Article 30 -
Création d'une taxe sur la
vacance
Cet
article instaure un système d'imposition des logements vacants en
insérant un article 232 dans le code général des
impôts.
Si la philosophie du dispositif apparaît d'emblée comme
très contestable, son contenu, dont il convient de faire ici l'analyse,
est également très critiquable.
Le paragraphe I
du nouvel article 232 du code
général des impôts instaure à compter du
1er janvier 1999 une taxe annuelle sur les logements vacants
situés dans des communes appartenant à des zones d'urbanisation
continue de plus de deux cent mille habitants, où il existe un
déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de
logements au détriment des personnes à revenus modestes ou
défavorisées.
Ce déséquilibre sera apprécié compte tenu du nombre
élevé de demandeurs de logements par rapport au parc locatif et
au nombre de logements vacants dans l'ensemble du parc immobilier existant.
C'est un décret qui fixe les listes des communes concernées par
l'instauration de la taxe.
29 agglomérations sont potentiellement concernées par ce
dispositif. Il s'agit de : Paris, Lyon, Marseille-Aix-en-Provence, Lille,
Bordeaux, Toulouse, Nice, Nantes, Toulon, Grenoble, Strasbourg, Rouen,
Valenciennes, Antibes-Cannes-Grasse, Nancy, Lens, Saint-Etienne, Tours,
Béthune, Clermont-Ferrand, Le Havre, Montpellier, Rennes,
Orléans, Dijon, Mulhouse, Angers, Reims et Brest.
On peut indiquer, tout en étant extrêmement prudent du fait du
manque de fiabilité des statistiques évaluant la vacance, que
dans les neuf villes françaises de plus de 200 000 habitants, le
taux de vacance se situe presque toujours entre 8,0 % et 12 % sauf
à Strasbourg (6,6 %). Le taux parisien est évalué
à 9,0 %. Des taux supérieurs sont atteints à Lyon,
Marseille, Toulouse (9,3%), Nice (11,1 %) et Bordeaux
(12,0 %)
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*
)
.
Les modalités d'adoption de la liste des communes concernées sont
contestables tant sur le fond que sur la forme.
D'une part, l'appréciation du caractère
déséquilibré du marché immobilier locatif englobe
la totalité du marché locatif, y compris le parc social public,
alors que seuls les propriétaires privés sont redevables de cette
taxe. Ainsi, dans certains cas, les propriétaires privés seront
pénalisés par les forts taux de vacance du seul parc immobilier
HLM. D'autre part, la procédure d'élaboration de la liste n'offre
pas suffisamment de garanties aux propriétaires. Il conviendrait au
minimum que ce dispositif soit adopté dans les mêmes formes que le
décret relatif à l'évolution de certains loyers dans
l'agglomération parisienne, d'autant plus qu'il relève du
même esprit -à savoir limiter le droit de propriété
au nom de la solidarité nationale- et que son champ d'application
devrait être sensiblement identique. Or l'article 18 de la loi
n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à
améliorer les rapports locatifs stipule que la liste des communes
soumises à l'encadrement des loyers fait l'objet d'un décret en
Conseil d'Etat, pris annuellement, après avis de la commission nationale
de concertation. Pour assurer une protection minimum des propriétaires
contre l'arbitraire administratif, il faudrait que la liste des communes,
où est instaurée la taxe sur les logements vacants, soit, elle
aussi, fixée et révisée annuellement par un décret
en Conseil d'Etat.
Le paragraphe II
précise le champ d'application de la taxe, qui
s'applique à tout logement vacant pendant au moins deux années
consécutives au 1er janvier de l'année d'imposition. Il
exclut expressément les logements attribués sous condition de
ressources détenus par les organismes d'habitation à loyer
modéré et les sociétés d'économie mixte.
Ce cas d'exclusion apparaît d'autant plus injuste que le taux de vacance
dans le parc HLM est, comme il a été indiqué plus haut,
pris en compte pour déterminer la liste des communes où
s'applique la taxe. De plus, le sort particulier et favorable
réservé au parc immobilier des SEM induit une rupture
d'égalité entre les personnes morales de droit privé
gérant un parc mobilier locatif.
Le paragraphe III
précise que la taxe est acquittée par
le propriétaire, l'usufruitier, le preneur à bail à
construction ou à réhabilitation ou l'emphytéote qui
dispose du logement depuis le début de la vacance.
Le paragraphe IV
fixe les règles de calcul de cette taxe, dont
l'assiette est constituée par la valeur locative du logement. Le taux de
la taxe est progressif puisque il est fixé à 10 % la
première année d'imposition, à 12,5 % la
deuxième année et à 15 % à compter de la
troisième année.
Les paragraphes V et VI
fixent des cas d'exonération en fonction
de certains types de vacance :
- le paragraphe V indique qu'un logement ne sera pas
considéré comme vacant si il est occupé chaque
année pendant trente jours consécutifs.
- le paragraphe VI dispose que la taxe n'est pas due en cas de vacance
subie par le contribuable.
Ces deux éléments vont très certainement induire de
multiples contentieux car leur interprétation dépendra
très largement de l'arbitraire de l'autorité administrative. En
effet, s'agissant de la vacance subie, aucune définition précise
n'a pu être donnée à votre commission alors qu'il s'agit en
définitive d'écarter du champ d'application de la taxe, les
logements vacants pour des raisons légitimes.
L'énumération de ces raisons a été faite à
plusieurs reprises par le Secrétaire d'Etat au logement ou ses services,
mais il n'est pas prévu qu'un texte règlementaire en fasse la
liste exhaustive, ce qui ne manquera pas de donner lieu à des
interprétations divergentes, portant ainsi atteinte au principe
d'égalité des citoyens devant la loi. De plus, le système
fait supporter la charge de la preuve au propriétaire qui doit
démontrer que la vacance de son logement est subie. La vacance subie
couvre ainsi le cas du propriétaire qui n'a pas les moyens de faire
réhabiliter son logement, ou qui ne trouve pas de locataire alors que
son bien est proposé au prix du marché, ou encore qui cherche
à vendre son logement sans trouver d'acquéreur. Ces trois
exemples suffisent pour prendre conscience des difficultés d'application
de ce dispositif.
En effet, quelles preuves faudra-t-il apporter pour établir
l'insuffisance de ses ressources, ou pour justifier d'un arbitrage en faveur
d'un autre type de dépenses ?
Enfin, comment pourra-t-on estimer le prix du marché pour un logement
donné, lorsqu'on sait que de multiples critères entrent en ligne
de compte (emplacement, éléments de confort, standing de
l'immeuble, étage...) ? Quels éléments devra fournir
un propriétaire pour justifier des démarches entreprises pour
louer ou vendre son logement ?
Il n'est pas acceptable que le propriétaire soit tenu d'apporter la
preuve de sa bonne foi, puisque cette taxe est censée sanctionner les
propriétaires pratiquant une rétention injustifiée. Il y a
fort à craindre que l'appréciation de ce critère, a priori
très subjectif, donne lieu à des interprétations
divergentes voire opposées d'un service fiscal à l'autre. Enfin,
les risques de fraude et de dissimulation sont d'autant plus importants que la
définition des cas d'exonération est vague.
Le paragraphe VII
aligne la taxe, en matière de contrôle,
de recouvrement, de contentieux, de garanties et de sanctions sur le
régime de la taxe foncière sur les propriétés
bâties.
Enfin,
le paragraphe VIII
affecte le produit net de la taxe à
l'Agence pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) qui finance des travaux
de réhabilitation dans le parc locatif privé.
Le choix de cette affectation est d'autant plus dérisoire, compte tenu
du rendement très faible escompté de cette taxe, que depuis 1987,
la collecte de la taxe additionnelle au droit de bail (TADB) n'alimente plus
directement le budget de l'ANAH.
Compte tenu de la réforme de la TADB intervenue en 1992, l'écart
est croissant entre la forte progression du produit de cette taxe et la faible
évolution du budget de l'ANAH. Le " décrochage
avéré " à partir de 1991 s'élève depuis
1994, à plus d'un milliard de francs par an.
Au-delà même de sa position très réservée sur
la philosophie de ce dispositif, votre commission considère qu'il est
inapplicable en l'état et totalement inefficace.
Elle vous propose en conséquence d'adopter un amendement de
suppression.