M. Yvon TALLEC
Premier substitut
Chef de la 12ème section du
Parquet des mineurs de Paris
M. Yvon TALLEC
.- La section des mineurs du parquet de
Paris est une importante section en nombre, puisqu'y travaillent sept
magistrats et vingt-et-un fonctionnaires. Nous sommes en relation avec cinq
juges d'instruction spécialisés dans les affaires de mineurs,
treize juges des enfants et une chambre correctionnelle qui ne traite que de ce
contentieux.
Au point de vue des statistiques, la brigade de protection des mineurs de
Paris, sur 986 affaires pénales traitées en 1996, a relevé
488 affaires de violence sexuelle, soit 49,5 % de son contentieux. Je vous
rappelle ces quelques chiffres pour vous indiquer que ces affaires de violence
sexuelle sont en hausse de 8,2 % par rapport à 1996, qu'à
l'intérieur de ce contentieux, les viols ont tendance à baisser
et que les agressions et atteintes sexuelles sont en hausse de 16 %.
Il faut noter que, sur ces viols et atteintes sexuelles, 38,9 % ont
été commis dans un cadre familial par des ascendants ou des
personnes ayant autorité, et que 25 % des auteurs de ces
infractions sont des mineurs. C'est dire que la proposition qui va être
retenue par la représentation nationale sur le suivi socio-judiciaire et
qui, comme vous le savez, a été étendue aux mineurs, est
importante pour nous, puisque nous observons de façon très
inquiétante cette montée de la proportion des mineurs comme
auteurs d'agressions et de violences sexuelles.
78 % des victimes ont moins de 15 ans lorsqu'elles ont été
victimes de viols, et 82,5 % ont moins de 15 ans lorsqu'il s'agit
d'agressions et d'atteintes sexuelles. Nous observons au fil de ces
dernières années un rajeunissement des auteurs mineurs (cela a
déjà été dit) mais, surtout, des victimes mineures.
Je vais donc essayer de vous apporter un point de vue très concret sur
l'approche concernant plus spécialement les mineurs, et le texte que
vous allez être amenés à étudier, à
éventuellement modifier et à voter est quand même
très finalisé sur une meilleure protection des mineurs.
Nous nous réjouissons de ce texte, dont la double paternité nous
semble très riche puisque, au fil du temps, les propositions se sont
considérablement améliorées.
En ce qui concerne le suivi socio-judiciaire, du point de vue du parquet, il
semble important de pouvoir tenir suffisamment d'éléments,
lorsque nous avons à requérir cette peine, soit à titre de
peine complémentaire, soit à titre de peine principale, devant la
juridiction qui aura à en décider.
Il est certain, et je m'associerai à tout ce qui a été dit
jusqu'à présent, que l'une des difficultés les plus
grandes pour ce type de peine, en particulier pour les peines
complémentaires, est l'insuffisance de nos moyens. Vous savez que la
justice, aujourd'hui, et en particulier celle des mineurs, pèche par ce
que j'appellerai une "déficience de son service après-vente". Je
pense que le judiciaire arrive à tenir à peu près la barre
pour ce qui est de la décision, mais les choses deviennent tout à
fait catastrophiques pour nous, et surtout pour les mineurs, quand on
considère cette insuffisance de moyens, qui allonge sans arrêt les
délais de prise en charge de toutes ces mesures complémentaires
qui sont extrêmement intéressantes mais qui, faute de temps et de
moyens suffisants, ne sont souvent pas mises en oeuvre.
Combien de fois avons-nous à requérir alors qu'il s'agit d'une
seconde affaire, d'une récidive, et que les sursis de mise à
l'épreuve qui ont été prononcés pour l'affaire
précédente n'ont même pas encore le moindre début
d'exécution. Combien de fois essayons-nous de convaincre la juridiction
pour prononcer un travail d'intérêt général ou une
mesure de réparation, tout en sachant qu'il n'existe pas de services
suffisamment diligents et dotés de suffisamment de moyens pour les
mettre en oeuvre.
Cette difficulté en termes de moyens (j'insiste aujourd'hui à ce
sujet puisque vous aurez vraisemblablement à la régler lorsque
vous examinerez le budget de la Justice) est, pour le suivi socio-judiciaire,
ce qui me paraît le plus important.
Cela étant rappelé, ce texte est un progrès, surtout dans
cette dimension du traitement médical, encore que nous devions
être très vigilants à ne pas jouer le mouvement de
balancier, à ce que la justice ne lâche pas ses
responsabilités du côté des médecins. Il a
été bien dit ce matin que cette décision devait être
judiciaire.
Je voudrais maintenant reprendre, sous leurs aspects les plus concrets, les
éléments qui ont été présentés
à la fois par Mme Cartier et par le docteur Coutanceau et qui
concernaient le phasage, qui me semble insuffisant aujourd'hui dans le texte,
de la mise en oeuvre de ce suivi socio-judiciaire.
Lorsqu'il s'agit de la possibilité, pour le parquet, de requérir
une mesure de suivi socio-judiciaire dans le cadre d'une peine principale, le
parquet va être dans l'instantanéité du moment où la
décision doit être prononcée. Donc il pourra indiquer,
à partir des avis des experts, qu'il lui apparaît important qu'un
suivi socio-judiciaire soit mis en place pour une durée qui, comme vous
le savez, en matière correctionnelle, peut aller jusqu'à cinq ans
et, en matière criminelle, jusqu'à dix ans.
Mais, comme Mme Cartier l'a bien indiqué ce matin, lorsque, en
matière d'affaires criminelles, la cour d'assises aura à
prononcer une peine d'emprisonnement souvent très longue (je vous
rappelle que, dans ce genre d'affaire, elle peut aller de huit à quinze
ans, voire plus), je crois qu'il serait important, plutôt que de
maintenir aujourd'hui le principe consistant à renvoyer vers le juge
d'application des peines la prise en charge de l'avenir de la mesure, de
renvoyer, pour un reexamen du dossier, sinon vers le tribunal de
l'exécution (ce qui n'existe pas en matière pénale), du
moins vers la juridiction qui a prononcé cette peine. On
réaliserait des expertises actualisées à la suite de ce
temps passé en détention. Le législateur a d'ailleurs bien
souligné l'intérêt d'une liaison entre ce qui pourrait
être fait, justement, dans le cadre carcéral et la
possibilité d'affecter ces détenus dans des centres
spécialisés où ils recevraient un certain nombre de soins
médico-psychologiques pour que puisse être
réévaluée, par rapport à la dangerosité ou
le risque de récidive de l'intéressé, cette peine de suivi
socio-judiciaire.
Pour ce qui concerne la répression des infractions de nature sexuelle et
celle mettant en péril les mineurs, le texte tel qu'il a
été corrigé par l'Assemblée nationale
présente d'excellentes dispositions, en particulier le fait d'avoir
corrigé le décalage qui existait avec l'article 227-25, qui vise
les atteintes sexuelles commises sur des mineurs sans contraintes ni violences
(qui étaient punies précédemment d'une peine de prison de
deux ans qui a été fixée par l'Assemblée nationale
à cinq ans pour rétablir un équilibre avec la circonstance
aggravante du 227-26, qui prévoit une peine de dix ans), mais je pense
qu'il faudrait peut-être aller encore un peu plus loin dans
l'appareillage répressif vis-à-vis de l'auteur des atteintes
sexuelles, pour ce qui concerne l'actuel article 227-27, qui prévoit des
pénalités pour les atteintes sexuelles commises sans violence, ni
contrainte, ni surprise sur des mineurs âgés de 15 à 18 ans.
Les deux seules circonstances aggravantes aujourd'hui sont celles d'ascendants
ou de personnes ayant autorité ou celles de personnes qui abusent de
l'autorité que leur confère leur fonction. Or nous relevons dans
la pratique que la quasi-totalité des mineurs fugueurs qui sont
concernés dans cette tranche d'âge de 15 à 18 ans
sont soumis, au cours de leur fugue, à énormément de
sollicitations de la part de majeurs qui se livrent avec eux à des
rapports sexuels sans violence, ni contrainte, ni surprise, mais moyennant la
pression, qui n'est pas mince, d'une contrepartie financière et d'une
rémunération. C'est dans cette tranche d'âge qu'est
favorisée la possibilité d'installation desdits mineurs dans la
prostitution, voire dans des réseaux de prostitution.
Nous pensons donc qu'il serait souhaitable d'ajouter aux circonstances
aggravantes de l'article 227-27 un "troisièmement" qui prévoirait
la possibilité de condamner ces atteintes sexuelles commises sans
contrainte, ni violence, ni surprise lorsqu'elles s'accompagnent du versement,
par un majeur bien évidemment, d'une rémunération.
Enfin, sur ce point des pénalités, dans le jeu entre les deux
projets qui nous ont été soumis, a été
abandonnée l'infraction de détention d'images à
caractère pornographique. Dans le cadre de l'affaire Toro Bravo,
à Paris, dont la presse s'est fait l'écho, le parquet a
été assez gêné dans ses réquisitions pour la
raison suivante : aujourd'hui, les diffuseurs sont punis d'une peine qui
va de un à trois ans, de même que ceux qui diffusent des messages
à caractère pornographique sont punis d'une peine de trois ans,
mais, pour les receleurs, c'est-à-dire tous ceux dont il a
été question ce matin, qui détiennent du matériel
pornographique et qui ne sont pas obligatoirement, au regard de l'ordre public,
des personnes risquant de passer à l'acte sur des mineurs, nous sommes
obligés de nous livrer à une construction juridique consistant
à les poursuivre et à les condamner sur la base du recel, en
général, dont le maximum de la peine est de cinq ans.
Je pense qu'à cet égard, il serait peut-être
intéressant de réintroduire cette infraction spécifique de
détention d'images de mineurs à caractère pornographique.
Pour ce qui est de la protection des mineurs et des différentes
questions qui sont soumises à votre examen, je retiens une proposition
sur l'administrateur
ad hoc
qui, comme mon collègue vient de
vous le dire, est pour nous un auxiliaire précieux qui pourrait
effectivement être désigné dès le début de
l'enquête de police par le parquet. Je me réjouis de voir que,
dans l'article 706-51-1, il est bien prévu que cet administrateur
ad
hoc
puisse être désigné par le magistrat, quelles que
soient les circonstances, lorsque les parents ne paraissent pas aptes à
assurer la protection du mineur. Je me réjouis également qu'un
décret doive fixer prochainement sa rémunération.
Cela dit, je pense qu'il y aurait tout d'abord une petite amélioration
technique à apporter. Je crois en effet qu'il faut éviter la
multiplication des termes. L'Assemblée nationale a retenu dans cet
article "
le mandataire
ad hoc
" alors qu'ailleurs, il
est question
de "
l'administrateur
ad hoc
". Je crois qu'il nous
faudrait
harmoniser ces définitions et bien retenir, dans cet article 706-51-1,
la notion "
d'administrateur
ad hoc
" (et non pas de
"
mandataire
", pour que les choses soient bien claires), et je
me
réjouirais de voir supprimer le "
s'il y a lieu
" à propos
du décret qui doit fixer la rémunération.
Vous savez qu'actuellement, les administrateurs
ad hoc
sont des
personnes qui travaillent sur la base du bénévolat, qu'elles sont
obligées de venir pleurer dans nos cabinets de parquetiers ou de juges
pour utiliser nos téléphones parce qu'elles ne peuvent se faire
rembourser aucun frais de ce type et que, si elles doivent aller visiter (c'est
le cas très fréquemment) des mineurs qui demeurent loin du
tribunal où l'affaire est traitée, elles n'ont pas de
remboursement de leurs frais. Puisqu'il est prévu une liste
d'agréments, c'est-à-dire - je le suppose - une
qualification et une formation, ce qui est tout à fait positif, il
faudrait que la rémunération ne soit pas
"s'il y a lieu"
mais tout à fait prévue par les textes.
Enfin, je voudrais terminer par ce qui m'intéresse le plus dans ce
texte, à savoir l'utilisation de la vidéo dans la
procédure judiciaire concernant les mineurs.
Tout d'abord, je m'attriste quelque peu de voir que, sous l'effet
médiatique, la maltraitance des mineurs, aujourd'hui, a basculé
dans le champ des abus sexuels. La maltraitance des mineurs ne se limite pas
aux abus sexuels. Rappelez-vous ces campagnes que nous avons connues
après la loi de 1989 : il n'existait en France, à voir les
affiches qui couvraient nos murs, que des enfants éborgnés,
pleins d'hématomes, aux bras cassés et à la mâchoire
déformée. Aujourd'hui, il n'existe plus, en maltraitance, que des
mineurs abusés sexuellement.
Il me semblerait donc tout à fait essentiel que, dans cette
possibilité d'utilisation de la vidéo pour l'audition des mineurs
victimes, vous réintroduisiez la possibilité d'une extension des
mineurs victimes de violences, et non pas seulement d'abus sexuels,
c'est-à-dire les articles 222-10, 222-12, 222-13 et, pour partie, 222-14
(je dis "pour partie" parce que le premier alinéa de l'article 222-14
vise les violences ayant entraîné la mort et il serait donc tout
à fait déplacé de viser la totalité de cet
article), dans les 2ème, 3ème et 4ème alinéas.
A ce sujet, sur le plan de la rédaction, il serait souhaitable que soit
modifié le début de cet article 706-53, qui, assez
maladroitement, vise l'article 706-48. Lorsque vous lisez l'article 706-48 du
projet, vous vous apercevez qu'il commence par : "
les personnes
poursuivies pour le meurtre ou l'assassinat d'un mineur
précédé ou accompagné d'un viol et de
tortures".
Je ne pense pas que l'on puisse vidéoscoper ceux qui,
malheureusement, sont décédés à la suite de ces
traitements. Il faudrait donc supprimer le renvoi à l'article 706-48 et
bien viser la liste des textes suivants, à savoir 222-23, etc. (je vous
fais l'économie de l'énumération).
Il conviendrait également d'ajouter cette possibilité
d'utilisation de l'audiovisuel pour la maltraitance au sens très large.
Cela étant dit, je voudrais indiquer ici qu'à mon avis,
l'utilisation de l'audiovisuel peut constituer un progrès dans la
procédure pénale concernant les mineurs victimes mais qu'il faut
aussi avoir d'extrêmes réserves vis-à-vis de l'utilisation
de cet audiovisuel. Il serait peut-être un peu long de le
développer ici, mais vous êtes sensibilisés à
l'impact des images.
Ce texte a un mérite tout à fait essentiel que je n'ai pas
rappelé mais qui va beaucoup aider les juges d'instruction : la
qualité du traitement à réserver aux mineurs victimes.
Vous savez que c'est déjà une pratique puisque, depuis de
nombreuses années, les juridictions y sont extrêmement
sensibilisées, et M. Coutanceau a parlé de l'humanité
et du tact. Il est donc important qu'un texte aide ceux qui ont à
connaître de ces procédures en précisant qu'il faut
éviter la multiplication des auditions. Cela permettra en particulier
aux juges d'instruction de refuser des demandes d'audition
complémentaire, etc.
Cependant, alors que, d'un côté, on simplifie, il ne faudrait pas
rigidifier et alourdir les choses de l'autre en introduisant cet audiovisuel
partout. En effet, vous risqueriez alors d'introduire d'autres rigidités
qui sont celles de l'image.
Je préférais donc l'ancienne rédaction : "
au cours
de l'enquête
ou
de l'information"
(et non pas "
et de
l'information"
), puisque l'idée est bien d'avoir une chaîne de
traitement complète. En effet, la majorité des affaires dont nous
vous parlons concernant les mineurs sont initiées par une plainte
intervenant à la suite du signalement d'un service social ou d'un
service éducatif et débouchent sur une enquête
auprès des services spécialisés, c'est-à-dire, en
général, lorsque les juridictions en sont dotées,
auprès de la brigade de protection des mineurs.
Par conséquent, la nécessité de réutiliser
l'audiovisuel, pour le juge d'instruction, doit être tout à fait
mesurée. Il ne faudrait pas que l'on substitue à une
procédure orale une procédure vidéoscopée et
visuelle jusqu'au bout.
A cet égard, je vous indique que, pour finir (cela a été
mentionné ce matin), il y a le problème de la protection par
rapport à l'utilisation possible de ces bandes. Il me semble important
que la proposition qui a été faite par l'Assemblée
nationale soit maintenue, c'est-à-dire, si j'ai bien compris, que nous
ayons un enregistrement original et une copie, mais je crois qu'il vous
faudrait revoir, si ce n'est pas déjà fait, le texte sur ces
enregistrements qui, pour l'instant (on le comprend), à la suite des
ajouts liés aux amendements, est très obscur pour les praticiens
que nous sommes. J'insiste beaucoup sur ce point.
Il est parlé "
d'une copie"
et "
des
enregistrements"
(au
pluriel). Soit il faut être très précis et très
clair en parlant "
d'une copie"
et
"d'un
enregistrement"
, soit il
faut parler "
de tout"
ou "
de chaque
enregistrement",
en
sous-entendant les enregistrements qui ont lieu pendant la phase
d'enquête initiale, dans les services de police, puis ceux qui auront
paru opportuns au juge d'instruction. Il faut donc une grande clarté
à cet égard.
Il faut aussi une grande clarté sur l'utilisation de l'original et des
copies.
Je pense qu'il faut absolument que vous prévoyiez que copie et original
(ou originaux) soient placés sous scellés, pour éviter les
risques que nous avons connus ailleurs lorsqu'il s'agissait de la diffusion de
P.V. manuscrits, c'est-à-dire pour éviter que cette copie (pour
employer un langage un peu trivial) se promène dans le tribunal. Il est
écrit ici : "
cette copie est faite à partir de
l'enregistrement original, après ouverture des scellés par la
juridiction"
. Je pense qu'il faut que vous soyez très
précis : qu'il s'agisse de la copie ou de l'original placé
sous scellés, le visionnage de cette bande ne peut être fait, me
semble-t-il, qu'en présence du juge d'instruction et dans son cabinet
ainsi qu'en présence de l'avocat. Il n'est pas envisageable qu'une copie
ou un enregistrement original puisse se promener et être dupliqué
dans les couloirs du palais, sinon ailleurs. Imaginez les effets que pourraient
produire l'utilisation de telles images sur les médias, quels qu'ils
soient.
Mon dernier point concerne le bizutage, et je serai très court. Je
m'associe à ce qui a été dit, en particulier par
Mme Cartier, sur le peu d'intérêt que présente pour le
parquet cette nouvelle disposition, puisque nous avons déjà un
appareillage suffisant en matière pénale.
Je me suis posé la même question que celle que vous avez
posée tout à l'heure. En effet, le texte est assez
étonnant : il prévoit qu'en dehors de toute violence,
certains actes de bizutage peuvent porter gravement atteinte à la
dignité de la personne, ce qui est exact, mais, dans la
réalité, il y a des violences.
Je pense donc qu'il serait peut-être intéressant, si ces textes
n'étaient pas abandonnés (et je pense qu'il sera un peu difficile
de les abandonner pour des raisons politiques évidentes), de
prévoir une circonstance aggravante de plus (vous me direz qu'il y en a
beaucoup) dans l'article 222-13 sur les violences, en intégrant ce
contexte scolaire et ces violences visant les atteintes à la
dignité de la personne.
J'en ai terminé, Monsieur le Président.
M. le PRESIDENT
.- Je vous remercie.
M. JOLIBOIS
.- Je n'ai qu'une question à poser. Vous avez tous les
deux, Messieurs les Procureurs, suggéré que le tuteur
ad
hoc
puisse être nommé directement à la phase de
l'enquête. Par qui et comment peut-il l'être ? Est-ce que vous
envisagez une procédure ou est-ce seulement le parquet qui le
ferait ?
M. TALLEC
.- C'est le procureur qui le désignerait.
M. JEANNIN
.- Oui, tout à fait. Il faut voir que toutes ces
procédures, comme les trois quarts de ce qui est traité dans ce
type de dossier, sont traitées quasiment en temps réel. Donc
lorsque l'enquête démarre, le magistrat du parquet qui est de
permanence et qui suit l'affaire, qu'il s'agisse d'un généraliste
ou d'une section spécialisée, est tout à fait
habilité à désigner, dès lors que l'on a
effectivement une liste d'intervenants compétents dans ce domaine, le
tuteur
ad hoc
.
M. JOLIBOIS
.- La seule chose, c'est qu'il n'y a pas d'appel possible,
puisque c'est une mesure d'administration judiciaire.
M. JEANNIN
.- Il n'y en avait pas non plus jusqu'ici dans la
désignation.
M. JOLIBOIS
.- Il y a quand même le contrôle de la chambre
d'accusation sur l'ordonnance du juge.
M. JEANNIN
.- Je n'ai pas d'exemples d'appel sur la désignation du
tuteur
ad hoc
.
M. TALLEC
.- De toute façon, le projet prévoit la
possibilité de la présence d'un administrateur
ad hoc
, par
exemple, dans les auditions vidéo, ce qui est vidé de sens tant
que le juge d'instruction n'est pas saisi, puisque le ministère
ad
hoc
ne sera désigné que lorsqu'un juge d'instruction sera
saisi.
Sur ce point de l'audition, d'ailleurs, il est vrai que le procureur aura un
rôle tout à fait important à jouer pour décider,
tout d'abord, de l'opportunité de ladite audition et, ensuite, de la
présence ou non d'un certain nombre de sachants, en particulier les
parents, puisqu'il en a été question tout à l'heure. Dans
de nombreuses affaires où les parents sont auteurs, il est bien
évident qu'il est déjà non opportun de recueillir leur
avis. Je pense que l'essentiel, c'est d'avoir l'avis du mineur (c'est la
moindre des choses).
Quant aux représentants légaux, il doit y avoir un pouvoir
d'appréciation du parquet. On peut tout à fait concevoir que les
personnes qui sont mises en cause et qui sont représentants
légaux ne souhaitent pas l'audition vidéo, et je pense que le
parquet doit pouvoir passer outre et faire procéder à cette
audition.
M. JOLIBOIS
.- Très bien. Merci.
M. de BOURGOING
.- M. Tallec a regretté tout à l'heure que
l'on parle de temps en temps "
d'administrateur
" et de temps en
temps de
"
mandataire
", mais il y a un troisième terme : celui de
"
tuteur
". Au fond, il y en a trois. Vous nous avez dit que vous
regrettiez qu'il y en ait deux alors qu'en fait, il y en a trois. Je crois donc
qu'il faudrait faire un choix.
M. TALLEC
.- Je pense qu'il faut effectivement un seul terme.
M. de BOURGOING
.- Quelle serait votre préférence ?
M. TALLEC
.- Ma préférence irait à
"
l'administrateur
ad hoc"
, puisque le terme
"
tuteur
"
introduit une ambiguïté avec la tutelle (avec le tuteur du mineur)
et que "
mandataire
" me semble moins précis.
M. DREYFUS-SCHMIDT
.- Ce n'est qu'un détail, Monsieur le
Président, mais j'ai une question à poser à propos de la
mise sous scellés des enregistrements. Je voudrais que l'on pense aux
droits de la défense. En effet, quand un avocat arrive dans une affaire,
il me paraît avoir le droit de voir les enregistrements. Vous avez fait
allusion à une affaire d'enregistrements qui étaient sous
scellés. Or j'ai connu un avocat qui voulait voir l'enregistrement pour
savoir s'il acceptait ou non de plaider, ce qui n'a pas été
possible parce qu'elle était sous scellés.
M. TALLEC
.- Techniquement, le juge d'instruction peut décider de
procéder à l'ouverture des scellés. Il faut d'ailleurs
qu'il en soit ainsi.
M. DREYFUS-SCHMIDT
.- Mais après que l'instruction est
terminée, Monsieur le Procureur.
M. JEANNIN
.- Sur ce point, tout dépend de la nature que vous
donnerez à ce scellé. Soit vous considérez que c'est une
pièce de la procédure, auquel cas il faudra trouver un moyen
présentant effectivement le maximum de garanties pour que la
défense puisse y avoir accès dans le cadre de la communication du
dossier, soit vous considérez que c'est une pièce à
conviction, ce qui me semble difficile, auquel cas nous sommes uniquement dans
la procédure d'ouverture de scellés.
Je pense que, si c'est une pièce de la procédure (et cela semble
quand même y correspondre, puisque ce n'est jamais que l'enregistrement
de l'audition), il faut trouver un moyen, effectivement, pour que la
défense puisse l'avoir, mais je rejoins mon collègue,
M. Tallec, pour dire qu'il faut faire également très
attention, à partir du moment où on passe à
l'enregistrement vidéo, aux risques de fuites, même involontaires,
de ces pièces qui, malheureusement - nous le savons -
passionneraient certains prédateurs dans ce domaine.
M. DREYFUS-SCHMIDT
.- Nous sommes tout à fait d'accord.