ARTICLE 72
Fourniture minimum d'énergie, d'eau et de
téléphone
Commentaire : le présent article énonce le
principe
du droit à une aide de la collectivité pour l'accès ou le
maintien d'une fourniture minimale d'énergie, d'eau ou de
téléphone et instaure un principe de non-coupure jusqu'à
la mise en oeuvre du mécanisme d'aide.
I. - LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE
Le présent article modifie les articles 43-5 et 43-6 du chapitre 3
("accès à une fourniture minimum d'eau et d'énergie") de
la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum
d'insertion, modifiée par la loi n° 92-722 du 29 juillet 1992.
-
le 1° du présent article modifie l'article 43-5 de la loi du
1er décembre 1988.
L'article 43-5 énonce le principe selon lequel "
toute personne ou
famille éprouvant des difficultés particulières du fait
d'une situation de précarité a droit à une aide de la
collectivité pour accéder ou préserver son accès
à une fourniture d'eau et d'énergie
".
Le 1° du présent article le modifie pour intégrer à
ces dispositions les services téléphoniques.
Il ajoute un alinéa garantissant la maintien de la fourniture
d'énergie et d'eau, mais non de services téléphoniques, en
cas de non-paiement des factures jusqu'à l'intervention des
mécanismes d'aide.
-
les 2° et 3° du présent article modifient l'article 43-6
de la loi du 1er décembre 1988.
L'article 43-6 a
complété
l'article 43-5 en
créant en faveur des familles et des personnes visées à
cet article un dispositif national d'aide et de prévention pour faire
face à leurs dépenses d'électricité et de gaz
Ce dispositif fait l'objet d'une convention nationale entre l'Etat,
Electricité de France et Gaz de France définissant notamment le
montant et les modalités de leurs concours financiers respectifs,
déclinée par département. Les collectivités
territoriales ou des centres communaux ou intercommunaux d'action sociale et
des organismes de protection sociale peuvent être associées
à ces conventions.
Les paragraphes 2° et 3° du présent article ont pour objet
d'inclure les distributeurs d'eau dans ce dispositif national d'aide et de
prévention.
II. - LE DISPOSITIF EXISTANT
A. ELECTRICITÉ DE FRANCE
Le présent article ne modifie pas les dispositions en matière de
fourniture minimum d'électricité et de gaz, mais étend les
principes déjà posés en matière d'énergie
à d'autres secteurs, et notamment l'eau.
1. La mise en place d'un dispositif de solidarité
Dès 1985, des dispositions ont été prises afin de ne plus
interrompre l'alimentation en énergie des personnes les plus
défavorisées, mais ces actions se sont renforcées
significativement à partir de 1996-1997.
Le dispositif de la loi du 29 juillet 1992 prévoit le maintien ou, le
cas échéant, le rétablissement de la fourniture
d'énergie aux personnes reconnues en situation de pauvreté ou de
précarité.
Plusieurs dispositifs conventionnels ont été mis en place pour
répondre aux deux objectifs de la loi : le principe de non-coupure pour
la fourniture d'énergie et le droit à une aide de la
collectivité.
a) Le principe de non-coupure
Afin de répondre à ce premier objectif,
une Charte
solidarité-énergie
a été établie le 6
novembre 1996 entre l'Etat représenté par le ministre
délégué au logement, M. Pierre-André
Périssol, Electricité de France et Gaz de France.
Cette charte pluriannuelle (1997-2000) avait pour objet, selon les termes de
son article premier, de mettre en oeuvre des mesures concrètes relatives
à la fourniture de gaz et d'électricité dans le cadre du
programme d'action lié à la loi de cohésion sociale.
Plusieurs actions ont été décidées : le maintien
de l'énergie pendant un délai nécessaire à
l'intervention des services sociaux (article 2-1), la limitation des coupures
pour non-paiement (article 2-2), différentes actions ayant pour objet de
répondre au mieux aux difficultés des familles les plus
défavorisées notamment par l'expérimentation de
prestations adaptées (articles 2-4 et 2-5).
b) La mise en place de fonds pauvreté-précarité
Pour mettre en oeuvre le second objectif, c'est-à-dire le principe
d'aide au paiement des factures, après un premier dispositif en 1985,
une convention 1997-2000
a été signée le 14 avril
1997 entre l'Etat et les représentants d'EDF et de GDF, puis un avenant,
ayant pour objet de définir pour 1998 les modalités
financières de la contribution d'EDF et de Gaz de France aux fonds de
solidarité-énergie.
Dans chaque département
, le Préfet et les responsables
d'EDF et de Gaz de France, auxquels peuvent être associés d'autres
partenaires (collectivités territoriales, centres communaux d'action
sociale, organismes de protection sociale..) ont signé une convention
annuelle pour mettre en oeuvre ce dispositif.
Au total, le financement des conventions
pauvreté-précarité pour 1997 s'établit à 142
millions de francs, dont une contribution de 16,5 millions de francs du
ministère de l'emploi et de la solidarité.
Pour 1998, EDF et Gaz de France contribuent à parité avec le
ministère de l'emploi et de la solidarité au financement des
conventions départementales, pour un montant de 16,5 millions de francs.
Cette contribution est majorée de 20 millions de francs versés au
fonds créé par la Fondation de France.
Un
"fonds solidarité énergie"
est constitué au
niveau départemental, financé par la direction
départementale des affaires sanitaires et sociales, et les
représentants locaux d'EDF et Gaz de France, avec d'éventuels
partenaires.
La part locale, versée directement dans les fonds solidarité
énergie des conventions départementales par les centres d'EDF
sera de 55 millions de francs.
La contribution globale, nationale et locale, d'EDF et de Gaz de France aux
fonds solidarité énergie sera donc de 75 millions de francs en
1998.
L'analyse des sources de financement des fonds de
pauvreté-précarité montre que sur la contribution de
l'Etat et d'EDF-GDF est significative,
les collectivités locales
participent à hauteur de 45% au financement des fonds de
solidarité.
c) Un nombre croissant de personnes concernées
Les commissions Pauvreté-Précarité, dans lesquelles ne
siège aucun représentant d'EDF ou de Gaz de France sont
chargées d'examiner les dossiers des clients démunis et sont les
seules à décider si le client peut bénéficier d'une
prise en charge partielle ou totale de sa facture d'énergie.
Ce dispositif a permis d'aider 146.000 foyers en 1997, soit une progression
très conséquente depuis 1993, puisque le nombre de foyers
concernés a triplé en 5 ans.
La progression du dispositif d'aide en matière d'électricité et de gaz
|
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
Nombre de foyers aidés |
52 000 |
81 000 |
100 000 |
119 000 |
146 000 |
Montant de l'aide (en millions F) |
51 |
87 |
114 |
118 |
142 |
Part EDF-GDF (en millions F) |
20 |
20 |
37 |
37 |
42 |
2.
Des mesures de prévention
EDF privilégie la prévention à l'égard de ses
clients les plus défavorisés. Le service maintien énergie
leur permet de disposer d'une fourniture minimale d'électricité,
de 1kW à 3 kW selon le type de logement, avant l'intervention des
services sociaux. Ce dispositif concernait 68.500 personnes en 1997.
B. LA MISE EN OEUVRE DE LA SOLIDARITÉ EN MATIÈRE D'EAU
1. Les dispositions existantes
Le présent article vise à aligner le régime de
solidarité en matière de paiement des factures d'eau sur celui
existant en matière d'énergie : il étend à l'eau le
principe de la non-coupure dans l'attente de l'intervention de l'aide de la
collectivité et prévoit des conventions départementales
pour mettre en oeuvre cette aide ainsi que des opérations de
prévention.
Des dispositions en matière d'impayés de factures d'eau existent
déjà même si elles sont plus récentes que celles
concernant la fourniture d'énergie, car les dispositions de la loi du 29
juillet 1992 visaient essentiellement les opérateurs en matière
d'électricité et de gaz.
Le 6 novembre 1996 a été signée une
charte de
solidarité eau
en faveur du maintien des services publics de l'eau
pour les plus démunis. Cette charte associait l'Etat, l'Association des
maires de France, la Fédération nationale des
collectivités concédantes et régies, et enfin le syndicat
professionnel des entreprises de services d'eau et d'assainissement.
Elle ne concernait que les personnes abonnées directement aux services
publics de l'eau et de l'assainissement, celles qui payent l'eau dans leurs
charges ou habitent des logements locatifs continuant de voir leurs dossiers
traités par l'intervention des fonds de solidarité logement.
La charte solidarité eau s'articule autour de trois axes : le maintien
des services publics de l'eau et de l'assainissement pour les personnes
défavorisées, la prise en charge financière de tout ou
partie des factures d'eau, des actions d'information et de pédagogie.
Une commission de solidarité eau devait être créée
dans chaque département au sein du dispositif du Fonds de
solidarité logement.
La mise en place de ces mécanismes de solidarité est encore
à un stade précoce, compte tenu de la jeunesse du dispositif.
Dans plusieurs communes (Dreux, Calais, Villeneuve-Saint-Georges, Albertville,
Pessac..) ont été signées des chartes locales
prévoyant la constitution d'un fonds commun local de solidarité,
mais les conventions locales sont loin d'être
généralisées.
Une circulaire du 23 octobre 1997
a précisé aux
préfets de région et de département les modalités
d'application de la convention. Elle devrait donc permettre un
développement du dispositif en 1998.
2. La question du financement
Les distributeurs d'eau se sont engagés à prendre en charge
à hauteur de 15 millions de francs tout ou partie des factures d'eau des
plus démunis.
Cependant, par rapport à d'autres services publics, le cas de l'eau
est particulier car le distributeur d'eau collecte des sommes pour d'autres
organismes (agences de l'eau, collectivités locales, Etat) : la part lui
revenant représente moins de la moitié de la facture.
Si le mécanisme existant, par lequel l'émetteur de la facture
décide d'un abandon de créances, est simple et rapide, suivant la
nature du contrat entre la collectivité locale et le distributeur d'eau
(concession, régie, affermage), la charge financière
définitive sera diversement répartie.
Dans certains types de contrats, la collectivité locale pourrait
être amenée à supporter directement le coût du
non-paiement des factures.
Il est important de préciser que cet article élève
à un niveau législatif des dispositions conventionnelles dont on
ne mesure pas encore l'impact. Les collectivités locales devraient
notamment être mises à contribution dans le cadre de ces
conventions alors que l'étude d'impact indique un coût
budgétaire nul pour l'Etat.
Il vous est donc proposé un amendement tendant à permettre
à chaque collectivité territoriale concernée ou à
chaque distributeur d'eau d'être partie aux conventions locales.
Il s'agit de donner à chaque collectivité locale concernée
la possibilité d'être partie aux conventions qui la concerneront
financièrement sans toutefois l'y contraindre.
C. LES SERVICES TÉLÉPHONIQUES
1. Les dispositions du présent article
Le présent article pose le principe du droit à une aide de la
collectivité pour accéder ou préserver son accès
à une fourniture de services téléphoniques.
Les dispositions introduites sont moins contraignantes qu'en matière de
fourniture d'eau, puisqu'il n'y a pas de principe de non-coupure ni de
conventions prévues pour mettre en oeuvre concrètement un
dispositif d'aide financière.
2. Le dispositif existant
Des directives européennes relatives au service universel du
téléphone posent les obligations financières maximales que
les Etats peuvent imposer aux opérateurs de
télécommunications, notamment pour des raisons sociales et
organisent la possibilité de faire une péréquation entre
les opérateurs, selon leurs parts de marché, pour les financer.
La loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des
télécommunications les a transposées dans le droit
français.
L'article 8 de la loi de 1996 dispose que "le service universel est fourni dans
des conditions tarifaires et techniques prenant en compte les
difficultés spécifiques rencontrées dans l'accès au
service téléphonique par certaines catégories de personnes
en raison notamment de leur niveau de revenu ou de handicap".
Le service universel du téléphone comprend la mise en place de
tarifs minorés pour l'abonnement de base auprès de
l'opérateur chargé du service universel (en France, France
Telecom) pour permettre aux personnes défavorisées d'avoir
accès au service téléphonique.
Il comprend en outre la possibilité de préserver, en cas
d'impayés, un "service restreint" consistant dans le maintien de la
réception des appels et dans l'accès aux numéros verts ou
aux numéros d'urgence.
Le coût de l'obligation de mettre en place des tarifs minorés a
été évalué à 921 millions de francs pour
1998 et concernerait environ 10 % des abonnés.
Les opérateurs de radiocommunications mobiles; les opérateurs de
réseaux ouverts au public fournissant le service
téléphonique et d'autres services de
télécommunications, les opérateurs ouverts au public
fournissant d'autres services de télécommunication à
l'exception du service téléphonique, contribueront chacun au
fonds mis en place au prorata de leur trafic.
Selon les dispositions du décret n°97-475 du 13 mai 1997, les
personnes bénéficiaires de ces dispositions seraient
déterminées par les organismes sociaux agréés par
les départements.
Cette définition, encore peu opérationnelle, a ralenti la mise en
oeuvre concrète des dispositions de la loi.
Par ailleurs, il faut savoir que le coût global du service universel est
très supérieur au seul coût des mesures sociales. Il a
été évalué par l'Autorité de
régulation des télécommunications à 6 milliards de
francs pour 1998 dont 2,2 milliards pour le déséquilibre de la
structure courante des tarifs de France Telecom, 2,7 milliards pour le
coût de la péréquation géographique, 921 millions de
francs pour la péréquation sociale et 163 millions de francs pour
la couverture du territoire.
Décision de la commission : votre commission émet un avis
favorable à l'adoption de cet article ainsi amendé.