EXAMEN DES ARTICLES
Intitulé du projet de loi
A la suite d'une intervention de notre excellent collègue Patrice Gélard, votre commission a adopté un amendement rétablissant l'intitulé du projet de loi dans sa rédaction initiale. Celui-ci est en effet relatif à la protection des mineurs d'une manière générale et non seulement à la protection des mineurs victimes, comme le démontre notamment l'existence de dispositions interdisant de céder à des mineurs certains documents pornographiques.
TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES AU SUIVI
SOCIO-JUDICIAIRE
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE
PÉNAL
Article premier
Suivi socio-judiciaire
Cet article a pour objet d'insérer au sein du nouveau
code pénal des articles 131-36-1 à 131-36-5 afin de permettre le
prononcé d'un suivi socio-judiciaire à l'égard des
personnes condamnées pour certaines infractions,
énumérées par la loi.
Bien que le projet de loi ne la qualifie pas expressément ainsi,
ce
suivi socio-judiciaire a la nature d'une peine complémentaire
:
- elle est ainsi qualifiée par l'exposé des motifs et par
l'étude d'impact ;
- la sous-section du code pénal consacrée à cette mesure
serait intégrée au sein de la section relative aux
"
peines applicables aux personnes physiques
" ;
- l'article 4 du projet de loi intègre parmi les peines
complémentaires les injonctions de soins ou obligations de faire, qui
correspondent manifestement aux mesures de suivi socio-judiciaire.
1) La peine de suivi socio-judiciaire proposée par le projet de
loi
Selon le texte proposé pour l'article 131-36-1 du code
pénal, le prononcé du suivi socio-judiciaire relèvera de
la juridiction de jugement. Sa durée ne pourra excéder cinq ans
en cas de condamnation pour délit et dix ans en cas de condamnation pour
crime.
La personne placée sous suivi socio-judiciaire sera soumise
automatiquement à des mesures de surveillance qui, selon
l'article 131-36-1, seront celles prévues à
l'article 132-44 du code pénal, applicable en cas de sursis avec
mise à l'épreuve.
Elle pourra également, sur décision expresse de la juridiction de
jugement ou du juge de l'application des peines, être soumise :
- à l'une des mesures prévues à l'article 132-45 du
code pénal, également applicable en cas de sursis avec mise
à l'épreuve ;
- à des obligations propres au suivi socio-judiciaire : s'abstenir
de paraître dans certains lieux, de fréquenter certaines personnes
ou d'exercer une activité professionnelle ou bénévole
impliquant un contact habituel avec des mineurs.
Le texte proposé pour l'article 131-36-2 précise que le
suivi socio-judiciaire peut comprendre une injonction de soins, bien que
l'obligation de se soumettre à des mesures d'examen médical, de
traitement ou de soins figure déjà parmi les mesures
prévues à l'article 132-45 du code pénal. Le tableau
ci-après retrace les mesures susceptibles d'être prononcées
ans le cadre d'un suivi socio-judiciaire.
Mesures
susceptibles
d'être prononcées dans le
cadre
|
||||||
Mesures auxquelles le condamné devra toujours se soumettre (prévues à l'article 132-44 du code pénal, relatif au sursis avec mise à l'épreuve) |
|
|||||
Obligations prévues par l'article 132-45 du code pénal, relatif au sursis avec mise à l'épreuve |
Obligations
propres
|
|||||
1° Répondre
aux convocations du juge de
l'application des peines ou de l'agent de
probation désigné ;
|
1°
Exercer
une activité professionnelle ou suivre
un enseignement ou une formation professionnelle ;
|
-
S'abstenir de
paraître en tout lieu ou toute
catégorie de lieux spécialement désigné ;
|
La décision de condamnation fixera également la
durée maximum de l'emprisonnement encouru par le condamné en cas
d'inobservation des obligations qui lui sont imposées. Cet
emprisonnement ne pourra excéder deux ans en cas de condamnation pour
délit et cinq ans en cas de condamnation pour crime. Mais il ne s'agira
en tout état de cause que d'un maximum, le juge de l'application des
peines disposant en quelque sorte d'un pouvoir d'appréciation de
l'opportunité de la mise à exécution : il pourra
n'ordonner qu'une partie de l'exécution de l'emprisonnement
prévu, voire ne pas ordonner du tout cette exécution nonobstant
la méconnaissance de ses obligations par le condamné.
Après le prononcé de la décision, le président de
la juridiction devra avertir le condamné des obligations qui en
résultent et des conséquences qu'entraînerait leur
inobservation. L'Association nationale des juges de l'application des peines
(ANJAP) a souhaité voir préciser que cet avertissement porterait
non seulement sur les obligations du suivi socio-judicaire mais
également sur les mesures de contrôle. Cette précision n'a
pas paru nécessaire à votre rapporteur qui considère que
le terme " obligations " a une acception générique et
vise donc l'ensemble des mesures auxquelles sera astreint le condamné
à un suivi socio-judiciaire (même s'il est vrai que, pour le
sursis avec mise à l'épreuve, le législateur a parfois
souhaité viser à la fois les mesures de contrôle et les
obligations, comme à l'article 740 du code de procédure
pénale).
Le texte proposé pour l'article 131-36-2 traite de l'injonction de
soins susceptible d'être prononcée dans le cadre d'un suivi
socio-judiciaire.
Il précise qu'une double expertise médicale doit,
préalablement au prononcé de cette injonction par la juridiction
de jugement, établir que l'intéressé est susceptible de
faire l'objet d'un traitement (la même condition est prévue par
l'article 5 du projet de loi pour le prononcé d'une injonction de
soins par le juge de l'application des peines).
Le président doit alors avertir le condamné
qu'aucun
traitement ne pourra être entrepris dans son consentement mais que s'il
refuse les soins qui lui seront proposés, la peine fixée par la
juridiction pour inobservation du suivi socio-judiciaire pourra être mise
à exécution
. Ainsi, selon l'exposé des motifs, le
condamné sera "
dans une situation similaire à celle de
la personne qui ne bénéficie d'une libération
conditionnelle avec obligation de soins que si elle y consent (mais qui reste
emprisonnée dans le cas contraire), ou d'une personne qui refuse des
soins imposés dans le cadre d'un sursis avec mise à
l'épreuve, et qui peut alors voir son sursis
révoqué
".
Enfin, le futur article 131-36-2 prévoit que, lorsque la personne
à l'égard de laquelle sera prononcée une injonction de
soins sera également condamnée à une peine privative de
liberté non assortie du sursis, le président l'informera de sa
possibilité de commencer un traitement pendant l'exécution de
cette peine. L'exposé des motifs considère en effet que des
"
raisons d'éthique
" interdisent d'imposer un
traitement à une personne détenue mais qu' "
il convient
de faciliter autant que possible un tel traitement et d'inciter le
condamné à y recourir
".
Il résulte du texte proposé pour l'article 131-36-3 que
la peine de suivi socio-judiciaire ne pourra être
exécutée en prison
, quelle que soit la cause de
l'incarcération. Ainsi, lorsque le suivi socio-judiciaire accompagnera
une peine privative de liberté sans sursis, il s'appliquera à
compter du jour où la privation de liberté aura pris fin ;
de même, il sera suspendu par toute détention intervenue au cours
de son exécution.
Il est en outre précisé que l'emprisonnement ordonné en
raison du non-respect des obligations résultant du suivi
socio-judiciaire se cumulera, sans possibilité de confusion, avec les
peines privatives de liberté prononcées pour des infractions
commises pendant l'exécution de la mesure.
Le futur article 131-36-4 interdit d'ordonner le suivi socio-judiciaire en
même temps qu'une peine d'emprisonnement assorti, en tout ou en partie,
du sursis avec mise à l'épreuve. La superposition de ces deux
mesures paraît en effet difficilement concevable, les obligations
susceptibles d'être prononcées dans le cadre d'un sursis avec mise
à l'épreuve étant d'ailleurs également susceptibles
d'être prononcées dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire.
A l'initiative de son rapporteur, Mme Frédérique Bredin,
l'Assemblée nationale a inséré un article 131-36-4-1
précisant que, en matière correctionnelle, le suivi
socio-judiciaire pourrait être prononcé comme peine principale.
Cette adjonction correspond à la nature de peine complémentaire
du suivi socio-judiciaire. En effet, l'article 131-11 du code pénal
dispose que "
lorsqu'un délit est puni d'une ou de plusieurs des
peines complémentaires mentionnées à
l'article 131-10, la juridiction peut ne prononcer que la peine
complémentaire ou l'une ou plusieurs des peines complémentaires
encourues à titre de peine principale
".
Enfin, le texte proposé pour l'article 131-36-5 se limite, dans un
souci de clarification, à énoncer les articles du code de
procédure pénale fixant les modalités d'exécution
du suivi socio-judiciaire.
2) Comparaison du suivi socio-judiciaire avec d'autres mesures
a) Suivi socio-judiciaire et sursis avec mise à l'épreuve
La peine de suivi socio-judiciaire présente de nombreuses analogies avec
le sursis avec mise à l'épreuve : prononcée par la
juridiction de jugement, l'exécution de ces deux peines est
placée sous le contrôle du juge de l'application des peines qui
peut modifier ou compléter les obligations qui en résultent. Ces
obligations sont d'ailleurs quasiment identiques, étant toutefois
précisé que l'interdiction d'exercer une activité
impliquant un contact habituel avec des mineurs, possible dans le cadre d'un
suivi socio-judiciaire, n'est pas prévue en cas de sursis avec mise
à l'épreuve.
Les deux mesures se distinguent toutefois quant aux conditions de leur
prononcé et quant à leurs conséquences :
- le prononcé du sursis avec mise à l'épreuve est, sur un
point, soumis à de plus strictes conditions que le suivi
socio-judiciaire : alors que ce dernier peut être prononcé
quelle que soit la peine privative de liberté (réclusion ou
emprisonnement) décidée par la juridiction (voire en l'absence de
peine privative de liberté) et quelle que soit sa durée, le
sursis avec mise à l'épreuve n'est applicable qu'aux
condamnations à l'emprisonnement prononcées pour une durée
de cinq ans au plus (article 132-41 du code pénal) ;
- le suivi socio-judiciaire est une peine spécifique, qui ne
s'appliquera qu'à certaines infractions, alors que le sursis avec mise
à l'épreuve peut s'appliquer à tout crime ou délit
de droit commun ;
- alors que, dans le cadre du sursis, le délai d'épreuve ne peut
être inférieur à dix-huit mois ni supérieur à
trois ans (article 132-42), le suivi socio-judiciaire peut durer
jusqu'à cinq ou dix ans suivant qu'il s'applique à l'auteur d'un
délit ou d'un crime ;
- enfin, la condamnation assortie du sursis avec mise à l'épreuve
est réputée non avenue lorsque le condamné n'a pas fait
l'objet d'une décision de révocation (article 132-52). Une
telle conséquence n'est pas prévue en cas de respect des
obligations résultant d'un suivi socio-judiciaire.
b) Suivi socio-judiciaire et libération conditionnelle
Comme la libération conditionnelle, l'exécution du suivi
socio-judiciaire s'effectuera en-dehors du milieu pénitentiaire et sous
le contrôle du juge de l'application des peines. Par ailleurs, les
obligations susceptibles d'être prononcées dans le cadre d'une
libération conditionnelle, prévues par les articles D532 et
suivants du code de procédure pénale, sont quasiment identiques
à celles susceptibles d'être prononcées dans le cadre d'un
suivi socio-judiciaire.
Les deux mesures procèdent cependant d'une philosophie
différente : alors que la libération conditionnelle
constitue un allégement des contraintes pesant sur le condamné,
le suivi socio-judiciaire s'appliquera lorsque celui-ci aura
exécuté sa peine de prison, lui imposant des obligations
auxquelles il n'est pas soumis en l'état actuel du droit.
Par ailleurs, le suivi socio-judiciaire étant prononcé par la
juridiction de jugement, le condamné disposera d'un
" échéancier " d'exécution de sa peine alors que
le moment de la libération conditionnelle (si elle est prononcée)
est imprévisible, celle-ci étant soumise à
l'appréciation du juge de l'application des peines dès lors que
les conditions pour en bénéficier sont remplies.
c) Suivi socio-judiciaire et autres peines complémentaires
L'originalité du suivi socio-judiciaire par rapport à d'autres
peines complémentaires, telles que l'interdiction de séjour,
l'affichage de la condamnation ou l'interdiction d'exercer une activité
professionnelle ou sociale, réside dans le fait que la peine
attachée à sa méconnaissance sera
prédéterminée par la juridiction de jugement, le juge de
l'application des peines pouvant toutefois la réduire. Dans les autres
hypothèses, la sanction de la méconnaissance de la peine
complémentaire est prononcée a posteriori, à la suite d'un
nouveau procès.
3) Les propositions de votre commission des Lois
Votre commission approuve dans son principe la création d'une peine
complémentaire de suivi socio-judiciaire, qui a d'ailleurs reçu
une large adhésion de la part des personnes entendues par votre
commission des Lois dans le cadre de sa journée d'auditions publiques du
15 octobre dernier. M. Pascal Faucher, Président de l'Association
nationale des juges de l'application des peines, a certes observé,
à juste titre, qu'un résultat analogue aurait pu être
obtenu par une modification du sursis avec mise à l'épreuve.
Néanmoins, comme l'a souligné Mme le Professeur Marie-Elisabeth
Cartier, la possibilité de prononcer une peine de réclusion
assortie, même partiellement, du sursis, paraîtrait quelque peu
surprenante.
Votre rapporteur a également pu constaté auprès du Conseil
National de l'Ordre des Médecins, du Comité d'Ethique et
d'organisations de psychiatres que le dispositif proposé ne soulevait
pas d'objection de principe.
On peut d'ailleurs se demander si, à terme, le suivi socio-judiciaire ne
pourrait être étendu à d'autres infractions. On rappellera
à cet égard que la commission présidée par Mme
Cartier l'avait préconisé, sous une autre appellation, comme
instrument de prévention des crimes en général.
Au cours des auditions auxquelles il a été procédé,
l'accent a notamment été mis sur :
- la dissociation entre l'injonction de soins et le suivi
socio-judiciaire : plusieurs personnes, et notamment les docteurs Lacour
et Balier, ont insisté sur la nécessité de ne pas
confondre le traitement et le suivi socio-judiciaire. Or, en liant obligation
de soins et suivi socio-judiciaire, la création d'une peine
médico-sociale aurait fait obstacle au suivi des personnes
déclarées inaptes à recevoir des soins. En revanche, le
suivi socio-judiciaire proposé par le présent projet de loi
pourrait s'appliquer indépendamment d'un traitement
médical ;
- l'exigence du consentement exprès du condamné à suivre
un traitement : si, dans le cadre du projet de M. Toubon, il
n'était pas question d'obliger une personne à recevoir
effectivement des soins, il n'était pas précisé que le
consentement devait être donné
ab initio
, devant la
juridiction. Le médecin-traitant aurait donc pu, en théorie, se
présenter devant une personne condamnée à un suivi
médical mais refusant de se faire soigner. Il lui aurait alors appartenu
de constater ce refus, ce qui, selon les psychiatres entendus par votre
rapporteur, l'aurait conduit
nolens volens
à s'ériger en
auxiliaire de justice et à sortir de son rôle de thérapeute.
Au-delà de cette approbation de principe, plusieurs observations ou
interrogations ont été soulevées concernant les
modalités même du recours au suivi socio-judiciaire, dont votre
commission s'est efforcée de tenir compte.
La première de ces interrogations a trait à l'incitation au suivi
d'un traitement médical dès l'exécution de la peine
privative de liberté. Sur ce point, votre commission vous proposera un
amendement tendant à insérer un article additionnel après
l'article 5 A.
Une autre observation a porté sur la durée du suivi
socio-judiciaire prévue par le projet de loi et que plusieurs personnes
ont qualifié d'arbitraire. Il sera en effet difficile pour la
juridiction de jugement, tout au moins en cas de peine privative de
liberté, de fixer par anticipation une durée précise.
Comment en effet apprécier si une personne aura besoin d'être,
cinq ou dix ans après, voire bien davantage, placée sous suivi
socio-judiciaire durant deux, trois ou cinq ans ? Face à une telle
situation, la juridiction pourra être amenée à prononcer la
durée la plus forte, quitte à ce que le juge de l'application des
peines en adoucisse les conditions ou en relève ultérieurement le
condamné.
Dans ces conditions, le maximum de cinq ans en cas de délit et de dix
ans en cas de crime pourrait se révéler insuffisant.
A cet égard, on observera que la juridiction pourrait prononcer à
titre de peine principale un emprisonnement de dix ans mais un suivi
socio-judiciaire de cinq ans seulement. Certes, on imagine mal que le suivi
socio-judiciaire se substitue en pratique à l'emprisonnement pour les
délits les plus graves. Néanmoins, d'une manière
générale, et en vertu du principe " qui peut le plus peut
le moins ", il est paradoxal qu'une juridiction ne puisse prononcer
une
peine moins contraignante que la prison pour une durée au moins
égale à la peine privative de liberté encourue.
Inversement, il est difficilement concevable qu'une personne puisse
indéfiniment être astreinte à un suivi, à être
surveillée par un juge de l'application des peines assisté, le
cas échéant, d'un médecin coordonnateur.
Aussi votre commission des Lois souhaite-t-elle allonger la durée
maximale du suivi socio-judiciaire sans aller (ce qui aurait pu
théoriquement être prévu, tout au moins pour les crimes
passibles de la réclusion criminelle à perpétuité)
jusqu'à permettre un suivi illimité.
Elle vous propose donc un
amendement
portant cette durée :
- de cinq à dix ans en matière délictuelle (ce qui
correspond au maximum de l'emprisonnement susceptible d'être
prononcé) ;
- de dix à vingt ans en matière criminelle.
Il convient de souligner que, paradoxalement, un tel amendement pourrait, dans
certaines hypothèses, conduire la juridiction à prononcer une
peine privative de liberté moins sévère. Il en serait par
exemple ainsi dans le cas où elle estimerait nécessaire de garder
un délinquant sous l' " ombrelle pénale " durant quinze
années : en l'état actuel du projet de loi, elle devrait
alors prononcer dix ans d'emprisonnement et cinq ans de suivi
socio-judiciaire ; l'amendement lui permettrait de disposer d'un certain
pouvoir d'appréciation et de prononcer par exemple cinq ans
d'emprisonnement et dix de suivi socio-judiciaire. Il est néanmoins
certain que de telles hypothèses seront rares et que l'objectif premier
de votre commission des Lois consiste à permettre à la
juridiction (en particulière la cour d'assises) de garder au total plus
longtemps le dangereux criminel sous l' " ombrelle pénale "
(par exemple quarante ans dans les cas où le projet de loi ne le permet
en l'état " que " pour trente années).
Votre commission vous propose également un
amendement
tendant
à fixer à cinq ans la peine prévue en cas de
violation du suivi socio-judiciaire que celui-ci ait été
prononcé pour un crime ou pour un délit. Une telle aggravation
lui paraît en effet nécessaire pour assurer l'effectivité
du suivi socio-judiciaire, surtout si l'amendement tendant à en allonger
la durée était adopté : un condamné à
dix ans de suivi pourrait en effet préférer accomplir deux ans
(au maximum) d'emprisonnement ; le bilan
" avantages-inconvénients " serait beaucoup plus favorable
à l'accomplissement du suivi socio-judiciaire si l'emprisonnement
encouru était de cinq années.
Votre commission a en outre adopté un
amendement
tendant à
supprimer l'exigence d'une double expertise médicale avant le
prononcé d'une injonction de soins.
Certes, comme l'a indiqué à votre rapporteur M. le Professeur
Victor Courtecuisse, membre du Comité national d'éthique,
l'appréciation de l'aptitude d'un délinquant sexuel à
recevoir des soins peut nécessiter une expertise à la fois
psychiatrique et somatique, tout particulièrement endocrinologique.
Il ne semble cependant pas utile d'aller jusqu'à exiger une double
expertise et ce pour les raisons suivantes :
- il peut se présenter des hypothèses dans lesquelles le
délinquant est manifestement apte à recevoir des soins. Une
seconde expertise ne ferait alors qu'accroître les coûts et la
durée de la procédure ;
- rien n'empêche de procéder effectivement, en une seule
expertise, à une analyse à la fois psychiatrique et
endocrinologique du condamné, soit que l'expert ait la double fonction
(ce qui est le cas de certains psychiatres, et notamment du Dr Bernard
Cordier), soit que l'expertise soit réalisée par un
collège d'experts ;
- enfin, en cas d'incertitude, la juridiction de jugement peut toujours,en
application de l'article 156 du code de procédure pénale,
ordonner une nouvelle expertise.
Votre rapporteur avait initialement envisagé de préciser que
l'expertise devrait être à la fois psychiatrique et
endocrinologique. Il lui est toutefois apparu qu'une telle précision ne
relevait pas du domaine de la loi et pourrait constituer un facteur de
rigidité dans l'hypothèse, qu'on ne saurait exclure, de
l'apparition de nouvelles branches médicales peremettant de mieux
comprendre les auteurs d'infractions sexuelles.
C'est pourquoi, considérant que l'expression "
expertise
médicale
" permettait de réaliser des examens à
la fois psychologiques et somatiques, et sous réserve que le
Gouvernement, responsable du décret d'application, confirme cette
interprétation en séance publique, votre commission vous propose
un amendement permettant de prononcer une injonction de soins après une
seule expertise médicale.
Votre commission a adopté le présent article modifié par
ces trois amendements ainsi que par cinq
amendements
purement
rédactionnels.
Articles 1er bis, 2 et 3
Champ d'application du suivi
socio-judiciaire
Ces articles ont pour objet d'insérer des
articles 221-9-1, 222-48-1 et 227-31 au sein du code pénal afin
d'énumérer les infractions passibles de la peine de suivi
socio-judiciaire qui, selon l'article premier, ne peut être
prononcée que dans les cas prévus par la loi.
Ces infractions seraient les suivantes :
- le meurtre ou l'assassinat précédé ou accompagné
d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie (article 1er
bis
,
inséré par l'Assemblée nationale) ;
- le viol et les autres agressions sexuelles, à l'exception du
harcèlement sexuel (article 2) ;
- la corruption de mineur, l'enregistrement en vue de sa diffusion de l'image
pornographique d'un mineur, la diffusion d'un message à caractère
violent ou pornographique susceptible d'être perçu par un mineur
et les atteintes sexuelles sur mineur (article 3).
On observera que, à l'exception des infractions mentionnées par
l'article 3, par hypothèse commises sur des mineurs, le suivi
socio-judiciaire pourra être prononcé quel que soit l'âge de
la victime.
Votre commission a adopté ces articles
sans modification
.
Article 4
Enumération des peines
complémentaires
Cet article a pour objet de modifier l'article 131-10 du
code pénal, relatif à la définition des peines
complémentaires.
En sa rédaction actuelle, cet article 131-10 dispose que, lorsque
la loi le prévoit, un crime ou un délit peut être
sanctionné d'une ou plusieurs peines complémentaires dont les
conséquences peuvent être :
- l'interdiction, la déchéance, l'incapacité ou le retrait
d'un droit ;
- l'immobilisation ou la confiscation d'un objet ;
- la fermeture d'un établissement ;
- l'affichage ou la diffusion de la décision.
Le présent article 4 a pour simple objet d'ajouter à cette
énumération l'injonction de soins ou obligation de faire afin d'y
intégrer les mesures susceptibles d'être prononcées dans le
cadre d'un suivi socio-judiciaire.
Ce faisant, il confirme que le suivi socio-judiciaire a bien la nature d'une
peine complémentaire.
Votre commission a adopté cet article
sans modification
.
CHAPITRE II
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE
DE
PROCÉDURE PÉNALE
Article 5A
Création d'un fichier national
d'empreintes
génétiques des délinquants sexuels
Cet article, inséré par l'Assemblée
nationale, tend à introduire dans le code de procédure
pénale un article 78-6 afin de créer un fichier national
destiné à centraliser les prélèvements de traces
génétiques et les empreintes génétiques des
personnes condamnées pour crime ou délit sexuel.
Ce fichier a pour objet "
de faciliter l'identification et la
recherche
des auteurs d'infractions sexuelles
".
Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission
nationale de l'informatique et des libertés, déterminera les
conditions d'application de ce nouvel article 78-6 (inséré,
ce qui a notamment paru surprenant à Mme Marie-Elisabeth Cartier,
dans le chapitre relatif aux contrôles et vérifications
d'identité).
La création de ce fichier s'inspire directement du fichier des
empreintes digitales créé par le décret du 8 avril 1987.
Il s'agira donc, comme l'a indiqué Mme le Garde des Sceaux à
l'Assemblée nationale et comme l'ont confirmé les services de la
Chancellerie à votre rapporteur, d'un fichier de police judiciaire,
placé sous le contrôle du parquet.
Ainsi qu'il a été indiqué dans l'exposé
général du présent rapport, votre commission approuve le
principe de la création d'un tel fichier, mais souhaiterait apporter
certaines garanties quant à sa gestion et son utilisation. Aussi vous
propose-t-elle un
amendement
tendant à préciser :
- que ce fichier serait placé sous le contrôle d'un
magistrat ;
- que sous réserve du droit d'accès reconnu par la loi
" informatique et libertés " aux personnes concernées
par des informations nominatives, seules des personnes participant à la
police judiciaire pourraient accéder aux informations
enregistrées et procéder aux opérations d'identification.
Ainsi serait assurée la protection des données, impératif
sur lequel a notamment insisté Mme Marie-Elisabeth Cartier.
Sur ce point, votre rapporteur tient à préciser que le fichier en
question ne pourra être utilisé pour informer un employeur qu'un
candidat à l'embauche n'a pas commis d'infraction sexuelle. Une telle
utilisation détournerait en effet le fichier de son objet, qui est de
faciliter la recherche des auteurs d'infractions sexuelles par la police
judiciaire. Elle serait en outre inefficace de ce point de vue puisque les
données contenues seront traitées selon des codes
génétiques que seuls des spécialistes pourront
interpréter.
Votre commission a adopté le présent article 5A ainsi
modifié.
Article additionnels après l'article 5 A
Réductions de peine supplémentaires
Après l'article 5A, votre commission vous propose deux
amendements tendant à insérer des articles additionnels afin de
modifier l'article 721-1 du code de procédure pénale, relatif aux
réductions de peines supplémentaires.
Selon cet article 721-1, outre des réductions de peine pour bonne
conduite, tout condamné peut obtenir des réductions de peines
supplémentaires s'il manifeste "
des efforts sérieux de
réadaptation sociale, notamment en passant avec succès un examen
scolaire, universitaire ou professionnel traduisant l'acquisition des
connaissances nouvelles ou en justifiant de progrès réels dans le
cadre d'un enseignement ou d'une formation
".
Ces réductions peuvent être octroyées après un an de
détention dans la limite de deux mois par année
d'incarcération (ou un mois si le condamné est en état de
récidive légale). La décision est prise par le juge de
l'application des peines après avis de la commission de l'application
des peines. L'article 733-1 du code de procédure pénale permet au
tribunal correctionnel de l'annuler pour violation de la loi.
Ainsi qu'il a été indiqué dans l'exposé
général du présent rapport, votre commission vous propose
d'adopter une double modification à ce dispositif :
·
Le premier amendement a pour objet d'inciter le condamné
à suivre un traitement en prison
.
Comme l'ont notamment fait observer les psychiatres entendus par votre
commission et votre rapporteur, et comme l'a confirmé le Garde des
Sceaux, il est éminemment souhaitable que le condamné accepte de
suivre un traitement lors de son incarcération.
Pour ce faire, l'amendement prévoit que le calcul des réductions
de peine de l'article 721-1 du code de procédure pénale (à
savoir celles accordées "
aux condamnés qui manifestent
des efforts sérieux de réadaptation sociale
")
s'effectuera sur la base de la durée d'incarcération
passée sous traitement.
En l'état actuel du droit, le condamné non récidiviste
peut obtenir deux mois de réduction de peine (en plus de la
réduction pour bonne conduite) par année d'incarcération.
Avec l'amendement proposé, seules seront prises en compte les
années passées sous traitement. Ainsi, un condamné qui a
accompli dix ans de prison pourra obtenir :
- au maximum vingt mois (comme aujourd'hui) de réduction
supplémentaire s'il a commencé un traitement dès son
incarcération et ne l'a pas interrompu ;
- au maximum dix mois s'il n'a suivi un traitement que pendant cinq
années ;
- aucune réduction de peine supplémentaire s'il n'a suivi aucun
traitement.
Toutefois, le suivi d'un traitement médical en prison pouvant, dans
certaines hypothèses, se révéler superflu ou impossible,
l'amendement permet au JAP, sur avis conforme de la commission de l'application
des peines, d'octroyer une réduction supplémentaire.
Cette exigence d'un avis conforme de ladite commission ne saurait bien
évidemment en aucune manière être interprétée
comme un signe de défiance à l'égard des juges de
l'application des peines dont votre rapporteur a eu à maintes reprises
l'occasion d'apprécier la compétence. Il s'agit au contraire de
donner à ce magistrat un instrument supplémentaire pour inciter
au suivi d'un traitement en prison en montrant au condamné que, faute de
se soigner, il ne pourra rien faire pour lui sans l'accord de la commission de
l'application des peines.
·
Le second amendement a pour objet d'exclure les délinquants
sexuels récidivistes du bénéfice des réductions de
peine supplémentaires, sauf autorisation expresse de la commission de
l'application des peines
.
Ces réductions sont en effet accordées "
aux
condamnés qui manifestent des efforts sérieux de
réadaptation sociale
".
Le fait qu'un délinquant sexuel ait, après une première
condamnation, " rechuté " suffit à démontrer
que, en dépit de ses efforts en prison, sa réadaptation sociale
est pour le moins aléatoire. Il paraît donc souhaitable de
permettre à la commission de l'application des peines (qui comprend le
psychiatre de l'établissement pénitentiaire) de s'opposer aux
réductions de peine supplémentaires.
Ici encore, il ne s'agit aucunement de chercher à contrôler les
décisions du juge de l'application des peines mais seulement de susciter
une réaction positive chez un délinquant en attirant son
attention, lors de la sortie de prison, sur le fait qu'en cas de
récidive il aura de grandes difficultés à obtenir une
réduction de peine.
Article 5
Exécution du suivi socio-judiciaire
Cet article a pour objet de créer au sein du livre V du
code de procédure pénale, relatif aux procédures
d'exécution, un titre VII
bis
intitulé "
du suivi
socio-judiciaire
". Ce titre serait composé des
articles 763-1 à 763-11 insérés dans ledit code.
·
L'article 763-1 est relatif aux autorités chargées du
contrôle de l'exécution du suivi socio-judiciaire
.
Il place le condamné sous le contrôle du juge de l'application des
peines dans le ressort duquel il a sa résidence habituelle (ou, s'il n'a
pas de résidence habituelle en France, sous le contrôle du juge de
l'application des peines du tribunal dans le ressort duquel la juridiction
ayant statué en première instance a son siège). Pour
veiller au respect des obligations imposées au condamné, ce
magistrat pourra désigner le comité de probation et d'assistance
aux libérés (CPAL).
Les dispositions de l'article 740 du code de procédure
pénale sont rendues applicables au contrôle du suivi
socio-judiciaire. Aux termes de cet article, relatif au sursis avec mise
à l'épreuve, le juge de l'application des peines
"
s'assure, soit par lui-même, soit par toute personne
qualifiée, de l'exécution des mesures de contrôle et d'aide
et des obligations imposées
" au condamné ;
"
si les actes nécessaires à cette fin doivent être
effectués hors des limites de son ressort, il charge d'y procéder
ou d'y faire procéder le juge de l'application des peines
territorialement compétent
".
·
Les articles 763-2 et 763-3 avaient pour objet
d'énumérer les mesures susceptibles d'être
prononcées dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire
.
L'Assemblée nationale les a supprimés par coordination avec sa
décision de faire figurer ces mesures dans le code pénal.
·
L'article 763-4 impose à la personne condamnée
à un suivi socio-judiciaire de justifier auprès du juge de
l'application des peines de l'accomplissement des obligations qui lui sont
imposées
.
Les modalités de cette justification relèveront du code de la
santé publique, modifié à cette fin par l'article 6
du projet de loi ci-après commenté.
Votre commission vous propose sur cet article un
amendement
ayant pour
simple objet de supprimer une précision inutile.
·
L'article 763-5 permet au juge de l'application des peines de
modifier ou compléter les mesures prévues à l'égard
d'un condamné à une peine de suivi socio-judiciaire
.
Cette décision peut être prise à tout moment pendant la
durée du suivi socio-judiciaire, après audition du
condamné et avis du procureur de la République. Elle est
exécutoire par provision. Elle peut être soumise au tribunal
correctionnel par le condamné ou le ministère public dans les
conditions prévues par le troisième alinéa de
l'article 739 du code de procédure pénale, relatif aux
obligations particulières ordonnées par le juge de l'application
des peines dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve. En
vertu de cette dernière disposition, la saisine du tribunal
correctionnel doit intervenir dans le délai d'un mois à compter
de la notification de la décision. Le tribunal, au sein duquel le juge
de l'application des peines ne peut siéger, peut alors valider,
rapporter ou modifier celle-ci.
L'Association nationale des juges de l'application des peines a fait
connaître sa préférence pour un appel devant la chambre des
appels correctionnels, estimant que la saisine du tribunal correctionnel
pourrait soulever certaines difficultés dans les petites juridictions
où les magistrats peuvent hésiter à réformer une
décision de leur collègue JAP. Votre rapporteur constate
toutefois que la saisine du tribunal correctionnel porte non pas sur le
principe même du suivi socio-judiciaire (puisque le JAP ne peut l'imposer
au condamné ni l'en relever) mais sur ses aménagements. A cet
égard, la saisine du tribunal correctionnel en cas de contestation peut
notamment se justifier par analogie avec la procédure prévue par
l'article 733-1 du code de procédure pénale en matière
d'exécution des peines.
Le projet de loi précise en outre que le juge de l'application des
peines peut prononcer une injonction de soins, à la condition toutefois
que, comme pour le prononcé de cette injonction par la juridiction de
jugement, une double expertise médicale ordonnée après la
décision de condamnation ait établi que l'intéressé
était susceptible de faire l'objet d'un traitement. A l'initiative de sa
commission des Lois, l'Assemblée nationale a rappelé que le juge
de l'application des peines devra avertir le condamné qu'aucun
traitement ne pourra être entrepris sans son consentement mais que, s'il
refuse les soins proposés, il pourra mettre à exécution la
peine d'emprisonnement préalablement fixée par la juridiction de
jugement pour inobservation des obligations du suivi socio-judiciaire.
Selon l'exposé des motifs du projet de loi, cette faculté pour le
juge de l'application des peines de prononcer une injonction de soins vise
notamment l'hypothèse où le condamné,
déclaré inapte à un traitement au moment de la
condamnation, serait par la suite déclaré apte à en suivre
un.
Votre commission vous propose un
amendement
de simple coordination avec
sa décision de supprimer l'exigence expresse d'une double expertise
préalablement au prononcé d'une obligation de soins.
Elle vous propose également un
amendement
de précision
suggéré par l'ANJAP, tendant à remplacer la
référence au ministère public par la
référence au procureur de la République.
·
L'article 763-6 est relatif aux expertises médicales
susceptibles d'être ordonnées par le juge de l'application des
peines lorsque le suivi socio-judiciaire comprend une injonction de soins
.
Il envisage deux hypothèses :
- première hypothèse : la personne condamnée à
un suivi socio-judiciaire exécute une peine privative de liberté.
Le juge de l'application des peines peut alors ordonner l'expertise
médicale de l'intéressé avant sa libération. Mais
cette expertise est obligatoire si la condamnation a été
prononcée plus de deux ans auparavant. Il s'agit de s'assurer que la
personnalité du condamné, jugé susceptible de suivre un
traitement lors du jugement, n'aura pas, après deux années ou
davantage, connu une évolution qui rendrait vain un traitement
médical ou psychologique ;
- la seconde hypothèse intervient durant l'exécution du suivi
socio-judiciaire, c'est-à-dire après l'exécution d'une
éventuelle peine privative de liberté : le juge de
l'application des peines peut alors, à tout moment ordonner, d'office ou
sur les réquisitions du procureur de la République, "
les
expertises nécessaires pour l'informer sur l'état médical
ou psychologique de la personne condamnée
".
Dans les deux cas, les expertises sont réalisées par un seul
expert, sauf décision motivée du juge de l'application des peines.
·
L'article 763-7 envisage l'hypothèse d'une inobservation des
obligations résultant du suivi socio-judiciaire
.
Ainsi qu'il a été indiqué dans l'exposé
général du présent rapport, le juge de l'application des
peines peut alors, d'office ou sur réquisitions du procureur de la
République, ordonner par décision motivée, la mise
à exécution de l'emprisonnement prononcé par la
juridiction de jugement pour prévenir un tel manquement.
Le juge de l'application des peines n'est donc pas obligé d'ordonner la
mise à exécution de l'emprisonnement. Il dispose en quelque sorte
d'un pouvoir d'appréciation de l'opportunité de
l'incarcération.
En outre, il peut décider que l'exécution portera sur la
totalité ou seulement sur une partie de la peine fixée par la
juridiction de jugement.
La décision du juge de l'application des peines, si décision il y
a, est prise en chambre du conseil, à l'issue d'un débat
contradictoire au cours duquel il entend les réquisitions du procureur
de la République et les observations du condamné et de son
conseil. Elle est exécutoire par provision et peut faire l'objet d'un
appel dans les dix jours devant la chambre des appels correctionnels.
Le projet de loi permet au juge de l'application des peines de délivrer
un mandat d'amener et même, si le condamné est en fuite ou
réside à l'étranger, un mandat d'arrêt. Les
dispositions du code de procédure pénale relatives à
l'exécution des mandats d'amener ou d'arrêt délivrés
par le juge d'instruction sont alors applicables (précision de
l'identité de la personne concernée, mention des faits
imputés à la personne et de leur qualification juridique,
caractère exécutoire sur tout le territoire de la
République...).
Afin d'assurer au mieux l'effectivité du suivi socio-judiciaire, votre
commission a adopté un
amendement
prévoyant que
l'accomplissement de l'emprisonnement pour inobservation des obligations ne
dispenserait pas le condamné d'accomplir ce suivi une fois
libéré. Cet amendement paraît d'ailleurs se situer dans
l'esprit du texte proposé par l'article premier pour
l'article 131-36-3 du code pénal selon lequel "
le suivi
socio-judiciaire est
suspendu
par
toute
détention
intervenue au cours de son exécution
".
Le même amendement précise que, si le condamné se rend de
nouveau coupable d'inobservation de ses obligations, le juge de l'application
des peines peut l'incarcérer une nouvelle fois à condition
toutefois que la durée cumulée de chaque emprisonnement pour
cette raison n'excède pas la durée maximale d'emprisonnement
fixée par la juridiction de condamnation. Bien entendu, par des
manquements réitérés, le condamné en arrivera
à, si l'on peut dire, " épuiser son crédit de
peine " et ne pourra donc plus être pénalement
sanctionné. Pour autant, nonobstant cette limite qui paraît
difficilement contournable, le dispositif que vous propose votre commission
constitue une forte incitation à l'accomplissement effectif du suivi
socio-judiciaire.
·
L'article 763-8 définit les conditions dans lesquelles
le condamné peut être relevé de la mesure de suivi
socio-judiciaire
.
La demande de relèvement doit être portée devant la
juridiction de condamnation ou, en cas de pluralité de condamnations,
devant la dernière juridiction qui a statué. Afin de tenir compte
du caractère non permanent de la cour d'assises (qui, composée
pour partie de jurés, tient des sessions), il est précisé
que, si la condamnation a été prononcée par une telle
juridiction, la décision sur la demande de relèvement est prise
par la chambre d'accusation dans le ressort de laquelle la cour d'assises a son
siège.
Cette demande ne peut être adressée qu'à l'issue d'un
délai d'un an à compter de la décision de condamnation. De
même, un délai d'un an doit être observé pour
présenter une nouvelle demande en cas de refus opposé à la
précédente demande.
La demande de relèvement est adressée au juge de l'application
des peines qui ordonne une double expertise médicale. Ce magistrat
transmet ensuite la demande avec les conclusions de l'expert ainsi que son avis
motivé.
La juridiction ainsi saisie statue dans les conditions des troisième,
quatrième et cinquième alinéas de l'article 703 du
code de procédure pénale, relatif aux demandes de
relèvement d'une interdiction, d'une déchéance, d'une
incapacité ou d'une mesure de publication. Sa décision est donc
prise en chambre du conseil sur les conclusions du ministère public, le
requérant ou son conseil ayant été entendu ou dûment
convoqué ; elle peut être frappée d'appel ou, si la
juridiction compétente est la chambre d'accusation, être
déférée à la Cour de cassation. La décision
de relèvement est mentionnée au casier judiciaire.
La décision peut décider de ne relever le condamné que de
son obligation de soins, et de maintenir tout ou partie des autres obligations.
Il n'est donc pas permis à la juridiction de ne conserver que
l'obligation de soins. Cette impossibilité ne parait pas
justifiée à votre commission qui, outre un
amendement
de
coordination, vous propose un
amendement
tendant à la supprimer.
Enfin, à l'initiative de sa commission des Lois, l'Assemblée
nationale a précisé que le relèvement ne peut être
demandé lorsque le suivi socio-judiciaire a été
prononcé comme peine principale.
·
L'article 763-9 prévoit que la peine privative de
liberté frappant une personne également astreinte au suivi
socio-judiciaire s'exécute dans un établissement
spécialisé
.
Cet établissement est l'un de ceux dans lesquels doivent être
incarcérées les personnes condamnées pour une infraction
sexuelle ou pour un crime odieux contre un mineur de quinze ans (meurtre ou
assassinat précédé ou accompagné de viol ou d'actes
de barbarie). Il doit permettre d'assurer au condamné un suivi
médical et psychologique adapté.
L'article 763-9 traduit ainsi le souci des rédacteurs du projet de
loi, souligné dans l'exposé des motifs, "
de faciliter
autant que possible un tel traitement et d'inciter (car le traitement en prison
ne saurait être obligatoire) le condamné à y
recourir
".
C'est pourquoi il précise que :
- le condamné est immédiatement informé par le juge de
l'application des peines de la possibilité d'entreprendre un
traitement ;
- le juge de l'application des peines doit, en cas de refus, renouveler cette
information au moins une fois tous les six mois.
Enfin, il est précisé que les obligations résultant du
suivi socio-judiciaire sont applicables en cas de suspension ou de
fractionnement de la peine, de placement à l'extérieur sans
surveillance ou de semi-liberté.
Le projet de loi initial prévoyait en outre que le suivi d'un traitement
serait pris en compte pour l'octroi de la libération conditionnelle ou
des réductions de peine accordées aux condamnés
manifestant des efforts sérieux de réadaptation. Cette
précision à été supprimée par
l'Assemblée nationale à l'initiative de MM. Jean-Luc
Warsmann et Renaud Dutreil.
Devant votre commission des Lois, M. Godefroy du Mesnil du Buisson a
estimé au nom de l'ANJAP que l'obligation pour le juge de l'application
des peines de rappeler tous les six mois au condamné sa
possibilité de suivre un traitement en prison constituerait une
surcharge de travail difficile à supporter pour des magistrats
déjà débordés. Au demeurant, même en
l'absence de texte, rien n'empêchera le juge de l'application des peines
de renouveler cette information quand bon lui semblera. C'est pourquoi,
reprenant une suggestion de M. du Mesnil du Buisson, votre commission a
adopté un
amendement
prévoyant que le juge de
l'application des peines devrait réitérer cette information au
moins une fois par an et non tous les six mois.
·
L'article 763-10 envisage l'hypothèse du
prononcé d'un suivi socio-judiciaire par une juridiction pour
mineurs
.
Dans ce cas, les attributions dévolues au juge de l'application des
peines, au tribunal correctionnel et à la chambre des appels
correctionnels sont, jusqu'à ce que le mineur atteigne vingt-et-un ans,
exercées par le juge des enfants, le tribunal pour enfants et la chambre
spéciale des mineurs.
Par ailleurs, le juge des enfants doit désigner un service du secteur
public de la protection judiciaire de la jeunesse pour veiller au respect des
obligations imposées au condamné. Lorsque celui-ci a atteint
l'âge de la majorité, il peut désigner à cette fin
le CPAL ; il peut aussi se dessaisir au profit du juge de l'application
des peines.
Lors de son audition par votre commission, M. Pascal Faucher a
regretté que le juge des enfants cesse subitement de traiter le dossier
d'une personne qui atteindrait son 21ème anniversaire alors même
que le suivi devrait prendre fin quelques mois après. Il a en
conséquence proposé de se limiter à permettre au juge des
enfants de se désister en faveur du juge de l'application des peines.
Votre commission, qui constate que le juge des enfants est traditionnellement
compétent pour les " jeunes majeurs " (de moins de
21 ans) mais trouve fort opportune la remarque de M. Faucher, vous
soumet donc un
amendement
prévoyant que, lorsque le suivi
socio-judiciaire devra arriver à son terme avant que le condamné
atteigne l'âge de 23 ans, les juridictions pour mineurs demeureront
compétentes sauf si le juge des enfants se dessaisit au profit du juge
de l'application des peines.
·
L'article 763-11 renvoie à un décret en Conseil
d'Etat le soin de déterminer les modalités d'application
des
dispositions du code de procédure pénale relatives au suivi
socio-judiciaire.
*
Votre commission a adopté le présent article 9
modifié par les huit amendements ci-dessus présentés.
CHAPITRE III
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE LA
SANTÉ PUBLIQUE
Article 6
Mise en oeuvre du suivi socio-judiciaire
Cet article a pour objet d'insérer au sein du livre III
du code de la santé publique un titre IX, composé des articles L.
355-33 et L. 355-36 et intitulé "
dispositions relatives aux
personnes condamnées à un suivi socio-judiciaire comprenant une
injonction de soins
".
Ce nouveau titre comprend donc les dispositions relatives à
l'intervention du corps médical pour la mise en oeuvre du traitement
auquel doit se soumettre le condamné et notamment aux relations entre
celui-ci, son médecin et l'autorité judiciaire.
1. Présentation du dispositif du projet de loi
·
L'article L. 355-33 impose au JAP de désigner un
"
médecin coordonnateur
" pour la mise en oeuvre de
l'injonction de soins
Désigné sur une liste de spécialistes, établie et
mise à jour par arrêté du représentant de l'Etat
dans le département, pris après avis du procureur de la
république, le médecin coordonnateur aura un quadruple rôle
:
- il sera tout d'abord chargé d'inviter le condamné, au vu des
expertises réalisées au cours de la procédure et, le cas
échéant, au cours de l'exécution de la peine privative de
liberté, à choisir un médecin traitant. Toutefois,
le
choix de celui-ci est soumis à l'accord du médecin
coordonnateur
;
- il devra également conseiller le médecin traitant si celui-ci
en fait la demande ;
- il transmettra au JAP les éléments nécessaires au
contrôle de l'injonction de soins ;
- enfin, il devra informer, en liaison avec le médecin traitant, le
condamné dont le suivi socio-judiciaire est arrivé à son
terme de la possibilité de poursuivre son traitement en l'absence de
tout contrôle de l'autorité judiciaire et lui indiquer les
modalités et la durée qu'il estime nécessaires et
raisonnables. Cette précision traduit le souci des rédacteurs du
projet de loi (souci qu'avait notamment manifesté le Comité
national d'éthique dans sa recommandation du 20 décembre 1996)
d'éviter un brusque arrêt des soins en incitant le condamné
qui a accompli son suivi socio-judiciaire à poursuivre un traitement
volontairement et en dehors de tout contrôle.
·
L'article L. 355-34 traite de l'information du médecin
traitant par le médecin coordonnateur et de la justification du suivi du
traitement
S'agissant de l'information du médecin traitant, il prévoit la
communication à celui-ci, à sa demande et par
l'intermédiaire du médecin coordonnateur, des documents suivants :
- les expertises médicales réalisées pendant
l'enquête ou l'instruction ;
- celles ordonnées par le JAP en cours d'exécution du suivi
socio-judiciaire ;
- le cas échéant, le réquisitoire définitif,
l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, l'arrêt de mise
en accusation et le jugement ou l'arrêt de condamnation.
Pour sa part, le médecin traitant délivre des attestations de
suivi du traitement "
à intervalles réguliers
",
afin de permettre au condamné de justifie auprès du JAP de
l'accomplissement de son injonction de soins. Le médecin traitant n'a
donc pas de contact direct avec le JAP.
·
L'article L. 355-35 permet au médecin traitant de
transmettre certaines informations à la justice ou au médecin
coordonnateur
Ainsi, le médecin traitant peut, sans que lui soit opposé le
secret professionnel :
- informer le JAP ou l'agent de probation de l'interruption du traitement ou
des difficultés survenues dans son exécution ;
- ou bien transmettre ces informations au médecin coordonnateur qui peut
lui-même prévenir le JAP ;
- proposer au JAP d'ordonner une expertise médicale.
·
L'article L. 355-36 prévoit la prise en charge par l'Etat
des dépenses afférentes aux interventions des médecins
coordonnateurs
·
L'article L. 355-37 renvoie à un décret en
Conseil d'Etat pour la définition des modalités d'application
du Titre IX inséré dans le code de la santé publique.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a prévu que le Gouvernement
présenterait au Parlement un rapport dans le délai de cinq ans
après la promulgation de la loi. Ce rapport "
devra
vérifier si les moyens mis en oeuvre sont à la hauteur du but
recherché afin d'enrayer effectivement la récidive et de
renforcer les droits des victimes
".
2. Les observations de votre commission des Lois
Consulté par votre rapporteur, le Bureau du Conseil national de l'Ordre
des médecins a indiqué que "
ces dispositions
n'appelaient pas d'objection déontologique majeure
" mais que
certains points restaient obscurs :
"
1- Sur quels critères, le médecin coordonnateur va-t-il
donner son accord au choix du médecin exprimé par la personne
condamnée ?
2- Les termes de la loi laissent penser que l'attestation remise au
condamné aura simplement pour objet de confirmer que
l'intéressé se présente régulièrement
à la consultation et qu'il suit son traitement, ce qui paraît
suffisant. Est-ce bien l'interprétation retenue ?
Il faudra également préciser ce que devra faire le médecin
traitant si la patient ne se présente pas, et dans quel délai.
3- L'étendue des relations entre médecin coordonnateur et
médecin traitant soulève des interrogations. Dans la mesure
où il incombe au condamné de remettre lui-même au juge
d'application des peines l'attestation de suivi, on ne perçoit pas
clairement quels sont les " éléments nécessaires au
contrôle de l'injonction de soins " que le médecin
coordonnateur devrait détenir et transmettre au juge d'application des
peines.
Si on peut admettre un certain partage du secret des informations concernant la
personne condamnée, son traitement et l'évolution de son
état entre le médecin traitant et le médecin
coordonnateur, il est indispensable d'avoir la garantie que ce dernier ne sera
tenu de transmettre au juge d'application des peines que des conclusions
" administratives " sans indiquer les raisons d'ordre
médical
qui les motivent.
"
Votre rapporteur s'est longuement interrogé sur ces observations sur
lesquelles, après avoir consulté les services de la Chancellerie,
il souhaite apporter les précisions suivantes :
- aucune obligation n'est imposée à l'égard du
médecin traitant si le patient ne se présente pas. Le projet de
loi se limite à lever le secret professionnel en cette hypothèse
pour lui permettre de juger, en son âme et conscience, de
l'opportunité d'informer le juge de l'application des peines ou le
médecin coordonnateur.
- la possibilité pour le médecin coordonnateur de s'opposer au
choix du médecin traitant pourrait paraître à
première vue souhaitable dans la mesure où il convient de
s'assurer que la spécialité de celui-ci (s'il s'agit d'un
spécialiste) correspond bien aux soins que le condamné est
appelé à suivre. Il semble néanmoins que l'on puisse
parvenir au même résultat sans pour autant donner un
véritable droit de veto au médecin coordonnateur (droit de veto
dont, au demeurant, et comme l'a souligné le Conseil de l'Ordre, on ne
sait pas selon quels critères il s'exercera).
Il est en effet préférable de prévoir un dialogue entre le
médecin coordonnateur et le condamné (ce que n'exclut d'ailleurs
pas le projet de loi) sans pour autant donner le dernier mot au
médecin, qui n'appartient pas à l'autorité judiciaire.
Aussi, votre commission vous propose-t-elle un
amendement
prévoyant que, en cas de désaccord persistant sur le choix du
médecin traitant, celui-ci sera désigné par le juge de
l'application des peines (conformément à l'article 733-1 du
code de procédure pénale, cette décision sera une mesure
d'administration judiciaire, susceptible d'appel). Certes, cette
désignation pourra constituer une exception au principe du libre-choix
du médecin traitant (ce qui ne sera pas toujours le cas puisque rien
n'empêchera théoriquement le juge de l'application des peines de
désigner un médecin choisi par le condamné) mais il
s'agira d'une ultime mesure, décidée, dans des hypothèses
rarissimes, dans l'intérêt même du condamné puisque,
à défaut de médecin traitant, il ne pourra satisfaire
à son obligation de soins et sera incarcéré. Au demeurant,
on observera que ce dispositif donne au condamné une faculté de
choix beaucoup plus large que le droit de veto pur et simple confié au
médecin coordonnateur par le projet de loi.
Outre cet amendement et un
amendement
rédactionnel, votre
commission a adopté sur le présent article 6 trois
amendements
tendant à :
- confier au procureur de la République le soin de dresser la liste des
médecins sur laquelle sera choisi le médecin coordonnateur ;
- permettre au médecin traitant, s'il y a lieu, de se faire communiquer
toute pièce de la procédure ;
- supprimer l'obligation pour le Gouvernement de présenter un rapport au
Parlement d'ici cinq ans (obligation qui lui paraît d'autant moins
opportune que, dans cinq ans, la peine de suivi socio-judiciaire sera loin
d'avoir atteint son rythme de croisière). L'inflation législative
ne doit pas se doubler de celle des rapports.
Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.