ARTICLE 48
Mise en place d'un moratoire des dettes en cas
d'échec des phases de conciliation et de
recommandation
Commentaire : cet article vise à apporter une
solution aux
débiteurs insolvables en permettant aux commissions de surendettement
non seulement de recommander la suspension de l'exigibilité mais, si
à l'issue du moratoire la situation financière des
débiteurs ne s'est pas améliorée, de proposer la
réduction ou l'effacement de tout ou partie de ses dettes.
I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE GOUVERNEMENT
La loi du 31 décembre 1989 relative à la prévention et au
règlement des difficultés liées au surendettement des
particuliers et des familles, s'est révélée globalement
efficace pour remédier à la montée d'un surendettement
"actif", c'est-à-dire essentiellement lié à un endettement
des ménages supérieur à leurs capacités de
remboursement.
Elle semble toutefois avoir atteint ses limites : face à une
proportion croissante de situations dramatiques caractérisées par
l'absence totale de capacité de remboursement, les commissions de
surendettement sont contraintes de multiplier les moratoires
Or, cette pratique constitue à terme un risque sérieux
"d'engorgement" des commissions. En effet, les cas d'amélioration de la
situation du débiteur sont malheureusement rares. En conséquence,
lorsque la période fixée par le moratoire est
écoulée, le dossier est généralement
déposé de nouveau auprès des commissions de surendettement
qui n'ont guère d'autre solution que de proposer un nouveau moratoire.
Le nombre de dossiers déposés tend donc à augmenter sans
que les commissions puissent leur apporter une solution réelle et
définitive.
Ce constat, que votre rapporteur avait déjà eu l'occasion de
présenter dans le rapport rédigé avec M. Jean-Jacques
Hyest sur le surendettement, a incité le gouvernement à
compléter le dispositif en vigueur en prévoyant une
procédure spécifique applicable aux cas les plus
désespérés.
Ainsi, le présent article vise à insérer après
l'article L. 331-7 du code de la consommation un article L. 331-7-1 qui
instaure deux mécanismes nouveaux : un moratoire des dettes et,
à l'issue de celui-ci et si la situation du débiteur ne s'est pas
améliorée, la réduction ou l'effacement de tout ou partie
des dettes.
A. LE MORATOIRE
Le moratoire ne peut intervenir qu'après le constat d'échec des
négociations pour l'établissement d'un plan amiable.
Jusqu'à présent, en application de l'article L. 331-7 du code de
la consommation, la commission pouvait, en cas d'échec de sa mission de
conciliation, à la demande du débiteur et après avoir mis
les parties en mesure de fournir leurs observations, recommander quatre sortes
de mesures :
• le report ou le rééchelonnement des dettes ;
• l'imputation des paiements d'abord sur le capital ;
• la réduction des taux d'intérêt relatifs aux sommes
correspondant aux échéances reportées ou
rééchelonnées ;
• en cas de vente forcée, la réduction du montant de la
fraction des prêts immobiliers restant due aux établissements de
crédit après la vente.
Désormais, et uniquement lorsque la commission constate
l'insolvabilité du débiteur caractérisée par
l'absence de ressources ou de biens saisissables de nature à permettre
d'apurer tout ou partie de ses dettes et rendant inapplicable le
prononcé des recommandations précitées, la commission
dispose d'une solution alternative. Elle peut, en effet, recommander la
suspension de l'exigibilité des créances autres qu'alimentaires,
fiscales, parafiscales ou envers les organismes de sécurité
sociale pour une durée qui ne peut excéder trois ans.
Le moratoire n'annule pas la dette, il en reporte seulement l'exécution.
Durant cette période, les sommes dues sont donc de plein droit
productives d'intérêts. Toutefois, pour éviter que ces
intérêts ne compromettent trop la situation financière des
débiteurs, ils sont déterminés au taux légal. En
outre, si la situation du débiteur l'exige, la commission peut
recommander la report du paiement des intérêts à l'issue de
la période.
B. LA RÉDUCTION OU L'EFFACEMENT DE TOUT OU PARTIE DES
CRÉANCES
Même si l'introduction d'un mécanisme permettant d'effacer les
dettes des débiteurs dont la situation financière semble
irrémédiablement compromise apparaît inévitable pour
éviter la remise en cause de l'efficacité du dispositif de
traitement du surendettement, elle doit s'accompagner de garanties de nature
à éviter toute dérive. En effet, la réduction ou
l'effacement unilatéral des dettes constitue une violation directe du
droit des contrats.
C'est pourquoi cette procédure est encadrée. Ainsi, à
l'issue du moratoire, la commission réexamine la situation du
débiteur. Deux solutions sont alors envisageables :
• soit la situation financière du débiteur s'est
améliorée pendant le moratoire : la commission peut alors
recommander tout ou partie des mesures prévues à l'article L.
331-7 du code de la consommation ;
• soit le débiteur reste insolvable : dans ce cas, la
commission peut recommander par une proposition spéciale et
motivée la réduction ou l'effacement de créances autres
qu'alimentaire, fiscales, parafiscales ou envers les organismes de
sécurité sociale.
Cette mesure ne peut toutefois être appliquée qu'une fois que le
juge de l'exécution lui a conféré force exécutoire.
Le présent article prévoit que la réduction ou
l'effacement peut être différencié en fonction de la
situation du créancier.
Par ailleurs, aucune dette contractée postérieurement à la
décision de réduction ou d'effacement ne peut faire l'objet d'une
nouvelle réduction ou d'un nouveau effacement sur une période de
dix ans afin d'éviter les abus (cette période a été
réduite à huit ans par l'Assemblée nationale en
première lecture).
II. LE DISPOSITIF VOTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'Assemblée nationale a sensiblement modifié en première
lecture le texte proposé par le gouvernement. Or, votre rapporteur est
plutôt réservé sur la pertinence de ces modifications dont
la rédaction est souvent peu rigoureuse et qui sont parfois
inacceptables dans leurs principes.