Le texte proposé par le gouvernement dispose que " lorsque la
commission constate l'insolvabilité du débiteur
caractérisée par l'absence de ressources ou de biens saisissables
de nature à permettre d'apurer tout ou partie de ses dettes, elle peut
recommander la suspension de l'exigibilité des créances. ".
L'Assemblée nationale a voté une disposition qui
élargit le champ d'application du moratoire aux situations de
surendettement qui résultent de la mise en cause d'un cautionnement
consenti par le débiteur.
Cette mesure paraît louable dans la mesure où elle est
destinée à éviter que la personne qui s'est portée
caution ne tombe elle-même, par ricochet, dans une situation de
surendettement. Pourtant, cette disposition est inacceptable.
En effet, les commissions de surendettement doivent opter pour un moratoire
ou pour des recommandations en fonction de la gravité de la situation
financière du débiteur et non en fonction de la nature du
surendettement.
En outre, cette mesure risque d'introduire une inégalité
injustifiée entre la caution et le débiteur principal, puisque
ce dernier ne bénéficiera pas automatiquement d'un moratoire.
Votre rapporteur vous propose un amendement qui vise à supprimer
cette disposition.
Le texte proposé par le gouvernement dispose que " lorsque la
commission constate l'insolvabilité du débiteur
caractérisée par l'absence de ressources ou de biens saisissables
de nature à permettre d'apurer tout ou partie de ses dettes, elle peut
recommander la suspension de l'exigibilité des créances autres
qu'alimentaires, fiscales, parafiscales ou envers les organismes de
sécurité sociale. ".
L'Assemblée nationale a refusé d'exclure lesdites dettes et a
imposé l'égalité de traitement entre tous les
créanciers. Pourtant, votre rapporteur estime que cette banalisation non
seulement est inutile, mais également dangereuse et contre-productive
pour les contribuables.
L'une des raisons évoquées pour justifier la banalisation des
dettes fiscales serait l'intransigeance de l'administration fiscale face aux
débiteurs faisant l'objet d'une procédure de surendettement.
Or, les statistiques recueillies par votre rapporteur montrent que
l'administration, tout en disposant d'une procédure spécifique de
remise des dettes, est loin d'être aussi intransigeante que d'aucuns le
soutiennent.
Ainsi, en 1997, les dégrèvements gracieux accordés en
matière d'impôt sur le revenu et de taxe d'habitation se sont
élevés à 1,1 milliard de francs. Par ailleurs, 600.000
demandes gracieuses portant sur les impôts précités ont
été examinées par la direction générale des
impôts et pour 94% d'entre elles dans un délai de moins de trois
mois. 70 % de ces demandes se sont traduites par une remise gracieuse.
De même, votre rapporteur s'est entretenu avec le directeur d'une
succursale de la Banque de France qui a souligné qu'en phase amiable, le
Trésor consentait des efforts au moins aussi importants que les
créanciers privés.
Le maintien des dettes fiscales en dehors de la compétence des
commissions de surendettement n'est donc pas de nature à entraver des
plans de redressement. Cette analyse est par ailleurs confirmée par les
faits : l'endettement fiscal représente moins de 5% de
l'endettement global des personnes surendettées.
En outre, la banalisation des dettes fiscales, parafiscales ou envers les
organismes de sécurité sociale est dangereuse. En effet, la
banalisation des dettes fiscales pose un problème de principe du fait de
la nature même de ces dernières, qui, contrairement aux dettes
privées, sont une contribution pour le financement des services publics.
Votre rapporteur tient, à ce titre, à rappeler
l'article XIII de la Déclaration des Droits de l'Homme et du
Citoyen du 26 août 1789 qui dispose : "Pour l'entretien de la
force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution
commune est indispensable. Elle doit être également
répartie entre tous les Citoyens, en raison de leurs facultés".
En conséquence, votre rapporteur ne peut accepter que la
décision de suspendre l'exigibilité de cette contribution, voire
de l'effacer, puisse être transférée à une simple
commission administrative.
En outre, le refus de la part de l'administration fiscale d'accorder des
remises s'explique souvent par le caractère abusif des demandes, soit
que le débiteur ait organisé son insolvabilité, soit qu'il
ait systématiquement négligé de payer ses impôts,
privilégiant d'autres dépenses. De tels agissements constituent
une violation du pacte social, qui, s'ils se multipliaient, risqueraient de
menacer les fondements mêmes de notre société. Or, la
banalisation des dettes sociales va dans ce sens.
En effet, les personnes ayant volontairement accumulé des
impayés importants auprès des services fiscaux essaieront, au
travers des commissions de surendettement, de faire effacer ces dettes. Comme
ces dernières prendront uniquement en compte la situation
financière des débiteurs et non les raisons qui ont conduit
à une telle situation, elles risquent d'abonder dans leur sens alors
même qu'il s'agira d'une insolvabilité organisée. Or, ce
risque ne doit pas être sous-estimé. La société
française est confrontée à une contestation croissante de
l'impôt et à un affaiblissement de la citoyenneté qui
conduisent les débiteurs, en présence de dettes à la fois
privées et fiscales, à privilégier le remboursement des
premières aux dépens de ces derniers. La banalisation de
l'impôt ne fera qu'aggraver ce phénomène.
Par ailleurs, votre rapporteur craint que l'égalité de
traitement des créanciers se révèle contre-productive pour
les débiteurs surendettés. Sachant que les dettes fiscales
peuvent in fine être annulées par les commissions de
surendettement, l'administration fiscale risque de se montrer beaucoup plus
sévère dans l'examen des demandes gracieuses. En outre, le texte
amendé par l'Assemblée nationale prévoit que les
créances entrant dans le champ d'application de la loi et faisant
l'objet d'un premier effacement ne pourront plus faire l'objet d'un nouvel
effacement pendant huit ans. Supposons que le débiteur ayant
bénéficié de cette mesure ait accumulé des
arriérés en matière de taxe d'habitation. Certes, ces
derniers disparaîtront, mais il sera confronté au même
problème dès l'année suivante. Or, si l'effacement des
dettes fiscales a été décidé contre la
volonté de l'administration, il y a peu de chance que cette
dernière accorde une remise l'année suivante.
Enfin,
votre rapporteur tient à faire remarquer que la banalisation des dettes
fiscales ne manquait pas de soulever des conflits de compétence entre
les juridictions administratives et les juridictions judiciaires.
En effet, c'est la juridiction administrative qui est compétente en cas
de contentieux entre le contribuable et l'administration fiscale sur les
remises d'impôts directs accordées ou refusées. En
revanche, c'est le juge de l'exécution qui est compétent en cas
de contestation par l'administration fiscale des propositions de la commission
de surendettement relatives à la réduction ou à
l'effacement de dettes fiscales. Pour une même dette, on peut donc
aboutir à deux décisions différentes, car issues de deux
juridictions distinctes.