Article 19
Protection des mineurs victimes
Cet article a pour objet d'insérer dans le code de procédure pénale un titre relatif à la procédure applicable aux infractions de nature sexuelle et à la protection des mineurs. Ce nouveau titre comprendrait les articles 706-47 à 706-55, également insérés par le présent article 19 dans le code de procédure pénale.
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· En première lecture, le Sénat avait supprimé le
texte proposé pour
l'article 706-47
, qui apportait une
précision inutile sur le délai de prescription des crimes et
délits commis sur des mineurs. L'Assemblée nationale a maintenu
cette suppression en deuxième lecture.
· Le texte proposé pour l'article 706-48 exige, avant tout jugement sur le fond, une expertise médicale en cas d'infraction sexuelle ou meurtre ou assassinat de mineur précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie. L'Assemblée nationale a retenu en deuxième lecture le texte voté par le Sénat.
· Le texte proposé pour l'article 706-48-1 avait été introduit par le Sénat en première lecture afin de prévoir que tout mineur victime d'une infraction sexuelle serait assisté d'un avocat. Cette disposition traduisait le souci de votre commission des Lois d'assurer au mieux la défense des intérêts du mineur victime dans le cadre d'une procédure pénale et d'aligner les droits de celui-ci sur ceux du mineur délinquant. Le rapporteur de l'Assemblée nationale, Mme Frédérique Bredin, a toutefois fait observer que le mineur délinquant et le mineur victime n'étaient pas dans la même situation : " le premier doit assurer sa défense, alors que le second a avant tout besoin d'un soutien psychologique. Or, les personnes qui sont autorisées en vertu du nouvel article 706-54 du code de procédure pénale à l'assister durant les auditions ou les confrontations (psychologue, membre de la famille, personne chargée d'un mandat du juge des enfants, administrateur ad hoc) semblent mieux placées pour le faire ; en outre l'administrateur ad hoc est chargé d'assurer la protection des intérêts du mineur (art. 706-51 du code de procédure pénale) ".
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· Le texte proposé pour
l'article 706-49
permet une
expertise médico-psychologique des mineurs victimes d'une infraction
mentionnée à l'article 706-48
" destinée à
apprécier la nature et l'importance du préjudice subi et à
établir si celui-ci rend nécessaire des traitements ou des soins
appropriés "
. En deuxième lecture, l'Assemblée
nationale a simplement clarifié la présentation du premier
alinéa de cette disposition, sans en modifier le fond.
· Le texte proposé pour l'article 706-50 traite des conséquences de l'ouverture d'une procédure pour infraction sexuelle sur la procédure d'assistance éducative dont le mineur victime de ladite infraction peut faire l'objet.
En première lecture, l'Assemblée nationale avait en outre insisté sur la faculté pour le procureur de la République d'apprécier l'opportunité de requérir du juge des enfants l'ouverture d'une procédure d'assistance éducative si le mineur ne faisait pas l'objet d'une telle procédure. Estimant cette adjonction inutile, le Sénat l'avait supprimée.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a réintégré cette précision après que Mme Frédérique Bredin eut regretté que le Sénat n'ait pas donné d'autres explications que son caractère inutile.
Votre rapporteur vous rappelle donc le souci de votre commission des Lois, largement développé dans son rapport de première lecture, de " veiller au caractère nécessaire des dispositions proposées " . Dans la mesure où il va de soi que le procureur de la république " apprécie l'opportunité " de requérir l'ouverture d'une assistance éducative, votre commission des Lois vous soumet un amendement supprimant cette précision en revenant au texte adopté par le Sénat en première lecture.
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· Le texte proposé pour
l'article 706-51
prévoit la
désignation d'un administrateur
ad hoc
lorsque la protection des
intérêts du mineur victime n'est pas assurée par ses
représentants légaux. En première lecture, le Sénat
avait élargi le rôle de cet administrateur
ad hoc
à
la protection des intérêts du mineur et non seulement à
l'exercice des droits de la partie civile. L'Assemblée nationale a
approuvé cette initiative, précisant simplement (et utilement)
que la désignation de l'administrateur interviendrait lorsque les
représentants légaux n'assureraient pas
" complètement "
la protection des
intérêts du mineur.
· Le texte proposé pour l'article 706-51-1 précise les conditions de désignation de l'administrateur ad hoc . En première lecture, le Sénat avait supprimé cette disposition qui, entrant par trop dans le détail, ne relevait pas du domaine de la loi. L' Assemblée nationale l'a rétablie en deuxième lecture en se limitant à poser le principe d'une désignation de l'administrateur ad hoc soit parmi les proches de l'enfant, soit sur une liste de personnalités dont les modalités de constitution sont fixées par décret en Conseil d'Etat (ledit décret précisant également les conditions de son indemnisation). Votre commission des Lois estime que cette nouvelle rédaction respecte les domaines de compétence respectifs des pouvoirs législatif et réglementaire.
· Le texte proposé pour l'article 706-52 précise que le juge d'instruction ne procède aux auditions et confrontations des mineurs victimes d'une infraction sexuelle que lorsque ces actes sont strictement nécessaires à la manifestation de la vérité. Votre commission des Lois juge cette précision inutile (car il va sans dire que le magistrat ne procède qu'à des auditions strictement nécessaires) et même regrettable dans la mesure où elle pourrait laisser accroire qu'un magistrat instructeur pourrait procéder à des auditions qui ne seraient pas strictement nécessaires. C'est pourquoi votre commission des Lois vous soumet un amendement tendant à supprimer le texte proposé pour l'article 706-52 du code de procédure pénale.
· Le texte proposé pour l'article 706-53 prévoit l'enregistrement de l'audition du mineur victime d'une infraction sexuelle.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a également rétabli l'obligation, supprimée par le Sénat, d'effectuer une copie de l'enregistrement aux fins d'en faciliter la consultation, l'enregistrement original étant placé sous scellés fermés. Votre commission des Lois estime à la réflexion souhaitable d'établir une copie. Elle approuve également la précision apportée par nos collègues députés selon laquelle la consultation s'effectue en principe à partir de la copie, mais à partir de l'enregistrement original si une partie le demande.
S'agissant des conditions dans lesquelles les avocats pourront consulter la copie, l'Assemblée nationale a indiqué qu'elles devraient garantir la confidentialité de la consultation. Votre commission des Lois vous soumet un amendement précisant que cette consultation, qu'elle soit le fait des parties, des experts ou des avocats, s'effectuera en présence du juge d'instruction ou d'un greffier.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a rétabli la faculté, supprimée par le Sénat en première lecture, d'utiliser l'enregistrement devant la juridiction de jugement. Sur ce point, Mme Frédérique Bredin a fait observer que le Sénat n'avait pas donné d'autre précision que l'incompatibilité de cette utilisation avec le principe de l'oralité des débats criminels devant la cour d'assises. Aussi votre rapporteur juge-t-il utile de rappeler ce qu'il écrivait en première lecture : " il est fondamental d'éviter que l'enregistrement ne conduise à figer les choses en faisant irrémédiablement obstacle à toute nouvelle audition de l'enfant. Une telle interprétation serait lourde de conséquences pour les droits de la défense (car il convient de pouvoir contester une affabulation de l'enfant, qui n'est pas à exclure) ou pour l'enfant lui-même (qui pourrait se trouver totalement inhibé lors de l'enregistrement). " Aussi, votre commission des Lois vous soumet-elle deux amendements :
- le premier amendement reprend la précision, apportée par le Sénat en première lecture, selon laquelle l'enregistrement ne fait pas obstacle à des auditions ou confrontations ultérieures du mineur ;
- le second amendement exclut la faculté d'utiliser l'enregistrement devant la juridiction de jugement. Le fait que cette utilisation soit contraire au principe de l'oralité (car elle empêcherait les magistrats et les jurés d'entendre directement le mineur à l'audience et, le cas échéant, de lui demander des précisions) constitue une raison supplémentaire pour cet amendement, en sus du souci de votre commission des Lois d'éviter que l'enregistrement ne fige irrémédiablement les choses.
Enfin, votre commission des Lois vous soumet un amendement rétablissant l'obligation, supprimée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, de détruire l'enregistrement (et sa copie) à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la date de l'extinction de l'action publique.
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· Le texte proposé pour
l'article 706-54
prévoit la
présence d'un psychologue ou d'un membre de la famille du mineur ou de
l'administrateur
ad hoc
lors des auditions ou confrontations d'un mineur
victime d'une infraction sexuelle. Alors que le Sénat avait
conféré un caractère facultatif à cette
présence, l'Assemblée nationale, revenant à son texte de
première lecture, l'a rendue obligatoire. Toutefois, la position du
Sénat en première lecture avait été
justifiée par son souci d'éviter la multiplication des
intervenants auprès du mineur, alors même que celui-ci aurait
déjà été assisté d'un avocat. Dans la mesure
où votre commission des Lois ne vous propose pas de rétablir
l'assistance obligatoire d'un avocat, cette justification n'a plus lieu
d'être et le texte de l'Assemblée nationale peut être retenu.
· Le texte proposé pour l'article 706-55 a été inséré par l'Assemblée nationale en deuxième lecture afin de reprendre à cet endroit le dispositif relatif au fichier national d'empreintes génétiques des délinquants sexuels, qui figurait initialement à l'article 5A du projet de loi.