aucun principe ou règle
à valeur constitutionnelle ne fait pas obstacle à ce
qu'une
autorité administrative
, agissant dans le cadre de
prérogatives de puissance publique
, puisse exercer un pouvoir de
sanction
dès lors, d'une part, que la sanction infligée
est
exclusive de toute privation de liberté
et, d'autre part, que
l'exercice de ce pouvoir de sanction est assorti par la loi de mesures
destinées à
sauvegarder les droits et libertés
constitutionnelles garantis
".
La doctrine range parmi les principes constitutionnels devant être
garantis par la loi :
- le
respect des droits de la défense
par des garanties de
procédure et l'existence de voies de recours devant une juridiction,
déjà mentionnées ci-dessus ;
- le principe de
proportionnalité
, déduit de
l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui
implique une modulation du montant des sanctions en fonction de la
gravité des manquements commis et des avantages procurés par ces
manquements ;
- le principe de
légalité et de nécessité
des peines
, ainsi que de
non rétroactivité
de la loi
d'incrimination plus sévère, applicables au droit pénal,
et transposés aux sanctions administratives par le juge
constitutionnel ;
- le principe du
" non bis in idem "
75(
*
)
qui, sans exclure complètement
que les sanctions administratives soient cumulables avec les sanctions
pénales, implique que, si elles le sont, le montant global des sanctions
ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des
sanctions encourues.
II. LE POUVOIR DE SANCTION DE LA CRE
La rédaction du présent article est assez proche de celle de
l'article L.36-11 du code des postes et télécommunications
relatif aux pouvoirs de sanction de l'ART, même si les sanctions
encourues sont plus lourdes, notamment en termes de durée de la
suspension d'autorisation.
A. PERSONNES POUVANT SAISIR LA CRE
Le projet de loi dispose que c'est soit de sa propre initiative, soit à
l'initiative du ministre chargé de l'énergie ou d'une personne
physique ou morale concernée que la CRE peut sanctionner les manquements
qu'elle constate. Les organisations professionnelles et les associations
agréées d'utilisateurs n'étant pas expressément
visées, la recevabilité de leur saisine dépendra de
l'appréciation du juge, qui devra déterminer si elles sont ou
non, à son sens, " concernées ".
B. PERSONNES ET PRATIQUES POUVANT ÊTRE SANCTIONNÉES
Le texte prévoit que
les personnes
susceptibles de faire l'objet
de sanctions sont :
- les gestionnaires de réseaux publics de transport et de
distribution. Il s'agit aussi bien du GRT que des DNN ;
- leurs
" utilisateurs "
. Il semble que ce terme, large,
recouvre non seulement les producteurs mais également les fournisseurs
et les clients, notamment les entreprises éligibles.
Les pratiques
sanctionnables sont les manquements des personnes
visées ci-dessus à :
- une disposition législative ou réglementaire relative
à l'accès aux réseaux ou à leur utilisation ;
- une décision de la CRE ;
- un principe ou un périmètre comptable approuvé par
la CRE en vertu de l'article 25 et, comme l'a ajouté
l'Assemblée nationale,
de l'article 26 ;
- une décision de la CRE relative au règlement d'un
différend prise en vertu de l'article 36 ;
- une obligation de fourniture de documents ou d'informations
conformément au VII et au IX de l'article 34 bis, qui visent
en fait les articles 3, 13, 23 et 27, dans les cas où, après
mise en demeure de la CRE, les documents concernés ne sont pas fournis,
sont incomplets ou erronés. Cette disposition a été
ajoutée par
l'Assemblée nationale.
C. PROCÉDURE
Mise en demeure
Tout d'abord, il est précisé que la CRE met en demeure le
contrevenant, sauf si elle sanctionne le non-respect d'une décision de
règlement d'un différend qu'elle a rendue par la Commission en
vertu de l'article 36. Cette mise en demeure peut être publique si la CRE
le souhaite. Elle fixe un délai pour mettre fin au manquement, comme
l'indique implicitement le texte :
" lorsque
l'intéressé ne se conforme pas dans les délais
fixés à
cette mise en demeure. ".
Respect du contradictoire
Le texte (3°) dispose que les sanctions sont prononcées
après que le gestionnaire ou l'utilisateur du réseau a
reçu notification des griefs et a été mis à
même de consulter le dossier et de présenter ses observations,
assisté de la personne de son choix.
Il s'agit là de
dispositions essentielles pour garantir les droits de la défense.
Publicité des sanctions
Les décisions de sanction de la CRE sont motivées,
notifiées à l'intéressé et publiées au
Journal officiel (5°).
D. ETENDUE DES SANCTIONS
Principe de proportionnalité
Le texte du projet de loi respecte le principe de proportionnalité
évoqué ci-dessus puisque la sanction est déterminée
" en fonction de la gravité du manquement "
(3
ème
alinéa).
Forme et montant des sanctions
La Commission peut prononcer :
-
une interdiction
temporaire d'accès aux
réseaux
pour au plus un an. Notons que cette durée est douze
fois supérieure aux durées maximales de suspension d'autorisation
en matière d'audiovisuel et de télécommunications.
-
une sanction pécuniaire
, dans les mêmes limites que
l'ART et le Conseil de la concurrence notamment (3 % du chiffre d'affaires
porté à 5 % en cas de récidive, ou 1 million de
francs porté à 2,5 millions en cas d'absence
d'activité l'année précédente) et dans les
mêmes conditions (le manquement ne doit pas être constitutif d'une
infraction pénale, pour satisfaire aux exigences de
constitutionnalité).
Le texte précise que, si le manquement a déjà fait l'objet
d'une sanction pécuniaire au titre d'une autre législation, la
CRE
" en tient compte (...) pour fixer le montant de la sanction
pécuniaire qu'elle prononce ".
Le texte a retenu la
possibilité de cumul d'une sanction financière et non
financière infligée par la CRE, contrairement à l'ART,
mais sur le modèle du CSA. Cette possibilité avait
été validée par le Conseil Constitutionnel dans sa
décision précitée n° 89-248 DC du
17 janvier 1989, même si des réserves
d'interprétation avaient été, à cette occasion,
formulées par le juge constitutionnel.
Statut fiscal des sanctions pécuniaires
Le texte prévoit, comme il est de coutume, que les sanctions
pécuniaires sont recouvrées comme des créances de l'Etat
étrangères à l'impôt et au domaine.
E. LES RECOURS JURIDICTIONNELS
Les sanctions de la CRE, qui ont en droit le caractère de
sanctions
administratives
, qu'elles soient pécuniaires ou non, peuvent faire
l'objet d'un recours de pleine juridiction et d'une demande de sursis à
exécution devant le Conseil d'Etat, suspensive lorsqu'il s'agit de
sanction pécuniaire. La même solution a été retenue
pour l'ART. Rappelons en effet que, comme on l'a dit dans le commentaire de
l'article 36, le juge administratif est, en vertu d'un principe à
valeur constitutionnelle, le juge "
naturel
" des actes et
décisions des autorités administratives indépendantes.
F. PRESCRIPTION
Comme c'est le cas du CSA ou de l'ART, la CRE ne peut être saisie de
faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été
engagé aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou
leur sanction.
III. POSITION DE VOTRE COMMISSION
Votre commission a adopté au
premier alinéa
un amendement
ouvrant explicitement aux associations professionnelles et d'usagers le droit
de saisir la CRE.
La Commission a également adopté, au
deuxième
alinéa (1°)
un amendement de coordination avec la
rédaction de l'article 25.
Au
quatrième alinéa (a)
, elle a adopté un
amendement rédactionnel.
Votre commission vous propose en outre au
cinquième alinéa
(b
) de préciser les critères de proportionnalité entre
le manquement des gestionnaires de réseaux et des opérateurs et
la sanction qu'ils peuvent se voir infliger, sur le modèle des textes
relatifs à la COB ou au Conseil de la concurrence, afin d'encadrer plus
précisément le pouvoir de sanction administrative.
Au
même alinéa
, la commission a reformulé le texte
initial pour préciser qu'une sanction pécuniaire
éventuellement prononcée par la CRE en complément d'une
autre sanction de même nature au titre d'une autre législation ne
saurait conduire à
un dépassement du montant le plus
élevé de l'une des deux sanctions encourues
,
conformément à la jurisprudence constitutionnelle.
La commission a adopté une nouvelle rédaction du
septième alinéa (2° bis)
, afin d'en clarifier et d'en
compléter la rédaction.
Enfin, elle a indiqué (avant le
onzième alinéa
(4°)
) que l'instruction et la procédure suivie devant la CRE
sont contradictoires.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
Article 39
-
Pouvoirs de sanction du ministre
chargé de l'énergie
Cet
article confère au ministre un pouvoir de sanction, dans les mêmes
conditions que celui dévolu à la CRE, en cas de non-paiement de
contributions dues au titre des missions de service public et des coûts
échoués, ainsi que de non-respect des règles relatives
à la production ou à l'achat pour revente
d'électricité.
1. Le texte du projet de loi
La procédure, la nature des sanctions et les moyens de recours
sont les mêmes que pour les sanctions infligées par la CRE et
répondent donc aux conditions exposées ci-dessus, dans le
commentaire de l'article 38.
Les faits sanctionnables
sont :
- le manquement aux obligations de paiement des contributions aux missions
du service public (article 5) ;
- le manquement aux obligations de paiement des charges liées aux
coûts échoués (article 46) ;
- le manquement aux obligations légales et réglementaires
relatives à la production et à l'achat pour revente
d'électricité, conformément, respectivement, aux
articles 7 à 10 et au IV de l'article 22, ou aux prescriptions
des autorisations d'exercice de ces activités.
2. Les modifications apportées par l'assemblée nationale
L'Assemblée nationale a accru le pouvoir de sanction du ministre. Elle
a, tout d'abord, donné au ministre la possibilité de retirer
définitivement une autorisation.
En outre, elle a rendu automatique la sanction par le ministre du non-respect
des obligations de paiement des charges relevant des missions de service
public, quel que soit le montant concerné ou les circonstances de ce
non-paiement.
Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.
Article 40
-
Sanctions pénales
Cet
article définit des infractions susceptibles de recevoir une
qualification pénale, et les sanctions qui s'appliquent à ces
infractions.
a)
Le projet de loi initial
Le texte du projet de loi
indique que le fait de produire ou d'exploiter
une installation de production sans être titulaire de l'autorisation
prévue à l'article 7, ou de mettre en service une ligne directe
sans avoir reçu l'autorisation visée à l'article 24, est
puni d'un
an d'emprisonnement et de 500 000 francs d'amende.
En outre,
le fait de s'opposer au droit d'accès des agents visés à
l'article 33 est puni de six mois d'emprisonnement et de
50.000 Francs d'amende.
Les peines complémentaires
suivantes peuvent, de surcroît,
être infligées aux personnes physiques :
- fermeture définitive ou provisoire du ou des
établissements de l'entreprise appartenant à la personne
concernée ;
- interdiction d'exercice de l'activité professionnelle
concernée ;
- affichage ou diffusion de la décision.
Les personnes morales
peuvent, en outre, voir leur
responsabilité pénale engagée, dans les conditions
définies à l'article 121-2 du code pénal. Si l'Etat ne
peut se voir appliquer ces dispositions, elles intéressent en revanche,
sous certaines conditions, les collectivités locales.
Les peines encourues sont les suivantes :
- une amende cinq fois plus élevée que celle applicable aux
personnes physiques (soit respectivement 2,5 millions de francs, contre
500.000 francs et 250.000 francs contre 50.000 francs) ;
- la fermeture temporaire, pour 5 ans ou plus, ou définitive, du ou
des établissements leur appartenant ;
- l'interdiction, définitivement ou pour 5 ans au plus, d'exercice
de l'activité exercée, directement ou indirectement ;
- l'affichage et la diffusion de la décision prononcée.
b)
Les modifications apportées par
l'Assemblée nationale
Outre trois amendements de coordination introduisant le terme de
"
fonctionnaires
" à côté de celui
d'"
agents
" et un amendement de cohérence juridique du
rapporteur, qui a supprimé, au premier alinéa, la
référence à la construction d'une installation de
production électrique, qui relève d'une réglementation
distincte et non de l'article 7 du présent texte,
l'Assemblée
nationale a durci les peines applicables :
l'amende sanctionnant
l'absence d'autorisation d'exploitation a été portée
de
500 000 francs à 1 000 000 de francs
(et donc à 5
millions de francs pour les personnes morales). Par comparaison, elle est, pour
l'établissement et l'exploitation sans autorisation d'un réseau
de services téléphoniques au public
76(
*
)
, de 500 000 francs et de six
mois d'emprisonnement (contre un an dans le cas présent).
c) Position de votre commission
Votre commission vous propose, outre un amendement rédactionnel au
premier alinéa, de revenir, au même alinéa, aux peines
initialement prévues par le projet de loi : 500.000 francs
d'amende et six mois d'emprisonnement.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
Article 41
-
Personnes qualifiées pour
constater les infractions à la loi
Cet
article énumère les personnes qualifiées pour rechercher
et constater les infractions à la loi et précise les conditions
d'intervention éventuelle du procureur de la République.
Les agents qualifiés pour constater les infractions
Ce sont les fonctionnaires habilités par le ministre chargé de
l'énergie et les agents habilités par le président de la
CRE, mentionnés à l'article 33, qui peuvent procéder
à la recherche et à la constatation des infractions à la
loi. Ils devront toutefois être, pour ce faire,
assermentés
, selon des modalités qui seront
définies par un décret en Conseil d'Etat. Ces personnes devront
donc prêter serment devant l'autorité judiciaire.
Il est indiqué que ces agents disposent des pouvoirs d'enquête
-larges- dévolus par l'article 33.
L'Assemblée nationale
a indiqué qu'il s'agit des
" fonctionnaires et agents ",
comme elle l'avait
déjà fait à plusieurs reprises dans le texte.
Les agents habilités par le ministère de l'économie,
visés à l'article 33, ne sont pas inclus au présent
article.
Intervention du procureur de la République
Le texte indique que les
" infractions aux dispositions
pénales "
de la présente loi et aux textes pris pour son
application sont constatées par des procès-verbaux, qui sont
adressés, dans les cinq jours, au Procureur de la République,
sous peine de nullité. Une copie en est remise à
l'intéressé. De plus, le Procureur doit être
préalablement informé des opérations envisagées en
vue de la recherche des infractions, auxquelles il peut s'opposer.
Position de la commission
Votre commission a adopté les amendements suivants :
- un amendement de clarification juridique à
l'avant-dernier
alinéa
;
- un amendement précisant que
les procès-verbaux font
foi
jusqu'à preuve contraire, ce afin d'indiquer sur qui repose la
charge de la preuve (le contrevenant).
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
TITRE VII
-
L'OBJET D'ELECTRICITE DE FRANCE
Ce titre est composé d'un seul article -42-, consacré à l'objet d'Electricité de France.
Article 42 -
Etendue de l'objet
d'Electricité de France
La loi
de nationalisation de l'électricité et du gaz a confié la
production, le transport, la distribution, l'importation et l'exportation
d'électricité à l'établissement public industriel
et commercial dénommé Electricité de France, chargé
de la gestion des entreprises nationalisées d'électricité.
L'article 46-4° du même texte prévoyait qu'un
décret déterminerait les conditions dans lesquelles les services
de distribution devraient cesser toutes activités industrielles et
commerciales relatives à la réparation, à l'entretien des
installations intérieures, à la vente et à la location des
appareils ménagers et, d'une façon générale
,
à
toutes activités en dehors de celles définies
à l'article 1
er
de la loi.
Ce décret n'est
jamais paru depuis lors
. C'est pourquoi, la diversification d'EDF s'est
effectuée progressivement, de façon empirique.
L'article 42 du projet de loi tend à "
adapter l'objet
légal d'EDF au nouveau contexte économique et au
développement de ses activités en Europe
", tant pour
ses "
missions principales
" que pour ses "
missions
nouvelles
", dans le cadre de "
structures
" et d'un
"
comportement
" qui, selon l'exposé des motifs du
projet de loi, "
favorisent l'exercice d'une concurrence
loyale
".
I. LE PRINCIPE DE SPECIALITE D'EDF ET SON APPLICATION
1.
La diversification d'EDF : un mouvement progressivement
encadré
Electricité de France a connu un processus progressif de
diversification, officialisé par son Conseil d'administration en janvier
1988 et par un protocole d'accord conclu avec l'Etat en 1990. Aux termes de
celui-ci, à côté des missions traditionnelles de
l'opérateur public (production, transport, distribution, importation et
exportation), EDF a la possibilité de poursuivre son
développement, "
dans le respect de l'environnement
industriel
" et à la condition que
" les
activités correspondantes soient gérées de façon
transparente et sans subvention en provenance de l'activité
principale
". En conséquence, les filiales d'EDF doivent
assurer l'équilibre de leurs emplois et de leurs ressources, et ne
bénéficier d'aucun apport public pour leur activités
propres. L'autorisation de la tutelle est nécessaire pour toute
opération d'apport de titres ou d'apport en capital de plus de
50 millions de francs. La diversification, largement engagée dans
les années 1980, s'est poursuivie au début des années
1990. En 1993, l'établissement public était, par
l'intermédiaire de ses filiales, engagé dans des secteurs
très divers, tels que :
- les réseaux câblés de communication ;
- l'ingénierie (notamment à l'international) ;
- le traitement des déchets par incinération ;
- l'éclairage public ;
- l'aquaculture ;
- la domotique.
Cette diversification n'est pas allée sans appeler des réserves,
poser des questions, voire même susciter des critiques. C'est ainsi que
dès 1988, un rapport conjoint de l'Inspection générale des
Finances et du Conseil général des Mines suggérait qu'elle
soit soumise à l'existence de participations minoritaires avec des
partenaires privés ; que la rentabilité actualisée
des opérations de diversification soit supérieure au coût
des capitaux empruntés ; que les ressources nécessaires
à leur financement résultent soit de cessions, soit de
" capitaux à risques " levés pour la circonstance et
non de dotations en provenance d'EDF ; enfin qu'un holding
spécialisé permette une gestion autonome des filiales
engagées dans la diversification.
Dans un rapport publié en septembre 1993, la Cour des Comptes
s'interrogeait, quant à elle, sur le bien-fondé de la
diversification d'EDF dans la mesure où, l'activité principale de
l'opérateur public n'étant pas cyclique, elle n'avait pas besoin
d'être équilibrée par d'autres pôles
d'activité et parce que la diversification ne correspondait ni à
une réelle nécessité pour EDF, ni à un
véritable service d'intérêt général pour
l'économie nationale. La Cour regrettait également l'absence d'un
holding spécifique, la faiblesse des résultats enregistrés
et le caractère parfois trop aléatoire de certaines
opérations menées à l'étranger.
Parallèlement, plusieurs concurrents d'EDF engagèrent des
procédures contentieuses, aussi bien devant les juridictions
administratives et commerciales que devant le Conseil de la concurrence.
Face à ces difficultés, les pouvoirs publics ont demandé
au Conseil d'Etat et au Conseil de la concurrence de préciser les
conditions auxquelles était soumise la légalité de la
diversification d'EDF, eu égard au principe de spécialité
des établissements publics, et les effets actuels et potentiels de cette
diversification par rapport au fonctionnement de la concurrence.
2.
Le cadre juridique de la diversification
Selon le Conseil d'Etat, le principe de spécialité est
compatible avec " une certaine marge de diversification "
Loin de considérer que le principe de spécialité des
établissements publics constituait un obstacle dirimant à la
diversification d'EDF, le Conseil d'Etat a, dans un avis du 7 juillet 1994,
reconnu que ce principe ne s'opposait pas "
à ce qu'un
établissement public, surtout s'il a un caractère industriel et
commercial, se livre à d'autres activités
économiques
", à la double condition que ces
activités annexes :
- soient techniquement et commercialement le "
complément
normal
" de sa mission statutaire principale, en l'occurrence de la
production, du transport, de la distribution et de l'importation et exportation
d'électricité, ou soient au moins connexes à ces
activités ;
- soient à la fois
d'intérêt
général
et
directement utiles
à
l'établissement public
, notamment pour son adaptation à
l'évolution technique, aux impératifs d'une bonne gestion des
intérêts confiés à l'établissement, au
savoir-faire de ses personnels, à la vigueur de sa recherche et à
la valorisation de ses compétences, tous moyens mis au service de son
objet principal.
Le Conseil d'Etat considérait, en outre, que rien dans l'économie
de la loi de nationalisation de 1946 ne laissait présumer que le
législateur avait entendu limiter la possibilité d'une
diversification dans des conditions plus strictes que les deux règles
qu'il énonçait. Concrètement, il estimait que figuraient
parmi les activités qui devaient être tenues pour le
"
complément normal
" de l'activité d'EDF :
- celles qui
valorisent des savoir-faire et favorisent les
échanges technologiques ;
-
la production d'énergie à partir de
déchets
;
- le recours à des techniques issues d'activités pour le
traitement des déchets ;
-
l'éclairage public
car "
la proximité
technique avec la distribution électrique, l'ancienneté des liens
tissés en ce domaine entre l'établissement public et les communes
et l'intérêt général d'un réseau
cohérent et moderne d'un réseau d'éclairage public
justifient la présence d'EDF dans cette activité
" ;
-
l'ingénierie
, si elle porte sur la mission principale de
production, transport ou distribution d'énergie ou sur des actions
complémentaires à celle-ci.
En revanche, la Haute juridiction soulignait que les activités qui
engagent l'établissement "
dans des rapports très
différents avec leurs clients "
ou qui
" requièrent des techniques n'ayant qu'un rapport lointain avec la
production, le transport ou la distribution d'énergie
" ne
constituaient pas le "
complément normal
" de la
mission d'EDF. Figuraient, à ce titre :
- la cartographie ;
- la télésurveillance ;
- la domotique ;
- les réseaux câblés.
L'exercice de ces activités aurait transformé
l'établissement public en " fournisseur multi-services ", ce
qui n'aurait été possible qu'après que le
législateur l'y eût autorisé en élargissant ses
compétences. Comme le soulignait enfin le Conseil d'Etat, le respect du
principe de spécialité n'excluait nullement que des
activités exercées par l'établissement public soient
incompatibles avec les règles de libre concurrence qui sanctionnent
l'abus de position dominante. Il appartenait au Conseil de la concurrence de
préciser les contours de cette question.
Pour le Conseil de la concurrence, il est nécessaire que les
filiales d'EDF exercent leurs activités dans des conditions comparables
à celles qui s'appliquent aux entreprises privées du même
secteur.
Saisi d'une demande d'avis, le Conseil de la concurrence a estimé, le 10
mai 1994, que les caractéristiques de la filialisation des
activités d'EDF étaient susceptibles, le cas
échéant, de susciter des pratiques sanctionnables au point de vue
du droit de la concurrence. Pour le Conseil la "
logique d'entreprise
publique
" caractérisée par la présence d'un Etat
actionnaire, dont la tutelle s'exerce avec une moindre rigueur sur les
filiales, le risque de voir des facilités de financement
accordées aux filiales, la force de l'image d'un établissement
public disposant d'un vaste réseau, occasionnaient des risques
d'atteinte à la concurrence. En outre, les problèmes posés
par l'absence de transparence dans les filiales, qui rend possible un
financement de leurs pertes par les profits dégagés par les
activités principales du groupe exercées sous monopole et les
risques de subventions croisées étaient de nature à
justifier une diversification basée sur une réelle
séparation des activités.
Le Conseil a notamment suggéré de regrouper dans un holding
unique les activités de diversification, tout en séparant les
filiales du monopole aux plans juridique, financier et comptable. Le
financement du holding dans des conditions analogues à celles
prévalant pour les entreprises privées, le financement des
filiales aux conditions de marché et la surveillance des acquisitions
d'actifs seraient de nature à faciliter le respect du droit de la
concurrence, tant en ce qui concerne la prohibition des ententes, des abus de
position dominante et le contrôle des concentrations, que l'interdiction
des subventions publiques.
L'état actuel de la diversification
EDF conserve actuellement quatre holdings créés à compter
de 1990 dont les deux premiers contribuent à sa diversification :
-
Synergie Développement et Services (SDS),
dont le chiffre
d'affaires en 1997 est de 4,37 milliards de francs, intervient dans les
secteurs du traitement des déchets, de la vidéocommunication, de
l'éclairage public, de la distribution d'électricité et
des services énergétiques ;
-
la Compagnie Holding d'Application et de Réalisations
Thermiques et Hydrauliques
gère des participations dans le secteur
de la production thermique, hydraulique et des combustibles. Son chiffre
d'affaires en 1997 est de 2,17 milliards de francs ;
-
La Holding de Valorisation Foncière et Immobilière
(H4)
dont le chiffre d'affaires en 1997 était de 1,14 milliard
de francs, gère le patrimoine foncier et immobilier d'EDF ;
-
EDF International
a pour vocation d'acquérir des
participations dans des sociétés d'électricité
étrangères. Elle a pris le contrôle de London Electricity
en 1998 pour environ 13 milliards de francs. Le montant total de ses
participations dépasse 18 milliards de francs.
Un
observatoire de la diversification
d'EDF a été
créé en 1995. Composé de quatre représentants de
l'administration, de huit représentants des professions
concernées, de deux représentants d'EDF et de deux
représentants de GDF, il est chargé de suivre la mise en oeuvre
des engagements pris par EDF en matière de diversification.
3.
Contenu du projet de loi initial
Cet article est composé de cinq paragraphes, chacun constitué
d'un seul alinéa.
L'objet d'EDF
, fixé au I, est de produire, de transporter, de
distribuer, de fournir, d'importer et d'exporter de
l'électricité. Ces différentes missions correspondent aux
activités traditionnelles d'EDF.
Le deuxième paragraphe énumère les " activités
annexes ", pour reprendre la formule utilisée par le Conseil
d'Etat. Celles-ci " concourent directement ou indirectement "
à l'objet d'EDF. Conformément aux recommandations du Conseil de
la concurrence, ce même alinéa prévoit qu'EDF doit, pour
exercer ses activités, créer des filiales ou prendre des
participations.
Le troisième paragraphe précise qu'EDF peut créer des
filiales pour proposer aux seuls
clients éligibles
"
présents sur le territoire national
" des prestations
qui "
constituent un complément technique ou commercial à
la fourniture d'électricité
". De nouveau, le texte
reprend la formulation de l'avis du Conseil d'Etat en évoquant le cas
des missions qui constituent "
le complément de la mission
statutaire d'EDF
".
Selon l'exposé des motifs, ces dispositions sont de nature à
permettre à EDF d'affronter la concurrence à armes égales,
car la demande industrielle concerne une " offre globale " qui
dépasse la seule livraison de courant et s'étend à
d'autres services techniques ou commerciaux. Cette offre pourrait consister en
une fourniture multi-énergie (vapeur-fuel) ou des services tels que la
gestion ou la vente en crédit-bail d'installation
énergétiques.
Le quatrième paragraphe est consacré aux services qu'EDF peut
proposer aux
clients non éligibles
situés sur le
territoire national. Ceux-ci ne peuvent tendre qu'à
" promouvoir
l'utilisation rationnelle de l'énergie ".
Le texte
précise, en outre, explicitement que ces services
" ne peuvent
pas porter sur la réalisation ou l'entretien des installations
intérieures, la vente et la location d'appareils utilisateurs
d'énergie "
. Comme le souligne l'exposé des motifs,
cette disposition tend à protéger les intérêts des
entreprises et, tout spécialement, ceux des artisans et des PME qui
pourraient se trouver confrontés à une concurrence
déloyale si l'opérateur historique venait à intervenir
dans leur secteur d'activité. Il convient de noter l'analogie entre le
contenu du paragraphe IV de l'article 42 et celui du 4° de l'article 46 de
la loi de nationalisation précitée, qui prévoyait qu'un
décret (jamais publié) préciserait les conditions dans
lesquelles les services de distribution n'exerceraient plus d'activités
dans les secteurs figurant dans le tableau ci-dessous.
ACTIVITÉS PROHIBÉES À EDF |
|
Loi
n° 46-628
|
Projet
de loi n° 1253
|
- réparation
et entretien des installations
intérieures
|
- réalisation
ou entretien des installations
intérieures
|
Toutefois, alors que la loi de 1946 visait la
" réparation "
d'appareils, le projet de loi vise,
d'une part, la
" réalisation "
d'appareils, et d'autre
part leur
" entretien "
,
notion qui inclut celle de
" réparation ".
Enfin, le dernier paragraphe prévoit qu'un décret en Conseil
d'Etat précisera, en tant que de besoin, les modalités
d'application de cet article.
4.
Modifications adoptées par l'Assemblée nationale
En adoptant un amendement du rapporteur tendant à donner une nouvelle
rédaction à cet article, l'Assemblée nationale en a
précisé et clarifié le texte.
La mission principale d'EDF, visée au I, reste inchangée, de
même que la faculté qui lui est ouverte d'exercer en France, en
créant des filiales, toutes les activités qui concourent
directement ou indirectement à son objet statutaire. Sur ce point, le II
précise qu'EDF peut également prendre des participations dans des
sociétés, groupements et organismes par l'intermédiaire de
ses filiales.
La séparation juridique et comptable d'EDF et de ses
filiales est bien affirmée.
Ce même paragraphe précise enfin plus explicitement qu'EDF et ses
filiales peuvent exercer leurs activités à l'étranger.
En ce qui concerne les
prestations aux clients éligibles
,
l'amendement reconnaît explicitement à EDF la faculté de
présenter une " offre globale " de prestations techniques ou
commerciales accompagnant la fourniture d'électricité. Le terme
de " complément ", qui figurait dans le texte initial
inspiré des observations du Conseil d'Etat a été
supprimé au profit d'une formule qui, selon les termes mêmes du
secrétaire d'Etat à l'industrie, feront d'EDF un
" ensemblier énergétique ".
S'agissant de la
fourniture de services aux clients non
éligibles
, visée au III, le texte précise qu'en dehors
de la mission de fourniture d'électricité, EDF et ses filiales ne
peuvent proposer que des
" prestations de conseil destinées
à promouvoir la maîtrise de la demande
d'électricité ",
alors que le texte initial visait les
" services destinés à promouvoir l'utilisation
rationnelle de l'énergie "
, formule que le rapporteur a
jugée de nature à permettre à EDF d'être
" juge et partie ".
Le deuxième alinéa du III permet à EDF, à ses
filiales et sous-filiales, de proposer aux collectivités locales des
prestations liées
" à la production, au transport,
à la distribution ou à l'utilisation de
l'énergie "
, conformément à une pratique qui a
cours et dont le Conseil d'Etat a reconnu la licéité par rapport
à la législation en vigueur. Le texte vise explicitement à
ce titre : l'éclairage public, le traitement des déchets et
les réseaux de chaleur. A l'initiative du Gouvernement,
l'Assemblée nationale a également prévu qu'EDF peut, en
tant que partenaire des collectivités territoriales, intervenir comme
" conducteur d'opérations "
dans les conditions
prévues par la loi du 12 juillet 1985 relative à la
maîtrise d'ouvrage publique (MOP) et à ses rapports avec la
maîtrise d'ouvrage privée.
Cette rédaction permettra à EDF d'exercer
une
" assistance générale à caractère
administratif, financier et technique "
, -exclusive de toute mission
de maîtrise d'oeuvre portant sur le même ouvrage- selon les termes
mêmes de l'article 6 de la loi MOP, pour le compte des
collectivités locales, quelle que soit l'activité dont celles-ci
seront maîtres d'ouvrages. De ce fait, EDF pourra être conducteur
d'opérations pour d'autres activités que celles de ses filiales.
Le dernier alinéa du III donne un
statut législatif à
l'observatoire de la diversification
existant. Celui-ci s'intéresse
à la diversification des activités d'EDF vis-à-vis de tous
ses clients, qu'ils soient éligibles ou non. Il se réunit au
minimum deux fois par an, émet des avis sur la diversification et peut
être saisi de demandes d'avis ou d'études par le ministre
chargé de l'énergie.
5.
Observations de votre commission
La définition d'un cadre juridique clair pour la diversification d'EDF
est une avancée, aussi bien pour l'opérateur historique que pour
ses concurrents. Le Conseil de la concurrence a d'ailleurs estimé, dans
son avis de 1998, que la loi devrait donner plus de liberté à
EDF, tout en soulignant la difficulté de préciser la
définition des
" services autour du kilowatt/heure "
.
Au
dernier alinéa du III,
un amendement adopté par
l'Assemblée nationale fait référence à la
diversification des activités par rapport aux clients éligibles
et non éligibles, et donne compétence à l'observatoire
précité pour émettre un avis au seul titre du paragraphe
III qui ne concerne que les clients non éligibles. C'est pourquoi,
il
serait souhaitable, par coordination, de viser à la fois les paragraphes
II et III, afin de permettre à l'Observatoire de donner un avis sur la
diversification opérée vis-à-vis des deux types de
clients
. Tel sera l'objet d'un
premier amendement
.
Votre rapporteur souhaite également conforter l'Observatoire de la
diversification en lui conférant le
droit de saisir la CRE de toute
question relevant de sa compétence
et vous propose un
amendement
en ce sens.
Par
coordination
avec
un amendement de suppression à
l'article 32,
votre commission vous demande de
rétablir
à la fin du III de cet article l'alinéa qui dispose que la CRE
peut consulter les éléments recueillis par l'observatoire de la
diversification.
Le rapport annuel de l'Observatoire lui est transmis par
le ministre qui en est le destinataire.
Votre commission vous propose, en outre, d'adopter
deux amendements
rédactionnels
aux
1
er
et dernier alinéas du
III
de cet article.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.
TITRE
VIII
DISPOSITIONS SOCIALES
Ce titre
est composé de deux articles, relatifs respectivement à la
négociation collective dans les industries électriques et
gazières et à la dissociation, au sein d'EDF, des comptes sociaux
du reste de la comptabilité interne. Le projet de loi ne modifie ni le
contenu, ni le champ d'application du statut des industries électriques
et gazières, dit statut des " IEG ". De ce fait, avec
l'ouverture à la concurrence, tout nouvel entrant dans le secteur, s'il
ne répond pas aux exceptions (voir ci-dessous)
énumérées par le statut, entre de facto dans son champ
d'application.
1. Le droit en vigueur
Les origines du statut national électrique et gazier
Puisant ses racines dans les luttes syndicales de la fin du
XIXe siècle et des début de notre siècle
77(
*
)
, l'existence d'un statut
électrique et gazier, progressivement acquise, a été au
coeur des préoccupations des promoteurs de la loi de nationalisation de
1946.
C'est essentiellement à partir de la loi du 28 juillet 1928
ayant pour objet l'insertion de clauses relatives au statut du personnel dans
les cahiers des charges des concessions de gaz et d'électricité
que se développa un statut du personnel, tendant à assurer la
continuité du service public et la prévention des conflits
collectifs de travail, sous le contrôle de l'autorité
concédante.
Une circulaire ministérielle du 31 décembre 1928
précisait que ce statut devait notamment indiquer : " les
conditions de titularisation et de licenciement, le mode de
détermination des salaires, les avantages en nature, les allocations
familiales, les congés annuels, l'assistance en cas de maladie, les
retraites, l'application des mesures disciplinaires et le règlement
amiable des différends collectifs ". Une autre circulaire
ministérielle du 19 juillet 1929 indiquait qu'en cas
d'existence d'un syndicat du personnel, celui-ci devait être
appelé à donner son avis sur le projet de statut du personnel
devant être annexé au cahier des charges de la concession.
A l'occasion des accords Matignon du 7 juin 1936 et de la loi du
24 juin 1936 relative aux conventions collectives de travail, il fut
décidé de confier à une commission composée de
représentants de l'administration, des producteurs et distributeurs
d'électricité et du personnel, le soin de rechercher
l'unification des statuts existants. Ce travail aboutit à la
rédaction d'un statut-type qui, sans être obligatoire,
était néanmoins très incitatif. La circulaire
ministérielle du 9 janvier 1937 précisa que ce statut
devait servir de cadre permanent et général aux rapports entre
chaque entreprise et son personnel, les dispositions variables et
évolutives telles que celles relatives aux salaires trouvant leur place
dans les conventions collectives.
Ce dispositif fut ensuite complété par de nouvelles dispositions
législatives et réglementaires, dans les années qui
suivirent, en matière de salaires et en ce qui concerne le régime
de prévoyance (vieillesse, invalidité, décès).
Pour ce qui est des salaires, l'article 39 du décret-loi du
17 juin 1938 relatif à l'énergie électrique
prévoyait une unification sur le plan national des modalités de
rémunération du personnel par la mise en place d'une grille de
salaires qui devait faire l'objet d'un arrêté ministériel
du 23 novembre 1938 complété en 1944, 1945 et 1946.
Sur le plan de la prévoyance sociale, la loi n° 5080 du
4 décembre 1941 institua un régime spécial de
retraite et de prévoyance " en faveur des employés et
ouvriers titulaires des exploitations de production, de transport et de
distribution d'électricité et de gaz ", alimenté par
une contribution ouvrière et une contribution patronale. Le
décret d'application n° 5081 du
4 décembre 1941 instituait une Caisse de prévoyance des
industries de l'énergie électrique et du gaz, gérée
par un conseil d'administration paritaire où étaient
représentés l'entreprise et le personnel.
A la veille de la nationalisation, ces textes formaient donc un ensemble
relativement homogène, bien que les 800 statuts du personnel alors
élaborés fussent loin d'être similaires.
C'est l'article 47 de la loi du 8 avril 1946, toujours en vigueur et non
modifié par le projet de loi, qui a inscrit dans la loi le principe de
l'existence d'un "
statut national
" applicable à
"
tout le personnel de l'industrie électrique et
gazière
", y compris les usines non nationalisées en
1946.
Les personnels se voient donc appliquer, bien qu'ils n'aient pas le
caractère de fonctionnaires, un statut réglementaire. L'article
47 de la loi de 1946 pose plusieurs principes :
- le statut est déterminé par des décrets pris sur le
rapport des ministres du travail et de la production industrielle. Il ne peut
réduire les droits acquis du personnel à la date de publication
de la loi (1946) ;
- le statut prévoit un budget des activités sociales,
réparti entre les caisses mutuelles complémentaires et d'action
sociale (les CAS) et la Caisse centrale d'activités sociales (la CCAS).
Le champ d'application du statut
La loi de nationalisation du 8 avril 1946 a posé deux exceptions
à l'application du statut des IEG : pour les ouvriers mineurs
employés par les centrales et les cockeries des houillères et les
employés de chemin de fer. Le texte de cette loi prévoit que ces
deux catégories d'agents, conservent, s'ils le souhaitent, leur statut
professionnel, même lorsqu'ils ont une activité électrique
et gazière, et ce parce qu'ils sont soumis par ailleurs à un
autre régime spécial.
La loi n° 49-1090 du 2 août 1949 a ajouté trois
exceptions, qui figurent à l'article 47 de la loi de 1946, au champ
d'application du statut des IEG :
1°) Les personnels des centrales autonomes visées au 4° du
troisième alinéa de l'article 8 de la loi de 1946 ne sont pas
soumis au statut
. Il s'agit des installations de production
d'électricité construites en vue d'une
autoconsommation
" à condition qu'elles fonctionnent comme accessoire
de la fabrication principale par récupération d'énergie
résiduaire ".
La production pour l'autoconsommation, qu'on
rencontre par exemple dans l'industrie papetière ou le secteur de la
production de fromages, ainsi que la cogénération, sont donc de
ce fait exclues du champ d'application du statut.
2°) Les aménagements de production d'électricité
dont la puissance installée n'excède pas 8.000 Kva
(5°
du troisième alinéa de l'article 8) sont également exclus.
Cette exemption concerne un faible nombre de personnels, employés par
exemple par de petits producteurs hydroélectriques ou par des
établissements de production d'électricité à partir
de moteurs diesel.
3°) Les installations de production réalisées sous
l'autorité des collectivités locales
sont également
exemptées de l'application du statut des IEG. Le 6° du
troisième alinéa de l'article 8 de la loi de 1946 ne s'applique
pas aux installations réalisées ou à réaliser sous
l'autorité des collectivités locales ou des établissements
publics ou de leurs groupements, en vue d'utiliser les déchets ou
d'alimenter un réseau de chaleur. Les personnels de ces installations ne
sont pas non plus soumis au statut des IEG.
Les textes réglementaires instituant et modifiant le statut
Le décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 approuvant le statut national
du personnel des industries électriques et gazières contient les
principales dispositions du statut. Il a été modifié et
complété par de nombreux textes réglementaires.
Pour ne s'en tenir qu'aux décrets, on peut dresser la liste suivante des
textes qui ont modifié ce statut :
LISTE DES DÉCRETS MODIFICATIFS DU STATUT DES IEG
Décret n° 48-1558 du 7 octobre 1948
modifiant l'article 25.
Décret n° 50-488 du 4 mai 1950
, modifiant les articles
1
er
, 3, 4, 6, 8, 11, 12 et abrogeant l'article 38.
Décret n° 52-732 du 26 juin 1952
(rapporté par le
décret n° 55-199 du 3-2-55, modifiant les articles 21, 22, 23, 25
et 31.
Décret n° 53-109 du 18 février 1953
, modifiant les
articles 4, 10, 11, 12, les annexes n° 2 et n° 3 et abrogeant
l'article 13.
Décret n° 54-1173 du 24 novembre 1954
, modifiant l'article
1
er
.
Décret n° 55-200 du 3 février 1955
, modifiant les
articles 21, 22, 23, 25 et 31.
Décret n° 59-1338 du 20 novembre 1959
, modifiant les
articles 3, 4, 8, 12 et 31.
Décret n° 60-91 du 12 janvier 1960
, modifiant l'article 23,
paragraphe 8.
Décret n° 64-126 du 5 février 1964
, modifiant
l'article 3.
Décret n° 66-748 du 30 septembre 1966
, modifiant les
articles 23, 25 et 37.
Décret n° 67-50 du 13 janvier 1967
, modifiant l'article 3.
Décret n° 69-265 du 25 mars 1969
, modifiant l'article 23,
paragraphe 8.
Décret n° 70-1015 du 4 novembre 1970
, modifiant l'article
23, paragraphe 8.
Décret n° 81-871 du 17 septembre 1981
, modifiant l'article
3, chapitre I.
Décret n° 84-63 du 27 janvier 1984,
modifiant l'article 24,
paragraphe 2.
Décret n° 85-1066 du 1
er
octobre 1985,
modifiant
l'article 23, paragraphe 5.
Décret n° 86-874 du 29 juillet 1986
, modifiant l'article 24,
paragraphe 2.
Décret n° 87-468 du 30 juin 1987
, modifiant l'article 24,
paragraphe 2.
Décret n° 87-466 du 30 juin 1987
, modifiant l'article 23,
paragraphe 4.
Décret n° 88-792 du 22 juin 1988
, modifiant l'article 24,
paragraphe 2.
Décret n° 88-789 du 22 juin 1988
, modifiant l'article 23,
paragraphe 4.
Décret n° 88-881 du 29 juillet 1988
, modifiant l'article 23,
paragraphe 8.
Décret n° 88-1221 du 30 décembre 1988
, modifiant
l'article 24, paragraphe 2.
Décret n° 89-33 du 20 janvier 1989
, modifiant l'article 23,
paragraphe 8.
Décret n° 90-516 du 26 juin 1990
, modifiant l'article 23,
paragraphe 8.
Décret n° 90-772 du 31 août 1990
, modifiant l'article
23, paragraphe 8.
Décret n° 91-159 du 12 février 1991
, modifiant
l'article 24, paragraphe 2.
Décret n° 91-481 du 14 mai 1991
, modifiant l'article 23,
paragraphe 8.
Décret n° 91-613 du 28 juin 1991
, modifiant l'article 23,
paragraphe 4 et l'article 24, paragraphe 2.
Décret n° 94-480 du 25 mars 1993
, modifiant l'article 23,
paragraphes 5 et 8 et l'article 25, paragraphe 2.
Décret n° 95-927 du 17 août 1995
, modifiant l'article
23, paragraphes 8 et 11.
Décret n° 96-1127 du 23 décembre 1996
, modifiant
l'article 15, paragraphe 3.
Décret n° 96-1223 du 30 décembre 1996,
modifiant
l'article 23, paragraphe 4.
Décret n° 97-344 du 11 avril 1997,
modifiant les articles 23
et 25 du statut.
Décret n° 97-1249 du 29 décembre 1997
relatif aux
taux de cotisations d'assurances-maladie dans les régimes
spéciaux de sécurité sociale et modifiant le code de la
sécurité sociale (3
ème
partie - décrets)
et notamment son article 14 modifiant le paragraphe 2 (1
er
alinéa) de l'article 23 du statut.
Décret n° 98-866 du 28 septembre 1998
modifiant le
décret n° 97-344 du 11 avril 1997 portant modification des
articles 23 et 25 du statut.
Décret n° 98-1306 du 30 décembre 1998
portant
modification des articles 15 et 28 du statut.
A ces décrets, s'ajoutent des arrêtés, ainsi que, en vertu
de l'article 1
er
du décret du 22 juin 1946, des mesures
d'"
exécution
" prises par les
"
établissements nationaux
", qui se
matérialisent par des décisions unilatérales d'application
du statut, signées des autorités dirigeantes d'EDF-GDF,
après avis de la Commission supérieure nationale du personnel,
dénommées " circulaires PERS " et éventuellement
étendues par le ministre chargé de l'énergie aux
entreprises non nationalisées.
Environ deux tiers des " circulaires PERS " ont ainsi
été étendues.
Quelques grandes données sur le statut électrique et gazier
Le nombre d'agents au statut
Le statut IEG s'applique actuellement, d'après les informations
communiquées à votre rapporteur, à environ
149.000 personnes,
réparties de la façon
suivante :
EFFECTIF ACTUEL DU STATUT DES IEG
(en nombre d'agents)
Entreprises non nationalisées |
7 000 |
Personnel propre EDF |
89 171 |
Personnel propre GDF |
15 690 |
Personnel commun EDF-GDF
|
37 116
|
TOTAL |
148 977 |
Source
: DIGEC
* Répartition théorique effectuée avec une clé de
répartition forfaitaire
Les caractéristiques du régime spécial
Outre les diverses prestations sociales qu'il définit, le statut
comporte, notamment,
un régime spécial de
sécurité sociale,
visé aux articles L.711-1 et R.711-1
du code de la sécurité sociale.
Pour
l'assurance maladie maternité,
par exemple, les 110 caisses
mutuelles complémentaires et d'action sociale (CAS) sont -outre les
activités sociales qu'elles gèrent- des homologues du
régime général pour le régime des IEG.
Ce
régime correspond en réalité à un régime de
base et à un régime complémentaire d'assurance maladie.
Les salariés des nouveaux entrants qui seraient, le cas
échéant, soumis au statut seraient donc affiliés à
ces CAS, comme le sont actuellement les agents des entreprises non
nationalisées.
Pour les retraites,
le régime, organisé par
l'article 24 du statut et son annexe III consacrée aux
prestations invalidité, vieillesse, décès, est
caractérisé, d'après les informations communiquées
à votre rapporteur, par les trois particularités suivantes :
-
la formule de calcul de la pension est du type de celle des
fonctionnaires
. La durée minimale de services est de 15 ans, le
calcul de la retraite se fait sur la base du dernier salaire hors primes,
à hauteur de 2 % par annuité
78(
*
)
. La pension calculée suivant
cette formule ne peut toutefois être supérieure à 75 %
du dernier salaire de référence.
La retraite des industries
électriques et gazières correspond ainsi en réalité
à la fois à un régime de base et à un régime
complémentaire de retraite ;
-
le personnel peut bénéficier d'un abaissement de
l'âge de la retraite et de bonifications d'annuités
. Les
agents concernés sont essentiellement ceux qui occupent des postes dits
"
actifs ou insalubres
" et les mères de famille. Pour
entrer en jouissance de la pension statutaire, l'agent qui totalise au moins 15
ans de services civils effectifs et militaires doit avoir 55 ans pour l'agent
classé en catégorie "
active ou insalubre
" et
60 ans pour celui classé en catégorie
"
sédentaire
". Les services qualifiés
d'"
actifs
" ou d'"
insalubres
", en
application de circulaires internes à EDF-GDF et rendues
généralement applicables à l'ensemble des entreprises non
nationalisées des industries électriques et gazières, sont
majorés respectivement de 2 mois ou de 4 mois par année de
services effectifs effectués dans ladite catégorie.
D'après les informations communiquées à votre rapporteur,
l'âge moyen constaté de départ à la retraite est
de 55,4 ans et près de 90 % des départs se font avant
l'âge limite de 60 ans.
-
les conditions d'attribution au conjoint survivant de la pension de
réversion sont globalement plus favorables
que celles du
régime général, du fait de l'absence de conditions
d'âge et de ressources. La veuve non remariée a droit à
50 % de la pension de vieillesse dont bénéficiait ou aurait
pu bénéficier l'agent décédé ; des
prestations temporaires sont en outre prévues pour les enfants de
l'agent décédé, ou des orphelins d'agents
décédés, jusqu'à l'âge de 21 ans.
Les retraites sont directement payées par EDF-GDF
79(
*
)
, y compris pour les pensions qui
concernent les agents des autres entreprises soumis au statut IEG.
Le financement de ce régime de retraite est organisé
selon
le principe de la répartition. Les retraites sont ainsi financées
chaque année par une "
cotisation ouvrière
",
fixée à
7,85 % du salaire hors prime
(par le
décret n° 91-159 du 12 février 1991 fixant les taux des
cotisations des divers régimes spéciaux de sécurité
sociale). Le solde est assuré par
une contribution d'équilibre
automatiquement prélevée sur les entreprises
électriques et gazières ayant du personnel soumis au statut
national, qui a représenté, en 1996, d'après les
informations communiquées à votre rapporteur,
51,47 % de
la masse salariale
des agents des industries électriques et
gazières.
Ce régime des retraites est donc par construction
" équilibré " par la subvention versée par les
établissements qui sont assujettis au statut. D'après les
informations fournies à votre rapporteur, et à titre de
comparaison, l'application des taux de cotisation du régime
général donnerait des taux de cotisations, sur les
rémunérations principales,
de 10,7 % (cotisations
salariales) et 17 % (cotisations patronales), contre respectivement
7,85 % et 51,47 % effectivement versés.
Perspectives démographiques du régime des IEG
En 1998, l'âge moyen des agents statutaires en activité à
EDF et à Gaz de France s'est établi à 41,6 ans
D'après les informations fournies à votre rapporteur,
le
nombre total des retraités
de droit direct
80(
*
)
des industries électriques et
gazières était de 89 238 en 1996 et de 89 614 en 1997.
S'ajoutent environ 40.000 titulaires d'une pension de réversion. En
2020, ce nombre passerait à au moins 131 000 (l'effectif global des
actifs des industries électriques et gazières est actuellement de
149 000 agents statutaires environ).
Alors qu'en 1949, il y avait plus
de 4 actifs pour un retraité, cette proportion est aujourd'hui de 1,7,
ce rapport devant s'approcher de 1 en 2010 et être inférieur
à 1 en 2020.
Avec l'arrivée à l'âge de la retraite des personnels
recrutés dans les années 1980, le nombre des retraites est
appelé à s'accroître fortement à partir de 2005 et
jusque dans les années 2020.
Le coût des retraites des industries électriques et
gazières à distribuer en 2010 est évalué à
quelque
20 milliards de francs
, les droits acquis après 1996
tant par les agents statutaires embauchés après 1996 que par les
agents déjà présents en 1996 ne représentant sur
cette masse que 3,3 milliards de francs.
En 2020, la masse des retraites
à distribuer représentera 25 milliards de francs
, les
droits totaux acquis après 1996 étant de l'ordre de 8,5 milliards
de francs. En effet, d'après des estimations prenant en compte,
notamment, la pyramide des âges et l'ancienneté des agents
embauchés dans les industries électriques et gazières
avant le début de l'année 1997, le flux
annuel
de
départs en retraite (dits départs " en
inactivité ") serait de l'ordre de 3.500 à 6.300 pour les
années 1997 à 2010, et de 4.200 à 6.500 au cours des
années 2010 à 2020.
En conséquence, la subvention
d'équilibre versée par les employeurs au titre des pensions
devrait atteindre près des trois quarts de la masse salariale en 2010 et
près de 100 % de cette dernière en 2020.
2. La position de votre commission
Dès la parution du livre blanc du Gouvernement a été
affirmé le principe de la préservation du statut des IEG. Votre
commission, et votre rapporteur, à qui les auditions des
représentants du personnel de la branche ont montré l'attachement
des agents à leur statut, partagent entièrement ce souhait.
C'est pourquoi, votre commission déplore vivement que la question
essentielle de l'avenir des retraites reste sans réponse.
Les chiffres éloquents rappelés ci-dessus amènent à
s'interroger sur le silence actuel du Gouvernement sur la question -qui
revêt un caractère global et ne se limite pas au secteur
électrique et gazier- de l'avenir des retraites, dont il est
avéré que le poids croissant sera vite difficilement supportable,
notamment pour EDF.
Le rapport précité
81(
*
)
de la commission d'enquête de
votre Haute Assemblée faisait déjà ce constat,
relayé, notamment, par le rapport de M. Hadas-Lebel, au nom du Conseil
économique et social, par l'avis du CSEG, autant que par les
récents travaux du Commissariat général du Plan sur les
retraites. Ce silence est-il réellement un gage de
pérennité du statut et d'avenir pour les personnels et
l'entreprise ? Comment ne pas voir que la compétitivité des
entreprises françaises de ce secteur se trouverait gravement
affectée si aucune mesure n'était prise ?
Article 43 -
(articles L. 713-1 et L. 713-2 du code
de la
sécurité sociale) -
Négociation collective dans
les industries électriques et gazières
Cet
article instaure un nouveau chapitre, composé de 2 articles,
consacré aux industries électriques et gazières, au titre
1
er
du Livre VII du code du travail (respectivement intitulés
" Energie " et " Dispositions relatives à certaines
professions ").
1. Article L. 713-1 : instauration d'une négociation collective
de branche.
Principe d'une négociation collective de branche
L'article L. 134-1 du code du travail, actuellement en vigueur, règle
les modalités de conclusion des conventions et accords collectifs de
travail dans les entreprises publiques et les établissements publics
à caractère industriel et commercial. Il dispose que, dans ces
entreprises
"
des conventions ou accords d'entreprises
peuvent
compléter les dispositions statutaires ou en déterminer les
modalités d'application ".
L'article 43 vise, tout en maintenant
ces dispositions, à
instaurer, dans les industries électriques et gazières, la
possibilité de conclure
des accords professionnels
de
branche
pour compléter ou déterminer les modalités
d'application du statut.
L'Assemblée nationale
a adopté, à cet
alinéa, un amendement qui dispose que les accords professionnels ne
peuvent compléter le statut que
" dans des conditions plus
favorables aux salariés ".
Modalités de la négociation collective
Le texte de cet article indique que les dispositions du code du travail
relatives aux conventions et accords collectifs de travail s'appliquent aux
IEG, dans des conditions devant être définies par décret en
Conseil d'Etat.
Deux particularités méritent toutefois d'être
soulignées :
1.
Le ministre chargé de l'énergie
exerce, conjointement
avec celui en charge du travail, les attributions dévolues par le code
du travail au seul ministre du travail, et notamment celles relatives à
l'extension des accords et conventions collectifs ;
2.
La Commission nationale de la négociation collective
est
remplacée par la Commission supérieure nationale du personnel des
industries électriques et gazières.
Hormis ces particularités, les conditions normales de la
négociation collective s'appliquent, s'agissant par exemple de la forme
et du contenu des conventions et accords ; des parties habilitées
à signer les accords et conventions ; de leur
publicité ; de leurs modalités de révision et de
dénonciation.
Rappelons en particulier que l'ordre public social impose que les conventions
et accords collectifs ne soient pas moins favorables aux salariés que
les dispositions légales et réglementaires et ne dérogent
pas à leurs dispositions d'ordre public. Certaines conventions ou
accords dérogatoires sont possibles, mais les syndicats disposent alors
d'un
droit d'opposition
.
2. Article L.713-2 : substitution de la négociation collective
aux décisions unilatérales d'EDF et de GDF pour l'application du
statut
L'article L.713-2 proposé par l'article 43 dispose que les accords
professionnels étendus par arrêté se substituent aux
mesures d'application du statut prises, avant l'entrée en application du
présent article, par EDF et GDF, c'est-à-dire aux circulaires
PERS précitées. Cette disposition résulte de la
nécessité d'adapter les modalités du dialogue social
à l'hétérogénéité des acteurs de la
nouvelle branche professionnelle qui devrait se constituer. En outre, le texte
donne au ministre le pouvoir de prendre, à titre conservatoire,
certaines mesures d'application du statut en cas de
"
nécessité
". La liste de ces mesures sera
fixée par un décret en Conseil d'Etat.
Il s'agirait, d'après les informations communiquées à
votre rapporteur, de mesures telles que la fixation de la date des
élections aux CAS au sein de l'entreprise.
Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.
Article 44 -
Séparation
comptable
des
prestations invalidité, vieillesse et décès au sein d'EDF
Cet
article impose à EDF d'établir, dans sa comptabilité
interne, des comptes individualisés pour :
1)
le service des prestations d'invalidité, vieillesse et
décès
(IVD), recouvre en fait le régime des retraites
et les
" prestations accessoires
", qui sont versées
par le régime mais ne relèvent pas de l'annexe III du statut
relative aux prestations IVD : avantages familiaux statutaires des
retraités (indemnités de mariage par exemple) et prestations
servies pour le compte d'autres régimes (minimum vieillesse par
exemple) ;
2)
la compensation entre les entreprises
et établissements qui
relèvent du statut, des différents avantages prévus par ce
dernier.
En effet, le service IEG-Pensions gère deux systèmes de
compensation institués par le décret du 4 janvier 1949,
modifié par le décret du 18 mai 1949.
Le premier système concerne, à l'échelle de l'ensemble du
secteur des IEG (EDF/GDF et entreprises non nationalisées (ENN)), le
service des prestations invalidité-vieillesse-décès,
visé ci-dessus.
Pour financer ces prestations, EDF recouvre les cotisations des ENN sur la base
du Taux Moyen Général (TMG) calculé conformément au
décret de 1949. EDF et Gaz de France équilibrent le
régime, déduction faite de la contribution du secteur non
nationalisé.
Le deuxième système concerne les seules ENN. Il mutualise les
charges qu'elles supportent au titre de la maladie, de la maternité, des
accidents du travail et des maladies professionnelles, des avantages familiaux
et des avantages à titre militaire. Le service IEG-Pensions rembourse
les ENN des montants versés à ce titre et recouvre une
contribution calculée conformément au décret de 1949.
C'est ce système de compensation qui devra faire l'objet du
deuxième compte séparé.
Le présent article prévoit que les modalités d'application
de ces dispositions, ainsi que de leur "
contrôle
utile
" seront fixées par un décret en Conseil d'Etat.
Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.
TITRE IX
-
DISPOSITIONS DIVERSES OU TRANSITOIRES
Ce titre, le dernier du projet de loi, relatif aux dispositions diverses ou transitoires, rassemble des articles de portée diverse. Certains contiennent des dispositions essentielles du texte (articles 46, 47 ou 48 par exemple), d'autres sont de simples mises en cohérence juridique.
Article 45
-
Collecte et publication des
données statistiques
Cet
article impose aux acteurs du secteur de l'électricité de fournir
des données statistiques, et organise leur publication.
A. LE TEXTE DE LA DIRECTIVE
La directive fixe certaines obligations dont le respect nécessite une
connaissance détaillée de l'activité des différents
acteurs du secteur de l'électricité. Son article 19 dispose
que :
" 1. Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour
garantir une ouverture de leurs marchés de l'électricité,
de sorte que des contrats soumis aux conditions visées aux articles 17
et 18 puissent être conclus au moins jusqu'à un niveau
significatif,
qui doit être communiqué annuellement à la
Commission.
" La part du marché national est calculée sur la base de la
part communautaire d'électricité consommée par les
consommateurs finals dont la consommation est supérieure à 40 GWh
par an (par site de consommation et autoproduction comprise).
" La part communautaire moyenne est calculée par la Commission
sur la base des informations qui lui sont communiquées
régulièrement par les Etats membres.
La Commission publie au
Journal officiel des Communautés européennes, avant le
1
er
novembre de chaque année, cette part communautaire
moyenne qui définit le degré d'ouverture du marché, ainsi
que toutes les informations requises pour la compréhension de ce calcul
(...).
" 4. Les Etats membres publient, avant le 31 janvier de chaque
année, les critères de définition des clients
éligibles ayant la capacité de conclure des contrats dans les
conditions énoncées aux articles 17 et 18. Cette information est
envoyée à la Commission, pour publication au Journal officiel des
Communautés européennes, accompagnée de toute autre
information appropriée pour justifier de la réalisation de
l'ouverture de marché prévue au paragraphe I. "
Ces dispositions impliquent notamment que la France transmette à la
Commission les éléments nécessaires au calcul de la part
communautaire moyenne qui définit un degré d'ouverture du
marché communautaire de l'électricité. De plus, le
Gouvernement doit avoir connaissance des éléments
déterminant l'éligibilité de certains clients à la
concurrence.
La rédaction du présent article va toutefois au-delà des
seules obligations fixées par la directive.
B. LE TEXTE DU PROJET DE LOI
Les personnes visées
Le texte vise non seulement les producteurs d'électricité, mais
aussi les transporteurs, distributeurs, importateurs et exportateurs. Rappelons
que ces notions s'entendent, en droit français, par rapport aux
frontières nationales et qu'elles incluent donc les échanges
intra-communautaires.
C'est le ministre chargé de l'énergie qui recueille les
informations.
Les obligations
Les personnes visées sont tenues d'adresser au ministre toutes les
données relatives à leur activité nécessaires
à
l'établissement de statistiques
(en vue
d'élaborer la politique énergétique et de fournir les
renseignements demandés par les institutions internationales
spécialisées, c'est-à-dire, en particulier par l'Agence
internationale de l'énergie, qui dépend de l'OCDE), ainsi
qu'
à la transmission des données requises par la
Commission
et à la
définition des clients
éligibles.
Une liste des données à fournir sera fixée par
arrêté. Les éléments demandés pourraient,
selon les informations communiquées à votre rapporteur,
être les suivants :
EXEMPLE DE DONNÉES SUSCEPTIBLES D'ÊTRE RECUEILLIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DU PROJET DE LOI
Production
- type de production : hydraulique, nucléaire,
éolienne, thermique classique sans cogénération et
thermique classique avec cogénération ;
- production nette d'électricité en Mwh hors
cogénération ;
- production nette d'électricité en Mwh et production de
chaleur (pour les installations de cogénération) ;
- puissance maximale appelée (Kw) ;
- puissance maximale possible des équipements (Kw) ;
- caractéristiques techniques des équipements ;
- détail des quantités ou volumes de combustibles
consommés ;
- stocks de charbon ou de fuel en fin de mois ;
- coefficients de disponibilité et d'utilisation des
équipements ;
Distribution
- longueur du réseau de distribution (tension <63 Kv) en km (par
taille) ;
- électricité entrée dans le réseau (Gwh)
selon son origine (production propre ou distributeur, autres producteurs,
autres réseaux) ;
- électricité haute tension livrée à la
consommation (Gwh) par secteur d'activité ;
- électricité haute tension livrée à la
consommation (Gwh) par tranche de consommation ;
- électricité basse tension livrée à la
consommation (Gwh) par usage ou type d'usager ;
- électricité basse tension livrée à la
consommation (Gwh) par taille et catégorie de communes ;
- électricité livrée à d'autres réseaux
(Gwh) ;
- pertes de réseaux ;
- nombre de clients haute tension par tranche de consommation ;
- nombre de clients basse tension par usage ou type d'usager ;
Transport
- longueur du réseau (tension inférieure ou égale
à 63 Kv) en km (par taille) ;
- électricité entrée dans le réseau (Gwh)
selon son origine (production propre du transporteur, autres producteurs
nationaux, réseaux étrangers, producteurs étrangers) ;
- électricité entrée dans le réseau (Gwh),
appelée auprès des producteurs nationaux selon sa forme de
production (production hydraulique, nucléaire, éolienne,
thermique classique) ;
- électricité livrée à des consommateurs (Gwh)
par secteur d'activité ;
- électricité livrée à des consommateurs (Gwh)
par tranche de consommation ;
- électricité livrée à des réseaux de
distribution (Gwh) ;
- électricité livrée à des réseaux
étrangers (Gwh) ;
- pertes de réseaux ;
- nombre de clients par secteur d'activité ;
- nombre de clients par tranche de consommation.
Diffusion des données
Le texte du présent article rappelle que les agents chargés du
recueil de ces données sont soumis au respect du secret professionnel.
Le texte initial prévoyait que ces données pouvaient faire
l'objet d'une publication, sous forme anonyme ou agrégée, sans
préjudice des informations protégées par un secret
visé à l'article 6 de la loi précitée du
17 juillet 1978 ou du respect de la vie privée. Mais
l'Assemblée nationale a supprimé cette possibilité de
publication.
C. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'Assemblée nationale a apporté trois modifications à cet
article :
- une modification d'ordre rédactionnel au dernier
alinéa ;
- un ajout à la liste des informations à fournir :
celles qui sont nécessaires
" au suivi de l'impact de la
présente loi sur le niveau et la structure de l'emploi dans le secteur
de l'électricité "
;
- une modification des conditions de diffusion des données
recueillies. L'Assemblée nationale a en effet souhaité que ces
informations soient communiquées aux commissions permanentes du
Parlement concernées par le service public de
l'électricité.
D. POSITION DE VOTRE COMMISSION
Votre commission vous propose un amendement au septième alinéa
tendant à ce que l'on communique la synthèse de ces
données aux commissions parlementaires compétentes, les chiffres
bruts étant difficilement exploitables sans traitement
adéquat.
En outre, votre commission estime que
la CRE doit
être destinataire des informations statistiques recueillies
.
La Commission des Affaires économiques a également adopté
un amendement rédactionnel au
dernier alinéa
.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
Article 46 -
Coûts
échoués
L'article 24 de la directive ouvre aux Etats la faculté
de
demander -avant le 20 février 1998- à la Commission
européenne de bénéficier d'un régime transitoire,
dès lors que
" des engagements ou des garanties d'exploitation
accordées avant l'entrée en vigueur de la directive risquent de
ne pas pouvoir être honorés ",
en raison des dispositions
de celle-ci. La Commission jouit, sur ce point, d'une liberté
d'appréciation puisque le texte de l'article 24 précité
porte
qu'elle " pourra accorder le bénéfice du
régime transitoire en tenant compte, entre autres, de la taille et du
niveau d'interconnexion du réseau concerné
"
,
ainsi que de la structure de l'industrie électrique de l'Etat demandeur.
Soulignons que les mesures transitoires qui auraient le caractère d'aide
d'Etat seront notifiées par les Etats et examinées par les
instances européennes dans les conditions prévues aux articles 90
à 93 du Traité instituant la Communauté européenne.
Comme l'a rappelé M. Pablo Benavides Salas devant votre
Commission des Affaires économiques le 28 avril 1999, ces
dossiers seront instruits par la DGIV compétente en matière de
concurrence et non pas par la DGXVII dont relèvent les questions de
politique de l'énergie.
Les coûts échoués notifiés à la Commission
par huit Etats sont d'une grande variété, ainsi que le montre le
tableau ci-dessous. Plusieurs membres de l'Union ont notifié des
coûts relatifs à l'exécution de
contrats d'achat
d'électricité
: la France, le Royaume-Uni et l'Espagne.
Le Danemark, la Belgique et la France ont manifesté leur intention de
voir pris en charge le
coût des retraites
. La France a
souligné que sa demande était présentée à
titre conservatoire, sans préjudice de l'insertion effective de
dispositions relatives à ce sujet en droit interne. Quant au Danemark,
sa notification concerne un coût estimé à un peu moins
d'une centaine de millions d'écus à ce titre.
La
garantie d'exploitation de certaines installations
a
été considérée comme un coût
échoué par l'Espagne et par l'Autriche, tandis que les Pays-Bas
et la France ont souhaité voir prendre en compte
le surcoût
résultant d'installations pilotes
, respectivement de
gazéification du carbone et de recherche sur les technologies
nucléaires de production d'électricité
(Superphénix).
La fermeture de centrales, la garantie d'achat de courant à des
installations de production
respectivement situées au Danemark et en
Allemagne figurent étalement parmi les coûts notifiés, de
même que des
achats de fourniture exclusive
(Luxembourg) et
des
contrats d'achat à long terme de gaz
(Danemark). La
quasi-totalité des Etats ont choisi de financer les coûts
résultant des éléments notifiés à Bruxelles
par des
redevances
, à l'exception de l'Allemagne qui
préfère y substituer un système, pour le moins opaque, de
restriction ponctuelle d'accès au réseau pour les clients
éligibles.
Par une décision du 8 juillet 1999, la Commission
européenne a reconnu à l'Allemagne le droit de déroger aux
règles de la directive en faveur des centrales au lignite situées
en Allemagne de l'Est.
Quant aux régimes transitoires notifiés par l'Espagne, le
Royaume-Uni, la France, le Danemark, l'Autriche et les Pays-Bas, leur
conformité par rapport aux dispositions des traités CEE relatives
aux aides d'Etat sera examinée par la DG IV chargée de la
concurrence.
TABLEAU DES COÛTS ÉCHOUÉS NOTIFIÉS À LA COMMISSION
|
FRANCE |
ROYAUME-UNI
|
PAYS-BAS |
ESPAGNE |
AUTRICHE |
DANEMARK |
LUXEMBOURG |
ALLEMAGNE |
Achats garantis |
Contrats d'achat d'électricité aux producteurs indépendants Coût estimé : 200 MF en 1999 (décroissant jusqu'en 2012) |
Conventions d'achat d'électricité consécutives à la privatisation |
Achats garantis des distributeurs aux producteurs |
Garantie
de couverture des coûts de production
|
|
|
|
|
Projets Pilotes |
Coût Superphénix Coût estimé : 12 milliards de francs |
|
Installations de
démonstration de gazéification du
carbone
|
|
|
|
|
|
Garantie |
|
|
|
Garantie d'exploitation dans les îles (Canaries, Baléares, Ceuta, Melilla) |
Garantie d'exploitation pour 3 centrales hydroélectriques Coût estimé : 423 millions d'écus |
|
|
|
Contrats d'achat |
|
|
Contrats d'achats à l'étranger |
|
Contrat d'achat de lignite. Coût estimé : 0,167 million d'écus |
Contrats d'achats de gaz. Coût estimé : 1,2 à 1,33 milliard d'écus |
Contrats de fourniture exclusive |
|
Retraites |
Coût retraites (notifié à titre conservatoire) |
|
|
|
|
Coûts des retraites. Coût estimé : 80 à 95 millions d'écus |
|
|
Obsolescence d'investisse-ments |
|
|
|
|
|
Fermetures de centrales. Coût estimé : 0,37 milliard d'écus |
|
Programme d'investissement à l'Est du pays |
Finan-
|
Redevance à verser par producteur et fournisseurs approvisionnant les consommateurs finals, les auto-producteurs et les consommateurs finals pour les importations intracommunautai-res |
Redevance sur les clients |
|
Part du tarif réglementé et des redevances de transport |
|
Redevances sur la consommation |
|
Possibilité pour l'exploitant du réseau de transport de refuser l'accès au réseau aux clients éligibles, afin de garantir l'achat de quantités suffisantes d'électricité produit par les centrales en question |
Durée du régime transitoire |
- 2012 (contrats)
|
Fin 2010 - 2024 |
2021 |
10 ans |
fin 2000 |
2007 |
2000 |
Coût inconnu
|
Source
: Commission européenne.
1.
Contenu du projet de loi initial
Le projet de loi détermine la
liste des engagements ou garanties
susceptibles de faire subir aux opérateurs historiques des distorsions
de concurrence dans le futur, avant de prévoir les
modalités
de compensation financière
de ces coûts.
Liste et montant des engagements
Aux termes des cinq premiers alinéas de cet article, ne sont pris en
compte au titre des coûts échoués que :
Les contrats de type " dispatchable " passés par EDF avec
les producteurs autonomes de pointe.
Ces charges résultent de
l'achat de courant à de petites centrales construites pour l'essentiel
entre 1993 et 1995 pour vendre de l'électricité à EDF aux
heures de pointe. La puissance totale installée est de 650 Mw. Selon
l'exposé des motifs, ces surcoûts seraient de 200 millions de
francs en 1999 et décroîtraient progressivement pour tomber
à zéro en 2012.
Les charges liées à " Superphénix "
qu'EDF a supportées. Celles-ci sont évaluées à
12 milliards de francs dans l'exposé des motifs du projet de loi,
alors même que le coût total estimé par la Commission
d'enquête du Sénat sur le devenir de la politique
énergétique de la France était estimé à
14,2 milliards de francs, dont 10,9 milliards au titre de
l'arrêt lui-même et 3,3 milliards pour le
démantèlement de la société NERSA qui
réunissait EDF et des partenaires étrangers.
Modalités de compensation financière
.
Le
montant des charges
est évalué sur la base d'une
comptabilité appropriée, tenue par les opérateurs qui les
supportent, sous le contrôle d'organismes indépendants. Il est
arrêté par les ministres chargés de l'économie et de
l'énergie sur proposition de la CRE.
Le
financement des charges
est techniquement assuré par la Caisse
des Dépôts et Consignations, qui gère un fonds recevant en
recettes
une contribution due par :
- les
producteurs
et les
fournisseurs
d'électricité aux
clients finals
;
- les
autoproducteurs
d'électricité ;
- les
clients finals importateurs
d'électricité ou
qui effectuent des
acquisitions intracommunautaires
.
Le
montant des contributions
est fonction du nombre de
kilowatts/heure :
- livrés à des clients finals ;
- produits par les autoproducteurs pour leur propre usage.
Le texte précise que les charges relatives aux coûts
échoués sont déduites du montant de la contribution d'EDF
au fonds.
En
dépenses
, le fonds verse à EDF des contributions dont
le montant est constaté par les ministres chargés de
l'économie, du budget et de l'industrie, également sur
proposition de la CRE.
A l'instar de la procédure instituée à l'article 5 pour le
recouvrement des contributions au fonds des charges de service public, les
contributions au fonds créé à l'article 46 sont
recouvrées par la CDC, comme ses autres créances. Elles sont
susceptibles d'une régularisation chaque année. Des frais de
gestion sont versés à la Caisse après avoir
été arrêtés par les ministres chargés de
l'économie et de l'énergie.
Le ministre chargé de l'énergie peut également prononcer
une sanction administrative, telle que le retrait de l'autorisation d'exploiter
une installation de production à l'encontre des redevables qui ne
paieraient pas leur contribution.
Le dernier alinéa du texte prévoit qu'un décret
déterminera les modalités d'application de cet article.
Votre
rapporteur souhaiterait connaître le contenu de ce décret
d'application.
2.
Modifications adoptées par l'Assemblée nationale
A cet article, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements du
rapporteur. Le premier vise à substituer à l'appellation
" contrats d'achat de type dispatchable
" l'expression
française de contrats de type
"
appel
modulable
".
Cet amendement a, en outre, pour effet
de supprimer le coût de
Superphénix de la liste des coûts échoués
. Sur
ce point, le ministre s'en est remis à la sagesse de l'Assemblée,
après avoir regretté cet amendement. M. Billard a
déclaré partager les mêmes vues, tandis que
MM. Bataille et Borotra estimaient que le coût de cette
opération n'entrait pas dans le cadre des coûts
échoués.
Le second amendement adopté par l'Assemblée nationale a, quant
à lui, une portée purement rédactionnelle puisqu'il
renvoie aux dispositions de l'article 5-I s'agissant des modalités de
fonctionnement du fonds qui sont analogues à celle du fonds des missions
de service public.
3.
Observations de votre rapporteur
Votre rapporteur considère que la référence à la
"
date d'entrée en vigueur de la loi
" est source
d'incertitudes. En effet, cette date n'est pas connue de façon certaine
puisque les dispositions de la loi n'entreront en vigueur qu'au fur et à
mesure de la publication des décrets d'application -qui sont
nombreux-. Il serait, en conséquence,
souhaitable de viser la date de
publication de la loi,
et non sa date d'entrée en vigueur, par un
amendement
au 1
er
alinéa de cet article.
Il vous proposera également un
amendement rédactionnel
au
troisième alinéa
de cet article.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Article 47 -
Révision des contrats en
cours
entre EDF
ou un DNN et un client éligible
Contenu du projet de loi initial
Cet article
reconnaît
aux
clients éligibles le droit de
dénoncer les contrats qui les lient à EDF ou aux DNN
au cours
de l'année qui suit leur accession à l'éligibilité.
La seule restriction à ce droit de dénonciation tient au respect
d'un préavis de trois mois.
Les contrats qui n'ont pas été dénoncés sont
révisés, aux termes du deuxième alinéa, à la
diligence des parties, afin de les mettre en conformité avec la loi.
Selon l'exposé des motifs, cette disposition est nécessaire pour
identifier les différentes composantes du prix de
l'électricité, qu'il s'agisse du prix du courant ou de ceux du
transport et de la distribution.
Afin de ne pas limiter l'ouverture du marché, ce qui serait contraire
à la directive, le dernier alinéa prévoit que les
dénonciations ou révisions ne donneront pas lieu à
indemnité.
Modifications adoptées par l'Assemblée nationale
A cet article, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements,
l'un de portée rédactionnelle, l'autre qui modifie radicalement
le dispositif initial. En effet, le rapporteur a souhaité allonger le
délai au cours duquel les contrats peuvent être
dénoncés. Cette mesure aurait été protectrice des
cocontractants d'EDF et des DNN si elle n'avait été assortie
d'une autre modification qui tend à
permettre à EDF de
dénoncer les contrats au cours de la même période
. De
ce fait, EDF et ses co-contractants sont placés, malgré
l'asymétrie de leur situation, dans une symétrie de droit.
Observations de votre rapporteur
Le texte ainsi amendé est contraire à l'esprit de la directive,
qui tend à une
ouverture progressive
du marché de
l'électricité. En effet, il institue un double droit de
dénonciation, aussi bien en faveur d'EDF ou des DNN que de leurs
clients, mettant ainsi sur un pied d'égalité des entités
placées dans des situations profondément différentes.
La faculté donnée aux clients de dénoncer les contrats en
cours n'est, en effet, que le corollaire de l'ouverture du marché. En
revanche, l'octroi du même droit à EDF est de nature à
créer une
grave insécurité juridique
, voire
à susciter un comportement d'abus de position dominante de sa part car
il n'existe pas de symétrie entre la situation d'un producteur quasiment
monopolistique et celle de son client. Rien n'interdirait à EDF de
résilier certains contrats en cours avec des clients qui choisiraient
d'en passer d'autres avec de nouveaux fournisseurs. EDF détiendrait, par
conséquent, une " arme absolue " dans ses négociations
avec les clients éligibles. L'opérateur public pourrait, en
effet, être tenté d'exercer une pression sur ses cocontractants en
dénonçant les contrats en cours si les clients se fournissaient
chez des producteurs indépendants. Les éléments recueillis
par votre rapporteur au cours de ses auditions lui donnent à penser que,
dans cette éventualité, l'ouverture du marché serait
fortement limitée.
La
fixation d'un délai de deux ans
pour l'exercice du droit de
dénonciation introduit une autre source d'insécurité
juridique, même si ce droit s'exerce sous réserve d'un
préavis (de trois mois pour le client et de douze mois pour EDF).
En outre, le versement, conformément au dernier alinéa, d'une
indemnité par le client qui aurait eu l'initiative de la
dénonciation contrevient à l'esprit de la libéralisation,
puisqu'elle suppose que ces clients doivent " acheter " leur
liberté à l'opérateur historique, alors même que
celle-ci leur a été donnée, à compter de
février 1999, par la norme communautaire.
Votre rapporteur veut trouver un équilibre entre la
nécessité de libéraliser le marché et la prise en
compte des intérêts financiers d'EDF.
En effet, actuellement, l'opérateur public est lié à ses
clients industriels par des contrats de fourniture de trois à six ans
dont le tarif est calculé sur la base d'une consommation moyenne
annuelle qui tient compte des " pics " et des " creux ".
Cependant, les clients d'EDF n'achètent pas une
" quantité " d'énergie fixée a priori, qu'ils
paieront qu'ils la consomment ou non. Ils souscrivent, comme les particuliers,
un contrat qui leur ouvre le droit de consommer à un tarif donné,
sans qu'ils subissent de pénalités s'ils ne consomment rien.
Dès lors, le risque existe de voir les clients souscrire, pour un site
éligible, un contrat chez un autre fournisseur qu'EDF, tout en
conservant leur contrat en cours dont -soulignons le- le tarif est
calculé en fonction d'une moyenne annuelle prévue en
régime de monopole et, par conséquent, d'une consommation
certaine puisqu'avant la libéralisation, le fournisseur était
unique et la consommation estimée de façon précise
à l'avance.
Il serait donc possible, en pratique, qu'à certaines périodes de
l'année, l'opérateur historique soit obligé de se tenir
prêt à honorer les contrats en cours en mettant à
disposition de ses clients la puissance nécessaire, sans que ceux-ci ne
soient tenus de la consommer, se fournissant auprès d'autres
producteurs. Il en résulterait un gaspillage qui se doublerait d'un
manque à gagner pour l'opérateur historique. En effet, alors
qu'EDF subirait la charge de la fourniture en garantissant le service, ses
concurrents proposeraient ponctuellement des offres plus avantageuses.
La possibilité de voir se produire cette situation inéquitable
résulte essentiellement de l'inadaptation des tarifs fixés dans
le cadre du monopole aux coûts réels de la fourniture
d'énergie électrique.
Soucieux de trouver une solution à ces problèmes, votre
rapporteur vous propose un
amendement
tendant à modifier
l'économie générale de cet article. Il prévoit que
lorsqu'un client fait jouer son droit à l'éligibilité
pour un site, les contrats en cours concernant ce site sont
résiliés de plein droit.
Cet amendement permet d'éviter qu'un client ne bénéficie
simultanément des avantages de l'ancien et du nouveau système. Ce
régime s'applique site par site : un client peut ne choisir de
faire jouer son droit à l'éligibilité que pour un seul
site. Dès lors qu'un site entre dans le nouveau régime, il ne
bénéficie plus des dispositions des contrats établis
compte tenu du contexte de monopole. Ceux-ci sont résiliés de
plein droit.
On évite, ainsi, en premier lieu, l'institution d'un système
complexe de préavis et de délais dans lequel s'exerce le droit de
dénonciation, le " basculement " de l'ancien au nouveau
système intervient à une date certaine, choisie par le client.
En second lieu, la sécurité juridique est renforcée :
dès lors qu'il n'y a plus dénonciation par une partie mais
résiliation de plein droit, aucune indemnité ne doit être
versée ni à l'un, ni à l'autre des co-contractants.
Enfin, EDF ne dispose plus du droit de résilier unilatéralement
les contrats. Nul ne peut, par conséquent, la suspecter d'utiliser une
forme de " représailles " par ce biais. Les contrats
signés avant l'entrée en vigueur de la loi continuent, quant
à eux, de s'exécuter dans les conditions fixées
initialement. Soulignons, enfin -ce qui est capital- que lorsque le client
choisit de faire usage de son droit à l'éligibilité, rien
n'interdit à l'opérateur historique de lui proposer un nouveau
contrat, au même titre que tout producteur. Cependant, ce contrat sera
élaboré compte tenu des conditions prévalant sur le
marché de l'électricité, et non plus en fonction de celles
d'un système de monopole.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.
Article 48 -
Révision des contrats
conclus
entre EDF
et les producteurs d'électricité
Contenu du projet de loi initial
Cet article institue une obligation de révision, dans les deux ans, des
contrats conclus
avant la date d'entrée en vigueur de la loi
entre EDF et les producteurs
d'électricité. Cette
disposition est motivée par la nécessité de rendre ces
contrats conformes au nouveau régime applicable à la conclusion
de contrats d'achat d'électricité produite par l'utilisation des
énergies renouvelables, des déchets, des produits non
commercialisables ou résultant de techniques performantes en termes
d'efficacité énergétique. L'article 10 du texte
initial prévoit, en effet, que dans ces derniers cas, EDF est tenu de
conclure un contrat d'achat.
Faute d'accord entre les parties, le contrat serait, en vertu du
deuxième alinéa, résilié de plein droit et le juge
chargé de régler les conditions financières et techniques
de la résiliation.
Un
régime particulier
est prévu pour les
contrats qui
lient EDF à une entreprise du secteur public.
En cas de
désaccord, un
" comité arbitral "
composé
de quatre membres désignés pour moitié par EDF et pour
moitié par son cocontractant, et d'un président nommé par
le ministre de l'énergie fixerait les conditions de révision des
contrats, notamment en matière d'indemnisation éventuelle. La
décision du comité arbitral serait prise à la
majorité, dans un délai de six mois, et susceptible d'un recours
de plein contentieux devant le Conseil d'Etat statuant en premier et dernier
ressort.
Enfin, le dernier alinéa précise que les contrats de type
" dispatchable " dont le coût pour EDF relève des
" coûts échoués " ne seraient pas
concernés par ces dispositions : ils s'exécuteraient
jusqu'à leur terme.
Modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a substantiellement modifié le contenu de
cet article par cinq amendements et sous-amendements. Seul le dernier
alinéa subsiste sans modification par rapport au texte initial.
Le texte donne désormais le
droit de dénoncer les contrats
conclus
avant l'entrée en vigueur de la loi
aussi bien à
EDF qu'aux producteurs d'électricité
. Le délai durant
lequel cette dénonciation peut intervenir court à compter de la
publication des décrets d'application de la loi. La seule restriction
est que si les producteurs et EDF disposent d'un an pour dénoncer, EDF
se voit imposer un préavis de douze mois avant cette
dénonciation. Le texte ne précise pas clairement si le
délai d'un an avant le terme duquel la faculté de dénoncer
est ouverte s'applique aussi à l'opérateur public.
L'Assemblée nationale a précisé que les
parties
ont, d'un commun accord, la faculté de ne pas prononcer la
dénonciation du contrat mais de procéder à sa
révision
afin de le rendre conforme aux dispositions de la loi
(alinéa 2).
Lorsque ces
contrats sont passés à titre obligatoire par EDF,
dans les conditions prévues à l'article 10
et qu'ils
s'appliquent à des modes de production que le législateur entend
favoriser (déchets ménagers, réseaux de chaleur, et
production dans la limite de douze mégawatts, pour les
cogénérations dans la rédaction de l'article 10
adoptée par l'Assemblée nationale), les députés ont
prévu qu'EDF bénéficie d'une compensation au titre du
fonds du service public de la production d'électricité (article
5-I) ; cf. alinéa 3.
Position de la commission
Votre commission estime que cet article mérite d'être
clarifié. En effet, son premier alinéa donne la faculté de
dénoncer les contrats que les producteurs d'électricité
ont signé avant l'entrée en vigueur de la loi aussi bien à
ces producteurs qu'à Electricité de France.
Cette possibilité de dénonciation bilatérale serait
envisageable s'il existait un équilibre de pouvoirs entre les
producteurs et EDF. Tel n'est pas, à l'évidence, le cas. Les
producteurs d'électricité qui fournissent du courant à EDF
sont notamment :
- des industriels qui ont réalisé des installations de
cogénération annexes à leur activité principale
afin d'utiliser la vapeur fournie par celle-ci et signé des contrats de
12 ans ;
- des producteurs de courant à partir d'énergies
renouvelables, qui ont signé des contrats de 15 ans pour les
hydrauliciens ou 25 ans pour les possesseurs d'éoliennes ;
- des unités de valorisation énergétique des
déchets des ménages dont les possesseurs sont titulaires de
contrats de 15 ans.
Ces producteurs -qui n'ont, dans la première phase de l'ouverture du
marché aux grands industriels, d'autres débouchés qu'EDF,
compte tenu du caractère aléatoire de leur production ou de son
volume relativement limité- ont signé avec l'opérateur
historique des contrats aux termes desquels cet opérateur s'engage
à acheter leur courant à un prix qui s'avère aujourd'hui
supérieur au prix du marché. La résiliation de ces
contrats leur poserait donc un grave problème de rentabilité des
investissements qui ont été calculés en fonction de ce
prix d'achat.
Votre rapporteur juge, en outre, souhaitable de faire entrer dans le champ
d'application de l'article 48 les contrats de cogénération
qui sont actuellement en cours de négociation. Le ministère de
l'industrie a, en effet, par un relevé de décisions du
12 mars 1999 fait connaître que les personnes qui ont
déposé une demande de certificat de conformité
auprès de la DRIRE avant le 31 décembre 1998 et qui ont
obtenu un certificat de conformité avant le 31 mars 1999
bénéficieraient du régime applicable aux contrats
signés ultérieurement. Il n'apparaîtrait pas
équitable que les futurs titulaires de ces contrats actuellement en
cours de négociation ne bénéficient pas du même
régime que les titulaires de contrats signés avant cette date.
Afin de trouver une solution équitable à ces problèmes,
votre rapporteur vous propose un amendement tendant à prévoir que
les contrats conclus ou négociés avant la publication de la
loi ne peuvent être dénoncés que par les producteurs, et
non plus par EDF.
Chaque producteur aura la faculté, si tel est son
intérêt, de dénoncer les contrats, le texte se conformant
donc à la directive.
Réciproquement, cet amendement remplaçant les trois premiers
alinéas de cet article prévoit que
le surcoût
résultant de ces contrats pour EDF lui sera compensé par le biais
du fonds du service public de la production.
En d'autres termes, ce
coût sera mutualisé entre les différents contributeurs
à ce fonds qui sont, rappelons le, tous les producteurs
d'électricité, en fonction de leur production.
Votre commission vous propose également de remplacer par un
amendement
au
quatrième alinéa
de cet article, la
référence à l'entrée en vigueur de la loi, par la
référence à sa publication qui n'est entachée
d'aucune incertitude.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.
Article 49
-
Révision des contrats de
concession de distribution
et des règlements de service des
régies
Cet
article impose de mettre les contrats de concessions et les règlements
de service des régies de distribution d'électricité en
conformité avec les dispositions du II de l'article L.2224-31 du
code général des collectivités territoriales, introduit
par l'article 17 du projet de loi (voir le commentaire de cet article
ci-dessus).
Le paragraphe II de l'article L.2224-31 proposé à
l'article 17 prévoit que
des décrets en Conseil
d'Etat
fixeront le cadre général des procédures et
prescriptions applicables aux cahiers des charges des concessions et aux
règlements de service des régies de distribution
d'électricité.
Le présent article dispose que la mise en conformité de ces
contrats et règlements avec les dispositions de ces décrets devra
intervenir, en tant que de besoin,
dans un délai de 2 ans
à compter de leur publication.
A cet article, l'Assemblée nationale
a adopté un
amendement rédactionnel.
A des fins de portée rédactionnelle, votre commission vous
propose une nouvelle rédaction de la fin de cet article qui :
- fait disparaître la notion, imprécise, d'entrée en
vigueur de la loi ;
- précise que les mises en conformité se feront dans un
délai de deux ans après la publication de chacun des
décrets visés au II de l'article L.2224-31 du code
général des collectivités territoriales.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
Article additionnel après l'article 49
-
Relèvement des redevances perçues par les
autorités concédantes
de la distribution
d'électricité
Les
redevances d'occupation du domaine public perçues par les
collectivités concédantes de la distribution
d'électricité n'ont pas été révisées
depuis 1956. Actuellement, une commune de moins de 5.000 habitants ne
perçoit pas plus de
5 francs par an
pour la totalité
de son réseau électrique, tandis qu'une commune de plus de
100.000 habitant ne reçoit pas plus de
200 francs par
an
. Une telle situation est inacceptable. C'est pourquoi votre rapporteur
vous propose d'indiquer, par le présent article additionnel, qu'un
décret en Conseil d'Etat relèvera, dans un délai maximum
d'un an à compter de la publication de la loi, le taux des redevances
précitées au moins proportionnellement à
l'évolution générale des prix des travaux de génie
civil.
Votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.
Article additionnel après l'article 49
-
(article
L.2333-85 du code général des collectivités territoriales)
-
Paiement annuel des redevances versées
aux
autorités concédantes de la distribution
d'électricité
L'article L.2333-85 du code général des
collectivités territoriales prévoit que les redevances
d'occupation du domaine public dues par les concessionnaires du service public
de distribution sont payables par période entière de trois
années.
A l'évidence, une telle disposition ne répond pas aux besoins des
collectivités en question, qui sont soumises au principe
d'annualité budgétaire.
C'est pourquoi le présent article additionnel tend à modifier
l'article L.2333-85 précité afin de prévoir
le
paiement annuel des redevances
.
Votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.
Article 50
-
Mise en conformité de la
loi du
8 avril 1946
Cet
article modifie la loi du 8 avril 1946 pour assurer sa mise en
conformité avec les dispositions du présent projet de loi.
En effet, plutôt que de procéder, pour la transposition de la
directive, par modification de la loi du 8 avril 1946, ce qui aurait
été le plus logique juridiquement, le Gouvernement a choisi de
rédiger un texte entièrement nouveau. En conséquence, il
convient de rendre la législation antérieure compatible avec les
nouvelles dispositions.
a) Restriction du champ d'application de l'article 1
er
de
la loi du 8 avril 1946 (nationalisation de la production, du
transport, de la distribution, de l'importation et de l'exportation
d'électricité).
Le premier paragraphe de cet article, (devenu 1° dans la version transmise
au Sénat par l'Assemblée nationale) vise à ajouter un
alinéa à l'article premier de la loi du 8 avril 1946,
relatif à la nationalisation du secteur électrique, qui dispose
qu'à compter de la date d'entrée en vigueur du présent
texte de loi, les activités de production, d'importation, d'exportation
et de fourniture d'électricité aux clients éligibles sont
exercées dans les conditions déterminées par la
présente loi. Par cette rédaction, la loi de 1946 se trouve de
fait réduite à celles de ses dispositions qui ne contreviennent
pas au texte en cours d'examen.
Notons que si la distribution n'est pas visée, c'est que les
dispositions de la loi de 1946 trouveront toujours à s'appliquer
à ce secteur d'activité.
Le monopole nationalisé de production, de fourniture, d'importation et
d'exportation d'électricité prévu par cette loi ne
s'appliquera plus. Outre ces dispositions de l'article 1
er
, est
concernée notamment une partie de l'article 8, tandis que les
dispositions de l'article 23, par exemple, seront complétées
par d'autres règles, figurant dans le présent projet de loi.
Votre commission vous propose un amendement tendant à remplacer la
date "
d'entrée en vigueur
" de la loi par celle de sa
"
publication
", date certaine, alors que l'entrée en
vigueur dépend de la publication d'un nombre suffisant de
décrets, appréciée par le juge.
b)
Extension du champ d'application de l'article 8 bis (achat
par EDF d'électricité seulement à des producteurs
autorisés)
Le premier alinéa de l'article 8 bis de la loi du
8 avril 1946 dispose qu'EDF ne peut acheter l'énergie produite
par les installations productrices d'énergie hydraulique visées
à l'article 8 que si ces installations ont été
régulièrement autorisées ou concédées.
Le II (devenu 2°) du présent article vise à étendre
cette obligation de régularité de l'installation de production ou
de la concession, le cas échéant, à l'ensemble des
producteurs d'électricité susceptibles de voir leur
énergie électrique achetée par EDF.
Cette nouvelle rédaction remplacerait l'actuelle rédaction du
premier alinéa de l'article 8 bis de la loi de 1946.
c) Modification du mode de nomination du directeur général
d'EDF
Le paragraphe III du texte du projet de loi initial, devenu 3°,
était peu lisible en raison d'une coquille : il faisait en effet
référence aux alinéas n°s 4, 6, 9 et 7 de
l'article 20 de la loi de 1946, alors que ce sont en réalité
les alinéas 14, 16, 19 et 17 que le texte entendait
respectivement supprimer et modifier.
L'Assemblée nationale
a rectifié cette erreur
matérielle, s'agissant des alinéas 14, 16 et 19.
La suppression des quatorzième, seizième et dix-neuvième
alinéas de l'article 20 de la loi de 1946 a pour conséquence de
modifier sensiblement les prescriptions légales en matière de
mode de nomination du directeur général d'EDF et de GDF.
Notons au préalable que ces dispositions, qui figurent dans un texte de
loi -intervenu il est vrai avant 1958-, présentent probablement un
caractère réglementaire et non législatif.
Actuellement, la loi prévoit que les directeurs généraux
des services nationaux d'EDF et de GDF, choisis parmi
" les
personnalités de compétence éprouvée dans la
profession "
, sont nommés,
sur proposition du Conseil
d'administration, par décret délibéré en Conseil
des ministres, pris sur
proposition des ministres
de
l'économie et des finances et de la production industrielle.
En outre, la fonction de
président du Conseil d'administration
(ce dernier étant choisi parmi les administrateurs sur proposition du
Conseil d'administration et
nommé en conseil des ministres
) est
incompatible avec celle de directeur général.
Du cumul de ces deux dispositions, ressort une organisation bicéphale de
la direction d'EDF et de GDF, qui peut conduire, en cas de désaccord
entre les deux hauts responsables, à des dysfonctionnements.
Cet alinéa tend à supprimer ces dispositions : le directeur
général ne serait plus nommé que selon des
procédures internes à l'entreprise ; il pourrait
également éventuellement cumuler les fonctions de directeur
général et de président du Conseil d'administration.
Serait également supprimé l'alinéa relatif à
l'interdiction pour les présidents et directeurs généraux
d'EDF et GDF d'exercer toute fonction dans les conseils d'entreprises
privées.
De plus, le texte initial du Gouvernement prévoyait la suppression de la
disposition selon laquelle les directeurs généraux d'EDF et de
GDF doivent être différents,
afin de ne plus viser dans la loi
l'existence du directeur général
et de laisser ainsi toute
latitude à l'entreprise et à sa tutelle pour décider de
l'organisation de ses instances dirigeantes.
L'Assemblée
nationale
n'a finalement pas voté cette suppression.
d) Mise en conformité de l'article 33 relatif à la
péréquation
Le Gouvernement a souhaité abroger le troisième alinéa (et
non le septième, comme l'a corrigé un amendement de
l'Assemblée nationale) de l'article 33 de la loi de 1946, qui
contient des prescriptions relatives à la
péréquation
entre les organismes de distribution électrique
et dispose que la
péréquation
" doit être telle que la situation
financière des organismes de distribution énumérés
à l'article 23
82(
*
)
,
auxquels des rabais spéciaux étaient consentis par
l'Electricité de France, service national, en raison de leur faible
consommation spécifique, n'aurait pas été aggravée
si elle leur avait été appliquée en 1954 avec les
conditions tarifaires résultant du cahier des charges de
l'Electricité de France ".
Le texte du IV du présent article (devenu 4°) propose la
suppression de ces dispositions, il est vrai assez complexes, qui seraient
remplacées par le paragraphe II de l'article 5 du
présent projet de loi relatif aux charges du fonds de
péréquation de la distribution d'électricité.
e) Elargissement de la composition du CSEG
Le V du présent article (devenu 5°) modifie la composition,
prévue à l'article 45 de la loi de 1946, du Conseil
supérieur de l'électricité et du gaz (CSEG).
Le projet de loi initial proposait d'élargir sa composition actuelle
(membres du Parlement ; représentants de l'administration, des
collectivités locales, des usagers, des services nationaux et du
personnel), aux
autres entreprises du secteur électrique et
gazier
. En outre, il prévoyait de remplacer les termes
d'
" usagers "
et de
" services nationaux "
respectivement par les termes de
" consommateurs "
et
d'
" Electricité de France et Gaz de France "
.
L'Assemblée nationale
n'a apporté que des modifications
rédactionnelles à cet alinéa, sans changer au fond la
composition proposée pour le CSEG. Outre une modification du mode de
décompte des alinéas, elle a tenu à viser les
représentants
" des ministères
concernés "
et non de
" l'administration "
,
à viser expressément les consommateurs
" éligibles
et non éligibles "
, à ne pas dissocier EDF et GDF de
l'ensemble des entreprises électriques et gazières et à
préciser que sont représentés au CSEG les personnels
" de ces industries "
.
f) Harmonisation de l'article 46 de la loi de 1946 avec
l'aménagement du principe de spécialité d'EDF
Le paragraphe VI (devenu 6°) de cet article restreint au gaz, en excluant
l'électricité, les dispositions du 4° de l'article 46 de la
loi de 1946, qui renvoient à un décret le soin de préciser
les conditions dans lesquelles les services de distribution cessent toutes
activités industrielles et commerciales relatives à la
réparation, à l'entretien des installations intérieures,
à la vente et à la location des appareils, en dehors de celles
définies à l'article 1
er
de la loi de 1946.
Il est logique d'exclure le secteur électrique de ces dispositions
puisque l'article 42, paragraphes III et IV, du projet de loi, contient
les dispositions relatives à l'aménagement du principe de
spécialité d'EDF (voir le commentaire de cet article).
g) Position de la commission
A la fin de cet article, votre rapporteur vous proposera
d'insérer
un alinéa (7°)
qui prévoit
d'abroger les
12
e
, 13
e
et 14
e
alinéas de
l'article 8 de la loi de 1946, qui soumettent à une
procédure spécifique le régime d'autorisation des
installations de production des collectivités locales
. Cet
amendement de coordination
découle de celui proposé
à l'article 11, afin de soumettre les collectivités
territoriales au régime d'autorisation de droit commun.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
Article 51 -
Abrogations législatives et
réglementaires
Cet
article vise à abroger des dispositions législatives et
réglementaires en vigueur qui sont en contradiction avec les
dispositions du projet de loi.
a) Abrogation de l'interdiction d'exportation de l'électricité
d'origine hydraulique
Le paragraphe I (devenu 1°) de l'article 51 tend à
abroger l'article 27 de la loi du 16 octobre 1929 relative
à l'utilisation de l'énergie hydraulique, qui interdit, sous
réserve de l'application des traités internationaux, "
la
dérivation à l'étranger de l'énergie
électrique produite en France par des entreprises
hydrauliques
". L'article 27 prévoyait que cette interdiction
pouvait recevoir des dérogations, fixées par décret en
Conseil d'Etat.
Cette interdiction n'a plus de raison d'être dans la
nouvelle organisation électrique française. Elle est contraire
aux dispositions de la directive, et notamment à son article 3.
b) Abrogation de l'interdiction d'exportation de l'électricité
du Rhône
Le paragraphe II (devenu 2°) vise à abroger l'article 8
de la loi du 27 mai 1921 approuvant le programme des travaux
d'aménagement du Rhône de la frontière suisse à la
mer, qui dispose que l'énergie provenant des usines établies sur
le Rhône ne pourra être transportée en dehors du territoire
français "
sans une autorisation spéciale donnée
par une loi
". Cette interdiction, qui vise, en fait, le
deuxième producteur français d'électricité,
à savoir la CNR, est également contraire au nouveau régime
juridique né de l'application de la directive.
c) Abrogation des décrets n° 55-549 et 60-935 fixant les
modalités de cession, dans certains cas, de l'énergie
électrique
Le décret n° 55-549 du 20 mai 1955 est relatif
à la réalisation du deuxième plan de modernisation et
d'équipement de l'énergie électrique (1954-1957). Le
décret n° 60-935 du 31 août 1960 qui le
modifie, en a étendu certaines des dispositions.
Le décret n° 55-549, après avoir
détaillé les autorisations d'engagements de programmes
données à EDF, à la CNR et à Charbonnages de France
pour réaliser le deuxième plan de modernisation et
d'équipement électrique, précise que, préalablement
à la construction d'une centrale thermique minière,
les
conditions de cession de l'énergie électrique doivent être
fixées par convention entre ces établissements
. Le ministre
de l'industrie peut inviter les parties à conclure cette convention dans
un délai déterminé, au delà duquel il peut
décider lui-même, après avis d'une commission.
Cette même procédure de conclusion d'une convention doit
être respectée en ce qui concerne, d'après l'article 5
du même décret, les relations entre EDF et la CNR, pour
déterminer
les conditions de cession de l'électricité
du Rhône.
Le décret n° 60-935 a étendu cette procédure,
en ce qui concerne les conditions de cession de l'énergie
électrique et les conditions d'approvisionnement des centrales en tous
combustibles à
tous les établissements publics, entreprises et
sociétés, dans lesquels l'Etat détient la majorité
du capital
et dont l'activité relève du ministère de
l'industrie.
Ces dispositions ont lieu d'être abrogées, car elles sont
remplacées par l'article 48 du présent projet de loi. Ayant
été pris sur le fondement d'une loi de " pleins
pouvoirs ", (la loi n° 54-809 du 14 août 1954
prorogée par la loi n° 55-349 du 2 mai 1955 autorisant le
Gouvernement à mettre en oeuvre un programme d'équilibre
financier, d'expansion économique et de progrès social),
après un avis conforme des commissions des finances des deux chambres du
Parlement, ces décrets contiennent des mesures qui revêtent,
matériellement, pour certaines d'entre elles, un caractère
législatif.
d) Abrogation du décret n° 55-662 du 20 mai 1955
réglant les rapports entre les établissements visés par
les articles 2 et 23 de la loi du 8 avril 1946 et les producteurs
autonomes d'énergie électrique (régime de l'obligation
d'achat).
Le décret du 20 mai 1955 contient les dispositions actuellement
applicables à l'obligation d'achat pesant sur EDF. Il dispose qu'EDF est
tenue de recevoir sur les réseaux qu'elle exploite l'énergie
produite dans
" les installations visées aux 3
e
alinéa et 4
e
alinéa de l'article 8 de la loi
du 8 avril 1946 modifiée "
et qu'elle est tenue de
passer un contrat pour l'achat de l'énergie produite dans ces
installations. Son abrogation est nécessaire dès lors que
l'article 10 du projet de loi définit les obligations applicables
en la matière.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
Article 52 -
Mise en cohérence des
textes
applicables
aux départements d'outre-mer et à Saint-Pierre et
Miquelon
Cet
article tend à mettre en conformité avec le projet de loi les
dispositions relatives aux départements d'outre-mer et à la
collectivité territoriale de Mayotte, en ce qui concerne le secteur de
l'électricité.
Les départements d'outre-mer
C'est l'article 1
er
de la loi n° 75-622 du
11 juillet 1975 relative à la nationalisation de
l'électricité dans les départements d'outre-mer qui a
nationalisé la production, le transport, la distribution, l'importation
et l'exportation de l'électricité dans les départements de
la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion.
Rappelons, comme cela a déjà été dit dans le
commentaire de l'article 1
er
, qu'à défaut de
mention contraire dans le corps du texte, le projet de loi s'applique à
la France métropolitaine, aux départements d'outre-mer et
à Saint-Pierre et Miquelon, mais ne s'applique ni aux territoires
d'outre-mer (Nouvelle Calédonie, Polynésie française,
Wallis et Futuna, terres australes et antarctiques françaises), ni
à la collectivité territoriale de Mayotte.
En conséquence, le texte de loi est applicable aux DOM. C'est pourquoi
l'article 52 vise à mettre la loi précitée de 1975 en
conformité avec les dispositions du projet de loi, en précisant
à son article 1
er
qu'à compter de la date
d'entrée en vigueur de la loi, les activités de production,
d'importation, d'exportation d'électricité et de fourniture aux
clients éligibles seront exercées dans des conditions
fixées par le présent texte. Si la distribution n'est pas
visée, c'est que les dispositions antérieures continuent de
s'appliquer en la matière.
Pour Saint-Pierre et Miquelon
, le présent article insère
un alinéa identique, à l'article 7 de l'ordonnance
n° 77-1106 du 26 septembre 1977 portant extension et
adaptation au département de Saint-Pierre et Miquelon de diverses
dispositions législatives relatives au domaine industriel, agricole et
commercial.
L'Assemblée nationale
n'a adopté qu'un amendement
rédactionnel à ces dispositions.
Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.
Article additionnel après l'article 52
-
Examen d'une loi sur l'évolution du secteur de
l'électricité
A
l'instar du système retenu par la loi de 1987 sur les déchets
nucléaires, il est souhaitable d'instituer une " clause de
rendez-vous " lors de laquelle le Parlement pourra apprécier les
résultats de la réforme engagée et, le cas
échéant, adopter les mesures de nature à corriger les
déficiences éventuelles du système créé en
1999.
Tel sera l'objet d'un
article additionnel après l'article 52.
Votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel.
*
* *
Votre commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié, le groupe socialiste s'abstenant.