ARTICLE 73
Droit au compte
bancaire
Commentaire : le présent article modifie les
modalités d'exercice du droit au compte bancaire, telles qu'elles sont
définies à l'article 58 de la loi n°84-46 du 24 janvier 1984
relative à l'activité et au contrôle des
établissements de crédit
L'article 58 de la loi n°84-46 relative à l'activité et au
contrôle des établissements de crédit définit le
droit au compte bancaire. Il dispose que toute personne qui n'a aucun compte
peut, après s'être vue refuser l'ouverture d'un compte de
dépôt par plusieurs établissements de crédit,
demander à la Banque de France de lui désigner un
établissement de crédit ou les services du Trésor public,
de la Banque de France, de la Poste, de l'institut d'émission des
départements d'outre-mer ou de la caisse des dépôts et
consignations. L'établissement de crédit désigné
peut limiter les services liés au compte aux opérations de caisse.
Le présent article vise à modifier cet article sur plusieurs
points :
-
le premier alinéa
de la nouvelle rédaction
proposée pour l'article 58 de la loi du 24 janvier 1984
énonce
un principe général de droit au compte
bancaire
pour
toute personne physique résidant en France. Ce
principe n'est pas énoncé dans la rédaction actuelle de
l'article 58, même si cet article aménage déjà des
dispositions pour le mettre en pratique.
-
le second alinéa
précise les modalités
d'ouverture de ce compte
.
La personne doit remettre
une déclaration sur l'honneur
attestant
qu'elle ne dispose d'aucun compte. Il s'agit de la formalisation d'une pratique
existante.
Dès le premier refus, et non après plusieurs, la personne peut
saisir la Banque de France
pour se voir désigner un
établissement de crédit. Cette disposition permet d'éviter
des délais trop longs qui ne se justifiaient pas.
La Banque de France désigne un établissement, les services
financiers de la Poste ou le Trésor public
. Il s'agit d'actualiser
la liste des établissements visés à l'article 58 de la loi
du 24 janvier 1984 : l'abandon de la référence à la Banque
de France et aux instituts d'émission d'outre-mer s'explique par la
réforme du statut de la Banque de France par la loi n° 93-1444 du
31 décembre 1993 qui leur a ôté la possibilité
d'ouvrir des comptes de dépôts à la clientèle. La
Caisse des dépôts ne disposant pas de services de
proximité, elle a également disparu de la liste des
références.
-
le troisième alinéa
dispose que toute limitation des
services liés à l'ouverture d'un compte de dépôt aux
services bancaires de base ne peut l'être que dans des conditions
fixées par décret.
Cette rédaction diffère sensiblement tant des dispositions de
l'actuelle rédaction de l'article 58 de la loi de 1984 que du texte
initial du projet de loi.
L'article 58 de la loi de 1984 donne actuellement
à
l'établissement de crédit désigné par la Banque de
France, la possibilité de limiter les services liés à
l'ouverture du compte aux opérations de caisse
, sans autre
indication.
L'article 73 tel qu'il figurait initialement dans le projet de loi
présenté par le gouvernement, lui accordait cette même
possibilité, mais
dans des conditions définies par
décret
.
L'Assemblée Nationale a adopté un amendement restreignant la
liberté d'appréciation des établissements de
crédits. Ceux-ci ne peuvent plus limiter les services liés
à l'ouverture de n'importe quel compte qu'aux
services bancaires de
base
, qui sont plus larges que les seules opérations de caisse, et
ceci dans des conditions fixées par décret. Cette mesure concerne
donc toutes les ouvertures de comptes et non les seules ouvertures liées
à la mise en oeuvre du "droit au compte".
Les opérations de caisse sont les seuls versements et retraits de fonds.
La notion de services bancaires de base est plus large : elle figure notamment
dans la charte des services bancaires de base établie par le
Comité consultatif du Conseil National du Crédit et à
laquelle l'Association française des banques a adhéré le 9
juin 1992.
La Charte mentionne les instruments suivants :
-une carte de retrait,
- la faculté de procéder à des paiements à distance
(virements, avis de prélèvements ou titres interbancaires de
paiement)
- des relevés d'identité bancaire
- des formules de chèques. L'établissement peut en limiter le
nombre après appréciation avec le client de sa situation et de
ses besoins compte tenu des ressources versées au compte.
Il importe effectivement, en complément du droit au compte, de donner
des instruments de paiement suffisants.
Il convient toutefois que ces
instruments ne facilitent pas des situations de surendettement pour les
personnes aux ressources faibles
.
Ce risque doit être écarté : la charte des services
bancaires de base énonce d'ailleurs qu'un établissement de
crédit respecte l'esprit de la charte "
s'il se montre plus restrictif
dans le nombre de formules de chèques ou pour le fonctionnement de la
carte de paiement, y compris éventuellement pour le montant des
retraits, lorsque le titulaire du compte a saisi une commission de
surendettement ou est inscrit au fichier national des incidents
caractérisés de paiement
".
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites entreprises, au
commerce et à l'artisanat,
a indiqué que le décret
mentionné définira les services bancaires de base comme les
opérations courantes de retrait, de dépôt et de virement et
la détention d'une carte interbancaire de retrait
. Ces indications
sont une garantie suffisante pour interpréter ces dispositions comme ne
risquant pas de faciliter des situations de surendettement au détriment
de l'intérêt même des personnes les plus modestes.
-
le quatrième alinéa
précise que l'application
des dispositions prévues au troisième alinéa ne peut se
faire que dans des conditions tarifaires fixées par décret, pour
les seuls établissements de crédit désignés par la
Banque de France.
Alors que tout établissement de crédit qui décide de
limiter les services liés à l'ouverture d'un compte aux services
bancaires de base est tenu de respecter certaines conditions fixées par
décret, seuls les établissements désignés par la
Banque de France qui feraient cette démarche seraient contraints par une
grille tarifaire imposée par décret.
Cette disposition crée
une rupture d'égalité entre les
établissements de crédits
en fonction seulement de la
procédure par laquelle le compte a été ouvert.
Il s'agit de surcroît d'une
atteinte au principe de la liberté
tarifaire.
Comme l'a d'ailleurs clairement fait valoir à l'Assemblée
nationale Mme Marylise Lebranchu, le principe de la liberté tarifaire
est posé par l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986
relative à la liberté des prix et de la concurrence. L'article
premier de l'ordonnance dispose que les prix des biens, produits et services
antérieurement visés par l'ordonnance du 30 juin 1945, sont
librement déterminés par le jeu de la concurrence. Selon les
dispositions du premier alinéa de l'article 89 de la loi n° 84-46
du 24 janvier 1984, "l'ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986
relative à la liberté des prix et de la concurrence s'applique
aux établissements de crédit".
De plus, les tarifs des opérations bancaires de base sont très
réduits, voire nuls dans certains réseaux. La charte sur les
services bancaires de base énonce comme principe que les
établissements de crédits adhérant "
s'engagent à
offrir des services bancaires de base à tous, à des conditions
qui en permettent l'accès aux personnes les plus modestes
".
La fixation de tarifs par décret pourrait entraîner des
difficultés pratiques : si certaines prestations ne figuraient pas dans
le décret, les titulaires de comptes ne pourraient dès lors en
bénéficier.
Il est donc grandement préférable de laisser la question
tarifaire à la négociation en cours entre les banques et les
consommateurs
dans le cadre du comité consultatif du conseil
national du crédit.
Il vous est donc proposé un amendement supprimant cet
alinéa.
-
le
cinquième alinéa prévoit que tout
établissement de crédit décidant de la clôture d'un
compte doit adresser une notification écrite et motivée au client
et à la Banque de France pour information. Un délai de
quarante-cinq jours est accordé au titulaire du compte.
Cet alinéa, introduit à l'Assemblée Nationale, vise
à transmettre à la Banque de France des informations sur
l'ensemble des comptes clos à l'initiative des banques. Or,
l'administration fiscale dispose déjà d'informations sur les
clôtures de comptes.
S'il s'agit d'éviter que des comptes, sitôt ouverts par des
établissements de crédits dans le cadre du "droit au compte" ne
soient pas rapidement clos, il convient de limiter la notification
écrite et motivée aux seuls établissements de
crédit désignés par la Banque de France.
C'est l'objet du second amendement qui vous est présenté.
Cela permettra de motiver les décisions de clôture de compte pour
les seules personnes titulaires d'un compte, qui avaient essuyé un refus
dans le passé. Si la motivation était étendue à
l'ensemble des clôture de comptes, il faudrait considérer cette
disposition générale comme une atteinte au principe de
liberté contractuelle définissant les relations entre les banques
et leurs clients.
Le délai de 45 jours est un délai usuel, figurant
déjà dans la charte sur les services bancaires de base, il
pourrait toutefois poser des difficultés en cas de fraude et donc de
nécessité de clôturer rapidement le compte. Il faut donc
comprendre qu'il ne s'appliquera que dans les conditions normales d'utilisation
du compte.
-
le sixième alinéa précise que les nouvelles
dispositions de l'article 58 s'appliquent aux interdits bancaires.
Décision de la commission : votre commission émet un avis
favorable à l'adoption de cet article ainsi amendé.