RAPPORT N° 162 - PROJET DE LOI, ADOPTE PAR L'ASSEMBLEE NATIONALE, APRES DECLARATION D'URGENCE, RELATIF A LA NATIONALITE
M. Christian BONNET, Sénateur
COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LEGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL, DU REGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GENERALE - RAPPORT N° 162 - 1997/1998
Table des matières
- LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
-
EXPOSÉ GÉNÉRAL
-
I. CE PROJET DE LOI EST-IL NÉCESSAIRE, QUI PLUS EST EN URGENCE ?
- A. LE DROIT DU SOL ISSU DE LA TRADITION RÉPUBLICAINE N'A AUCUNEMENT ÉTÉ REMIS EN CAUSE EN 1993
-
B. L'APPLICATION GLOBALEMENT SATISFAISANTE DE LA LOI DU 22 JUILLET 1993
PEUT SANS DOUTE ÊTRE AMÉLIORÉE MAIS RIEN NE JUSTIFIE DE REMETTRE EN CAUSE LE
PRINCIPE DE LA MANIFESTATION DE VOLONTÉ
- 1. Faute de recul suffisant et d'étude globale, le bilan ne peut être que partiel
- 2. En dépit de l'incertitude des statistiques, il apparaît que la très grande majorité des jeunes intéressés demandent la nationalité française et que peu de décisions de refus leur sont opposées
- 3. Les dysfonctionnements administratifs apparus dans l'application de la loi peuvent être corrigés sans en remettre en cause les principes
- 4. La nécessité de procéder à des démarches administratives et les difficultés liées à la preuve de la nationalité subsisteraient même si l'on revenait au principe d'une acquisition automatique de la nationalité
- C. UN RECOURS INJUSTIFIÉ À LA PROCÉDURE D'URGENCE
-
II. CE PROJET DE LOI EST-IL OPPORTUN ?
- A. LES PRÉOCCUPATIONS QUI ONT AUTREFOIS CONDUIT À PRÉVOIR UNE ACQUISITION AUTOMATIQUE DE LA NATIONALITÉ FRANÇAISE PAR LES ENFANTS NÉS EN FRANCE DE PARENTS ÉTRANGERS ÉTAIENT CELLES D'UNE TOUTE AUTRE ÉPOQUE
- B. LES FLUX D'IMMIGRES APPELÉS À ACQUÉRIR LA NATIONALITÉ FRANÇAISE ONT CHANGÉ DE NATURE
- C. LES PRINCIPAUX FACTEURS D'INTÉGRATION PAR LA SOCIALISATION SE SONT SINGULIÈREMENT AFFADIS
- D. CE SUJET EST SENSIBLE ENTRE TOUS, DÈS LORS QU'IL TOUCHE AU SENTIMENT NATIONAL
- III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : LE REJET DES DISPOSITIONS QUI REMETTENT EN CAUSE LA LOI DU 22 JUILLET 1993
-
I. CE PROJET DE LOI EST-IL NÉCESSAIRE, QUI PLUS EST EN URGENCE ?
- EXAMEN DES ARTICLES
-
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE CIVIL -
SECTION 1
Dispositions modifiant les règles d'acquisition
de la nationalité française-
Article 1er A
(art. 21-2 du code civil)
Délai préalable à l'acquisition de la nationalité française
à raison du mariage -
Article 1er
(art. 21-7 du code civil)
Acquisition de la nationalité française à raison
de la naissance et de la résidence en France -
Article 2
(art. 21-8 du code civil)
Faculté de décliner la qualité de Français -
Article 3
(art. 21-9 du code civil)
Perte de la faculté de décliner la qualité de Français -
Article 4
(art. 21-10 du code civil)
Acquisition de la nationalité française par les enfants
de diplomates étrangers, nés et résidant en France -
Article 5
(art. 21-11 du code civil)
Anticipation de l'acquisition de la nationalité française
à raison de la naissance et de la résidence en France -
Article 5 bis
(art. 21-12 du code civil)
Acquisition de la nationalité française par un mineur
ayant fait l'objet d'une adoption simple par un Français
établi hors de France -
Article 6
(art. 21-19 du code civil)
Coordination avec la suppression de la manifestation
de volonté d'être Français
Dispense de stage pour la naturalisation des réfugiés -
Article 6 bis
(art. 21-26 du code civil)
Coordination avec la réforme du service national -
Article 7
(art. 21-27 du code civil)
Obstacles à l'acquisition de la nationalité française -
Article 8
(art. 22-1 du code civil)
Effet collectif de l'acquisition de la nationalité française -
Article 9
(art. 26, 26-3, 26-4 et 26-5 du code civil)
Coordination avec la suppression de la manifestation
de volonté d'être Français
-
Article 1er A
-
SECTION 2
Dispositions modifiant les règles
d'attribution de la nationalité française-
Article 10
(art. 19-1 du code civil)
Attribution par défaut de la nationalité française à l'enfant
ne pouvant être rattaché à aucune autre nationalité -
Article 11
(art. 20-5 du code civil)
Non-application du double droit du sol
aux enfants de diplomates étrangers -
Article 11 bis
(art. 21-25 du code civil)
Délai d'instruction
des demandes de naturalisation
-
Article 10
-
SECTION 3
Dispositions modifiant les règles de preuve
de la nationalité française -
SECTION 4
Dispositions modifiant les règles de perte
de la nationalité française-
Article 14 A
(art. 20-4 du code civil)
Perte de la faculté de répudier la qualité
de Français -
Article 14B
(art. 23-2 du code civil)
Nécessité d'avoir satisfait les obligations
du service national pour souscrire une déclaration
en vue de la perte de la nationalité française -
Article 14
(art. 23-3 du code civil)
Perte de la nationalité française en cas de répudiation
de la qualité de français acquise par effet collectif -
Article 14 bis
(art. 23-5 du code civil)
Nécessité d'avoir satisfait les obligations du code du service national
pour répudier la nationalité française à raison du mariage
avec un étranger -
Article 14 ter
(art. 24-2 du code civil)
Réintégration dans la nationalité française par déclaration -
Article 14 quater
(art. 25 du code civil)
Déchéance de la nationalité française
-
Article 14 A
-
CHAPITRE II
DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES-
Article additionnel avant l'article 15 A
Preuve de la nationalité française
des Alsaciens-Mosellans -
Article 15 A
(art. 23 de la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973)
Application du double droit du sol aux enfants nés en France
d'un parent né sur le territoire des anciens départements
français d'Algérie -
Article 15B
Accès aux dossiers administratifs
en matière de nationalité -
Article 15 C
Motivation des décisions administratives
relatives à la nationalité -
Article 15
(art. L. 15 et L. 16 du code du service national)
Coordination avec le code du service national -
Article 15 bis
Titre d'identité républicain -
Article 15 ter
(art. l. 40-1 du code du service national)
Assimilation des obligations du service national dans l'Etat d'origine
aux obligations imposées par le code du service national -
Article 15 quater
(art. L. 113-3 du code du service national)
Obligation de recensement imposée aux personnes qui n'ont pas exercé
la faculté de répudier ou de décliner la nationalité française -
Article 16
Régime juridique applicable aux manifestations de volonté
déjà souscrites mais non encore enregistrées à la date d'entrée
en vigueur de la loi -
Article 17
Régime transitoire d'acquisition de la nationalité française
par certaines catégories de jeunes nés en France de parents étrangers -
Article 18
Maintien de la dispense de stage pour la naturalisation
des personnes nées en France de parents étrangers
et âgées de plus de 21 ans à la date d'entrée en vigueur
de la loi -
Article 19
Application dans les territoires d'outre-mer
et à Mayotte -
Article 20
Date d'entrée en vigueur de la loi
-
Article additionnel avant l'article 15 A
- ANNEXES
-
ANNEXE I :
COMPTE-RENDU DE L'AUDITION DE M. PATRICK WEIL LE MERCREDI 26 NOVEMBRE 1997 -
ANNEXE II
COMPTE-RENDU DES AUDITIONS PUBLIQUES
DU MERCREDI 3 DÉCEMBRE 1997 - ANNEXE III
-
LE DROIT DE LA NATIONALITÉ DANS
QUELQUES ETATS DE L'UNION EUROPEENNE :
ÉLÉMENTS DE COMPARAISON - TEXTES DE RÉFÉRENCE
N° 162
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 10 décembre 1997.
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, relatif à la nationalité ,
Par M. Christian BONNET,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Jacques Larché,
président
;
René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles
Jolibois, Robert Pagès, Georges Othily,
vice-présidents
;
Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson,
secrétaires
; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert
Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl,
Christian Bonnet, Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel
Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli,
Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Jean Derian, Michel
Dreyfus-Schmidt, Michel Duffour, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault,
Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel
Millaud, Jean-Claude Peyronnet, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre
Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 328 , 443, et T.A. 41 . Sénat : 145 (1997-1998). |
|
Nationalité. |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
Réunie le mercredi 10 décembre 1997 sous la
présidence de M. Jacques Larché, président, la
commission des Lois du Sénat a examiné, sur le rapport de M.
Christian Bonnet, le projet de loi relatif à la nationalité.
M. Christian Bonnet, rapporteur, a rappelé que, moins de cinq ans
après le vote de la loi du 22 juillet 1993 réformant le droit de
la nationalité, ce projet tendait à remettre en cause le
fondement de cette réforme -à savoir l'exigence d'une
manifestation de volonté entre 16 et 21 ans pour l'acquisition de la
nationalité française par les enfants nés en France de
parents étrangers- pour en revenir au principe d'une acquisition
automatique de la nationalité française par ces jeunes à
l'âge de leur majorité.
Le rapporteur a jugé que ce projet de loi n'était ni
nécessaire, ni opportun.
· Pas nécessaire, parce que le droit du sol issu de la tradition
républicaine n'avait aucunement été remis en cause par la
loi de 1993 et que rien ne justifiait de toucher au principe de la
manifestation de volonté, même si l'application -d'ailleurs
globalement satisfaisante- de la loi du 22 juillet 1993 pouvait sans doute
être améliorée, en corrigeant certains dysfonctionnements
constatés dans sa mise en oeuvre.
La commission a vivement regretté ces dysfonctionnements, imputables
pour l'essentiel à l'administration, ainsi que la très nette
insuffisance de l'information dispensée auprès des jeunes
concernés.
· Pas opportun parce que :
- c'étaient essentiellement des préoccupations relatives au
service militaire qui avaient autrefois conduit à l'instauration, par la
loi du 26 juin 1889, d'une acquisition automatique de la nationalité
française par les immigrés de la " deuxième
génération ";
- les flux d'immigrés appelés à acquérir la
nationalité française, autrefois à dominante
européenne et de culture proche de la notre, avaient désormais
une origine tant géographique que culturelle plus lointaine ;
- les principaux facteurs d'intégration -l'école, la famille, le
service militaire ou la religion- s'étaient singulièrement
affadis, au détriment de la capacité d'intégration de la
société française.
Ni opportun non plus parce que le projet de loi heurtait le sentiment d'une
grande majorité de Français, au vu des résultats d'un
récent sondage.
Le rapporteur a pleinement souscrit à la protestation
élevée auprès du Premier ministre par M. René
Monory, Président du Sénat, contre la déclaration
d'urgence sur le projet de loi, d'autant moins justifiée qu'un bilan
définitif de la réforme de 1993 ne pouvait même pas
être établi pour une génération entière de
jeunes concernés par la manifestation de volonté et que,
paradoxalement, le Gouvernement proposait de différer de six mois
l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.
En conséquence, la commission des Lois du Sénat a rejeté
toutes les dispositions du projet de loi remettant en cause l'exigence d'une
démarche volontaire pour l'acquisition de la nationalité
française par les jeunes nés en France de parents
étrangers.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est aujourd'hui saisi, après déclaration
d'urgence, d'un projet de loi relatif à la nationalité,
adopté par l'Assemblée nationale le 28 novembre 1997.
Moins de cinq ans après le vote de la loi du 22 juillet 1993
réformant le droit de la nationalité, le projet de loi
présenté par le Gouvernement tend à remettre en cause le
fondement de cette réforme, à savoir l'exigence d'une
manifestation de volonté, entre 16 et 21 ans, pour l'acquisition de
la nationalité française par les jeunes nés en France de
parents étrangers.
En effet, il nous est proposé de revenir au principe d'une acquisition
automatique de la nationalité française par ces jeunes à
l'âge de leur majorité, qui prévalait avant la
réforme de 1993, les conditions de résidence en France
traditionnellement exigées étant par ailleurs assouplies.
L'acquisition de la nationalité française pourrait en outre
être anticipée par une démarche volontaire de
l'intéressé lui-même à partir de l'âge de
16 ans, ou de ses parents en son nom et avec son consentement personnel,
dès l'âge de 13 ans, ainsi que l'a souhaité
l'Assemblée nationale.
Tel est le coeur du dispositif du projet de loi, auquel l'Assemblée
nationale a ajouté un certain nombre de dispositions diverses et qui
comprend en outre quelques aménagements techniques tendant notamment
à faciliter la preuve de la nationalité française.
A la lumière des riches informations recueillies au cours d'une
journée d'auditions publiques
1(
*
)
, votre
commission des Lois s'est interrogée tant sur la nécessité
que sur l'opportunité d'une nouvelle réforme du droit de la
nationalité.
I. CE PROJET DE LOI EST-IL NÉCESSAIRE, QUI PLUS EST EN URGENCE ?
A l'appui d'une nouvelle réforme, le Gouvernement
invoque, d'une part, un prétendu retour à la tradition
républicaine du droit du sol et, d'autre part, les difficultés
d'application de la loi du 22 juillet 1993.
Ces arguments ont-ils quelque fondement ?
A. LE DROIT DU SOL ISSU DE LA TRADITION RÉPUBLICAINE N'A AUCUNEMENT ÉTÉ REMIS EN CAUSE EN 1993
Contrairement à ce qui est trop fréquemment affirmé, le droit du sol n'a pas été modifié, dans son principe, par la réforme de 1993 qui s'était inspirée des propositions largement consensuelles de la Commission de la nationalité réunie en 1987 sous la présidence de M. Marceau Long.
1. Le droit du sol n'a pas été modifié dans son principe
En dépit des interprétations confuses qui ont pu
en être faites, la loi du 22 juillet 1993 n'a pas mis en cause le
droit des jeunes nés en France de parents étrangers à
acquérir la nationalité française.
En effet, ainsi que le reconnaît lui-même
M. Patrick Weil
2(
*
)
dans un rapport
intitulé "
Des conditions d'application du principe du droit du
sol pour l'attribution de la nationalité française
",
réalisé à la demande du Gouvernement et dont les
propositions ont servi de base à l'élaboration du présent
projet de loi : "
La tradition républicaine du droit du sol
est, depuis 1889, fondée sur un principe : l'enfant né en
France d'un parent lui-même né en France est Français
à la naissance, car deux générations nées sur le
sol de France ont permis une totale assimilation ; en outre, l'enfant
né en France de parents étrangers non nés en France est
Français à sa majorité c'est-à-dire au moment
où, grâce notamment à l'école, l'influence de la
société est censée l'emporter sur celle
éventuellement contraire de la famille. Or, ce principe n'a pas
été mis en cause par la nouvelle loi puisque cet enfant a
toujours le droit de devenir Français
".
Saisi d'un recours contre la loi votée par le Parlement en 1993, le
Conseil constitutionnel a d'ailleurs reconnu que cette loi n'avait pas
contrevenu à un principe fondamental reconnu par les lois de la
République, dans une décision n° 93-321 DC du
21 juillet 1993 aux termes de laquelle : "
Considérant
que la loi déférée dispose que l'acquisition de la
nationalité française doit faire l'objet d'une manifestation de
volonté de la part de l'intéressé ; que s'agissant
d'une telle condition mise à l'acquisition de la nationalité
française par l'effet de la naissance sur le territoire français,
il était loisible au législateur de l'édicter sans porter
atteinte à un principe de valeur constitutionnelle
".
2. La loi du 22 juillet 1993, résultant d'une initiative sénatoriale, s'est fondée sur les propositions largement consensuelles de la Commission de la nationalité réunie en 1987
Il n'est pas inutile de rappeler que la loi du
22 juillet
1993 trouve son origine dans les travaux de la Commission de la
nationalité, réunie en 1987 à l'initiative de M. Jacques
Chirac, alors Premier ministre, et qui avait été chargée
de procéder à une large concertation en vue de dégager un
consensus sur les orientations d'une réforme du droit de la
nationalité.
Ainsi que l'a rappelé son président, M. Marceau Long,
devant votre commission des Lois, la Commission de la nationalité,
composée de 19 membres -historiens, sociologues, philosophes,
médecins et juristes-, effectua de très nombreuses auditions
publiques et télévisées au cours desquelles elle entendit
près d'une centaine de personnalités de tous horizons et de
sensibilités les plus diverses. A l'issue des ces auditions, elle adopta
à l'unanimité son rapport intitulé "
Être
français aujourd'hui et demain
", traduisant un large accord
sur les orientations souhaitables d'une réforme.
Privilégiant une conception élective de la nationalité, ce
rapport, considéré depuis lors comme un document de
référence, mettait l'accent sur la reconnaissance d'une part plus
large à l'expression de la volonté individuelle pour
l'accès à la nationalité française : la Commission
considérait que l'acquisition de la nationalité française
devait être le résultat d'une démarche volontaire de
l'intéressé et non lui être imposée à son
insu ou même contre son gré. Elle soulignait en effet le
caractère peu satisfaisant d'une situation où beaucoup de jeunes
devenaient Français sans le vouloir, parfois même sans le savoir,
en raison de l'automaticité de l'acquisition de la nationalité.
Aussi, sans remettre en cause le droit du sol tel qu'issu de la tradition
républicaine -c'est-à-dire le droit de devenir Français
à l'âge de la majorité reconnu aux jeunes nés en
France de parents étrangers et présumés suffisamment
intégrés à la communauté nationale du fait de
l'exigence d'une condition de résidence de cinq ans-, la Commission
était-elle amenée à proposer que ces jeunes manifestent
leur volonté de devenir Français par une démarche
individuelle. Selon elle, l'expression de cette décision individuelle
devait pouvoir être précoce tout en restant possible pendant une
période suffisamment étendue, d'où la proposition que la
décision soit prise entre 16 et 21 ans. L'expression de la
volonté individuelle devait prendre la forme d'une démarche
administrative la plus simple possible, grâce à la mise en place
"
d'un système très complet d'information et
d'organisation administrative
" jugé indispensable à la
nécessité de la réforme. En outre, dès lors
qu'étaient réunies les conditions de naissance et de
résidence en France, la décision des intéressés ne
devait plus être qu'exceptionnellement contestée par l'Etat.
Estimant que l'expression de la décision individuelle devait être
personnelle, la Commission proposait en même temps de supprimer la
procédure qui permettait alors aux parents de demander la
nationalité française aux lieu et place de leurs enfants mineurs
âgés de moins de seize ans (article 54 du code de la
nationalité).
Tel était l'axe essentiel des propositions de la Commission de la
nationalité qui traçaient par ailleurs le cadre d'une
réforme beaucoup plus vaste de l'ensemble du droit de la
nationalité.
Cette réforme avait pour objet de permettre une meilleure
intégration des immigrés et de leurs enfants qui, selon la
Commission, passait par un renforcement de la conscience d'identité de
la Nation française.
La proposition de loi sénatoriale dont est issue la loi du
22 juillet 1993 n'a fait que reprendre les principales suggestions de
nature législative de la Commission de la nationalité.
Cette proposition de loi, déposée sur le bureau du Sénat
le 7 juin 1990 par MM. Charles Pasqua, Ernest Cartigny, Daniel Hoeffel et
Marcel Lucotte, avait été adoptée par le Sénat en
première lecture le 20 juin 1990, soit plus de deux ans après
l'achèvement des travaux de la Commission de la nationalité. Elle
a par la suite été examinée en première lecture par
l'Assemblée nationale les 11, 12 et 13 mai 1993, puis en deuxième
lecture par le Sénat les 15, 16 et 17 juin 1993, avant d'être
adoptée définitivement par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture le 24 juin 1993 et de devenir la loi du 22 juillet
1993.
Or, les raisons qui avaient conduit la Commission de la nationalité
à préconiser l'exigence d'une manifestation de volonté
pour l'acquisition de la nationalité française conservent
aujourd'hui toute leur pertinence.
Il est d'ailleurs frappant de constater que les critiques les plus
fréquemment adressées à la loi du 22 juillet 1993
(insuffisance de l'information des jeunes, voire des administrations
concernées, difficultés des intéressés à
apporter la preuve de leur résidence en France...) tiennent plus aux
conditions d'application de la loi qu'au principe même de la
manifestation de volonté.
B. L'APPLICATION GLOBALEMENT SATISFAISANTE DE LA LOI DU 22 JUILLET 1993 PEUT SANS DOUTE ÊTRE AMÉLIORÉE MAIS RIEN NE JUSTIFIE DE REMETTRE EN CAUSE LE PRINCIPE DE LA MANIFESTATION DE VOLONTÉ
Le bilan de l'application de la loi du 22 juillet 1993
justifie-t-il une remise en cause du principe de la manifestation de
volonté ?
A l'évidence non, car même si l'on manque encore de recul pour en
apprécier les résultats, la réforme fonctionne, et
même mieux qu'on ne pouvait l'espérer. Les dysfonctionnements
administratifs qui ont pu apparaître dans l'application de la loi peuvent
facilement être corrigés sans pour autant modifier la
législation en vigueur.
1. Faute de recul suffisant et d'étude globale, le bilan ne peut être que partiel
Pour ce qui concerne la procédure de la manifestation
de volonté, la réforme résultant de la loi du
22 juillet 1993 n'est entrée en vigueur que le
1er janvier 1994. On manque donc encore de recul pour en
apprécier l'application, d'autant que les jeunes concernés
disposent de cinq ans pour procéder à la manifestation de
volonté, qui peut être souscrite entre 16 et 21 ans.
Ce n'est qu'à la fin de 1999 que l'on pourra faire un bilan complet de
la nouvelle procédure sur une cohorte de jeunes qui, de 16 à
21 ans, y aura été soumise pendant cinq années, car
la première génération ayant eu la possibilité de
manifester sa volonté dès l'âge de 16 ans est
constituée par les jeunes nés en 1978 qui ne
" sortiront " du dispositif que fin 1999. En attendant, il
n'est pas
possible de dresser un bilan exhaustif de l'application de la nouvelle
procédure.
En outre, il n'existe pas d'étude globale permettant d'apprécier
le comportement des jeunes concernés par la procédure de la
manifestation de volonté dans la France entière. En effet, il
semblerait que seules deux études partielles aient été
réalisées à ce jour.
L'une de ces études a été réalisée pour le
ministère de la justice, par le centre de droit de la famille de
l'Université de Lyon III, sous la direction du professeur
Hugues Fulchiron qui en a présenté les principaux
résultats devant votre commission des Lois ; elle portait sur
quelques sites témoins correspondant aux ressorts des tribunaux
d'instance de Lyon, de Villeurbanne, de Marseille, de Puteaux et de Clichy,
l'échantillon retenu portant au total sur 1.303 dossiers ouverts en
1994 et 1995.
La seconde concerne la région Alsace et a été
effectuée par l'Observatoire régional de l'intégration et
de la ville
3(
*
)
.
2. En dépit de l'incertitude des statistiques, il apparaît que la très grande majorité des jeunes intéressés demandent la nationalité française et que peu de décisions de refus leur sont opposées
On ne peut que déplorer les incertitudes et le
caractère lacunaire des statistiques disponibles relatives à la
manifestation de volonté ; de l'aveu même de
Mme Elisabeth Guigou, Garde des sceaux, ministre de la justice,
"
il faut être très prudent
" en la
matière.
Les statistiques disponibles font cependant apparaître qu'une très
grande majorité des jeunes intéressés demandent à
acquérir la nationalité française. Selon les chiffres du
ministère de la justice cités par M. Marceau Long dans
son intervention devant votre commission des Lois : "
la
manifestation de volonté a donné lieu en 1994, à
33.255 acquisitions, en 1995 à 30.526 acquisitions, en 1996
à 29.845 acquisitions. Il apparaît que les jeunes nés en
1977 et 1978 ont à plus de 90 % manifesté leur
volonté de devenir français, ceux nés en 1979 l'ont fait
dans une proportion de plus de 80 % et ceux nés en 1980
s'étaient déjà manifestés à concurrence de
47 % dès la première année "
(sous-direction
statistique du ministère de la justice, juillet 1997).
Les jeunes effectuent de plus en plus souvent cette démarche assez
tôt, entre 16 et 18 ans, l'âge moyen des déclarants
étant légèrement supérieur à 17 ans ; chaque
année, davantage de jeunes déposent leur demande dès 16
ans : 32 % en 1994, 43 % en 1995 et 46 % en 1996.
Il semblerait cependant, selon M. Paul Lagarde, professeur de droit à
l'université de Paris I, comme selon le Garde des sceaux,
qu'environ 10 à 15 % des jeunes susceptibles d'acquérir la
nationalité française selon cette procédure ne l'auraient
pas demandée, mais parmi ceux qui se sont abstenus de toute
démarche, il est impossible de distinguer ceux qui n'auraient pas
été en mesure de manifester leur volonté faute
d'information par exemple, de ceux qui refusent
délibérément de devenir Français.
Peut-on soutenir, dans ces conditions, que l'ensemble de ces jeunes auraient
été "
laissés au bord de la route
",
selon l'expression du Garde des sceaux ?
En tout état de cause, le taux de refus d'enregistrement des
manifestations de volonté est très faible : 1,6 % en
1994 (644 refus sur 40.915 souscriptions), 2,5 % en 1995 (814
refus sur 32.222 souscriptions), 2,5 % en 1996 (809 refus sur
31.963 souscriptions). Encore faut-il déduire, parmi ces refus,
ceux qui résultent du seul fait que les intéressés
étaient déjà Français sans le savoir (et qui
représenteraient 30 % de l'ensemble des refus selon
M. Marceau Long).
Les autres refus sont essentiellement motivés par l'insuffisance de
preuve de la résidence en France des intéressés au cours
des cinq années précédant la manifestation de
volonté.
Or, la condition de résidence étant maintenue par le projet de
loi, dans l'hypothèse où l'on reviendrait à une
acquisition automatique de la nationalité française à la
majorité, les intéressés devraient justifier de la preuve
de cette résidence lorsqu'ils seraient amenés à demander
un certificat de nationalité française ; ils risqueraient
alors de se voir opposer la même proportion de refus pour cette
même raison.
3. Les dysfonctionnements administratifs apparus dans l'application de la loi peuvent être corrigés sans en remettre en cause les principes
Certes, ainsi que le montrent les différentes
études réalisées et ainsi que l'ont souligné
plusieurs des personnalités auditionnées par votre commission des
Lois, des dysfonctionnements administratifs ont pu apparaître ici ou
là dans l'application de la loi, tenant selon M. Marceau Long,
"
à la faiblesse de la qualité de l'information, à
l'inertie administrative, au faible engagement des services des
différents ministères, au manque de formation des acteurs locaux,
à l'insuffisance de l'effort des établissements scolaires, sans
oublier le génie de l'administration à compliquer ce qui pourrait
être simple, en exigeant des pièces justificatives non
mentionnées dans les textes
".
C'est bien l'insuffisance de l'information fournie aux jeunes et à leurs
familles, voire l'insuffisance de l'information des administrations
elles-mêmes sur les procédures et le droit en vigueur, qui est le
plus souvent dénoncée.
En effet, il semble qu'après les campagnes d'information lancées
en 1994, l'effort d'information se soit relâché ; par
exemple, l'Education nationale a mis en place des "
correspondants
nationalité
", mais ceux-ci ne sont pas présents partout.
L'information est diffusée de façon inégale sur l'ensemble
du territoire, ce qui pourrait expliquer les variations importantes des taux de
manifestation de volonté constatées d'une agglomération
à l'autre (en Alsace, 68 % à Mulhouse contre 42 %
à Strasbourg).
Mais, comme l'a souligné M. Marceau Long devant votre
commission des Lois, "
ces défaillances peuvent être
corrigées sans remise en cause des principes
".
De fait, les remèdes aux dysfonctionnements constatés ne
relèvent pas d'un changement de législation mais d'une
amélioration concrète des modalités d'application de la
loi.
Quelques pistes très pertinentes ont été
évoquées par M. Marceau Long en vue de parvenir
à une telle amélioration, dont on constate qu'elles
relèveraient du pouvoir réglementaire, pour peu qu'il souhaite
réellement les explorer :
- instructions précises des ministères
intéressés ;
- organisation de cycles de formation des personnels administratifs ;
- information obligatoire dans les établissements scolaires.
M. Paul Lagarde a pour sa part suggéré qu'une
information individualisée des jeunes étrangers sur le droit de
la nationalité soit organisée, par exemple en utilisant, comme
pour l'inscription d'office sur les listes électorales, les fichiers de
l'INSEE et ceux de la sécurité sociale.
4. La nécessité de procéder à des démarches administratives et les difficultés liées à la preuve de la nationalité subsisteraient même si l'on revenait au principe d'une acquisition automatique de la nationalité
Il est enfin à souligner qu'un retour au principe d'une
acquisition de plein droit de la nationalité française à
la majorité ne simplifierait pas forcément les démarches
administratives à accomplir par les jeunes nés en France de
parents étrangers.
En effet, dans cette hypothèse, le jeune ayant acquis la
nationalité française serait un jour ou l'autre amené
à faire des démarches pour se voir reconnaître la
qualité de Français, par exemple à l'occasion de la
demande d'un certificat de nationalité ou d'une carte nationale
d'identité.
Or, à l'occasion de cette démarche, il lui faudrait bien apporter
la preuve que la condition de résidence préalable en France est
remplie, et cette preuve risque d'être de plus en plus difficile à
établir au fur et à mesure que le temps s'écoulera.
Les éventuelles disparités qui pourraient aujourd'hui exister
d'un tribunal à l'autre, dans l'appréciation par le juge de la
valeur de preuve de la résidence de tel ou tel document, subsisteraient
donc.
Au total, ainsi que l'a souligné devant votre commission des Lois
M. Hugues Fulchiron, professeur de droit à l'Université
de Lyon III, "
la mise en oeuvre de la loi s'est effectuée
dans des conditions globalement satisfaisantes
".
On n'a pas constaté de réaction de refus des jeunes. Ainsi, le
journal Le Monde a-t-il pu écrire, le 6 février
1996 :
" La " manifestation de volonté ",
instaurée en 1993 pour les jeunes nés en France de parents
étrangers, paraît bien acceptée "
M. Patrick Weil a lui-même reconnu dans son rapport que :
" Les
craintes souvent exprimées au moment de la loi de 1993 que les jeunes
pourraient boycotter la nouvelle procédure paraissent aujourd'hui non
fondées ".
Tout au plus peut-on noter des interrogations des intéressés sur
leur identité, liées aux craintes de perdre leur
nationalité d'origine en devenant Français. Or, ces craintes,
infondées, pourraient facilement être dissipées, car,
à la différence du droit allemand par exemple, le droit
français ne subordonne jamais l'acquisition de la nationalité
française à la perte de la nationalité antérieure.
C. UN RECOURS INJUSTIFIÉ À LA PROCÉDURE D'URGENCE
Votre commission des Lois souscrit pleinement à
l'initiative de M. René Monory, Président du Sénat,
qui a récemment écrit au Premier ministre afin d'élever
une protestation solennelle contre la déclaration d'urgence sur ce
projet de loi.
Au cours de l'audition de Mme Elisabeth Guigou, Garde des sceaux,
ministre de la justice, le président Jacques Larché a fait valoir
que, d'une manière générale, le recours à la
procédure d'urgence réduisait gravement le débat
parlementaire.
Or, la question de la nationalité comporte des enjeux fondamentaux pour
l'avenir de la Nation. Aussi, un tel sujet appelle-t-il une réflexion
parlementaire approfondie incompatible avec la procédure d'urgence,
singulièrement depuis la révision constitutionnelle emportant
session unique.
Il convient à cet égard de rappeler que la réforme du
droit de la nationalité de 1993 n'avait pas donné lieu à
déclaration d'urgence, pas davantage d'ailleurs que la dernière
loi relative à l'entrée et au séjour des étrangers
en France présentée par M. Jean-Louis Debré, alors
ministre de l'intérieur.
Peut-on d'ailleurs raisonnablement envisager de réformer une loi dont un
bilan définitif ne peut même pas encore être établi
pour une génération de jeunes étrangers nés en
France, puisque ceux-ci disposent de cinq années pour manifester leur
volonté de devenir Français ?
II. CE PROJET DE LOI EST-IL OPPORTUN ?
Si ce projet de loi n'est à l'évidence pas
nécessaire, est-il davantage opportun ?
Est-il opportun de rétablir l'acquisition automatique de la
nationalité française par les étrangers de la
" deuxième génération ", instituée en
1889, alors que la situation actuelle n'a plus rien de comparable avec celle de
cette époque ou même avec celle de l'après-guerre ?
A. LES PRÉOCCUPATIONS QUI ONT AUTREFOIS CONDUIT À PRÉVOIR UNE ACQUISITION AUTOMATIQUE DE LA NATIONALITÉ FRANÇAISE PAR LES ENFANTS NÉS EN FRANCE DE PARENTS ÉTRANGERS ÉTAIENT CELLES D'UNE TOUTE AUTRE ÉPOQUE
Le droit de la nationalité est le produit d'une évolution pragmatique au cours de laquelle les législations successives ont toujours pris en compte les intérêts nationaux tels qu'ils étaient alors perçus.
1. Les préoccupations militaires étaient dominantes en 1889
Ainsi, la loi du 26 juin 1889, contemporaine de la loi
du
15 juillet 1889 sur le service militaire, était-elle même
très marquée par des préoccupations liées à
la défense nationale, dans la perspective de la
" revanche ",
et plus particulièrement par la volonté d'assurer
l'égalité devant la loi sur le service militaire.
En effet, les Français, alors soumis à des obligations militaires
strictes et de longue durée, supportaient mal l'avantage dont
bénéficiaient les enfants nés de parents étrangers
à travers l'exonération du service militaire.
Au-delà des besoins de la conscription, c'est le souci de mettre un
terme à cette exonération alors ressentie comme un
privilège intolérable qui animait le législateur de 1889,
ainsi que le rappelle d'ailleurs M. Patrick Weil dans son rapport.
Tel était donc l'objet essentiel de l'adoption d'un texte qui a pu
être considéré comme fondateur d'une tradition
républicaine du droit du sol : "
Est Français tout
individu né en France d'un étranger et qui, à
l'époque de sa majorité est domicilié en France, à
moins que, dans l'année qui suit sa majorité..., il n'ait
décliné la qualité de Français et prouvé
qu'il a conservé la nationalité de ses parents par une
attestation en due forme de son gouvernement, laquelle demeurera annexée
à la déclaration, et qu'il n'ait en outre produit, s'il y a lieu,
un certificat constatant qu'il a répondu à l'appel sous les
drapeaux, conformément à la loi militaire de son pays, sauf
exceptions prévues aux traités
" (article 8-4°
du code civil, tel qu'il était rédigé par la loi du 26
juin 1889).
2. Les législations ultérieures qui ont confirmé le principe institué en 1889 s'inscrivaient dans des contextes bien différents de ceux d'aujourd'hui
Lorsque par la suite la loi du 10 août 1927 est
venue confirmer le principe posé en 1889 en prévoyant que
l'enfant né en France de parents étrangers devenait
Français à sa majorité s'il était alors
domicilié en France, les préoccupations démographiques
dominaient, avec le souci de compenser, si peu que ce soit, l'hémorragie
de la guerre de 1914-1918.
En 1945, le maintien de ce principe dans l'ordonnance du 19 octobre 1945
portant code de la nationalité française s'inscrivait dans le
contexte d'une époque dominée par l'ampleur des tâches de
reconstruction ; il s'accompagnait toutefois de la substitution à
la simple condition de domicile d'une condition de résidence habituelle
en France au cours des cinq années précédant la
majorité (article 44 du code de la nationalité).
Enfin, la consécration de ces règles par la loi du 9 janvier
1973 survenait au terme d'une période faste marquée par une forte
croissance et une situation de plein emploi.
En revanche, en 1993, et plus encore en 1997, la France est confrontée
à une situation nouvelle, ainsi que l'a souligné
M. Marceau Long au cours de son audition par votre commission des
Lois.
B. LES FLUX D'IMMIGRES APPELÉS À ACQUÉRIR LA NATIONALITÉ FRANÇAISE ONT CHANGÉ DE NATURE
Sans chercher à mêler le débat sur la
nationalité avec celui sur l'immigration -on notera d'ailleurs qu'en
choisissant de présenter concomitamment deux projets de loi sur ces
sujets forts différents, le Gouvernement porte une lourde
responsabilité dans une confusion trop fréquemment entretenue-,
force est de constater que la population étrangère appelée
à acquérir la nationalité française par le droit du
sol n'est plus la même que celle qui fut intégrée sans
heurt majeur à la communauté nationale au
XIXème siècle et au début du XXème
siècle.
A la faveur des nouvelles facilités de circulation, ainsi que des moyens
modernes de communication et d'information susceptibles d'éveiller,
partout dans le monde, l'espoir d'être accueilli, puis
intégré, dans un pays développé, nous sommes
passés d'une immigration de proximité à une immigration de
distance, au sens figuré comme au sens propre, sur le plan culturel
comme sur le plan géographique.
1. D'une immigration de proximité...
L'immigration de proximité était une immigration
européenne issue de pays où dominait la civilisation
judéo-chrétienne ou gréco-latine. La Nation
française intégrait alors rapidement les italiens, espagnols,
portugais, russes blancs, ou encore diverses populations d'Europe centrale,
venus s'installer sur son territoire.
Or ce temps est révolu.
2. A une immigration de distance
Cette immigration à dominante européenne a
aujourd'hui fait place à une immigration d'origine plus lointaine, de
cultures et de religions diverses et différentes, qui rencontre, par
conséquent, plus de difficultés à s'intégrer
à la communauté nationale.
La part des européens parmi les étrangers présents en
France a ainsi régulièrement décliné, passant de
88,7 % en 1946 à 60 % en 1975 et à 47,6 % en 1982,
date à laquelle la part des Africains atteignait déjà
42,8 %, d'après les chiffres cités par Philippe Bataille
dans un ouvrage intitulé "
Le racisme au travail
".
La population étrangère appelée à accéder
à la nationalité française comporte désormais des
ressortissants relevant de communautés attachées à des
valeurs radicalement différentes des nôtres quand elles ne leur
sont pas antinomiques.
Or, en même temps, la capacité d'intégration de la nation
française s'est affaiblie et fragilisée, dans un climat
économique et social de plus en plus incertain qui ne permet plus
d'assurer des emplois aux nouveaux immigrés. L'immigration de
travailleurs est ainsi devenue une immigration d'allocataires.
C. LES PRINCIPAUX FACTEURS D'INTÉGRATION PAR LA SOCIALISATION SE SONT SINGULIÈREMENT AFFADIS
Pendant longtemps, l'intégration dans la
société française des étrangers venus s'installer
sur notre territoire a reposé sur quelques grandes institutions :
l'école, la famille, le service militaire, la religion...
- Mais l'école ne joue plus aujourd'hui le rôle de creuset -au
sein duquel se transmettaient les valeurs républicaines- qui fut
longtemps le sien.
Alors qu'elle constituait le meilleur instrument d'assimilation, elle n'est
plus en état d'intégrer de manière satisfaisante dans une
même classe des enfants d'origine trop diverse, dont certains ne
maîtrisent même pas notre langue.
- La cellule familiale est également en crise.
- Le service militaire obligatoire et universel, qui pouvait aussi constituer
un puissant facteur d'intégration, est en voie de disparition.
- Enfin, les religions implantées de longue date ont perdu de leur
influence alors même qu'une autre progresse de jour en jour.
Sans doute ces différentes mutations contribuent-elles à
expliquer que la deuxième génération d'immigrés,
loin de se fondre plus aisément que la première dans le creuset
français, s'avère celle qui a le plus de difficultés
-voire parfois de répulsion- à s'intégrer.
Or, il importe d'avoir à l'esprit que la nationalité a pu
être définie comme "
un lien juridique ayant à sa
base un fait social de rattachement, une solidarité effective
d'existence, d'intérêts, de sentiments, joints à une
réciprocité de droits et de devoirs
", selon les termes
retenus par la Cour internationale de justice dans un arrêt Nottebohm du
6 avril 1955.
L'intégration systématique de ceux qui n'ont pas manifesté
leur volonté de devenir Français -au mieux les plus
indifférents, au pire les plus hostiles-, peut-elle trouver une
justification au regard d'une telle définition ?
D. CE SUJET EST SENSIBLE ENTRE TOUS, DÈS LORS QU'IL TOUCHE AU SENTIMENT NATIONAL
Enfin, en France peut-être plus qu'ailleurs, le concept
d'Etat-Nation revêt une dimension historique et symbolique
particulièrement forte. En outre, un lien consubstantiel relie la
nationalité et la citoyenneté avec les droits et devoirs qui s'y
rattachent, notamment le droit de vote.
De ce fait et dés lors qu'il touche au sentiment national, l'enjeu du
droit de la nationalité est, en France, perçu comme un enjeu
majeur autour duquel se cristallisent de regrettables polémiques.
Une acquisition automatique de la nationalité risque dans ces conditions
d'apparaître comme une banalisation de la citoyenneté et de
nourrir les sentiments xénophobes.
Surtout, elle heurte le sentiment d'une grande majorité de nos
concitoyens. Un récent sondage montre en effet qu'à propos des
enfants nés en France de parents de nationalité
étrangère, 76 % des Français interrogés
pensent que ces enfants doivent être reconnus comme Français
seulement s'ils en manifestent la volonté, alors que 19 % seulement
des personnes interrogées considèrent que ces enfants doivent
être automatiquement reconnus comme Français
4(
*
)
.
Ce projet de loi n'aurait-il pour seule vertu que de réveiller le
sentiment national ?
*
Ainsi que l'avait souligné la Commission de la
nationalité, l'intégration à la Nation ne peut pas
résulter d'une adhésion tacite. Elle exige au contraire une
adhésion claire aux principes et aux règles de vie de la
société française, ce qui justifie que soit requise une
manifestation volontaire de cette adhésion.
A défaut, une quantité excessive d'altérités
pourrait risquer d'altérer l'identité de la Nation.
III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : LE REJET DES DISPOSITIONS QUI REMETTENT EN CAUSE LA LOI DU 22 JUILLET 1993
Au terme de cet examen, il apparaît à votre
commission des Lois que la réforme de l'acquisition de la
nationalité française par les jeunes étrangers nés
en France, que nous propose aujourd'hui le Gouvernement n'est, dans son
principe, ni nécessaire ni opportune.
Dès lors, votre commission la considère parfaitement inacceptable.
Elle vous propose donc d'en rester à la loi du 22 juillet 1993 et de
repousser toutes les dispositions qui tendent à la remettre en cause.
Quelques améliorations purement techniques du droit de la
nationalité incluses dans le projet de loi peuvent toutefois être
maintenues, comme par exemple les dispositions qui tendent à faciliter
la preuve de la nationalité française.
Votre commission vous proposera, en outre, de compléter ces
améliorations par un amendement qui a pour objet de simplifier la preuve
de leur nationalité à nos compatriotes d'Alsace-Moselle.
* *
*
EXAMEN DES ARTICLES
Intitulé du projet de loi
Suivant la proposition de sa commission des Lois,
l'Assemblée nationale a modifié l'intitulé initial du
projet de loi : "
Projet de loi relatif à la
nationalité et modifiant le code civil
", afin d'y supprimer
les mots : "
et modifiant le code civil
".
Elle a en effet estimé que cette mention ne se justifiait pas dans la
mesure où plusieurs articles du projet de loi portent sur des
dispositions ne figurant pas dans le code civil.
Votre commission n'a pas jugé utile de modifier ce nouvel
intitulé.
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE CIVIL
SECTION 1
Dispositions modifiant les règles
d'acquisition
de la nationalité française
Article 1er A
(art. 21-2 du code civil)
Délai
préalable à l'acquisition de la nationalité
française
à raison du mariage
Cet article, inséré par l'Assemblée nationale suivant la proposition de sa commission des Lois, a pour objet de réduire de deux ans à un an le délai préalable à l'acquisition de la nationalité française par déclaration à raison du mariage.
*
Dans sa rédaction actuelle, issue de la loi du 22
juillet 1993, l'article 21-2 du code civil permet à l'étranger
marié avec un conjoint de nationalité française
d'acquérir la nationalité française par déclaration
après un délai de deux ans à compter du mariage, à
condition qu'à la date de cette déclaration la communauté
de vie n'ait pas cessé entre les époux et que le conjoint
français ait conservé sa nationalité ; toutefois, le
délai de deux ans est supprimé lorsque naît, avant ou
après le mariage, un enfant dont la filiation est établie
à l'égard des deux conjoints, si les conditions relatives
à la communauté de vie et à la nationalité du
conjoint français sont satisfaites.
La déclaration est enregistrée par le ministre chargé des
naturalisations qui dispose d'un délai de six mois pour prendre une
décision de refus d'enregistrement si elle ne satisfait pas aux
conditions légales, en application de l'article 26-3 du code civil ;
cependant l'enregistrement peut encore être contesté par le
ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de
deux ans à compter de leur découverte, la cessation de la
communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant
l'enregistrement de la déclaration constituant une présomption de
fraude.
En outre, le Gouvernement peut s'opposer par décret en Conseil d'Etat,
pour indignité ou défaut d'assimilation, à l'acquisition
de la nationalité française par le conjoint étranger, dans
le délai d'un an à compter de la souscription de la
déclaration, conformément à l'article 21-4 du code civil.
Le nombre des déclarations enregistrées à raison du
mariage avec un conjoint français est resté relativement stable
au cours des dernières années : 15 601 en 1992, 15 246
en 1993, 19 493 en 1994, 16 659 en 1995 et 19 127 en 1996.
*
Antérieurement à la loi du 22 juillet 1993, le
délai préalable à l'acquisition de la nationalité
française à raison du mariage était fixé à
six mois depuis la loi du 7 mai 1984.
Afin de lutter contre le développement des mariages de complaisance
contractés par les étrangers dans le seul but d'acquérir
la nationalité française, la loi du 22 juillet 1993 a
porté ce délai à deux ans.
L'Assemblée nationale a souhaité le ramener à un an, tout
en maintenant la suppression du délai déjà prévue
en cas de naissance d'un enfant.
Elle a adopté à cette fin un amendement tendant à modifier
l'article 21-2 du code civil et devenu l'article 1er A du projet de loi.
Votre commission des Lois, qui avait approuvé en 1993 l'allongement du
délai préalable à l'acquisition de la nationalité
française par le mariage dans le souci de dissuader plus efficacement
les mariages de complaisance, souhaite maintenir ce délai de
deux ans. En effet, un raccourcissement de ce délai risquerait
d'accroître le nombre des mariages de complaisance.
Elle a par ailleurs observé que plusieurs Etats européens voisins
imposent un délai plus long pour l'acquisition de leur
nationalité par mariage
5(
*
)
.
Votre commission des Lois vous propose donc d'adopter un
amendement de
suppression
de l'article 1
er
A.
Article 1er
(art. 21-7 du code civil)
Acquisition de
la nationalité française à raison
de la naissance et de
la résidence en France
Cet article tend à supprimer l'exigence d'une manifestation de volonté souscrite entre 16 et 21 ans pour l'acquisition de la nationalité française par les jeunes nés en France de parents étrangers et y résidant, qui constituait la principale innovation de la réforme de 1993, pour revenir au principe d'une acquisition automatique de la nationalité française par ces jeunes à l'âge de leur majorité.
*
Dans le droit actuel, le texte de l'article 21-7 du code
civil, issu de la loi du 22 juillet 1993 et entré en vigueur le
1er janvier 1994, prévoit la possibilité pour tout
étranger né en France de parents étrangers
d'acquérir la nationalité française entre 16 et
21 ans par une manifestation de volonté, sous la double
condition :
- de résider en France à la date de la manifestation de
volonté ;
- et de justifier d'une résidence habituelle en France pendant les cinq
années qui la précèdent.
Toutefois, cette dernière condition de résidence habituelle n'est
pas exigée d'un étranger francophone au sens de
l'article 21-20 du code civil, c'est-à-dire d'une
"
personne qui appartient à l'entité culturelle et
linguistique française, lorsqu'elle est ressortissante des territoires
ou Etats dont la langue officielle ou l'une des langues officielles est le
français, soit lorsque le français est sa langue maternelle, soit
lorsqu'elle justifie d'une scolarisation minimale de cinq années
dans un établissement enseignant en langue française
".
L'article 21-7 du code civil renvoie en outre à un décret en
Conseil d'Etat le soin de fixer les conditions d'information du public (en
particulier des jeunes concernés par la manifestation de volonté)
sur le droit de la nationalité, par les organismes et services publics,
notamment les établissements d'enseignement, les caisses de
sécurité sociale et les collectivités territoriales ;
ces conditions ont été précisées par le
décret n° 94-698 du 16 août 1994 relatif à
l'information du public en matière de droit de la nationalité.
Cet article instituant l'exigence d'une démarche volontaire pour
l'acquisition de la nationalité française à raison de la
naissance et de la résidence en France, tout en maintenant les
conditions traditionnellement requises pour cette acquisition, constituait la
principale innovation de la réforme du droit de la nationalité
mise en oeuvre par la loi du 22 juillet 1993. On ne reviendra pas ici sur
son application concrète, dont un premier bilan a été
dressé dans le cadre de l'exposé général du
présent rapport.
On rappellera seulement qu'ont été souscrites
40.915 manifestations de volonté en 1994, 32.222 en 1995 et 31.963
en 1996 ; le taux de refus d'acquisition de la nationalité
s'étant stabilisé à un peu plus de 2,5 % en 1995 et
1996. Au 31 décembre 1996, avaient acquis la nationalité
française par manifestation de volonté 15.512 jeunes
nés en 1976, 21.104 nés en 1977, 23.048 nés en
1978, 20.453 nés en 1979 et 13.508 nés en 1980.
*
L'article 1er du projet de loi tend à revenir,
dans son principe, au système d'acquisition automatique de la
nationalité française par les jeunes nés en France de
parents étrangers à l'âge de leur majorité
(18 ans), qui prévalait avant la réforme de 1993, en
application de l'ancien article 44 du code de la nationalité, sous
réserve d'une double condition de résidence en France à
cet âge et au cours d'une période préalable de
cinq années.
Il conserve l'exigence traditionnelle de la justification d'une
résidence habituelle de cinq années en France, requise avant
comme après la réforme de 1993 pour l'accès à la
nationalité française, mais il assouplit néanmoins cette
condition sur deux points :
- d'une part, la période de résidence de cinq ans serait
désormais appréciée à partir de l'âge de
11 ans, donc entre 11 et 18 ans (et non plus entre 13 et 18 ans
comme antérieurement à la réforme de 1993) ;
- d'autre part, cette période pourrait être continue ou
discontinue ; par conséquent, une brève absence du
territoire français au cours des cinq années
précédant la majorité ne constituerait plus un obstacle
à l'acquisition de la nationalité française.
Ainsi que le précise l'exposé des motifs du projet de loi, cet
assouplissement a notamment pour objet de remédier aux
difficultés pratiques qui sont parfois rencontrées par les jeunes
manifestant leur volonté de devenir Français pour apporter la
preuve de leur résidence en France au-delà de l'âge de
16 ans. En effet, la scolarité étant obligatoire
jusqu'à 16 ans, la preuve de la résidence en France entre 11
et 16 ans peut facilement être apportée par des certificats de
scolarité, alors que ce moyen de preuve ne peut plus être
utilisé par des jeunes ayant quitté le système scolaire
dès 16 ans pour justifier de leur résidence en France entre
cet âge et celui de leur majorité.
Cependant, si une période de résidence discontinue pouvait
être prise en compte, la condition traditionnelle de résidence
s'en trouverait affadie : en effet, si le jeune étranger retourne
fréquemment dans son pays d'origine, c'est la preuve qu'il n'est pas
réellement fixé en France.
Enfin, la nouvelle rédaction de l'article 21-7 du code civil
proposée par le présent article prévoit l'obligation pour
les tribunaux d'instance, les collectivités territoriales, les
organismes et services publics et notamment les établissements
d'enseignement, d'informer le public et en particulier les jeunes
concernés par l'acquisition automatique de la nationalité, sur le
droit de la nationalité, les conditions de cette information
étant renvoyées à un décret en Conseil d'Etat.
Cette information serait notamment destinée à permettre aux
jeunes concernés de décliner la qualité de Français
en application de l'article 2 du projet de loi s'ils ne souhaitent pas
devenir Français ou encore d'acquérir par anticipation la
nationalité française en application de l'article 5 si telle
est leur volonté. Cependant, la nouvelle rédaction
proposée par le projet de loi au sujet de l'information ne modifie pas
substantiellement le droit actuel, une information du public en matière
de droit de la nationalité étant déjà prévue.
L'Assemblée nationale a adopté l'article 1er du projet de
loi sous réserve d'un amendement rédactionnel.
*
Pour toutes les raisons qui ont été
présentées dans le cadre de l'exposé général
du présent rapport, votre commission des Lois estime qu'il n'est ni
nécessaire, ni opportun de supprimer l'exigence d'une manifestation de
volonté pour l'acquisition de la nationalité française par
les jeunes nés en France de parents étrangers.
Elle vous propose donc d'adopter un
amendement de suppression
de cet
article.
Article 2
(art. 21-8 du code civil)
Faculté de
décliner la qualité de Français
Cet article a pour objet de permettre au jeune étranger
né et résidant en France, qui remplit les conditions
prévues à l'article 1er pour l'acquisition automatique de la
nationalité française à sa majorité, de
décliner la qualité de Français par déclaration
entre 17 ans et demi et 19 ans.
A cette fin, il propose une nouvelle rédaction de l'article 21-8 du
code civil qui prévoit actuellement la perte du droit à la
manifestation de volonté de devenir Français par le jeune
étranger qui a fait l'objet de certaines condamnations pour des faits
graves commis entre 18 et 21 ans. Ces dernières dispositions
deviennent en effet sans objet dans le cadre du projet de loi qui
prévoit dans son article 1er la suppression de la procédure
de manifestation de volonté à laquelle serait substituée
l'acquisition automatique de la nationalité française à
18 ans.
La nouvelle rédaction proposée pour l'article 21-8 du code
civil prévoit la possibilité, pour le jeune étranger
susceptible d'acquérir automatiquement la nationalité
française à sa majorité, de refuser cette
nationalité, comme le prévoyait le droit en vigueur
antérieurement à la réforme de 1993.
Cependant, l'article 2 du projet de loi prévoit d'ouvrir à
l'intéressé cette faculté de décliner la
qualité de Français dans les six mois qui
précèdent sa majorité ou dans les douze mois qui la
suivent, alors que l'ancien article 45 du code de la nationalité ne
permettait de la décliner que dans l'année
précédant la majorité et sous réserve de
l'autorisation du ou des titulaire(s) de l'autorité parentale.
Le renoncement à l'acquisition de la nationalité française
ferait donc désormais l'objet d'une démarche volontaire et
personnelle de l'intéressé, qui ne serait plus soumise à
l'autorisation des parents et qui pourrait être effectuée à
partir de l'âge de 17 ans et demi jusqu'à l'âge de
19 ans, sous la seule condition de prouver la possession d'une autre
nationalité (afin d'éviter l'apatridie).
Cette démarche prendrait la forme d'une déclaration reçue
par le juge d'instance (ou éventuellement par le consul à
l'étranger), dans les conditions prévues aux articles 26 et
suivants du code civil.
D'un point de vue pratique, on voit mal comment ces dispositions pourraient
être mises en oeuvre car s'il est concevable d'imposer une
démarche auprès d'un juge pour bénéficier d'un
avantage ou pour exercer un droit, il est en revanche assez illusoire
d'attendre des intéressés qu'ils l'accomplissent pour y renoncer.
En d'autres termes, soit par négligence, soit par indifférence,
tout laisse à penser que beaucoup de jeunes qui ne souhaiteraient pas
acquérir la nationalité française s'abstiendraient de
manifester leur refus, d'autant que les obligations liées à la
nationalité française seront désormais
considérablement réduites en raison de la suppression du service
national dans sa forme actuelle. Les intéressés deviendraient de
ce fait Français, à la fois sans le vouloir et sans le savoir.
L'article 2 du projet de loi précise en outre explicitement que,
dans l'hypothèse où cette déclaration serait souscrite par
l'intéressé après sa majorité -c'est-à-dire
à une date à laquelle l'acquisition automatique de la
nationalité serait en principe déjà intervenue-, celui-ci
serait réputé n'avoir jamais acquis la qualité de
Français.
En résumé, alors que dans le droit actuel une démarche
volontaire (la manifestation de volonté) est exigée pour
l'acquisition de la nationalité française à raison de la
naissance et de la résidence en France, l'abstention de procéder
à cette démarche présumant le renoncement à cette
nationalité, le projet de loi prévoit à l'inverse que ce
renoncement serait subordonné à une démarche volontaire en
l'absence de laquelle serait présumée l'acceptation de la
nationalité française.
L'Assemblée nationale a adopté l'article 2 sans modification.
Votre commission des Lois souhaite le maintien de la manifestation de
volonté, et donc de l'article 21-8 du code civil dans sa
rédaction actuelle.
Par coordination avec la suppression de l'article 1
er
du projet de
loi, elle vous propose donc de
supprimer
également l'article 2.
Article 3
(art. 21-9 du code civil)
Perte de la
faculté de décliner la qualité de Français
Cet article a pour objet de prévoir la perte de la
faculté de décliner la qualité de Français (dans
les conditions prévues à l'article 2) en cas d'engagement
dans les armées françaises, tout en précisant que dans ce
cas l'acquisition de la nationalité française intervient à
la date de l'incorporation si l'intéressé est mineur.
Il propose à cette fin une nouvelle rédaction de
l'article 21-9 du code civil concernant les modalités de la
manifestation de volonté d'être Français, dont les
dispositions deviendraient sans objet dans la mesure où la manifestation
de volonté serait supprimée.
Cette nouvelle rédaction s'inspire des dispositions des anciens
articles 47 et 48 du code de la nationalité qui réglaient,
avant la réforme de 1993, les conséquences de la participation
éventuelle à la défense nationale sur l'acquisition de la
nationalité française par les jeunes nés en France de
parents étrangers.
Dans la rédaction initiale du projet de loi, le
premier
alinéa
du texte proposé pour l'article 21-9 du code civil
prévoyait ainsi la perte de la faculté de répudier la
qualité de Français par un jeune remplissant les conditions
prévues par l'article 1er pour l'acquisition de la
nationalité française, qui contracterait un engagement dans les
armées françaises ou qui, sans exciper de son
extranéité, participerait volontairement aux opérations de
recensement en vue de l'accomplissement du service national.
L'Assemblée nationale, suivant la proposition du Gouvernement, a
cependant supprimé la référence à cette seconde
éventualité afin de prendre en compte les conséquences de
la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national qui a
substitué aux obligations du service national dans sa forme actuelle un
simple " appel de la préparation à la défense "
d'une durée d'une journée. Elle a en effet estimé que la
participation volontaire aux opérations de recensement en vue de cette
journée ne justifiait pas que l'intéressé soit
ultérieurement privé du droit de décliner la
nationalité française.
L'Assemblée nationale a en revanche maintenu sans modification, sous
réserve d'un amendement rédactionnel, le
second
alinéa
du texte proposé pour l'article 21-9 du code
civil qui prévoit l'acquisition de la nationalité
française, à la date de son incorporation, par tout mineur
né en France de parents étrangers incorporé dans
l'armée française en qualité d'engagé. Cette
acquisition automatique de la nationalité française par le mineur
né en France de parents étrangers qui s'engage dans
l'armée française est déjà prévue dans le
droit actuel par l'article 21-11 du code civil. On observera qu'aucune
condition de résidence n'est alors exigée pour l'acquisition de
la nationalité française.
Votre commission des Lois souhaite le maintien de l'article 21-9 du code civil,
relatif à la manifestation de volonté, dans sa forme actuelle.
Par coordination avec la suppression de l'article 1
er
du projet de
loi, elle vous propose donc d'adopter un
amendement de suppression
de
l'article 3.
Article 4
(art. 21-10 du code civil)
Acquisition de
la nationalité française par les enfants
de diplomates
étrangers, nés et résidant en France
Cet article tend à écarter les enfants de
diplomates étrangers nés et résidant en France du champ
d'application de l'acquisition automatique de la nationalité
française, tout en leur permettant d'acquérir volontairement
cette nationalité entre 16 et 18 ans.
Pour régler ce cas particulier de l'acquisition de la nationalité
française par les enfants nés en France des agents diplomatiques
et des consuls de carrière de nationalité
étrangère, le projet de loi propose une nouvelle rédaction
de l'article 21-10 du code civil dont les dispositions actuelles,
assimilant la participation volontaire aux opérations de recensement en
vue de l'accomplissement du service national ou la demande de certificat de
nationalité française, à une manifestation de
volonté d'être Français, perdraient leur raison
d'être si la procédure de la manifestation de volonté
était supprimée. Le texte proposé pour
l'article 21-10 du code civil tend ainsi à rétablir
l'exception à la règle de l'acquisition automatique de la
nationalité française à raison de la naissance et de la
résidence en France qui était traditionnellement prévue
par l'ancien article 51 du code de la nationalité dans le cas
particulier des enfants de diplomates étrangers.
Ainsi que le rappelle l'exposé des motifs du projet de loi, cette
exclusion des enfants de diplomates étrangers du bénéfice
de l'acquisition de plein droit de la nationalité française
"
obéit à un principe de courtoisie internationale qui
s'apparente aux privilèges et immunités diplomatiques par lequel
un pays s'interdit de réclamer comme son ressortissant l'enfant qui est
né sur son sol d'une personne qui s'y trouve pour le service de son
propre pays
".
L'article 4 du projet de loi prévoit cependant la
possibilité pour les enfants de diplomates étrangers, nés
en France et y ayant leur résidence habituelle pendant une
période continue ou discontinue d'au moins cinq ans depuis
l'âge de onze ans, d'acquérir volontairement la
nationalité française par une déclaration souscrite entre
16 et 18 ans, dans les conditions prévues par l'article 5
ci-après.
L'Assemblée nationale a adopté l'article 4 sans modification.
Par coordination avec la suppression de l'article 1
er
relatif
à l'acquisition automatique de la nationalité française,
votre commission des Lois vous propose de
supprimer
également
l'article 4.
Article 5
(art. 21-11 du code civil)
Anticipation de
l'acquisition de la nationalité française
à raison de
la naissance et de la résidence en France
Cet article, dans sa rédaction initiale, avait pour
objet de permettre au mineur né en France de parents étrangers
d'acquérir la nationalité française par anticipation par
une déclaration souscrite à partir de l'âge de 16 ans
à la double condition :
- de résider en France au moment de la déclaration ;
- et d'avoir eu sa résidence habituelle en France pendant une
période continue ou discontinue d'au moins 5 ans depuis l'âge
de 11 ans.
L'Assemblée nationale l'a complété par un alinéa
prévoyant la possibilité pour les parents étrangers d'un
enfant mineur né en France et âgé de plus de 13 ans, de
réclamer la nationalité française pour cet enfant, en son
nom et avec son consentement personnel, sous réserve qu'il ait eu sa
résidence habituelle en France depuis l'âge de huit ans.
Ces nouvelles dispositions seraient substituées aux dispositions
actuelles de l'article 21-11 du code civil, relatives aux
conséquences de l'incorporation dans l'armée française sur
l'acquisition de la nationalité française, qui sont
transférées par l'article 3 du projet de loi, moyennant
adaptation, à l'article 21-9 du même code.
*
Dans le droit actuel, issu de la réforme mise en oeuvre par la loi du 22 juillet 1993, les jeunes nés en France de parents étrangers peuvent acquérir la nationalité française dès l'âge de 16 ans par une démarche volontaire et personnelle (non soumise à l'autorisation des parents) : la manifestation de volonté, à la double condition de résider en France à la date de la manifestation de volonté et de justifier d'une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui précèdent. En revanche, ils ne peuvent accéder à la nationalité française avant cet âge, sauf si l'un de leurs parents est lui-même né en France, auquel cas la nationalité française leur est attribuée dès la naissance par l'application de la règle du double droit du sol.
*
Si le projet de loi tend à substituer à la
procédure de la manifestation de volonté une acquisition de plein
droit de la nationalité française à l'âge de la
majorité (cf. article 1er), il prévoit cependant, dans
son article 5, le maintien de la possibilité pour les jeunes
nés en France de parents étrangers d'acquérir
volontairement la nationalité française dès l'âge de
16 ans par déclaration.
Cette faculté d'anticiper l'acquisition de plein droit de la
nationalité française est motivée, selon l'exposé
des motifs du projet de loi, par le "
souci de préserver la
volonté individuelle et de favoriser l'intégration des jeunes
étrangers
".
La rédaction initiale de l'article 5 du projet de loi limitait le
champ d'application de l'acquisition anticipée de la nationalité
française aux mineurs nés en France de parents étrangers,
âgés de plus de 16 ans et remplissant des conditions de
résidence analogues à celles prévues à
l'article 1er pour l'acquisition de plein droit de la nationalité
française : résidence en France à la date de la
déclaration et résidence habituelle en France pendant une
période continue ou discontinue d'au moins cinq ans depuis
l'âge de 11 ans (ce qui représente un assouplissement de la
condition de résidence habituelle de cinq ans exigée dans le
droit actuel, ainsi qu'on l'a déjà observé à
l'article 1er).
Cette acquisition anticipée de la nationalité française
devait faire l'objet d'une démarche volontaire et personnelle du mineur,
non soumise à l'autorisation des parents (comme dans le droit actuel
mais contrairement aux dispositions de l'ancien article 53 du code de la
nationalité en vigueur avant la réforme de 1993) et prenant la
forme d'une déclaration reçue par le tribunal d'instance dans les
conditions de droit commun prévues aux articles 26 et suivants du
code civil.
Suivant la proposition de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale
a cependant souhaité abaisser de 16 à 13 ans l'âge
à partir duquel les jeunes nés en France de parents
étrangers pourraient acquérir la nationalité
française par anticipation. Elle a donc complété
l'article 5 du projet de loi par une disposition permettant aux parents
étrangers d'un enfant né en France et âgé de plus de
13 ans de réclamer la nationalité française pour cet
enfant, en son nom et avec son consentement personnel, "
la
condition
de résidence habituelle en France devant alors être remplie
à partir de l'âge de 8 ans
".
On soulignera néanmoins que l'Assemblée nationale s'est
refusée à aller jusqu'à rétablir les dispositions
de l'ancien article 54 du code de la nationalité qui permettaient,
avant la réforme de 1993, aux parents étrangers d'un enfant
né en France âgé de moins de 16 ans de réclamer
en son nom la nationalité française pour cet enfant, à
condition d'avoir eu eux-mêmes leur résidence habituelle en France
depuis au moins cinq années.
*
Défavorable à la suppression de l'exigence d'une
manifestation de volonté pour l'acquisition de la nationalité
française, votre commission des Lois est également
défavorable au rétablissement d'une possibilité pour les
parents de demander la nationalité française au nom de leurs
enfants mineurs.
De même qu'en 1987 la Commission de la nationalité et aujourd'hui
le Haut Conseil à l'Intégration, votre commission estime qu'il
est préférable de laisser le choix de la nationalité aux
intéressés eux-mêmes et non à leurs parents.
L'abaissement à 13 ans de la possibilité d'acquisition
anticipée de la nationalité française lui apparaît
contraire au respect de l'autonomie de la volonté de l'enfant qui,
à cet âge, n'a pas tout le discernement nécessaire pour
apprécier les conséquences du choix d'un élément
d'identité aussi déterminant que sa nationalité, sans
compter les pressions de toute sortes et les manipulations familiales
auxquelles il peut être soumis.
A cet égard, il n'est pas inutile de rappeler qu'aux termes du
préambule de la Convention internationale relative aux droits de
l'enfant, ratifiée par la France en 1990, "
l'enfant, en raison
de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d'une
protection spéciale
", alors que
l'article 8 de la
même convention stipule que
" les Etats parties s'engagent
à respecter le droit de l'enfant de préserver son
identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations
familiales, tels qu'ils sont reconnus par la loi, sans ingérence
illégale
".
Or, on ne peut exclure que les parents demandent la nationalité
française pour leur enfant mineur non pas dans son intérêt,
mais avant tout dans le leur, par exemple pour régulariser leur
situation, obtenir un titre de séjour et éviter l'expulsion,
comme on avait fréquemment pu le constater sous l'empire de la
législation antérieure à 1993.
Votre commission des Lois vous propose donc d'adopter un
amendement de
suppression
de l'article 5 du projet de loi.
Article 5 bis
(art. 21-12 du code civil)
Acquisition
de la nationalité française par un mineur
ayant fait l'objet
d'une adoption simple par un Français
établi hors de
France
Cet article, introduit par l'Assemblée nationale sur la
proposition de sa commission des Lois et malgré l'avis
défavorable du Gouvernement, tend à permettre à un enfant
mineur ayant fait l'objet d'une adoption simple par un Français
établi hors de France, d'acquérir la nationalité
française par simple déclaration sans être soumis à
une obligation de résidence en France au moment de cette
déclaration.
L'adoption simple par une personne de nationalité française
n'emporte aucun effet de plein droit sur la nationalité de
l'adopté.
Cependant, l'article 21-12 du code civil, dans sa rédaction
actuelle, permet à ce dernier d'acquérir la nationalité
française par simple déclaration jusqu'à sa
majorité, à condition toutefois qu'il réside en France
à la date de la déclaration.
Cette disposition ne peut à l'heure actuelle bénéficier
aux enfants adoptés par des Français résidant à
l'étranger, car, à la différence des enfants
adoptés par des Français résidant en France, ils ne
remplissent généralement pas la condition de résidence en
France exigée pour l'acquisition de la nationalité
française par déclaration.
Afin de permettre aux enfants mineurs adoptés par les Français
établis hors de France de bénéficier eux aussi de cette
faculté d'acquisition de la nationalité française,
l'article 5 bis du projet de loi adopté par l'Assemblée
nationale tend donc à supprimer l'obligation de résidence
"
lorsque l'enfant a été adopté par une personne
de nationalité française n'ayant pas sa résidence
habituelle en France
", par l'insertion d'un second alinéa
à l'article 21-12 du code civil.
Votre commission des Lois s'en remet à la sagesse du Sénat sur
cet article.
Article 6
(art. 21-19 du code civil)
Coordination
avec la suppression de la manifestation
de volonté d'être
Français
Dispense de stage pour la naturalisation des
réfugiés
Dans sa rédaction initiale, cet article avait pour
simple objet d'abroger une disposition rendue sans objet par la suppression de
la manifestation de volonté d'être Français prévue
à l'article 1er.
Il s'agit de l'article 21-19 du code civil qui prévoit actuellement
une dispense de la condition de stage de cinq années normalement
exigée pour la naturalisation, en faveur des étrangers nés
en France qui auraient laissé passer l'âge de 21 ans sans
procéder à la manifestation de volonté de devenir
Français bien qu'ils en eussent rempli les conditions.
Dans la mesure où la manifestation de volonté serait
supprimée et où les jeunes concernés deviendraient
automatiquement Français à l'âge de leur majorité,
cette disposition n'aurait plus de raison d'être.
L'Assemblée nationale en a donc maintenu l'abrogation ; elle a toutefois
adopté à cet article un amendement tendant à
compléter la liste des bénéficiaires de la dispense de
stage pour la naturalisation, énumérée à
l'article 21-19 du code civil, en y ajoutant les étrangers
"
ayant obtenu le statut de réfugié en application de la
loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 portant création d'un
office français de protection des réfugiés et
apatrides
".
Cet amendement permettrait donc aux réfugiés statutaires
d'être naturalisés sans condition de stage. Selon le rapport
établi par M. Louis Mermaz, au nom de la commission des Lois de
l'Assemblée nationale, cet amendement est justifié par la
référence à l'esprit de l'article 34 de la Convention
de Genève du 28 juillet 1951 sur les réfugiés.
Or, cet article prévoit seulement que "
les Etats contractants
faciliteront, dans toute la mesure du possible, l'assimilation et la
naturalisation des réfugiés. Il s'efforceront notamment
d'accélérer la procédure de naturalisation et de
réduire, dans toute la mesure du possible, les taxes et les frais de
cette procédure
".
Votre commission des Lois constate que cette Convention ne contraint aucunement
la France à supprimer toute condition de stage pour la naturalisation
des réfugiés, mesure peu opportune à une époque
où le droit d'asile a donné lieu à de nombreux abus.
Elle vous propose donc de maintenir l'article 21-19 du code civil dans sa
rédaction actuelle en adoptant un
amendement de suppression
de
cet article.
Article 6 bis
(art. 21-26 du code civil)
Coordination
avec la réforme du service national
Cet article, résultant d'un amendement du Gouvernement
adopté par l'Assemblée nationale, a pour objet de tirer les
conséquences de la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du
service national dans la rédaction de l'article 21-26 du code civil
qui assimile le séjour hors de France au sein de l'armée
française à la résidence en France, s'agissant de
l'appréciation des conditions requises pour l'acquisition de la
nationalité française.
Dans sa rédaction actuelle, le 3° de l'article 21-26 du
code civil assimile ainsi à la résidence en France, pour
l'acquisition de la nationalité française, "
la
présence hors de France, en temps de paix comme en temps de guerre, dans
une formation régulière de l'armée française ou au
titre du service national actif
".
Afin de prendre en compte les incidences de la réforme du service
national, l'article 6 bis du projet de loi modifie la
rédaction de ce 3° en substituant à la mention du service
national actif celle des "
obligations prévues par le
livre II du code du service national
" dont on rappellera
qu'il
maintient à titre transitoire l'application des obligations du service
national dans sa forme actuelle aux Français nés avant le
1er janvier 1979 ; en outre, il ajoute un 4° tendant à
assimiler à la résidence en France "
le séjour
hors de France en qualité de volontaire du service national
".
Votre commission des Lois constate que cet article se limite à une
simple disposition de coordination technique avec la réforme du service
national. Elle ne vous en propose donc pas la suppression.
Article 7
(art. 21-27 du code civil)
Obstacles
à l'acquisition de la nationalité française
Cet article a pour objet, selon l'exposé des motifs du
projet de loi, de prévoir "
de manière plus explicite
qu'auparavant que sont supprimées des cas d'empêchement à
l'acquisition de la nationalité française, les condamnations
prononcées alors que l'intéressé était encore
mineur
".
A cette fin, il tend à modifier l'article 21-27 du code civil qui
énumère les cas d'empêchement à l'acquisition de la
nationalité française.
Selon les dispositions de ce dernier article, nul ne peut acquérir la
nationalité française (ou être
réintégré dans cette nationalité) :
- s'il a été condamné soit pour un crime ou un
délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de
l'Etat ou un acte de terrorisme, soit à une peine égale ou
supérieure à six mois d'emprisonnement, non assortie d'une
mesure de sursis ;
- ou s'il a fait l'objet soit d'un arrêté d'expulsion non
expressément rapporté ou abrogé, soit d'une interdiction
du territoire français non entièrement
exécutée ;
- ou encore si son séjour en France est irrégulier au regard des
lois et conventions relatives au séjour des étrangers en France.
Toutefois, l'article 21-27 du code civil ne s'applique actuellement que
sous réserve des dispositions prévues à trois autres
articles du même code :
- l'article 21-7 (acquisition de la nationalité française
à raison de la naissance et de la résidence en France par une
manifestation de volonté entre 16 et 21 ans) ;
- l'article 21-8 (énumération des condamnations pour des
faits commis entre 18 et 21 ans faisant obstacle à l'acquisition de
la nationalité française par une manifestation de
volonté) ;
- et l'article 22-1 (acquisition de la nationalité française
par les enfants mineurs dont l'un des parents acquiert la nationalité
française, s'ils ont la même résidence habituelle que ce
parent).
Dans un souci de clarification, l'article 7 du projet de loi, après
avoir supprimé ces trois références par son
paragraphe I
, précise expressément dans son
paragraphe II
que les cas d'empêchement à
l'acquisition de la nationalité française prévus à
l'article 21-27 du code civil ne sont pas applicables à l'enfant
mineur susceptible d'acquérir la nationalité française en
application de articles suivants du même code :
- l'article 21-7, dans sa nouvelle rédaction résultant de
l'article 1er du projet de loi (acquisition automatique de la
nationalité française à raison de la naissance et de la
résidence en France) ;
- l'article 21-11, dans sa nouvelle rédaction résultant de
l'article 5 du projet de loi (acquisition volontaire de la
nationalité française entre 16 et 18 ans à raison de
la naissance et de la résidence en France) ;
- l'article 21-12 (acquisition de la nationalité française
par un enfant adopté par un Français) ;
- et l'article 22-1 précité (effet collectif de
l'acquisition de la nationalité française).
L'Assemblée nationale a adopté l'article 7 du projet de loi
sans modification.
Votre commission des Lois ne juge pas nécessaire de modifier l'article
21-27 du code civil relatif aux cas d'empêchement à l'acquisition
de la nationalité française, dès lors qu'il apparaît
suffisamment explicite que les condamnations prononcées alors que
l'intéressé était encore mineur ne font pas obstacle
à l'acquisition de la nationalité française.
Elle vous propose donc d'adopter un
amendement de suppression
de
l'article 7 du projet de loi.
Article 8
(art. 22-1 du code civil)
Effet collectif
de l'acquisition de la nationalité française
Cet article tend à étendre l'effet collectif de
l'acquisition de la nationalité française, prévu par
l'article 22-1 du code civil, à l'enfant mineur ayant fait l'objet
d'une adoption plénière, dont l'un des parents acquiert la
nationalité française, à condition qu'il ait la même
résidence habituelle que ce parent.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 22-1 du code civil
prévoit l'acquisition de plein droit de la nationalité
française par l'enfant mineur, légitime ou naturel, dont l'un des
parents acquiert la nationalité française, à condition
qu'il ait la même résidence habituelle que ce parent et sous
réserve que son nom soit mentionné dans le décret de
naturalisation ou dans la déclaration de nationalité.
L'article 8 du projet de loi maintient ces dispositions relatives à
l'effet collectif de l'acquisition de la nationalité, mais il en
étend le bénéfice aux enfants mineurs ayant fait l'objet
d'une adoption plénière (on rappellera que l'adoption simple
n'exerce pour sa part aucun effet de plein droit sur la nationalité de
l'adopté, conformément à l'article 21 du code civil).
Par coordination avec la suppression de la possibilité d'acquérir
la nationalité française par une manifestation de volonté
et son remplacement par une acquisition automatique de la nationalité,
prévus à l'article 1er, l'article 8 du projet de loi
procède en outre à une modification de la rédaction de
l'article 22-1 du code civil afin de préciser que l'exigence de la
mention du nom de l'enfant mineur, bénéficiaire de l'effet
collectif, sur le décret de naturalisation ou la déclaration de
nationalité ne s'applique qu'en cas d'acquisition de la
nationalité par décision de l'autorité publique
(naturalisation) ou par déclaration ; en effet, cette exigence ne
peut s'appliquer dans le cas d'une acquisition automatique de la
nationalité à 18 ans, qui ne donne lieu à aucun
document écrit.
L'Assemblée nationale a adopté à cet article un amendement
tendant à préciser que l'effet collectif de l'acquisition de la
nationalité française bénéficie à l'enfant
mineur qui "
réside alternativement
" avec le parent
qui acquiert la nationalité française "
dans le cas de
séparation ou divorce
". M. Jean-Pierre Brard, à
l'initiative de cet amendement, l'a justifié par les difficulté
d'établir la preuve de la résidence habituelle chez un parent en
cas de garde alternée par l'un et l'autre parent à la suite d'un
divorce.
Cependant, ainsi que l'a fait observer M. Paul Lagarde, professeur de droit
à l'Université de Paris I, devant votre commission des Lois, la
notion de garde alternée n'est pas reconnue dans le code civil et il
serait sans doute hasardeux de la consacrer au détour d'un texte sur la
nationalité.
En revanche, votre commission ne voit pas d'objection à étendre
l'effet collectif de l'acquisition de la nationalité aux enfants mineurs
ayant fait l'objet d'une adoption plénière.
Elle vous propose donc d'adopter un
amendement
répondant à
ce seul objet.
Article 9
(art. 26, 26-3, 26-4 et 26-5 du code
civil)
Coordination avec la suppression de la manifestation
de
volonté d'être Français
Par coordination avec la suppression de la procédure
d'acquisition de la nationalité par une manifestation de volonté,
prévue à l'article 1er, cet article prévoit la
suppression des références actuelles à la manifestation de
volonté dans divers articles du code civil relatifs aux
déclarations de nationalité.
- Le
paragraphe I
tend à supprimer la
référence à la manifestation de volonté figurant
actuellement à l'article 26 du code civil qui donne
compétence au juge d'instance (ou aux consuls à
l'étranger) pour recevoir les déclarations de nationalité.
- Le
paragraphe II
a pour objet de modifier la rédaction du
dernier alinéa de l'article 26-3 du code civil, qui définit
le délai d'enregistrement des manifestations de volonté et des
déclarations d'acquisition de la nationalité à raison du
mariage, afin d'en limiter la portée à ces dernières
déclarations, souscrites en vertu de l'article 21-2 du code civil.
- Le
paragraphe III
propose de supprimer la mention de
"
la
pièce consignant la manifestation de volonté
" figurant
actuellement dans le texte de l'article 26-4 du code civil, relatif
à l'enregistrement des déclarations de volonté.
- Enfin, le
paragraphe IV
tend à abroger le second
alinéa de l'article 26-5 du code civil qui renvoie actuellement
à l'article 21-9 du même code les conditions de la prise
d'effet de la manifestation de volonté.
L'Assemblée nationale a adopté l'article 9 sans modification.
Votre commission des Lois souhaite le maintien de la procédure
d'acquisition de la nationalité par une manifestation de volonté.
Par coordination avec la suppression de l'article premier, elle vous propose
donc de
supprimer
cet article 9.
SECTION 2
Dispositions modifiant les règles
d'attribution de la nationalité française
Article 10
(art. 19-1 du code civil)
Attribution par
défaut de la nationalité française à l'enfant
ne
pouvant être rattaché à aucune autre nationalité
Cet article a pour simple objet de réparer une omission
de l'article 19-1 du code civil concernant le cas particulier de l'attribution
par défaut de la nationalité française par le simple fait
de la naissance en France lorsque l'intéressé ne peut être
rattaché à aucune autre nationalité.
Deux articles du code civil prévoient actuellement l'attribution de la
nationalité française, dès la naissance de l'enfant et
à raison de sa seule naissance sur le territoire français,
lorsqu'aucune autre nationalité ne peut lui être attribuée,
afin de limiter les cas d'apatridie.
Il s'agit, d'une part, de l'article 19, qui confère la
nationalité française aux enfants nés en France de parents
inconnus et, d'autre part, de l'article 19-1, qui attribue la
nationalité française aux enfants nés en France de parents
apatrides, ainsi qu'aux enfants nés en France de parents
étrangers et à qui n'est attribuée par les lois
étrangères la nationalité d'aucun des deux parents.
Cependant, alors que l'article 19 précise que l'enfant né en
France de parents inconnus "
sera réputé n'avoir jamais
été français si, au cours de sa minorité, sa
filiation est établie à l'égard d'un étranger et
s'il a, conformément à la loi nationale de son auteur, la
nationalité de celui-ci
", la rédaction actuelle de
l'article 19-1 rend irrévocable l'attribution de la
nationalité française aux enfants nés en France de parents
apatrides ou à qui n'est attribuée la nationalité d'aucun
des deux parents.
Afin d'unifier le régime de ces différents cas d'attribution par
défaut de la nationalité française, l'article 10 du projet
de loi propose d'établir un parallélisme entre la
rédaction de l'article 19-1 et celle de l'article 19 du code
civil, en ajoutant à l'article 19-1 un alinéa tendant
à préciser que l'enfant, né en France de parents apatrides
ou à qui n'est attribuée la nationalité d'aucun des deux
parents, "
sera réputé n'avoir jamais été
français si, au cours de sa minorité, la nationalité
étrangère acquise ou possédée par l'un des parents
vient à lui être transmise
".
Dans chacun des cas envisagés : parents inconnus, parents apatrides ou
parents ne transmettant à l'enfant aucune nationalité, l'enfant
serait donc désormais réputé n'avoir jamais
été français si la cause d'apatridie ayant motivé
l'attribution de la nationalité française venait à
disparaître au cours de sa minorité.
L'Assemblée nationale a adopté l'article 10 sans modification.
Votre commission des Lois s'est interrogée sur cette disposition.
Le Président Jacques Larché a fait valoir qu'elle pourrait
introduire, peut-être inutilement, un élément de
complexité, dans la mesure où le droit français admettait
la double nationalité.
M. Robert Badinter a fait observer que cette disposition avait un effet
rétroactif pouvant emporter des conséquences
préjudiciables pour les intéressés.
Votre rapporteur a néanmoins rappelé qu'une disposition analogue
était déjà prévue s'agissant des enfants nés
en France de parents inconnus.
En conséquence, suivant sa proposition, la commission a adopté
sans modification cet article.
Article 11
(art. 20-5 du code civil)
Non-application
du double droit du sol
aux enfants de diplomates étrangers
Cet article a pour objet de procéder à une
coordination rendue nécessaire par la suppression, prévue
à l'article 1er, de la procédure d'acquisition de la
nationalité française par une manifestation de volonté
d'être Français, en ce qui concerne la rédaction de
l'article 20-5 du code civil, excluant de l'application de la règle
du double droit du sol les enfants nés en France de diplomates ou agents
consulaires étrangers.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 20-5 du code civil, en son
premier alinéa, écarte du champ d'application de la règle
du double droit du sol, prévue aux articles 19-3 et 19-4 du code
civil, les enfants nés en France des agents diplomatiques ou des consuls
de carrière de nationalité étrangère : ainsi, les
enfants de diplomates étrangers nés en France dont l'un des
parents est lui-même né en France ne bénéficient pas
de l'attribution de la nationalité française à la
naissance, pour les mêmes raisons que celles qui ont traditionnellement
conduit à exclure les enfants de diplomates étrangers du
bénéfice de l'acquisition automatique de la nationalité
française à raison de la naissance et de la résidence en
France (cf. commentaire de l'article 4 du projet de loi).
Toutefois, dans un second alinéa, le même article 20-5 du code
civil autorise ces enfants de diplomates étrangers, nés en France
d'un parent lui-même né en France, à acquérir
volontairement la nationalité française par une manifestation de
volonté souscrite entre 16 et 21 ans, conformément aux articles
21-7 et suivants du code civil.
Dans la mesure où la manifestation de volonté d'être
Français serait supprimée par l'article 1er du projet de loi, il
conviendrait néanmoins de préserver en faveur de ces enfants une
possibilité d'acquisition volontaire de la nationalité
française.
C'est pourquoi l'article 11 du projet de loi tend à modifier la
rédaction du second alinéa de l'article 20-5 du code civil afin
de leur permettre d'acquérir volontairement la nationalité
française par une déclaration souscrite entre 16 et 18 ans,
à condition qu'ils aient leur résidence en France au moment de
cette déclaration et qu'ils y aient eu leur résidence habituelle
pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans depuis
l'âge de 11 ans, suivant les conditions prévues à l'article
21-11 du code civil, dans sa rédaction résultant de l'article 5
du projet de loi.
L'Assemblée nationale a adopté l'article 11 du projet de loi sans
modification.
Par coordination avec la suppression de l'article premier, votre commission des
Lois vous propose de
supprimer
cet article 11.
Article 11 bis
(art. 21-25 du code
civil)
Délai d'instruction
des demandes de naturalisation
Cet article inséré par l'Assemblée
nationale a pour objet d'instituer un délai maximum de 18 mois pour
l'instruction des demandes de naturalisation.
La naturalisation peut être accordée par une décision
discrétionnaire de l'autorité publique aux étrangers
remplissant un certain nombre de conditions prévues aux
articles 21-15 à 21-25 du code civil. Aucun délai n'est
actuellement imposé pour l'instruction des demandes qui est
confiée à la sous-direction des naturalisations du
ministère de l'emploi et de la solidarité.
Dans le souci de réduire la durée des procédures de
naturalisation, qui atteint en moyenne deux ans, l'Assemblée nationale,
s'inspirant d'une recommandation de la Commission nationale consultative des
droits de l'homme, a prévu l'insertion d'un article 21-25-1 nouveau
dans le code civil tendant à contraindre l'administration à
statuer dans un délai de 18 mois à compter de la
constitution complète du dossier, le cas échéant
prorogeable de trois mois par décision motivée.
Toutefois, le dépassement éventuel de ce délai
n'étant sanctionné d'aucun effet, une telle disposition risque de
n'avoir qu'une faible portée pratique car, comme l'a souligné M.
Paul Lagarde devant votre commission des Lois, il ne serait guère
concevable d'admettre que le dépassement du délai entraîne
de droit la naturalisation.
La réduction des délais de traitement des demandes de
naturalisation relève plutôt d'un renforcement des moyens des
services de la sous-direction des naturalisations, actuellement
confrontée à une augmentation des flux de demandes de
naturalisation de 5 à 10 % par an.
A cet égard, Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, a
indiqué devant l'Assemblée nationale que
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité,
s'était engagée à doter dans les plus brefs délais
la sous-direction compétente de 20 emplois supplémentaires,
ce qui devrait diviser les délais par deux à
échéance de deux ans.
Tout en estimant que les délais d'instruction des demandes de
naturalisation sont effectivement excessifs et que les moyens des services
compétents gagneraient sans doute à être renforcés,
votre commission des Lois considère que le règlement de cette
question ne relève pas d'une disposition législative.
Elle vous propose donc d'adopter un
amendement de suppression
de
l'article 11 bis.
SECTION 3
Dispositions modifiant les règles de
preuve
de la nationalité française
Article 12
(art. 28 du code civil)
Mention de la
première délivrance d'un certificat
de nationalité
française en marge de l'acte de naissance
Cet article a pour objet de faciliter la preuve de la
nationalité française en prévoyant la mention
systématique de la première délivrance d'un certificat de
nationalité française en marge de l'acte de naissance.
En application de l'article 28 du code civil, sont déjà
mentionnés, en marge de l'acte de naissance, les actes administratifs et
les déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la
nationalité française ou la réintégration dans
cette nationalité, ainsi que les décisions juridictionnelles
ayant trait à cette nationalité.
L'article 12 du projet de loi propose de compléter cette liste en
ajoutant à ces mentions celle de toute première délivrance
de certificat de nationalité française.
Cette mesure est destinée à simplifier la preuve de la
nationalité française afin de remédier aux
difficultés qui sont souvent rencontrées par les Français
pour apporter la preuve de leur nationalité, notamment lorsqu'ils ne
sont pas Français d'origine ou lorsque leurs parents sont nés
à l'étranger.
Elle reprend ainsi, en en généralisant la portée, une
suggestion formulée dans le rapport établi par
M. Patrick Weil. Celui-ci préconisait en effet que le jeune
bénéficiaire de l'acquisition automatique de la
nationalité française à sa majorité puisse demander
au juge d'instance que la mention de cette acquisition soit portée en
marge de son acte de naissance, de manière à ce qu'il dispose
d'une preuve préconstituée de sa nationalité.
Telle qu'elle est prévue par le projet de loi, la mention de
"
toute première délivrance de certificat de
nationalité française
" en marge de l'acte de naissance
concernerait non seulement les personnes ayant acquis de plein droit la
nationalité française à la majorité à raison
de la naissance et de la résidence en France, mais également
toutes celles qui se verraient délivrer pour la première fois un
certificat de nationalité française quel qu'en soit le fondement
(autre mode d'acquisition, ou nationalité française d'attribution
depuis la naissance).
Ce système devrait permettre de diminuer notablement, voire de
supprimer, les demandes ultérieures de délivrance de certificat
de nationalité française.
On peut ainsi espérer remédier, par une diminution substantielle
des flux, à l'engorgement des tribunaux d'instance pour les affaires de
ce type et aux longs délais d'attente qui résultent actuellement
du nombre très élevé de demandes de certificats de
nationalité. En 1996, on a ainsi enregistré 247.042 demandes
et 233.209 délivrances de certificat, le " stock " en
cours d'instruction à la fin de l'année s'élevant à
108.263.
L'Assemblée nationale a adopté l'article 12 sans
modification.
Votre commission des Lois n'ignore pas, comme le souligne l'étude
d'impact du projet de loi, que la mesure proposée conduirait à un
accroissement des missions et de la charge de travail incombant aux greffiers
des tribunaux d'instance compétents en matière de
nationalité, aux procureurs de la République près les
tribunaux de grande instance auxquels il appartiendrait de demander aux
officiers de l'état civil l'apposition de la mention en marge des
certificats de nationalité française qui leur auraient
été transmis par les tribunaux d'instance, et enfin aux officiers
de l'état civil eux-mêmes. Cette charge nouvelle serait
particulièrement importante pour le Parquet de Nantes, compétent
pour exercer le contrôle des certificats de nationalité à
mentionner sur les actes de naissance des personnes nées à
l'étranger.
Votre commission des Lois est cependant particulièrement sensible aux
fréquents problèmes de preuve de la nationalité
française, rencontrés notamment par les Français de
l'étranger ou les Alsaciens-Mosellans, qui ont fréquemment
été évoqués au cours des auditions.
Elle approuve donc le souci d'une simplification de cette preuve par la mesure
proposée à l'article 12 du projet de loi, tout en faisant siennes
les recommandations de Mmes Claude Fournier et Laurence Pécaut-Rivolier,
juges d'instance entendues par la commission, sur la nécessité
que la mention prévue de la première délivrance du
certificat de nationalité en marge de l'acte de naissance soit
suffisamment précise pour permettre ultérieurement la
délivrance de nouveaux certificats de nationalité sans exiger la
production de documents supplémentaires ou de nouvelles démarches.
Au bénéfice de ces observations, votre commission a adopté
l'article 12 du projet de loi sans modification.
Article 13
(art. 28-1 du code civil)
Inscription des
mentions relatives à la nationalité
sur les extraits des actes
de naissance et sur le livret de famille
Cet article complémentaire du précédent a
également pour objet de faciliter la preuve de la nationalité
française, en prévoyant l'inscription des mentions relatives
à la nationalité sur les extraits des actes de naissance ou sur
le livret de famille, à la demande des intéressés.
Conformément à l'article 28-1 du code civil, les mentions
relatives à la nationalité : actes administratifs,
déclarations ou jugements ayant pour effet l'acquisition, la perte ou la
réintégration dans la nationalité, sont actuellement
portées sur les copies des actes de naissance, mais non sur les simples
extraits.
Le projet de loi propose de modifier la rédaction de cet article afin
que ces mentions puissent également être portées sur les
extraits des actes de naissance ou sur le livret de famille.
Cette inscription serait en principe subordonnée à la demande de
l'intéressé. Toutefois, dans l'éventualité
où une personne ayant antérieurement acquis la nationalité
française ou s'étant vu reconnaître judiciairement celle-ci
ou ayant obtenu la délivrance d'un certificat de nationalité
française, et en ayant alors demandé l'inscription, viendrait
ensuite à perdre la nationalité française, le projet de
loi dispose que la mention de cette perte serait portée d'office sur les
extraits des actes de naissance ou sur le livret de famille de
l'intéressé.
L'Assemblée nationale a précisé que cette mention d'office
devrait être portée non seulement en cas de perte de la
nationalité "
stricto jure
" mais également dans tous
les autres cas où une personne cesse d'avoir la qualité de
Français : déclination, déchéance, opposition
à l'acquisition de la nationalité française, retrait du
décret de naturalisation ou de réintégration,
décision judiciaire ayant constaté l'extranéité.
Les nouvelles dispositions prévues à l'article 13,
conjuguées à la mention de la première délivrance
de certificat de nationalité en marge de l'acte de naissance,
prévue par l'article précédent, devraient permettre de
simplifier considérablement la preuve de la nationalité
française lorsque celle-ci doit être apportée à
l'occasion de l'accomplissement de diverses formalités administratives.
En particulier, ainsi que le précise l'étude d'impact relative au
projet de loi, "
la simple production d'une pièce d'état
civil, portant mention de ce certificat de nationalité française,
suffira pour que l'usager se fasse délivrer une carte nationalité
d'identité ou un passeport, sans qu'il ait besoin de demander la
délivrance d'un nouveau certificat de nationalité
française
".
Cette mesure permettrait ainsi de mettre fin à l'exigence par les
services compétents d'un certificat de nationalité
française, notamment pour le renouvellement de la carte nationale
d'identité, qui est souvent perçue par les
intéressés comme une tracasserie administrative inutile.
Approuvant le souci de simplification de la preuve de la nationalité
française, votre commission des Lois a adopté cet article sans
modification.
SECTION 4
Dispositions modifiant les règles de
perte
de la nationalité française
Article 14 A
(art. 20-4 du code civil)
Perte de la
faculté de répudier la qualité
de Français
Cet article, inséré par l'Assemblée
nationale à l'initiative du Gouvernement, est destiné à
adapter la rédaction de l'article 20-4 du code civil aux
conséquences de la réforme du service national résultant
de la loi du 28 octobre 1997.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 20-4 du code civil
prévoit que le Français auquel une faculté de
répudiation de sa nationalité est offerte (cf. infra
commentaire de l'article 14) perd cette faculté s'il contracte un
engagement dans les armées française ou s'il participe
volontairement aux opérations de recensement en vue de l'accomplissement
du service national.
La nouvelle rédaction de l'article 20-4 du code civil
proposée par l'article 14 A du projet de loi tend à
supprimer la mention de cette deuxième hypothèse.
En effet, l'Assemblée nationale a estimé que compte tenu de
l'allégement considérable des charges liées au service
national entraîné par la loi du 28 octobre 1997 et de
l'abaissement de l'âge du recensement, la simple participation aux
opérations afférentes à celui-ci ne justifiait plus que
l'intéressé soit privé de son éventuelle
faculté de répudiation de la nationalité française.
Votre commission des Lois estime cependant que la participation aux
opérations de recensement en vue du service national traduit très
clairement une volonté d'adhésion à la communauté
nationale et qu'il n'y a pas lieu de prévoir le maintien de la
faculté de répudiation dans cette éventualité.
Elle vous propose donc de
supprimer
l'article 14A du projet de loi.
Article 14B
(art. 23-2 du code
civil)
Nécessité d'avoir satisfait les obligations
du
service national pour souscrire une déclaration
en vue de la perte
de la nationalité française
Cet article, inséré comme le
précédent par l'Assemblée nationale à l'initiative
du Gouvernement, a également pour objet de procéder à une
adaptation rendue nécessaire par la réforme du service national.
Cette adaptation concerne l'article 23-2 du code civil qui interdit
actuellement aux Français de sexe masculin âgés de moins de
35 ans, qui acquièrent volontairement une nationalité
étrangère, de souscrire une déclaration en vue de perdre
la nationalité française s'ils n'ont pas satisfait aux
obligations de service actif imposées par le code du service national,
sauf dispense ou exemption.
L'article 14 B du projet de loi propose une nouvelle rédaction
de cet article 23-2 du code civil destinée :
- à limiter cette interdiction de perte de la nationalité
française au non-respect des obligations prévues au livre II
du code du service national (c'est-à-dire de celles correspondant au
service national dans sa forme actuelle), sans la maintenir en cas de
non-respect des obligations relatives à l'appel de préparation
à la défense ;
- tout en étendant le champ d'application de cette disposition à
l'ensemble des Français de moins de 35 ans (de sexe masculin ou
féminin), afin de préserver la possibilité d'une
éventuelle extension aux jeunes filles des obligations du service
national actif en cas de rétablissement de celui-ci.
Votre commission a adopté sans modification cet article de coordination
avec la réforme du service national.
Article 14
(art. 23-3 du code civil)
Perte de la
nationalité française en cas de répudiation
de la
qualité de français acquise par effet collectif
Cet article a pour simple objet de réparer un oubli en
complétant l'article 23-3 du code civil afin de préciser que
la répudiation de la qualité de Français acquise par effet
collectif de l'acquisition par un parent entraîne la perte de la
nationalité française.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 23-3 du code civil
prévoit la perte de la nationalité française par
"
le Français qui exerce la faculté de répudier
cette qualité dans les cas prévus aux articles 18-1 et
19-4
".
Dans le premier cas, il s'agit de la faculté de répudiation de la
qualité de Français offerte à l'enfant français par
filiation qui n'est pas né en France et dont un seul des parents est
français (art. 18-1 du code civil).
Le second cas concerne l'enfant français par l'application de la
règle du double droit du sol dont un seul des parents est né en
France, auquel est également offerte une faculté de
répudiation de la qualité de Français (art. 19-4 du
code civil).
Cependant, il existe un troisième cas dans lequel une faculté de
répudiation de la qualité de Français est prévue
par le code civil : celui de l'enfant devenu français en même
temps que l'un de ses parents ayant acquis la nationalité
française, s'il n'est pas né en France (art. 22-3 du code
civil).
Or, ce dernier cas n'est pas visé à l'article 23-3 du code
civil bien qu'il apparaisse évident que l'exercice de cette
faculté de répudiation entraîne la perte de la
nationalité française.
L'article 14 du projet de loi répare cette omission en ajoutant
à cet article une référence à l'article 22-3
du code civil.
On rappellera que la faculté de répudiation s'exerce dans tous
les cas par une déclaration (art. 20-2 du code civil) souscrite au
cours des six mois précédant la majorité ou des
douze mois la suivant, la perte de la nationalité prenant effet
à la date de la déclaration (cf. art. 23-9 du code
civil) ; en outre, les intéressés peuvent renoncer à
leur faculté de répudiation à partir de l'âge de
16 ans dans les mêmes conditions.
L'Assemblée nationale a adopté l'article 14 sans
modification.
Votre commission des Lois a adopté sans modification cet article.
Article 14 bis
(art. 23-5 du code
civil)
Nécessité d'avoir satisfait les obligations du code du
service national
pour répudier la nationalité française
à raison du mariage
avec un étranger
Cet article, ajouté par l'Assemblée nationale
sur la proposition du Gouvernement, tend à procéder à une
nouvelle adaptation du droit de la nationalité à la
réforme du service national, analogue à celle
précédemment proposée par l'article 14 B.
Il s'agit cette fois-ci de l'article 23-5 du code civil qui
prévoit, dans son premier alinéa, la possibilité pour un
Français ayant épousé un étranger de
répudier la nationalité française à condition qu'il
ait acquis la nationalité étrangère de son conjoint et que
la résidence habituelle du ménage ait été
fixée à l'étranger ; toutefois, le second
alinéa de l'article interdit aux Français de moins de 35 ans
d'exercer cette faculté de répudiation s'ils n'ont pas satisfait
aux obligations du service actif imposées par le code du service
national, sauf dispense ou exemption.
C'est pour adapter à la réforme du service national les
dispositions de ce second alinéa que l'article 14 bis du
projet de loi en propose une nouvelle rédaction ayant, comme
l'article 14 B, un double objet, à savoir :
- d'une part, la limitation de la portée de cette interdiction de
répudiation de la nationalité française au non respect des
obligations du service national dans sa forme actuelle ;
- et d'autre part, l'extension de son champ d'application à l'ensemble
des Français de moins de 35 ans, de sexe masculin ou féminin.
Votre commission a adopté sans modification cet article.
Article 14 ter
(art. 24-2 du code
civil)
Réintégration dans la nationalité
française par déclaration
Cet article, inséré par l'Assemblée
nationale à l'initiative de sa commission des Lois, tend à
modifier l'article 24-2 du code civil afin de permettre aux personnes
n'étant pas Françaises depuis la naissance mais ayant acquis
cette nationalité d'y être réintégrées par
simple déclaration si elles l'ont par la suite perdue en raison du
mariage avec un étranger, ou de l'acquisition par mesure individuelle
d'une nationalité étrangère.
La réintégration dans la nationalité française
relève en principe d'une décision discrétionnaire de
l'autorité publique prise par décret et est soumise aux
mêmes conditions que la naturalisation, notamment la condition de
résidence en France à la date de la signature du décret,
à l'exception de la condition de stage (article 24-1 du code civil).
Toutefois, l'article 24-2 du code civil prévoit une
procédure de réintégration par déclaration en
faveur des Français d'origine qui ont perdu leur nationalité
à raison du mariage avec un étranger ou de l'acquisition par
mesure individuelle d'une nationalité étrangère, à
condition qu'ils aient conservé ou acquis des liens manifestes avec la
France, notamment d'ordre culturel, professionnel, économique ou
familial.
Cette déclaration pouvant être souscrite en France ou à
l'étranger, la procédure prévue à
l'article 24-2, permet la réintégration dans la
nationalité française de personnes résidant à
l'étranger, à la différence de la
réintégration par décret.
Cependant, le bénéfice de la réintégration par
déclaration est actuellement réservé aux personnes qui
s'étaient vu attribuer la nationalité française dès
leur naissance.
L'article 14
ter
du projet de loi a pour objet de supprimer
cette limitation en étendant le bénéfice de cette
procédure aux personnes qui n'étaient pas Françaises
à la naissance mais ont acquis postérieurement la
nationalité française, notamment par naturalisation,
déclaration ou effet collectif.
Cette mesure devrait permettre à tous les Français établis
à l'étranger qui ont perdu leur nationalité
française, notamment par le mariage avec un ressortissant de leur pays
de résidence, d'être réintégrés dans cette
nationalité s'ils le souhaitent, alors qu'aujourd'hui seuls ceux qui
étaient Français d'origine peuvent être
réintégrés, les autres n'ayant accès ni à la
réintégration par déclaration, ni à la
réintégration par décret.
Votre commission a adopté cet article sans modification.
Article 14 quater
(art. 25 du code
civil)
Déchéance de la nationalité française
Cet article introduit par l'Assemblée nationale
à l'initiative du Gouvernement a un double objet :
- d'une part, il tend à interdire toute mesure de
déchéance de la nationalité française qui ferait de
l'intéressé un apatride ;
- d'autre part, il tend à abroger la possibilité de
déchoir de la nationalité française une personne
condamnée pour un crime à une peine d'au moins cinq ans
d'emprisonnement.
Prévue par les articles 25 et 25-1 du code civil, la
déchéance de la nationalité française
résulte d'un décret pris après avis conforme du Conseil
d'Etat.
Elle peut être prononcée à l'égard d'une personne
ayant antérieurement acquis la qualité de Français dans
les cas suivants, énumérés à l'article 25 du
code civil :
1° condamnation pour un crime ou un délit constituant une atteinte
aux intérêts fondamentaux de la Nation ;
2° condamnation pour un crime ou un délit prévu et
réprimé par le chapitre II du titre III du
livre IV du code pénal (atteintes à l'administration
publique commises par des personnes exerçant une fonction
publique) ;
3° condamnation pour s'être soustrait aux obligations
résultant du code du service national ;
4° actes incompatibles avec la qualité de Français et
préjudiciables aux intérêts de la France, commis au profit
d'un Etat étranger ;
5° condamnation en France ou à l'étranger à une peine
d'au moins cinq années d'emprisonnement pour un acte
qualifié de crime par la loi française.
La déchéance n'est encourue que pour des faits commis dans un
délai de dix ans à compter de la date de l'acquisition de la
nationalité française et ne peut être prononcée que
dans un délai de dix ans après ces faits.
Dans la pratique, les mesures de déchéance sont
exceptionnelles : deux ont été prononcées en 1990,
aucune en 1991, deux en 1992, aucune en 1993, deux en 1994 et une en 1995.
L'article 14
quater
du projet de loi tend à apporter
deux modifications à ce régime :
- afin d'éviter l'apatridie, aucune mesure de déchéance
qui aurait pour résultat de rendre l'intéressé apatride ne
pourrait plus être prononcée ;
- la déchéance ne serait plus encourue à raison des
condamnations visées au 5° précité de
l'article 25 du code civil.
Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, a justifié ces deux
modifications, devant l'Assemblée nationale, par un souci de
conformité avec les conventions internationales tendant à
éviter l'apatridie, notamment la Convention des Nations-Unies du
30 août 1961 sur la réduction des cas d'apatridie et la
Convention européenne sur la nationalité du Conseil de l'Europe
(convention n° 166 du 6 novembre 1997).
Cependant, la première de ces conventions n'a pas été
ratifiée par la France et la seconde n'a pas encore été
signée par la France.
Aussi votre commission ne juge-t-elle pas fondé de modifier le
régime actuel de la déchéance.
Elle vous propose donc d'adopter un
amendement de suppression
de
l'article 14
quater.
CHAPITRE II
DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES
Article additionnel avant l'article 15 A
Preuve de la
nationalité française
des Alsaciens-Mosellans
Votre commission des Lois vous propose d'insérer dans
le projet de loi un article additionnel concernant le problème
particulier de la preuve de la nationalité française auquel sont
souvent confrontés les habitants de l'Alsace et de la Moselle.
Ainsi qu'il a été rappelé à plusieurs reprises au
cours des auditions, notamment par MM. André Bohl et Daniel Hoeffel,
à l'occasion de diverses démarches administratives, les
Alsaciens-Mosellans se voient encore trop fréquemment réclamer
des certificats de réintégration dans la nationalité
française de leurs ascendants, pour apporter la preuve de leur
nationalité française.
Cette situation particulière héritée de l'histoire
s'explique par le statut de territoire étranger qui a été
celui des actuels départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la
Moselle entre le 20 mai 1871 et le 11 novembre 1918, ainsi que l'ont
reconnu le traité de Francfort du 10 mai 1871 et le traité
de Versailles du 28 juin 1919, le second ayant prévu la
réintégration dans la nationalité française de ceux
qui l'avaient perdu en application du premier.
Par la suite, l'article 27 de la loi n° 73-42 du 9 janvier
1973 a permis de considérer les personnes
réintégrées de plein droit en application du traité
de Versailles comme des Français d'origine pour l'application des
dispositions du droit de la nationalité qui exigent la possession de la
nationalité française à titre de nationalité
d'origine.
Le législateur a ensuite entendu faciliter la preuve de la
nationalité française de ces personnes et de leurs
descendants : ainsi, l'article 7 de la loi n° 61-1408 du
22 décembre 1961, modifiée par la loi n° 71-499 du
29 juin 1971, a-t-il prévu de tenir pour établie la
nationalité française des personnes nées dans les
départements concernés antérieurement au 11 novembre
1918, ainsi que celle de leurs descendants, pour peu qu'ils puissent justifier
avoir joui de façon constante de la possession d'état de
Français. On rappellera que celle-ci résulte de la production de
documents administratifs divers, tels que carte d'identité, documents
militaires, passeport...
Par une circulaire du 1er décembre 1993, ces dispositions ont
été rappelées à l'ensemble des tribunaux
d'instance, auxquels il a été demandé de ne plus exiger,
en règle générale, la production de certificats de
réintégration.
Cependant, il semble bien que des difficultés fréquentes
subsistent dans la pratique, des certificats de réintégration
étant encore exigés.
Votre commission vous propose de mettre fin à cette formalité
vexatoire et généralement inutile en considérant comme
établie la nationalité française d'origine des descendants
des personnes nées sur le territoire des départements du
Haut-Rhin, du Bas-Rhin ou de la Moselle antérieurement au 11 novembre
1918, lorsqu'ils sont eux-mêmes nés en France.
Elle vous propose donc d'adopter un
amendement
rédigé en
ce sens.
Article 15 A
(art. 23 de la loi n° 73-42 du
9 janvier 1973)
Application du double droit du sol aux enfants
nés en France
d'un parent né sur le territoire des anciens
départements
français d'Algérie
Cet article, inséré par l'Assemblée
nationale sur la proposition de sa commission des Lois, a pour objet de
supprimer la condition de résidence régulière en France
depuis cinq ans requise des personnes nées en Algérie avant
le 3 juillet 1962 pour que leurs enfants nés en France se voient
attribuer la nationalité française dès la naissance par
l'application du double droit du sol.
En application de la règle du double droit du sol définie par
l'article 19-3 du code civil, est Français l'enfant né en
France d'un parent qui y est lui-même né.
L'article 23 de la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973 avait
rendu cette règle applicable à l'enfant né en France d'un
parent né sur un territoire qui avait au moment de la naissance de ce
parent, le statut de colonie ou de territoire d'outre-mer de la
République française.
Toutefois, la loi du 22 juillet 1993 a ensuite limité la
portée de cette disposition aux seuls enfants nés en France avant
le 1er janvier 1994.
Elle a en outre inséré un second alinéa à
l'article 23 de la loi du 9 janvier 1973 afin de restreindre le champ
d'application du double droit du sol, s'agissant des enfants nés en
France d'un parent né sur le territoire des anciens départements
français d'Algérie avant le 3 juillet 1962 : ainsi, le
double droit du sol reste applicable à ceux de ces enfants qui sont
nés après le 31 décembre 1993, mais seulement
à condition que leur parent né dans un ancien département
français d'Algérie justifie d'une résidence
régulière en France depuis cinq ans.
Ainsi que l'avait exposé M. Pierre Méhaignerie, alors
garde des Sceaux, devant l'Assemblée nationale, cette disposition avait
pour objet d'éviter "
que se développent, sur la base du
régime très particulier de l'Algérie, des comportements
frauduleux, tendant à faire acquérir la nationalité
française à des enfants n'ayant véritablement aucun lien
de rattachement avec la France. Tel est le cas, par exemple, lorsque des femmes
venant d'Algérie viennent séjourner en France uniquement pour la
durée de leur accouchement et s'en retournent dans leur pays avec leur
enfant né Français mais qui ne grandira pas en France
".
L'article 15A du projet de loi propose de revenir sur cette disposition de
la loi du 22 juillet 1993 en supprimant toute restriction à
l'application du double droit du sol en faveur des enfants nés en France
d'un parent né sur le territoire des anciens départements
d'Algérie avant le 3 juillet 1962.
Votre commission des Lois avait approuvé l'instauration d'une condition
de résidence régulière de cinq années en
France du parent né dans un des anciens départements
français d'Algérie, pour l'attribution de la nationalité
française à son enfant né en France, estimant que celle-ci
répondait au souci d'une meilleure prise en considération de
l'assimilation de l'enfant à la communauté nationale.
Elle ne souhaite pas revenir aujourd'hui sur cette disposition et vous propose
donc de
supprimer
l'article 15 A.
Article 15B
Accès aux dossiers
administratifs
en matière de nationalité
Cet article, résultant d'un amendement adopté
par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des
Lois, a pour simple objet de préciser que les dossiers administratifs de
nationalité sont communicables selon les modalités prévues
à l'article 6
bis
de la loi n° 78-753 du
17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des
relations entre l'administration et le public.
A l'appui de cet amendement, M. Louis Mermaz, rapporteur de la commission
des Lois de l'Assemblée nationale, a insisté sur les
difficultés rencontrées par les personnes qui ont
déposé une demande de naturalisation ou de
réintégration dans la nationalité française, ou
encore une déclaration de nationalité, pour accéder
à leurs dossiers administratifs.
Une telle disposition apparaît cependant quelque peu
superfétatoire eu égard au principe de droit commun de
communicabilité aux intéressés des documents
administratifs de caractère nominatif les concernant, posé par
l'article 6
bis
de la loi du 17 juillet 1978
précitée, qui dispose : "
Les personnes qui le
demandent ont droit à la communication, par les administrations
mentionnées à l'article 2
" (parmi lesquelles
figurent les administrations de l'Etat) "
des documents de
caractère nominatif les concernant, sans que des motifs tirés du
secret de la vie privée, du secret médical ou du secret en
matière commerciale ou industrielle, portant exclusivement sur des faits
qui leur sont personnels, puissent leur être opposés
".
En effet, si jusqu'en 1993, la Commission d'accès aux documents
administratifs (CADA) considérait que les dossiers de naturalisation
n'étaient pas communicables, précisant que
"
l'acquisition de la nationalité française, qui fait
l'objet d'un décret, est subordonnée à des critères
d'opportunité dont la mise en oeuvre, à l'occasion de chaque
dossier, relève de l'appréciation souveraine et
discrétionnaire du Gouvernement
", un revirement de sa
jurisprudence s'est opéré depuis la loi du 22 juillet 1993
réformant le code de la nationalité. Ainsi, la CADA a
confirmé à maintes reprises depuis lors le caractère
communicable des dossiers de nationalité en faveur des personnes
intéressées (CADA - 10 août 1996 -
Bertin/Soumare ; CADA - 14 mars 1996 -Kigan), l'obligation de
communication s'imposant tant aux préfectures qu'aux greffes des
tribunaux d'instance qui agissent dans cette matière dans un cadre
administratif.
Votre commission des Lois vous propose donc de
supprimer
cet article.
Article 15 C
Motivation des décisions
administratives
relatives à la nationalité
Cet article, introduit par l'Assemblée nationale sur la
proposition de sa commission des Lois, a pour simple objet de préciser
que les décisions rejetant une demande de naturalisation ou de
réintégration par décret, ou encore de libération
des liens d'allégeance, doivent être motivées selon les
modalités prévues à l'article 3 de la loi n° 79-587
du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes
administratifs.
La loi du 22 juillet 1993 portant réforme du droit de la
nationalité a déjà prévu une obligation de
motivation de ces décisions administratives défavorables
relatives à la nationalité, suivant là une recommandation
formulée par la Commission de la Nationalité ; ainsi, l'article
27 du code civil, dans sa rédaction issue de cette dernière loi,
dispose-t-il que "
toute décision déclarant irrecevable,
ajournant ou rejetant une demande de naturalisation ou de
réintégration par décret ainsi qu'une autorisation de
perdre la nationalité française, doit être
motivée
".
L'article 15 C du projet de loi reprend exactement la formulation de l'article
27 du code civil en y ajoutant seulement la précision suivant laquelle
la motivation doit revêtir les modalités prévues à
l'article 3 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la
motivation des actes administratifs, c'est-à-dire être
écrite et comporter l'énoncé des considérations de
droit et de fait qui constituent le fondement de la décision.
M. Louis Mermaz, rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée
nationale, a justifié cette précision par une
interprétation restrictive donnée par l'administration à
la notion de motivation prévue à l'article 27 du code civil ;
celle-ci n'aurait, suivant cette interprétation, pas à être
aussi précise que celle imposée par la loi du 11 juillet 1979 aux
décisions qui refusent un droit.
L'article 15 C du projet de loi apparaît néanmoins redondant avec
les dispositions de l'article 27 du code civil.
Votre commission vous propose donc de
supprimer
cet article.
Article 15
(art. L. 15 et L. 16 du code du
service national)
Coordination avec le code du service national
Cet article a pour objet de tirer les conséquences de
la suppression de la procédure d'acquisition de la nationalité
française par une manifestation de volonté, prévue
à l'article 1er, dans la rédaction des
articles L. 15 et L. 16 du code du service national.
· L'
article L. 15
de ce code concerne les obligations
de recensement auxquelles sont soumises les jeunes Français du sexe
masculin âgés de 17 ans en vue de l'accomplissement du
service national.
Dans sa rédaction actuelle, il comporte un second alinéa
prévoyant la possibilité pour les jeunes étrangers
mentionnés à l'article 21-7 du code civil,
c'est-à-dire ceux qui remplissent les conditions exigées pour
l'acquisition de la nationalité française par une manifestation
de volonté, de participer volontairement aux opérations de
recensement, cette participation constituant une manifestation de
volonté aux termes de l'article 21-10 du code civil.
Le
paragraphe I
de l'article 15 du projet de loi tend à
abroger ce second alinéa de l'article L. 15 du code du service
national, qui n'aurait plus de raison d'être dans la mesure où
l'article 1er ferait disparaître la manifestation de volonté.
·
L'
article L. 16
du code du service national
règle au regard des obligations de recensement la situation des jeunes
Français du sexe masculin auxquels une faculté de
répudiation de la nationalité est offerte (au titre des
articles 18-1, 19-4 ou 22-3 du code civil - cf. commentaire de
l'article 14 du projet de loi) et qui n'y ont pas renoncé. Ceux-ci
sont soumis aux obligations de recensement à l'expiration du
délai dont ils disposent pour exercer leur faculté de
répudiation. Toutefois, ils peuvent sur leur demande se faire inscrire
sur les listes du recensement avant cet âge, mais ils perdent alors de ce
fait la faculté de répudier la nationalité
française.
Le
paragraphe III
de l'article 15 du projet de loi tend
à compléter cet article L. 16 du code du service
national afin d'en étendre la portée aux jeunes Français
qui auraient désormais la possibilité de décliner la
nationalité française dans les six mois qui
précèdent leur majorité et dans les douze mois la
suivant, en application de l'article 2 du projet de loi,
c'est-à-dire aux jeunes Français ayant acquis la
nationalité française à leur majorité à
raison de la naissance et de la résidence en France. Ces derniers
seraient donc soumis aux obligations de recensement à l'expiration du
délai de déclination, c'est-à-dire à 19 ans.
L'Assemblée nationale a adopté l'article 15 du projet de loi
sans modification.
En conséquence de la suppression de l'article premier, votre commission
des Lois vous propose de
supprimer
cet article.
Article 15 bis
Titre d'identité
républicain
Cet article, inséré par l'Assemblée
nationale sur la proposition de sa commission des Lois, prévoit la
délivrance d'un " titre d'identité républicain "
à tout mineur né en France de parents étrangers titulaires
d'un titre de séjour.
Suivant les explications fournies devant l'Assemblée nationale par M.
Louis Mermaz, rapporteur, cette disposition a pour objet de remédier
à la situation de relatif " vide juridique " dans laquelle
se
trouvent les enfants nés en France de parents étrangers qui ont
vocation à devenir Français, par la délivrance d'un titre
leur permettant de justifier de leur identité et de circuler librement
dans les pays de l'espace Schengen. Ce " titre d'identité
républicain " serait délivré à la demande des
intéressés, sur présentation du livret de famille.
On observera cependant que, dans le droit actuel, les mineurs étrangers
nés en France et y résidant, s'ils ne sont pas tenus d'être
titulaires d'un titre de séjour, peuvent néanmoins dans certains
cas se voir délivrer une carte de séjour temporaire ou une carte
de résident, à défaut desquelles ils peuvent
bénéficier d'un document de circulation délivré en
application de l'article 9 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative à
l'entrée et au séjour des étrangers en France, et dans les
conditions prévues par un décret n° 91-1305 du 24
décembre 1991.
En particulier, le mineur étranger qui justifie par tout moyen avoir sa
résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus
l'âge de dix ans bénéficie de la délivrance de plein
droit d'une carte de séjour temporaire (article 12 bis, 2° de
l'ordonnance du 2 novembre 1945).
Le mineur étranger âgé de plus de seize ans qui remplit les
conditions d'acquisition de la nationalité française
prévues à l'article 21-7 du code civil bénéficie
pour sa part de la délivrance de plein droit d'une carte de
résident (article 15, dernier alinéa de l'ordonnance du 2
novembre 1945).
A défaut de l'un ou l'autre de ces titres de séjour, le mineur
étranger né en France peut se voir délivrer un document de
circulation sur présentation du titre de séjour de l'un de ses
parents, conformément à l'article 2, dernier alinéa, du
décret du 24 décembre 1991 précité.
Le document de circulation facilite le retour sur le territoire
français, après un déplacement hors de France, du mineur
étranger qui y réside, dans la mesure où sa
présentation permet à l'intéressé d'être
admis en France en dispense de visa.
Il répond donc à la préoccupation qui est à
l'origine de l'adoption de l'article 15
bis
par l'Assemblée
nationale.
Au surplus, cette disposition relève plutôt de la
législation sur l'entrée et le séjour des étrangers
en France.
Votre commission vous propose donc de
supprimer
cet article.
Article 15 ter
(art. l. 40-1 du code du service
national)
Assimilation des obligations du service national dans l'Etat
d'origine
aux obligations imposées par le code du service
national
Cet article, inséré par l'Assemblée
nationale à l'initiative du Gouvernement, a pour objet de tirer les
conséquences de la suppression, prévue par l'article premier, de
la procédure de la manifestation de volonté d'être
Français dans la rédaction de l'article L.40-1 du code du service
national, relatif aux obligations du service national imposées aux
hommes devenus Français entre 17 et 50 ans.
Dans sa rédaction actuelle issue de la loi du 28 octobre 1997 portant
réforme du service national, l'article L 40-1 précité
prévoit que les jeunes gens visés à l'article L.17 du
même code (c'est-à-dire les hommes devenus Français entre
17 et 50 ans, ou dont la nationalité française a
été établie entre ces deux âges) sont
considérés comme ayant satisfait aux obligations imposées
par le code du service national si "
au moment de leur
naturalisation,
de leur intégration ou de leur déclaration
", ils ont
satisfait aux obligations du service national à l'égard de leur
Etat d'origine, dans les conditions prévues par la législation de
cet Etat.
Afin de prendre en compte la substitution à la manifestation de
volonté d'être Français, d'une acquisition automatique de
la nationalité française à leur majorité par les
jeunes étrangers nés et résidant en France, l'article
15
ter
du projet de loi tend à modifier la rédaction de
l'article L 40-1 du code du service national en substituant à la
référence du moment de la naturalisation, de l'intégration
ou de la déclaration, celle du moment
" de l'acquisition de la
nationalité française ou de l'établissement de
celle-ci
".
En conséquence de la suppression de l'article premier du projet de loi,
votre commission vous propose de
supprimer
cet article 15
ter.
Article 15 quater
(art. L. 113-3 du code du service
national)
Obligation de recensement imposée aux personnes qui n'ont
pas exercé
la faculté de répudier ou de
décliner la nationalité française
Cet article, également inséré par
l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, a pour
objet de tirer les conséquences de la suppression de la procédure
d'acquisition de la nationalité française par une manifestation
de volonté, dans la rédaction de l'article L 113-3 du code
du service national, relatif à l'obligation de recensement
imposée aux personnes devenues françaises entre leur
seizième et leur vingt-cinquième anniversaire.
Dans sa rédaction actuelle, issue de la loi du 28 octobre 1997 portant
réforme du service national, l'article L 113-3 du code du service
national prévoit dans un premier alinéa que les personnes
devenues françaises entre 16 et 25 ans, ainsi que celles dont la
nationalité française a été établie entre
ces deux âges à la suite d'une décision de justice, sont
soumises à l'obligation de recensement dès l'acquisition ou
l'établissement définitif de la nationalité
française.
Le second alinéa du même article précise en outre que les
jeunes étrangers mentionnés à l'article 21-7 du code
civil, c'est-à-dire ceux qui sont susceptibles d'acquérir la
nationalité française par une manifestation de volonté,
peuvent participer volontairement aux opérations de recensement.
- Le
paragraphe I
de l'article 15
quater
du projet de loi tend
à supprimer cette dernière disposition et à y substituer
un alinéa prévoyant un report de l'obligation du recensement en
faveur des personnes bénéficiant d'une faculté de
répudiation de la nationalité française (en application
des articles 18-1, 19-4 et 22-3 du code civil) ou de déclination de
cette nationalité (en application de l'article 21-8 du code civil, dans
sa rédaction résultant de l'article 2 du projet de loi),
jusqu'à l'expiration du délai ouvert pour exercer cette
faculté.
- Le
paragraphe II
de l'article 15
quater
du projet de loi tend
en outre à compléter l'article L 113-3 du code du service
national afin de préciser qu'à l'expiration de ce délai
les intéressés n'ayant pas exercé leur faculté de
répudier ou de décliner la nationalité française
seraient soumis à l'obligation de participer à l'appel de
préparation à la défense et seraient alors
convoqués à cet appel dans un délai de six mois, dans les
conditions fixées à l'article L.114-4 du même code (choix
parmi trois dates au moins proposées par l'administration chargée
du service national).
Le projet de loi tend donc ainsi à reporter à l'âge de 19
ans (correspondant à l'expiration du délai de déclination
de la nationalité française) les obligations de recensement et de
participation à l'appel de préparation à la défense
auxquelles seraient soumises les jeunes ayant bénéficié de
l'acquisition automatique de la nationalité française à
leur majorité à raison de la naissance et de la résidence
en France.
En conséquence de la suppression de l'article 1er, votre commission
des Lois vous propose de
supprimer
cet article.
Article 16
Régime juridique applicable aux
manifestations de volonté
déjà souscrites mais non
encore enregistrées à la date d'entrée
en vigueur de la
loi
Cet article, ainsi que les deux suivants, a pour objet de
définir le régime transitoire nécessaire pour
l'organisation du passage du système actuel d'acquisition de la
nationalité française par une manifestation de volonté au
système de l'acquisition automatique de la nationalité à
l'âge de la majorité.
Il tend à préciser que le régime juridique actuel de la
manifestation de volonté, résultant des articles 21-9 et
26-1 à 26-5 du code civil, continuera de s'appliquer après
l'entrée en vigueur de la nouvelle loi en ce qui concerne les
manifestations de volonté déjà recueillies, mais non
encore enregistrées, à la date de cette entrée en vigueur.
Cette disposition transitoire est destinée à préserver les
droits des jeunes étrangers qui auraient procédé à
une manifestation de volonté sur la base du droit actuel mais dont la
démarche n'aurait pas encore abouti à la date d'entrée en
vigueur de la nouvelle loi. Ainsi, les procédures en cours ne seraient
pas affectées par le changement de législation.
L'Assemblée nationale a adopté l'article 16 sans
modification.
Ce régime transitoire serait rendu sans objet par la suppression de
l'article premier. Votre commission des Lois vous propose donc d'adopter un
amendement de suppression
de l'article 16.
Article 17
Régime transitoire d'acquisition de la
nationalité française
par certaines catégories de
jeunes nés en France de parents étrangers
Cet article tend à définir un régime
transitoire d'acquisition de la nationalité française par les
jeunes nés en France de parents étrangers et y résidant de
manière à ce que ceux-ci ne soient en aucun cas
lésés par le changement de législation et en particulier
par la modification de la tranche d'âge d'accès à la
nationalité française (16-21 ans dans le droit actuel et
16-18 ans dans le nouveau système prévu par le projet de
loi).
A cette fin, trois catégories de jeunes sont distinguées.
· Le
premier alinéa
concerne de jeunes étrangers
nés en France de parents étrangers, âgés de 18
à 21 ans et résidant en France à la date
d'entrée en vigueur de la loi.
Il prévoit en leur faveur une acquisition automatique de la
nationalité française à cette date, sous réserve
qu'ils remplissent une condition de résidence analogue à celle
prévue à l'article 1er, c'est-à-dire qu'ils aient eu
leur résidence habituelle en France pendant une période continue
ou discontinue d'au moins cinq ans depuis l'âge de
onze ans ; une faculté de décliner la qualité de
Français par déclaration leur serait toutefois ouverte dans le
délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la loi.
Cette première disposition est donc destinée à permettre
l'acquisition de la nationalité française par les jeunes
étrangers âgés de 18 à 21 ans qui n'auraient
pas encore procédé à la manifestation de volonté
prévue par le droit actuel et qui ne pourraient bénéficier
du nouveau dispositif d'acquisition automatique à la majorité car
ils auraient dépassé cet âge, alors que dans le droit
actuel ils auraient pu souscrire une manifestation de volonté
d'être Français jusqu'à l'âge de 21 ans.
· Le
deuxième alinéa
concerne également de
jeunes étrangers nés en France de parents étrangers,
âgés de 18 à 21 ans et résidant en France
à la date d'entrée en vigueur de la loi mais, à la
différence du premier, il tend à régler la situation de
ceux de ces jeunes qui ne rempliraient pas la condition de résidence
habituelle en France de cinq années.
Dans le droit actuel, ces jeunes pourraient acquérir la
nationalité française par une manifestation de volonté
jusqu'à l'âge de 21 ans s'ils venaient à remplir avant
cet âge la condition de résidence habituelle en France de
cinq années prévue par l'article 21-7 du code civil.
Le projet de loi propose donc de maintenir en leur faveur cette
possibilité d'accès à la nationalité
française, en leur permettant de réclamer la nationalité
française par déclaration s'ils remplissaient cette condition de
résidence et au plus tard à l'âge de 21 ans.
· Le
troisième alinéa
règle pour sa part le
problème posé par la situation de ceux des jeunes
étrangers nés en France de parents étrangers,
âgés de 16 à 18 ans et résidant en France
à la date d'entrée en vigueur de la loi, qui ne rempliraient pas
à leur majorité la condition de résidence habituelle en
France de cinq années requise par le projet de loi pour
l'acquisition automatique de la nationalité française.
Dans le droit actuel, ces jeunes pourraient acquérir la
nationalité française par une manifestation de volonté
jusqu'à l'âge de 21 ans s'ils venaient à remplir cette
condition de résidence avant cet âge. Le projet de loi
prévoit donc de conserver cette faculté d'accès de ces
jeunes à la nationalité française en leur permettant de
réclamer la nationalité française par déclaration
s'ils remplissaient cette condition de résidence et au plus tard
à l'âge de 21 ans.
· Le
quatrième et dernier alinéa
de
l'article 17 du projet de loi précise toutefois que les
modalités transitoires d'acquisition de la nationalité
française prévues à cet article en faveur des
étrangers majeurs âgés de 18 à 21 ans ne
seraient pas applicables à ceux d'entre eux qui auraient fait l'objet,
pour des faits commis entre 18 et 21 ans, de condamnations constituant
aujourd'hui un empêchement à l'acquisition de la
nationalité française par une manifestation de volonté,
aux termes de l'article 21-8 du code civil.
Là encore, il s'agit donc du maintien, à titre transitoire, du
droit actuel, l'ensemble des dispositions de cet article étant
justifié par le souci de préserver les droits d'accès
à la nationalité française qui auraient été
ceux des jeunes étrangers si la procédure de la manifestation de
volonté avait été maintenue.
L'Assemblée nationale a adopté l'article 17 du projet de loi
sans modification.
Votre commission vous propose d'adopter un
amendement de suppression
de
cet article rendu sans objet par la suppression de l'article premier.
Article 18
Maintien de la dispense de stage pour la
naturalisation
des personnes nées en France de parents
étrangers
et âgées de plus de 21 ans à la
date d'entrée en vigueur
de la loi
Cet article a pour objet de maintenir à titre
transitoire une dispense de la condition de stage normalement exigée
pour la naturalisation, en faveur des étrangers âgés de
plus de 21 ans à la date de l'entrée en vigueur de la loi
qui n'auraient pas souscrit de manifestation de volonté en vue de
devenir Français bien qu'ils en aient rempli les conditions.
Dans le droit actuel, le 7° de l'article 21-19 du code civil permet
aux étrangers qui ont " laissé passer " l'âge de
21 ans sans procéder à la manifestation de volonté
d'être Français alors même qu'ils remplissaient les
conditions de naissance et de résidence en France requises pour cette
acquisition, de bénéficier d'une dispense de stage s'ils
demandent par la suite leur naturalisation, celle-ci constituant la seule voie
d'accès à la nationalité française qui leur reste
alors ouverte.
Cependant, le projet de loi prévoit, par son article 6,
l'abrogation de cette disposition qui perdrait sa raison d'être dans la
mesure où la manifestation de volonté disparaîtrait au
profit d'une acquisition automatique de la nationalité française.
Il convient néanmoins de faire en sorte de ne pas léser les
étrangers qui auraient omis ou se seraient abstenus de procéder
à une manifestation de volonté d'être Français et
qui ne pourraient bénéficier de l'acquisition automatique de la
nationalité ni au titre des dispositions nouvelles ni au titre du
régime transitoire prévu par l'article 17.
C'est pourquoi l'article 18 du projet de loi tend à conserver pour
ces étrangers le bénéfice de la dispense de stage s'ils
demandaient à être naturalisés.
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.
Votre commission vous propose d'adopter un
amendement de suppression
de
cet article rendu sans objet par la suppression de l'article premier.
Article 19
Application dans les territoires
d'outre-mer
et à Mayotte
Cet article a pour simple objet d'étendre l'application
des dispositions du projet de loi aux territoires d'outre-mer et à la
collectivité territoriale de Mayotte, "
dans les conditions
prévues au chapitre VIII du titre Ier
bis
du
livre Ier du code civil
".
Ce chapitre, intitulé "
Dispositions particulière
concernant les territoires d'outre-mer
", comporte trois articles
(33,
33-1 et 33-2) prévoyant des dispositions particulières pour
l'application du droit de la nationalité dans les territoires
d'outre-mer afin de tenir compte des spécificités de leur
organisation judiciaire. Ainsi, par dérogation aux dispositions de droit
commun, les déclarations de nationalité y sont reçues par
le président du tribunal de première instance ou par le juge
chargé de la section détachée, qui est par ailleurs seul
compétent pour la délivrance des certificats de
nationalité dans ces territoires.
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.
Cependant, il convient de rappeler qu'une loi du 9 juillet 1970 a
prévu que les textes relatifs au statut civil de droit commun, et
notamment à l'état des personnes, s'appliquaient de plein droit
outre-mer.
Les lois relatives à la nationalité s'appliquent donc de plein
droit dans les territoires d'outre-mer sans qu'il soit besoin de le
préciser dans une disposition législative spécifique.
La loi du 22 juillet 1993 portant réforme du droit de la
nationalité ne comportait d'ailleurs pas d'article d'extension aux
territoires d'outre-mer.
Votre commission des Lois vous propose donc d'adopter un
amendement de
suppression
de cet article.
Article 20
Date d'entrée en vigueur de la loi
Cet article tend à fixer la date d'entrée en
vigueur de la présente loi au premier jour du sixième mois
suivant sa publication au Journal officiel.
Ce report de l'entrée en vigueur de la loi -qui peut paraître
singulier pour un texte sur lequel l'urgence a été
déclarée- est justifié, selon l'exposé des motifs
du projet de loi, par la nécessité d'élaborer
d'importantes mesures réglementaires d'accompagnement portant sur les
points suivants :
- renforcement de l'information du public en matière de
nationalité ;
- organisation procédurale de la faculté de décliner la
qualité de Français ;
- organisation procédurale de la faculté d'anticiper
l'acquisition de la nationalité française ;
- désignation de l'autorité compétente pour
procéder à la mention en marge des actes d'état civil de
toute première délivrance de certificat de nationalité
française.
On rappellera que la loi du 22 juillet 1993 avait de même
différé de plusieurs mois l'entrée en vigueur des
dispositions concernant la manifestation de volonté d'être
Français, reportée au 1er janvier 1994 afin de permettre la
mise au point des décrets d'application et du dispositif d'information
relatifs à cette nouvelle procédure.
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.
Votre commission vous propose de
supprimer
cet article rendu sans objet
par la suppression de l'article premier et le maintien des dispositions
actuelles relatives à la manifestation de volonté d'être
français.
*
* *
ANNEXES
CODE CIVIL
Art. 18-1 -
Toutefois, si un seul des parents est
français, l'enfant qui n'est pas né en France a la faculté
de répudier la qualité de Français dans les six mois
précédant sa majorité et dans les douze mois la suivant.
Cette faculté se perd si le parent étranger ou apatride acquiert
la nationalité française durant la minorité de l'enfant.
Art. 19-3 -
Est français l'enfant, légitime ou naturel,
né en France lorsque l'un de ses parents au moins y est lui-même
né.
Art. 19-4
- Toutefois, si un seul des parents est né en France,
l'enfant français, en vertu de l'article 19-3, a la faculté de
répudier cette qualité dans les six mois précédant
sa majorité et dans les douze mois la suivant.
Cette faculté se perd si l'un des parents acquiert la nationalité
française durant la minorité de l'enfant.
Art. 21-7
- Tout étranger né en France de parents
étrangers peut, à partir de l'âge de seize ans et
jusqu'à l'âge de vingt et un ans, acquérir la
nationalité française à condition qu'il en manifeste la
volonté, qu'il réside en France à la date de sa
manifestation de volonté et qu'il justifie d'une résidence
habituelle en France pendant les cinq années qui la
précèdent.
La condition de résidence habituelle en France pendant cinq ans n'est
pas exigée pour l'étranger francophone au sens des dispositions
de l'article 21-10.
Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles les
organismes et services publics, et notamment les établissements
d'enseignement, les caisses de sécurité sociale et les
collectivités territoriales, informent le public, et en particulier les
personnes concernées par le présent article, des dispositions en
vigueur en matière de droit de la nationalité.
Art. 21-8 -
Toutefois, l'étranger perd le droit qui lui est
reconnu à l'article précédent s'il a fait l'objet pour des
faits commis entre l'âge de dix-huit ans et celui de vingt et un ans :
- d'une condamnation à une peine quelconque d'emprisonnement pour crimes
ou délits constituant une atteinte aux intérêts
fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme ;
- d'une condamnation à une peine égale ou supérieure
à six mois d'emprisonnement non assortie d'une mesure de sursis pour
atteinte volontaire à la vie, violences ayant entraîné la
mort, trafic de stupéfiants ou proxénétisme ;
- d'une condamnation à une peine égale ou supérieure
à six mois d'emprisonnement non assortie d'une mesure de sursis pour
toute atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité
d'un mineur de quinze ans ou pour toute atteinte sexuelle à la personne
d'un mineur de quinze ans.
Il en est de même de celui qui a fait l'objet soit d'un
arrêté d'expulsion non expressément rapporté ou
abrogé, soit d'une interdiction du territoire français non
entièrement exécutée.
Art. 21-9
- La manifestation de volonté est recueillie soit par
le juge d'instance, soit par une autorité administrative
désignée par décret en Conseil d'Etat à l'occasion
d'une démarche accomplie devant elle et relevant de sa
compétence. Il en est donné acte dans des conditions
fixées par décret en Conseil d'Etat. L'autorité
administrative transmet la pièce consignant la manifestation de
volonté au juge d'instance.
Le juge d'instance délivre un récépissé
après la remise des pièces nécessaires à la preuve
de la recevabilité et procède à l'enregistrement
conformément aux articles 26-1 et suivants.
L'intéressé acquiert la nationalité française
à la date de la manifestation de volonté.
Art. 21-20
- Peut être naturalisée sans condition de stage
la personne qui appartient à l'entité culturelle et linguistique
française, lorsqu'elle est ressortissante des territoires ou Etats dont
la langue officielle ou l'une des langues officielles est le français,
soit lorsque le français est sa langue maternelle, soit lorsqu'elle
justifie d'une scolarisation minimale de cinq années dans un
établissement enseignant en langue française.
Art. 22-3 -
Toutefois, l'enfant français en vertu de l'article
22-1 et qui n'est pas né en France a la faculté de
répudier cette qualité pendant les six mois
précédant sa majorité et dans les douze mois la suivant.
Il exerce cette faculté par déclaration souscrite
conformément aux articles 26 et suivants.
Il peut renoncer à cette faculté à partir de l'âge
de seize ans dans les mêmes conditions.
Art. 23 -
Toute personne majeure de nationalité
française, résidant habituellement à l'étranger,
qui acquiert volontairement une nationalité étrangère ne
perd la nationalité française que si elle le déclare
expressément, dans les conditions prévues aux articles 26 et
suivants du présent titre.
Art. 23-1 -
La déclaration en vue de perdre la
nationalité française peut être souscrite à partir
du dépôt de la demande d'acquisition de la nationalité
étrangère et, au plus tard, dans le délai d'un an à
compter de la date de cette acquisition.
Art. 26
- Les déclarations de nationalité sont
reçues, sous réserve des dispositions de l'article 21-9, par le
juge d'instance ou par les consuls suivant les formes déterminées
par décret en Conseil d'Etat.
Il en est délivré récépissé après
remise des pièces nécessaires à la preuve de leur
recevabilité.
Art. 26-1 -
Toute déclaration de nationalité doit,
à peine de nullité, être enregistrée soit par le
juge d'instance, pour les déclarations souscrites en France, soit par le
ministre de la justice, pour les déclarations souscrites à
l'étranger.
Art. 26-2 -
Le siège et le ressort des tribunaux d'instance
compétents pour recevoir et enregistrer les déclarations de
nationalité française sont fixés par décret.
Art. 26-3 -
Le ministre ou le juge refuse d'enregistrer les
déclarations qui ne satisfont pas aux conditions légales.
Sa décision motivée est notifiée au déclarant qui
peut la contester devant le tribunal de grande instance durant un délai
de six mois. L'action peut être exercée personnellement par le
mineur dès l'âge de seize ans.
La décision de refus d'enregistrement doit intervenir six mois au plus
après la date à laquelle a été
délivré au déclarant le récépissé
constatant la remise de toutes les pièces nécessaires à la
preuve de recevabilité de la déclaration.
Le délai est également de six mois pour les manifestations de
volonté exprimées en application de l'article 21-7. Il est
porté à un an pour les déclarations souscrites en vertu de
l'article 21-2.
Art. 26-4 -
A défaut de refus d'enregistrement dans les
délais légaux, copie de la déclaration, ou de la
pièce consignant la manifestation de volonté prévue
à l'article 21-9, est remise au déclarant revêtue de la
mention de l'enregistrement.
L'enregistrement peut encore être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte. La cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2 constitue une présomption de fraude.
Art. 26-5
- Sous réserve des dispositions du
deuxième alinéa (1°) de l'article 23-9, les
déclarations de nationalité, dès lors qu'elles ont
été enregistrées, prennent effet à la date à
laquelle elles ont été souscrites.
Les manifestations de volonté prennent effet dans les conditions
fixées à l'article 21-9.
LOI N°78-753 DU 17 JUILLET 1978 PORTANT DIVERSES MESURES D'AMÉLIORATION DES RELATIONS ENTRE L'ADMINISTRATION ET LE PUBLIC ET DIVERSES DISPOSITIONS D'ORDRE ADMINISTRATIF, SOCIAL ET FISCAL.
Art. 2 - Sous réserve des dispositions de l'article 6 les documents administratifs sont de plein droit communicables aux personnes qui en font la demande, qu'ils émanent des administrations de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics ou des organismes, fussent-ils de droit privé, chargés de la gestion d'un service public.
ANNEXE I :
COMPTE-RENDU DE L'AUDITION DE
M. PATRICK WEIL LE MERCREDI 26 NOVEMBRE 1997
##Mercredi 26 novembre 1997## -
Présidence de
M. Jacques Larché, président
.
La commission a
procédé à l'audition de
M. Patrick Weil
,
responsable de la mission d'étude des législations de la
nationalité et de l'immigration
.
M. Patrick Weil
a tout d'abord présenté le
premier des deux rapports remis au Premier ministre au nom de la mission,
relatif à la législation de la nationalité.
En préambule, il a précisé que ce rapport ne portait que
sur un aspect du droit de la nationalité, à savoir les
" conditions d'application du principe du droit du sol pour
l'attribution
de la nationalité française ".
Retraçant ensuite l'évolution historique du droit de la
nationalité français et la manière dont y était
pris en compte le droit du sol,
M. Patrick Weil
a
rappelé que si ce droit était à la base de l'attribution
de la nationalité sous la monarchie et l'époque
révolutionnaire, le code civil de 1804 avait marqué une rupture
en faisant du " jus sanguinis " le mode d'attribution
principal de la
nationalité française.
Il a cependant indiqué qu'au XIXè siècle, le droit du sol
était redevenu un principe républicain, avec dans un premier
temps, en 1851, l'institution de la règle du double droit du sol,
conférant la nationalité française aux enfants nés
en France d'un parent étranger lui-même né en France et
dans un deuxième temps, en 1889, l'adoption du principe de l'acquisition
de la nationalité française à leur majorité par les
enfants nés en France de parents étrangers et y résidant,
sous réserve de la faculté de décliner la qualité
de Français au cours de l'année suivant la majorité. Il a,
à cet égard, considéré que les débats
parlementaires de l'époque faisaient apparaître la volonté
de faire Français par le droit des enfants considérés
comme Français dans les faits afin notamment qu'ils ne tirent plus de
cette situation le " privilège " d'échapper au service
militaire.
Après avoir noté que la loi de 1927 avait ensuite élargi
les conditions d'attribution de la nationalité française pour des
raisons démographiques,
M. Patrick Weil
a
précisé qu'en 1945, le principe institué en 1889 avait
été maintenu mais que la faculté de renonciation à
la nationalité française avait été modifiée,
celle-ci étant désormais ouverte au cours d'une période
précédant la majorité et non plus au cours de
l'année la suivant.
Il a enfin constaté que la réforme de 1973 s'était
limitée à tirer les conséquences du principe de
l'égalité entre l'homme et la femme, et entre l'enfant naturel et
l'enfant légitime, tout en rendant l'attribution de la
nationalité française plus aisée pour les descendants de
personnes nées dans les anciennes possessions françaises.
Puis,
M. Patrick Weil
a déclaré que le
législateur de 1993 avait été animé, d'une part,
par le souci de tenir compte des incidences du droit de la nationalité
sur la législation sur l'entrée et le séjour des
étrangers en France -d'où une restriction de l'acquisition de la
nationalité française par le mariage et des conditions
d'application de la règle du double droit du sol en faveur des personnes
originaires des anciennes colonies- et, d'autre part, par la volonté
d'améliorer l'intégration des jeunes d'origine
étrangère qui devenaient parfois Français sans le savoir.
Il a précisé que cette dernière préoccupation avait
conduit à exiger des jeunes nés en France de parents
étrangers une démarche volontaire entre 16 et 21 ans pour
l'acquisition de la nationalité française, suivant les
recommandations de la commission de la nationalité
présidée par M. Marceau Long.
M. Patrick Weil
a estimé que différentes
études réalisées sur l'application de cette
dernière loi, notamment dans la région Alsace, montraient que ses
résultats ne correspondaient pas à la volonté du
législateur, des inégalités géographiques
apparaissant dans l'accès à la nationalité en particulier
en ce qui concernait l'interprétation par les juges des conditions de
résidence en France.
Afin de remédier à cette situation, il a proposé de
rétablir un système universel d'accès à la
nationalité française à la majorité en faveur des
jeunes nés en France de parents étrangers et y résidant,
sous réserve d'une possibilité d'acquisition volontaire de la
nationalité entre 16 et 18 ans, ou de refus de cette nationalité
au cours de l'année suivant la majorité.
En conclusion,
M. Patrick Weil
a déclaré qu'avec
ce système, nul ne serait devenu Français sans le vouloir ou sans
le savoir, mais que nul ne resterait non plus étranger sans le savoir ou
sans le vouloir.
Constatant qu'il était trop tôt pour dresser un bilan complet de
l'application de la loi de 1993,
M. Jean-Jacques Hyest
s'est
interrogé sur l'opportunité de modifier une législation
dont on ne connaissait pas encore exactement les effets. Il a en outre
rappelé que la commission présidée par M. Marceau
Long avait considéré qu'une manifestation de volonté
était plus favorable à l'intégration qu'une acquisition
automatique de la nationalité.
Constatant par ailleurs qu'en tout état de cause, les jeunes seraient
amenés à un moment ou à un autre à effectuer une
démarche pour obtenir la preuve de leur nationalité
française, il s'est finalement demandé si une amélioration
des conditions d'application de la législation actuelle ne serait pas la
meilleure solution.
M. Jacques Larché, président,
a souhaité obtenir
des statistiques sur le nombre d'étrangers susceptibles
d'acquérir la nationalité française par une manifestation
de volonté, le nombre de demandes et le nombre de refus.
En réponse,
M. Patrick Weil
a reconnu qu'il n'existait
pas de statistiques précises permettant d'évaluer avec exactitude
le nombre de jeunes potentiellement concernés et le nombre de jeunes
s'étant abstenus de toute démarche.
Rappelant que les modifications de la législation relative à la
nationalité avaient toujours été étroitement
liées à l'évolution des motivations de l'Etat,
M.
Patrice Gélard
s'est interrogé sur la motivation actuelle qui
pourrait conduire à favoriser le droit du sol.
Il a par ailleurs souhaité obtenir des informations sur les
législations relatives à la nationalité en vigueur dans
les autres pays européens.
Enfin, il a posé le problème de la situation des doubles
nationaux, en particulier des jeunes originaires d'Afrique du Nord, qui
risquaient de se voir imposer leur service militaire dans leur pays d'origine
nonobstant la suppression du service national en France.
Après avoir cité les propos tenus par M. Jean-Pierre
Chevènement, ministre de l'intérieur, à propos de la
nation française, communauté de citoyens,
M. Paul Masson
a demandé à M. Patrick Weil si, pour lui, le principal acte
d'intégration ne résidait pas dans la demande d'acquisition de la
nationalité du pays dans lequel l'intéressé souhaitait
s'intégrer.
M. Charles Jolibois
a fait observer que selon M. Patrick Weil,
la principale justification d'un changement de la législation tiendrait
à l'insuffisance de l'information dispensée aux jeunes.
Considérant qu'il existait un lien logique entre le droit du sol et la
plus ou moins grande facilité de l'accès des étrangers au
territoire national, il s'est interrogé sur l'importance des flux
d'immigration qui pouvaient exister lors de l'adoption de la loi de 1889,
soulignant qu'aujourd'hui, les flux étaient massifs et pratiquement
incontrôlables.
M. Michel Dreyfus-Schmidt
a évoqué certaines
difficultés insolubles posées par la législation actuelle,
par exemple le cas d'un incapable majeur qui ne pouvait procéder
lui-même à une manifestation de volonté, la jurisprudence
refusant que l'intéressé puisse dans cette
éventualité être représenté pour cette
démarche.
M. Robert Badinter
a questionné M. Patrick Weil sur
l'évolution du nombre des manifestations de volonté.
Après avoir indiqué qu'avaient acquis la nationalité
français par manifestation de volonté 15.512 jeunes nés en
1976, 21.104 nés en 1977, 23.048 nés en 1978, 20.453 nés
en 1979 et 13.508 en 1980,
M. Patrick Weil
a
considéré que ces variations étaient difficiles à
interpréter.
Soulignant que l'étude effectuée dans la région Alsace
avait fait apparaître un taux de manifestation de volonté allant
de 42 % à Strasbourg à 68 % à Mulhouse, il a
déploré que les conditions d'acquisition de la nationalité
française puissent ainsi varier d'une localité à l'autre
et en particulier dépendre de la plus ou moins bonne qualité de
l'information assurée par le Gouvernement.
M. Patrice Gélard
s'est interrogé sur le point de savoir
si les inégalités constatées dans le taux de manifestation
de volonté ne s'expliquaient pas par des différences dans la
volonté d'intégration.
M. Patrick Weil
a souligné la difficulté
d'assurer une information satisfaisante des jeunes dans la mesure où les
enseignants ne souhaitaient pas toujours remplir cette mission. Admettant que
la nationalité était effectivement attribuée par l'Etat en
fonction de ses intérêts, il a estimé qu'à cet
égard la logique suivant laquelle devait être attribuée la
nationalité française n'était pas fondamentalement
différente aujourd'hui de ce qu'elle était en 1889.
M. Paul Masson
a de nouveau souligné que la volonté
d'intégration devait être manifestée par des actes, dont le
principal était la demande d'acquisition de la nationalité.
M. Patrick Weil
a alors précisé que suivant ses
propositions de réforme, une démarche resterait nécessaire
pour obtenir un certificat de nationalité ou des papiers
d'identité français et qu'en outre l'intéressé
conserverait une possibilité de refus.
Par ailleurs, il a souligné que le droit du sol strict n'avait jamais
fait partie de la tradition républicaine qui avait toujours
subordonné son application à des conditions de résidence.
Après avoir fait part de ses réserves vis-à-vis de
certains amendements de la commission des lois de l'Assemblée nationale,
notamment le rétablissement de l'application du double droit du sol en
faveur des descendants de personnes nées dans les anciennes colonies,
M. Patrick Weil
a enfin formulé quelques suggestions en
vue d'un rapprochement du droit français de la nationalité avec
les autres législations européennes. Il a ainsi constaté
que le caractère indissoluble du mariage s'étant affaibli,
l'attribution automatique de la nationalité par le mariage était
de moins en moins fréquente dans les pays européens. Il a en
outre proposé que la France s'inspire de la législation allemande
qui, depuis 1990, ouvrait l'accès à la nationalité
allemande, par une procédure de naturalisation simplifiée, aux
enfants nés à l'étranger ayant accompli huit années
de scolarité en Allemagne.
ANNEXE II
COMPTE-RENDU DES AUDITIONS PUBLIQUES
DU
MERCREDI 3 DÉCEMBRE 1997
##Mercredi 3 décembre 1997## -
**
Présidence de M. Jacques Larché,
président
.
La commission a procédé à des
auditions
publiques
sur le
projet de loi n° 145
(1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, après
déclaration d'urgence,
relatif à la
nationalité.
La commission a tout d'abord entendu
M. Paul Lagarde, professeur de droit
à l'Université de Paris I.
Replaçant le droit du sol dans son cadre historique,
M. Paul
Lagarde
a rappelé qu'il avait été la règle sous
l'ancien régime jusqu'à ce que le Code Napoléon, contre
l'avis de Bonaparte lui-même, donne une priorité au droit du sang
en n'accordant la nationalité française aux étrangers
nés en France que sur leur déclaration à leur
majorité et sous condition de résidence en France. Il a
indiqué que, dans un premier temps, le droit du sol avait
concerné de nombreuses familles déjà assimilées et
permis d'inclure les intéressés dans le tirage au sort pour le
service militaire, mais que, dans un second temps, avec la crise
démographique, l'octroi de la nationalité française
était devenu le point de départ de l'assimilation des
étrangers.
Il a précisé que la naissance en France pouvait avoir trois
conséquences sur le droit de la nationalité :
- depuis 1851, le droit du sol double, c'est-à-dire la naissance en
France de parents nés en France procurait une nationalité
française d'origine ;
- la simple naissance en France ne conférait la nationalité
française que dans le cas où il était nécessaire
d'éviter l'apatridie, cette disposition n'étant pas remise en
cause par le projet en discussion ;
- la simple naissance en France de parents étrangers avait en revanche
produit des effets variables suivant les législations.
Sur ce dernier point, il a rappelé que sous l'empire de la loi du 26
juin 1889 et de l'article 44 du code de la nationalité de 1945, la
nationalité française était accordée de plein droit
à la majorité sans demande particulière mais sous
condition de résidence. Il a souligné qu'il était alors
possible d'anticiper l'acquisition de la nationalité française
par réclamation effectuée par les parents, sur qui était
reportée la condition de résidence.
Il a indiqué que la loi du 22 juillet 1993 -conforme en grande part aux
conclusions de la commission de la nationalité présidée
par M. Marceau-Long- avait supprimé l'acquisition de plein droit de la
nationalité française à la majorité, en
conditionnant l'acquisition de cette nationalité à une
manifestation de volonté entre seize et vingt-et-un ans, tandis
qu'elle avait supprimé la possibilité de réclamation de
cette nationalité par les parents pour leur enfant mineur.
M. Paul Lagarde
a souligné que le texte du projet de loi
initial tendait à rétablir l'acquisition de plein droit de la
nationalité française à la majorité, mais pas la
possibilité de réclamation par les parents.
Il a en effet précisé que l'article premier (article 21-7 du
code civil) revenait au principe contenu dans l'article 44 de l'ancien code de
la nationalité, prévoyant l'acquisition automatique de la
nationalité française à la majorité.
Il a rappelé que l'institution de l'obligation d'une manifestation de
volonté en 1993 répondait à une conception élective
de la nationalité selon laquelle la Nation n'existait que par le
consentement de ceux qui la composent.
Il a cependant souligné que cette conception élective
était à sens unique puisqu'aucun consentement n'était
exigé pour l'acquisition de la nationalité française par
les enfants nés à l'étranger d'un parent français.
Aussi a-t-il considéré que la loi de 1993 avait rompu avec une
tradition concrète de " nationalité de
proximité " reposant sur les liens objectifs de l'étranger
avec la France, tels la filiation, la naissance, la résidence ou le
mariage.
Il a considéré que les critiques des opposants à une
nouvelle réforme -pour être Français, il faut le vouloir et
il ne faut pas qu'il y ait de Français sans le savoir- tournaient autour
des principes de la volonté et de l'information.
S'agissant de l'information, il a rappelé qu'avant 1993, 5 à 6 %
des jeunes usaient de la possibilité de renoncer à la
nationalité française. Il a indiqué que, depuis
l'entrée en vigueur de la loi de 1993, certains travaux, notamment ceux
du professeur Fulchiron, révélaient que 10 à 15 % des
étrangers n'auraient pas été en mesure de manifester leur
volonté par manque d'information, des disparités très
grandes apparaissant entre les différentes régions et entre les
villes et campagnes. Il en a déduit que l'application de la loi de 1993
avait pêché par défaut d'information, un décret du
16 août 1994 ayant amorcé un effort réel mais qui
n'avait pas été soutenu.
M. Paul Lagarde
a tout particulièrement insisté sur la
nécessité d'une information individualisée, à
laquelle l'administration semblait réticente, estimant que si cette
obligation était inscrite dans les textes, aucun étranger ne
pourrait devenir français sans le savoir, ce qui suffirait à
dépassionner le débat. Il a remarqué que, sur ce point, le
projet de loi n'améliorerait guère la situation.
M. Jacques Larché, président,
a pleinement souscrit au
principe de la nécessité d'une information à la fois
meilleure et plus personnalisée.
M. Paul Lagarde
a suggéré que l'on s'inspire des
dispositions du décret du 28 novembre 1997 prévoyant l'usage
des fichiers de l'INSEE et de la sécurité sociale pour
l'application de la loi du 10 novembre 1997 sur l'inscription d'office des
jeunes de dix-huit ans sur les listes électorales. Il a en effet
considéré que rien ne s'opposerait à l'usage de ces
fichiers pour prévenir individuellement les enfants étrangers
concernés. Aussi a-t-il proposé d'amender en ce sens le
deuxième alinéa de l'article 21-7 du code civil, en
précisant qu'un décret en Conseil d'Etat fixerait les conditions
dans lesquelles les personnes concernées seraient individuellement
informées des dispositions en vigueur en matière de
nationalité.
A propos de l'article 5 du projet de loi (anticipation volontaire de
l'acquisition de la nationalité française),
M. Paul
Lagarde
a considéré que l'anticipation à
seize ans, à la demande du jeune lui-même, sans assistance
obligatoire de son représentant légal, n'aurait pas grand effet
pratique, compte tenu des délais administratifs prévisibles. Il a
regretté que le projet ne revienne pas au principe contenu dans
l'article 54 de l'ancien code de la nationalité, attribuant aux parents
répondant à une condition de résidence en France la
possibilité de réclamer la nationalité pour leur enfant
mineur dès son plus jeune âge. Il a considéré
qu'après la suppression totale de cette possibilité par la loi de
1993, le rétablissement par l'Assemblée nationale de cette
procédure à partir de 13 ans n'était qu'une demi-mesure ne
répondant pas à la préoccupation d'intégrer les
enfants dès l'âge scolaire. Il a rappelé qu'avant
l'entrée en vigueur de la loi de 1993, 150 000 déclarations
étaient effectuées chaque année par les parents, soit 60
à 65 % d'une classe d'âge concernée, l'acquisition
automatique de la nationalité à 18 ans présentant de ce
fait le caractère d'une " acquisition-balai ".
Il a réfuté les deux motifs allégués pour le
non-rétablissement par le projet du droit de réclamation des
parents dès le plus jeune âge de l'enfant -la
nécessité de respecter la volonté de l'enfant et les
risques de fraude des parents qui demanderaient la nationalité
française pour leurs enfants dans l'unique but de
bénéficier pour eux-mêmes d'un titre de séjour-
considérant, pour la première, qu'il suffirait d'accorder
à l'enfant une faculté de répudiation à sa
majorité et, pour la seconde, qu'il suffirait de réserver cette
possibilité aux parents déjà possesseurs d'une carte de
résident.
M. Paul Lagarde
a ensuite fait part de quelques interrogations
techniques sur plusieurs dispositions du texte adopté par
l'Assemblée nationale :
- l'article 11 bis ne prévoyant pas de sanction au non-respect du
délai maximum de réponse à une demande de naturalisation,
il lui a semblé impossible d'admettre que le dépassement du
délai entraîne de droit la naturalisation ;
- l'article 15 C sur la motivation des décisions négatives en
matière de nationalité, faisant double emploi avec des
dispositions de l'article 27 du code civil ;
- l'article 8 sur l' " effet collectif " de l'acquisition
de la
nationalité française, en cas de garde alternée de
l'enfant à la suite d'un divorce, le difficile problème de la
garde alternée ne lui paraissant pas devoir être traité au
détour d'un texte sur la nationalité ;
- l'article 14-A relatif à la perte de la faculté de
répudiation de la nationalité en cas d'engagement militaire, mal
situé dans le projet de loi ;
- les effets juridiques incertains attachés au titre d'identité
républicain institué par l'article 15 bis ;
- la suppression par l'article 14 ter d'une discrimination entre les
Français d'origine et les Français par acquisition concernant la
réintégration par déclaration.
Il a estimé souhaitable que soit également supprimée la
discrimination entre Français d'origine et Français
d'acquisition, quant à la déchéance de nationalité
susceptible de toucher les seuls Français par acquisition.
M. Jacques Larché, président,
a relevé dans
l'exposé de M. Paul Lagarde que les critiques adressées à
la loi de 1993 résultaient pour l'essentiel de dysfonctionnements
administratifs dans son application et considéré que s'il
convenait d'y remédier, il n'était pas nécessaire de
légiférer pour cela.
En réponse à une question de
M. Guy Allouche
,
M. Paul
Lagarde
a considéré que la loi de 1993 n'avait pas
facilité l'intégration des étrangers et avait
généré une catégorie de jeunes restés
étrangers sans le savoir en raison du défaut d'information qu'il
avait déjà signalé. Il a indiqué qu'à la
limite, si le chiffre avancé lors des débats à
l'Assemblée nationale de 95 % de jeunes ayant manifesté leur
volonté était exact, on pouvait s'interroger sur la
nécessité de maintenir cette formalité.
En réponse à une question de
M. Patrice Gélard
quant à la compatibilité du projet de loi avec la
réglementation européenne,
et quant à ses effets
sur la double nationalité,
M. Paul Lagarde
a indiqué que
le droit de la nationalité ne relevait pas du droit communautaire. Il a
par ailleurs considéré que le problème de la double
nationalité relevait de la législation propre de chaque Etat ou
de conventions.
En réponse à
M. Robert Badinter
qui se demandait si un
référendum sur cette question pourrait être proposé
aux Français sur la base de l'article 11 de la Constitution,
M. Paul
Lagarde
a estimé qu'à son avis, la nationalité ne
faisait pas partie des matières énumérées par cet
article.
Mme Monique Cerisier-Ben Guiga,
en sa qualité de sénateur
représentant les Français établis hors de France, a
considéré qu'il n'était pas souhaitable de supprimer
l'acquisition par filiation de la nationalité française pour les
enfants nés à l'étranger dans la mesure où,
après un délai de cinquante ans, la clause de
désuétude permettait de déchoir de la nationalité
des personnes qui n'auraient gardé aucun lien avec la France. Elle a
néanmoins admis que cette clause jouait très rarement, sans doute
en raison de la distension rapide des liens avec la France des enfants
élevés à l'étranger.
**La commission a ensuite entendu
M. Marceau Long, ancien
président de la Commission de la nationalité et ancien
président du Haut conseil à l'intégration,
qui a tout
d'abord rappelé que la commission de la nationalité,
installée par le Premier ministre et le garde des sceaux en juin 1987,
avait formulé soixante propositions dont la plus importante
prévoyait la manifestation de volonté des personnes dont les
liens de rattachement à la nation n'avaient pas la force de
l'évidence.
Il a insisté sur le souci de transparence qui avait animé les
travaux de la commission, lesquels avaient donné lieu à vingt
heures de retransmission télévisée et à l'audition
publique d'une centaine de personnes appartenant à toutes les
sensibilités politiques, sociales et religieuses.
Il a également mis en avant la diversité et le pluralisme de
cette commission, composée notamment d'historiens, de sociologues, de
philosophes, de médecins et de juristes.
Il a précisé qu'elle avait pour mission de faire connaître
son sentiment, non seulement sur la manifestation de la volonté
d'acquérir la nationalité française,
considérée par le garde des sceaux de l'époque, M. Albin
Chalandon, comme le coeur de la réforme envisagée, mais
également sur d'autres thèmes relatifs au même sujet.
M. Marceau Long
a fait observer qu'après avoir
étudié l'évolution des lois de nationalité dans
plusieurs pays d'Europe, la commission avait constaté que ces pays
avaient su adapter leur législation à l'évolution de leur
place dans le monde. Il en a conclu qu'il n'y avait aucune raison pour que la
France considère la sienne comme immuable et refuse de s'interroger sur
son adaptation au monde d'aujourd'hui.
Il a rappelé que la France avait toujours accueilli sur son sol une
importante population étrangère qu'elle s'était
efforcée d'intégrer dans les meilleures conditions.
Il a toutefois estimé que notre pays était confronté
à une situation différente de celle de l'immédiat
après-guerre et que si l'intégration restait la philosophie de
notre droit, c'était dans des conditions nouvelles liées
notamment au changement des flux migratoires ou au regard différent
porté par la France sur le monde.
Il a ensuite présenté les trois principes retenus par la
commission, selon lesquels :
- la politique de la nationalité devait jouer un rôle capital dans
le processus d'intégration, même si l'acquisition de la
nationalité n'était pas à elle seule une garantie
d'intégration ;
- le code de la nationalité, dans la mesure où il serait sinon
l'aboutissement de l'intégration du moins une clé de celle-ci,
devait poser des règles d'accès cohérentes avec la culture
française et les aspirations de nos concitoyens ;
- puisque l'intégration à la Nation impliquait une
adhésion claire aux principes et aux règles de vie de la
société française, une manifestation volontaire de cette
adhésion pouvait être retenue.
M. Marceau Long
a ensuite détaillé les
critères sur lesquels s'était fondée la commission pour
établir ses propositions.
Il a ainsi estimé que la querelle entre droit du sang et droit du sol
avait paru sans fondement à la commission, pour laquelle le lien de
filiation et le lieu de naissance ne représentaient que des
présomptions d'acculturation.
Il a considéré que la filiation avait sa justification non en
tant que telle mais en raison de l'éducation parentale donnée au
jeune, alors que la naissance en France n'avait pas de sens sans une longue
résidence dans ce pays.
Aussi a-t-il estimé que droit du sang et droit du sol étaient
complémentaires.
Il a ajouté que la manifestation de la volonté individuelle
pouvait également constituer un signe d'intégration et donc une
condition de l'acquisition de la nationalité française.
Il a précisé que, dans cet esprit, la commission avait
préconisé qu'un certain nombre d'actes significatifs ou de
démarches simples tiennent lieu de déclaration positive, par
exemple la participation volontaire aux opérations de recensement en vue
du service national, la demande d'une carte nationale d'identité ou
celle d'un certificat de nationalité.
Il a insisté sur le fait que, pour constituer une présomption
claire d'intégration, la manifestation de la volonté devait
émaner de l'individu lui-même, ce qui excluait la volonté
formulée par ses parents lorsque ceux-ci n'avaient pas eux-mêmes
souhaité acquérir la nationalité française.
M. Marceau Long
a souligné que la loi de 1993 reprenait dans
une large mesure les propositions de la commission, à deux
différences près :
- l'une relative au délai pour souscrire la déclaration
d'acquisition de la nationalité par le mariage, porté à
deux ans après le mariage alors que la commission avait
préconisé une année ;
- l'autre relative à l'application de la règle du double droit au
sol aux enfants nés en France de parents algériens, un amendement
ayant, alors que la commission avait préconisé le statu quo,
introduit une condition de cinq années de résidence en
France du parent algérien pour que l'enfant obtienne à la
naissance la nationalité française.
Il a regretté la confusion dans le débat parlementaire entre le
projet de loi sur la nationalité, défendu par le garde des sceaux
M. Pierre Méhaignerie, et le projet de loi sur les conditions
d'accès et de séjour des étrangers en France,
présenté par le ministre de l'intérieur M. Charles
Pasqua.
M. Jacques Larché, président
, a estimé que les
différents gouvernements avaient une responsabilité dans cette
confusion dans la mesure où ils présentaient concomitamment des
réformes législatives sur ces deux sujets.
Estimant que la loi sur la nationalité ne devait pas être
modifiée à chaque alternance,
M. Marceau Long
s'est
interrogé sur les raisons de fond qui pourraient conduire à
revenir sur la loi de 1993.
A cet égard, il a récusé l'argument d'un soi-disant retour
au droit du sol, précisant que la commission de la nationalité
n'avait en aucune manière proposé d'abandonner ce critère.
Il a ajouté que, dans son rapport au premier ministre,
M. Patrick Weil avait reconnu que ce critère n'avait pas
été mis en cause par la loi de 1993, l'enfant né en France
de parents étrangers ayant toujours le droit de devenir français.
Il s'est également inscrit en faux contre l'affirmation selon laquelle
la démarche volontaire serait contraire à la tradition
républicaine, soulignant que l'automaticité de l'accession ne
constituait pas un principe fondamental reconnu par les lois de la
République, le Conseil constitutionnel ayant d'ailleurs rejeté le
recours formé contre la loi de 1993.
Il a rappelé que la législation révolutionnaire, issue
notamment de lois de 1790 et 1791, exigeait la prestation d'un serment civique
pour devenir français.
M. Marceau Long
a ensuite fait observer que la législation
de 1993 fonctionnait mieux que ce que l'on avait pu craindre à propos
d'une démarche nouvelle demandée chaque année à
plus de 25.000 jeunes sur l'ensemble du territoire. Il a rappelé
dans cette optique les résultats statistiques, d'autant plus
satisfaisants que le délai de cinq années donné pour
la manifestation de volonté n'était pas expiré au moment
de la réalisation de ces études.
Il a ainsi indiqué que 32.000 demandes avaient été
présentées en 1995 ainsi qu'en 1996 et que les jeunes se
manifestaient en général assez vite, sans attendre la fin du
délai, ce qu'ils n'auraient point manqué de faire si la
démarche leur avait répugné. Il a indiqué que la
manifestation de volonté avait donné lieu à
33.255 acquisitions de nationalité en 1994, à 30.526 en 1995
et à 29.845 en 1996. Il a également fait valoir que les jeunes
nés en 1977 et 1978 avaient à plus de 90 % manifesté
leur volonté de devenir français, les taux de refus
d'enregistrement de la manifestation de volonté se situant dans une
fourchette de 1,90 % à 2,60 % et tenant le plus souvent au
manque de preuve de la résidence en France mais aussi, pour 30 % de
ces refus, au fait que le demandeur était déjà
français sans le savoir. Il a précisé que plus de la
moitié des demandes étaient adressées aux tribunaux,
40 % à la mairie et seulement 10 % dans les gendarmeries ou
dans les préfectures. Il a indiqué que le délai de
réponse moyen avait été de 46 jours en 1996.
M. Marceau Long
a ensuite relaté les conclusions d'une
enquête régionale réalisée par l'observatoire
régional de l'intégration et de la ville d'Alsace, laquelle avait
permis de mettre en avant certaines difficultés pratiques, notamment la
faiblesse de l'information, l'inertie administrative, le manque de formation
des acteurs locaux ou l'insuffisance de l'effort des établissements
scolaires. Il a également fait observer que l'administration avait
tendance à exiger des pièces justificatives non
mentionnées dans les textes, soulignant " le génie de
l'administration à compliquer ce qui est simple ".
Il a toutefois jugé possible de remédier à ces
défaillances sans remettre en cause les principes législatifs,
par exemple grâce à des instructions précises des
ministères intéressés ou à une meilleure
information des élèves dans les établissements scolaires.
Il a également estimé souhaitable, pour corriger des
dysfonctionnements tenant aux difficultés de prouver
l'établissement en France, de faire droit à une proposition du
professeur Fulchiron consistant à donner aux certificats de
scolarité entre onze et seize ans la valeur de preuve de la
résidence en France.
M. Marceau Long
a par ailleurs mis en avant le problème
particulier de l'accord militaire franco-algérien de 1983, lequel
permettait aux personnes ayant la double nationalité d'opter pour le
service militaire en Algérie, ce que choisissaient 10 à 20 %
d'entre eux. Il a cependant considéré que la situation actuelle
en Algérie et la suppression du service militaire en France
atténuaient considérablement ce problème.
Il a enfin insisté sur le souci des enfants nés de parents
étrangers de ne pas devoir choisir entre la culture française et
leur culture d'origine, faisant cependant observer que l'intégration,
qui n'était pas l'assimilation, respectait leurs racines.
M. Robert Badinter
a souhaité savoir si, selon M. Marceau Long,
l'article 11 de la Constitution permettait de recourir au
référendum sur le sujet de la nationalité.
M. Marceau Long
lui a répondu par la négative, le champ du
référendum ne lui paraissant pas recouvrir l'ensemble des lois
fondamentales.
M. Patrice Gélard
a noté qu'il s'agissait d'une des
questions les plus difficiles sur l'interprétation de la Constitution,
soulignant que les juristes étaient loin d'être d'accord sur la
portée de l'article 11. Il a ajouté que pour certains d'entre
eux, le champ du référendum n'était aucunement
limité dans la mesure où la Constitution ne prévoyait
aucune sanction.
M. Luc Dejoie
a estimé qu'il ne fallait pas avoir peur du choix
effectué par le peuple.
M. Philippe de Bourgoing
a estimé que les problèmes
d'information pourraient trouver une réponse dans un lien entre
l'inscription automatique des jeunes sur les listes électorales et la
manifestation de la volonté d'acquérir la nationalité
française, les services compétents pouvant interroger, au moment
de l'inscription, le jeune né de parents étrangers sur sa
volonté de devenir français.
M. Christian Bonnet
a souhaité connaître le sentiment de M.
Marceau Long sur un amendement voté par l'Assemblée nationale
à l'initiative de sa commission des lois selon lequel les parents d'un
enfant âgé de 13 ans pourraient demander pour celui-ci, et avec
son consentement, la nationalité française.
M. Marceau Long
a fait part de ses réserves sur cet amendement au
motif notamment que l'âge retenu lui paraissait trop bas. Il a fait
observer qu'à 13 ans, les jeunes, et notamment les filles,
étaient particulièrement sensibles à d'éventuelles
pressions des parents.
**La commission a ensuite entendu
M. Jean Kahn
, président de la
commission nationale consultative des droits de l'homme, accompagné de
MM. Jacques Ribs
et
Laurent Giovannoni
, membres de cette
commission.
M. Jean Kahn
, après avoir décrit la composition pluraliste
de cette commission, a rendu compte de l'esprit dans lequel elle avait
adopté son avis du 1er octobre 1997. Il s'est
référé à l'image de la France, prônant
l'intégration de ceux qui choisissent d'y vivre, et a marqué la
préférence de la commission pour le droit du sol. Il a
regretté que le débat sur la nationalité devienne un enjeu
politique et a souhaité qu'il ne soit pas utilisé comme argument
électoral.
Il a indiqué que pour la commission, l'action de l'Etat devait
être guidée par les principes de l'Etat de droit et par le respect
de l'éminente et égale dignité de tous les êtres
humains quels qu'ils soient.
M. Jacques Ribs
a mis l'accent sur la nécessité de
réaliser l'intégration heureuse des étrangers qui, pour
certains, pouvaient avoir vocation à acquérir la
nationalité française. Il a souligné la volonté de
la commission de rechercher les meilleures solutions concrètes pour
réaliser cet objectif.
Sur le droit du sol, il a précisé que la sous-commission qu'il
animait avait jugé satisfaisantes les dispositions proposées par
le projet de loi initial mais que l'assemblée plénière de
la commission consultative s'était prononcée pour le droit du sol
intégral sous réserve de conditions de résidence, en
raison des difficultés pratiques et des incertitudes
générées par la législation actuelle qui ne
seraient que partiellement réglées par le projet de loi.
Il s'est prononcé en tout état de cause pour le retour à
la situation antérieure à 1993 qui permettait aux parents
intégrés dans la société française de
demander la nationalité pour leurs enfants nés en France. Il a
considéré que cette disposition avait dans le passé permis
l'intégration de générations d'étrangers, notamment
originaires d'Europe centrale. Il a estimé infondées les
critiques admises à son encontre, considérant que l'exigence
d'une résidence antérieure prolongée excluait les risques
de fraude. Il s'est inquiété en revanche des choix que pourraient
opérer les parents parmi leurs enfants.
Par ailleurs, il a proposé la suppression de toute restriction à
l'acquisition de la nationalité française par les enfants de
parents naturalisés (article 8 du projet de loi).
S'agissant des dispositions transitoires, il s'est prononcé contre la
mesure d'exclusion prévue à l'encontre des étrangers
condamnés à six mois d'emprisonnement et qui ne jouerait que pour
des jeunes n'ayant pu accéder à la nationalité dans le
cadre de la loi de 1993 (article 17 du projet de loi).
Il a jugé qu'en l'absence de statistiques sur les mariages blancs,
imposer un délai pour l'acquisition de la nationalité par mariage
était contraire à la dignité humaine et discriminatoire
à l'égard des couples dont l'un des conjoints est étranger.
Faisant état des difficultés administratives constatées
par les organisations non gouvernementales membres de la commission
consultative, il a demandé l'encadrement dans un délai
légal de la procédure de naturalisation.
M. Laurent Giovannoni, président de la CIMADE
, a confirmé
qu'au-delà du débat théorique, des difficultés
pratiques étaient rencontrées par les jeunes nés et
scolarisés depuis toujours en France qui, se sentant Français,
percevaient la démarche volontaire imposée par la loi de 1993
comme une marque de suspicion de la France à leur égard. Il a
également souhaité voir simplifier et encadrer par un
délai légal la procédure de naturalisation.
M. Christian Bonnet
s'est interrogé sur les risques d'abus
pouvant résulter d'une part de la suppression de la condition de
résidence pour l'acquisition de la nationalité française
par les enfants dont l'un des parents acquiert cette nationalité,
d'autre part, de l'absence de délai préalable à
l'acquisition de la nationalité par mariage.
M. Daniel Hoeffel,
évoquant l'obligation trop souvent faite aux
alsaciens-mosellans nés avant 1918 de fournir des certificats de
réintégration dans la nationalité française, a
estimé qu'une pareille formalité était davantage une
aberration administrative qu'une marque de suspicion.
M. Jacques Larché, président,
s'est déclaré
convaincu qu'en votant la loi de 1993, les parlementaires n'avaient eu ni le
sentiment ni l'intention de porter atteinte à la dignité humaine
en demandant aux jeunes d'exprimer leur volonté d'acquérir la
nationalité française.
M. Jean Kahn
a précisé que pour la commission
consultative, la réalisation de l'objectif de totale intégration,
par opposition au modèle du communautarisme, impliquait de ne pas
instaurer une discrimination jusqu'à l'âge de dix-huit ans.
M. Laurent Giovannoni
, en réponse à
M. Daniel
Hoeffel
, a estimé que ce n'était pas tant la mesure
elle-même que son contexte qui pouvait faire ressentir une
réaction de rejet d'une partie de la population.
M. François Blaizot
s'est élevé contre
l'idée que ce dispositif puisse être considéré comme
discriminatoire car les jeunes issus de parents étrangers, dont ils
avaient la nationalité par l'effet du droit du sang, se voyaient au
contraire reconnaître la faculté de choisir en hommes libres la
nationalité française, ce qui devait être un motif de
fierté et non d'humiliation.
M. Jean Kahn
a convenu que le mot " humiliation " ne
rendait
pas compte de la situation. Il a toutefois estimé que la multiplication
des démarches instaurait un climat de discrimination.
M. Guy Allouche
s'est préoccupé des risques de
discrimination au sein d'une même famille, par exemple entre
garçons et filles, si ceux-ci à l'âge de 13 ans devaient
obtenir l'accord de leurs parents pour devenir français.
M. Jacques Ribs
a considéré que cet écueil ne
pourrait être évité que par l'acquisition automatique de la
nationalité. Il a estimé que toutes les options pouvaient
être présentées dans le cadre de ce débat majeur
mais que si l'objectif était d'aider à l'intégration, il
était préférable de réduire les obstacles
plutôt que d'élever des restrictions et des réserves.
En réponse à
M. Michel Dreyfus-Schmidt, M. Jean Kahn
a
rappelé que la situation particulière de l'Alsace-Moselle
résultait de dispositions anciennes et ne concernait plus aujourd'hui
que ses habitants les plus âgés.
M. Jacques Ribs
a noté que les rapatriés rencontraient des
difficultés comparables pour l'application des textes postérieurs
à 1962.
**La commission a ensuite entendu
M. Hugues Fulchiron, professeur de droit
à l'Université de Lyon III
.
M. Hugues Fulchiron
a d'abord rappelé que l'une des innovations
majeures ayant suscité de vives discussions lors de l'examen de la
réforme du droit de la nationalité en 1993 avait
été le changement des règles relatives à
l'acquisition de la nationalité française par les jeunes
étrangers nés et résidant en France et l'instauration
d'une manifestation de volonté entre seize et vingt-et-un ans,
modification à la fois juridique et symbolique.
Il a indiqué que le ministère de la justice avait confié
au centre de droit de la famille de l'Université de Lyon III la mission
d'étudier la mise en oeuvre de ces dispositions nouvelles sur quelques
sites témoins correspondant aux ressorts des tribunaux d'instance de
Lyon, de Villeurbanne, de Marseille, de Puteaux et de Clichy,
l'échantillon retenu portant au total sur 1.303 dossiers ouverts en 1994
et 1995. Il a précisé que cette enquête sur pièces
avait été complétée par plusieurs séries
d'entretiens avec les acteurs concernés, juges d'instance, personnels de
greffes, agents municipaux et préfectoraux, gendarmes, travailleurs
sociaux, responsables associatifs et des enseignants. Il a ajouté que
l'enquête avait permis de recueillir des informations concernant aussi
bien la pratique de la manifestation de volonté que les refus
d'enregistrement de la manifestation de volonté.
Il a indiqué que l'âge moyen des personnes ayant manifesté
la volonté d'acquérir la nationalité française
s'élevait en 1995 à un peu plus de dix-sept ans, l'étude
révélant cependant une forte augmentation du nombre des jeunes de
moins de dix-sept ans ayant effectué cette démarche en 1994
et 1995. Il a rappelé que cette démarche était strictement
personnelle, le jeune n'ayant ni à solliciter une autorisation de ses
parents ni à se faire représenter par eux, et qu'en pratique il
se faisait rarement accompagner par eux, la démarche étant en
revanche parfois effectuée en groupe.
Après avoir observé que certains jeunes, en particulier des
jeunes filles, subissaient quelquefois des pressions hostiles de leur famille
-ou tout au moins paraissaient les craindre-, il a indiqué que les
autorités compétentes s'efforçaient en pareil cas de se
procurer les pièces justificatives nécessaires sans que les
parents en soient informés.
S'agissant des autorités chargées par la loi de 1993 de
recueillir la manifestation de volonté, il a observé que si le
jeune pouvait s'adresser indifféremment au juge d'instance, au
préfet, au maire ou à un commandant de brigade de gendarmerie, la
démarche était le plus souvent effectuée en pratique
auprès du tribunal d'instance vers lequel les administrations
renvoyaient volontiers le déclarant, attitude contraire à
l'esprit de la loi et pouvant paraître paradoxale dans la mesure
où la mairie constituait le lieu naturel d'expression de la
citoyenneté de proximité. Il a cependant nuancé ce constat
en précisant que les situations locales étaient variables et que
dans certaines villes la pratique tendait à évoluer.
Rappelant que la loi de 1993 avait organisé une procédure en
trois étapes, avec dans un premier temps la délivrance
immédiate d'un justificatif dès la manifestation de
volonté, suivie de l'octroi d'un récépissé par le
juge d'instance lorsque l'ensemble des pièces étaient
réunies et enfin la réalisation de l'enregistrement, il a
observé que souvent, l'autorité chargée de recueillir la
manifestation de volonté n'ouvrait le dossier que lorsque
l'intéressé se trouvait en mesure de fournir toutes les
pièces demandées, ce qui renforçait le caractère
bureaucratique de la démarche, contrairement à la volonté
exprimée par le législateur.
Soulignant que le juge d'instance ne disposait d'aucun pouvoir
d'appréciation en opportunité pour refuser l'enregistrement
dès lors que les conditions légales étaient satisfaites,
il a indiqué que sur l'ensemble des sites étudiés
seulement 95 refus avaient été prononcés, soit
2,5 % des dossiers examinés, ce qui correspondait à la
moyenne nationale évaluée à 2,6 % en 1995. Il a
cependant précisé qu'une analyse qualitative plus fine
révélait des pratiques disparates, certaines mairies et certains
greffes écartant d'emblée des dossiers manifestement
irrecevables, d'autres se contentant de recueillir la manifestation de
volonté sans vérifier si les conditions
élémentaires telles que celles relatives à l'âge de
l'intéressé ou à son lieu de naissance étaient
satisfaites.
Il a distingué deux causes principales de refus d'enregistrement : d'une
part, le fait que le demandeur possède déjà la
nationalité française (16 dossiers de l'échantillon
étudié), ce qui traduisait les hésitations de certains
jeunes face à la complexité du droit applicable ; d'autre part,
l'absence de résidence habituelle en France pendant les cinq
années précédant la manifestation de volonté (59
dossiers). Concernant cette seconde cause de refus, il a constaté qu'un
jeune ayant effectué un séjour -parfois prolongé- à
l'étranger pendant la période de référence ne
répondait pas, de ce seul fait, aux prescriptions légales. Il a
estimé que, dans ce cas précis, la condition d'une
résidence continue constituait un obstacle à l'acquisition de la
nationalité française, difficilement justifiable dès lors
que l'intéressé avait vécu en France et y avait
été scolarisé. Il a également souligné les
difficultés fréquemment éprouvées par les
intéressés, en particulier ceux ayant quitté très
tôt le système scolaire, pour apporter la preuve de leur
résidence continue en France pendant la période de cinq ans
précédant la manifestation de volonté.
Relevant que la loi de 1993 était néanmoins appliquée de
façon globalement satisfaisante, il a observé que si
l'enquête n'avait pas eu pour objet d'analyser la réaction des
jeunes étrangers quant à l'exigence d'une manifestation de
volonté pour accéder à la nationalité
française, les témoignages recueillis auprès des
autorités interrogées n'avaient révélé
aucune hostilité particulière de leur part alors que des
réactions de cette nature avaient été constatées
chez certains Français nés à l'étranger tenus de
fournir un certificat de nationalité à l'occasion du
renouvellement de leurs papiers d'identité.
M. Hugues Fulchiron
a ensuite présenté une série
d'observations mettant les résultats de l'enquête en perspective
avec les modifications proposées par le projet de loi.
Il a estimé que la disposition prévoyant le retour à
l'acquisition automatique de la nationalité française ne devait
pas faire illusion, les exigences liées à la preuve des
conditions légales requises, en particulier la condition de
résidence, subsistant. Il a cependant reconnu que les assouplissements
proposés seraient de nature à atténuer ces
difficultés.
Il a observé que la suppression, opérée par la loi de
1993, de la possibilité pour les parents des enfants nés et
résidant en France d'effectuer la déclaration d'acquisition de la
nationalité française au nom de leur enfant mineur, sur laquelle
le projet de loi ne revenait pas, obligeait l'enfant étranger à
attendre l'âge de seize ans pour devenir français.
Il a estimé que deux systèmes seulement répondaient
à une véritable logique, les autres n'étant que des
compromis marqués par la complexité : permettre aux parents
d'obtenir la reconnaissance de la nationalité française de leur
enfant dès sa naissance, ou bien exiger une manifestation de
volonté de l'intéressé.
Constatant que les jeunes venant s'informer des conséquences d'une
manifestation de volonté exprimaient souvent la crainte qu'elle
n'entraîne la perte de leur nationalité d'origine, il a
estimé nécessaire d'améliorer leur information en amont
afin que leur choix soit totalement éclairé.
Répondant à
M. Michel Dreyfus-Schmidt
,
M. Hugues
Fulchiron
a indiqué que l'article 17-3 du code civil avait
été complété par la loi du 8 février 1995
pour prévoir la possibilité, pour le mineur dont le handicap
empêche l'expression de la volonté, de se faire représenter.
M. Michel Dreyfus-Schmidt
ayant estimé que le système de
la manifestation de volonté empêchait certains jeunes
d'accéder à la nationalité française par crainte de
la réaction de leurs parents,
M. Hugues Fulchiron
a
observé que la loi ménageait un délai suffisant pour leur
permettre de surmonter leurs éventuelles craintes
révérencielles, puisqu'il leur était possible d'effectuer
cette démarche entre seize ans et vingt-et-un ans.
M. Michel Duffour
a vu un paradoxe dans l'argument selon lequel la
demande d'acquisition de la nationalité française
effectuée par des parents étrangers pour leur enfant tendrait le
plus souvent à leur faciliter l'obtention d'un titre de séjour,
alors que les pressions familiales qui avaient pu être constatées
s'exerçaient plutôt contre l'acquisition de cette
nationalité.
M. Hugues Fulchiron
a fait valoir que ces
réactions ou intentions restaient difficilement mesurables et qu'en tout
état de cause ces considérations ne devaient pas peser de
manière décisive dans le choix du système d'acquisition de
la nationalité.
Il a ensuite indiqué à
M. Patrice Gélard
que
l'enquête n'avait pas permis de déceler de disparité de
comportement des autorités municipales selon l'importance
démographique de la commune ou son caractère rural ou urbain.
En réponse à
M. Jacques Larché, président
,
il a de même précisé qu'aucune distinction significative
entre filles et garçons d'une même classe d'âge n'avait
été relevée concernant le recours à la
procédure de manifestation de volonté.
M. Guy Allouche
s'interrogeant sur la pertinence de la relation
établie entre l'objectif d'intégration et l'exigence d'une
démarche volontaire de l'intéressé,
M. Hugues
Fulchiron
a regretté que les modalités de mise en oeuvre de
la manifestation de la volonté aient accentué le caractère
administratif de la procédure au détriment de sa portée
solennelle.
M. Robert Badinter
a observé que " le parcours
bureaucratique " auquel l'intéressé devrait se plier
resterait le même, que le dispositif exige ou non une manifestation de
volonté.
**Puis la commission a entendu
Mmes Claude Fournier et Laurence
Pécaut-Rivolier, vice-présidentes de l'Association nationale des
juges d'instance
.
M. Jacques Larché, président
, a souligné
l'importance d'entendre les juges d'instance, du fait qu'ils recueillaient
beaucoup plus de manifestations de volonté que ce qui avait
été imaginé lors du vote de la loi de 1993.
Mme Claude Fournier
a tout d'abord rappelé que le greffier en
chef était désormais lui-même chargé de la
délivrance des certificats de nationalité française
à la place du juge d'instance.
Sans ignorer certaines critiques qui avaient pu être formulées sur
les conditions de réception dans les tribunaux des personnes souhaitant
manifester leur volonté de devenir français,
Mme Fournier
a fait valoir que ces critiques portaient sur des points mineurs.
Elle a rappelé que les juges d'instance n'étaient pas souverains
en matière de nationalité, car s'ils disposaient en effet d'un
pouvoir d'enregistrement des déclarations de nationalité, un
recours contre les refus d'enregistrement pouvait toujours être
présenté devant le tribunal de grande instance, même si
cette faculté était rarement mise en oeuvre.
S'agissant des modalités de manifestation de volonté du mineur
dont les facultés mentales sont altérées, elle a
souligné que cette question ne concernait pas seulement les
manifestations de volonté mais aussi, d'une manière plus
générale, les déclarations de nationalité. Elle a
confirmé que l'article 17-3 du code civil permettait à
l'entourage du mineur de solliciter une reconnaissance de l'altération
de ses facultés mentales, ajoutant que cette reconnaissance relevait de
la compétence du juge des tutelles dont la décision
revêtait un caractère juridictionnel et était donc
susceptible de recours devant le tribunal d'instance, le parent ou le tuteur du
mineur incapable pouvant ensuite effectuer la manifestation de volonté
à la place du mineur.
Elle s'est interrogé sur l'opportunité d'étendre cette
disposition aux majeurs.
Mme Claude Fournier
a ensuite insisté sur le fait que l'accueil
des personnes concernées s'avérait souvent difficile sur un plan
psychologique. Pour illustrer ce propos, elle a évoqué les
déclarations d'acquisition de la nationalité française par
les personnes justifiant d'une possession d'état de Français
depuis dix ans. Elle a constaté que ces personnes éprouvaient,
lorsqu'elles remplissaient les formulaires requis, les plus grandes
réticences à mentionner leur nationalité
étrangère car elles estimaient avoir été toujours
françaises.
Elle a évoqué également les difficultés
suscitées par l'application des dispositions assimilant à la
résidence en France pour l'acquisition de la nationalité
française dans divers cas, les années d'études
effectuées dans des établissements français situés
dans les pays francophones. La loi exigeant aussi que le pays dans lequel les
études ont été suivies soit un pays où le
français est l'une des langues officielles, elle a précisé
que ces dispositions privaient les jeunes marocains et tunisiens du
bénéfice de la dispense de stage en France, ce qu'ils avaient
quelques difficultés à comprendre.
Traitant ensuite du problème de la preuve, après avoir
rappelé que l'autorité judiciaire recevait toutes les
déclarations de nationalité à l'exception de celles
concernant les acquisitions à la suite d'un mariage avec un
ressortissant français,
Mme Claude Fournier
a fait valoir
qu'il n'existait pas de définition légale des modes de preuve et
notamment de celle de la résidence en France.
Mme Laurence Pécaut-Rivolier
, évoquant à son tour
le problème des preuves, a observé qu'il se posait aussi pour les
Français par filiation nés à l'étranger, qui
devaient rassembler des documents d'état civil prouvant la naissance en
France de leurs ascendants, avec parfois l'obligation de remonter à
plusieurs générations. Elle a souligné que pour ces
personnes dont la nationalité française pouvait ne pas faire de
doute, les démarches à entreprendre s'avéraient parfois
lourdes. Elle a indiqué que la preuve de la résidence en France
était d'autant plus difficile à établir que cette
résidence remontait à une époque ancienne.
Elle a aussi rappelé que les mentions relatives à l'acquisition
ou à la perte de la nationalité française figuraient en
marge des actes et des copies d'actes de naissance, faisant observer que cela
permettait dans de nombreux cas de faciliter l'établissement de
certificats de nationalité française. Relevant que le projet de
loi proposait de faire mention également de la toute première
délivrance de certificat de nationalité française sur les
mêmes documents ainsi que sur les extraits d'actes de naissance, elle a
souligné l'importance de la précision des mentions qui seraient
portées. Elle a rappelé en effet que l'acte de naissance ne
constituait pas en lui-même une preuve formelle de la nationalité,
ajoutant que l'exhaustivité de ces mentions serait de nature à
éviter la production de documents supplémentaires pour la
délivrance de certificats de nationalité française.
Puis,
Mme Laurence Pécaut-Rivolier
a évoqué le
problème de l'enfant susceptible d'acquérir la nationalité
française en même temps que le parent devenant Français
à sa majorité s'il résidait avec ce dernier. Elle a
considéré que si l'existence de l'enfant n'était pas
signalée au moment de l'acquisition, se poserait nécessairement,
plus tard, la question d'une preuve de résidence avec le parent,
probablement plus difficile à apporter.
Mme Claude Fournier
a recommandé que la mention de la
première délivrance du certificat de nationalité qui
figurerait en marge de l'acte de naissance, tout en restant discrète,
soit suffisamment précise pour permettre aux greffiers en chef de
délivrer un nouveau certificat de nationalité sans avoir à
imposer au demandeur des démarches trop lourdes. Elle a rappelé
qu'un décret du 16 septembre 1997 permettait au greffier en chef
d'obtenir directement un extrait d'acte de naissance des personnes majeures.
Mme Laurence Pécaut-Rivolier
a souhaité qu'il soit
systématiquement demandé aux personnes acquérant la
nationalité française si leurs enfants mineurs résidaient
avec eux afin de leur faciliter, le cas échéant, le
bénéfice de l'effet collectif de l'acquisition de leur parent.
Elle a souligné que lorsque l'enfant mineur était né
à l'étranger, l'acte de naissance établi à
l'étranger devait nécessairement être transcrit sur les
registres français de l'état civil. Elle a souhaité que
cette disposition, souvent ignorée des intéressés, leur
soit rappelée systématiquement.
Mme Monique Cerisier-ben Guigua
a insisté sur les grandes
difficultés que rencontraient trop souvent les Français
établis hors de France pour rassembler les éléments de
preuve nécessaires à la délivrance d'un certificat de
nationalité, ces démarches étant ressenties par les
intéressés comme une persécution. Par comparaison, elle a
évoqué la situation des personnes nées en Alsace-Moselle
avant 1918.
Mme Claude Fournier
a rappelé que les Français
résidant à l'étranger pouvaient désormais obtenir
un certificat de nationalité, non seulement auprès des consulats,
mais aussi du tribunal d'instance de leur lieu de naissance.
Puis, en réponse à une question de
M. Jacques Larché,
président, Mme Claude Fournier
a indiqué que pour des
raisons de moyens, il n'était pas envisageable de
généraliser la remise individuelle des certificats de
nationalité aux personnes ayant manifesté la volonté de
l'acquérir à la majorité.
Mme Laurence Pécaut-Rivolier
a cependant indiqué qu'elle
avait pour pratique d'organiser une audience spéciale de remise des
certificats de nationalité, par groupes d'une vingtaine de personnes
environ. Elle a précisé, d'une part, que toutes les personnes
convoquées participaient effectivement à cette audience mais,
d'autre part, que cette pratique demeurait peu fréquente.
Elle a ajouté que cette procédure solennelle avait le
mérite de bien faire prendre conscience aux intéressés de
l'importance décisive du document qui leur était remis.
**
Au cours d'une seconde réunion qui s'est tenue dans
l'après-midi
, la commission a tout d'abord accueilli une
délégation parlementaire sud-africaine composée de M.
Steytler, directeur du Community law center, M. Pravin Gordhan,
président de la commission des lois et des affaires constitutionnelles
de l'Assemblée sud-africaine, M. Langa, vice-président de la
Cour constitutionnelle, M. Ngcula, vice-président du Sénat
sud-africain.
Puis, la commission a poursuivi ses auditions sur le projet de loi relatif
à la nationalité. Elle a entendu
Mme Simone Veil,
présidente du Haut conseil à l'intégration
.
A titre liminaire,
Mme Simone Veil
, après avoir indiqué
qu'elle s'exprimerait en sa qualité de présidente du Haut conseil
à l'intégration, composé de personnalités de
sensibilités très diverses, a estimé que
l'équilibre du projet de loi initial avait été remis en
cause par les délibérations de l'Assemblée nationale.
Elle a fait observer que le Haut conseil avait privilégié
l'objectif d'intégration, prioritaire dès lors que les personnes
concernées étaient en situation régulière.
Considérant que le projet de loi était susceptible de favoriser
l'intégration des étrangers en France,
Mme Simone Veil
a
en premier lieu fait valoir que l'accès à la nationalité
française des étrangers souhaitant adhérer à la
communauté nationale était l'une des composantes essentielles de
la politique d'intégration. Elle a souligné qu'une telle
politique ne pourrait recueillir l'adhésion d'une majorité de
Français que si elle s'accompagnait d'un renforcement de la lutte contre
l'immigration irrégulière et le travail clandestin.
Elle a néanmoins souligné que la recherche de
" l'immigration zéro " était illusoire dans un contexte
d'instabilité politique et économique mondiale. Elle a
relevé que la mise en oeuvre d'un tel objectif exigerait en tout
état de cause de renier des principes fondamentaux de notre Etat de
droit, notamment le droit d'asile et le droit à une vie familiale
normale.
Mme Simone Veil
a jugé nécessaire de rechercher un
équilibre entre le renforcement de la lutte contre l'immigration
irrégulière et la possibilité d'intégrer des
personnes en situation régulière.
Exposant alors les observations spécifiques du Haut conseil à
l'intégration sur le projet de loi,
Mme Simone Veil
a
souligné le décalage entre l'exposé des motifs, qui
présentait le projet de loi comme tendant à " restaurer
l'automaticité de l'acquisition de la nationalité
française pour l'enfant né en France de parents
étrangers ", et le dispositif qui s'inscrivait au contraire et
à juste titre dans notre tradition juridique issue de la loi de 1889 en
ne proposant pas qu'un enfant né en France de parents étrangers
soit Français dès sa naissance.
Faisant observer que depuis 1889 la législation en matière de
nationalité n'avait pas connu de bouleversement radical,
Mme Simone
Veil
a regretté que les textes successifs soient
systématiquement présentés comme des ruptures par rapport
aux législations antérieures. Elle a ainsi relevé la
continuité de l'application du droit du sol qui n'avait pas
été remise en cause en 1993.
Elle a estimé que cette volonté de radicaliser le débat
autour de la nationalité avait des conséquences dommageables sur
le processus d'intégration.
Mme Simone Veil
a ensuite souligné que le Haut conseil
n'était pas parvenu à dégager une position unanime sur
l'abandon partiel de la règle posée par le législateur de
1993, subordonnant l'acquisition de la nationalité française
à une manifestation formelle de volonté.
Elle a fait observer que, contrairement à une idée trop
répandue, la législation n'avait jamais consacré un droit
automatique à la nationalité française. Elle a ainsi
relevé l'existence de conditions précises à cette
acquisition de la nationalité française, telle que la
durée de résidence antérieure et la résidence
à la date de l'acquisition, et l'inexistence d'un droit du sol qui
s'appliquerait dès la naissance.
Elle a considéré que les difficultés de preuve seraient
plus sensibles avec le nouveau dispositif qu'avec celui issu de la loi du 22
juillet 1993.
Mme Simone Veil
a par ailleurs indiqué que le Haut conseil
à l'intégration avait souhaité que l'acquisition de la
nationalité française puisse être entourée d'une
certaine solennité, par exemple à l'occasion de l'appel de
préparation à la défense.
Elle a également précisé que le Haut conseil avait
relevé la situation très difficile, du point de vue de
l'intégration, des jeunes nés à l'étranger, mais
arrivés très jeunes en France et y ayant suivi leur
scolarité, qui étaient contraints de recourir à la
procédure de naturalisation alors même que, parfois, leurs
frères et soeurs étaient français.
Mme Simone Veil
a déclaré que le Haut conseil, sans se
prononcer sur l'acquisition automatique de la nationalité
française à dix-huit ans, s'était
déclaré favorable au maintien d'un dispositif d'adhésion
volontaire des jeunes à compter de l'âge de seize ans.
Elle a précisé que le Haut conseil était cependant hostile
à la possibilité pour les parents de demander la
nationalité française pour le compte de leurs enfants, soulignant
les risques de distorsions en fonction de la situation des parents qui
pourraient résulter de cette mesure.
En conclusion,
Mme Simone Veil
a indiqué que le Haut conseil
avait insisté sur les problèmes de preuve et avait exprimé
le souhait qu'un dispositif permette aux jeunes concernés de disposer
rapidement d'une carte nationale d'identité.
Faisant valoir que dans un très grand nombre de situations les parents
étaient appelés à prendre des décisions pour le
compte de leurs enfants,
M. Michel Dreyfus-Schmidt
s'est demandé
si la question de la nationalité n'était pas suffisamment
importante pour qu'une même faculté leur soit également
ouverte dans ce cas. S'agissant de la solennité de l'entrée dans
la nationalité française, il a estimé que la situation des
enfants nés en France de parents étrangers n'était pas
différente de celle des personnes nées en France de parents
français ou de celle des Algériens qui, avant
l'indépendance, étaient français par la volonté du
législateur. Il a en outre fait valoir que les personnes dont les
parents avaient une résidence de longue date en France se trouvaient
dans une situation spécifique.
A propos des enfants nés hors de France mais qui y avaient fait leurs
études,
Mme Monique Cerisier-Ben Guiga
a souhaité savoir
quelle disposition pourrait être adoptée en leur faveur, soit en
alignant leur statut sur celui des enfants nés en France de parents
étrangers, soit en leur permettant de souscrire une déclaration
de nationalité française. Elle a par ailleurs fait valoir que les
procédures simplifiées de naturalisation n'étaient pas
suffisamment développées. S'agissant de la preuve de la
nationalité française, elle a souhaité avoir des
précisions sur les difficultés qui pourraient se présenter
dans le cadre d'une acquisition de plein droit. Elle a enfin demandé
quelle mesure pourrait être envisagée pour permettre aux jeunes
concernés de disposer d'une carte nationale d'identité dès
l'âge de dix-huit ans.
Faisant observer que le projet de loi était fondé sur le constat
d'une prétendue mauvaise application de la loi du 22 juillet 1993,
M.
Pierre Fauchon
a souhaité connaître le bilan de la mise en
oeuvre de cette législation.
Tout en jugeant nécessaire de rappeler qu'il avait toujours
existé des conditions préalables à l'acquisition de la
nationalité française,
M. Guy Allouche
a estimé que
celles qu'avait fixées la loi du 22 juillet 1993 étaient
contraignantes et pénalisaient les jeunes concernés. Il a
souhaité savoir si le Haut conseil avait eu l'occasion de
s'intéresser aux cas de jeunes nés en France de parents
étrangers, qui, durant leurs études, avaient dû quitter la
France avant leur majorité et qui n'avaient pu obtenir la
nationalité française à leur retour.
En réponse,
Mme Simone Veil,
s'agissant tout d'abord de la
possibilité pour les parents de demander la nationalité
française pour le compte de leurs enfants, a fait valoir que la question
de la nationalité ne pouvait être comparée avec d'autres
questions telle que le choix de l'école ou celui de la religion. Elle a
souligné qu'avant 1993, une fois le choix de la nationalité
française opéré, il était en principe impossible
pour l'enfant d'y renoncer. Elle a également relevé que, dans
certains cas, les parents faisaient pour leurs enfants un choix conduisant
à ce que ces derniers aient une nationalité différente de
la leur.
Elle a de nouveau souligné que pour le Haut conseil, il était
préférable de laisser le choix de la nationalité aux
intéressés eux-mêmes et non à leurs parents.
S'agissant de la solennité de l'entrée dans la nationalité
française,
Mme Simone Veil
a d'abord considéré
qu'il était difficile d'établir un parallélisme entre la
situation des enfants nés en France de parents étrangers et celle
des personnes nées en France de parents français. Elle a de
même écarté la comparaison entre la situation de ces
enfants et celle des personnes qui, avant l'indépendance de
l'Algérie, étaient françaises par la volonté du
législateur.
Rappelant que l'idée selon laquelle le droit du sol aurait
été remis en cause en 1993 entretenait une confusion,
préjudiciable aux jeunes concernés,
Mme Simone Veil
a fait valoir que ceux-ci avaient besoin
d'avoir une vision claire de leur situation. Elle a rappelé qu'avant
1993 les jeunes nés en France de parents étrangers avaient
jusqu'à leur majorité la nationalité de leurs parents,
sauf déclaration de ceux-ci pour leur faire obtenir la
nationalité française, ou acquisition de celle-ci par les
parents. Elle a également noté que la question pouvait confronter
les intéressés au problème de la double nationalité.
Mme Monique Cerisier-Ben Guiga
a fait observer à ce propos
qu'à l'exception des incidences de la convention du Conseil de l'Europe
de 1963 relative à la réduction des cas de pluralité de
nationalité, il n'y avait pas d'empêchement à la possession
d'une double nationalité.
Mme Simone Veil
a ensuite fait valoir qu'aucune raison ne pouvait
justifier de mettre en cause le principe de la solennité de
l'entrée dans la nationalité française, une telle
solennité n'étant d'ailleurs pas contraignante.
Elle a indiqué que le Haut conseil à l'intégration avait
souhaité que les jeunes puissent recevoir à l'occasion de l'appel
de préparation à la défense un document leur permettant
d'obtenir facilement par la suite une carte nationale d'identité.
M. Jacques Larché, président,
a alors fait observer que
certains tribunaux d'instance avaient spontanément organisé des
manifestations solennelles pour l'entrée dans la nationalité
française de jeunes nés en France de parents étrangers,
ajoutant qu'à ses yeux cette solennité était indispensable.
Mme Simone Veil
a pour sa part rappelé que la remise officielle
des certificats de naturalisation avait été organisée il y
a quelques années, mais qu'elle avait donné lieu à des
pratiques très différentes selon les départements.
S'agissant des enfants nés hors de France,
Mme Simone Veil
a
indiqué que le Haut Conseil à l'intégration avait
simplement signalé les problèmes posés par leur situation
sans proposer de solutions particulières.
Puis, examinant le problème des procédures en matière de
naturalisation, elle a fait valoir que le grand nombre de demandes pouvait
expliquer certains retards mais que, dans l'ensemble, ces procédures
étaient plus légères que dans les Etats voisins. Elle a
rappelé que les dossiers posant des problèmes spécifiques
étaient soumis au ministre compétent et que le Conseil d'Etat
avait en outre élaboré dans ce domaine une jurisprudence
précise.
Mme Monique Cerisier-Ben Guiga
a cependant fait observer que
l'instruction des demandes était souvent beaucoup trop longue, celles-ci
étant examinées à la fois par les préfectures -qui
avaient souvent une attitude restrictive- et par la Direction de la population
et des migrations.
S'agissant de l'application de la loi du 22 juillet 1993,
Mme Simone
Veil
a relevé que cette législation n'avait pas
été appliquée de manière homogène dans tous
les départements, voire à l'intérieur d'un même
département selon les juridictions. Elle a cependant
considéré que dans l'ensemble cette loi avait été
assez bien appliquée, même si on manquait encore du recul
nécessaire pour en faire un bilan complet.
Elle a souligné que des problèmes d'information avaient pu
être relevés, en particulier pour les jeunes filles, dont
certaines subissaient en outre des pressions de la part de leur famille. Elle a
rappelé que lorsqu'elle était ministre chargé des affaires
sociales, elle avait porté une attention particulière à
ces problèmes d'information, plus ou moins sensibles selon les
populations concernées.
Mme Simone Veil
a enfin indiqué que le Haut conseil à
l'intégration n'avait pas examiné la situation des jeunes
nés en France de parents étrangers qui avaient quitté la
France au cours de leurs études avant leur majorité et n'avaient
pu obtenir la nationalité française à leur retour en
France. Elle a néanmoins relevé que le projet de loi
prévoyait des critères de résidence plus souples qui
pouvaient permettre de mieux répondre à certaines situations
particulières et au souci d'intégration.
**La commission a ensuite procédé à l'audition de
Mme
Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.
Regrettant les polémiques auxquelles la discussion du projet de loi sur
la nationalité avait donné lieu à l'Assemblée
nationale,
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice,
a émis le souhait que le Sénat, selon sa tradition,
se concentre sur un travail de fond.
Elle a considéré que légiférer était
nécessaire, d'une part pour régler la situation des jeunes
étrangers nés en France qui auraient omis, faute d'information,
d'accomplir la manifestation de volonté de devenir français
instituée par la loi de 1993 et, d'autre part, pour remplir l'engagement
du Gouvernement de permettre une acquisition de plein droit de la
nationalité française à dix-huit ans par les jeunes
étrangers nés en France aux conditions traditionnelles.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,
a
considéré que le projet de loi renouait avec une tradition
historique suivie sous la Monarchie, pendant la Révolution puis,
après une interruption en 1804, reprise en 1851 et 1889.
Le ministre a ensuite rappelé que la loi de 1973 avait consacré
cette tradition en prévoyant deux procédures d'acquisition de la
nationalité française des étrangers nés en France
sous condition de cinq ans de résidence en France, à savoir
l'acquisition automatique à la majorité et l'acquisition à
la demande des parents après la naissance, la loi de 1993 ayant
remplacé ces deux procédures par l'acquisition volontaire de la
nationalité entre seize et vingt-et-un ans mais toujours sous condition
de cinq ans de résidence.
Elle a souligné que le projet de loi permettait l'acquisition de la
nationalité française non pas automatiquement mais de plein
droit. Elle a estimé en effet qu'un enfant né en France,
élevé dans nos écoles, ne parlant que notre langue et ne
pouvant imaginer de vivre dans un autre pays, avait en fait choisi
volontairement la France.
Elle a cependant précisé que le Gouvernement n'avait pas
souhaité rétablir la possibilité pour les parents de
demander la nationalité française en faveur de leurs enfants
mineurs, supprimée en 1993, pour deux raisons :
- d'abord le souci de privilégier la volonté du jeune, celui-ci
pouvant anticiper l'acquisition de plein droit par une déclaration
à partir d'un âge fixé à seize ans par le
projet initial et ramené à treize ans par l'Assemblée
nationale avec l'accord du Gouvernement. Elle a fait valoir que la
préférence donnée à la volonté de l'enfant
était conforme à la Convention sur les droits de l'enfant ;
- en deuxième lieu, le fait que les personnes devenues françaises
à la demande de leurs parents sous l'empire de la loi de 1973 ne
disposaient pas de la possibilité de décliner la
nationalité française, ces jeunes étant devenus
français sans l'avoir voulu. Elle a relevé que certains parents
ne demandaient la nationalité pour leurs enfants que dans le but de
trouver une solution à leur problème de séjour en France,
indiquant que parfois les parents ne demandaient pas la nationalité pour
tous leurs enfants.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,
a
souligné que le risque de voir certaines personnes
écartées de la nationalité française faute
d'information devait être pris en considération par principe,
indépendamment du nombre des personnes effectivement concernées.
Elle a rappelé que pour celles-ci, la procédure de
naturalisation, qui leur était certes ouverte, apparaissait beaucoup
plus aléatoire.
Elle a précisé que le choix du Gouvernement résultait de
sa conception de la nationalité, reposant sur la culture, la langue et
l'intégration, ajoutant que la manifestation de volonté ne
pouvait se limiter à l'accomplissement d'une simple formalité
administrative.
Le ministre a souhaité que le débat sur la nationalité ne
soit pas confondu avec celui sur l'immigration, faisant valoir que le projet de
loi sur la nationalité n'avait pas trait à l'acquisition de la
nationalité par tous les étrangers mais seulement par les
personnes qui résideraient déjà en France puisqu'elles y
étaient nées.
M. Jacques Larché, président
, a estimé que le
débat se serait engagé dans de bien meilleures conditions si le
Gouvernement n'avait pas déclaré l'urgence sur ce texte, ajoutant
que d'une manière générale, l'urgence sur des textes de
cette importance réduisait gravement le débat parlementaire.
Il a indiqué que le président du Sénat avait fait valoir
ce point de vue dans un courrier adressé récemment au Premier
ministre.
Il a ajouté que le risque d'interférences entre les débats
sur la nationalité et sur l'immigration était avant tout
imputable à la décision du Gouvernement d'imposer l'examen en
urgence de deux projets de loi sur les deux sujets, pratiquement en même
temps.
M. Georges Othily
s'est inquiété de l'application du
projet de loi en Guyane. Faisant valoir que ce département d'outre-mer
était peuplé de 54 % d'étrangers dont 30 %
nés en France, il a indiqué qu'un grand nombre d'entre eux
pourraient devenir français sans manifestation de volonté.
Craignant que cette situation ne remette en cause l'équilibre
économique et social du département, il a demandé au
ministre si d'éventuelles modalités particulières
d'application du texte seraient prévues pour la Guyane.
M. Daniel Hoeffel
a demandé si la fixation à treize ans de
l'âge à partir duquel le jeune pourrait solliciter la
nationalité française permettrait de réellement prendre en
considération la volonté de l'enfant.
M. Jean-Jacques Hyest
,
déplorant une mauvaise application
de la loi due à une information insuffisante des personnes
concernées, a demandé pourquoi il n'avait pas été
prévu de coordonner la procédure d'inscription automatique sur
les listes électorales avec celle d'acquisition de la nationalité
française à la majorité. Il a estimé qu'on aurait
pu ainsi maintenir la manifestation de volonté prévue par la loi
de 1993 et, dans le cadre de l'inscription automatique sur les listes
électorales, contraindre l'administration à rappeler
systématiquement aux jeunes concernés la possibilité qui
leur était offerte de réclamer la nationalité
française.
M. Robert Pagès
, déplorant la confirmation du refus par le
Gouvernement de permettre l'acquisition de la nationalité
française dès la naissance en France, a fait valoir que nul ne
choisissait de naître de parents français ou étrangers. Il
s'est interrogé sur l'" espace de non-droit " dans lequel
vivrait le jeune étranger né en France jusqu'à 13, 16 ou
18 ans suivant les cas. Il a demandé au ministre de poursuivre sa
réflexion sur ce sujet.
M. Christian Bonnet
a interrogé Mme Elisabeth Guigou sur les
statistiques relatives à la manifestation de volonté en demandant
que soit distinguées, d'une part, les personnes qui avaient omis de
réclamer la nationalité française faute d'information et,
d'autre part, celles qui ne voulaient pas devenir françaises.
Mme Monique Cerisier-Ben Guiga
a considéré
préjudiciable à l'intérêt des enfants de ne pas
autoriser leurs parents à réclamer la nationalité
française en leur faveur dès leur naissance. Elle a estimé
que l'intérêt des enfants devait passer avant l'expression
éventuelle de leur volonté.
Elle s'est par ailleurs interrogée sur les conséquences en
matière de preuve d'une acquisition de la nationalité
française de plein droit et donc sans constitution concomitante d'une
preuve irréfragable de ladite acquisition. Elle a souligné les
difficultés pour les Français établis hors de France
d'apporter la preuve de leur nationalité française,
difficultés qui pourraient être accrues dans le système
proposé.
M. Guy Allouche
a d'abord interrogé Mme Elisabeth Guigou, garde
des sceaux, ministre de la Justice, sur les différences
d'appréciation de la condition de cinq ans de résidence dans le
projet de loi et dans la législation en vigueur.
Il a ensuite demandé pourquoi les mentions relatives à la
nationalité ne seraient, selon le projet de loi, portées sur
l'extrait d'acte de naissance ou sur le livret de famille qu'à la
demande de l'intéressé.
Abordant lui aussi la question de la condition de cinq ans de résidence,
M. Lucien Lanier
s'est interrogé sur la situation du jeune
qui aurait effectué un séjour dans son pays d'origine au cours de
cette période.
M. Michel Dreyfus-Schmidt
, évoquant l'exemple de la
législation allemande, a demandé s'il ne conviendrait pas de
réfléchir à la possibilité de faciliter
l'acquisition de la nationalité française par des enfants
nés à l'étranger mais arrivés en France au cours de
la petite enfance et ayant effectué dans notre pays un certain nombre
d'années de scolarité.
Puis,
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,
a
répondu aux questions posées par les membres de la commission.
A propos de la déclaration d'urgence sur le projet de loi, elle a
invoqué l'encombrement de l'ordre du jour du Parlement et la
volonté du Gouvernement de remplir rapidement ses engagements.
Au sujet de l'application de la loi en Guyane, elle a rappelé qu'il
n'était pas de tradition de prévoir une application
différenciée de la loi sur le territoire de la République.
Elle a cependant ajouté, en réponse à une question de
M. Georges Othily
, que l'aménagement du régime des
jugements déclaratifs de naissance permettrait à l'administration
de lutter contre certaines fraudes.
S'agissant de la capacité pour un enfant d'exprimer sa volonté
à partir de l'âge de treize ans, elle a rappelé que la
législation en vigueur reconnaissait aux jeunes de cet âge une
certaine autonomie de la volonté, notamment en matière d'adoption
ou de garde après le divorce des parents, ou encore en matière
pénale. Elle a considéré qu'à l'âge de
treize ans un enfant pouvait assumer certaines responsabilités et
que cette possibilité constituerait un facteur d'intégration et
de structuration de sa personnalité.
Soulignant que les taux de refus d'enregistrement des manifestations de
volonté variaient sensiblement selon les tribunaux, elle a estimé
que dans ce domaine la marge d'appréciation des magistrats devait
être aussi réduite que possible.
M. Jean-Jacques Hyest
, ayant fait observer que ces disparités
risqueraient de subsister lorsque les étrangers ayant vocation à
devenir automatiquement français seraient amenés à
demander un certificat de nationalité,
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice,
a estimé que
l'automaticité de l'acquisition réduirait ces difficultés.
M. Jacques Larché, président
, a jugé paradoxal que
le projet ouvre un choix aux enfants à l'âge de treize ans alors
qu'à l'âge de dix-huit ans l'acquisition serait automatique. Il a
rappelé que le législateur de 1993 avait en vue une
démarche solennelle et intégrante du nouveau Français.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,
a
affirmé que le jeune garderait un choix à dix-huit ans puisqu'il
pourrait décliner la nationalité française. Elle a
ajouté qu'un étranger ne pourrait pas devenir français
sans l'avoir désiré puisque la possibilité pour les
parents de réclamer la nationalité française au
bénéfice de leurs enfants dès la naissance ne serait pas
rétablie.
Elle a déclaré qu'à ses yeux la volonté
d'être français devait se manifester par l'intégration dans
la vie quotidienne et par l'école de la République, plutôt
qu'en remplissant un formulaire administratif.
Elle a en outre précisé que la loi de 1973 prévoyait elle
aussi une possibilité de demande d'acquisition anticipée de la
nationalité française dès l'âge de seize ans,
sans pour autant que celle-ci ait pu apparaître contradictoire avec une
acquisition de plein droit à la majorité.
M. Jacques Larché, président
, a souligné la
différence fondamentale entre une démarche pour demander la
nationalité française, témoignant d'une réelle
volonté, et la simple possibilité de la refuser.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,
a
rappelé que le droit du sol intégral n'avait jamais
été appliqué en France et qu'il ne lui paraissait pas
possible d'envisager l'attribution de la nationalité française
à raison de la seule naissance en France.
Elle a cependant indiqué que le Gouvernement s'était
effectivement interrogé sur la situation des enfants âgés
de moins de treize ans qui ont vocation à devenir Français.
Elle a précisé que des négociations étaient en
cours avec les principaux Etats d'origine des intéressés afin que
ceux-ci puissent bénéficier de papiers d'identité et que
l'Assemblée nationale avait en outre prévu qu'un " titre
d'identité républicain " serait délivré aux
enfants nés en France de parents étrangers titulaires d'un titre
de séjour.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,
a
ensuite indiqué que l'on ne disposait pas de statistiques
précises concernant le nombre des personnes n'ayant pas manifesté
leur volonté de devenir françaises et qu'il n'était en
tout état de cause pas possible de déterminer le motif de leur
abstention. Elle a cependant évalué entre 10 et 20 % la
proportion des jeunes susceptibles d'acquérir la nationalité
française qui n'en avaient pas manifesté la volonté, sur
25.000 par an au total.
Elle a par ailleurs précisé que les mentions, sur le livret de
famille et les extraits de l'acte de naissance, des informations relatives
à la nationalité ne seraient pas portées
systématiquement pour des raisons tenant à la protection de la
vie privée.
A propos de la condition de résidence, elle a souligné que les
législations de 1973 et de 1993 prévoyaient une obligation de
résidence en France au cours d'une période de cinq années
continue et contiguë à l'âge de la majorité tandis que
le projet de loi tendait à prendre en compte une période continue
ou discontinue d'au moins cinq ans de résidence entre les
âges de onze et de dix-huit ans. Elle a fait observer que cet
assouplissement répondait à la situation d'enfants effectuant de
courts séjours dans leur pays d'origine ou même de certains
d'entre eux renvoyés par leurs parents dans ce pays contre leur
volonté, notamment certaines jeunes filles contraintes à se
marier. Elle a ajouté que ce nouveau régime permettrait
d'établir plus facilement la réalité des cinq
années de résidence en permettant de les faire coïncider, le
cas échéant, avec des années de scolarité
obligatoire, ce qui faciliterait la démonstration de la preuve de cette
résidence en France.
S'agissant des jeunes arrivés en France peu après leur naissance,
elle a indiqué, sans nier le problème posé, que le projet
de loi entendait se limiter strictement aux enfants nés en France.
Enfin, en réponse à
M. Patrice Gélard
,
Mme
Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,
a
précisé que d'éventuelles condamnations pénales ne
constitueraient un obstacle à l'acquisition de la nationalité
française que pour les majeurs et non pour les mineurs, comme dans le
régime actuel issu de la loi de 1993. Elle a par ailleurs fait valoir
que de jeunes étrangers résidant en France mais suivant leur
scolarité dans des établissements scolaires non français
refuseraient très probablement de devenir français.
ANNEXE III
LE DROIT DE LA NATIONALITÉ DANS
QUELQUES ETATS DE
L'UNION EUROPEENNE :
ÉLÉMENTS DE COMPARAISON
Le droit de la nationalité dans les Etats de l'Union
européenne, et plus généralement dans les pays
étrangers, se caractérise par une grande diversité.
En effet, dans chaque pays le droit de la nationalité est le produit
d'une évolution empirique, largement liée aux circonstances
historiques, ce qui explique que chaque Etat combine de façon
spécifique les différents critères pouvant être
attributifs du lien de nationalité : filiation (
jus
sanguinis
), naissance sur le territoire (
jus soli
),
résidence, mariage...
On se limitera dans le cadre du présent rapport à fournir
quelques éléments de comparaison tirés de l'étude
de la législation des Etats européens suivants : Belgique,
Royaume-Uni, Italie, Espagne, Portugal, République
fédérale d'Allemagne, Pays-Bas.
1. L'attribution de la nationalité par filiation
La filiation est reconnue comme un critère
attributif de la nationalité à la naissance dans tous les Etats
de l'Union européenne précités
, qui confèrent
donc leur nationalité aux enfants nés d'un de leurs
ressortissants.
Cependant, pour ce qui concerne les enfants nés à
l'étranger, certains Etats n'attribuent pas automatiquement la
nationalité et imposent alors une formalité
préalable : enregistrement de la naissance ou déclaration
par les parents ; tel est le cas en Belgique (si le parent belge n'est pas
lui-même né en Belgique), au Portugal et au Royaume-Uni (à
condition que l'un des parents ait résidé au moins trois ans au
Royaume-Uni avant la naissance de l'enfant).
2. Le droit du sol double
Aux Etats-Unis, tout enfant né sur le sol
américain est citoyen de naissance
6(
*
)
; de
même beaucoup de pays
d'Amérique latine attribuent leur nationalité par la seule
naissance sur leur territoire.
En revanche,
aucun des pays européens précités
n'applique le
jus soli
simple
, suivant lequel la naissance
sur le sol du pays suffit à attribuer la nationalité, sauf dans
des cas très particuliers. Ainsi, tous les Etats européens
étudiés confèrent leur nationalité aux enfants
trouvés sur leur territoire ou de parents inconnus, tandis que la
majorité d'entre eux l'attribuent aux enfants de parents apatrides ou
aux enfants auxquels les lois étrangères n'attribuent la
nationalité d'aucun des deux parents.
Cependant,
une minorité de pays européens pratique, comme la
France, le double
jus soli
,
c'est-à-dire la
règle selon laquelle la naissance dans le pays d'un enfant dont un
parent y est lui-même né entraîne l'attribution à la
naissance de la nationalité du pays. Il s'agit, outre la France, de
l'Espagne et de la Belgique (sous réserve d'une condition de
durée de résidence pour les parents dans ce dernier Etat).
Les Pays-Bas appliquent un système un peu analogue: la
nationalité est attribuée automatiquement aux enfants dont l'un
des parents résidant dans le pays est lui-même né d'une
mère résidant dans ce pays.
Ces Etats attribuent donc automatiquement leur nationalité aux enfants
dits de la " troisième génération ".
3. L'attribution ou l'acquisition de la nationalité en raison de la naissance et de la résidence dans le pays
En ce qui concerne les enfants dits de la
" deuxième génération ",
quelques Etats
attribuent leur nationalité dès la naissance aux enfants
nés dans le pays de parents étrangers, sous réserve d'une
condition de résidence s'appliquant aux parents
.
Ainsi, en Grande-Bretagne, la nationalité britannique est
conférée automatiquement à tout enfant né au
Royaume-Uni lorsque l'un des parents y est lui-même
régulièrement établi.
En Belgique et au Portugal, l'attribution de la nationalité est soumise
à une déclaration des parents et joue en faveur :
- de l'enfant né en Belgique lorsqu'il y réside et que ses
parents y résident eux-mêmes depuis 10 ans ;
- de l'enfant né au Portugal de parents qui y ont leur résidence
habituelle depuis au moins 6 ans, s'ils sont ressortissants de pays de
langue officielle portugaise, ou depuis au moins 10 ans dans les autres
cas.
Plus fréquemment, les Etats européens prévoient, comme
la France, une acquisition possible de la nationalité par une
démarche volontaire
: manifestation de volonté,
déclaration, option... en faveur des enfants nés dans le pays de
parents étrangers,
à partir d'un certain âge
(le
plus souvent autour de la majorité) et
sous réserve d'une
condition de résidence
.
Ainsi, un étranger né en Belgique et y ayant sa résidence
depuis sa naissance peut acquérir la nationalité belge par
déclaration souscrite entre 18 et 30 ans. Un étranger
né en Italie qui y a résidé légalement sans
interruption jusqu'à sa majorité peut déclarer vouloir
acquérir la nationalité italienne dans l'année suivant sa
majorité. Un étranger majeur né aux Pays-Bas qui, depuis
sa naissance, y a son domicile ou son lieu de séjour réel peut de
même acquérir la nationalité néerlandaise par une
déclaration souscrite avant l'âge de 25 ans.
Par ailleurs, le mineur né au Royaume-Uni de parents étrangers et
y résidant depuis plus de dix ans peut bénéficier
d'une procédure d'enregistrement.
L'Allemagne ne reconnaît
en revanche
en aucun cas le droit
à devenir allemand par la naissance en Allemagne
. Les jeunes
étrangers nés en Allemagne bénéficient cependant
d'une procédure de naturalisation simplifiée ; ils
obtiennent en principe la naturalisation, s'ils satisfont aux conditions
suivantes :
- déposer leur demande entre 16 et 23 ans ;
- résider légalement sur le territoire fédéral
depuis 8 ans ;
- avoir accompli en Allemagne 6 années de scolarité (dont 4
ans dans un établissement d'enseignement général) ;
- n'avoir encouru aucune peine majeure prévue par la loi.
Encore doivent-ils accepter de perdre leur nationalité antérieure
ou d'y renoncer.
4. Le mariage
Dans les pays européens précités, le
mariage avec un national n'entraîne jamais de plein droit l'acquisition
de la nationalité.
Cependant,
un droit d'option pour la nationalité du conjoint, en
général par voie de déclaration, est fréquemment
prévu comme en France, tout en étant notamment subordonné
à une condition de durée minimum du mariage ou du séjour
dans le pays
: ainsi, sont requis avant une telle
déclaration :
- deux ans de mariage en France ;
- trois ans de résidence commune en Belgique (ou six mois
seulement si l'intéressé y réside
régulièrement depuis au moins trois ans) ;
- trois ans de mariage ou six mois de résidence en
Italie ;
- trois ans de mariage en Espagne.
Dans les autres pays, une
procédure de naturalisation
simplifiée
est ouverte à l'étranger ayant
épousé un national (à condition de justifier de
trois ans de résidence régulière en Grande-Bretagne,
d'un an de mariage en Espagne, de trois ans de mariage aux Pays-Bas).
5. La naturalisation
La naturalisation, décision discrétionnaire de
l'Etat, ne constitue jamais un droit pour l'étranger qui demande
à en bénéficier.
La procédure de naturalisation est généralement ouverte
aux étrangers majeurs justifiant d'une durée de résidence
minimum dans le pays, le plus souvent fixée au moins à
cinq ans comme en France
(sous réserve de réductions de
délais ou de dispenses spécifiques), cette durée pouvant
parfois atteindre dix ans. Des conditions supplémentaires sont
toujours exigées, concernant par exemple
l'assimilation et la
connaissance de la langue
(France, Grande-Bretagne, Portugal, Pays-Bas,
Espagne), la moralité ou l'absence de condamnations pénales ou
d'obstacle au séjour (France, Grande-Bretagne, Allemagne, Pays-Bas),
l'indépendance économique (Allemagne, Portugal)...
Certains Etats exigent l'abandon de la nationalité antérieure
(Allemagne, Espagne, Pays-Bas) et parfois une prestation de serment (Espagne,
Italie).
Le plus souvent, l'acquisition de la nationalité bénéficie
également aux enfants mineurs du naturalisé, le cas
échéant sous certaines conditions (notamment la France et
l'Italie exigent qu'ils aient la même résidence que leur parent).
*
* *
TEXTES DE RÉFÉRENCE
- France : code civil dans sa rédaction
résultant de la loi n° 93-933 du 22 juillet 1993
- Belgique : code de la nationalité belge (loi du 28 juin 1984
modifiée en dernier lieu par la loi du 13 avril 1995)
- Royaume-Uni : British Nationality Act 1981 (modifié pour la
dernière fois en 1985)
- Italie : loi du 5 février 1992 modifiée en dernier lieu le
18 avril 1994
- Espagne : code civil modifié en dernier lieu par la loi 29/1995 du
2 novembre 1995
- Portugal : loi n° 37/81 du 3 octobre 1981 modifiée en
dernier lieu par la loi n° 25/94 du 19 août 1994
- Allemagne : loi du 22 juillet 1913 sur la nationalité
modifiée en dernier lieu par la loi du 30 juin 1993 et loi du
29 juillet 1990 modifiant la loi sur les étrangers
- Pays-Bas : loi du 19 décembre 1984 modifiée en dernier
lieu par la loi du 12 décembre 1985
ATTRIBUTION DE LA NATIONALITÉ PAR FILIATION |
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||
France |
Belgique |
Grande-Bretagne |
Italie |
Espagne |
Portugal |
R.F.A. |
Pays-Bas |
||||||||||||||||||||||||||||||
Enfant (légitime ou
naturel) dont
l'un des
parents
au moins est
français.
|
Enfant (légitime ou
naturel) dont
l'un des parents
au moins est
belge.
|
Enfant légitime
dont
l'un des parents
au moins
est citoyen britannique.
|
Enfant de père ou de mère italien. |
Est espagnol l'enfant d' au moins un parent espagnol quel que soit son lieu de naissance. |
Sont portugais
d'origine :
|
Enfant dont l'un des parents possède la nationalité allemande. |
Enfant dont le père ou la mère est néerlandais au moment de la naissance et enfant d'un néerlandais décédé avant sa naissance. |
||||||||||||||||||||||||||||||
ATTRIBUTION DE LA NATIONALITÉ PAR LA NAISSANCE SUR LE TERRITOIRE DU PAYS |
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||
France |
Belgique |
Grande-Bretagne |
Italie |
Espagne |
Portugal |
R.F.A. |
Pays-Bas |
||||||||||||||||||||||||||||||
Enfant
né en
France :
|
Enfant
né en
Belgique
:
|
Enfant
né au
Royaume-Uni
:
|
Enfant
né en
Italie :
|
Enfant
né en
Espagne :
|
Enfant
né en
territoire portugais :
|
Enfant trouvé sur le territoire d'un Etat fédéré : considéré comme allemand (car présumé descendant de parents allemands), sauf preuve contraire. |
Enfant trouvé sur le territoire des Pays-Bas sauf s'il s'avère dans un délai de 5 ans que l'enfant possède une nationalité étrangère. |
||||||||||||||||||||||||||||||
- lorsque l'un au
moins
de ses parents y est né
lui-même
(dans ce cas, possibilité de répudiation dans
les six mois précédant sa majorité et les douze mois la
suivant
|
- |
|
|
- lorsque
l'un
de ses
parents y est né
lui-même.
|
|
|
|
||||||||||||||||||||||||||||||
ATTRIBUTION OU
ACQUISITION AUTOMATIQUE (OU PAR
DÉCLARATION DES PARENTS) DE LA NATIONALITÉ
|
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||
France |
Belgique |
Grande-Bretagne |
Italie |
Espagne |
Portugal |
R.F.A. |
Pays-Bas |
||||||||||||||||||||||||||||||
|
Enfant
né en
Belgique
|
Enfant né au
Royaume-Uni :
|
|
|
-
Enfant né au
Portugal
|
|
Enfant d'un père ou d'une mère qui au moment de la naissance de cet enfant réside aux Pays-Bas si ce père ou cette mère est lui-même né d'une mère résidant dans ce pays. |
||||||||||||||||||||||||||||||
ACQUISITION DE
LA
NATIONALITE PAR MANIFESTATION DE
VOLONTÉ,
|
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||
France |
Belgique |
Grande-Bretagne |
Italie
|
Espagne |
Portugal |
R.F.A. |
Pays-Bas |
||||||||||||||||||||||||||||||
Manifestation de
volonté
:
|
-
Déclaration
souscrite
entre 18 et 30
ans
par l'étranger né en Belgique et
y ayant sa
résidence principale depuis sa naissance
.
|
- Mineur né au Royaume-Uni de parents étrangers et y résidant depuis plus de 10 ans (sauf pour les résidents à Gibraltar). |
- Étranger
né en Italie
qui y a
résidé légalement sans interruption jusqu'à sa
majorité
s'il déclare vouloir acquérir la
nationalité italienne
dans l'année de cette majorité
|
|
|
|
- Étranger
majeur
né au Pays-Bas
qui
depuis sa naissance
y a son domicile
ou son lieu de séjour
réel, à condition qu'il n'ait pas encore atteint l'âge de
25 ans
.
|
||||||||||||||||||||||||||||||
|
-
Possibilité de
refus
du tribunal de
première instance pour faits personnels, manque de volonté
d'intégration ou pour caractère insuffisant de la possession
d'état alléguée.
|
|
- s'il accomplit
son
service militaire en Italie et
déclare auparavant désirer acquérir la nationalité
italienne ;
|
|
|
|
|
||||||||||||||||||||||||||||||
ACQUISITION DE LA NATIONALITÉ EN RAISON DU MARIAGE |
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||
France |
Belgique |
Grande-Bretagne |
Italie |
Espagne |
Portugal |
R.F.A. |
Pays-Bas |
||||||||||||||||||||||||||||||
Aucun effet de plein droit. |
Aucun effet de plein droit. |
Aucun effet de plein droit. |
Aucun effet de plein droit. |
Aucun effet de plein droit. |
Aucun effet de plein droit. |
Aucun effet de plein droit. |
Aucun effet de plein droit. |
||||||||||||||||||||||||||||||
Mais possibilité d'acquisition par déclaration de la nationalité française par l'étranger ou l'apatride marié avec un conjoint français |
Mais possibilité d'acquisition par déclaration de la nationalité belge par l'étranger marié avec un conjoint belge ou acquérant la nationalité belge pendant la durée du mariage. |
Mais possibilité d'acquisition sur demande, à la discrétion du ministre de l'Intérieur. |
Mais possibilité d'acquisition de la nationalité italienne par le conjoint étranger ou apatride. |
Mais le conjoint d'un citoyen espagnol peut être naturalisé après seulement un an de résidence en Espagne. |
Mais
possibilité
d'acquisition par
déclaration
faite pendant le mariage par l'étranger
marié avec un conjoint portugais.
|
Mais possibilité d'acquisition par naturalisation facilitée (même après le décès du conjoint allemand ou même après divorce si le demandeur a la charge d'un enfant allemand né du mariage : dans le délai d'un an). |
Mais possibilité de naturalisation sans condition de stage. |
||||||||||||||||||||||||||||||
Condition :
deux
ans
de mariage et maintien de
la communauté de vie (sauf si naissance d'un enfant).
|
Condition :
trois ans
de résidence commune en
Belgique
(ou six mois seulement si l'intéressé a
été admis au séjour en Belgique
|
Condition : trois ans de résidence régulière. |
Condition : au moins six mois de résidence en Italie ou trois ans de mariage. |
Condition : un an de mariage. |
Condition : trois ans de mariage. |
Conditions :
|
Condition :
trois
ans
de mariage avec un
néerlandais.
|
||||||||||||||||||||||||||||||
France |
Belgique |
Grande-Bretagne |
Italie |
Espagne |
Portugal |
R.F.A. |
Pays-Bas |
||||||||||||||||||||||||||||||
|
|
|
|
|
|
- en outre :
|
|
||||||||||||||||||||||||||||||
Possibilité d'opposition du Gouvernement pour indignité ou défaut d'assimilation. |
Possibilité pour le tribunal de première instance de surseoir (pour deux ans maximum) pour apprécier la volonté d'intégration. |
|
L'acquisition de la nationalité est exclue si l'intéressé a été condamné par l'autorité judiciaire italienne. |
|
|
|
|
||||||||||||||||||||||||||||||
ACQUISITION DE LA NATIONALITÉ PAR UN MINEUR PAR EFFET COLLECTIF D'UN ACTE D'ACQUISITION PAR UN PARENT |
|
|
|
|
|
|
|
||||||||||||||||||||||||||||||
France |
Belgique |
Grande-Bretagne |
Italie |
Espagne |
Portugal |
R.F.A. |
Pays-Bas |
||||||||||||||||||||||||||||||
L'acquisition de la nationalité par un parent emporte de plein droit attribution de la nationalité à l'enfant mineur (légitime ou naturel) s'il a la même résidence habituelle que ce parent . |
L'acquisition volontaire de la nationalité emporte de plein droit attribution de la nationalité à l'enfant mineur (y compris adopté). |
L'acquisition de la nationalité par un parent ou son établissement permet l'enregistrement de plein droit des enfants mineurs aux fins d'acquérir la nationalité britannique sous condition qu'ils aient passés les dix premières années de leur vie sur le territoire britannique. |
Acquisition de la nationalité italienne par les enfants mineurs de celui qui acquiert la nationalité italienne, s'ils habitent avec lui (mais ils peuvent y renoncer après leur majorité). |
Pas d'effet automatique mais droit d'option ouvert à ceux qui sont ou ont été assujettis à la puissance paternelle d'un espagnol. |
Acquisition de la nationalité portugaise par déclaration. |
La naturalisation, sauf réserve dans l'acte de naturalisation, produit ses effets à l'égard des enfants du naturalisé, sauf à l'égard de ses filles mariées ou qui l'ont été. |
Obtention de
|
||||||||||||||||||||||||||||||
ACQUISITION DE LA NATIONALITÉ PAR DÉCISION DE L'AUTORITÉ PUBLIQUE : NATURALISATION |
|
|
|
|
|
|
|||||||||||||||||||||||||||||||
France |
Belgique |
Grande-Bretagne |
Italie |
Espagne |
Portugal |
R.F.A. |
Pays-Bas |
||||||||||||||||||||||||||||||
- Décision : décret |
- Décision : vote du Parlement (après enquête, faite par le parquet du tribunal de première instance du lieu de résidence, sur l'existence éventuelle de faits personnels graves et sur la volonté d'intégration). |
- Décision : ministre de l'Intérieur. |
- Décision : Président de la République , par décret, sur avis obligatoire mais non contraignant du Conseil d'État. |
- Décision : ministère de la justice |
- Décision : Gouvernement. |
- Décision :
autorités administratives
|
- Décision : Gouvernement. |
||||||||||||||||||||||||||||||
- Conditions de
naturalisation
:
|
- Conditions de
naturalisation :
.
|
- Conditions de
naturalisation :
|
- Conditions de
naturalisation :
|
- Conditions de
naturalisation :
|
- Conditions de
naturalisation :
|
- Conditions de
naturalisation :
|
- Conditions de
naturalisation :
|
||||||||||||||||||||||||||||||
|
|
|
|
|
|
|
|
||||||||||||||||||||||||||||||
France |
Belgique |
Grande-Bretagne |
Italie |
Espagne |
Portugal |
R.F.A. |
Pays-Bas |
||||||||||||||||||||||||||||||
|
|
|
. ou avoir servi pendant cinq ans l'État italien, même à l'étranger ; |
|
disposer des facultés pour mener sa vie et assurer sa substance. |
. ne donner lieu à aucun motif d'expulsion selon la loi sur les étrangers |
|
||||||||||||||||||||||||||||||
|
|
|
. ou être
ressor-tissant de la CEE et y résider
légalement depuis au moins quatre ans ;
|
|
|
. être propriétaire d'un appartement ou avoir un logement ; . être en état de pourvoir à ses besoins et à ceux de sa famille |
|
||||||||||||||||||||||||||||||
. cinq ans au moins de résidence (ce stage peut être réduit à deux ans ou ne pas être exigé, sous diverses conditions). |
. cinq ans au moins de résidence (ce stage peut être réduit à trois ans si la personne est reconnue réfugié ou apatride). |
. cinq ans au moins de résidence régulière. |
|
. dix ans au
moins de
résidence ;
|
. six ans au moins de résidence sur le territoire ou sous l'administration portugaise pour les ressortissants des pays de langue portugaise,10 ans au moins pour les autres ; |
Pas de durée
minimale de séjour fixée par
la loi mais durée d'au moins 10 ans prévue par les directives
administratives.
|
. cinq ans minimum de séjour aux Pays-Bas immédiatement avant la demande (ou deux ans avant la demande si séjour total d'au moins dix ans ou trois ans si cohabitation avec un néerlandais) ; |
||||||||||||||||||||||||||||||
|
|
|
|
|
|
|
|
||||||||||||||||||||||||||||||
France |
Belgique |
Grande-Bretagne |
Italie |
Espagne |
Portugal |
R.F.A. |
Pays-Bas |
||||||||||||||||||||||||||||||
|
|
|
|
Les ressortissants
d'autres pays d'origine séphardite
sont aussi compris dans cette exception ;
|
|
-de résider
légalement en Allemagne depuis
8 ans
|
|
||||||||||||||||||||||||||||||
|
|
|
|
|
|
|
|
||||||||||||||||||||||||||||||
|
|
|
|
|
|
|
|
||||||||||||||||||||||||||||||
France |
Belgique |
Grande-Bretagne |
Italie |
Espagne |
Portugal |
R.F.A. |
Pays-Bas |
||||||||||||||||||||||||||||||
|
|
|
- Le Gouvernement a la faculté dans des cas exceptionnels et des circonstances particulières |
|
- Les conditions de résidence et de connaissance de la langue peuvent ne pas être exigées |
- La réunion de ces conditions ne donne aucun droit à la nationalité dont l'octroi dépend |
Refus si présomptions sérieuses de danger pour ordre public et bonnes moeurs ou si |
||||||||||||||||||||||||||||||
|
|
|
d'accorder la nationalité à des personnes ne rentrant pas dans les cas ci-dessus visés. |
|
pour ceux qui avaient eu la nationalité portugaise, qui sont descendants de Portugais et pour les étrangers qui ont rendu ou sont appelés à rendre des services notables à l'État portugais. |
toujours de
l'appréciation discrétionnaire des
autorités et ne se justifie que par l'existence d'un
intérêt public.
|
le demandeur n'est pas disposé à faire ce qui est possible pour perdre sa nationalité d'origine |
||||||||||||||||||||||||||||||
- Effets de la naturalisation : tous les droits et obligations. |
- Effets de la naturalisation : tous les droits et obligations. |
- Effets de la naturalisation : tous les droits et obligations. |
- Celui qui est naturalisé doit prêter serment de demeurer fidèle à la République et d'observer les lois de l'État. |
-
Trois
conditions
doivent être remplies
dans
les 180 jours qui suivent
la notification de naturalisation :
|
|
-
Effets de
la naturalisation
: tous les droits et
obligations.
|
RECOUVREMENT DE LA NATIONALITÉ
France |
Belgique |
Grande-Bretagne |
Italie |
Espagne |
Portugal |
R.F.A. |
Pays-Bas |
|
-
Par décret :
|
-
Par déclaration :
|
-
Par décision du ministre
de l'Intérieur
:
|
Acquiert de nouveau la
nationalité italienne
après l'avoir perdue :
|
Acquiert de nouveau la
nationalité espagnole
après l'avoir perdue :
|
Les personnes majeures qui ont eu la nationalité portugaise ou sont réputées être descendantes de portugais peuvent être dispensées des conditions de résidence au Portugal, de connaissance de la langue et de justification d'un lien effectif avec la communauté portugaise qui sont normalement exigées pour la naturalisation. |
Un ancien
ressortissant
allemand, ou son descendant, ou une
personne adoptée par lui, peut être naturalisé sur sa
demande si :
|
Naturalisation sans condition de stage. |
|
|
|
|
- celui qui a établi sa résidence depuis plus d'un an en Italie, sauf renonciation expresse dans le même délai ;. |
Autorisation préalable du Gouvernement nécessaire si condamnations ou service militaire non effectué. |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
France |
Belgique |
Grande-Bretagne |
Italie |
Espagne |
Portugal |
R.F.A. |
Pays-Bas |
|
-
Par
déclaration
:
|
|
|
- celui qui réside
depuis deux ans en Italie si la
perte de la nationalité italienne résulte de services civils ou
militaires pour un Etat étranger, à condition qu'il ait
abandonné l'emploi public ou les obligations militaires ayant
entraîné la perte de la nationalité.
|
|
|
|
|
1
Le compte-rendu de ces auditions figure
en
annexe du présent rapport.
2
On trouvera en annexe du présent rapport le compte-rendu de
l'audition de M. Patrick Weil par votre commission des Lois.
3
L'acquisition de la nationalité française par la
procédure de manifestation de volonté pour les jeunes
étrangers âgés de 16 à 21 ans. Synthèse
de l'état des lieux en Alsace - Cahiers de l'observatoire
régional de l'intégration et de la ville - n° 22 - mai 1997
4
Sondage réalisé par l'IFOP et publié dans Le
Figaro daté du 1er décembre 1997.
5
cf. annexe III du présent rapport.
6
Il est vrai que le mode de peuplement des Etats-Unis explique pour
une large part cette option.