ANNEXE II
COMPTE-RENDU DES AUDITIONS PUBLIQUES
DU MERCREDI 3
DÉCEMBRE 1997
##Mercredi 3 décembre 1997## -
**
Présidence de M. Jacques Larché,
président
.
La commission a procédé à des
auditions
publiques
sur le
projet de loi n° 145
(1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, après
déclaration d'urgence,
relatif à la
nationalité.
La commission a tout d'abord entendu
M. Paul Lagarde, professeur de droit
à l'Université de Paris I.
Replaçant le droit du sol dans son cadre historique,
M. Paul
Lagarde
a rappelé qu'il avait été la règle sous
l'ancien régime jusqu'à ce que le Code Napoléon, contre
l'avis de Bonaparte lui-même, donne une priorité au droit du sang
en n'accordant la nationalité française aux étrangers
nés en France que sur leur déclaration à leur
majorité et sous condition de résidence en France. Il a
indiqué que, dans un premier temps, le droit du sol avait
concerné de nombreuses familles déjà assimilées et
permis d'inclure les intéressés dans le tirage au sort pour le
service militaire, mais que, dans un second temps, avec la crise
démographique, l'octroi de la nationalité française
était devenu le point de départ de l'assimilation des
étrangers.
Il a précisé que la naissance en France pouvait avoir trois
conséquences sur le droit de la nationalité :
- depuis 1851, le droit du sol double, c'est-à-dire la naissance en
France de parents nés en France procurait une nationalité
française d'origine ;
- la simple naissance en France ne conférait la nationalité
française que dans le cas où il était nécessaire
d'éviter l'apatridie, cette disposition n'étant pas remise en
cause par le projet en discussion ;
- la simple naissance en France de parents étrangers avait en revanche
produit des effets variables suivant les législations.
Sur ce dernier point, il a rappelé que sous l'empire de la loi du 26
juin 1889 et de l'article 44 du code de la nationalité de 1945, la
nationalité française était accordée de plein droit
à la majorité sans demande particulière mais sous
condition de résidence. Il a souligné qu'il était alors
possible d'anticiper l'acquisition de la nationalité française
par réclamation effectuée par les parents, sur qui était
reportée la condition de résidence.
Il a indiqué que la loi du 22 juillet 1993 -conforme en grande part aux
conclusions de la commission de la nationalité présidée
par M. Marceau-Long- avait supprimé l'acquisition de plein droit de la
nationalité française à la majorité, en
conditionnant l'acquisition de cette nationalité à une
manifestation de volonté entre seize et vingt-et-un ans, tandis
qu'elle avait supprimé la possibilité de réclamation de
cette nationalité par les parents pour leur enfant mineur.
M. Paul Lagarde
a souligné que le texte du projet de loi
initial tendait à rétablir l'acquisition de plein droit de la
nationalité française à la majorité, mais pas la
possibilité de réclamation par les parents.
Il a en effet précisé que l'article premier (article 21-7 du
code civil) revenait au principe contenu dans l'article 44 de l'ancien code de
la nationalité, prévoyant l'acquisition automatique de la
nationalité française à la majorité.
Il a rappelé que l'institution de l'obligation d'une manifestation de
volonté en 1993 répondait à une conception élective
de la nationalité selon laquelle la Nation n'existait que par le
consentement de ceux qui la composent.
Il a cependant souligné que cette conception élective
était à sens unique puisqu'aucun consentement n'était
exigé pour l'acquisition de la nationalité française par
les enfants nés à l'étranger d'un parent français.
Aussi a-t-il considéré que la loi de 1993 avait rompu avec une
tradition concrète de " nationalité de
proximité " reposant sur les liens objectifs de l'étranger
avec la France, tels la filiation, la naissance, la résidence ou le
mariage.
Il a considéré que les critiques des opposants à une
nouvelle réforme -pour être Français, il faut le vouloir et
il ne faut pas qu'il y ait de Français sans le savoir- tournaient autour
des principes de la volonté et de l'information.
S'agissant de l'information, il a rappelé qu'avant 1993, 5 à 6 %
des jeunes usaient de la possibilité de renoncer à la
nationalité française. Il a indiqué que, depuis
l'entrée en vigueur de la loi de 1993, certains travaux, notamment ceux
du professeur Fulchiron, révélaient que 10 à 15 % des
étrangers n'auraient pas été en mesure de manifester leur
volonté par manque d'information, des disparités très
grandes apparaissant entre les différentes régions et entre les
villes et campagnes. Il en a déduit que l'application de la loi de 1993
avait pêché par défaut d'information, un décret du
16 août 1994 ayant amorcé un effort réel mais qui
n'avait pas été soutenu.
M. Paul Lagarde
a tout particulièrement insisté sur la
nécessité d'une information individualisée, à
laquelle l'administration semblait réticente, estimant que si cette
obligation était inscrite dans les textes, aucun étranger ne
pourrait devenir français sans le savoir, ce qui suffirait à
dépassionner le débat. Il a remarqué que, sur ce point, le
projet de loi n'améliorerait guère la situation.
M. Jacques Larché, président,
a pleinement souscrit au
principe de la nécessité d'une information à la fois
meilleure et plus personnalisée.
M. Paul Lagarde
a suggéré que l'on s'inspire des
dispositions du décret du 28 novembre 1997 prévoyant l'usage
des fichiers de l'INSEE et de la sécurité sociale pour
l'application de la loi du 10 novembre 1997 sur l'inscription d'office des
jeunes de dix-huit ans sur les listes électorales. Il a en effet
considéré que rien ne s'opposerait à l'usage de ces
fichiers pour prévenir individuellement les enfants étrangers
concernés. Aussi a-t-il proposé d'amender en ce sens le
deuxième alinéa de l'article 21-7 du code civil, en
précisant qu'un décret en Conseil d'Etat fixerait les conditions
dans lesquelles les personnes concernées seraient individuellement
informées des dispositions en vigueur en matière de
nationalité.
A propos de l'article 5 du projet de loi (anticipation volontaire de
l'acquisition de la nationalité française),
M. Paul
Lagarde
a considéré que l'anticipation à
seize ans, à la demande du jeune lui-même, sans assistance
obligatoire de son représentant légal, n'aurait pas grand effet
pratique, compte tenu des délais administratifs prévisibles. Il a
regretté que le projet ne revienne pas au principe contenu dans
l'article 54 de l'ancien code de la nationalité, attribuant aux parents
répondant à une condition de résidence en France la
possibilité de réclamer la nationalité pour leur enfant
mineur dès son plus jeune âge. Il a considéré
qu'après la suppression totale de cette possibilité par la loi de
1993, le rétablissement par l'Assemblée nationale de cette
procédure à partir de 13 ans n'était qu'une demi-mesure ne
répondant pas à la préoccupation d'intégrer les
enfants dès l'âge scolaire. Il a rappelé qu'avant
l'entrée en vigueur de la loi de 1993, 150 000 déclarations
étaient effectuées chaque année par les parents, soit 60
à 65 % d'une classe d'âge concernée, l'acquisition
automatique de la nationalité à 18 ans présentant de ce
fait le caractère d'une " acquisition-balai ".
Il a réfuté les deux motifs allégués pour le
non-rétablissement par le projet du droit de réclamation des
parents dès le plus jeune âge de l'enfant -la
nécessité de respecter la volonté de l'enfant et les
risques de fraude des parents qui demanderaient la nationalité
française pour leurs enfants dans l'unique but de
bénéficier pour eux-mêmes d'un titre de séjour-
considérant, pour la première, qu'il suffirait d'accorder
à l'enfant une faculté de répudiation à sa
majorité et, pour la seconde, qu'il suffirait de réserver cette
possibilité aux parents déjà possesseurs d'une carte de
résident.
M. Paul Lagarde
a ensuite fait part de quelques interrogations
techniques sur plusieurs dispositions du texte adopté par
l'Assemblée nationale :
- l'article 11 bis ne prévoyant pas de sanction au non-respect du
délai maximum de réponse à une demande de naturalisation,
il lui a semblé impossible d'admettre que le dépassement du
délai entraîne de droit la naturalisation ;
- l'article 15 C sur la motivation des décisions négatives en
matière de nationalité, faisant double emploi avec des
dispositions de l'article 27 du code civil ;
- l'article 8 sur l' " effet collectif " de l'acquisition
de la
nationalité française, en cas de garde alternée de
l'enfant à la suite d'un divorce, le difficile problème de la
garde alternée ne lui paraissant pas devoir être traité au
détour d'un texte sur la nationalité ;
- l'article 14-A relatif à la perte de la faculté de
répudiation de la nationalité en cas d'engagement militaire, mal
situé dans le projet de loi ;
- les effets juridiques incertains attachés au titre d'identité
républicain institué par l'article 15 bis ;
- la suppression par l'article 14 ter d'une discrimination entre les
Français d'origine et les Français par acquisition concernant la
réintégration par déclaration.
Il a estimé souhaitable que soit également supprimée la
discrimination entre Français d'origine et Français
d'acquisition, quant à la déchéance de nationalité
susceptible de toucher les seuls Français par acquisition.
M. Jacques Larché, président,
a relevé dans
l'exposé de M. Paul Lagarde que les critiques adressées à
la loi de 1993 résultaient pour l'essentiel de dysfonctionnements
administratifs dans son application et considéré que s'il
convenait d'y remédier, il n'était pas nécessaire de
légiférer pour cela.
En réponse à une question de
M. Guy Allouche
,
M. Paul
Lagarde
a considéré que la loi de 1993 n'avait pas
facilité l'intégration des étrangers et avait
généré une catégorie de jeunes restés
étrangers sans le savoir en raison du défaut d'information qu'il
avait déjà signalé. Il a indiqué qu'à la
limite, si le chiffre avancé lors des débats à
l'Assemblée nationale de 95 % de jeunes ayant manifesté leur
volonté était exact, on pouvait s'interroger sur la
nécessité de maintenir cette formalité.
En réponse à une question de
M. Patrice Gélard
quant à la compatibilité du projet de loi avec la
réglementation européenne,
et quant à ses effets
sur la double nationalité,
M. Paul Lagarde
a indiqué que
le droit de la nationalité ne relevait pas du droit communautaire. Il a
par ailleurs considéré que le problème de la double
nationalité relevait de la législation propre de chaque Etat ou
de conventions.
En réponse à
M. Robert Badinter
qui se demandait si un
référendum sur cette question pourrait être proposé
aux Français sur la base de l'article 11 de la Constitution,
M. Paul
Lagarde
a estimé qu'à son avis, la nationalité ne
faisait pas partie des matières énumérées par cet
article.
Mme Monique Cerisier-Ben Guiga,
en sa qualité de sénateur
représentant les Français établis hors de France, a
considéré qu'il n'était pas souhaitable de supprimer
l'acquisition par filiation de la nationalité française pour les
enfants nés à l'étranger dans la mesure où,
après un délai de cinquante ans, la clause de
désuétude permettait de déchoir de la nationalité
des personnes qui n'auraient gardé aucun lien avec la France. Elle a
néanmoins admis que cette clause jouait très rarement, sans doute
en raison de la distension rapide des liens avec la France des enfants
élevés à l'étranger.
**La commission a ensuite entendu
M. Marceau Long, ancien
président de la Commission de la nationalité et ancien
président du Haut conseil à l'intégration,
qui a tout
d'abord rappelé que la commission de la nationalité,
installée par le Premier ministre et le garde des sceaux en juin 1987,
avait formulé soixante propositions dont la plus importante
prévoyait la manifestation de volonté des personnes dont les
liens de rattachement à la nation n'avaient pas la force de
l'évidence.
Il a insisté sur le souci de transparence qui avait animé les
travaux de la commission, lesquels avaient donné lieu à vingt
heures de retransmission télévisée et à l'audition
publique d'une centaine de personnes appartenant à toutes les
sensibilités politiques, sociales et religieuses.
Il a également mis en avant la diversité et le pluralisme de
cette commission, composée notamment d'historiens, de sociologues, de
philosophes, de médecins et de juristes.
Il a précisé qu'elle avait pour mission de faire connaître
son sentiment, non seulement sur la manifestation de la volonté
d'acquérir la nationalité française,
considérée par le garde des sceaux de l'époque, M. Albin
Chalandon, comme le coeur de la réforme envisagée, mais
également sur d'autres thèmes relatifs au même sujet.
M. Marceau Long
a fait observer qu'après avoir
étudié l'évolution des lois de nationalité dans
plusieurs pays d'Europe, la commission avait constaté que ces pays
avaient su adapter leur législation à l'évolution de leur
place dans le monde. Il en a conclu qu'il n'y avait aucune raison pour que la
France considère la sienne comme immuable et refuse de s'interroger sur
son adaptation au monde d'aujourd'hui.
Il a rappelé que la France avait toujours accueilli sur son sol une
importante population étrangère qu'elle s'était
efforcée d'intégrer dans les meilleures conditions.
Il a toutefois estimé que notre pays était confronté
à une situation différente de celle de l'immédiat
après-guerre et que si l'intégration restait la philosophie de
notre droit, c'était dans des conditions nouvelles liées
notamment au changement des flux migratoires ou au regard différent
porté par la France sur le monde.
Il a ensuite présenté les trois principes retenus par la
commission, selon lesquels :
- la politique de la nationalité devait jouer un rôle capital dans
le processus d'intégration, même si l'acquisition de la
nationalité n'était pas à elle seule une garantie
d'intégration ;
- le code de la nationalité, dans la mesure où il serait sinon
l'aboutissement de l'intégration du moins une clé de celle-ci,
devait poser des règles d'accès cohérentes avec la culture
française et les aspirations de nos concitoyens ;
- puisque l'intégration à la Nation impliquait une
adhésion claire aux principes et aux règles de vie de la
société française, une manifestation volontaire de cette
adhésion pouvait être retenue.
M. Marceau Long
a ensuite détaillé les
critères sur lesquels s'était fondée la commission pour
établir ses propositions.
Il a ainsi estimé que la querelle entre droit du sang et droit du sol
avait paru sans fondement à la commission, pour laquelle le lien de
filiation et le lieu de naissance ne représentaient que des
présomptions d'acculturation.
Il a considéré que la filiation avait sa justification non en
tant que telle mais en raison de l'éducation parentale donnée au
jeune, alors que la naissance en France n'avait pas de sens sans une longue
résidence dans ce pays.
Aussi a-t-il estimé que droit du sang et droit du sol étaient
complémentaires.
Il a ajouté que la manifestation de la volonté individuelle
pouvait également constituer un signe d'intégration et donc une
condition de l'acquisition de la nationalité française.
Il a précisé que, dans cet esprit, la commission avait
préconisé qu'un certain nombre d'actes significatifs ou de
démarches simples tiennent lieu de déclaration positive, par
exemple la participation volontaire aux opérations de recensement en vue
du service national, la demande d'une carte nationale d'identité ou
celle d'un certificat de nationalité.
Il a insisté sur le fait que, pour constituer une présomption
claire d'intégration, la manifestation de la volonté devait
émaner de l'individu lui-même, ce qui excluait la volonté
formulée par ses parents lorsque ceux-ci n'avaient pas eux-mêmes
souhaité acquérir la nationalité française.
M. Marceau Long
a souligné que la loi de 1993 reprenait dans
une large mesure les propositions de la commission, à deux
différences près :
- l'une relative au délai pour souscrire la déclaration
d'acquisition de la nationalité par le mariage, porté à
deux ans après le mariage alors que la commission avait
préconisé une année ;
- l'autre relative à l'application de la règle du double droit au
sol aux enfants nés en France de parents algériens, un amendement
ayant, alors que la commission avait préconisé le statu quo,
introduit une condition de cinq années de résidence en
France du parent algérien pour que l'enfant obtienne à la
naissance la nationalité française.
Il a regretté la confusion dans le débat parlementaire entre le
projet de loi sur la nationalité, défendu par le garde des sceaux
M. Pierre Méhaignerie, et le projet de loi sur les conditions
d'accès et de séjour des étrangers en France,
présenté par le ministre de l'intérieur M. Charles
Pasqua.
M. Jacques Larché, président
, a estimé que les
différents gouvernements avaient une responsabilité dans cette
confusion dans la mesure où ils présentaient concomitamment des
réformes législatives sur ces deux sujets.
Estimant que la loi sur la nationalité ne devait pas être
modifiée à chaque alternance,
M. Marceau Long
s'est
interrogé sur les raisons de fond qui pourraient conduire à
revenir sur la loi de 1993.
A cet égard, il a récusé l'argument d'un soi-disant retour
au droit du sol, précisant que la commission de la nationalité
n'avait en aucune manière proposé d'abandonner ce critère.
Il a ajouté que, dans son rapport au premier ministre,
M. Patrick Weil avait reconnu que ce critère n'avait pas
été mis en cause par la loi de 1993, l'enfant né en France
de parents étrangers ayant toujours le droit de devenir français.
Il s'est également inscrit en faux contre l'affirmation selon laquelle
la démarche volontaire serait contraire à la tradition
républicaine, soulignant que l'automaticité de l'accession ne
constituait pas un principe fondamental reconnu par les lois de la
République, le Conseil constitutionnel ayant d'ailleurs rejeté le
recours formé contre la loi de 1993.
Il a rappelé que la législation révolutionnaire, issue
notamment de lois de 1790 et 1791, exigeait la prestation d'un serment civique
pour devenir français.
M. Marceau Long
a ensuite fait observer que la législation
de 1993 fonctionnait mieux que ce que l'on avait pu craindre à propos
d'une démarche nouvelle demandée chaque année à
plus de 25.000 jeunes sur l'ensemble du territoire. Il a rappelé
dans cette optique les résultats statistiques, d'autant plus
satisfaisants que le délai de cinq années donné pour
la manifestation de volonté n'était pas expiré au moment
de la réalisation de ces études.
Il a ainsi indiqué que 32.000 demandes avaient été
présentées en 1995 ainsi qu'en 1996 et que les jeunes se
manifestaient en général assez vite, sans attendre la fin du
délai, ce qu'ils n'auraient point manqué de faire si la
démarche leur avait répugné. Il a indiqué que la
manifestation de volonté avait donné lieu à
33.255 acquisitions de nationalité en 1994, à 30.526 en 1995
et à 29.845 en 1996. Il a également fait valoir que les jeunes
nés en 1977 et 1978 avaient à plus de 90 % manifesté
leur volonté de devenir français, les taux de refus
d'enregistrement de la manifestation de volonté se situant dans une
fourchette de 1,90 % à 2,60 % et tenant le plus souvent au
manque de preuve de la résidence en France mais aussi, pour 30 % de
ces refus, au fait que le demandeur était déjà
français sans le savoir. Il a précisé que plus de la
moitié des demandes étaient adressées aux tribunaux,
40 % à la mairie et seulement 10 % dans les gendarmeries ou
dans les préfectures. Il a indiqué que le délai de
réponse moyen avait été de 46 jours en 1996.
M. Marceau Long
a ensuite relaté les conclusions d'une
enquête régionale réalisée par l'observatoire
régional de l'intégration et de la ville d'Alsace, laquelle avait
permis de mettre en avant certaines difficultés pratiques, notamment la
faiblesse de l'information, l'inertie administrative, le manque de formation
des acteurs locaux ou l'insuffisance de l'effort des établissements
scolaires. Il a également fait observer que l'administration avait
tendance à exiger des pièces justificatives non
mentionnées dans les textes, soulignant " le génie de
l'administration à compliquer ce qui est simple ".
Il a toutefois jugé possible de remédier à ces
défaillances sans remettre en cause les principes législatifs,
par exemple grâce à des instructions précises des
ministères intéressés ou à une meilleure
information des élèves dans les établissements scolaires.
Il a également estimé souhaitable, pour corriger des
dysfonctionnements tenant aux difficultés de prouver
l'établissement en France, de faire droit à une proposition du
professeur Fulchiron consistant à donner aux certificats de
scolarité entre onze et seize ans la valeur de preuve de la
résidence en France.
M. Marceau Long
a par ailleurs mis en avant le problème
particulier de l'accord militaire franco-algérien de 1983, lequel
permettait aux personnes ayant la double nationalité d'opter pour le
service militaire en Algérie, ce que choisissaient 10 à 20 %
d'entre eux. Il a cependant considéré que la situation actuelle
en Algérie et la suppression du service militaire en France
atténuaient considérablement ce problème.
Il a enfin insisté sur le souci des enfants nés de parents
étrangers de ne pas devoir choisir entre la culture française et
leur culture d'origine, faisant cependant observer que l'intégration,
qui n'était pas l'assimilation, respectait leurs racines.
M. Robert Badinter
a souhaité savoir si, selon M. Marceau Long,
l'article 11 de la Constitution permettait de recourir au
référendum sur le sujet de la nationalité.
M. Marceau Long
lui a répondu par la négative, le champ du
référendum ne lui paraissant pas recouvrir l'ensemble des lois
fondamentales.
M. Patrice Gélard
a noté qu'il s'agissait d'une des
questions les plus difficiles sur l'interprétation de la Constitution,
soulignant que les juristes étaient loin d'être d'accord sur la
portée de l'article 11. Il a ajouté que pour certains d'entre
eux, le champ du référendum n'était aucunement
limité dans la mesure où la Constitution ne prévoyait
aucune sanction.
M. Luc Dejoie
a estimé qu'il ne fallait pas avoir peur du choix
effectué par le peuple.
M. Philippe de Bourgoing
a estimé que les problèmes
d'information pourraient trouver une réponse dans un lien entre
l'inscription automatique des jeunes sur les listes électorales et la
manifestation de la volonté d'acquérir la nationalité
française, les services compétents pouvant interroger, au moment
de l'inscription, le jeune né de parents étrangers sur sa
volonté de devenir français.
M. Christian Bonnet
a souhaité connaître le sentiment de M.
Marceau Long sur un amendement voté par l'Assemblée nationale
à l'initiative de sa commission des lois selon lequel les parents d'un
enfant âgé de 13 ans pourraient demander pour celui-ci, et avec
son consentement, la nationalité française.
M. Marceau Long
a fait part de ses réserves sur cet amendement au
motif notamment que l'âge retenu lui paraissait trop bas. Il a fait
observer qu'à 13 ans, les jeunes, et notamment les filles,
étaient particulièrement sensibles à d'éventuelles
pressions des parents.
**La commission a ensuite entendu
M. Jean Kahn
, président de la
commission nationale consultative des droits de l'homme, accompagné de
MM. Jacques Ribs
et
Laurent Giovannoni
, membres de cette
commission.
M. Jean Kahn
, après avoir décrit la composition pluraliste
de cette commission, a rendu compte de l'esprit dans lequel elle avait
adopté son avis du 1er octobre 1997. Il s'est
référé à l'image de la France, prônant
l'intégration de ceux qui choisissent d'y vivre, et a marqué la
préférence de la commission pour le droit du sol. Il a
regretté que le débat sur la nationalité devienne un enjeu
politique et a souhaité qu'il ne soit pas utilisé comme argument
électoral.
Il a indiqué que pour la commission, l'action de l'Etat devait
être guidée par les principes de l'Etat de droit et par le respect
de l'éminente et égale dignité de tous les êtres
humains quels qu'ils soient.
M. Jacques Ribs
a mis l'accent sur la nécessité de
réaliser l'intégration heureuse des étrangers qui, pour
certains, pouvaient avoir vocation à acquérir la
nationalité française. Il a souligné la volonté de
la commission de rechercher les meilleures solutions concrètes pour
réaliser cet objectif.
Sur le droit du sol, il a précisé que la sous-commission qu'il
animait avait jugé satisfaisantes les dispositions proposées par
le projet de loi initial mais que l'assemblée plénière de
la commission consultative s'était prononcée pour le droit du sol
intégral sous réserve de conditions de résidence, en
raison des difficultés pratiques et des incertitudes
générées par la législation actuelle qui ne
seraient que partiellement réglées par le projet de loi.
Il s'est prononcé en tout état de cause pour le retour à
la situation antérieure à 1993 qui permettait aux parents
intégrés dans la société française de
demander la nationalité pour leurs enfants nés en France. Il a
considéré que cette disposition avait dans le passé permis
l'intégration de générations d'étrangers, notamment
originaires d'Europe centrale. Il a estimé infondées les
critiques admises à son encontre, considérant que l'exigence
d'une résidence antérieure prolongée excluait les risques
de fraude. Il s'est inquiété en revanche des choix que pourraient
opérer les parents parmi leurs enfants.
Par ailleurs, il a proposé la suppression de toute restriction à
l'acquisition de la nationalité française par les enfants de
parents naturalisés (article 8 du projet de loi).
S'agissant des dispositions transitoires, il s'est prononcé contre la
mesure d'exclusion prévue à l'encontre des étrangers
condamnés à six mois d'emprisonnement et qui ne jouerait que pour
des jeunes n'ayant pu accéder à la nationalité dans le
cadre de la loi de 1993 (article 17 du projet de loi).
Il a jugé qu'en l'absence de statistiques sur les mariages blancs,
imposer un délai pour l'acquisition de la nationalité par mariage
était contraire à la dignité humaine et discriminatoire
à l'égard des couples dont l'un des conjoints est étranger.
Faisant état des difficultés administratives constatées
par les organisations non gouvernementales membres de la commission
consultative, il a demandé l'encadrement dans un délai
légal de la procédure de naturalisation.
M. Laurent Giovannoni, président de la CIMADE
, a confirmé
qu'au-delà du débat théorique, des difficultés
pratiques étaient rencontrées par les jeunes nés et
scolarisés depuis toujours en France qui, se sentant Français,
percevaient la démarche volontaire imposée par la loi de 1993
comme une marque de suspicion de la France à leur égard. Il a
également souhaité voir simplifier et encadrer par un
délai légal la procédure de naturalisation.
M. Christian Bonnet
s'est interrogé sur les risques d'abus
pouvant résulter d'une part de la suppression de la condition de
résidence pour l'acquisition de la nationalité française
par les enfants dont l'un des parents acquiert cette nationalité,
d'autre part, de l'absence de délai préalable à
l'acquisition de la nationalité par mariage.
M. Daniel Hoeffel,
évoquant l'obligation trop souvent faite aux
alsaciens-mosellans nés avant 1918 de fournir des certificats de
réintégration dans la nationalité française, a
estimé qu'une pareille formalité était davantage une
aberration administrative qu'une marque de suspicion.
M. Jacques Larché, président,
s'est déclaré
convaincu qu'en votant la loi de 1993, les parlementaires n'avaient eu ni le
sentiment ni l'intention de porter atteinte à la dignité humaine
en demandant aux jeunes d'exprimer leur volonté d'acquérir la
nationalité française.
M. Jean Kahn
a précisé que pour la commission
consultative, la réalisation de l'objectif de totale intégration,
par opposition au modèle du communautarisme, impliquait de ne pas
instaurer une discrimination jusqu'à l'âge de dix-huit ans.
M. Laurent Giovannoni
, en réponse à
M. Daniel
Hoeffel
, a estimé que ce n'était pas tant la mesure
elle-même que son contexte qui pouvait faire ressentir une
réaction de rejet d'une partie de la population.
M. François Blaizot
s'est élevé contre
l'idée que ce dispositif puisse être considéré comme
discriminatoire car les jeunes issus de parents étrangers, dont ils
avaient la nationalité par l'effet du droit du sang, se voyaient au
contraire reconnaître la faculté de choisir en hommes libres la
nationalité française, ce qui devait être un motif de
fierté et non d'humiliation.
M. Jean Kahn
a convenu que le mot " humiliation " ne
rendait
pas compte de la situation. Il a toutefois estimé que la multiplication
des démarches instaurait un climat de discrimination.
M. Guy Allouche
s'est préoccupé des risques de
discrimination au sein d'une même famille, par exemple entre
garçons et filles, si ceux-ci à l'âge de 13 ans devaient
obtenir l'accord de leurs parents pour devenir français.
M. Jacques Ribs
a considéré que cet écueil ne
pourrait être évité que par l'acquisition automatique de la
nationalité. Il a estimé que toutes les options pouvaient
être présentées dans le cadre de ce débat majeur
mais que si l'objectif était d'aider à l'intégration, il
était préférable de réduire les obstacles
plutôt que d'élever des restrictions et des réserves.
En réponse à
M. Michel Dreyfus-Schmidt, M. Jean Kahn
a
rappelé que la situation particulière de l'Alsace-Moselle
résultait de dispositions anciennes et ne concernait plus aujourd'hui
que ses habitants les plus âgés.
M. Jacques Ribs
a noté que les rapatriés rencontraient des
difficultés comparables pour l'application des textes postérieurs
à 1962.
**La commission a ensuite entendu
M. Hugues Fulchiron, professeur de droit
à l'Université de Lyon III
.
M. Hugues Fulchiron
a d'abord rappelé que l'une des innovations
majeures ayant suscité de vives discussions lors de l'examen de la
réforme du droit de la nationalité en 1993 avait
été le changement des règles relatives à
l'acquisition de la nationalité française par les jeunes
étrangers nés et résidant en France et l'instauration
d'une manifestation de volonté entre seize et vingt-et-un ans,
modification à la fois juridique et symbolique.
Il a indiqué que le ministère de la justice avait confié
au centre de droit de la famille de l'Université de Lyon III la mission
d'étudier la mise en oeuvre de ces dispositions nouvelles sur quelques
sites témoins correspondant aux ressorts des tribunaux d'instance de
Lyon, de Villeurbanne, de Marseille, de Puteaux et de Clichy,
l'échantillon retenu portant au total sur 1.303 dossiers ouverts en 1994
et 1995. Il a précisé que cette enquête sur pièces
avait été complétée par plusieurs séries
d'entretiens avec les acteurs concernés, juges d'instance, personnels de
greffes, agents municipaux et préfectoraux, gendarmes, travailleurs
sociaux, responsables associatifs et des enseignants. Il a ajouté que
l'enquête avait permis de recueillir des informations concernant aussi
bien la pratique de la manifestation de volonté que les refus
d'enregistrement de la manifestation de volonté.
Il a indiqué que l'âge moyen des personnes ayant manifesté
la volonté d'acquérir la nationalité française
s'élevait en 1995 à un peu plus de dix-sept ans, l'étude
révélant cependant une forte augmentation du nombre des jeunes de
moins de dix-sept ans ayant effectué cette démarche en 1994
et 1995. Il a rappelé que cette démarche était strictement
personnelle, le jeune n'ayant ni à solliciter une autorisation de ses
parents ni à se faire représenter par eux, et qu'en pratique il
se faisait rarement accompagner par eux, la démarche étant en
revanche parfois effectuée en groupe.
Après avoir observé que certains jeunes, en particulier des
jeunes filles, subissaient quelquefois des pressions hostiles de leur famille
-ou tout au moins paraissaient les craindre-, il a indiqué que les
autorités compétentes s'efforçaient en pareil cas de se
procurer les pièces justificatives nécessaires sans que les
parents en soient informés.
S'agissant des autorités chargées par la loi de 1993 de
recueillir la manifestation de volonté, il a observé que si le
jeune pouvait s'adresser indifféremment au juge d'instance, au
préfet, au maire ou à un commandant de brigade de gendarmerie, la
démarche était le plus souvent effectuée en pratique
auprès du tribunal d'instance vers lequel les administrations
renvoyaient volontiers le déclarant, attitude contraire à
l'esprit de la loi et pouvant paraître paradoxale dans la mesure
où la mairie constituait le lieu naturel d'expression de la
citoyenneté de proximité. Il a cependant nuancé ce constat
en précisant que les situations locales étaient variables et que
dans certaines villes la pratique tendait à évoluer.
Rappelant que la loi de 1993 avait organisé une procédure en
trois étapes, avec dans un premier temps la délivrance
immédiate d'un justificatif dès la manifestation de
volonté, suivie de l'octroi d'un récépissé par le
juge d'instance lorsque l'ensemble des pièces étaient
réunies et enfin la réalisation de l'enregistrement, il a
observé que souvent, l'autorité chargée de recueillir la
manifestation de volonté n'ouvrait le dossier que lorsque
l'intéressé se trouvait en mesure de fournir toutes les
pièces demandées, ce qui renforçait le caractère
bureaucratique de la démarche, contrairement à la volonté
exprimée par le législateur.
Soulignant que le juge d'instance ne disposait d'aucun pouvoir
d'appréciation en opportunité pour refuser l'enregistrement
dès lors que les conditions légales étaient satisfaites,
il a indiqué que sur l'ensemble des sites étudiés
seulement 95 refus avaient été prononcés, soit
2,5 % des dossiers examinés, ce qui correspondait à la
moyenne nationale évaluée à 2,6 % en 1995. Il a
cependant précisé qu'une analyse qualitative plus fine
révélait des pratiques disparates, certaines mairies et certains
greffes écartant d'emblée des dossiers manifestement
irrecevables, d'autres se contentant de recueillir la manifestation de
volonté sans vérifier si les conditions
élémentaires telles que celles relatives à l'âge de
l'intéressé ou à son lieu de naissance étaient
satisfaites.
Il a distingué deux causes principales de refus d'enregistrement : d'une
part, le fait que le demandeur possède déjà la
nationalité française (16 dossiers de l'échantillon
étudié), ce qui traduisait les hésitations de certains
jeunes face à la complexité du droit applicable ; d'autre part,
l'absence de résidence habituelle en France pendant les cinq
années précédant la manifestation de volonté (59
dossiers). Concernant cette seconde cause de refus, il a constaté qu'un
jeune ayant effectué un séjour -parfois prolongé- à
l'étranger pendant la période de référence ne
répondait pas, de ce seul fait, aux prescriptions légales. Il a
estimé que, dans ce cas précis, la condition d'une
résidence continue constituait un obstacle à l'acquisition de la
nationalité française, difficilement justifiable dès lors
que l'intéressé avait vécu en France et y avait
été scolarisé. Il a également souligné les
difficultés fréquemment éprouvées par les
intéressés, en particulier ceux ayant quitté très
tôt le système scolaire, pour apporter la preuve de leur
résidence continue en France pendant la période de cinq ans
précédant la manifestation de volonté.
Relevant que la loi de 1993 était néanmoins appliquée de
façon globalement satisfaisante, il a observé que si
l'enquête n'avait pas eu pour objet d'analyser la réaction des
jeunes étrangers quant à l'exigence d'une manifestation de
volonté pour accéder à la nationalité
française, les témoignages recueillis auprès des
autorités interrogées n'avaient révélé
aucune hostilité particulière de leur part alors que des
réactions de cette nature avaient été constatées
chez certains Français nés à l'étranger tenus de
fournir un certificat de nationalité à l'occasion du
renouvellement de leurs papiers d'identité.
M. Hugues Fulchiron
a ensuite présenté une série
d'observations mettant les résultats de l'enquête en perspective
avec les modifications proposées par le projet de loi.
Il a estimé que la disposition prévoyant le retour à
l'acquisition automatique de la nationalité française ne devait
pas faire illusion, les exigences liées à la preuve des
conditions légales requises, en particulier la condition de
résidence, subsistant. Il a cependant reconnu que les assouplissements
proposés seraient de nature à atténuer ces
difficultés.
Il a observé que la suppression, opérée par la loi de
1993, de la possibilité pour les parents des enfants nés et
résidant en France d'effectuer la déclaration d'acquisition de la
nationalité française au nom de leur enfant mineur, sur laquelle
le projet de loi ne revenait pas, obligeait l'enfant étranger à
attendre l'âge de seize ans pour devenir français.
Il a estimé que deux systèmes seulement répondaient
à une véritable logique, les autres n'étant que des
compromis marqués par la complexité : permettre aux parents
d'obtenir la reconnaissance de la nationalité française de leur
enfant dès sa naissance, ou bien exiger une manifestation de
volonté de l'intéressé.
Constatant que les jeunes venant s'informer des conséquences d'une
manifestation de volonté exprimaient souvent la crainte qu'elle
n'entraîne la perte de leur nationalité d'origine, il a
estimé nécessaire d'améliorer leur information en amont
afin que leur choix soit totalement éclairé.
Répondant à
M. Michel Dreyfus-Schmidt
,
M. Hugues
Fulchiron
a indiqué que l'article 17-3 du code civil avait
été complété par la loi du 8 février 1995
pour prévoir la possibilité, pour le mineur dont le handicap
empêche l'expression de la volonté, de se faire représenter.
M. Michel Dreyfus-Schmidt
ayant estimé que le système de
la manifestation de volonté empêchait certains jeunes
d'accéder à la nationalité française par crainte de
la réaction de leurs parents,
M. Hugues Fulchiron
a
observé que la loi ménageait un délai suffisant pour leur
permettre de surmonter leurs éventuelles craintes
révérencielles, puisqu'il leur était possible d'effectuer
cette démarche entre seize ans et vingt-et-un ans.
M. Michel Duffour
a vu un paradoxe dans l'argument selon lequel la
demande d'acquisition de la nationalité française
effectuée par des parents étrangers pour leur enfant tendrait le
plus souvent à leur faciliter l'obtention d'un titre de séjour,
alors que les pressions familiales qui avaient pu être constatées
s'exerçaient plutôt contre l'acquisition de cette
nationalité.
M. Hugues Fulchiron
a fait valoir que ces
réactions ou intentions restaient difficilement mesurables et qu'en tout
état de cause ces considérations ne devaient pas peser de
manière décisive dans le choix du système d'acquisition de
la nationalité.
Il a ensuite indiqué à
M. Patrice Gélard
que
l'enquête n'avait pas permis de déceler de disparité de
comportement des autorités municipales selon l'importance
démographique de la commune ou son caractère rural ou urbain.
En réponse à
M. Jacques Larché, président
,
il a de même précisé qu'aucune distinction significative
entre filles et garçons d'une même classe d'âge n'avait
été relevée concernant le recours à la
procédure de manifestation de volonté.
M. Guy Allouche
s'interrogeant sur la pertinence de la relation
établie entre l'objectif d'intégration et l'exigence d'une
démarche volontaire de l'intéressé,
M. Hugues
Fulchiron
a regretté que les modalités de mise en oeuvre de
la manifestation de la volonté aient accentué le caractère
administratif de la procédure au détriment de sa portée
solennelle.
M. Robert Badinter
a observé que " le parcours
bureaucratique " auquel l'intéressé devrait se plier
resterait le même, que le dispositif exige ou non une manifestation de
volonté.
**Puis la commission a entendu
Mmes Claude Fournier et Laurence
Pécaut-Rivolier, vice-présidentes de l'Association nationale des
juges d'instance
.
M. Jacques Larché, président
, a souligné
l'importance d'entendre les juges d'instance, du fait qu'ils recueillaient
beaucoup plus de manifestations de volonté que ce qui avait
été imaginé lors du vote de la loi de 1993.
Mme Claude Fournier
a tout d'abord rappelé que le greffier en
chef était désormais lui-même chargé de la
délivrance des certificats de nationalité française
à la place du juge d'instance.
Sans ignorer certaines critiques qui avaient pu être formulées sur
les conditions de réception dans les tribunaux des personnes souhaitant
manifester leur volonté de devenir français,
Mme Fournier
a fait valoir que ces critiques portaient sur des points mineurs.
Elle a rappelé que les juges d'instance n'étaient pas souverains
en matière de nationalité, car s'ils disposaient en effet d'un
pouvoir d'enregistrement des déclarations de nationalité, un
recours contre les refus d'enregistrement pouvait toujours être
présenté devant le tribunal de grande instance, même si
cette faculté était rarement mise en oeuvre.
S'agissant des modalités de manifestation de volonté du mineur
dont les facultés mentales sont altérées, elle a
souligné que cette question ne concernait pas seulement les
manifestations de volonté mais aussi, d'une manière plus
générale, les déclarations de nationalité. Elle a
confirmé que l'article 17-3 du code civil permettait à
l'entourage du mineur de solliciter une reconnaissance de l'altération
de ses facultés mentales, ajoutant que cette reconnaissance relevait de
la compétence du juge des tutelles dont la décision
revêtait un caractère juridictionnel et était donc
susceptible de recours devant le tribunal d'instance, le parent ou le tuteur du
mineur incapable pouvant ensuite effectuer la manifestation de volonté
à la place du mineur.
Elle s'est interrogé sur l'opportunité d'étendre cette
disposition aux majeurs.
Mme Claude Fournier
a ensuite insisté sur le fait que l'accueil
des personnes concernées s'avérait souvent difficile sur un plan
psychologique. Pour illustrer ce propos, elle a évoqué les
déclarations d'acquisition de la nationalité française par
les personnes justifiant d'une possession d'état de Français
depuis dix ans. Elle a constaté que ces personnes éprouvaient,
lorsqu'elles remplissaient les formulaires requis, les plus grandes
réticences à mentionner leur nationalité
étrangère car elles estimaient avoir été toujours
françaises.
Elle a évoqué également les difficultés
suscitées par l'application des dispositions assimilant à la
résidence en France pour l'acquisition de la nationalité
française dans divers cas, les années d'études
effectuées dans des établissements français situés
dans les pays francophones. La loi exigeant aussi que le pays dans lequel les
études ont été suivies soit un pays où le
français est l'une des langues officielles, elle a précisé
que ces dispositions privaient les jeunes marocains et tunisiens du
bénéfice de la dispense de stage en France, ce qu'ils avaient
quelques difficultés à comprendre.
Traitant ensuite du problème de la preuve, après avoir
rappelé que l'autorité judiciaire recevait toutes les
déclarations de nationalité à l'exception de celles
concernant les acquisitions à la suite d'un mariage avec un
ressortissant français,
Mme Claude Fournier
a fait valoir
qu'il n'existait pas de définition légale des modes de preuve et
notamment de celle de la résidence en France.
Mme Laurence Pécaut-Rivolier
, évoquant à son tour
le problème des preuves, a observé qu'il se posait aussi pour les
Français par filiation nés à l'étranger, qui
devaient rassembler des documents d'état civil prouvant la naissance en
France de leurs ascendants, avec parfois l'obligation de remonter à
plusieurs générations. Elle a souligné que pour ces
personnes dont la nationalité française pouvait ne pas faire de
doute, les démarches à entreprendre s'avéraient parfois
lourdes. Elle a indiqué que la preuve de la résidence en France
était d'autant plus difficile à établir que cette
résidence remontait à une époque ancienne.
Elle a aussi rappelé que les mentions relatives à l'acquisition
ou à la perte de la nationalité française figuraient en
marge des actes et des copies d'actes de naissance, faisant observer que cela
permettait dans de nombreux cas de faciliter l'établissement de
certificats de nationalité française. Relevant que le projet de
loi proposait de faire mention également de la toute première
délivrance de certificat de nationalité française sur les
mêmes documents ainsi que sur les extraits d'actes de naissance, elle a
souligné l'importance de la précision des mentions qui seraient
portées. Elle a rappelé en effet que l'acte de naissance ne
constituait pas en lui-même une preuve formelle de la nationalité,
ajoutant que l'exhaustivité de ces mentions serait de nature à
éviter la production de documents supplémentaires pour la
délivrance de certificats de nationalité française.
Puis,
Mme Laurence Pécaut-Rivolier
a évoqué le
problème de l'enfant susceptible d'acquérir la nationalité
française en même temps que le parent devenant Français
à sa majorité s'il résidait avec ce dernier. Elle a
considéré que si l'existence de l'enfant n'était pas
signalée au moment de l'acquisition, se poserait nécessairement,
plus tard, la question d'une preuve de résidence avec le parent,
probablement plus difficile à apporter.
Mme Claude Fournier
a recommandé que la mention de la
première délivrance du certificat de nationalité qui
figurerait en marge de l'acte de naissance, tout en restant discrète,
soit suffisamment précise pour permettre aux greffiers en chef de
délivrer un nouveau certificat de nationalité sans avoir à
imposer au demandeur des démarches trop lourdes. Elle a rappelé
qu'un décret du 16 septembre 1997 permettait au greffier en chef
d'obtenir directement un extrait d'acte de naissance des personnes majeures.
Mme Laurence Pécaut-Rivolier
a souhaité qu'il soit
systématiquement demandé aux personnes acquérant la
nationalité française si leurs enfants mineurs résidaient
avec eux afin de leur faciliter, le cas échéant, le
bénéfice de l'effet collectif de l'acquisition de leur parent.
Elle a souligné que lorsque l'enfant mineur était né
à l'étranger, l'acte de naissance établi à
l'étranger devait nécessairement être transcrit sur les
registres français de l'état civil. Elle a souhaité que
cette disposition, souvent ignorée des intéressés, leur
soit rappelée systématiquement.
Mme Monique Cerisier-ben Guigua
a insisté sur les grandes
difficultés que rencontraient trop souvent les Français
établis hors de France pour rassembler les éléments de
preuve nécessaires à la délivrance d'un certificat de
nationalité, ces démarches étant ressenties par les
intéressés comme une persécution. Par comparaison, elle a
évoqué la situation des personnes nées en Alsace-Moselle
avant 1918.
Mme Claude Fournier
a rappelé que les Français
résidant à l'étranger pouvaient désormais obtenir
un certificat de nationalité, non seulement auprès des consulats,
mais aussi du tribunal d'instance de leur lieu de naissance.
Puis, en réponse à une question de
M. Jacques Larché,
président, Mme Claude Fournier
a indiqué que pour des
raisons de moyens, il n'était pas envisageable de
généraliser la remise individuelle des certificats de
nationalité aux personnes ayant manifesté la volonté de
l'acquérir à la majorité.
Mme Laurence Pécaut-Rivolier
a cependant indiqué qu'elle
avait pour pratique d'organiser une audience spéciale de remise des
certificats de nationalité, par groupes d'une vingtaine de personnes
environ. Elle a précisé, d'une part, que toutes les personnes
convoquées participaient effectivement à cette audience mais,
d'autre part, que cette pratique demeurait peu fréquente.
Elle a ajouté que cette procédure solennelle avait le
mérite de bien faire prendre conscience aux intéressés de
l'importance décisive du document qui leur était remis.
**
Au cours d'une seconde réunion qui s'est tenue dans
l'après-midi
, la commission a tout d'abord accueilli une
délégation parlementaire sud-africaine composée de M.
Steytler, directeur du Community law center, M. Pravin Gordhan,
président de la commission des lois et des affaires constitutionnelles
de l'Assemblée sud-africaine, M. Langa, vice-président de la
Cour constitutionnelle, M. Ngcula, vice-président du Sénat
sud-africain.
Puis, la commission a poursuivi ses auditions sur le projet de loi relatif
à la nationalité. Elle a entendu
Mme Simone Veil,
présidente du Haut conseil à l'intégration
.
A titre liminaire,
Mme Simone Veil
, après avoir indiqué
qu'elle s'exprimerait en sa qualité de présidente du Haut conseil
à l'intégration, composé de personnalités de
sensibilités très diverses, a estimé que
l'équilibre du projet de loi initial avait été remis en
cause par les délibérations de l'Assemblée nationale.
Elle a fait observer que le Haut conseil avait privilégié
l'objectif d'intégration, prioritaire dès lors que les personnes
concernées étaient en situation régulière.
Considérant que le projet de loi était susceptible de favoriser
l'intégration des étrangers en France,
Mme Simone Veil
a
en premier lieu fait valoir que l'accès à la nationalité
française des étrangers souhaitant adhérer à la
communauté nationale était l'une des composantes essentielles de
la politique d'intégration. Elle a souligné qu'une telle
politique ne pourrait recueillir l'adhésion d'une majorité de
Français que si elle s'accompagnait d'un renforcement de la lutte contre
l'immigration irrégulière et le travail clandestin.
Elle a néanmoins souligné que la recherche de
" l'immigration zéro " était illusoire dans un contexte
d'instabilité politique et économique mondiale. Elle a
relevé que la mise en oeuvre d'un tel objectif exigerait en tout
état de cause de renier des principes fondamentaux de notre Etat de
droit, notamment le droit d'asile et le droit à une vie familiale
normale.
Mme Simone Veil
a jugé nécessaire de rechercher un
équilibre entre le renforcement de la lutte contre l'immigration
irrégulière et la possibilité d'intégrer des
personnes en situation régulière.
Exposant alors les observations spécifiques du Haut conseil à
l'intégration sur le projet de loi,
Mme Simone Veil
a
souligné le décalage entre l'exposé des motifs, qui
présentait le projet de loi comme tendant à " restaurer
l'automaticité de l'acquisition de la nationalité
française pour l'enfant né en France de parents
étrangers ", et le dispositif qui s'inscrivait au contraire et
à juste titre dans notre tradition juridique issue de la loi de 1889 en
ne proposant pas qu'un enfant né en France de parents étrangers
soit Français dès sa naissance.
Faisant observer que depuis 1889 la législation en matière de
nationalité n'avait pas connu de bouleversement radical,
Mme Simone
Veil
a regretté que les textes successifs soient
systématiquement présentés comme des ruptures par rapport
aux législations antérieures. Elle a ainsi relevé la
continuité de l'application du droit du sol qui n'avait pas
été remise en cause en 1993.
Elle a estimé que cette volonté de radicaliser le débat
autour de la nationalité avait des conséquences dommageables sur
le processus d'intégration.
Mme Simone Veil
a ensuite souligné que le Haut conseil
n'était pas parvenu à dégager une position unanime sur
l'abandon partiel de la règle posée par le législateur de
1993, subordonnant l'acquisition de la nationalité française
à une manifestation formelle de volonté.
Elle a fait observer que, contrairement à une idée trop
répandue, la législation n'avait jamais consacré un droit
automatique à la nationalité française. Elle a ainsi
relevé l'existence de conditions précises à cette
acquisition de la nationalité française, telle que la
durée de résidence antérieure et la résidence
à la date de l'acquisition, et l'inexistence d'un droit du sol qui
s'appliquerait dès la naissance.
Elle a considéré que les difficultés de preuve seraient
plus sensibles avec le nouveau dispositif qu'avec celui issu de la loi du 22
juillet 1993.
Mme Simone Veil
a par ailleurs indiqué que le Haut conseil
à l'intégration avait souhaité que l'acquisition de la
nationalité française puisse être entourée d'une
certaine solennité, par exemple à l'occasion de l'appel de
préparation à la défense.
Elle a également précisé que le Haut conseil avait
relevé la situation très difficile, du point de vue de
l'intégration, des jeunes nés à l'étranger, mais
arrivés très jeunes en France et y ayant suivi leur
scolarité, qui étaient contraints de recourir à la
procédure de naturalisation alors même que, parfois, leurs
frères et soeurs étaient français.
Mme Simone Veil
a déclaré que le Haut conseil, sans se
prononcer sur l'acquisition automatique de la nationalité
française à dix-huit ans, s'était
déclaré favorable au maintien d'un dispositif d'adhésion
volontaire des jeunes à compter de l'âge de seize ans.
Elle a précisé que le Haut conseil était cependant hostile
à la possibilité pour les parents de demander la
nationalité française pour le compte de leurs enfants, soulignant
les risques de distorsions en fonction de la situation des parents qui
pourraient résulter de cette mesure.
En conclusion,
Mme Simone Veil
a indiqué que le Haut conseil
avait insisté sur les problèmes de preuve et avait exprimé
le souhait qu'un dispositif permette aux jeunes concernés de disposer
rapidement d'une carte nationale d'identité.
Faisant valoir que dans un très grand nombre de situations les parents
étaient appelés à prendre des décisions pour le
compte de leurs enfants,
M. Michel Dreyfus-Schmidt
s'est demandé
si la question de la nationalité n'était pas suffisamment
importante pour qu'une même faculté leur soit également
ouverte dans ce cas. S'agissant de la solennité de l'entrée dans
la nationalité française, il a estimé que la situation des
enfants nés en France de parents étrangers n'était pas
différente de celle des personnes nées en France de parents
français ou de celle des Algériens qui, avant
l'indépendance, étaient français par la volonté du
législateur. Il a en outre fait valoir que les personnes dont les
parents avaient une résidence de longue date en France se trouvaient
dans une situation spécifique.
A propos des enfants nés hors de France mais qui y avaient fait leurs
études,
Mme Monique Cerisier-Ben Guiga
a souhaité savoir
quelle disposition pourrait être adoptée en leur faveur, soit en
alignant leur statut sur celui des enfants nés en France de parents
étrangers, soit en leur permettant de souscrire une déclaration
de nationalité française. Elle a par ailleurs fait valoir que les
procédures simplifiées de naturalisation n'étaient pas
suffisamment développées. S'agissant de la preuve de la
nationalité française, elle a souhaité avoir des
précisions sur les difficultés qui pourraient se présenter
dans le cadre d'une acquisition de plein droit. Elle a enfin demandé
quelle mesure pourrait être envisagée pour permettre aux jeunes
concernés de disposer d'une carte nationale d'identité dès
l'âge de dix-huit ans.
Faisant observer que le projet de loi était fondé sur le constat
d'une prétendue mauvaise application de la loi du 22 juillet 1993,
M.
Pierre Fauchon
a souhaité connaître le bilan de la mise en
oeuvre de cette législation.
Tout en jugeant nécessaire de rappeler qu'il avait toujours
existé des conditions préalables à l'acquisition de la
nationalité française,
M. Guy Allouche
a estimé que
celles qu'avait fixées la loi du 22 juillet 1993 étaient
contraignantes et pénalisaient les jeunes concernés. Il a
souhaité savoir si le Haut conseil avait eu l'occasion de
s'intéresser aux cas de jeunes nés en France de parents
étrangers, qui, durant leurs études, avaient dû quitter la
France avant leur majorité et qui n'avaient pu obtenir la
nationalité française à leur retour.
En réponse,
Mme Simone Veil,
s'agissant tout d'abord de la
possibilité pour les parents de demander la nationalité
française pour le compte de leurs enfants, a fait valoir que la question
de la nationalité ne pouvait être comparée avec d'autres
questions telle que le choix de l'école ou celui de la religion. Elle a
souligné qu'avant 1993, une fois le choix de la nationalité
française opéré, il était en principe impossible
pour l'enfant d'y renoncer. Elle a également relevé que, dans
certains cas, les parents faisaient pour leurs enfants un choix conduisant
à ce que ces derniers aient une nationalité différente de
la leur.
Elle a de nouveau souligné que pour le Haut conseil, il était
préférable de laisser le choix de la nationalité aux
intéressés eux-mêmes et non à leurs parents.
S'agissant de la solennité de l'entrée dans la nationalité
française,
Mme Simone Veil
a d'abord considéré
qu'il était difficile d'établir un parallélisme entre la
situation des enfants nés en France de parents étrangers et celle
des personnes nées en France de parents français. Elle a de
même écarté la comparaison entre la situation de ces
enfants et celle des personnes qui, avant l'indépendance de
l'Algérie, étaient françaises par la volonté du
législateur.
Rappelant que l'idée selon laquelle le droit du sol aurait
été remis en cause en 1993 entretenait une confusion,
préjudiciable aux jeunes concernés,
Mme Simone Veil
a fait valoir que ceux-ci avaient besoin
d'avoir une vision claire de leur situation. Elle a rappelé qu'avant
1993 les jeunes nés en France de parents étrangers avaient
jusqu'à leur majorité la nationalité de leurs parents,
sauf déclaration de ceux-ci pour leur faire obtenir la
nationalité française, ou acquisition de celle-ci par les
parents. Elle a également noté que la question pouvait confronter
les intéressés au problème de la double nationalité.
Mme Monique Cerisier-Ben Guiga
a fait observer à ce propos
qu'à l'exception des incidences de la convention du Conseil de l'Europe
de 1963 relative à la réduction des cas de pluralité de
nationalité, il n'y avait pas d'empêchement à la possession
d'une double nationalité.
Mme Simone Veil
a ensuite fait valoir qu'aucune raison ne pouvait
justifier de mettre en cause le principe de la solennité de
l'entrée dans la nationalité française, une telle
solennité n'étant d'ailleurs pas contraignante.
Elle a indiqué que le Haut conseil à l'intégration avait
souhaité que les jeunes puissent recevoir à l'occasion de l'appel
de préparation à la défense un document leur permettant
d'obtenir facilement par la suite une carte nationale d'identité.
M. Jacques Larché, président,
a alors fait observer que
certains tribunaux d'instance avaient spontanément organisé des
manifestations solennelles pour l'entrée dans la nationalité
française de jeunes nés en France de parents étrangers,
ajoutant qu'à ses yeux cette solennité était indispensable.
Mme Simone Veil
a pour sa part rappelé que la remise officielle
des certificats de naturalisation avait été organisée il y
a quelques années, mais qu'elle avait donné lieu à des
pratiques très différentes selon les départements.
S'agissant des enfants nés hors de France,
Mme Simone Veil
a
indiqué que le Haut Conseil à l'intégration avait
simplement signalé les problèmes posés par leur situation
sans proposer de solutions particulières.
Puis, examinant le problème des procédures en matière de
naturalisation, elle a fait valoir que le grand nombre de demandes pouvait
expliquer certains retards mais que, dans l'ensemble, ces procédures
étaient plus légères que dans les Etats voisins. Elle a
rappelé que les dossiers posant des problèmes spécifiques
étaient soumis au ministre compétent et que le Conseil d'Etat
avait en outre élaboré dans ce domaine une jurisprudence
précise.
Mme Monique Cerisier-Ben Guiga
a cependant fait observer que
l'instruction des demandes était souvent beaucoup trop longue, celles-ci
étant examinées à la fois par les préfectures -qui
avaient souvent une attitude restrictive- et par la Direction de la population
et des migrations.
S'agissant de l'application de la loi du 22 juillet 1993,
Mme Simone
Veil
a relevé que cette législation n'avait pas
été appliquée de manière homogène dans tous
les départements, voire à l'intérieur d'un même
département selon les juridictions. Elle a cependant
considéré que dans l'ensemble cette loi avait été
assez bien appliquée, même si on manquait encore du recul
nécessaire pour en faire un bilan complet.
Elle a souligné que des problèmes d'information avaient pu
être relevés, en particulier pour les jeunes filles, dont
certaines subissaient en outre des pressions de la part de leur famille. Elle a
rappelé que lorsqu'elle était ministre chargé des affaires
sociales, elle avait porté une attention particulière à
ces problèmes d'information, plus ou moins sensibles selon les
populations concernées.
Mme Simone Veil
a enfin indiqué que le Haut conseil à
l'intégration n'avait pas examiné la situation des jeunes
nés en France de parents étrangers qui avaient quitté la
France au cours de leurs études avant leur majorité et n'avaient
pu obtenir la nationalité française à leur retour en
France. Elle a néanmoins relevé que le projet de loi
prévoyait des critères de résidence plus souples qui
pouvaient permettre de mieux répondre à certaines situations
particulières et au souci d'intégration.
**La commission a ensuite procédé à l'audition de
Mme
Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.
Regrettant les polémiques auxquelles la discussion du projet de loi sur
la nationalité avait donné lieu à l'Assemblée
nationale,
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice,
a émis le souhait que le Sénat, selon sa tradition,
se concentre sur un travail de fond.
Elle a considéré que légiférer était
nécessaire, d'une part pour régler la situation des jeunes
étrangers nés en France qui auraient omis, faute d'information,
d'accomplir la manifestation de volonté de devenir français
instituée par la loi de 1993 et, d'autre part, pour remplir l'engagement
du Gouvernement de permettre une acquisition de plein droit de la
nationalité française à dix-huit ans par les jeunes
étrangers nés en France aux conditions traditionnelles.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,
a
considéré que le projet de loi renouait avec une tradition
historique suivie sous la Monarchie, pendant la Révolution puis,
après une interruption en 1804, reprise en 1851 et 1889.
Le ministre a ensuite rappelé que la loi de 1973 avait consacré
cette tradition en prévoyant deux procédures d'acquisition de la
nationalité française des étrangers nés en France
sous condition de cinq ans de résidence en France, à savoir
l'acquisition automatique à la majorité et l'acquisition à
la demande des parents après la naissance, la loi de 1993 ayant
remplacé ces deux procédures par l'acquisition volontaire de la
nationalité entre seize et vingt-et-un ans mais toujours sous condition
de cinq ans de résidence.
Elle a souligné que le projet de loi permettait l'acquisition de la
nationalité française non pas automatiquement mais de plein
droit. Elle a estimé en effet qu'un enfant né en France,
élevé dans nos écoles, ne parlant que notre langue et ne
pouvant imaginer de vivre dans un autre pays, avait en fait choisi
volontairement la France.
Elle a cependant précisé que le Gouvernement n'avait pas
souhaité rétablir la possibilité pour les parents de
demander la nationalité française en faveur de leurs enfants
mineurs, supprimée en 1993, pour deux raisons :
- d'abord le souci de privilégier la volonté du jeune, celui-ci
pouvant anticiper l'acquisition de plein droit par une déclaration
à partir d'un âge fixé à seize ans par le
projet initial et ramené à treize ans par l'Assemblée
nationale avec l'accord du Gouvernement. Elle a fait valoir que la
préférence donnée à la volonté de l'enfant
était conforme à la Convention sur les droits de l'enfant ;
- en deuxième lieu, le fait que les personnes devenues françaises
à la demande de leurs parents sous l'empire de la loi de 1973 ne
disposaient pas de la possibilité de décliner la
nationalité française, ces jeunes étant devenus
français sans l'avoir voulu. Elle a relevé que certains parents
ne demandaient la nationalité pour leurs enfants que dans le but de
trouver une solution à leur problème de séjour en France,
indiquant que parfois les parents ne demandaient pas la nationalité pour
tous leurs enfants.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,
a
souligné que le risque de voir certaines personnes
écartées de la nationalité française faute
d'information devait être pris en considération par principe,
indépendamment du nombre des personnes effectivement concernées.
Elle a rappelé que pour celles-ci, la procédure de
naturalisation, qui leur était certes ouverte, apparaissait beaucoup
plus aléatoire.
Elle a précisé que le choix du Gouvernement résultait de
sa conception de la nationalité, reposant sur la culture, la langue et
l'intégration, ajoutant que la manifestation de volonté ne
pouvait se limiter à l'accomplissement d'une simple formalité
administrative.
Le ministre a souhaité que le débat sur la nationalité ne
soit pas confondu avec celui sur l'immigration, faisant valoir que le projet de
loi sur la nationalité n'avait pas trait à l'acquisition de la
nationalité par tous les étrangers mais seulement par les
personnes qui résideraient déjà en France puisqu'elles y
étaient nées.
M. Jacques Larché, président
, a estimé que le
débat se serait engagé dans de bien meilleures conditions si le
Gouvernement n'avait pas déclaré l'urgence sur ce texte, ajoutant
que d'une manière générale, l'urgence sur des textes de
cette importance réduisait gravement le débat parlementaire.
Il a indiqué que le président du Sénat avait fait valoir
ce point de vue dans un courrier adressé récemment au Premier
ministre.
Il a ajouté que le risque d'interférences entre les débats
sur la nationalité et sur l'immigration était avant tout
imputable à la décision du Gouvernement d'imposer l'examen en
urgence de deux projets de loi sur les deux sujets, pratiquement en même
temps.
M. Georges Othily
s'est inquiété de l'application du
projet de loi en Guyane. Faisant valoir que ce département d'outre-mer
était peuplé de 54 % d'étrangers dont 30 %
nés en France, il a indiqué qu'un grand nombre d'entre eux
pourraient devenir français sans manifestation de volonté.
Craignant que cette situation ne remette en cause l'équilibre
économique et social du département, il a demandé au
ministre si d'éventuelles modalités particulières
d'application du texte seraient prévues pour la Guyane.
M. Daniel Hoeffel
a demandé si la fixation à treize ans de
l'âge à partir duquel le jeune pourrait solliciter la
nationalité française permettrait de réellement prendre en
considération la volonté de l'enfant.
M. Jean-Jacques Hyest
,
déplorant une mauvaise application
de la loi due à une information insuffisante des personnes
concernées, a demandé pourquoi il n'avait pas été
prévu de coordonner la procédure d'inscription automatique sur
les listes électorales avec celle d'acquisition de la nationalité
française à la majorité. Il a estimé qu'on aurait
pu ainsi maintenir la manifestation de volonté prévue par la loi
de 1993 et, dans le cadre de l'inscription automatique sur les listes
électorales, contraindre l'administration à rappeler
systématiquement aux jeunes concernés la possibilité qui
leur était offerte de réclamer la nationalité
française.
M. Robert Pagès
, déplorant la confirmation du refus par le
Gouvernement de permettre l'acquisition de la nationalité
française dès la naissance en France, a fait valoir que nul ne
choisissait de naître de parents français ou étrangers. Il
s'est interrogé sur l'" espace de non-droit " dans lequel
vivrait le jeune étranger né en France jusqu'à 13, 16 ou
18 ans suivant les cas. Il a demandé au ministre de poursuivre sa
réflexion sur ce sujet.
M. Christian Bonnet
a interrogé Mme Elisabeth Guigou sur les
statistiques relatives à la manifestation de volonté en demandant
que soit distinguées, d'une part, les personnes qui avaient omis de
réclamer la nationalité française faute d'information et,
d'autre part, celles qui ne voulaient pas devenir françaises.
Mme Monique Cerisier-Ben Guiga
a considéré
préjudiciable à l'intérêt des enfants de ne pas
autoriser leurs parents à réclamer la nationalité
française en leur faveur dès leur naissance. Elle a estimé
que l'intérêt des enfants devait passer avant l'expression
éventuelle de leur volonté.
Elle s'est par ailleurs interrogée sur les conséquences en
matière de preuve d'une acquisition de la nationalité
française de plein droit et donc sans constitution concomitante d'une
preuve irréfragable de ladite acquisition. Elle a souligné les
difficultés pour les Français établis hors de France
d'apporter la preuve de leur nationalité française,
difficultés qui pourraient être accrues dans le système
proposé.
M. Guy Allouche
a d'abord interrogé Mme Elisabeth Guigou, garde
des sceaux, ministre de la Justice, sur les différences
d'appréciation de la condition de cinq ans de résidence dans le
projet de loi et dans la législation en vigueur.
Il a ensuite demandé pourquoi les mentions relatives à la
nationalité ne seraient, selon le projet de loi, portées sur
l'extrait d'acte de naissance ou sur le livret de famille qu'à la
demande de l'intéressé.
Abordant lui aussi la question de la condition de cinq ans de résidence,
M. Lucien Lanier
s'est interrogé sur la situation du jeune
qui aurait effectué un séjour dans son pays d'origine au cours de
cette période.
M. Michel Dreyfus-Schmidt
, évoquant l'exemple de la
législation allemande, a demandé s'il ne conviendrait pas de
réfléchir à la possibilité de faciliter
l'acquisition de la nationalité française par des enfants
nés à l'étranger mais arrivés en France au cours de
la petite enfance et ayant effectué dans notre pays un certain nombre
d'années de scolarité.
Puis,
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,
a
répondu aux questions posées par les membres de la commission.
A propos de la déclaration d'urgence sur le projet de loi, elle a
invoqué l'encombrement de l'ordre du jour du Parlement et la
volonté du Gouvernement de remplir rapidement ses engagements.
Au sujet de l'application de la loi en Guyane, elle a rappelé qu'il
n'était pas de tradition de prévoir une application
différenciée de la loi sur le territoire de la République.
Elle a cependant ajouté, en réponse à une question de
M. Georges Othily
, que l'aménagement du régime des
jugements déclaratifs de naissance permettrait à l'administration
de lutter contre certaines fraudes.
S'agissant de la capacité pour un enfant d'exprimer sa volonté
à partir de l'âge de treize ans, elle a rappelé que la
législation en vigueur reconnaissait aux jeunes de cet âge une
certaine autonomie de la volonté, notamment en matière d'adoption
ou de garde après le divorce des parents, ou encore en matière
pénale. Elle a considéré qu'à l'âge de
treize ans un enfant pouvait assumer certaines responsabilités et
que cette possibilité constituerait un facteur d'intégration et
de structuration de sa personnalité.
Soulignant que les taux de refus d'enregistrement des manifestations de
volonté variaient sensiblement selon les tribunaux, elle a estimé
que dans ce domaine la marge d'appréciation des magistrats devait
être aussi réduite que possible.
M. Jean-Jacques Hyest
, ayant fait observer que ces disparités
risqueraient de subsister lorsque les étrangers ayant vocation à
devenir automatiquement français seraient amenés à
demander un certificat de nationalité,
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice,
a estimé que
l'automaticité de l'acquisition réduirait ces difficultés.
M. Jacques Larché, président
, a jugé paradoxal que
le projet ouvre un choix aux enfants à l'âge de treize ans alors
qu'à l'âge de dix-huit ans l'acquisition serait automatique. Il a
rappelé que le législateur de 1993 avait en vue une
démarche solennelle et intégrante du nouveau Français.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,
a
affirmé que le jeune garderait un choix à dix-huit ans puisqu'il
pourrait décliner la nationalité française. Elle a
ajouté qu'un étranger ne pourrait pas devenir français
sans l'avoir désiré puisque la possibilité pour les
parents de réclamer la nationalité française au
bénéfice de leurs enfants dès la naissance ne serait pas
rétablie.
Elle a déclaré qu'à ses yeux la volonté
d'être français devait se manifester par l'intégration dans
la vie quotidienne et par l'école de la République, plutôt
qu'en remplissant un formulaire administratif.
Elle a en outre précisé que la loi de 1973 prévoyait elle
aussi une possibilité de demande d'acquisition anticipée de la
nationalité française dès l'âge de seize ans,
sans pour autant que celle-ci ait pu apparaître contradictoire avec une
acquisition de plein droit à la majorité.
M. Jacques Larché, président
, a souligné la
différence fondamentale entre une démarche pour demander la
nationalité française, témoignant d'une réelle
volonté, et la simple possibilité de la refuser.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,
a
rappelé que le droit du sol intégral n'avait jamais
été appliqué en France et qu'il ne lui paraissait pas
possible d'envisager l'attribution de la nationalité française
à raison de la seule naissance en France.
Elle a cependant indiqué que le Gouvernement s'était
effectivement interrogé sur la situation des enfants âgés
de moins de treize ans qui ont vocation à devenir Français.
Elle a précisé que des négociations étaient en
cours avec les principaux Etats d'origine des intéressés afin que
ceux-ci puissent bénéficier de papiers d'identité et que
l'Assemblée nationale avait en outre prévu qu'un " titre
d'identité républicain " serait délivré aux
enfants nés en France de parents étrangers titulaires d'un titre
de séjour.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,
a
ensuite indiqué que l'on ne disposait pas de statistiques
précises concernant le nombre des personnes n'ayant pas manifesté
leur volonté de devenir françaises et qu'il n'était en
tout état de cause pas possible de déterminer le motif de leur
abstention. Elle a cependant évalué entre 10 et 20 % la
proportion des jeunes susceptibles d'acquérir la nationalité
française qui n'en avaient pas manifesté la volonté, sur
25.000 par an au total.
Elle a par ailleurs précisé que les mentions, sur le livret de
famille et les extraits de l'acte de naissance, des informations relatives
à la nationalité ne seraient pas portées
systématiquement pour des raisons tenant à la protection de la
vie privée.
A propos de la condition de résidence, elle a souligné que les
législations de 1973 et de 1993 prévoyaient une obligation de
résidence en France au cours d'une période de cinq années
continue et contiguë à l'âge de la majorité tandis que
le projet de loi tendait à prendre en compte une période continue
ou discontinue d'au moins cinq ans de résidence entre les
âges de onze et de dix-huit ans. Elle a fait observer que cet
assouplissement répondait à la situation d'enfants effectuant de
courts séjours dans leur pays d'origine ou même de certains
d'entre eux renvoyés par leurs parents dans ce pays contre leur
volonté, notamment certaines jeunes filles contraintes à se
marier. Elle a ajouté que ce nouveau régime permettrait
d'établir plus facilement la réalité des cinq
années de résidence en permettant de les faire coïncider, le
cas échéant, avec des années de scolarité
obligatoire, ce qui faciliterait la démonstration de la preuve de cette
résidence en France.
S'agissant des jeunes arrivés en France peu après leur naissance,
elle a indiqué, sans nier le problème posé, que le projet
de loi entendait se limiter strictement aux enfants nés en France.
Enfin, en réponse à
M. Patrice Gélard
,
Mme
Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,
a
précisé que d'éventuelles condamnations pénales ne
constitueraient un obstacle à l'acquisition de la nationalité
française que pour les majeurs et non pour les mineurs, comme dans le
régime actuel issu de la loi de 1993. Elle a par ailleurs fait valoir
que de jeunes étrangers résidant en France mais suivant leur
scolarité dans des établissements scolaires non français
refuseraient très probablement de devenir français.
ANNEXE III
LE DROIT DE LA NATIONALITÉ DANS
QUELQUES ETATS DE
L'UNION EUROPEENNE :
ÉLÉMENTS DE COMPARAISON
Le droit de la nationalité dans les Etats de l'Union
européenne, et plus généralement dans les pays
étrangers, se caractérise par une grande diversité.
En effet, dans chaque pays le droit de la nationalité est le produit
d'une évolution empirique, largement liée aux circonstances
historiques, ce qui explique que chaque Etat combine de façon
spécifique les différents critères pouvant être
attributifs du lien de nationalité : filiation (
jus
sanguinis
), naissance sur le territoire (
jus soli
),
résidence, mariage...
On se limitera dans le cadre du présent rapport à fournir
quelques éléments de comparaison tirés de l'étude
de la législation des Etats européens suivants : Belgique,
Royaume-Uni, Italie, Espagne, Portugal, République
fédérale d'Allemagne, Pays-Bas.
1. L'attribution de la nationalité par filiation
La filiation est reconnue comme un critère
attributif de la nationalité à la naissance dans tous les Etats
de l'Union européenne précités
, qui confèrent
donc leur nationalité aux enfants nés d'un de leurs
ressortissants.
Cependant, pour ce qui concerne les enfants nés à
l'étranger, certains Etats n'attribuent pas automatiquement la
nationalité et imposent alors une formalité
préalable : enregistrement de la naissance ou déclaration
par les parents ; tel est le cas en Belgique (si le parent belge n'est pas
lui-même né en Belgique), au Portugal et au Royaume-Uni (à
condition que l'un des parents ait résidé au moins trois ans au
Royaume-Uni avant la naissance de l'enfant).
2. Le droit du sol double
Aux Etats-Unis, tout enfant né sur le sol
américain est citoyen de naissance
6(
*
)
; de même beaucoup de pays
d'Amérique latine attribuent leur nationalité par la seule
naissance sur leur territoire.
En revanche,
aucun des pays européens précités
n'applique le
jus soli
simple
, suivant lequel la naissance
sur le sol du pays suffit à attribuer la nationalité, sauf dans
des cas très particuliers. Ainsi, tous les Etats européens
étudiés confèrent leur nationalité aux enfants
trouvés sur leur territoire ou de parents inconnus, tandis que la
majorité d'entre eux l'attribuent aux enfants de parents apatrides ou
aux enfants auxquels les lois étrangères n'attribuent la
nationalité d'aucun des deux parents.
Cependant,
une minorité de pays européens pratique, comme la
France, le double
jus soli
,
c'est-à-dire la
règle selon laquelle la naissance dans le pays d'un enfant dont un
parent y est lui-même né entraîne l'attribution à la
naissance de la nationalité du pays. Il s'agit, outre la France, de
l'Espagne et de la Belgique (sous réserve d'une condition de
durée de résidence pour les parents dans ce dernier Etat).
Les Pays-Bas appliquent un système un peu analogue: la
nationalité est attribuée automatiquement aux enfants dont l'un
des parents résidant dans le pays est lui-même né d'une
mère résidant dans ce pays.
Ces Etats attribuent donc automatiquement leur nationalité aux enfants
dits de la " troisième génération ".
3. L'attribution ou l'acquisition de la nationalité en raison de la naissance et de la résidence dans le pays
En ce qui concerne les enfants dits de la
" deuxième génération ",
quelques Etats
attribuent leur nationalité dès la naissance aux enfants
nés dans le pays de parents étrangers, sous réserve d'une
condition de résidence s'appliquant aux parents
.
Ainsi, en Grande-Bretagne, la nationalité britannique est
conférée automatiquement à tout enfant né au
Royaume-Uni lorsque l'un des parents y est lui-même
régulièrement établi.
En Belgique et au Portugal, l'attribution de la nationalité est soumise
à une déclaration des parents et joue en faveur :
- de l'enfant né en Belgique lorsqu'il y réside et que ses
parents y résident eux-mêmes depuis 10 ans ;
- de l'enfant né au Portugal de parents qui y ont leur résidence
habituelle depuis au moins 6 ans, s'ils sont ressortissants de pays de
langue officielle portugaise, ou depuis au moins 10 ans dans les autres
cas.
Plus fréquemment, les Etats européens prévoient, comme
la France, une acquisition possible de la nationalité par une
démarche volontaire
: manifestation de volonté,
déclaration, option... en faveur des enfants nés dans le pays de
parents étrangers,
à partir d'un certain âge
(le
plus souvent autour de la majorité) et
sous réserve d'une
condition de résidence
.
Ainsi, un étranger né en Belgique et y ayant sa résidence
depuis sa naissance peut acquérir la nationalité belge par
déclaration souscrite entre 18 et 30 ans. Un étranger
né en Italie qui y a résidé légalement sans
interruption jusqu'à sa majorité peut déclarer vouloir
acquérir la nationalité italienne dans l'année suivant sa
majorité. Un étranger majeur né aux Pays-Bas qui, depuis
sa naissance, y a son domicile ou son lieu de séjour réel peut de
même acquérir la nationalité néerlandaise par une
déclaration souscrite avant l'âge de 25 ans.
Par ailleurs, le mineur né au Royaume-Uni de parents étrangers et
y résidant depuis plus de dix ans peut bénéficier
d'une procédure d'enregistrement.
L'Allemagne ne reconnaît
en revanche
en aucun cas le droit
à devenir allemand par la naissance en Allemagne
. Les jeunes
étrangers nés en Allemagne bénéficient cependant
d'une procédure de naturalisation simplifiée ; ils
obtiennent en principe la naturalisation, s'ils satisfont aux conditions
suivantes :
- déposer leur demande entre 16 et 23 ans ;
- résider légalement sur le territoire fédéral
depuis 8 ans ;
- avoir accompli en Allemagne 6 années de scolarité (dont 4
ans dans un établissement d'enseignement général) ;
- n'avoir encouru aucune peine majeure prévue par la loi.
Encore doivent-ils accepter de perdre leur nationalité antérieure
ou d'y renoncer.
4. Le mariage
Dans les pays européens précités, le
mariage avec un national n'entraîne jamais de plein droit l'acquisition
de la nationalité.
Cependant,
un droit d'option pour la nationalité du conjoint, en
général par voie de déclaration, est fréquemment
prévu comme en France, tout en étant notamment subordonné
à une condition de durée minimum du mariage ou du séjour
dans le pays
: ainsi, sont requis avant une telle
déclaration :
- deux ans de mariage en France ;
- trois ans de résidence commune en Belgique (ou six mois
seulement si l'intéressé y réside
régulièrement depuis au moins trois ans) ;
- trois ans de mariage ou six mois de résidence en
Italie ;
- trois ans de mariage en Espagne.
Dans les autres pays, une
procédure de naturalisation
simplifiée
est ouverte à l'étranger ayant
épousé un national (à condition de justifier de
trois ans de résidence régulière en Grande-Bretagne,
d'un an de mariage en Espagne, de trois ans de mariage aux Pays-Bas).
5. La naturalisation
La naturalisation, décision discrétionnaire de
l'Etat, ne constitue jamais un droit pour l'étranger qui demande
à en bénéficier.
La procédure de naturalisation est généralement ouverte
aux étrangers majeurs justifiant d'une durée de résidence
minimum dans le pays, le plus souvent fixée au moins à
cinq ans comme en France
(sous réserve de réductions de
délais ou de dispenses spécifiques), cette durée pouvant
parfois atteindre dix ans. Des conditions supplémentaires sont
toujours exigées, concernant par exemple
l'assimilation et la
connaissance de la langue
(France, Grande-Bretagne, Portugal, Pays-Bas,
Espagne), la moralité ou l'absence de condamnations pénales ou
d'obstacle au séjour (France, Grande-Bretagne, Allemagne, Pays-Bas),
l'indépendance économique (Allemagne, Portugal)...
Certains Etats exigent l'abandon de la nationalité antérieure
(Allemagne, Espagne, Pays-Bas) et parfois une prestation de serment (Espagne,
Italie).
Le plus souvent, l'acquisition de la nationalité bénéficie
également aux enfants mineurs du naturalisé, le cas
échéant sous certaines conditions (notamment la France et
l'Italie exigent qu'ils aient la même résidence que leur parent).
*
* *