II. L'ANALYSE DE LA PROPOSITION DE RÉFORME DE LA COMMISSION
A. LES RAISONS DE LA RÉFORME
1. Une exigence du marché
La
révision de l'OCM viti-vinicole en 1987 a répondu à une
période au cours de laquelle la production communautaire était
caractérisée par des excédents fréquents et
persistants. Ainsi, ont été mises en oeuvre des mesures de
limitation du potentiel de production par des mécanismes de distillation
et d'arrachages définitives primés. En outre, une politique de
réencépagement a été
généralisée par la Communauté européenne
afin d'adapter la production à l'évolution quantitative de la
consommation. En 1996, la consommation de vins dans l'Europe des Quinze
s'élevait à près de 128 millions d'hectolitres, soit
une moyenne d'un peu plus de 34 litres par habitant et par an. De 1986
à 1996, la consommation totale de vin en Europe a diminué de
10 millions d'hectolitres. On observe cependant aujourd'hui une stagnation
relative de la consommation de vin en Europe.
Parallèlement, cette politique d'ajustement conjoncturel et structurel a
été complétée par un ensemble de mesures de
maîtrise du potentiel viticole grâce à la mise en place d'un
système de droits de plantation.
Le secteur viti-vinicole européen a connu, depuis lors, d'importants
changements en raison notamment de l'évolution de la situation du
marché.
Les symptômes évoluant, le diagnostic originel devait être
revu. En effet, rapidement la politique de limitation du potentiel de
production a provoqué une forte réduction de la superficie du
vignoble européen, particulièrement en ce qui concerne les vins
de consommation courante -les vins de table essentiellement- aidée en
cela par les aléas climatiques.
La superficie viticole de la Communauté a ainsi été
ramenée de près de 4 millions d'hectares en 1987 à
3,4 millions d'hectares en 1997, soit 2,6 % de la surface agricole
utile.
De plus, alors qu'en 1987/1988, la production communautaire dépassait
les 200 millions d'hectolitres (51 millions d'hectolitres de vin de
qualité, 135 millions d'hectolitres de vin de table et
15 millions d'hectolitres d'autres vins), celle-ci a été
ramenée à 160 millions d'hectolitres en 1997/1998, dont
58 millions d'hectolitres de vin de qualité, 91 millions
d'hectolitres de vin de table et 13 millions d'hectolitres d'autres vins.
Par ailleurs, comme l'indique la Commission "
l'incidence globale de
cette réduction de la superficie viticole sur la production a
été accrue par l'utilisation de variétés à
raisin à rendement plus faible, de qualité plus
élevée, mais plus encore par le vieillissement des vignobles,
renouvelés à un rythme insuffisant
".
Ce nouvelle situation du marché nécessite donc une
réforme de l'OCM viti-vinicole.
2. Les évolutions politiques
Comme
l'a justement souligné la Commission européenne, trois
événements politiques ont eu et auront une influence majeure sur
la situation du secteur viti-vinicole.
En premier lieu,
la mise en oeuvre des accords du cycle Uruguay en
juillet 1995 n'est pas sans conséquence dans ce secteur
.
En effet, ces accords ont entraîné une réduction des
exportations subventionnées de vins communautaires. Si la
majorité des producteurs communautaires exportent sans subventions, la
réduction de celles-ci renforce la nécessité pour les
producteurs communautaires de continuer à améliorer leur
compétitivité. En ce qui concerne les importations, les accords
ont accru les possibilités d'accès aux vins des pays tiers par la
suppression du système protecteur de prix de référence et
par la réduction des droits de douane. Il en résulte que les
mesures d'intervention traditionnelles de l'organisation de marché
actuelle ne permettent plus de maîtriser les volumes et les prix dans un
marché communautaire plus souple et plus ouvert. Les mesures prises
attireraient simplement des volumes d'importation supplémentaires et les
prix ne pourraient pas dépasser le prix des produits importés.
En second lieu, comme l'expose la Commission dans son projet, "
le
secteur doit anticiper l'élargissement futur de l'Union aux pays
d'Europe centrale et orientale, analysé dans Agenda 2000 ".
L'analyse des conséquences de l'élargissement de l'Union
européenne aux PECO
nécessite une distinction entre les pays
d'Europe centrale et orientale producteurs de vin et ceux non producteurs de
vin. Ainsi, en 1997, les importations de vins en provenance de la Bulgarie, de
la Hongrie et de la Roumanie -producteurs de vins- se sont
élevées à 1,4 Mhl, ce qui fait de ce groupe le
premier fournisseur de vin de l'Union européenne, ces importations
dépassant largement les contingents tarifaires. Les exportations de
l'Union européenne à destination de ces trois pays producteurs
ont parallèlement fortement chuté. En revanche, les exportations
de l'Union européenne vers les PECO non producteurs de vin ont
été exceptionnellement élevées ces dernières
années, notamment en direction de la Pologne, de la Tchèquie et
de la Slovaquie.
Enfin, le
nouveau cycle de négociations agricoles dans le cadre de
l'OMC à partir de l'an 2000 devra prévoir des mesures
destinées à garantir une présence plus forte des
producteurs de la Communauté sur le marché mondial en
expansion
. Soulignons que le commerce international de vin se
développe de manière importante : si les exportations
mondiales de vin se limitaient à 44 millions d'hectolitres en
moyenne dans les années 1986 à 1990, elles sont estimées
à plus de 60 millions d'hectolitres pour 1997.
3. Un souci de simplification
Une
simplification
de la législation dans le secteur est
nécessaire, compte tenu du grand nombre de règlements du conseil
actuellement en vigueur. Ces règlements sont en effet devenus trop
détaillés et trop complexes, et certains sont redondants ou
obsolètes.
L'intégration de la législation dans le règlement unique
du conseil qui est proposé devrait en améliorer la transparence
et en faciliter l'application.
B. LA PRÉSENTATION DE LA RÉFORME PROPOSÉE
L'OCM vin regroupe l'ensemble des différentes politiques conjoncturelles et structurelles viticoles existantes et assure la mise en oeuvre d'une politique active d'intervention communautaire sur les marchés viti-vinicoles.
1. Les objectifs de la réforme
Tout en
reconnaissant la spécificité du secteur viti-vinicole, la
Commission européenne considère donc que la réforme
devrait prendre en considération sept grands objectifs :
- maintenir sur le marché communautaire un meilleur
équilibre entre l'offre et la demande, en donnant ainsi aux producteurs
la possibilité d'exploiter les marchés en expansion ;
- permettre au secteur de devenir durablement plus compétitif ;
- abolir l'utilisation de l'intervention comme débouché
artificiel pour la production excédentaire ;
- continuer à maintenir l'ensemble des débouchés
traditionnels de l'alcool de bouche et des produits de la vigne ;
- prendre en compte la diversité régionale ;
- officialiser le rôle potentiel des groupements de producteurs et
des organisations interprofessionnelles (ou équivalentes) ;
- simplifier considérablement la législation.
2. Les mesures proposées par la Commission
La
proposition de règlement avancée par la Commission est
constituée de 81 articles regroupés dans
huit titres :
Le titre I est relatif au champ d'application
; il comprend un
seul article qui précise les différents produits régis par
cette OCM.
Le titre II a trait au potentiel viticole
. Il est composé de
quatre chapitres qui regroupent en tout 22 articles.
Le chapitre Ier concerne les plantations de vignes
: l'actuelle
interdiction de planter de nouveaux vignobles reste applicable pendant une
nouvelle période transitoire.
Par ailleurs, dans les zones où la demande augmente, une quantité
initiale de droits de plantation supplémentaires sera allouée aux
Etats-membres dans le cadre d'un nouveau régime de gestion des droits
de plantation, avec priorité aux jeunes récemment
installés dans le secteur. Ce régime prévoit, en outre, la
constitution de " caisses " -c'est-à-dire de réserves-
de droits de plantation afin de faciliter les transferts de droits de
plantation non utilisés aux producteurs qui en ont le plus besoin. Il
est indiqué qu'au départ, ces réserves existeront sur le
plan régional.
Pour recevoir une partie de cette quantité initiale de droits de
plantation, chaque Etat devra établir un inventaire sur les superficies
viticoles, les variétés et les droits de plantation. La
quantité totale des droits de plantation supplémentaires
équivaudra à 1 % des aires de production respectives des
Etats-membres, soit 34.000 hectares au total.
Les mesures d'arrachage sont maintenues et celles visant à
améliorer la compétitivité du secteur continueront
à faire partie intégrante de l'OCM.
Le chapitre II est relatif aux primes d'abandon
octroyées en
contrepartie de l'abandon définitif de la viticulture sur une surface
déterminée.
Le chapitre III porte sur le régime de reconversion
des
vignobles qui tendent à adapter les vignobles à la production de
vins commercialisables.
Soulignons qu'une nette distinction entre la reconversion des vignobles et leur
renouvellement normal garantira un financement communautaire au
bénéfice exclusif de la reconversion.
Le chapitre IV a trait à l'inventaire
et à diverses
informations.
Le titre III
regroupe dans 15 articles les dispositions
relatives
aux mécanismes de marché :
Le chapitre I concerne l'aide au stockage privé
qui est maintenu.
Le chapitre II porte sur la distillation
: les distillations
préventives, obligatoires et de soutien sont supprimées. La
diminution des excédents et l'ouverture du marché étant
probables, la Commission estime nécessaire la mise en place d'une mesure
de distillation " de crise " applicable sur une base facultative.
Une mesure de distillation des sous-produits destinée à
éviter le surpressurage des raisins est maintenue et la mesure
spécifique de distillation du vin issu de variétés autres
qu'à raisins de cuve continuera d'être appliquée comme
mesure transitoire.
Il est important de souligner que l'alcool distillé dans le cadre de
mesures d'intervention ne sera plus la propriété des
Etats-membres. En outre, la Commission propose de remplacer la distillation
préventive par une mesure de distillation spécifique en faveur du
marché de l'alcool de bouche.
Le chapitre III est relatif aux aides
en faveur d'utilisations
déterminées.
Le chapitre IV a trait à des dispositions d'ordre
général
.
Le titre IV sur les groupements de producteurs
(chapitre I) et les
organisations interprofessionnelles
(chapitre II) comporte
sept articles.
Ce titre, selon la Commission, consacre le rôle des groupements de
producteurs (GP) et des organisations (interprofessionnelles ou
équivalentes) représentatives du secteur.
Les groupements de producteurs doivent contribuer à
l'amélioration des résultats du secteur en ciblant davantage
l'offre par rapport à la demande, en réduisant les coûts de
production et en favorisant le recours à des pratiques
" écocompatibles ". Quant aux organisations
interprofessionnelles (ou équivalentes), elles mèneront une
série d'actions qui renforceront les performances économiques du
secteur.
Le financement communautaire des mesures de reconversion comportera, selon le
projet de la Commission, deux éléments :
- la perte de recettes, soit que les producteurs gardent à la fois
les vignobles anciens et les vignobles reconvertis jusqu'à ce que ces
derniers deviennent productifs (aucune compensation n'étant
nécessaire), soit qu'ils procèdent à l'arrachage pour
replanter ultérieurement la même parcelle (financement
communautaire intégral) ;
- le coût du matériel de reconversion, qui fera l'objet d'un
financement communautaire à concurrence de 50 % (75 % dans les
zones relevant de l'objectif 1), le solde étant à la charge
des bénéficiaires.
Le titre V concerne les traitements et pratiques oenologiques et les
spécifications de produits
(désignation, dénomination,
présentation et protection). Il regroupe huit articles, le
chapitre I portant sur les traitements et pratiques oenologiques et les
spécifications de produits
, le
chapitre II sur la
désignation, la dénomination, la présentation et la
protection des produits
.
Le titre VI (huit articles) expose les principes de base
applicables aux Vins de Qualité Produits dans une Région
Déterminée
(VQPRD) . Les questions relatives aux
désignations, aux dénominations, à la présentation
et à la protection ont été déléguées
à la Commission afin, selon Bruxelles, d'améliorer la
transparence tout en conservant le niveau de protection actuel.
Le titre VII
(onze articles) expose les
dispositions
applicables aux échanges avec les pays tiers
, et notamment les
exigences en matière de présentation des certificats
d'importation, les prix d'entrée, le fonctionnement des contingents
tarifaires, les restitutions à l'exportation, les mesures de sauvegarde
ainsi que différentes normes techniques.
Le titre VIII est relatif à certaines dispositions
générales, transitoires et finales
.