Rapport n° 49 - Projet de loi adopté par l'Assemblée nationale relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs victimes et sur la proposition de loi relative à la répression des crimes
M. Charles JOLIBOIS, Sénateur
Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Réglement et d'administration générale - Rapport n° 49 - 1997-1998
Table des matières
-
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
-
EXPOSÉ GÉNÉRAL
-
I. LE CONTEXTE DU PROJET DE LOI : UN ARSENAL JURIDIQUE ENCORE
INSUFFISANT
-
A. L'ÉTAT DU DROIT APPLICABLE AUX INFRACTIONS SEXUELLES ET À LA PROTECTION DES
MINEURS
- 1. Les infractions prévues par le code pénal
-
2. La procédure pénale
- a) Des règles spécifiques de prescription
- b) La peine incompressible en cas de crime odieux sur mineur de quinze ans
- c) Le suivi médico-psychologique des auteurs d'infractions sexuelles sur des mineurs de quinze ans
- d) La répression du " tourisme sexuel "
- e) La désignation d'un administrateur ad hoc
- 3. Les lois particulières
- B. L'AUGMENTATION DES INFRACTIONS SEXUELLES ET DES ATTEINTES SUR LES MINEURS
- C. LES TRAVAUX RÉCENTS
-
A. L'ÉTAT DU DROIT APPLICABLE AUX INFRACTIONS SEXUELLES ET À LA PROTECTION DES
MINEURS
-
II. LE PROJET DE LOI ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
- A. L'INSTITUTION D'UN SUIVI SOCIO-JUDICIAIRE DES PERSONNES CONDAMNÉES POUR INFRACTION SEXUELLE
- B. UN RENFORCEMENT DE LA RÉPRESSION DES ATTEINTES SUR LES MINEURS
- C. DES MODIFICATIONS DE LA PROCÉDURE APPLICABLE AUX INFRACTIONS CONTRE LES MINEURS : VERS UN STATUT DU " MINEUR VICTIME "
- D. LA SORTIE D'UN HÔPITAL PSYCHIATRIQUE DES AUTEURS D'INFRACTIONS DÉCLARÉS PÉNALEMENT IRRESPONSABLES
-
III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS
- A. RENFORCER L'EFFICACITÉ DU SUIVI SOCIO-JUDICIAIRE
- B. ASSURER UNE MEILLEURE RÉPRESSION DES INFRACTIONS SEXUELLES ET DES ATTEINTES AUX MINEURS
- C. AMÉLIORER LA PROTECTION DU MINEUR VICTIME
- D. VEILLER AU CARACTÈRE NÉCESSAIRE DES DISPOSITIONS PROPOSÉES
-
I. LE CONTEXTE DU PROJET DE LOI : UN ARSENAL JURIDIQUE ENCORE
INSUFFISANT
- EXAMEN DES ARTICLES
-
TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES AU SUIVI SOCIO-JUDICIAIRE -
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE PÉNAL -
CHAPITRE II
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE
DE PROCÉDURE PÉNALE -
CHAPITRE III
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE -
TITRE II
DISPOSITIONS AYANT POUR OBJET DE PRÉVENIR
ET DE RÉPRIMER LES INFRACTIONS SEXUELLES,
LES ATTEINTES À LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE
HUMAINE ET DE PROTÉGER
LES MINEURS VICTIMES -
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE PÉNAL-
Article 7
(art. 222-33 du code pénal)
Définition du délit de harcèlement sexuel -
Article 8
(art. 222-45 du code pénal)
Peine complémentaire d'interdiction d'exercer une activité
impliquant un contact avec les mineurs -
Article 9
(art. 225-7, 227-22 et 227-26 du code pénal)
Utilisation d'un réseau de télécommunications
pour commettre les délits de proxénétisme, de corruption de mineur
ou d'atteinte sexuelle sur mineur sans violence -
Article 10
(art. 225-16-1, 225-16-2 et 225-16-3 nouveaux
du code pénal)
Création d'un délit de bizutage -
Article 11
(art. 226-14 du code pénal)
Levée du secret professionnel -
Article 12
(art. 227-18, 227-18-1, 227-19, 227-21 et 227-22 du code pénal)
Aggravation des sanctions de certaines infractions commises
en milieu scolaire à l'égard de mineurs -
Article additionnel après l'article 12
(art. 227-23 du code pénal)
Répression de la diffusion d'une représentation
pornographique de mineur -
Article 13
(art. 227-25 du code pénal)
Aggravation des peines en cas d'atteinte sexuelle
sur un mineur de quinze ans -
Article 14
(art. 222-22, 227-26 et 227-27 du code pénal)
Répression des infractions sexuelles commises à l'étranger -
Article 15
Responsabilité pénale des personnes morales en cas
d'infractions mettant en péril des mineurs -
Article 16
Peines complémentaires applicables aux personnes
physiques coupables d'atteintes aux mineurs
ou à la famille -
Article 17
Responsabilité pénale des personnes morales en cas
d'association de malfaiteurs
-
Article 7
-
CHAPITRE II
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE
PROCÉDURE PÉNALE ET CONCERNANT
LA PROTECTION DES VICTIMES-
Article 18A et 18
Recevabilité de la constitution de partie civile
de certaines associations -
Article 18 bis et 18 ter
Délai de prescription de l'action publique pour
certains crimes ou délits commis contre les mineurs -
Articles 18 quater et 18 quinquies
Décisions de classement sans suite -
Article 19
Protection des mineurs victimes -
Articles 19 bis et 19 ter
Réductions de peine susceptibles
d'être accordées aux auteurs d'infractions sexuelles -
Article 20
Peines ne pouvant être prononcées contre un mineur -
Article 21
Prise en charge par l'Etat des soins dispensés
aux mineurs victimes d'infractions sexuelles
-
Article 18A et 18
-
CHAPITRE III
INTERDICTION DE METTRE À LA DISPOSITION
DES MINEURS CERTAINS DOCUMENTS
PORNOGRAPHIQUES OU POUVANT PORTER ATTEINTE
À LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE HUMAINE-
Article 22
Interdiction de vente aux mineurs
de certains documents vidéo -
Article 23
Commission administrative chargée de donner un avis
sur les mesures d'interdiction -
Article 24
Interdiction de céder aux mineurs des vidéocassettes
pornographiques ou d'incitation à la violence -
Article 25
Mention de l'interdiction de vente aux mineurs -
Article 26
Sanctions en cas d'inobservation d'une interdiction -
Article 27
Sanctions en cas de manoeuvres frauduleuses -
Article 28
Peine complémentaire applicable
aux personnes physiques -
Article 29
Responsabilité pénale des personnes morales
-
Article 22
-
TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES ET DE COORDINATION-
Article 30 et 31
Exécution de la peine d'une personne condamnée
à un suivi socio-judiciaire dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte -
Article 30 bis
Mention au casier judiciaire de la condamnation
à une peine de suivi socio-judiciaire -
Article 31 bis
Réparation du dommage causé à un mineur victime
de violences ou d'atteintes sexuelles -
Article 31 ter
Allongement de la prescription de l'action
en responsabilité civile pour les dommages causés
à un mineur résultant de violences ou d'agressions sexuelles -
Article 31 quater
Preuve de la vérité des faits diffamatoires
lorsqu'ils sont constitutifs d'infractions sexuelles -
Article 31 quinquies
Peines ne pouvant être prononcées contre les mineurs -
Article 31 sexies
Possibilité de saisir en douane les objets
comportant des images pédophiles -
Article 32
Information du chef d'un établissement scolaire
des audiences de jugement des infractions commises
dans son établissement -
Article 32 bis
Condition de sortie d'un établissement psychiatrique
d'une personne pénalement irresponsable -
Article additionnel après l'article 32 bis
Diffusion de messages pornographiques ou pédophiles
par un service de communication audiovisuelle -
Article 33
Coordination -
Article 34
Application de la loi aux TOM et à Mayotte
-
Article 30 et 31
- ANNEXES
-
ANNEXE I :
COMPTE-RENDU DES AUDITIONS PUBLIQUES
DU MERCREDI 15 OCTOBRE 1997 -
ANNEXE I :
COMPTE-RENDU DES AUDITIONS PUBLIQUES
DU MERCREDI 15 OCTOBRE 1997 -
ANNEXE 2
AUDITIONS DU RAPPORTEUR -
ANNEXE 2
AUDITIONS DU RAPPORTEUR - A N N E X E
- Textes cités en référence dans le projet de loi
N° 49
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 22 octobre 1997
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du Règlement et
d'administration générale (1) sur :
1°) le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
relatif à la
prévention
et à la
répression
des
infractions sexuelles
ainsi
qu'à la
protection des mineurs
victimes,
2°) la proposition de loi de M. Serge MATHIEU relative à la
répression
des
crimes sexuels
commis
sur les mineurs
,
Par M. Charles JOLIBOIS,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Jacques Larché,
président
;
René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles
Jolibois, Robert Pagès, Georges Othily,
vice-présidents
;
Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson,
secrétaires
; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert
Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl,
Christian Bonnet, Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel
Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli,
Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Jean Derian, Michel
Dreyfus-Schmidt, Michel Duffour, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault,
Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel
Millaud, Jean-Claude Peyronnet, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre
Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
202
,
228
et T.A.
9
.
Sénat
:
11
(1997-1998) et
360
(1996-1997).
Droit pénal.
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
Réunie le mercredi 22 octobre 1977 sous la
présidence de M. Jacques Larché, la commission des Lois du
Sénat a examiné, sur le rapport de M. Charles Jolibois, le projet
de loi relatif à la prévention et à la répression
des infractions sexuelles.
Présenté par Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, ce texte a
pour base l'architecture générale d'un projet de loi
déposé en janvier dernier par M. Jacques Toubon.
Son principal objet consiste à permettre, au moment du jugement, le
prononcé d'une peine complémentaire de suivi socio-judiciaire
afin de surveiller les auteurs d'infractions sexuelles à leur sortie de
prison. La durée de ce suivi pourrait aller jusqu'à cinq ans en
cas de délit (exhibition sexuelle, atteinte sexuelle...) ou dix ans en
cas de crime (viol, agression sexuelle sur mineur...). Le condamné
pourrait être assujetti à diverses mesures tendant à
prévenir la récidive (suivre une formation, ne pas exercer une
activité impliquant un contact habituel avec des mineurs...) et
notamment, si cela se révélait utile, à une obligation de
suivre un traitement médical. L'inobservation du suivi socio-judiciaire
pourrait, sur décision du juge de l'application des peines, donner lieu
à un emprisonnement dont la durée maximale, fixée lors de
la condamnation par le tribunal ou la cour d'assises, serait de deux ans en cas
de délit et de cinq ans en cas de crime.
Le projet de loi s'efforce en deuxième lieu d'assurer une meilleure
répression des infractions sexuelles, notamment :
- par un allongement de la prescription (qui courrait désormais à
compter de la majorité de la victime, quel qu'en soit l'auteur, alors
qu'elle court aujourd'hui, en principe, à compter de la date de
l'infraction, sauf si l'auteur a autorité sur la victime) ;
- en luttant contre le " tourisme sexuel " (par la
possibilité
de poursuivre tout délit sexuel commis à l'étranger par un
français, sans exiger que ce délit soit aussi puni par la
législation du pays où les faits sont commis) ;
- par la création d'un fichier national des empreintes
génétiques des auteurs d'infractions sexuelles.
Le projet de loi contient également des dispositions de procédure
pénale dont l'une permet l'enregistrement audiovisuel de l'audition du
mineur victime d'une infraction sexuelle afin d'éviter la multiplication
des dépositions.
Enfin, il crée un délit spécial de bizutage.
M. Charles Jolibois a considéré que le projet de loi devait
être complété afin d'assurer la meilleure prévention
des infractions sexuelles, et plus particulièrement des actes de
récidive. Sur la proposition de son rapporteur, la commission a
adopté une soixantaine d'amendements tendant notamment à :
- renforcer l'efficacité du suivi socio-judiciaire. A cette fin, la
commission a souhaité porter à dix ans en cas de délit et
à vingt ans en cas de crime la durée maximale de cette mesure et
fixer à cinq ans l'emprisonnement susceptible d'être
prononcé pour sanctionner son inobservation qu'il s'agisse d'un
crime ou d'un délit ;
- inciter, dans toute la mesure du possible, un délinquant sexuel
à suivre un traitement médical en prison. Ainsi la commission a
prévu qu'un condamné qui refuse de se soigner ne pourrait
bénéficier de réductions de peine supplémentaires
sans l'avis conforme de la commission de l'application des peines ;
- rendre plus strictes les conditions d'octroi des réductions de peine
supplémentaires aux récidivistes en les subordonnant à
l'avis conforme de la commission de l'application des peines ;
- assurer, à tous les stades de la procédure, la présence
d'un avocat auprès de l'enfant victime d'une infraction sexuelle ;
- assurer la confidentialité des enregistrements audiovisuels, notamment
en interdisant de les diffuser et en prévoyant leur destruction cinq ans
après le procès. La commission a également souhaité
que cet enregistrement ne puisse être utilisé à l'audience,
l'état d'esprit du mineur lors de la réalisation de cet
enregistrement (souvent proche de la date des faits) pouvant influencer
à l'excès les juges, soit au dépens de l'accusé (en
cas de dramatisation trop forte) soit à ceux de l'enfant (en cas
d'impossibilité de sa part de s'exprimer) ;
- rembourser les soins dispensés à tous les mineurs victimes de
sévices sexuels ;
- informer les offreurs de sites Internet de la diffusion par leurs
cocontractants d'images à caractère pédophile ou
pornographique. Pour ce faire, la commission a prévu que des agents du
Conseil supérieur de l'audiovisuel seraient habilités à
constater cette infraction et qu'une copie de leurs procès-verbaux
serait adressée à l'offreur de site.
Afin de protéger les mineurs sans jeter le discrédit sur le
recours aux méthodes modernes de communication comme Internet ou le
minitel, la commission a prévu que le recours à un réseau
de télécommunications ne constituerait une circonstance
aggravante que pour les infractions contre les mineurs.
La commission a par ailleurs disjoint les dispositions créant un
délit spécial de bizutage, constatant que le droit actuel
permettrait déjà de réprimer les actes
répréhensibles, souvent même plus sévèrement
que ne le prévoit le projet de loi.
Ce texte sera examiné en séance publique les 28, 29 et 30 octobre
1997.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Qu'ils soient qualifiés d'odieux, de monstrueux ou
d'incompréhensibles, il est des actes d'une gravité telle
qu'aucune épithète ne paraît assez forte pour exprimer les
sentiments de l'opinion publique à leur égard : l'indignation, la
répulsion, l'effroi.
Ainsi en est-il des violences sexuelles commises à l'égard des
mineurs et qui conduisent parfois à la mort de la victime.
Plus généralement, parce qu'elles touchent des êtres
physiquement faibles et psychologiquement fragiles, les infractions contre les
enfants ne laissent pas de susciter une vive émotion.
Au cours des dernières années, votre commission des Lois a
manifesté à plusieurs reprises son souci d'assurer au mieux la
protection des mineurs. Il en fut notamment ainsi à l'occasion des
débats sur le nouveau code pénal, sur la loi du 8 janvier 1993
relative à l'état civil, à la famille et aux droits de
l'enfant et instituant le juge aux affaires familiales ou sur la loi du
1er janvier 1997 relative aux fratries. Elle fut de même, à
la suite d'une initiative de Mme Marie-Claude Beaudeau et sur le rapport de
notre collègue Robert Pagès, à l'origine de l'institution
de la Journée nationale des Droits de l'Enfant.
Aussi votre commission se félicite-t-elle que le Gouvernement issu des
dernières élections législatives ait décidé
de déposer un projet de loi relatif à la prévention et
à la répression des atteintes sexuelles ainsi qu'à la
protection des mineurs victimes, qui reprend largement le texte adopté
en Conseil des ministres le 29 janvier 1997 et présenté par
le précédent Garde des Sceaux, M. Jacques Toubon.
Ce projet de loi, aujourd'hui soumis à notre examen, a pour objectif
essentiel la prévention des actes de pédophilie. Définie
d'une manière générale comme l'attirance sexuelle pour les
enfants, la pédophilie correspond à une réalité
complexe et protéïforme. Comme l'a fait observer le Docteur
Bernard Cordier lors de son audition par votre commission des Lois à
l'occasion de la première Journée nationale des Droits de
l'Enfant "
Il n'y a pas de portrait-robot du pédophile. Ils ont
des personnalités, des quotients intellectuels très divers. Il
n'a pas été mis en évidence de cause biologique à
cette orientation sexuelle particulière, propre à l'homme, vers
ce qui n'est véritablement pas un excitant naturel, c'est-à-dire
le corps non formé de l'enfant
". Au surplus, cette
"
anomalie
" peut se traduire par des actes d'une
gravité variable, allant de l'exhibition sexuelle au meurtre avec viol.
Néanmoins, des travaux menées par des psychiatres et des
juristes, ont récemment conduit à des propositions, parfois
inspirées d'exemples étrangers, pour assurer une meilleure
prévention des infractions sexuelles.
Le présent projet de loi reprend certaines de ces propositions. Il
prévoit également des modifications législatives sur des
sujets aussi divers que le harcèlement sexuel ou le bizutage.
Dans la perspective de son examen, votre commission a, à l'initiative de
son président M. Jacques Larché, procédé le
mercredi 15 octobre à une journée d'auditions publiques au cours
de laquelle elle a entendu, outre Mme le Garde des Sceaux et Mme la
Ministre déléguée chargée de l'Enseignement
scolaire, un professeur de droit pénal, des magistrats du siège
et du Parquet (dont plusieurs spécialisés dans les affaires
impliquant des mineurs), des psychiatres, des membres du corps enseignant ainsi
que le président de l'Association d'aide aux parents d'enfants victimes.
Le compte rendu analytique de cette réunion figure en annexe du
présent rapport. Son compte rendu intégral sera joint au rapport
de seconde lecture.
Pour sa part, votre rapporteur a procédé à de nombreuses
auditions dont la liste est annexée au présent rapport.
Enfin, l'information du Sénat sera utilement complétée par
l'avis de notre excellent collègue Jacques Bimbenet,
présenté au nom de la commission des Affaires sociales sur les
dispositions du projet de loi concernant la santé publique, et sur
lesquelles votre commission se prononcera au vu des observations du rapporteur
pour avis.
I. LE CONTEXTE DU PROJET DE LOI : UN ARSENAL JURIDIQUE ENCORE INSUFFISANT
A. L'ÉTAT DU DROIT APPLICABLE AUX INFRACTIONS SEXUELLES ET À LA PROTECTION DES MINEURS
1. Les infractions prévues par le code pénal
Le nouveau code pénal a opéré une
distinction entre les atteintes sexuelles, commises sans violence ni
contrainte, et les agressions sexuelles, commises "
avec violence,
contrainte, menace ou surprise
" (article 222-22).
Au sein des agressions sexuelles, une distinction est opérée
entre :
- le viol ;
- les autres agressions sexuelles, qui comprennent l'exhibition sexuelle et ce
que l'ancien code dénommait "
attentats à la pudeur avec
violence, contrainte ou surprise
" ;
- le harcèlement sexuel, défini comme "
le fait de
harceler autrui en usant d'ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but
d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de
l'autorité que lui confèrent ses fonctions
" (puni d'un
an d'emprisonnement et de 100.000 F d'amende).
Quant aux atteintes sexuelles, elles ne tombent sous le coup de la loi
pénale que dans la mesure où elles sont commises contre des
mineurs. Toutefois, si la victime est âgée de plus de 15 ans
et n'est pas émancipée par le mariage, l'atteinte sexuelle sur
mineur n'est punie que si elle est commise par une personne ayant
autorité sur celui-ci.
Les atteintes sexuelles ne sont pas les seules infractions destinées
spécifiquement à assurer la protection des mineurs. Il en va
également ainsi de :
- la corruption ou tentative de corruption de mineur (article 227-22) qui
correspond à l'excitation de mineur à la débauche
incriminée par l'ancien code pénal ;
- la provocation d'un mineur à l'usage illicite de stupéfiants
(article 227-18), au trafic de stupéfiants (article 227-18-1),
à la consommation habituelle de boissons alcooliques
(article 227-19), à la mendicité (article 227-20) ou
à commettre habituellement des crimes ou des délits
(article 227-21) ;
- l'enregistrement ou la transmission, en vue de sa diffusion, de l'image
pornographique d'un mineur (article 227-23) ;
- la fabrication, le transport ou la diffusion d'un message à
caractère violent ou pornographique ou de nature à porter
gravement atteinte à la dignité humaine lorsque ce message est
susceptible d'être vu ou perçu par un mineur
(article 227-24) ;
- la privation d'aliments ou de soins au point de compromettre gravement la
santé (article 227-15).
Enfin, pour de nombreuses infractions, le fait que la victime soit un mineur
âgé de moins de quinze ans constitue souvent une circonstance
aggravante. Il en va notamment ainsi en cas de viol, de meurtre, d'actes de
barbarie ou de violences.
Le tableau ci-après présente, en distinguant en fonction de
l'âge de la victime, les peines encourues pour une infraction sexuelle
ainsi que pour une infraction spécifiquement destinée à la
protection des mineurs.
Peines encourues pour infraction sexuelle ou pour atteinte
aux mineurs
sur majeur |
sur 15-18 ans |
sur moins
|
||
Agressions sexuelles |
Viol simple
|
15 ans
|
15 ans
|
20 ans
|
Agressions sexuelles autres que le viol |
5 ans et 500.000 F |
5 ans
|
7 ans
|
|
Agressions sexuelles autres que le viol et ayant entraîné une lésion ou commise par une personne ayant autorité sur la victime |
10 ans et 1 MF |
10 ans et 1 MF |
10 ans et 1 MF |
|
Exhibition sexuelle |
1 an et 100.000 F |
1 an
|
1 an
|
|
Atteintes sexuelles |
2 ans
|
2 ans
|
||
Infractions destinées à la protection des mineurs |
Privation d'aliments ou de soins |
7 ans
|
||
Infractions destinées à la protection des mineurs |
Mise en danger de la santé ou de la moralité d'un enfant |
2 ans
|
2 ans
|
|
Provocation à l'usage illicite de stupéfiants |
5 ans
|
7 ans et 1 MF
|
||
Provocation au trafic de stupéfiants |
7 ans et 1 MF |
10 ans et 2 MF |
||
Provocation à la consommation de boisons alcooliques |
2 ans
|
3 ans
|
||
Provocation à la mendicité |
2 ans et 300.000 F |
3 ans
|
||
Provocation à commettre des crimes ou des délits |
5 ans et 1 MF |
7 ans et 1 MF |
||
Corruption |
5 ans
|
7 ans
|
||
Diffusion de l'image pornographique d'un mineur |
1 an et 300.000 F |
3 ans et 500.000 F |
||
Diffusion d'un message pornographique susceptible d'être vu par un mineur |
3 ans
|
3 ans
|
On observera en outre que l'article 226-14 du code
pénal délivre du secret professionnel :
" -
celui qui informe les autorités judiciaires,
médicales ou administratives de sévices ou privations dont il a
eu connaissance et qui ont été infligés à un mineur
de quinze ans ou à une personne qui n'est pas en mesure de se
protéger en raison de son âge ou de son état physique ou
psychique ;
-
le médecin qui, avec l'accord de la victime, porte à la
connaissance du procureur de la République les sévices qu'il a
constatés dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de
présumer que des violences sexuelles de toute nature ont
été commises
. "
2. La procédure pénale
a) Des règles spécifiques de prescription
Afin de tenir compte des réticences que peut
éprouver un enfant pour dévoiler l'infraction dont il a
été victime de la part d'un ascendant, le code de
procédure pénale énonce des règles de prescription
particulières aux crimes ou délits commis sur un mineur par un
ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par une personne ayant
autorité sur la victime.
Dans une telle hypothèse, le délai de prescription de l'action
publique court non pas à compter du jour où l'infraction est
commise mais à compter de la majorité de la victime.
b) La peine incompressible en cas de crime odieux sur mineur de quinze ans
En cas d'assassinat ou de meurtre d'un mineur de quinze ans
accompagné ou précédé d'un viol ou d'actes de
barbarie, la loi du 1er février 1994 instituant une peine
incompressible et relative au nouveau code pénal et à certaines
dispositions de procédure pénale a ouvert la faculté, pour
la cour d'assises :
- soit de porter à trente ans la période de sûreté
pendant laquelle le condamné ne peut bénéficier de la
suspension ou du fractionnement de la peine, du placement à
l'extérieur, des permissions de sortir, de la semi-liberté et de
la libération conditionnelle ;
- soit, si elle prononce la réclusion criminelle à
perpétuité, de décider qu'aucune de ces mesures ne pourra
être accordée au condamné. Dans ce dernier cas, le juge de
l'application des peines peut, à l'expiration d'une période de
trente ans suivant la condamnation, saisir un collège de trois experts
médicaux désignés par le bureau de la Cour de cassation,
qui se prononce sur l'état de dangerosité du condamné. Une
commission composée de cinq magistrats de la Cour de cassation
détermine, au vue de l'avis de ce collège, s'il y a lieu de
mettre fin à la décision de la cour d'assises ayant privé
le condamné de toute mesure d'aménagement de sa peine.
c) Le suivi médico-psychologique des auteurs d'infractions sexuelles sur des mineurs de quinze ans
La même loi du 1er février 1994 a
prévu que les auteurs de meurtre ou d'assassinat d'un mineur de quinze
ans précédé ou accompagné de viol ou d'actes de
barbarie ainsi que les auteurs d'agressions ou d'atteintes sexuelles
exécuteraient leur peine dans des établissements
pénitentiaires permettant d'assurer un suivi médical et
psychologique adapté.
Enfin, ladite loi a rendu obligatoire une expertise psychiatrique de ces
criminels avant l'octroi d'une mesure de placement à l'extérieur,
de semi-liberté, de fractionnement ou suspension de peine, de permission
de sortir ou de libération conditionnelle (on observera que les
réductions de peine et les autorisations de sortie sous escorte ne sont
pas concernées par cette exigence). Cette expertise doit être
réalisée par trois experts lorsque la personne a
été condamnée pour le meurtre, l'assassinat ou le viol
d'un mineur de quinze ans. Les décisions du juge de l'application des
peines accordant l'une des mesures précitées peuvent être
déférées par le Procureur de la République à
la chambre d'accusation.
Selon l'article R. 50-35 du code de procédure pénale, ces
personnes font l'objet, avant leur libération, d'un examen psychiatrique
en vue de préparer, le cas échéant, une prise en charge
post-pénale adaptée.
d) La répression du " tourisme sexuel "
Comme l'a souligné le document de travail relatif aux
abus sexuels sur les mineurs, élaboré par le service des affaires
européennes du Sénat, "
de nombreux pays ont, depuis le
début des années 90, adopté des clauses
d'extraterritorialité. C'est le cas de l'Allemagne, de l'Autriche, de la
Belgique et de l'Italie, qui peuvent poursuivre leurs ressortissants qui se
sont rendus coupables d'abus sur des mineurs à l'étranger, quel
que soit le pays où l'infraction a été commise
".
A cet égard, peu importe que l'infraction soit ou non
réprimée par le pays où les faits ont été
commis.
Selon la loi française (articles 113-6 et 113-7 du code
pénal), une infraction commise par un français hors du territoire
de la République n'est réprimée que si :
- soit elle constitue un crime, ce qui est notamment le cas du viol ou de
violences graves sur mineur ;
- soit elle constitue un délit également puni par la
législation du pays où il a été commis ;
- soit elle constitue un délit et a été commise sur un
français.
Par ailleurs, la loi du 1er février 1994 a édicté une
exception à ces règles générales en rendant
applicable la loi française aux atteintes sexuelles sur mineur de
quinze ans lorsqu'elles s'accompagnent du versement d'une
rémunération.
e) La désignation d'un administrateur ad hoc
Selon l'article 87-1 du code de procédure pénale, le juge d'instruction ou la juridiction de jugement peuvent désigner un administrateur ad hoc pour exercer au nom de l'enfant les droits reconnus à la partie civile lorsqu'ils sont saisis de faits commis volontairement à l'encontre d'un mineur par les titulaires de l'autorité parentale ou par l'un d'entre eux.
3. Les lois particulières
De nombreuses autres lois, intégrées dans des
codes particuliers ou non codifiées, ont également pour objet la
protection des mineurs. Sans prétendre à l'exhaustivité,
on citera :
- la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à
la jeunesse, qui permet au ministre de l'intérieur d'interdire de
proposer ou de céder à des mineurs, sous peine d'un an
d'emprisonnement et de 50.000 F d'amende, "
les publications
de
toute nature présentant un danger pour la jeunesse en raison de leur
caractère licencieux ou pornographique ou de la place faite au crime,
à la violence, à la discrimination ou à la haine raciale,
à l'incitation à l'usage, à la détention ou au
trafic de stupéfiants
" ;
- l'article L. 80 du code des débits de boissons, qui interdit
de vendre ou d'offrir dans les lieux publics des boissons alcooliques à
des mineurs de seize ans ;
- l'ordonnance du 5 janvier 1959 qui permet au préfet d'interdire
l'accès des mineurs à tout établissement offrant
"
des distractions ou spectacles, lorsque ces distractions ou
spectacles ou la fréquentation de cet établissement se
révèlent de nature à exercer une influence nocive sur la
santé ou la moralité de la jeunesse
" ;
- le code de la famille et de l'aide sociale, dont les articles 66 et
suivants mettent en place, sous la responsabilité du président du
conseil général, un dispositif de prévention des mauvais
traitements à l'égard des mineurs et de protection des mineurs
maltraités.
B. L'AUGMENTATION DES INFRACTIONS SEXUELLES ET DES ATTEINTES SUR LES MINEURS
Même s'il convient de faire montre de prudence dans l'appréciation des chiffres (puisque ceux-ci dépendent directement du nombre de plaintes, que les victimes hésitent à déposer encore que l'on constate une heureuse évolution à cet égard), les données relatives aux infractions sur les mineurs et aux infractions sexuelles paraissent mettre en avant une augmentation de ces actes.
1. Les infractions constatées
Les statistiques de la police et de la gendarmerie mettent en
avant une augmentation continue des infractions sexuelles constatées,
comme le révèle le tableau ci-après.
Atteintes aux moeurs constatées par la direction centrale de la police judiciaire |
||||||||||||||
|
|
|
|
|
||||||||||
Viols sur majeurs et mineurs |
5.068
|
5.356
|
5.605
|
6.526
|
7.350
|
|||||||||
Attentats à la pudeur sur majeurs et mineurs |
9.164
|
10.217
|
11.192
|
12.661
|
11.503
|
|||||||||
Excitation de mineurs à la débauche |
1.298
|
1.188
|
1.368
|
1.524
|
Ainsi, le nombre d'agressions sexuelles constatées
(viols et agressions à la pudeur) est passé de 14.232 à
18.853, soit une augmentation de 32 % en cinq ans.
S'agissant plus particulièrement des agressions sexuelles sur mineurs,
les statistiques de la direction centrale de la sécurité publique
révèlent :
- une augmentation de 74 % des viols sur mineurs entre 1991 (1.282) et
1996 (2.237) ;
- une augmentation de 25 % des autres agressions sexuelles sur mineurs
entre 1991 (3.488) et 1996 (4.365).
2. Les condamnations
L'évolution des condamnations portées au casier
judiciaire révèle une légère augmentation des
condamnations pour atteintes sexuelles au cours de la première
moitié de la décennie : 7.166 en 1990 ; 7.286 en 1994.
En revanche, parmi ces condamnations, le nombre de celles liées à
une infraction sexuelle sur mineurs ne cesse de croître, comme le
révèle le tableau ci-après.
Condamnations pour infractions sexuelles sur mineurs |
||||||
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
||
Viols sur mineur de moins de quinze ans |
234 |
329 |
359 |
295 |
271 |
|
Viols de mineurs par ascendant ou personne ayant autorité |
97 |
114 |
100 |
285 |
304 |
|
Agressions sexuelles sur mineur de moins de quinze ans |
521 |
556 |
706 |
819 |
885 |
|
Agressions sexuelles de mineurs par ascendant ou personne ayant autorité |
89 |
88 |
121 |
141 |
286 |
|
Atteintes sexuelles sur mineurs de moins de quinze ans |
621 |
544 |
654 |
752 |
554 |
|
Atteintes sexuelles sur mineurs par ascendant ou personne ayant autorité |
420 |
505 |
553 |
629 |
597 |
Ces données permettent d'opérer un triple
constat :
- une augmentation globale (+ 46 %) des infractions sexuelles contre
les mineurs : de 1.982 en 1990 à 2.897 en 1994 ;
- une augmentation de 24 % des infractions sexuelles sur les moins de
quinze ans ;
- au sein de ces dernières, une augmentation inquiétante
(+ 53 %) des infractions les plus graves (viols et agressions
sexuelles).
3. Les détenus pour infractions sexuelles
Le nombre de détenus incarcérés en
métropole pour infractions sexuelles a quasiment triplé entre le
1er janvier 1987 et le 1er janvier 1997, passant de 1.683 à
4.682.
Cet accroissement est, dans une large mesure, dû aux auteurs
d'infractions sexuelles contre les mineurs : 802 en 1987 ; 3.131 en
1997.
4. L'évaluation de la récidive des infractions sexuelles
Lors de son audition par votre commission des Lois, le
Docteur Roland Coutanceau a présenté quelques statistiques
montrant qu'en pratique, la récidive en dehors de tout traitement
médical restait finalement très limitée (moins de 5 % chez
les pères incestueux -en général des beaux-pères
dont le remariage avait été un prétexte au moins
inconscient pour assouvir leurs tendances- moins de 10 % pour les violeurs
de femmes adultes et entre 10 % et 20 % chez les pédophiles), les
statistiques du ministère de la justice allant dans le même sens
(viols, 3 % à 5 %, attentats à la pudeur, environ 10 %, etc).
Néanmoins,
M. Alain Boulay, Président de l'Association
d'aide aux parents d'enfants victimes, a insisté devant votre commission
sur le fort taux, sinon de récidive au sens pénal du terme, du
moins de réitération des actes de pédophilie.
C. LES TRAVAUX RÉCENTS
1. Les rapports commandés par le Gouvernement
Parmi les commissions ou groupes de travail constitués à la demande du Gouvernement au cours des dernières années, trois ont rédigé des rapports qui, pour porter sur des sujets différents, ont néanmoins tous inspiré le présent projet de loi, comme l'indique son exposé des motifs.
a) la commission d'étude pour la prévention de la récidive des criminels
Présidée par Mme Marie-Elisabeth Cartier,
professeur de droit pénal, que votre commission a entendue lors de sa
journée d'auditions publiques, elle a remis un rapport au garde des
sceaux en octobre 1994. Parmi les douze propositions contenues dans ce rapport
figurait l'instauration d'"
un suivi des condamnés
libérés à la fin de leur peine, par les solutions
alternatives suivantes :
- soit introduire dans le nouveau code pénal une peine
complémentaire de suivi (assistance, tutelle ou contrôle)
post-pénal applicable à toutes les infractions punies de peines
criminelles,
- soit transformer les réductions de peine ordinaires en
réductions de peine assorties d'un suivi post-pénal,
- soit transformer les réductions de peine ordinaires en crédit
de peine légalement accordé au jour de la condamnation, mais
affecté d'un suivi post-pénal équivalent à la
durée de la peine créditée
. "
b) la commission d'étude sur l'évaluation et l'expertise psychiatrique des condamnés
Présidée par le Dr Thérèse
Lemperière, professeur de psychiatrie et président de la
Société médico-psychologique, ce groupe de travail
comprenait notamment le Dr Bernard Cordier, entendu par votre commission lors
de ses auditions sur les droits de l'enfant du 20 novembre dernier, et le
Dr Roland Coutanceau, entendu dans le cadre de la journée
d'auditions publiques du 15 octobre.
Le rapport de cette commission d'étude, remis au garde des Sceaux en
1995, préconisait notamment "
la mise en place de missions
périodiques d'évaluation pour les délinquants
condamnés à de longues peines et l'extension de cette mesure aux
auteurs d'infraction sexuelle condamnés à des peines de moindre
durée :
- pour les détenus qui sont en établissement pour peines, (...)
(la) mise en place de bilans psychologiques et psychiatriques à
intervalle régulier (tous les deux ans ou au moins à mi-peine)
permettant d'apprécier l'évolution du condamné et
d'envisager éventuellement avec lui un projet thérapeutique. Les
données de ces bilans périodiques seraient du plus grand
intérêt au moment de l'expertise de prélibération ;
- pour les détenus qui restent en maison d'arrêt, (la)
création d'une cellule d'évaluation utilisant les ressources
internes (les personnels de l'établissement)
".
c) le groupe de travail sur le traitement et le suivi médical des auteurs de délits et crimes sexuels
Dirigé par le Dr Claude Balier, psychiatre des
hôpitaux, entendu par votre commission le 15 octobre dernier, ce groupe
de travail a remis en 1995 au ministre du travail et des affaires sociales un
rapport estimant possible "
de réaliser des progrès
sensibles dans le traitement de la pathologie des auteurs d'infraction
sexuelle
". Il précisait que "
cette pathologie exige
une intervention précoce dès l'incarcération
",
le cas échéant au stade de la mise en examen. Tout en soulignant
les limites des traitements hormonaux, qui ne doivent "
pas être
considérés comme un traitement systématique ou
radical
", ce groupe de travail les considérait
"
comme
un précieux adjuvant pour les hommes qui ne parviennent plus à
maîtriser des pulsions sexuelles devenues obsédantes
".
Par ailleurs, il recommandait "
la poursuite d'un suivi
thérapeutique à la sortie pour les détenus
condamnés à une peine d'emprisonnement pour crime ou délit
de nature sexuelle (...). Ce suivi peut être exercé dans le cadre
d'une obligation de soins complémentaire, d'une libération
conditionnelle ou de tout aménagement de peine ou alternative à
l'incarcération
".
2. Les recommandations du comité consultatif national d'éthique
Consulté par MM. Jacques Barrot et Hervé
Gaymard, respectivement ministre des affaires sociales et ministre
délégué chargé de la santé, le comité
consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la
santé (CCNE) a, le 20 décembre 1996, émis des
recommandations sur le projet alors préparé par M. Jacques
Toubon. Le 2 novembre 1993, le CCNE avait déjà formulé un
avis sur la prescription de substances antiandrogéniques à des
détenus condamnés pour des infractions à caractère
sexuel.
Le CCNE souligne tout particulièrement que :
- la prise en charge hormonale est réversible, "
son arrêt
entraînant le retour complet à la normale du fonctionnement
hormonal
" ;
- "
il paraît tout à fait logique de proposer à ces
sujets de bénéficier d'un traitement " mixte "
comportant l'association d'anti-androgènes à un traitement de
soutien psychothérapeutique
" ;
- le consentement du patient doit être obtenu.
3. Les recommandations au niveau européen
a) L'action commune du Conseil de l'Union européenne relative à la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants
Une action commune visant à renforcer la lutte contre
la traite des êtres humains et l'exploitation sexuelle des enfants a
été adoptée par le Conseil le
24 février 1997 sur la base de l'article K3 du traité
sur l'Union européenne.
Dans le cadre de cette action commune, chaque Etat membre s'engage à
revoir sa législation nationale afin d'ériger en infractions
pénales l'exploitation sexuelle des enfants, le fait de leur infliger
des sévices sexuels, la traite d'enfants en vue de les exploiter
sexuellement ou de leur infliger des sévices sexuels.
Ces Etats s'engagent en outre à prévoir une compétence
extraterritoriale à l'égard des faits d'exploitation sexuelle
d'enfants commis à l'étranger par leurs nationaux et leurs
résidents à titre habituel (à l'exception de l'infraction
consistant à détenir du matériel pornographique impliquant
des mineurs). Cette compétence n'est pas subordonnée à la
condition de double incrimination de l'infraction dans les deux Etats
concernés, sauf si le non-respect de cette condition est incompatible
avec les principes en matière de compétence consacrés par
le droit pénal de l'Etat dont l'auteur de l'infraction est ressortissant.
Les Etats membres doivent par ailleurs prendre les mesures nécessaires
pour assurer une protection appropriée des témoins et une
assistance adéquate des victimes et de leurs familles, ainsi que pour
mettre en oeuvre la coopération judiciaire la plus large possible en
matière de lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants.
b) La recommandation du Conseil de l'Europe sur l'exploitation sexuelle, la pornographie, la prostitution ainsi que sur le trafic d'enfants
Ce document, adopté par le Conseil des ministres du
9 septembre 1991, recommande notamment aux Etats membres :
- "
d'instaurer, pour les enfants victimes ou témoins
d'exploitation sexuelle, des conditions particulières d'audition visant
à en diminuer les effets traumatisants...
" ;
- de "
prévoir des sanctions appropriées prenant en
compte la gravité de l'infraction commise par ceux qui assurent la
production et la distribution de tout matériel pornographique impliquant
des enfants
" ;
- d' "
intensifier les efforts en vue d'identifier et de
sanctionner, d'une part ceux qui favorisent, encouragent la prostitution
d'enfants (...) ou en tirent profit, et, d'autre part, les clients de la
prostitution enfantine
" ;
- de "
dissuader les agences touristiques de favoriser le tourisme
sexuel de quelque manière que ce soit, particulièrement par la
publicité...
" ;
- d' "
introduire des règles de compétence
extraterritoriale en vue de permettre la poursuite et la sanction de nationaux
ayant commis des infractions relatives à l'exploitation sexuelle
d'enfants et de jeunes adultes en dehors du territoire national, ou de revoir,
le cas échéant, les règles existantes dans ce domaine et
d'améliorer la coopération internationale à cette
fin
".
c) Le programme du congrès de Stockholm
Réuni à Stockholm en août 1996, le
Congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants à des
fins commerciales a rassemblé les représentants de 125 pays.
La déclaration adoptée à cette occasion soulignait
notamment que :
"
Chaque jour, de plus en plus d'enfants dans le monde sont
assujettis
à une exploitation sexuelle et sont victimes d'abus sexuel. Une action
concertée est nécessaire aux niveaux local, national,
régional et international afin de mettre fin à ces
phénomènes.
Chaque enfant a le droit d'être pleinement protégé contre
toutes les formes d'exploitation sexuelle et d'abus sexuel. Ceci est
réaffirmé par la Convention relative aux droits de l'enfant
(...). Les Etats sont tenus de protéger les enfants contre toute forme
d'exploitation sexuelle ainsi que contre les abus sexuels, et de promouvoir la
réadaptation physique et psychologique ainsi que la réinsertion
sociale des enfants qui en sont les victimes
. "
Son programme d'action a notamment mis l'accent sur les points suivants :
" -
mobiliser le monde des affaires, y compris l'industrie du
tourisme,
contre l'utilisation de ses réseaux et établissements à
des fins d'exploitation sexuelle commerciale des enfants ;
(...)
- dans le cas du tourisme sexuel, élaborer ou renforcer et mettre en
oeuvre des lois qui pénalisent les actes commis par des ressortissants
du pays d'origine à l'encontre d'enfants du pays de destination
(" lois pénales extraterritoriales "), promouvoir
l'extradition et les autres dispositions garantissant qu'une personne
exploitant un enfant dans un but sexuel dans un autre pays (pays de
destination) soit poursuivie soit dans le pays d'origine soit dans le pays de
destination ;
(...)
- élaborer ou renforcer et mettre en oeuvre des lois nationales afin
d'établir la responsabilité pénale des prestataires de
services, des clients et des intermédiaires impliqués dans la
prostitution des enfants, le trafic d'enfants, la pornographie enfantine, y
compris la possession de matériel pornographique mettant en scène
des enfants, et toute autre activité sexuelle illégale ;
(...)
- adopter non seulement des sanctions pénales contre les coupables de
crimes sexuels envers des enfants, mais également des mesures
socio-médicales et psychologiques afin de créer chez eux des
modifications du comportement
. "
II. LE PROJET DE LOI ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
A. L'INSTITUTION D'UN SUIVI SOCIO-JUDICIAIRE DES PERSONNES CONDAMNÉES POUR INFRACTION SEXUELLE
1. Le contenu du suivi socio-judiciaire
Principale innovation du projet de loi, la possibilité
d'ordonner un suivi socio-judiciaire ferait l'objet, selon l'article 1er, d'un
article 131-36-1 du code pénal, inséré au sein de la
section relative aux peines applicables aux personnes physiques. Le suivi
socio-judiciaire serait donc une peine complémentaire. Il comporterait
"
des mesures de surveillance et d'assistance destinées à
prévenir la récidive
" à savoir :
· Les mesures de contrôle prévues à
l'article 132-44 du code pénal, lesquelles feraient toujours partie
des obligations du suivi socio-judiciaire (répondre aux convocations du
juge de l'application des peines, recevoir les visites de l'agent de probation
et lui remettre les renseignements nécessaires, prévenir l'agent
de probation des changements d'emploi ou de résidence...).
· Les obligations prévues à l'article 132-45 dudit
code et prononcées par la juridiction (exercer une activité
professionnelle ou suivre une formation, se soumettre à des mesures
d'examen médical ou de soins, ne pas se livrer à
l'activité professionnelle à l'occasion de laquelle l'infraction
à été commise, s'abstenir de paraître en tout lieu
spécialement désigné, s'abstenir d'entrer en relation avec
certaines personnes...).
· Des obligations spécifiquement prévues par le futur
article 131-36-1-1 du code pénal dans la mesure où elles
seraient prononcées par la juridiction :
- s'abstenir de paraître en tout lieu ou toute catégorie de lieux
spécialement désigné ;
- s'abstenir de fréquenter ou d'entrer en relation avec certaines
personnes ou catégories de personnes ;
- ne pas exercer une activité professionnelle ou bénévole
impliquant un contact habituel avec des mineurs.
· Des mesures d'assistance, définies par le futur article
131-36-2 du code pénal comme ayant pour objet de seconder les efforts du
condamné en vue de sa réinsertion sociale (ce qui correspond aux
"
mesures d'aide
" telles que les définit
l'article 132-46 du code pénal).
· Une injonction de soins, dont on peut se demander si elle n'entre pas
dans les mesures "
de traitement ou de soins, même sous le
régime de l'hospitalisation
" d'ores et déjà
prévues par l'article 132-45 (3°) du code pénal.
2. Les conditions du suivi socio-judiciaire
a) Le champ d'application
Aux termes du futur article 131-36-1, le suivi
socio-judiciaire pourrait être ordonné dans "
les cas
prévus par la loi
". Selon les articles
1
er
bis
, 2 et 3 du projet de loi, il concernerait :
- le meurtre ou l'assassinat accompagné de viol ou d'actes de
barbarie ;
- les agressions sexuelles autres que le harcèlement sexuel ;
- la corruption de mineurs (auparavant dénommée excitation de
mineur à la débauche) ;
- l'enregistrement ou la transmission, en vue de sa diffusion, de l'image
pornographique d'un mineur ;
- la fabrication ou la diffusion d'un message violent ou pornographique
susceptible d'être perçu par un mineur ;
- l'atteinte sexuelle (par hypothèse sans contrainte) sur un mineur.
On observera toutefois que, selon le futur article 131-36-4, le suivi
socio-judiciaire ne pourrait être ordonné en même temps
qu'une peine d'emprisonnement assortie, en tout ou partie, du sursis avec mise
à l'épreuve.
b) Le prononcé de la mesure de suivi socio-judiciaire
Selon le futur article 131-36-1 du code pénal,
c'est à la juridiction de jugement qu'il appartiendra de prononcer le
suivi socio-judiciaire pour une durée ne pouvant excéder cinq ans
en cas de condamnation pour délit et dix ans en cas de condamnation pour
crime. L'exécution du suivi socio-judiciaire intervenant
nécessairement à l'issue de l'éventuelle peine privative
de liberté,
cette nouvelle peine complémentaire permettra
d'augmenter l'" ombrelle pénale " sur les auteurs
d'infractions sexuelles
: pour un délit passible de
dix ans d'emprisonnement, la juridiction pourra prononcer ce maximum ainsi
que cinq ans de suivi socio-judiciaire, soit un contrôle de la
justice sur le condamné d'une durée pouvant atteindre
quinze ans (au lieu de dix aujourd'hui).
La même décision fixera également la durée maximum
de l'emprisonnement encouru par le condamné en cas d'inobservation des
obligations qui lui seront imposées. Il s'agit donc en quelque sorte
d'une condamnation sous condition potestative en ce que sa mise en application
dépendra de l'attitude de l'intéressé. Comme le souligne
l'étude d'impact, l' "
inobservation ne constituera donc
pas une nouvelle infraction, comme c'est normalement le cas pour les peines
complémentaires (ce qui exige que le juge de l'application des peines
avise le parquet et que celui-ci engage des nouvelles poursuites), mais elle
pourra être immédiatement sanctionnée par le juge de
l'application des peines
".
La durée de l'emprisonnement
ainsi prévue pourra aller jusqu'à deux ans si la peine de suivi
socio-judiciaire est prononcée pour un délit et jusqu'à
cinq ans si elle est prononcée pour un crime.
Le suivi socio-judiciaire ne pourra comprendre une injonction de soins que si
une double expertise médicale aura préalablement établi
l'aptitude de l'intéressé à suivre un traitement.
Par ailleurs, le président de la juridiction devra avertir le
condamné qu'aucun traitement ne pourra être entrepris sans son
consentement mais que s'il refuse les soins qui lui seront proposés,
l'emprisonnement prévu en cas d'inobservation des obligations pourra
être mis à exécution. L'exposé des motifs du projet
de loi insiste sur cette place faite au volontariat, estimant que l'accord du
condamné s'impose "
tant pour des motifs d'éthique et de
déontologie médicales que pour des raisons pratiques,
liées à l'absence d'efficacité d'un traitement ne
recueillant aucune adhésion du patient
". On observera
toutefois, comme l'a souligné devant votre commission M. Alain Boulay,
président de l'Association d'aide aux parents d'enfants victimes, que ce
consentement risquera, dans certaines hypothèses, d'être davantage
arraché que recueilli, les contraintes du suivi d'un traitement se
révélant sans commune mesure avec un emprisonnement pouvant
atteindre cinq années.
3. Modalités d'exécution de la mesure de suivi socio-judiciaire
Ces modalités sont fixées par l'article 5
du projet de loi qui insère à cette fin des articles 763-1
à 763-11 au sein du code de procédure pénale.
Le contrôle de la mesure de suivi socio-judiciaire sera de la
responsabilité du juge de l'application des peines (JAP) qui pourra
désigner le comité de probation et d'assistance aux
libérés pour veiller au respect des obligations imposées
au condamné.
Le condamné devra justifier auprès du JAP de l'accomplissement de
ses obligations.
Le futur article 763-5 du code de procédure pénale
confère au JAP la faculté de modifier ou de compléter les
mesures prises dans le cadre du suivi socio-judiciaire, après audition
du condamné et avis du procureur de la République. Comme le
précise l'exposé des motifs, "
il pourra notamment
prononcer une injonction de soins lorsque celle-ci n'aura pas été
initialement décidée par la juridiction de jugement, par exemple
parce qu'au moment du jugement, les conclusions de l'expertise médicale
indiqueraient que le condamné n'était pas accessible à un
traitement, si entre-temps, l'évolution de la personnalité du
condamné, constatée par une nouvelle expertise, permet un tel
traitement
". La décision du JAP pourra être soumise au
tribunal correctionnel par le condamné ou le ministère public.
Lorsque le condamné devra suivre des soins à la suite d'une peine
privative de liberté, le JAP pourra ordonner l'expertise médicale
de l'intéressé avant sa libération. Cette expertise sera
obligatoire lorsque la condamnation aura été prononcée
plus de deux ans auparavant. On observera à cet égard que
les
soins prévus dans le cadre du suivi socio-judiciaire seront
dispensés après la libération
, l'exposé des
motifs n'estimant "
pas possible, pour des raisons d'éthique
médicale, d'imposer un traitement à une personne
détenue
". Néanmoins, afin d'inciter un détenu
à recourir à un traitement, il est prévu :
- d'une part, que toute personne condamnée à un suivi
socio-judiciaire comprenant une injonction de soins et qui doit subir une peine
privative de liberté exécutera celle-ci dans un
établissement pénitentiaire permettant d'assurer un suivi
médical et psychologique adapté ;
- d'autre part, que l'intéressé sera informé de sa
possibilité de commencer un traitement en prison par le président
de la juridiction de jugement (futur article 131-36-2 du code
pénal) ainsi que par le JAP, au début de l'exécution de sa
peine puis, en cas de refus, au moins une fois tous les six mois (futur
article 763-9 du code de procédure pénale).
En cas d'inobservation des obligations du suivi socio-judiciaire, la condition
potestative ci-dessus évoquée est remplie. Le JAP peut alors
(sans que cela soit pour lui une obligation) ordonner la mise à
exécution de tout ou partie de la peine initialement fixée par la
juridiction de jugement. Cette décision, prise en chambre du conseil
à l'issue d'un débat contradictoire, peut faire l'objet d'un
appel devant la chambre des appels correctionnels.
Le projet de loi prévoit par ailleurs l'intervention d'un
"
médecin coordonnateur
", désigné par le
JAP, en cas de suivi socio-judiciaire comprenant une injonction de soins. Il
sera chargé :
- d'inviter le condamné à choisir un médecin traitant, ce
choix étant soumis à l'accord du médecin
coordonnateur ;
- de conseiller le médecin traitant s'il en fait la demande ;
- de transmettre au JAP les éléments nécessaires au
contrôle de l'injonction de soins ;
- d'informer le condamné dont le suivi socio-judiciaire est
arrivé à son terme de la possibilité de poursuivre son
traitement.
4. L'évaluation du nombre de peines de suivi socio-judiciaire
Bien que portant sur le dispositif de suivi
médico-social proposé par le précédent garde des
Sceaux, l'étude d'impact peut servir de référence pour
évaluer le nombre de personnes susceptibles de faire l'objet d'un suivi
socio-judiciaire.
Le calcul est effectué en tenant compte de la nature des infractions et
des peines prononcées : le taux de recours à la peine
complémentaire varie entre 70 %, pour les crimes assortis d'une
peine de réclusion ou d'emprisonnement ferme, et 25 % pour les
outrages publics à la pudeur sanctionnés d'une peine d'amende.
Ainsi, "
au regard des 7 507 condamnations pour atteintes aux
moeurs
prononcées en 1994, le nombre de suivis socio-judiciaires
prononcés s'établirait à 3.445
"
,
soit
46 %. L'étude d'impact précise que "
cette
prévision correspond en termes de taux de recours à la mesure
à la fourchette haute de l'estimation faite par les médecins
vis-à-vis de ces délinquants : ils estiment qu'entre
25 % et 50 % de ceux-ci devraient faire l'objet d'un suivi médical.
Toutefois, la pression de l'opinion publique est susceptible de conduire les
tribunaux à recourir dans une proportion plus large à cette
mesure
". Elle ajoute que, dans ces conditions, le taux de près
de 50 % paraît constituer une "
hypothèse
vraisemblable
".
Compte tenu de divers paramètres (et notamment de la durée
variable du suivi socio-judiciaire, dont le condamné peut d'ailleurs
être relevé) on peut "
retenir au terme d'une
période de dix ans l'hypothèse d'une fourchette de 11.000
à 16.000 mesures en cours d'exécution
".
On observera que l'accompagnement du suivi socio-judiciaire nécessitera
un renforcement des effectifs des CPAL. Selon l'étude d'impact, ce
besoin s'élèverait à 107 travailleurs sociaux
supplémentaires au terme de douze années.
B. UN RENFORCEMENT DE LA RÉPRESSION DES ATTEINTES SUR LES MINEURS
1. De nouvelles incriminations
a) L'interdiction de mettre certains documents à la disposition des mineurs
Un chapitre spécifique, comprenant les articles 22
à 29 du projet de loi, interdit "
de mettre à la
disposition des mineurs certains documents pornographiques ou pouvant porter
gravement atteinte à la dignité de la personne humaine
".
Ces nouvelles dispositions ont pour objet de combler une lacune du droit
actuel, seules les publications sur support papier pouvant, par
arrêté du ministre de l'intérieur, être visées
par une mesure d'interdiction de vente aux mineurs (en vertu d'une loi du
16 juillet 1949). Or, comme le souligne l'exposé des motifs,
"
il n'existe aucun dispositif analogue en ce qui concerne les
vidéogrammes (vidéocassettes enregistrées sur support
magnétique, vidéodisques enregistrés sur support
électronique) et les programmes informatiques (notamment ceux des jeux
vidéos)
".
L'article 22 du projet permet donc à l'autorité
administrative d'interdire l'offre, la cession ou la location ainsi que la
publicité (celle-ci demeurant cependant possible dans les lieux dont
l'accès est interdit aux mineurs) d'un tel document, par
arrêté motivé eu égard au danger qu'il
présente pour la jeunesse en raison de son caractère
pornographique ou de la place faite au crime, à la violence, au racisme
ou à l'incitation à l'usage, à la détention ou au
trafic de stupéfiants.
L'article 23 institue une commission chargée de donner un avis sur
les mesures d'interdiction envisagées. Elle sera présidée
par un membre du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.
Un an d'emprisonnement et 100.000 F d'amende sont encourus en cas de
méconnaissance d'une interdiction. Les peines sont portées
à deux ans d'emprisonnement et 200.000 F d'amende en cas de
manoeuvres frauduleuses. La responsabilité pénale des personnes
morales pourra être mise en cause.
b) La création d'un délit spécial de " bizutage "
L'article 10 du projet de loi insère au sein du
code pénal des articles 225-16-1 et 225-16-2 afin de punir de six mois
d'emprisonnement et 50.000 F d'amende (ou un an et 100.000 F si la
victime est une personne vulnérable) le fait, "
pour une
personne
", et "
hors les cas de violences, de
menaces ou
d'atteintes sexuelles
", "
de faire subir à une autre
personne (...) des actes ou des comportements contraires à la
dignité de la personne humaine lors de manifestations ou de
réunions liées aux milieux scolaire, éducatif, sportif ou
associatif
".
On observera que ce nouveau délit, s'il peut effectivement s'appliquer
à des actes commis sur des mineurs, concernera en pratique plus souvent
des comportements commis à l'égard de jeunes majeurs.
Par ailleurs, afin de viser notamment les associations d'anciens
élèves, l'Assemblée nationale a souhaité
prévoir la responsabilité pénale des personnes morales
pour bizutage.
2. Elargir les possibilités de poursuivre les auteurs d'infractions sexuelles
a) La prescription
Les articles 18
bis
et 18
ter
du projet de
loi apportent une double modification au régime de la prescription de
certains crimes et délits commis contre les mineurs :
- tout d'abord, le délai de prescription pour certaines infractions
(tortures, violences, viols de mineurs) ne commencerait à courir, quel
qu'en soit l'auteur, qu'à compter de la majorité de la victime.
En l'état actuel du droit, ce point de départ spécifique
ne joue que lorsque l'auteur de l'infraction a autorité sur le mineur
(mais alors tous les crimes et tous les délits sont concernés).
On pourrait résumer cette modification en observant que le régime
spécifique de la prescription de l'action publique pour des crimes ou
délits contre des mineurs, aujourd'hui spécial
in personam
et général
in rem
, deviendrait général
in
personam
et spécial
in rem
;
- en second lieu, le délai de prescription de l'action publique est
porté de trois à dix ans en cas d'agression sexuelle.
b) Le " tourisme sexuel "
L'article 14 du projet rend la loi française
applicable à toute atteinte sexuelle contre un mineur ainsi qu'à
la corruption et à la diffusion de l'image pornographique d'un mineur
lorsque ces infractions sont commises à l'étranger par un
français ou une personne résidant habituellement sur le
territoire français.
Ces comportements pourront ainsi, par dérogation à
l'article 113-6 du code pénal, être sanctionnés quand
bien même ils ne seraient pas incriminés par la législation
du pays où ils auront été commis.
c) La responsabilité pénale des personnes morales
L'article 15 du projet prévoit la
possibilité de mettre en jeu la responsabilité pénale des
personnes morales pour certaines infractions : provocation d'un mineur
à l'usage ou au trafic de stupéfiants, à l'alcoolisme,
à la mendicité ou à commettre habituellement des crimes ou
des délits, diffusion de l'image pornographique d'un mineur, diffusion
d'un message violent ou pornographique susceptible d'être perçu
par un mineur et atteinte sexuelle sans contrainte mais avec circonstance
aggravante (notamment lorsqu'elle s'accompagne du versement d'une
rémunération).
On observera par ailleurs, que l'article 17 prévoit (comme le
faisait le projet déposé par M. Toubon) la
responsabilité pénale des personnes morales pour association de
malfaiteurs, qui ne paraît pas avoir de lien direct avec les atteintes
sur les mineurs.
d) La levée du secret professionnel pour la dénonciation des atteintes sexuelles
L'article 11 étend le champ d'application de l'article 226-14 en précisant que la levée du secret professionnel ou la dénonciation de sévices ou de privations infligés à un mineur de quinze ans concerne aussi les cas d'atteintes sexuelles.
3. Une aggravation des peines
a) Une nouvelle peine complémentaire : l'interdiction d'exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs
Comme le faisait le projet de loi déposé par
M. Jacques Toubon, le texte soumis à notre examen propose la
création d'une nouvelle peine complémentaire :
l'interdiction d'exercer (soit à titre définitif, soit pour dix
ans au plus) une activité professionnelle ou bénévole
impliquant un contact habituel avec des mineurs. Cette interdiction va donc
bien au-delà de l'interdiction d'exercer l'activité
professionnelle ou sociale dans l'exercice de laquelle ou a l'occasion de
l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. Elle pourrait
en effet s'appliquer quelles que soient les circonstances de la commission des
faits, même si celles-ci sont sans rapport avec l'exercice de
l'activité en question.
Cette peine pourrait être prononcée à l'encontre des
personnes condamnées pour violences, agression sexuelle ou trafic de
stupéfiants (article 8) ou pour atteinte aux mineurs et à la
famille (article 16).
b) De nouvelles circonstances aggravantes
L'article 12 du projet érige en circonstances
aggravantes de certaines infractions (provocation d'un mineur à l'usage
ou au trafic de stupéfiants, à l'alcoolisme, corruption de mineur
...) :
- le fait qu'elles soient commises à l'intérieur d'un
établissement scolaire ;
- la fait qu'elles soient commises aux abords immédiats d'un tel
établissement, à l'occasion des entrées et des sorties des
élèves.
De même, afin de réprimer plus sévèrement
l'utilisation des réseaux informatiques (et notamment du Minitel et
d'Internet) à des fins pédophiles, l'article 9, comme le
prévoyait le précédent projet de loi, érige en
circonstance aggravante du proxénétisme, de la corruption de
mineur, des atteintes sexuelles sur mineur et de la diffusion d'une image
pornographique de mineur le fait que l'auteur de l'infraction ait recouru
à un réseau de télécommunications pour commettre
l'infraction.
c) L'aggravation de la peine encourue pour atteinte sexuelle sans violence sur un mineur
Reprenant une disposition du projet de M. Toubon,
l'article 13 porte de deux à cinq ans d'emprisonnement et de
200.000 à 500.000 F d'amende les peines encourues en cas
d'exercice, par un majeur, d'atteinte sexuelle sans violence ni contrainte sur
la personne d'un mineur.
Ce faisant, il revient aux sanctions prévues par l'ancien code
pénal et que votre commission des Lois avait souhaité conserver
lors de la discussion du nouveau code.
4. La création d'un fichier national de délinquants sexuels
L'Assemblée national a inséré un
article 5A prévoyant la création d'un fichier national
"
destiné à centraliser les prélèvements de
traces génétiques ainsi que les traces et empreintes
génétiques des personnes condamnées pour crime ou
délit sexuel
".
Le texte adopté précise que ce fichier a pour objet de faciliter
l'identification et la recherche des auteurs d'infractions sexuelles.
Le dispositif ainsi proposé s'inspire donc directement de celui
prévu par le décret du 8 avril 1987, relatif au fichier
automatisé des empreintes digitales.
Le décret d'application sera pris en Conseil d'Etat après avis de
la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
C. DES MODIFICATIONS DE LA PROCÉDURE APPLICABLE AUX INFRACTIONS CONTRE LES MINEURS : VERS UN STATUT DU " MINEUR VICTIME "
1. Les droits du mineur victime
a) La possibilité de désigner un administrateur ad hoc
Reprenant la substance d'une disposition contenue dans le
projet de loi déposé par le précédent Gouvernement,
l'article 19 insère dans le code de procédure pénale
un article 706-51 imposant au juge d'instruction ou à la
juridiction de jugement, saisi de faits commis volontairement contre un mineur,
de désigner un administrateur
ad hoc
pour exercer, au nom de ce
dernier, les droits de la partie civile lorsque la protection de ses
intérêts n'est pas assurée par ses représentants
légaux.
Cette disposition va donc bien au-delà de l'actuel article 87-1 du code
de procédure pénale, ci-dessus présenté, lequel ne
fait pas de la désignation de l'administrateur
ad hoc
une
règle impérative et ne la prévoit qu'en cas d'infraction
commise par le titulaire de l'autorité parentale lui-même.
b) La possibilité d'enregistrer l'audition du mineur victime
Afin d'éviter le traumatisme lié à la multiplication des dépositions par une personne psychologiquement fragile et qui, par hypothèse, a vécu des moments atroces qu'elle souhaiterait ardemment chasser de sa mémoire, l'article 19 insère dans le code de procédure pénale un article 706-53 permettant au procureur de la République ou au juge d'instruction d'autoriser l'enregistrement audiovisuel de l'audition d'un mineur au cours de l'information lorsque celui-ci aura été victime d'une infraction sexuelle.
c) L'encadrement des auditions et confrontations d'un mineur victime d'une infraction sexuelle
Le futur article 706-52 du code de procédure
pénale précise que les auditions et confrontations des mineurs
victimes d'une atteinte sexuelle doivent être strictement
nécessaires à la manifestation de la vérité.
Par ailleurs, comme le proposait le premier projet de loi, le futur
article 706-54 permet, avec l'autorisation du procureur de la
République ou du juge d'instruction, que les auditions ou confrontations
soient réalisées en présence d'un psychologue, d'un membre
de la famille du mineur ou de l'administrateur
ad hoc
.
2. Un recours accru à l'expertise médicale
Comme le prévoyait le texte déposé par
M. Toubon, le projet de loi impose, avant tout jugement sur le fond,
l'expertise médicale de toute personne poursuivie :
- pour meurtre ou assassinat d'un mineur de quinze ans
précédé ou accompagné de viols ou d'actes de
barbarie ;
- pour agression sexuelle (on observera sur ce point que le projet de loi
n'exige pas que la victime soit mineure) ;
- pour corruption de mineur ou diffusion de l'image pornographique d'un mineur
ou d'un message pornographique susceptible d'être perçu par un
mineur ;
- pour atteinte sexuelle sans contrainte sur un mineur.
Par ailleurs, à la différence du projet de M. Toubon,
silencieux sur ce point, le texte présentement soumis à notre
examen pose en principe l'obligation d'une expertise
médico-psychologique des mineurs victimes d'une telle infraction, aux
fins d'apprécier la nature et l'importance du préjudice subi. Le
juge d'instruction pourra toutefois décider qu'il n'y a pas lieu de
prescrire cette expertise (futur article 706-49 du code de
procédure pénale).
3. L'information du juge des enfants
Le futur article 706-50 du code de procédure
pénale impose au procureur de la République ou au juge
d'instruction d'informer sans délai le juge des enfants de l'existence
d'une procédure concernant un mineur victime d'une infraction sexuelle
dès lors qu'une procédure d'assistance éducative a
été ouverte à l'égard de ce dernier.
L'Assemblée nationale a ajouté que si le mineur ne faisait pas
l'objet d'une telle procédure, le Procureur de la République
appréciait l'opportunité d'en requérir l'ouverture de la
part du juge des enfants.
4. La motivation de certaines décisions de classement sans suite
A l'initiative de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a inséré un article 18 quinquies imposant la motivation de l'avis de classement sans suite lorsque la plainte a pour objet un viol, une agression sexuelle ou une atteinte sexuelle contre un mineur.
5. La prise en charge par l'assurance maladie des soins dispensés aux mineurs de quinze ans victimes d'atteintes sexuelles
Reprenant la substance d'une disposition du projet de loi de M. Toubon, l'article 21 complète l'article L. 322-3 du code de la sécurité sociale afin de prévoir que l'assurance maladie pourra prendre en charge jusqu'à la totalité des frais entraînés par les soins consécutifs aux sévices sexuels subis par les mineurs de quinze ans.
D. LA SORTIE D'UN HÔPITAL PSYCHIATRIQUE DES AUTEURS D'INFRACTIONS DÉCLARÉS PÉNALEMENT IRRESPONSABLES
A l'initiative de sa commission des Lois et de plusieurs
députés (MM. Pierre Mazeaud, Jean-Luc Warsmann et Philippe
Douste-Blazy), l'Assemblée nationale a inséré, avec
l'accord du Gouvernement, un article 32
bis
modifiant la
procédure applicable pour mettre fin à l'hospitalisation d'office
intervenue après une décision de non-lieu, de relaxe ou
d'acquittement prononcée sur le fondement de l'article 122-1 du code
pénal (c'est-à-dire en raison d'un trouble psychique ou
neuropsychique ayant aboli le contrôle des actes ou le discernement de la
personne au moment des faits).
En l'état actuel du droit, la sortie de l'hôpital est
subordonnée aux décisions conformes de deux psychiatres
n'appartenant pas à l'établissement, qui doivent résulter
de deux examens séparés et concordants.
L'Assemblée nationale a substitué à cette double expertise
l'avis conforme d'une commission composée de deux médecins dont
un psychiatre n'appartenant pas à l'établissement et d'un
magistrat désigné par le premier président de la cour
d'appel.
III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS
La plupart des personnes entendues par votre commission et
votre rapporteur, si elles ont approuvé le projet de loi dans son
principe, se sont inquiétées des moyens de son application
effective.
Ce souci est également celui de votre commission qui regrette que Mme le
Garde des Sceaux, qui a pris l'engagement louable de ne jamais engager de
réforme sans s'assurer au préalable des moyens nécessaires
à son application, n'ait pas fait réaliser d'étude
d'impact complète sur les conséquences budgétaires du
projet de loi, se contentant de reprendre l'étude réalisée
dans la perspective du premier projet et qui ne portait que sur le coût
pour le ministère de la justice.
A cet égard, on observera que le coût budgétaire pour le
ministère de la santé sera considérable. En effet, une
première estimation a conduit celui-ci à évaluer :
- à 35,6 MF le coût annuel du suivi thérapeutique en milieu
libre à compter de l'an 2000 (coût estimé sur la base de 6
200 personnes suivies) ;
- entre 42,75 et 56,43 MF le coût sur trois ans de la prise en charge par
l'assurance maladie des victimes d'abus sexuels (coût estimé sur
la base de 15 000 bénéficiaires sur les trois
années) ;
- à 21 MF le coût annuel du recours aux médecins
coordonnateurs à compter de l'an 2002 (coût estimé sur la
base de 12 000 condamnés à suivre).
Il convient d'y ajouter le coût de formation de 10 000 médecins
qui (à raison de trois jours de session par an pour des groupes de 20
personnes, au coût moyen de 3 000 F la journée)
représenterait plus de 100 MF sur cinq ans.
Or, la charge pour le ministère de la justice sera déjà
lourde :
- 80 travailleurs sociaux supplémentaires d'ici 2002 (soit 14,4 MF de
rémunération) et 107 d'ici 2008 au titre de l'augmentation de la
population prise en charge par les CPAL ;
- 5 à 10 MF par an pour le financement de l'expertise psychiatrique
avant le jugement des délinquants sexuels ;
- 0,8 MF par an pour l'expertise psychiatrique préalable à la
libération d'une personne ayant exécuté une peine de
prison ;
- 2,6 MF par an pour les expertises réalisées au cours de
l'exécution du suivi socio-judiciaire et lors de la présentation
d'une demande de relèvement.
S'ajouteront à ces frais ceux, non déterminés,
générés par l'assistance du mineur par un psychologue et
par un administrateur
ad hoc
Votre commission a pris note de l'engagement du Gouvernement,
réitéré par Mme le Garde des Sceaux lors de son audition,
de consacrer les moyens nécessaires à cette réforme. Dans
le souci de ne pas accroître le coût global de celle-ci, elle vous
proposera des amendements tendant à le réduire (suppression d'une
double expertise, allégement des charges des JAP...). Ces amendements
permettront de réaliser de substantielles économies.
A. RENFORCER L'EFFICACITÉ DU SUIVI SOCIO-JUDICIAIRE
1. Allonger la durée du suivi socio-judiciaire
Plusieurs personnes auditionnées ont
dénoncé le caractère arbitraire de la durée
prévue pour le suivi socio-judiciaire (cinq ans maximum en cas de
délit, dix ans en cas de crime) :
- d'abord, une telle durée peut se révéler trop courte,
d'autant plus que les médecins s'accordent pour affirmer que les soins
n'ont pas d'effet curatif mais seulement symptomatique : le délinquant
peut redevenir aussi dangereux qu'avant dès qu'il cesse le traitement ;
- en second lieu, il est paradoxal que la durée de la peine la moins
contraignante (le suivi socio-judiciaire) soit inférieure à celle
de la peine la plus lourde (la prison). Ainsi, l'auteur d'un crime pourrait
être condamné à trente ans de réclusion ou à
perpétuité, mais ne serait pas tenu à être suivi
plus de dix années.
Le paradoxe est peut-être encore plus patent pour les délits
puisque le suivi socio-judiciaire peut se substituer à la prison :
imagine-t-on à la limite que la juridiction remplace dix ans de prison
par cinq ans de suivi socio-judiciaire ?
Inversement, il paraît difficilement concevable qu'une personne puisse
être suivie toute sa vie par un médecin traitant, en relation avec
un médecin coordonnateur et sous le contrôle du juge de
l'application des peines.
C'est pourquoi, il semble souhaitable d'augmenter sensiblement la durée
maximale du suivi socio-judiciaire sans pour autant que celui-ci puisse
être illimité.
Votre commission vous propose donc un amendement tendant à ce que la
durée de la peine de suivi socio-judiciaire puisse être au plus
égale à dix ans en cas de délit ou à vingt ans en
cas de crime.
2. Assurer l'effectivité du suivi socio-judiciaire
a) Aggraver les peines prévues en cas d'inobservation du suivi socio-judiciaire
Afin de mieux assurer l'effectivité du suivi
socio-judiciaire, votre commission vous propose d'aggraver le maximum de la
peine encourue pour inobservation du suivi socio-judiciaire lorsque la personne
assujettie a été condamnée pour délit.
Il lui semble en effet qu'une durée maximale de deux ans risque, dans
certaines hypothèses, de se révéler insuffisante et ce
d'autant plus que deux juridictions pourraient décider de la
réduire :
- la juridiction de condamnation tout d'abord, pour laquelle cette peine ne
constitue qu'un maximum, conformément aux principes
généraux du nouveau code pénal ;
- le juge de l'application des peines en second lieu, qui peut décider
de ne mettre à exécution qu'une partie de la peine fixée
par la juridiction.
Dans ces conditions, le condamné au suivi socio-judiciaire pourrait
préférer encourir le risque d'une peine de prison plutôt
que respecter ses obligations pour une durée qui lui paraîtrait
trop longue (surtout si était retenue la proposition de votre commission
tendant à allonger la durée du suivi socio-judiciaire). Ainsi un
délinquant condamné à dix ans de suivi
socio-judiciaire pourrait préférer prendre le risque de subir
deux ans (au pire) de prison plutôt que d'être soumis à
des obligations certes moins contraignantes que la privation de liberté
mais d'une durée cinq fois plus longue.
Certes, on peut légitimement escompter qu'un tel choix sera
exceptionnel. Néanmoins, pour éviter autant que possible qu'un
calcul " coût-avantages " ne conduise le délinquant
sexuel à retenir la plus mauvaise solution pour la
société, votre commission vous propose de porter à cinq
ans le maximum de l'emprisonnement prévu en cas d'inobservation du suivi
socio-judiciaire sans plus distinguer selon que le condamné l'a
été pour un crime ou un délit.
b) Remettre à exécution l'emprisonnement prévu en cas de nouveau manquement aux obligations du suivi socio-judiciaire
Même s'il précise que le suivi socio-judiciaire
est suspendu par toute détention intervenue au cours de son
exécution (ce qui paraît sous-entendre que même un
emprisonnement pour inobservation du suivi socio-judiciaire ne dispense pas le
condamné d'accomplir ses obligations à sa sortie de prison), le
projet de loi n'indique pas expressément que, sauf relèvement, le
suivi socio-judiciaire doit être exécuté dans sa
totalité.
Or, votre commission estime nécessaire d'éviter que le
condamné soit dégagé de ses obligations au seul motif
qu'il aurait exécuté au moins en partie l'emprisonnement
prévu par la juridiction de jugement.
Aussi vous propose-t-elle un amendement précisant que le juge de
l'application des peines peut de nouveau mettre à exécution la
peine d'emprisonnement en cas de nouveau manquement aux obligations du suivi,
à condition toutefois que la durée totale des
incarcérations ainsi subies n'excède pas le maximum de celle
fixée par la juridiction de jugement.
3. Inciter davantage le condamné à suivre un traitement en prison
Si un large consensus paraît s'être
dégagé pour considérer qu'un condamné ne saurait
être astreint à suivre un traitement en prison, l'ensemble des
personnes entendues par votre commission et votre rapporteur ont estimé
souhaitable de tout mettre en oeuvre pour inciter un condamné à
se soigner dès son incarcération.
Diverses propositions ont d'ailleurs été émises pour aller
au-delà du simple rappel par le juge de l'application des peines, tous
les six mois, de la faculté pour le condamné de suivre un
traitement. C'est ainsi que le Barreau de Paris a suggéré
d'exclure du bénéfice de la libération conditionnelle les
auteurs d'infractions sexuelles qui refuseraient de se soigner en prison.
Votre commission considère également indispensable d'inciter au
suivi d'un traitement lors de l'exécution de la peine privative de
liberté. Il lui paraît toutefois souhaitable d'éviter une
solution trop rigide, qui priverait en toute hypothèse le juge de
l'application des peines de son pouvoir d'appréciation.
Aussi vous propose-t-elle de poser en principe que les personnes
condamnées à un suivi socio-judiciaire comprenant une injonction
de soins et qui refusent un traitement pendant leur incarcération ne
pourront bénéficier des réductions de peine
supplémentaires de l'article 721-1 du code de procédure
pénale.
Néanmoins, afin de conférer une certaine souplesse à ce
dispositif, notamment pour tenir compte du fait que le suivi d'un traitement
médical en prison peut ne pas être nécessaire, il vous est
proposé de permettre au juge de l'application des peines, sur avis
conforme de la commission de l'application des peines (au sein de laquelle
siège le psychiatre), d'accorder le bénéfice des
réductions de peines supplémentaires nonobstant l'absence de
soins.
Il convient de préciser que le fait pour un condamné d'accepter
d'être soigné en prison ne saurait
ipso jure
le conduire
à bénéficier des réductions de peine. Si le refus
de soins lui interdira de prétendre à ce bénéfice,
leur acceptation ne sera qu'un élément parmi d'autres pour
l'appréciation par le juge de l'application des peines des
"
efforts sérieux de réadaptation sociale
" que
doit manifester le condamné pour obtenir des réductions de peine
supplémentaires.
B. ASSURER UNE MEILLEURE RÉPRESSION DES INFRACTIONS SEXUELLES ET DES ATTEINTES AUX MINEURS
Votre commission vous propose plusieurs amendements, touchant soit au droit pénal de fond soit à la procédure pénale, afin d'assurer, dans le respect des droits fondamentaux de la personne, une meilleure répression des infractions sexuelles et des atteintes aux mineurs.
1. Les réductions de peine en cas de récidive
Plusieurs personnes entendues par votre commission ou votre
rapporteur ont fait part de leur scepticisme sur l'opportunité
d'accorder des réductions de peine aux auteurs d'infractions sexuelles.
Certaines ont même proposé de les supprimer tout au moins pour les
récidivistes.
Comme précédemment, votre commission estime nécessaire de
distinguer entre les réductions de peine pour bonne conduite (article
721 du code de procédure pénale) et les réductions de
peines supplémentaires (article 721-1).
Il lui paraît en effet difficile de supprimer purement et simplement les
premières dont la perspective constitue un gage de bon comportement du
condamné en prison.
Il lui semble en revanche opportun d'agir sur les réductions
prévues par l'article 721-1 dont l'octroi est subordonné à
un comportement actif du condamné (à la différence des
réductions pour bonne conduite, accordées dès lors que
celui-ci ne commet pas d'infraction en prison). Il lui appartient en effet de
manifester "
des efforts sérieux de réadaptation
sociale
".
L'appréciation, forcément subjective, de ces efforts
sérieux doit se faire
in concreto
, en tenant compte notamment de
la dangerosité du condamné. Il n'y aurait donc rien d'anormal
à exiger, en cas de récidive, que l'opportunité d'accorder
des réductions de peine supplémentaire fût
appréciée plus sévèrement que lors de la
première incarcération.
Aussi votre commission vous propose-t-elle de poser le principe selon lequel
les récidivistes d'infractions sexuelles ne bénéficieront
plus des réductions de l'article 721-1, le JAP ne pouvant y
déroger que sur avis conforme de la commission de l'application des
peines.
2. Le problème des messages pornographiques ou pédophiles diffusés sur l'Internet
Votre commission est fort sensible au problème de la
diffusion des messages pornographiques ou pédophiles sur l'Internet.
Certes, elle constate que les articles 227-23 et 227-24 du code pénal
permettent de sanctionner les diffuseurs de tels messages. La création
d'une circonstance aggravante en cas d'utilisation d'un réseau de
télécommunications devrait d'ailleurs renforcer le
caractère dissuasif de ces dispositions, étant entendu qu'elle ne
saurait s'analyser comme une preuve de méfiance vis-à-vis d'un
procédé moderne. Loin de marquer le début d'un
harcèlement législatif, la répression des abus commis sur
l'Internet doit précisément faciliter son entrée dans les
moeurs en évitant de l'utiliser à des fins illicites, faute de
quoi le risque serait grand de voir jeter l'opprobre sur ce
procédé et de tenir la France à l'écart de la
modernité. C'est d'ailleurs dans le but de concilier ce souci de ne pas
jeter le discrédit sur ce procédé avec celui de
protéger les enfants contre les abus auxquels il pourrait donner lieu
que votre commission vous propose de limiter le champ de cette nouvelle
circonstance aggravante aux infractions commises sur des mineurs.
Mais, en amont de la diffusion, se pose la question de la responsabilité
pénale de l'offreur d'un site Internet à des fins pornographiques
ou pédophiles. En l'état actuel du droit, cette
responsabilité ne peut être mise en jeu que sur le fondement de la
complicité, ce qui suppose que soit apportée la preuve,
impossible en pratique, que l'offreur de site savait que son cocontractant
diffuserait de tels messages.
Votre commission n'a pas souhaité revenir sur ce dispositif dans le
cadre du présent projet de loi, Mme le Garde des Sceaux ayant
indiqué qu'une réflexion serait engagée par le
ministère chargé de la communication.
Elle a en revanche jugé nécessaire de prévoir un
mécanisme d'information de l'offreur de site permettant à
celui-ci d'avoir connaissance des activités de son cocontractant et donc
de mettre fin au contrat, sous peine de tomber sous le coup de la
complicité.
Ainsi, elle vous propose un dispositif s'inspirant directement de celui
prévu par la loi du 30 septembre 1986 relative à la
liberté de communication en cas d'infraction aux règles
d'émission en matière audiovisuelle. Il s'agit de confier
à des agents du Conseil supérieur de l'audiovisuel et
habilités à cet effet la possibilité de constater les
infractions aux articles 227-23 et 227-24 du code pénal. Cette
faculté concernerait notamment les infractions commises sur l'Internet,
service de communication audiovisuelle au sens de la loi de 1986. Une copie des
procès-verbaux constatant les infractions serait alors transmise, via le
procureur de la République (qui doit en être informé),
à l'offreur de site qui aurait alors connaissance du comportement
illicite de son cocontractant.
Ce dispositif serait inséré au sein de l'article 15 de la loi de
1986 qui confie au CSA le soin de veiller "
à la protection de
l'enfance et de l'adolescence dans la programmation des émissions
diffusées par un service de communication audiovisuelle
".
3. La procédure applicable à la répression des infractions sexuelles
a) Le fichier des empreintes génétiques
Votre commission approuve le principe de la création
d'un fichier national des empreintes génétiques des auteurs
d'infractions sexuelles étant bien précisé qu'il s'agira
d'un fichier de police judiciaire, destiné uniquement à
l'identification et à la recherche de ces délinquants.
Afin d'éviter toute autre utilisation, elle vous propose de
préciser que :
- ce fichier sera placé sous le contrôle d'un magistrat (qui
pourra par exemple être le procureur général près la
cour d'appel de Paris, comme il en est pour le fichier des empreintes
digitales, ou le procureur général près la Cour de
cassation) ;
- seules pourront accéder à ce fichier des personnes dûment
habilitées, sans préjudice du droit d'accès reconnu par la
loi " informatique et libertés " aux personnes
nominativement
désignées ;
- ce décret devra fixer une durée maximale de conservation des
informations enregistrées.
b) La prescription de l'action publique des infractions sur les mineurs
Ainsi qu'il a été indiqué
précédemment, le point de départ spécifique du
délai de prescription de l'action publique des infractions contre les
mineurs (à savoir l'âge de la majorité de la victime) ne
concernerait désormais que des infractions strictement
énumérées mais s'appliquerait quel que soit l'auteur,
quand bien même celui-ci n'aurait pas autorité sur le mineur.
Votre commission approuve le principe d'une telle modification qui vise
à cantonner le régime spécifique de la prescription
à des infractions relevant effectivement des mauvais traitements
à enfant (et exclut notamment les infractions commises involontairement).
Il lui paraît toutefois peu justifié de distinguer parmi les
crimes, qui sont par hypothèse les atteintes les plus graves.
Elle observe au surplus que le dispositif proposé par le projet de loi
conduirait en pratique à des situations pour le moins paradoxales.
Ainsi, en cas d'assassinat (ou de tentative) sur un enfant de sept ans, la
prescription serait acquise dix ans plus tard (l'assassinat, ou le meurtre,
n'étant pas visés par les règles spécifiques de
prescription). En revanche, une violence légère (article 222-13
du code pénal) commise sur le même enfant serait prescrite trois
ans après sa majorité, soit quatorze ans après les faits ;
pour l'atteinte sexuelle sans contrainte (dont le délai de prescription
est porté à dix ans) la prescription serait acquise vingt-et-un
ans après les faits.
Votre commission juge donc cohérent de prévoir que pour tous les
crimes (qui, comme les atteintes sexuelles, peuvent avoir un grave effet
traumatisant sur l'enfant) le délai de prescription de l'action publique
ne commencera à courir qu'à la majorité de la victime.
C. AMÉLIORER LA PROTECTION DU MINEUR VICTIME
1. La désignation de l'administrateur ad hoc
L'élargissement du recours à l'administrateur ad hoc a reçu une large adhésion de la part des personnes entendues par votre commission et votre rapporteur. Il a même été proposé d'aller plus loin en permettant de le désigner dès le stade de l'enquête et en élargissant ses missions.
a) La possibilité de désigner un administrateur ad hoc dès le stade de l'enquête
La désignation d'un administrateur
ad hoc
dès le stade de l'enquête préliminaire a notamment
été demandée par l'Association française des
magistrats de la jeunesse et de la famille.
De même, Mme Anne-Marie Vignaud, juge des enfants à Bordeaux, a
proposé d'insérer dans le code de procédure pénale
un article ainsi rédigé :
"
Dès le début de l'enquête ou de l'instruction et
jusqu'à la décision définitive, les actes concernant le
mineur victime de l'une des infractions mentionnées à l'article
706-48 seront réalisés en présence d'un titulaire de
l'autorité parentale sur la demande d'un des parents de l'enfant.
Si la protection des titulaires de l'autorité parentale apparaît
insuffisante, ou si les faits dénoncés visent une personne
titulaire, en tout ou partie, de l'exercice de l'autorité parentale, ces
actes seront réalisés en présence d'une personne
spécialement désignée (...).
Cette personne, tenue au secret professionnel, ne pourra être entendue
sur les faits de la procédure pénale
".
Votre commission partage cette préoccupation et vous propose donc de
préciser que le procureur de la République pourra désigner
un administrateur
ad hoc
dès le début de l'enquête
(cette précision paraît d'ailleurs conforme à l'esprit du
projet de loi puisque celui-ci évoque la possibilité d'entendre,
dès l'enquête, l'enfant en présence de l'administrateur
ad hoc
).
b) Elargir le rôle de l'administrateur ad hoc
Reprenant sur ce point le dispositif prévu actuellement
par l'article 87-1 du code de procédure pénale, le projet de loi
cantonne le rôle de l'administrateur
ad hoc
à l'exercice,
au nom de l'enfant, des droits reconnus à la partie civile.
Comme l'a notamment souligné Mme Vignaud, ce rôle devrait
être étendu à la protection des intérêts du
mineur dans leur ensemble, et en particulier sur le plan psychologique.
Tel est également le sentiment de votre commission qui vous propose donc
d'élargir à cette fin le rôle de l'administrateur ad hoc.
Celui-ci serait ainsi en mesure de faire véritablement fonction
d'accompagnateur de l'enfant tout au long de la procédure puisque, comme
le prévoit le futur article 706-54, il est appelé à
assister aux auditions et confrontations du mineur.
2. L'assistance du mineur victime par un avocat
Plusieurs personnes entendues par votre commission ou votre
rapporteur se sont déclarées partisans de ce que Mme Christiane
Berkani a appelé le parallélisme des formes entre le mineur
délinquant et le mineur victime, qui consisterait à
prévoir que, comme le premier, le second doit toujours être
assisté d'un avocat dans le cadre d'une procédure pénale
et ce, dès le début de l'enquête.
Désireuse de donner suite à ce sujet légitime, votre
commission vous propose donc de prévoir que l'enfant victime d'une
infraction sexuelle (puisque les dispositions de procédure du projet de
loi concernent cette hypothèse) sera toujours assisté d'un
avocat, dès le début de l'enquête. A défaut de choix
d'un avocat par le mineur ou son représentant légal, le procureur
de la République ou le juge d'instruction en fera désigner un
d'office par le bâtonnier, comme le prévoit l'ordonnance du
2 février 1945 pour le mineur poursuivi.
3. La levée des difficultés soulevées par l'enregistrement audiovisuel de la première déposition du mineur
Votre commission partage pleinement le souci de Mme le Garde
des Sceaux de limiter autant que faire se peut les confrontations ou auditions
des mineurs victimes d'infractions sexuelles. Comme l'a fait observer
M. Philippe Jeannin, procureur de la République à Meaux, cet
enregistrement pourra constituer l'unique audition du mineur, évitant
ainsi la multiplication d'entretiens pouvant être traumatisants, dans les
nombreux cas où l'auteur reconnaît les faits.
Toutefois, les personnes entendues lors de la journée d'auditions
publiques ont soulevé deux séries de difficultés
susceptibles de résulter de cet enregistrement.
a) Les droits des parties
Si l'enregistrement ne devrait pas soulever de
difficulté dans les affaires simples, il pourrait en aller tout
autrement dans les cas où la personne poursuivie nierait les faits,
comme l'a souligné M. le Président M. Jacques Larché. Dans
une telle hypothèse, il serait dangereux de considérer que
l'enregistrement permet de se passer de nouvelles auditions du mineur : pour
les droits de la défense tout d'abord car, en cas d'affabulation, la
déposition de l'enfant serait difficile à contester sans
confrontation (d'autant plus que, selon Mme Christiane Berkani, la France,
à la différence du Canada, ne dispose pas de psychiatres
formés à l'expertise de crédibilité des
enregistrements) ; pour l'enfant lui-même qui, impressionné lors
de sa première audition, peut se révéler incapable de
décrire les faits ou d'exprimer ses sentiments.
C'est pourquoi votre commission vous propose :
- d'une part, de préciser que la nécessité de l'audition
du mineur s'appréciera indépendamment de la réalisation
d'un enregistrement ; ainsi, le juge d'instruction saisi d'une demande
d'audition ou de confrontation ne saurait se fonder exclusivement sur
l'existence de l'enregistrement pour refuser d'y faire droit ;
- d'autre part, de limiter à la phase d'instruction la
possibilité de substituer la consultation de l'enregistrement à
une nouvelle audition. Conformément au principe de l'oralité des
débats, le mineur devrait donc déposer devant les magistrats et
les jurés de la cour d'assises.
Cet enregistrement donnera toutefois lieu à une transcription
écrite qui sera versée au dossier. Cette transcription rend,
semble-t-il, inutile l'exigence d'une copie de l'enregistrement que votre
commission vous propose donc de supprimer.
b) La confidentialité de l'enregistrement
Cette question a été soulevée par
plusieurs personnes entendues par votre commission, qui se sont pourtant
déclarées favorables au principe de l'enregistrement. Ainsi, pour
Mme Christiane Berkani, il convient de prendre garde à l'utilisation
susceptible d'être faite de cet enregistrement et en limiter
l'accès aux professionnels concernés pour empêcher tout
risque de diffusion à l'extérieur du tribunal. De même, M.
Yvon Tallec, qui a jugé utile d'étendre ce procédé
à l'ensemble des cas de maltraitance des mineurs, a toutefois
marqué une réserve à l'égard de l'impact des images
et souhaité voir préciser plusieurs points concernant notamment
l'utilisation et la consultation des copies et originaux.
Dans le souci d'assurer la plus grande confidentialité à ces
enregistrements, sur laquelle M. Alain Boulay, président de
l'Association d'aide aux parents d'enfants victimes, a également mis
l'accent, votre commission vous propose :
- de prévoir que seules certaines personnes, en l'occurrence les
parties, leurs avocats et les experts, pourront visionner les cassettes, et ce
en présence du juge d'instruction ou de son greffier. Votre rapporteur a
trouvé fort opportune la suggestion formulée par M. Yvon Tallec
consistant à exiger que ces cassettes ne soient visionnées que
dans le cabinet du juge d'instruction mais craint que, compte tenu de
l'insuffisance de moyens de la justice, une telle exigence ne puisse en
pratique être respectée faute d'équipement adéquat
au sein de chaque cabinet d'instruction ;
- de sanctionner d'un an d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende le fait de
diffuser l'enregistrement, ou la copie, de la déposition du mineur
étant précisé que cette sanction a pour objectif premier
la protection de la dignité de l'enfant lui-même. Elle pourra donc
être prononcée quel que soit le moment de la diffusion, que
celle-ci intervienne en cours de procédure (enquête, instruction,
procès) ou après le jugement ;
- de prévoir la destruction des enregistrements et copies à
l'issue d'un délai de cinq ans à compter de la date d'extinction
de l'action publique. La destruction au bout de quelques années avait
été notamment suggérée par le Dr Michel Lacour
qui, bien que favorable à l'enregistrement vidéoscopique, a mis
en garde contre le risque de le voir resurgir longtemps après, avec tout
ce que ceci pourrait avoir de traumatisant pour les victimes devenues adultes
depuis lors. Bien entendu, cette destruction ne saurait conduire à celle
de la transcription de l'enregistrement.
4. Le remboursement des soins dispensés aux mineurs victimes de sévices sexuels
Reprenant une proposition émise par les associations
d'aide aux victimes et à leur famille, et traduite dans un avis de la
commission des droits de l'homme, votre commission vous propose
d'étendre à tous les mineurs victimes d'abus sexuels (et non
seulement à ceux âgés de moins de quinze ans) la
possibilité de bénéficier d'un remboursement
intégral par l'assurance maladie de soins qui leur sont dispensés
à la suite de ces sévices.
En revanche, elle n'a pas souhaité, dans le cadre du présent
projet de loi, étendre ce remboursement à la famille de la
victime, les conséquences d'une telle extension lui paraissant
difficiles à évaluer, indépendamment même de toute
considération financière. Ainsi, dans le cas d'inceste, l'auteur
des faits bénéficierait de la prise en charge des soins. A cet
égard, votre commission croit utile de rappeler que, selon les
informations fournies par Mme Anne-Marie Vignaud, 80 à 90 % des
infractions sexuelles sur des mineurs sont le fait d'un proche de celui-ci.
D. VEILLER AU CARACTÈRE NÉCESSAIRE DES DISPOSITIONS PROPOSÉES
Comme l'écrivait Montesquieu, il ne faut pas faire de lois inutiles, elles affaiblissent les lois nécessaires. Votre commission des lois approuve cette maxime, qui ne doit pas rester un simple thème de colloque, et s'efforce de lutter en pratique contre l'inflation législative en veillant à la nécessité des dispositions soumises à son examen (et à leur précision, essentielle en matière pénale) et au respect du domaine du pouvoir réglementaire.
1. Le bizutage
Tout en approuvant la volonté des auteurs du projet de
loi de parvenir à une répression plus efficace de certains abus
préoccupants constatés au cours de séances de
" bizutage ", votre commission s'est interrogée sur la
nécessité de créer un nouveau délit
spécifique pour réprimer les formes répréhensibles
du bizutage.
Elle constate en effet que le code pénal comporte d'ores et
déjà de nombreuses infractions susceptibles d'être retenues
pour qualifier certaines pratiques déplorables de bizutage, parmi
lesquelles figurent notamment les violences, les agressions sexuelles, la mise
en danger d'autrui, l'administration de substances nuisibles...
En particulier, l'interprétation jurisprudentielle de la notion de
violences permet de sanctionner même celles qui, sans atteindre
matériellement la personne qui en est victime, sont de nature à
provoquer un choc émotif.
Il appartient en outre aux autorités compétente d'engager les
poursuites disciplinaires qui s'imposent à l'égard des auteurs de
faits répréhensibles de bizutage.
D'autre part, la notion de "
comportements portant atteinte à la
dignité de la personne humaine
" figurant dans la
définition proposée pour le délit de bizutage appellerait
une appréciation subjective de la part du juge faute d'être
clairement caractérisée, alors que le droit pénal est
d'interprétation stricte.
Un texte pénal aussi vague, d'ordre " comportemental ",
pourrait au surplus être dangereusement détourné de son
objet initial.
Son adoption ne saurait donc se justifier pour de seules raisons d'affichage ou
de pédagogie.
Aussi votre commission vous propose-t-elle de supprimer l'article 10 du
projet de loi, l'objectif recherché par cet article pouvant être
atteint par une application plus rigoureuse des sanctions pénales et
disciplinaires existantes.
2. Le harcèlement sexuel
Dans un souci d'harmonisation avec la rédaction retenue
par le code du travail pour sanctionner les agissements de harcèlement
sexuel, l'article 7 du projet de loi tend à compléter la
définition du délit de harcèlement sexuel figurant
à l'article 222-33 du code pénal en ajoutant à l'usage
d'ordres, de menaces ou de contraintes l'exercice de "
pressions de
toute nature
" par une personne abusant de sa position
d'autorité dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle.
Or, la notion de "
pressions de toute nature
" est
peu
précise et risque d'être difficile à caractériser.
C'est pourquoi votre commission vous propose d'en rester à la
définition actuelle du délit de harcèlement sexuel qui lui
paraît satisfaisante, étant entendu que les dispositions des
articles 225-1 et suivants du code pénal permettent par ailleurs de
sanctionner toute discrimination qui serait opérée à
l'encontre d'une personne en raison de son sexe.
3. Le respect du domaine réglementaire
Dans le même esprit, votre commission vous propose de supprimer des précisions, pour la plupart ajoutées par l'Assemblée nationale, qui lui paraissent relever du domaine réglementaire. A titre d'illustration de ces amendements, dont le détail sera présenté dans l'examen des articles, votre rapporteur citera les dispositions relatives aux modalités de désignation de l'administrateur ad hoc ou l'exigence d'une mise à jour régulière de la liste des médecins coordonnateurs.
*
* *
Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter le présent projet de loi.
EXAMEN DES ARTICLES
Intitulé du projet de loi
A la suite d'une intervention de notre excellent collègue Patrice Gélard, votre commission a adopté un amendement rétablissant l'intitulé du projet de loi dans sa rédaction initiale. Celui-ci est en effet relatif à la protection des mineurs d'une manière générale et non seulement à la protection des mineurs victimes, comme le démontre notamment l'existence de dispositions interdisant de céder à des mineurs certains documents pornographiques.
TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES AU SUIVI
SOCIO-JUDICIAIRE
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE
PÉNAL
Article premier
Suivi socio-judiciaire
Cet article a pour objet d'insérer au sein du nouveau
code pénal des articles 131-36-1 à 131-36-5 afin de permettre le
prononcé d'un suivi socio-judiciaire à l'égard des
personnes condamnées pour certaines infractions,
énumérées par la loi.
Bien que le projet de loi ne la qualifie pas expressément ainsi,
ce
suivi socio-judiciaire a la nature d'une peine complémentaire
:
- elle est ainsi qualifiée par l'exposé des motifs et par
l'étude d'impact ;
- la sous-section du code pénal consacrée à cette mesure
serait intégrée au sein de la section relative aux
"
peines applicables aux personnes physiques
" ;
- l'article 4 du projet de loi intègre parmi les peines
complémentaires les injonctions de soins ou obligations de faire, qui
correspondent manifestement aux mesures de suivi socio-judiciaire.
1) La peine de suivi socio-judiciaire proposée par le projet de
loi
Selon le texte proposé pour l'article 131-36-1 du code
pénal, le prononcé du suivi socio-judiciaire relèvera de
la juridiction de jugement. Sa durée ne pourra excéder cinq ans
en cas de condamnation pour délit et dix ans en cas de condamnation pour
crime.
La personne placée sous suivi socio-judiciaire sera soumise
automatiquement à des mesures de surveillance qui, selon
l'article 131-36-1, seront celles prévues à
l'article 132-44 du code pénal, applicable en cas de sursis avec
mise à l'épreuve.
Elle pourra également, sur décision expresse de la juridiction de
jugement ou du juge de l'application des peines, être soumise :
- à l'une des mesures prévues à l'article 132-45 du
code pénal, également applicable en cas de sursis avec mise
à l'épreuve ;
- à des obligations propres au suivi socio-judiciaire : s'abstenir
de paraître dans certains lieux, de fréquenter certaines personnes
ou d'exercer une activité professionnelle ou bénévole
impliquant un contact habituel avec des mineurs.
Le texte proposé pour l'article 131-36-2 précise que le
suivi socio-judiciaire peut comprendre une injonction de soins, bien que
l'obligation de se soumettre à des mesures d'examen médical, de
traitement ou de soins figure déjà parmi les mesures
prévues à l'article 132-45 du code pénal. Le tableau
ci-après retrace les mesures susceptibles d'être prononcées
ans le cadre d'un suivi socio-judiciaire.
Mesures
susceptibles
d'être prononcées dans le
cadre
|
||||||
Mesures auxquelles le condamné devra toujours se soumettre (prévues à l'article 132-44 du code pénal, relatif au sursis avec mise à l'épreuve) |
|
|||||
Obligations prévues par l'article 132-45 du code pénal, relatif au sursis avec mise à l'épreuve |
Obligations
propres
|
|||||
1° Répondre
aux convocations du juge de
l'application des peines ou de l'agent de
probation désigné ;
|
1°
Exercer
une activité professionnelle ou suivre
un enseignement ou une formation professionnelle ;
|
-
S'abstenir de
paraître en tout lieu ou toute
catégorie de lieux spécialement désigné ;
|
La décision de condamnation fixera également la
durée maximum de l'emprisonnement encouru par le condamné en cas
d'inobservation des obligations qui lui sont imposées. Cet
emprisonnement ne pourra excéder deux ans en cas de condamnation pour
délit et cinq ans en cas de condamnation pour crime. Mais il ne s'agira
en tout état de cause que d'un maximum, le juge de l'application des
peines disposant en quelque sorte d'un pouvoir d'appréciation de
l'opportunité de la mise à exécution : il pourra
n'ordonner qu'une partie de l'exécution de l'emprisonnement
prévu, voire ne pas ordonner du tout cette exécution nonobstant
la méconnaissance de ses obligations par le condamné.
Après le prononcé de la décision, le président de
la juridiction devra avertir le condamné des obligations qui en
résultent et des conséquences qu'entraînerait leur
inobservation. L'Association nationale des juges de l'application des peines
(ANJAP) a souhaité voir préciser que cet avertissement porterait
non seulement sur les obligations du suivi socio-judicaire mais
également sur les mesures de contrôle. Cette précision n'a
pas paru nécessaire à votre rapporteur qui considère que
le terme " obligations " a une acception générique et
vise donc l'ensemble des mesures auxquelles sera astreint le condamné
à un suivi socio-judiciaire (même s'il est vrai que, pour le
sursis avec mise à l'épreuve, le législateur a parfois
souhaité viser à la fois les mesures de contrôle et les
obligations, comme à l'article 740 du code de procédure
pénale).
Le texte proposé pour l'article 131-36-2 traite de l'injonction de
soins susceptible d'être prononcée dans le cadre d'un suivi
socio-judiciaire.
Il précise qu'une double expertise médicale doit,
préalablement au prononcé de cette injonction par la juridiction
de jugement, établir que l'intéressé est susceptible de
faire l'objet d'un traitement (la même condition est prévue par
l'article 5 du projet de loi pour le prononcé d'une injonction de
soins par le juge de l'application des peines).
Le président doit alors avertir le condamné
qu'aucun
traitement ne pourra être entrepris dans son consentement mais que s'il
refuse les soins qui lui seront proposés, la peine fixée par la
juridiction pour inobservation du suivi socio-judiciaire pourra être mise
à exécution
. Ainsi, selon l'exposé des motifs, le
condamné sera "
dans une situation similaire à celle de
la personne qui ne bénéficie d'une libération
conditionnelle avec obligation de soins que si elle y consent (mais qui reste
emprisonnée dans le cas contraire), ou d'une personne qui refuse des
soins imposés dans le cadre d'un sursis avec mise à
l'épreuve, et qui peut alors voir son sursis
révoqué
".
Enfin, le futur article 131-36-2 prévoit que, lorsque la personne
à l'égard de laquelle sera prononcée une injonction de
soins sera également condamnée à une peine privative de
liberté non assortie du sursis, le président l'informera de sa
possibilité de commencer un traitement pendant l'exécution de
cette peine. L'exposé des motifs considère en effet que des
"
raisons d'éthique
" interdisent d'imposer un
traitement à une personne détenue mais qu' "
il convient
de faciliter autant que possible un tel traitement et d'inciter le
condamné à y recourir
".
Il résulte du texte proposé pour l'article 131-36-3 que
la peine de suivi socio-judiciaire ne pourra être
exécutée en prison
, quelle que soit la cause de
l'incarcération. Ainsi, lorsque le suivi socio-judiciaire accompagnera
une peine privative de liberté sans sursis, il s'appliquera à
compter du jour où la privation de liberté aura pris fin ;
de même, il sera suspendu par toute détention intervenue au cours
de son exécution.
Il est en outre précisé que l'emprisonnement ordonné en
raison du non-respect des obligations résultant du suivi
socio-judiciaire se cumulera, sans possibilité de confusion, avec les
peines privatives de liberté prononcées pour des infractions
commises pendant l'exécution de la mesure.
Le futur article 131-36-4 interdit d'ordonner le suivi socio-judiciaire en
même temps qu'une peine d'emprisonnement assorti, en tout ou en partie,
du sursis avec mise à l'épreuve. La superposition de ces deux
mesures paraît en effet difficilement concevable, les obligations
susceptibles d'être prononcées dans le cadre d'un sursis avec mise
à l'épreuve étant d'ailleurs également susceptibles
d'être prononcées dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire.
A l'initiative de son rapporteur, Mme Frédérique Bredin,
l'Assemblée nationale a inséré un article 131-36-4-1
précisant que, en matière correctionnelle, le suivi
socio-judiciaire pourrait être prononcé comme peine principale.
Cette adjonction correspond à la nature de peine complémentaire
du suivi socio-judiciaire. En effet, l'article 131-11 du code pénal
dispose que "
lorsqu'un délit est puni d'une ou de plusieurs des
peines complémentaires mentionnées à
l'article 131-10, la juridiction peut ne prononcer que la peine
complémentaire ou l'une ou plusieurs des peines complémentaires
encourues à titre de peine principale
".
Enfin, le texte proposé pour l'article 131-36-5 se limite, dans un
souci de clarification, à énoncer les articles du code de
procédure pénale fixant les modalités d'exécution
du suivi socio-judiciaire.
2) Comparaison du suivi socio-judiciaire avec d'autres mesures
a) Suivi socio-judiciaire et sursis avec mise à l'épreuve
La peine de suivi socio-judiciaire présente de nombreuses analogies avec
le sursis avec mise à l'épreuve : prononcée par la
juridiction de jugement, l'exécution de ces deux peines est
placée sous le contrôle du juge de l'application des peines qui
peut modifier ou compléter les obligations qui en résultent. Ces
obligations sont d'ailleurs quasiment identiques, étant toutefois
précisé que l'interdiction d'exercer une activité
impliquant un contact habituel avec des mineurs, possible dans le cadre d'un
suivi socio-judiciaire, n'est pas prévue en cas de sursis avec mise
à l'épreuve.
Les deux mesures se distinguent toutefois quant aux conditions de leur
prononcé et quant à leurs conséquences :
- le prononcé du sursis avec mise à l'épreuve est, sur un
point, soumis à de plus strictes conditions que le suivi
socio-judiciaire : alors que ce dernier peut être prononcé
quelle que soit la peine privative de liberté (réclusion ou
emprisonnement) décidée par la juridiction (voire en l'absence de
peine privative de liberté) et quelle que soit sa durée, le
sursis avec mise à l'épreuve n'est applicable qu'aux
condamnations à l'emprisonnement prononcées pour une durée
de cinq ans au plus (article 132-41 du code pénal) ;
- le suivi socio-judiciaire est une peine spécifique, qui ne
s'appliquera qu'à certaines infractions, alors que le sursis avec mise
à l'épreuve peut s'appliquer à tout crime ou délit
de droit commun ;
- alors que, dans le cadre du sursis, le délai d'épreuve ne peut
être inférieur à dix-huit mois ni supérieur à
trois ans (article 132-42), le suivi socio-judiciaire peut durer
jusqu'à cinq ou dix ans suivant qu'il s'applique à l'auteur d'un
délit ou d'un crime ;
- enfin, la condamnation assortie du sursis avec mise à l'épreuve
est réputée non avenue lorsque le condamné n'a pas fait
l'objet d'une décision de révocation (article 132-52). Une
telle conséquence n'est pas prévue en cas de respect des
obligations résultant d'un suivi socio-judiciaire.
b) Suivi socio-judiciaire et libération conditionnelle
Comme la libération conditionnelle, l'exécution du suivi
socio-judiciaire s'effectuera en-dehors du milieu pénitentiaire et sous
le contrôle du juge de l'application des peines. Par ailleurs, les
obligations susceptibles d'être prononcées dans le cadre d'une
libération conditionnelle, prévues par les articles D532 et
suivants du code de procédure pénale, sont quasiment identiques
à celles susceptibles d'être prononcées dans le cadre d'un
suivi socio-judiciaire.
Les deux mesures procèdent cependant d'une philosophie
différente : alors que la libération conditionnelle
constitue un allégement des contraintes pesant sur le condamné,
le suivi socio-judiciaire s'appliquera lorsque celui-ci aura
exécuté sa peine de prison, lui imposant des obligations
auxquelles il n'est pas soumis en l'état actuel du droit.
Par ailleurs, le suivi socio-judiciaire étant prononcé par la
juridiction de jugement, le condamné disposera d'un
" échéancier " d'exécution de sa peine alors que
le moment de la libération conditionnelle (si elle est prononcée)
est imprévisible, celle-ci étant soumise à
l'appréciation du juge de l'application des peines dès lors que
les conditions pour en bénéficier sont remplies.
c) Suivi socio-judiciaire et autres peines complémentaires
L'originalité du suivi socio-judiciaire par rapport à d'autres
peines complémentaires, telles que l'interdiction de séjour,
l'affichage de la condamnation ou l'interdiction d'exercer une activité
professionnelle ou sociale, réside dans le fait que la peine
attachée à sa méconnaissance sera
prédéterminée par la juridiction de jugement, le juge de
l'application des peines pouvant toutefois la réduire. Dans les autres
hypothèses, la sanction de la méconnaissance de la peine
complémentaire est prononcée a posteriori, à la suite d'un
nouveau procès.
3) Les propositions de votre commission des Lois
Votre commission approuve dans son principe la création d'une peine
complémentaire de suivi socio-judiciaire, qui a d'ailleurs reçu
une large adhésion de la part des personnes entendues par votre
commission des Lois dans le cadre de sa journée d'auditions publiques du
15 octobre dernier. M. Pascal Faucher, Président de l'Association
nationale des juges de l'application des peines, a certes observé,
à juste titre, qu'un résultat analogue aurait pu être
obtenu par une modification du sursis avec mise à l'épreuve.
Néanmoins, comme l'a souligné Mme le Professeur Marie-Elisabeth
Cartier, la possibilité de prononcer une peine de réclusion
assortie, même partiellement, du sursis, paraîtrait quelque peu
surprenante.
Votre rapporteur a également pu constaté auprès du Conseil
National de l'Ordre des Médecins, du Comité d'Ethique et
d'organisations de psychiatres que le dispositif proposé ne soulevait
pas d'objection de principe.
On peut d'ailleurs se demander si, à terme, le suivi socio-judiciaire ne
pourrait être étendu à d'autres infractions. On rappellera
à cet égard que la commission présidée par Mme
Cartier l'avait préconisé, sous une autre appellation, comme
instrument de prévention des crimes en général.
Au cours des auditions auxquelles il a été procédé,
l'accent a notamment été mis sur :
- la dissociation entre l'injonction de soins et le suivi
socio-judiciaire : plusieurs personnes, et notamment les docteurs Lacour
et Balier, ont insisté sur la nécessité de ne pas
confondre le traitement et le suivi socio-judiciaire. Or, en liant obligation
de soins et suivi socio-judiciaire, la création d'une peine
médico-sociale aurait fait obstacle au suivi des personnes
déclarées inaptes à recevoir des soins. En revanche, le
suivi socio-judiciaire proposé par le présent projet de loi
pourrait s'appliquer indépendamment d'un traitement
médical ;
- l'exigence du consentement exprès du condamné à suivre
un traitement : si, dans le cadre du projet de M. Toubon, il
n'était pas question d'obliger une personne à recevoir
effectivement des soins, il n'était pas précisé que le
consentement devait être donné
ab initio
, devant la
juridiction. Le médecin-traitant aurait donc pu, en théorie, se
présenter devant une personne condamnée à un suivi
médical mais refusant de se faire soigner. Il lui aurait alors appartenu
de constater ce refus, ce qui, selon les psychiatres entendus par votre
rapporteur, l'aurait conduit
nolens volens
à s'ériger en
auxiliaire de justice et à sortir de son rôle de thérapeute.
Au-delà de cette approbation de principe, plusieurs observations ou
interrogations ont été soulevées concernant les
modalités même du recours au suivi socio-judiciaire, dont votre
commission s'est efforcée de tenir compte.
La première de ces interrogations a trait à l'incitation au suivi
d'un traitement médical dès l'exécution de la peine
privative de liberté. Sur ce point, votre commission vous proposera un
amendement tendant à insérer un article additionnel après
l'article 5 A.
Une autre observation a porté sur la durée du suivi
socio-judiciaire prévue par le projet de loi et que plusieurs personnes
ont qualifié d'arbitraire. Il sera en effet difficile pour la
juridiction de jugement, tout au moins en cas de peine privative de
liberté, de fixer par anticipation une durée précise.
Comment en effet apprécier si une personne aura besoin d'être,
cinq ou dix ans après, voire bien davantage, placée sous suivi
socio-judiciaire durant deux, trois ou cinq ans ? Face à une telle
situation, la juridiction pourra être amenée à prononcer la
durée la plus forte, quitte à ce que le juge de l'application des
peines en adoucisse les conditions ou en relève ultérieurement le
condamné.
Dans ces conditions, le maximum de cinq ans en cas de délit et de dix
ans en cas de crime pourrait se révéler insuffisant.
A cet égard, on observera que la juridiction pourrait prononcer à
titre de peine principale un emprisonnement de dix ans mais un suivi
socio-judiciaire de cinq ans seulement. Certes, on imagine mal que le suivi
socio-judiciaire se substitue en pratique à l'emprisonnement pour les
délits les plus graves. Néanmoins, d'une manière
générale, et en vertu du principe " qui peut le plus peut
le moins ", il est paradoxal qu'une juridiction ne puisse prononcer
une
peine moins contraignante que la prison pour une durée au moins
égale à la peine privative de liberté encourue.
Inversement, il est difficilement concevable qu'une personne puisse
indéfiniment être astreinte à un suivi, à être
surveillée par un juge de l'application des peines assisté, le
cas échéant, d'un médecin coordonnateur.
Aussi votre commission des Lois souhaite-t-elle allonger la durée
maximale du suivi socio-judiciaire sans aller (ce qui aurait pu
théoriquement être prévu, tout au moins pour les crimes
passibles de la réclusion criminelle à perpétuité)
jusqu'à permettre un suivi illimité.
Elle vous propose donc un
amendement
portant cette durée :
- de cinq à dix ans en matière délictuelle (ce qui
correspond au maximum de l'emprisonnement susceptible d'être
prononcé) ;
- de dix à vingt ans en matière criminelle.
Il convient de souligner que, paradoxalement, un tel amendement pourrait, dans
certaines hypothèses, conduire la juridiction à prononcer une
peine privative de liberté moins sévère. Il en serait par
exemple ainsi dans le cas où elle estimerait nécessaire de garder
un délinquant sous l' " ombrelle pénale " durant quinze
années : en l'état actuel du projet de loi, elle devrait
alors prononcer dix ans d'emprisonnement et cinq ans de suivi
socio-judiciaire ; l'amendement lui permettrait de disposer d'un certain
pouvoir d'appréciation et de prononcer par exemple cinq ans
d'emprisonnement et dix de suivi socio-judiciaire. Il est néanmoins
certain que de telles hypothèses seront rares et que l'objectif premier
de votre commission des Lois consiste à permettre à la
juridiction (en particulière la cour d'assises) de garder au total plus
longtemps le dangereux criminel sous l' " ombrelle pénale "
(par exemple quarante ans dans les cas où le projet de loi ne le permet
en l'état " que " pour trente années).
Votre commission vous propose également un
amendement
tendant
à fixer à cinq ans la peine prévue en cas de
violation du suivi socio-judiciaire que celui-ci ait été
prononcé pour un crime ou pour un délit. Une telle aggravation
lui paraît en effet nécessaire pour assurer l'effectivité
du suivi socio-judiciaire, surtout si l'amendement tendant à en allonger
la durée était adopté : un condamné à
dix ans de suivi pourrait en effet préférer accomplir deux ans
(au maximum) d'emprisonnement ; le bilan
" avantages-inconvénients " serait beaucoup plus favorable
à l'accomplissement du suivi socio-judiciaire si l'emprisonnement
encouru était de cinq années.
Votre commission a en outre adopté un
amendement
tendant à
supprimer l'exigence d'une double expertise médicale avant le
prononcé d'une injonction de soins.
Certes, comme l'a indiqué à votre rapporteur M. le Professeur
Victor Courtecuisse, membre du Comité national d'éthique,
l'appréciation de l'aptitude d'un délinquant sexuel à
recevoir des soins peut nécessiter une expertise à la fois
psychiatrique et somatique, tout particulièrement endocrinologique.
Il ne semble cependant pas utile d'aller jusqu'à exiger une double
expertise et ce pour les raisons suivantes :
- il peut se présenter des hypothèses dans lesquelles le
délinquant est manifestement apte à recevoir des soins. Une
seconde expertise ne ferait alors qu'accroître les coûts et la
durée de la procédure ;
- rien n'empêche de procéder effectivement, en une seule
expertise, à une analyse à la fois psychiatrique et
endocrinologique du condamné, soit que l'expert ait la double fonction
(ce qui est le cas de certains psychiatres, et notamment du Dr Bernard
Cordier), soit que l'expertise soit réalisée par un
collège d'experts ;
- enfin, en cas d'incertitude, la juridiction de jugement peut toujours,en
application de l'article 156 du code de procédure pénale,
ordonner une nouvelle expertise.
Votre rapporteur avait initialement envisagé de préciser que
l'expertise devrait être à la fois psychiatrique et
endocrinologique. Il lui est toutefois apparu qu'une telle précision ne
relevait pas du domaine de la loi et pourrait constituer un facteur de
rigidité dans l'hypothèse, qu'on ne saurait exclure, de
l'apparition de nouvelles branches médicales peremettant de mieux
comprendre les auteurs d'infractions sexuelles.
C'est pourquoi, considérant que l'expression "
expertise
médicale
" permettait de réaliser des examens à
la fois psychologiques et somatiques, et sous réserve que le
Gouvernement, responsable du décret d'application, confirme cette
interprétation en séance publique, votre commission vous propose
un amendement permettant de prononcer une injonction de soins après une
seule expertise médicale.
Votre commission a adopté le présent article modifié par
ces trois amendements ainsi que par cinq
amendements
purement
rédactionnels.
Articles 1er bis, 2 et 3
Champ d'application du suivi
socio-judiciaire
Ces articles ont pour objet d'insérer des
articles 221-9-1, 222-48-1 et 227-31 au sein du code pénal afin
d'énumérer les infractions passibles de la peine de suivi
socio-judiciaire qui, selon l'article premier, ne peut être
prononcée que dans les cas prévus par la loi.
Ces infractions seraient les suivantes :
- le meurtre ou l'assassinat précédé ou accompagné
d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie (article 1er
bis
,
inséré par l'Assemblée nationale) ;
- le viol et les autres agressions sexuelles, à l'exception du
harcèlement sexuel (article 2) ;
- la corruption de mineur, l'enregistrement en vue de sa diffusion de l'image
pornographique d'un mineur, la diffusion d'un message à caractère
violent ou pornographique susceptible d'être perçu par un mineur
et les atteintes sexuelles sur mineur (article 3).
On observera que, à l'exception des infractions mentionnées par
l'article 3, par hypothèse commises sur des mineurs, le suivi
socio-judiciaire pourra être prononcé quel que soit l'âge de
la victime.
Votre commission a adopté ces articles
sans modification
.
Article 4
Enumération des peines
complémentaires
Cet article a pour objet de modifier l'article 131-10 du
code pénal, relatif à la définition des peines
complémentaires.
En sa rédaction actuelle, cet article 131-10 dispose que, lorsque
la loi le prévoit, un crime ou un délit peut être
sanctionné d'une ou plusieurs peines complémentaires dont les
conséquences peuvent être :
- l'interdiction, la déchéance, l'incapacité ou le retrait
d'un droit ;
- l'immobilisation ou la confiscation d'un objet ;
- la fermeture d'un établissement ;
- l'affichage ou la diffusion de la décision.
Le présent article 4 a pour simple objet d'ajouter à cette
énumération l'injonction de soins ou obligation de faire afin d'y
intégrer les mesures susceptibles d'être prononcées dans le
cadre d'un suivi socio-judiciaire.
Ce faisant, il confirme que le suivi socio-judiciaire a bien la nature d'une
peine complémentaire.
Votre commission a adopté cet article
sans modification
.
CHAPITRE II
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE
DE
PROCÉDURE PÉNALE
Article 5A
Création d'un fichier national
d'empreintes
génétiques des délinquants sexuels
Cet article, inséré par l'Assemblée
nationale, tend à introduire dans le code de procédure
pénale un article 78-6 afin de créer un fichier national
destiné à centraliser les prélèvements de traces
génétiques et les empreintes génétiques des
personnes condamnées pour crime ou délit sexuel.
Ce fichier a pour objet "
de faciliter l'identification et la
recherche
des auteurs d'infractions sexuelles
".
Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission
nationale de l'informatique et des libertés, déterminera les
conditions d'application de ce nouvel article 78-6 (inséré,
ce qui a notamment paru surprenant à Mme Marie-Elisabeth Cartier,
dans le chapitre relatif aux contrôles et vérifications
d'identité).
La création de ce fichier s'inspire directement du fichier des
empreintes digitales créé par le décret du 8 avril 1987.
Il s'agira donc, comme l'a indiqué Mme le Garde des Sceaux à
l'Assemblée nationale et comme l'ont confirmé les services de la
Chancellerie à votre rapporteur, d'un fichier de police judiciaire,
placé sous le contrôle du parquet.
Ainsi qu'il a été indiqué dans l'exposé
général du présent rapport, votre commission approuve le
principe de la création d'un tel fichier, mais souhaiterait apporter
certaines garanties quant à sa gestion et son utilisation. Aussi vous
propose-t-elle un
amendement
tendant à préciser :
- que ce fichier serait placé sous le contrôle d'un
magistrat ;
- que sous réserve du droit d'accès reconnu par la loi
" informatique et libertés " aux personnes concernées
par des informations nominatives, seules des personnes participant à la
police judiciaire pourraient accéder aux informations
enregistrées et procéder aux opérations d'identification.
Ainsi serait assurée la protection des données, impératif
sur lequel a notamment insisté Mme Marie-Elisabeth Cartier.
Sur ce point, votre rapporteur tient à préciser que le fichier en
question ne pourra être utilisé pour informer un employeur qu'un
candidat à l'embauche n'a pas commis d'infraction sexuelle. Une telle
utilisation détournerait en effet le fichier de son objet, qui est de
faciliter la recherche des auteurs d'infractions sexuelles par la police
judiciaire. Elle serait en outre inefficace de ce point de vue puisque les
données contenues seront traitées selon des codes
génétiques que seuls des spécialistes pourront
interpréter.
Votre commission a adopté le présent article 5A ainsi
modifié.
Article additionnels après l'article 5 A
Réductions de peine supplémentaires
Après l'article 5A, votre commission vous propose deux
amendements tendant à insérer des articles additionnels afin de
modifier l'article 721-1 du code de procédure pénale, relatif aux
réductions de peines supplémentaires.
Selon cet article 721-1, outre des réductions de peine pour bonne
conduite, tout condamné peut obtenir des réductions de peines
supplémentaires s'il manifeste "
des efforts sérieux de
réadaptation sociale, notamment en passant avec succès un examen
scolaire, universitaire ou professionnel traduisant l'acquisition des
connaissances nouvelles ou en justifiant de progrès réels dans le
cadre d'un enseignement ou d'une formation
".
Ces réductions peuvent être octroyées après un an de
détention dans la limite de deux mois par année
d'incarcération (ou un mois si le condamné est en état de
récidive légale). La décision est prise par le juge de
l'application des peines après avis de la commission de l'application
des peines. L'article 733-1 du code de procédure pénale permet au
tribunal correctionnel de l'annuler pour violation de la loi.
Ainsi qu'il a été indiqué dans l'exposé
général du présent rapport, votre commission vous propose
d'adopter une double modification à ce dispositif :
·
Le premier amendement a pour objet d'inciter le condamné
à suivre un traitement en prison
.
Comme l'ont notamment fait observer les psychiatres entendus par votre
commission et votre rapporteur, et comme l'a confirmé le Garde des
Sceaux, il est éminemment souhaitable que le condamné accepte de
suivre un traitement lors de son incarcération.
Pour ce faire, l'amendement prévoit que le calcul des réductions
de peine de l'article 721-1 du code de procédure pénale (à
savoir celles accordées "
aux condamnés qui manifestent
des efforts sérieux de réadaptation sociale
")
s'effectuera sur la base de la durée d'incarcération
passée sous traitement.
En l'état actuel du droit, le condamné non récidiviste
peut obtenir deux mois de réduction de peine (en plus de la
réduction pour bonne conduite) par année d'incarcération.
Avec l'amendement proposé, seules seront prises en compte les
années passées sous traitement. Ainsi, un condamné qui a
accompli dix ans de prison pourra obtenir :
- au maximum vingt mois (comme aujourd'hui) de réduction
supplémentaire s'il a commencé un traitement dès son
incarcération et ne l'a pas interrompu ;
- au maximum dix mois s'il n'a suivi un traitement que pendant cinq
années ;
- aucune réduction de peine supplémentaire s'il n'a suivi aucun
traitement.
Toutefois, le suivi d'un traitement médical en prison pouvant, dans
certaines hypothèses, se révéler superflu ou impossible,
l'amendement permet au JAP, sur avis conforme de la commission de l'application
des peines, d'octroyer une réduction supplémentaire.
Cette exigence d'un avis conforme de ladite commission ne saurait bien
évidemment en aucune manière être interprétée
comme un signe de défiance à l'égard des juges de
l'application des peines dont votre rapporteur a eu à maintes reprises
l'occasion d'apprécier la compétence. Il s'agit au contraire de
donner à ce magistrat un instrument supplémentaire pour inciter
au suivi d'un traitement en prison en montrant au condamné que, faute de
se soigner, il ne pourra rien faire pour lui sans l'accord de la commission de
l'application des peines.
·
Le second amendement a pour objet d'exclure les délinquants
sexuels récidivistes du bénéfice des réductions de
peine supplémentaires, sauf autorisation expresse de la commission de
l'application des peines
.
Ces réductions sont en effet accordées "
aux
condamnés qui manifestent des efforts sérieux de
réadaptation sociale
".
Le fait qu'un délinquant sexuel ait, après une première
condamnation, " rechuté " suffit à démontrer
que, en dépit de ses efforts en prison, sa réadaptation sociale
est pour le moins aléatoire. Il paraît donc souhaitable de
permettre à la commission de l'application des peines (qui comprend le
psychiatre de l'établissement pénitentiaire) de s'opposer aux
réductions de peine supplémentaires.
Ici encore, il ne s'agit aucunement de chercher à contrôler les
décisions du juge de l'application des peines mais seulement de susciter
une réaction positive chez un délinquant en attirant son
attention, lors de la sortie de prison, sur le fait qu'en cas de
récidive il aura de grandes difficultés à obtenir une
réduction de peine.
Article 5
Exécution du suivi socio-judiciaire
Cet article a pour objet de créer au sein du livre V du
code de procédure pénale, relatif aux procédures
d'exécution, un titre VII
bis
intitulé "
du suivi
socio-judiciaire
". Ce titre serait composé des
articles 763-1 à 763-11 insérés dans ledit code.
·
L'article 763-1 est relatif aux autorités chargées du
contrôle de l'exécution du suivi socio-judiciaire
.
Il place le condamné sous le contrôle du juge de l'application des
peines dans le ressort duquel il a sa résidence habituelle (ou, s'il n'a
pas de résidence habituelle en France, sous le contrôle du juge de
l'application des peines du tribunal dans le ressort duquel la juridiction
ayant statué en première instance a son siège). Pour
veiller au respect des obligations imposées au condamné, ce
magistrat pourra désigner le comité de probation et d'assistance
aux libérés (CPAL).
Les dispositions de l'article 740 du code de procédure
pénale sont rendues applicables au contrôle du suivi
socio-judiciaire. Aux termes de cet article, relatif au sursis avec mise
à l'épreuve, le juge de l'application des peines
"
s'assure, soit par lui-même, soit par toute personne
qualifiée, de l'exécution des mesures de contrôle et d'aide
et des obligations imposées
" au condamné ;
"
si les actes nécessaires à cette fin doivent être
effectués hors des limites de son ressort, il charge d'y procéder
ou d'y faire procéder le juge de l'application des peines
territorialement compétent
".
·
Les articles 763-2 et 763-3 avaient pour objet
d'énumérer les mesures susceptibles d'être
prononcées dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire
.
L'Assemblée nationale les a supprimés par coordination avec sa
décision de faire figurer ces mesures dans le code pénal.
·
L'article 763-4 impose à la personne condamnée
à un suivi socio-judiciaire de justifier auprès du juge de
l'application des peines de l'accomplissement des obligations qui lui sont
imposées
.
Les modalités de cette justification relèveront du code de la
santé publique, modifié à cette fin par l'article 6
du projet de loi ci-après commenté.
Votre commission vous propose sur cet article un
amendement
ayant pour
simple objet de supprimer une précision inutile.
·
L'article 763-5 permet au juge de l'application des peines de
modifier ou compléter les mesures prévues à l'égard
d'un condamné à une peine de suivi socio-judiciaire
.
Cette décision peut être prise à tout moment pendant la
durée du suivi socio-judiciaire, après audition du
condamné et avis du procureur de la République. Elle est
exécutoire par provision. Elle peut être soumise au tribunal
correctionnel par le condamné ou le ministère public dans les
conditions prévues par le troisième alinéa de
l'article 739 du code de procédure pénale, relatif aux
obligations particulières ordonnées par le juge de l'application
des peines dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve. En
vertu de cette dernière disposition, la saisine du tribunal
correctionnel doit intervenir dans le délai d'un mois à compter
de la notification de la décision. Le tribunal, au sein duquel le juge
de l'application des peines ne peut siéger, peut alors valider,
rapporter ou modifier celle-ci.
L'Association nationale des juges de l'application des peines a fait
connaître sa préférence pour un appel devant la chambre des
appels correctionnels, estimant que la saisine du tribunal correctionnel
pourrait soulever certaines difficultés dans les petites juridictions
où les magistrats peuvent hésiter à réformer une
décision de leur collègue JAP. Votre rapporteur constate
toutefois que la saisine du tribunal correctionnel porte non pas sur le
principe même du suivi socio-judiciaire (puisque le JAP ne peut l'imposer
au condamné ni l'en relever) mais sur ses aménagements. A cet
égard, la saisine du tribunal correctionnel en cas de contestation peut
notamment se justifier par analogie avec la procédure prévue par
l'article 733-1 du code de procédure pénale en matière
d'exécution des peines.
Le projet de loi précise en outre que le juge de l'application des
peines peut prononcer une injonction de soins, à la condition toutefois
que, comme pour le prononcé de cette injonction par la juridiction de
jugement, une double expertise médicale ordonnée après la
décision de condamnation ait établi que l'intéressé
était susceptible de faire l'objet d'un traitement. A l'initiative de sa
commission des Lois, l'Assemblée nationale a rappelé que le juge
de l'application des peines devra avertir le condamné qu'aucun
traitement ne pourra être entrepris sans son consentement mais que, s'il
refuse les soins proposés, il pourra mettre à exécution la
peine d'emprisonnement préalablement fixée par la juridiction de
jugement pour inobservation des obligations du suivi socio-judiciaire.
Selon l'exposé des motifs du projet de loi, cette faculté pour le
juge de l'application des peines de prononcer une injonction de soins vise
notamment l'hypothèse où le condamné,
déclaré inapte à un traitement au moment de la
condamnation, serait par la suite déclaré apte à en suivre
un.
Votre commission vous propose un
amendement
de simple coordination avec
sa décision de supprimer l'exigence expresse d'une double expertise
préalablement au prononcé d'une obligation de soins.
Elle vous propose également un
amendement
de précision
suggéré par l'ANJAP, tendant à remplacer la
référence au ministère public par la
référence au procureur de la République.
·
L'article 763-6 est relatif aux expertises médicales
susceptibles d'être ordonnées par le juge de l'application des
peines lorsque le suivi socio-judiciaire comprend une injonction de soins
.
Il envisage deux hypothèses :
- première hypothèse : la personne condamnée à
un suivi socio-judiciaire exécute une peine privative de liberté.
Le juge de l'application des peines peut alors ordonner l'expertise
médicale de l'intéressé avant sa libération. Mais
cette expertise est obligatoire si la condamnation a été
prononcée plus de deux ans auparavant. Il s'agit de s'assurer que la
personnalité du condamné, jugé susceptible de suivre un
traitement lors du jugement, n'aura pas, après deux années ou
davantage, connu une évolution qui rendrait vain un traitement
médical ou psychologique ;
- la seconde hypothèse intervient durant l'exécution du suivi
socio-judiciaire, c'est-à-dire après l'exécution d'une
éventuelle peine privative de liberté : le juge de
l'application des peines peut alors, à tout moment ordonner, d'office ou
sur les réquisitions du procureur de la République, "
les
expertises nécessaires pour l'informer sur l'état médical
ou psychologique de la personne condamnée
".
Dans les deux cas, les expertises sont réalisées par un seul
expert, sauf décision motivée du juge de l'application des peines.
·
L'article 763-7 envisage l'hypothèse d'une inobservation des
obligations résultant du suivi socio-judiciaire
.
Ainsi qu'il a été indiqué dans l'exposé
général du présent rapport, le juge de l'application des
peines peut alors, d'office ou sur réquisitions du procureur de la
République, ordonner par décision motivée, la mise
à exécution de l'emprisonnement prononcé par la
juridiction de jugement pour prévenir un tel manquement.
Le juge de l'application des peines n'est donc pas obligé d'ordonner la
mise à exécution de l'emprisonnement. Il dispose en quelque sorte
d'un pouvoir d'appréciation de l'opportunité de
l'incarcération.
En outre, il peut décider que l'exécution portera sur la
totalité ou seulement sur une partie de la peine fixée par la
juridiction de jugement.
La décision du juge de l'application des peines, si décision il y
a, est prise en chambre du conseil, à l'issue d'un débat
contradictoire au cours duquel il entend les réquisitions du procureur
de la République et les observations du condamné et de son
conseil. Elle est exécutoire par provision et peut faire l'objet d'un
appel dans les dix jours devant la chambre des appels correctionnels.
Le projet de loi permet au juge de l'application des peines de délivrer
un mandat d'amener et même, si le condamné est en fuite ou
réside à l'étranger, un mandat d'arrêt. Les
dispositions du code de procédure pénale relatives à
l'exécution des mandats d'amener ou d'arrêt délivrés
par le juge d'instruction sont alors applicables (précision de
l'identité de la personne concernée, mention des faits
imputés à la personne et de leur qualification juridique,
caractère exécutoire sur tout le territoire de la
République...).
Afin d'assurer au mieux l'effectivité du suivi socio-judiciaire, votre
commission a adopté un
amendement
prévoyant que
l'accomplissement de l'emprisonnement pour inobservation des obligations ne
dispenserait pas le condamné d'accomplir ce suivi une fois
libéré. Cet amendement paraît d'ailleurs se situer dans
l'esprit du texte proposé par l'article premier pour
l'article 131-36-3 du code pénal selon lequel "
le suivi
socio-judiciaire est
suspendu
par
toute
détention
intervenue au cours de son exécution
".
Le même amendement précise que, si le condamné se rend de
nouveau coupable d'inobservation de ses obligations, le juge de l'application
des peines peut l'incarcérer une nouvelle fois à condition
toutefois que la durée cumulée de chaque emprisonnement pour
cette raison n'excède pas la durée maximale d'emprisonnement
fixée par la juridiction de condamnation. Bien entendu, par des
manquements réitérés, le condamné en arrivera
à, si l'on peut dire, " épuiser son crédit de
peine " et ne pourra donc plus être pénalement
sanctionné. Pour autant, nonobstant cette limite qui paraît
difficilement contournable, le dispositif que vous propose votre commission
constitue une forte incitation à l'accomplissement effectif du suivi
socio-judiciaire.
·
L'article 763-8 définit les conditions dans lesquelles
le condamné peut être relevé de la mesure de suivi
socio-judiciaire
.
La demande de relèvement doit être portée devant la
juridiction de condamnation ou, en cas de pluralité de condamnations,
devant la dernière juridiction qui a statué. Afin de tenir compte
du caractère non permanent de la cour d'assises (qui, composée
pour partie de jurés, tient des sessions), il est précisé
que, si la condamnation a été prononcée par une telle
juridiction, la décision sur la demande de relèvement est prise
par la chambre d'accusation dans le ressort de laquelle la cour d'assises a son
siège.
Cette demande ne peut être adressée qu'à l'issue d'un
délai d'un an à compter de la décision de condamnation. De
même, un délai d'un an doit être observé pour
présenter une nouvelle demande en cas de refus opposé à la
précédente demande.
La demande de relèvement est adressée au juge de l'application
des peines qui ordonne une double expertise médicale. Ce magistrat
transmet ensuite la demande avec les conclusions de l'expert ainsi que son avis
motivé.
La juridiction ainsi saisie statue dans les conditions des troisième,
quatrième et cinquième alinéas de l'article 703 du
code de procédure pénale, relatif aux demandes de
relèvement d'une interdiction, d'une déchéance, d'une
incapacité ou d'une mesure de publication. Sa décision est donc
prise en chambre du conseil sur les conclusions du ministère public, le
requérant ou son conseil ayant été entendu ou dûment
convoqué ; elle peut être frappée d'appel ou, si la
juridiction compétente est la chambre d'accusation, être
déférée à la Cour de cassation. La décision
de relèvement est mentionnée au casier judiciaire.
La décision peut décider de ne relever le condamné que de
son obligation de soins, et de maintenir tout ou partie des autres obligations.
Il n'est donc pas permis à la juridiction de ne conserver que
l'obligation de soins. Cette impossibilité ne parait pas
justifiée à votre commission qui, outre un
amendement
de
coordination, vous propose un
amendement
tendant à la supprimer.
Enfin, à l'initiative de sa commission des Lois, l'Assemblée
nationale a précisé que le relèvement ne peut être
demandé lorsque le suivi socio-judiciaire a été
prononcé comme peine principale.
·
L'article 763-9 prévoit que la peine privative de
liberté frappant une personne également astreinte au suivi
socio-judiciaire s'exécute dans un établissement
spécialisé
.
Cet établissement est l'un de ceux dans lesquels doivent être
incarcérées les personnes condamnées pour une infraction
sexuelle ou pour un crime odieux contre un mineur de quinze ans (meurtre ou
assassinat précédé ou accompagné de viol ou d'actes
de barbarie). Il doit permettre d'assurer au condamné un suivi
médical et psychologique adapté.
L'article 763-9 traduit ainsi le souci des rédacteurs du projet de
loi, souligné dans l'exposé des motifs, "
de faciliter
autant que possible un tel traitement et d'inciter (car le traitement en prison
ne saurait être obligatoire) le condamné à y
recourir
".
C'est pourquoi il précise que :
- le condamné est immédiatement informé par le juge de
l'application des peines de la possibilité d'entreprendre un
traitement ;
- le juge de l'application des peines doit, en cas de refus, renouveler cette
information au moins une fois tous les six mois.
Enfin, il est précisé que les obligations résultant du
suivi socio-judiciaire sont applicables en cas de suspension ou de
fractionnement de la peine, de placement à l'extérieur sans
surveillance ou de semi-liberté.
Le projet de loi initial prévoyait en outre que le suivi d'un traitement
serait pris en compte pour l'octroi de la libération conditionnelle ou
des réductions de peine accordées aux condamnés
manifestant des efforts sérieux de réadaptation. Cette
précision à été supprimée par
l'Assemblée nationale à l'initiative de MM. Jean-Luc
Warsmann et Renaud Dutreil.
Devant votre commission des Lois, M. Godefroy du Mesnil du Buisson a
estimé au nom de l'ANJAP que l'obligation pour le juge de l'application
des peines de rappeler tous les six mois au condamné sa
possibilité de suivre un traitement en prison constituerait une
surcharge de travail difficile à supporter pour des magistrats
déjà débordés. Au demeurant, même en
l'absence de texte, rien n'empêchera le juge de l'application des peines
de renouveler cette information quand bon lui semblera. C'est pourquoi,
reprenant une suggestion de M. du Mesnil du Buisson, votre commission a
adopté un
amendement
prévoyant que le juge de
l'application des peines devrait réitérer cette information au
moins une fois par an et non tous les six mois.
·
L'article 763-10 envisage l'hypothèse du
prononcé d'un suivi socio-judiciaire par une juridiction pour
mineurs
.
Dans ce cas, les attributions dévolues au juge de l'application des
peines, au tribunal correctionnel et à la chambre des appels
correctionnels sont, jusqu'à ce que le mineur atteigne vingt-et-un ans,
exercées par le juge des enfants, le tribunal pour enfants et la chambre
spéciale des mineurs.
Par ailleurs, le juge des enfants doit désigner un service du secteur
public de la protection judiciaire de la jeunesse pour veiller au respect des
obligations imposées au condamné. Lorsque celui-ci a atteint
l'âge de la majorité, il peut désigner à cette fin
le CPAL ; il peut aussi se dessaisir au profit du juge de l'application
des peines.
Lors de son audition par votre commission, M. Pascal Faucher a
regretté que le juge des enfants cesse subitement de traiter le dossier
d'une personne qui atteindrait son 21ème anniversaire alors même
que le suivi devrait prendre fin quelques mois après. Il a en
conséquence proposé de se limiter à permettre au juge des
enfants de se désister en faveur du juge de l'application des peines.
Votre commission, qui constate que le juge des enfants est traditionnellement
compétent pour les " jeunes majeurs " (de moins de
21 ans) mais trouve fort opportune la remarque de M. Faucher, vous
soumet donc un
amendement
prévoyant que, lorsque le suivi
socio-judiciaire devra arriver à son terme avant que le condamné
atteigne l'âge de 23 ans, les juridictions pour mineurs demeureront
compétentes sauf si le juge des enfants se dessaisit au profit du juge
de l'application des peines.
·
L'article 763-11 renvoie à un décret en Conseil
d'Etat le soin de déterminer les modalités d'application
des
dispositions du code de procédure pénale relatives au suivi
socio-judiciaire.
*
Votre commission a adopté le présent article 9
modifié par les huit amendements ci-dessus présentés.
CHAPITRE III
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE LA
SANTÉ PUBLIQUE
Article 6
Mise en oeuvre du suivi socio-judiciaire
Cet article a pour objet d'insérer au sein du livre III
du code de la santé publique un titre IX, composé des articles L.
355-33 et L. 355-36 et intitulé "
dispositions relatives aux
personnes condamnées à un suivi socio-judiciaire comprenant une
injonction de soins
".
Ce nouveau titre comprend donc les dispositions relatives à
l'intervention du corps médical pour la mise en oeuvre du traitement
auquel doit se soumettre le condamné et notamment aux relations entre
celui-ci, son médecin et l'autorité judiciaire.
1. Présentation du dispositif du projet de loi
·
L'article L. 355-33 impose au JAP de désigner un
"
médecin coordonnateur
" pour la mise en oeuvre de
l'injonction de soins
Désigné sur une liste de spécialistes, établie et
mise à jour par arrêté du représentant de l'Etat
dans le département, pris après avis du procureur de la
république, le médecin coordonnateur aura un quadruple rôle
:
- il sera tout d'abord chargé d'inviter le condamné, au vu des
expertises réalisées au cours de la procédure et, le cas
échéant, au cours de l'exécution de la peine privative de
liberté, à choisir un médecin traitant. Toutefois,
le
choix de celui-ci est soumis à l'accord du médecin
coordonnateur
;
- il devra également conseiller le médecin traitant si celui-ci
en fait la demande ;
- il transmettra au JAP les éléments nécessaires au
contrôle de l'injonction de soins ;
- enfin, il devra informer, en liaison avec le médecin traitant, le
condamné dont le suivi socio-judiciaire est arrivé à son
terme de la possibilité de poursuivre son traitement en l'absence de
tout contrôle de l'autorité judiciaire et lui indiquer les
modalités et la durée qu'il estime nécessaires et
raisonnables. Cette précision traduit le souci des rédacteurs du
projet de loi (souci qu'avait notamment manifesté le Comité
national d'éthique dans sa recommandation du 20 décembre 1996)
d'éviter un brusque arrêt des soins en incitant le condamné
qui a accompli son suivi socio-judiciaire à poursuivre un traitement
volontairement et en dehors de tout contrôle.
·
L'article L. 355-34 traite de l'information du médecin
traitant par le médecin coordonnateur et de la justification du suivi du
traitement
S'agissant de l'information du médecin traitant, il prévoit la
communication à celui-ci, à sa demande et par
l'intermédiaire du médecin coordonnateur, des documents suivants :
- les expertises médicales réalisées pendant
l'enquête ou l'instruction ;
- celles ordonnées par le JAP en cours d'exécution du suivi
socio-judiciaire ;
- le cas échéant, le réquisitoire définitif,
l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, l'arrêt de mise
en accusation et le jugement ou l'arrêt de condamnation.
Pour sa part, le médecin traitant délivre des attestations de
suivi du traitement "
à intervalles réguliers
",
afin de permettre au condamné de justifie auprès du JAP de
l'accomplissement de son injonction de soins. Le médecin traitant n'a
donc pas de contact direct avec le JAP.
·
L'article L. 355-35 permet au médecin traitant de
transmettre certaines informations à la justice ou au médecin
coordonnateur
Ainsi, le médecin traitant peut, sans que lui soit opposé le
secret professionnel :
- informer le JAP ou l'agent de probation de l'interruption du traitement ou
des difficultés survenues dans son exécution ;
- ou bien transmettre ces informations au médecin coordonnateur qui peut
lui-même prévenir le JAP ;
- proposer au JAP d'ordonner une expertise médicale.
·
L'article L. 355-36 prévoit la prise en charge par l'Etat
des dépenses afférentes aux interventions des médecins
coordonnateurs
·
L'article L. 355-37 renvoie à un décret en
Conseil d'Etat pour la définition des modalités d'application
du Titre IX inséré dans le code de la santé publique.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a prévu que le Gouvernement
présenterait au Parlement un rapport dans le délai de cinq ans
après la promulgation de la loi. Ce rapport "
devra
vérifier si les moyens mis en oeuvre sont à la hauteur du but
recherché afin d'enrayer effectivement la récidive et de
renforcer les droits des victimes
".
2. Les observations de votre commission des Lois
Consulté par votre rapporteur, le Bureau du Conseil national de l'Ordre
des médecins a indiqué que "
ces dispositions
n'appelaient pas d'objection déontologique majeure
" mais que
certains points restaient obscurs :
"
1- Sur quels critères, le médecin coordonnateur va-t-il
donner son accord au choix du médecin exprimé par la personne
condamnée ?
2- Les termes de la loi laissent penser que l'attestation remise au
condamné aura simplement pour objet de confirmer que
l'intéressé se présente régulièrement
à la consultation et qu'il suit son traitement, ce qui paraît
suffisant. Est-ce bien l'interprétation retenue ?
Il faudra également préciser ce que devra faire le médecin
traitant si la patient ne se présente pas, et dans quel délai.
3- L'étendue des relations entre médecin coordonnateur et
médecin traitant soulève des interrogations. Dans la mesure
où il incombe au condamné de remettre lui-même au juge
d'application des peines l'attestation de suivi, on ne perçoit pas
clairement quels sont les " éléments nécessaires au
contrôle de l'injonction de soins " que le médecin
coordonnateur devrait détenir et transmettre au juge d'application des
peines.
Si on peut admettre un certain partage du secret des informations concernant la
personne condamnée, son traitement et l'évolution de son
état entre le médecin traitant et le médecin
coordonnateur, il est indispensable d'avoir la garantie que ce dernier ne sera
tenu de transmettre au juge d'application des peines que des conclusions
" administratives " sans indiquer les raisons d'ordre
médical
qui les motivent.
"
Votre rapporteur s'est longuement interrogé sur ces observations sur
lesquelles, après avoir consulté les services de la Chancellerie,
il souhaite apporter les précisions suivantes :
- aucune obligation n'est imposée à l'égard du
médecin traitant si le patient ne se présente pas. Le projet de
loi se limite à lever le secret professionnel en cette hypothèse
pour lui permettre de juger, en son âme et conscience, de
l'opportunité d'informer le juge de l'application des peines ou le
médecin coordonnateur.
- la possibilité pour le médecin coordonnateur de s'opposer au
choix du médecin traitant pourrait paraître à
première vue souhaitable dans la mesure où il convient de
s'assurer que la spécialité de celui-ci (s'il s'agit d'un
spécialiste) correspond bien aux soins que le condamné est
appelé à suivre. Il semble néanmoins que l'on puisse
parvenir au même résultat sans pour autant donner un
véritable droit de veto au médecin coordonnateur (droit de veto
dont, au demeurant, et comme l'a souligné le Conseil de l'Ordre, on ne
sait pas selon quels critères il s'exercera).
Il est en effet préférable de prévoir un dialogue entre le
médecin coordonnateur et le condamné (ce que n'exclut d'ailleurs
pas le projet de loi) sans pour autant donner le dernier mot au
médecin, qui n'appartient pas à l'autorité judiciaire.
Aussi, votre commission vous propose-t-elle un
amendement
prévoyant que, en cas de désaccord persistant sur le choix du
médecin traitant, celui-ci sera désigné par le juge de
l'application des peines (conformément à l'article 733-1 du
code de procédure pénale, cette décision sera une mesure
d'administration judiciaire, susceptible d'appel). Certes, cette
désignation pourra constituer une exception au principe du libre-choix
du médecin traitant (ce qui ne sera pas toujours le cas puisque rien
n'empêchera théoriquement le juge de l'application des peines de
désigner un médecin choisi par le condamné) mais il
s'agira d'une ultime mesure, décidée, dans des hypothèses
rarissimes, dans l'intérêt même du condamné puisque,
à défaut de médecin traitant, il ne pourra satisfaire
à son obligation de soins et sera incarcéré. Au demeurant,
on observera que ce dispositif donne au condamné une faculté de
choix beaucoup plus large que le droit de veto pur et simple confié au
médecin coordonnateur par le projet de loi.
Outre cet amendement et un
amendement
rédactionnel, votre
commission a adopté sur le présent article 6 trois
amendements
tendant à :
- confier au procureur de la République le soin de dresser la liste des
médecins sur laquelle sera choisi le médecin coordonnateur ;
- permettre au médecin traitant, s'il y a lieu, de se faire communiquer
toute pièce de la procédure ;
- supprimer l'obligation pour le Gouvernement de présenter un rapport au
Parlement d'ici cinq ans (obligation qui lui paraît d'autant moins
opportune que, dans cinq ans, la peine de suivi socio-judiciaire sera loin
d'avoir atteint son rythme de croisière). L'inflation législative
ne doit pas se doubler de celle des rapports.
Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.
TITRE II
DISPOSITIONS AYANT POUR OBJET DE
PRÉVENIR
ET DE RÉPRIMER LES INFRACTIONS SEXUELLES,
LES
ATTEINTES À LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE
HUMAINE ET DE
PROTÉGER
LES MINEURS VICTIMES
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE
PÉNAL
Article 7
(art. 222-33 du code
pénal)
Définition du délit de harcèlement
sexuel
Cet article tend à compléter la
définition du délit de harcèlement sexuel figurant
à l'article 223-33 du code pénal en ajoutant à l'usage
d'ordres, menaces ou contraintes l'exercice de "
pressions de toute
nature
", par une personne abusant de sa position d'autorité en
vue d'obtenir des faveurs sexuelles.
Dans sa rédaction actuelle issue des travaux préparatoires du
nouveau code pénal, l'article 222-33 sanctionne "
le fait de
harceler autrui en usant d'ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but
d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de
l'autorité que lui confèrent ses fonctions
". Les peines
prévues pour ce délit sont de un an d'emprisonnement et
100 000 F d'amende.
La loi n° 92-1179 du 2 novembre 1992 relative à l'abus
d'autorité en matière sexuelle dans les relations de travail a
par ailleurs introduit dans le code du travail et le statut de la fonction
publique des dispositions tendant à réprimer les comportements de
harcèlement sexuel dans le monde du travail.
Ainsi, l'article L. 122-46 du code du travail interdit-il de sanctionner ou de
licencier un salarié au motif qu'il aurait subi ou refusé de
subir des agissements de harcèlement d'un employeur ou plus
généralement de toute personne abusant de l'autorité que
lui confèrent ses fonctions, ou encore au motif qu'il aurait
témoigné de ces agissements. Le salarié ayant
procédé à de tels agissements est passible de sanctions
disciplinaires, en application de l'article L. 122-47 du même code.
En outre, l'article L. 123-1 de ce code prévoit qu'aucune
mesure intéressant la vie professionnelle du salarié, notamment
en matière d'embauche, ne peut être décidée en
prenant en considération de tels agissements.
Des dispositions analogues sont d'autre part décalquées dans le
statut général de la fonction publique.
En effet, l'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant
droits et obligations des fonctionnaires prévoit notamment qu'aucune
mesure ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en
prenant en considération les agissements de harcèlement d'un
supérieur hiérarchique ou de toute personne abusant de
l'autorité que lui confèrent ses sanctions. Tout agent ayant
procédé à de tels agissements est par ailleurs passible de
sanctions disciplinaires, conformément aux dispositions du même
article.
La définition retenue par l'article L. 122-46 du code du travail et
l'article 6 du titre premier du statut général de la fonction
publique pour les "
agissements de harcèlement
"
diffère cependant quelque peu de celle figurant à l'article
222-33 du code pénal. Il s'agit en effet des agissements d'une personne
abusant de sa position d'autorité qui "
a donné des
ordres, proféré des menaces, imposé des contraintes ou
exercé des pressions de toute nature
" sur un salarié
(ou un fonctionnaire) dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle.
L'article 7 du présent projet de loi, adopté sans modification
par l'Assemblée nationale, propose d'harmoniser la définition
pénale du harcèlement sexuel avec celle du code du travail en
adoptant une rédaction similaire.
La rédaction proposée aurait donc pour résultat
d'introduire dans la définition du délit de harcèlement
sexuel la notion de "
pressions de toute nature
".
Cette notion de "
pressions de toute nature
"
apparaît
cependant peu précise et risque de s'avérer difficile à
caractériser.
Lors des travaux préparatoires du nouveau code pénal, le
Sénat, suivant les propositions de sa commission des Lois, avait
d'ailleurs retenu pour la définition du délit de
harcèlement sexuel une définition faisant disparaître le
terme de pressions qui figurait dans le texte de l'Assemblée nationale
et c'est une rédaction proche de celle du Sénat qui avait
finalement été retenue en commission mixte paritaire.
Au surplus, l'article 225-2 du code pénal, qui punit de
deux ans d'emprisonnement et de 200.000 F d'amende une discrimination
consistant "
à subordonner une offre d'emploi à une
condition fondée sur l'un des éléments visés
à l'article 225-1
"
,
parmi lesquels figure
"
toute distinction opérée entre les personnes
physiques à raison de ... leur sexe
", permet
déjà de sanctionner pénalement le fait de subordonner une
embauche à des faveurs sexuelles, qui ne constitue pas à
proprement parler une menace ou une contrainte.
Votre commission vous propose donc d'en rester à la définition
actuelle du délit de harcèlement sexuel et d'adopter un
amendement de suppression
de cet article.
Article 8
(art. 222-45 du code pénal)
Peine
complémentaire d'interdiction d'exercer une activité
impliquant un contact avec les mineurs
Cet article, adopté sans modification par
l'Assemblée nationale, tend à instituer une nouvelle peine
complémentaire applicable aux personnes physiques reconnues coupables de
certaines infractions : l'interdiction d'exercer, à titre
définitif ou temporaire (pour une durée de 10 ans au plus), une
activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact
habituel avec les mineurs.
Cette nouvelle peine complémentaire est destinée à
être encourue par les personnes physiques ayant commis une des
infractions définies par les sections 1, 3 et 4 du chapitre II du titre
II du Livre deuxième du code pénal, à savoir :
- les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne
(tortures et actes de barbarie, violences, menaces) ;
- les agressions sexuelles (viol, autres agressions sexuelles,
harcèlement sexuel) ;
- le trafic de stupéfiants.
Elle vient compléter la liste des peines complémentaires
déjà prévues par l'article 222-45 du code pénal
pour les coupables de ces infractions, qui comprend actuellement :
- l'interdiction des droits civiques, civils et de famille ;
- ainsi que l'interdiction d'exercer une fonction publique.
Les personnes condamnées pour ces infractions peuvent également
se voir infliger les peines complémentaires
énumérées par l'article 222-44 du code pénal :
- l'interdiction d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans
l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a
été commise ;
- l'interdiction de détention ou de port d'armes ;
- la suspension ou l'annulation du permis de conduire ;
- enfin, la confiscation de véhicules, d'armes ou encore de la chose qui
a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de
la chose qui en est le produit.
La nouvelle peine complémentaire ajoutée à cet
éventail par l'article 8 du projet de loi est destinée
à protéger les mineurs contre des récidives
éventuelles de la part d'auteurs d'infractions particulièrement
graves déjà commises à l'encontre de mineurs, telles que
des tortures et des actes de barbarie ou des viols.
Cette peine complémentaire tendant à prévenir tout contact
habituel avec les mineurs est par ailleurs prévue par l'article 16 du
projet de loi pour les auteurs d'atteintes aux mineurs et à la famille.
Votre commission a adopté cet article
sans modification
.
Article 9
(art. 225-7, 227-22 et 227-26 du code
pénal)
Utilisation d'un réseau de
télécommunications
pour commettre les délits de
proxénétisme, de corruption de mineur
ou d'atteinte sexuelle
sur mineur sans violence
Cet article tend à faire de l'utilisation d'un
réseau de télécommunications (comme par exemple le
réseau Internet ou le Minitel) une circonstance aggravante de certains
délits.
· Le
paragraphe I
a ainsi pour objet de compléter les
circonstances aggravantes du délit de proxénétisme
énumérées à l'article 225-7 du code pénal en
y ajoutant l'utilisation d'un réseau de télécommunications
"
pour la diffusion de messages à destination d'un public non
déterminé
", cette formulation permettant d'exclure les
correspondances purement privées. Le proxénétisme
organisé par l'intermédiaire d'un tel réseau serait alors
réprimé de 10 ans d'emprisonnement et 10 millions de francs
d'amende au lieu de 5 ans d'emprisonnement et 1 million de francs d'amende
actuellement.
· Le
paragraphe II
tend à faire de l'utilisation d'un
réseau de télécommunications pour entrer en contact avec
un mineur, dans les mêmes conditions que celles définies au
paragraphe I (diffusion de messages à destination d'un public non
déterminé) une circonstance aggravante du délit de
corruption de mineur défini à l'article 227-22 du code
pénal.
Dans cette hypothèse, les peines encourues seraient portées de 5
ans d'emprisonnement et 500 000 F d'amende à 7 ans d'emprisonnement et
700 000 francs d'amende.
· Le
paragraphe III
est destiné à compléter
l'énumération par l'article 227-26 du code pénal des
circonstances aggravantes du délit d'atteintes sexuelle sans violence,
contrainte, menace ou surprise à l'égard d'un mineur de quinze
ans, en y ajoutant l'utilisation d'un réseau de
télécommunications pour entrer en contact avec le mineur, dans
les mêmes conditions que celles prévues au paragraphe II. Ce
délit serait dans cette circonstance puni de 10 ans d'emprisonnement et
1 million de francs d'amende alors qu'à l'heure actuelle il n'est
sanctionné que de deux ans d'emprisonnement et 200 000 francs d'amende
1(
*
)
.
A l'initiative de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a
complété l'article 9 du projet de loi en faisant également
de l'utilisation d'un réseau de télécommunications, dans
les mêmes conditions, une circonstance aggravante de trois autres
délits :
- le viol, dont les circonstances aggravantes sont
énumérées à l'article 222-24 du code
pénal et qui serait alors puni de vingt ans de réclusion
criminelle contre quinze actuellement (
paragraphe I A
) ;
- les agressions sexuelles autres que le viol, dont les circonstances
aggravantes sont énumérées à l'article 222-28 du
code pénal et qui seraient alors réprimées de sept ans
d'emprisonnement et 700 000 francs d'amende au lieu de cinq ans
d'emprisonnement et 500 000 francs d'amende dans le droit actuel (
paragraphe
I B
) ;
- la diffusion d'une image de mineur à caractère pornographique,
délit défini à l'article 227-23 du code pénal et
pour lequel les peines encourues seraient portées de un an
d'emprisonnement et 300 000 francs d'amende à trois ans d'emprisonnement
et 500 000 francs d'amende
2(
*
)
(
paragraphe II
bis
).
S'agissant de ce dernier délit, l'Assemblée nationale a entendu
sanctionner la diffusion par l'intermédiaire d'un réseau de
télécommunications, non seulement de l'image mais
également de la représentation du mineur, afin notamment de
réprimer la diffusion éventuelle d'images virtuelles à
caractère pornographique.
Les dispositions ainsi prévues par l'article 9 du projet de loi ont
pour objet de permettre de réprimer plus efficacement qu'actuellement le
développement de l'utilisation d'Internet ou du Minitel pour
l'organisation de réseaux de proxénétisme ou de
pédophilie.
Votre commission estime cependant que l'ajout de cette nouvelle circonstance
aggravante ne se justifie dans le cadre du présent projet de loi que
dans la mesure où elle permet de renforcer la protection des mineurs.
Elle vous propose donc par un
amendement
de limiter le champ
d'application de cette nouvelle circonstance aggravante aux infractions
concernant des mineurs.
Votre commission a adopté l'article 9 ainsi modifié.
Article 10
(art. 225-16-1, 225-16-2 et 225-16-3
nouveaux
du code pénal)
Création d'un délit de
bizutage
Afin de lutter contre certaines pratiques répréhensibles de " bizutage " imposées à des élèves ou étudiants par d'autres élèves ou étudiants plus anciens, cet article tend, par l'insertion dans le code pénal d'une section intitulée " Des atteintes à la dignité de la personne commises en milieu scolaire ou éducatif ", à créer un nouveau délit spécifique de bizutage destiné à sanctionner toutes les formes de bizutage portant atteinte à la dignité de la personne humaine, qui serait puni de six mois d'emprisonnement et de 50 000 F d'amende.
*
Selon la définition du verbe " bizuter "
figurant dans le Dictionnaire de l'Académie française, le
bizutage consiste à "
soumettre de nouveaux élèves
à des brimades, sous prétexte d'initiation
".
Reposant sur des traditions souvent fort anciennes qui trouvent leur origine au
Moyen-Age, les pratiques de " bizutage " imposées aux
nouveaux
étudiants par des étudiants plus anciens dans certains
établissements d'enseignement -notamment au sein des grandes
écoles, des facultés de médecine et de pharmacie et des
classes préparatoires aux grandes écoles- donnent
fréquemment lieu à des excès et des débordements
(humiliations, actes dégradants, voire atteintes sexuelles...).
Des pratiques dégradantes et aliénantes ont notamment
été dénoncées dans un rapport du Comité
national d'évaluation sur l'" usinage " mis en oeuvre à
l'Ecole nationale des arts et métiers (ENSAM) et dans un
livre-témoignage écrit par une ancienne élève de
classe préparatoire
3(
*
)
. Par ailleurs,
les médias se sont récemment fait l'écho à
plusieurs reprises de séances de bizutage violentes ou à
connotation sexuelle marquée dans divers lycées ou
établissements.
*
Ces pratiques reposant sur des traditions souvent solides
subsistent bien que le bizutage soit officiellement interdit depuis 1928 par
différentes circulaires émanant des ministres successifs de
l'Education nationale.
La dernière en date a été diffusée à
l'initiative de Mme Ségolène Royal, ministre
délégué chargé de l'enseignement scolaire, à
l'issue d'une table ronde tenue en septembre dernier avec le
" Comité national contre le bizutage ".
Cette circulaire rappelle notamment les différentes
sanctions
pénales et disciplinaires
qui permettent actuellement de
réprimer certaines formes répréhensibles de bizutage.
D'ores et déjà, le code pénal actuel comporte de
nombreuses infractions susceptibles d'être retenues pour sanctionner
certaines pratiques de bizutage, parmi lesquelles on peut notamment relever :
- les violences simples ou aggravées (correspondant aux coups et
blessures volontaires de l'ancien code pénal) : art. 222-7 à
222-14 ;
- le viol et les autres agressions sexuelles : art. 222-23 à
222-31 ;
- les menaces : art. 227-17 et 227-18 ;
- la mise en danger d'autrui : art. 223-1 (oublié dans la
circulaire) ;
- l'administration de substances nuisibles ayant porté atteinte à
l'intégrité physique ou psychique d'autrui : art.
222-15 ;
- les destructions, dégradations ou détériorations de
biens : art. 322-1 et 322-2 ;
- l'organisation de manifestations non autorisées ou la participation
à des attroupements susceptibles de troubler l'ordre public :
art. 431-3, 431-4 et 431-9...
Différents textes permettent par ailleurs aux autorités
compétentes d'engager des poursuites disciplinaires à
l'égard des auteurs de faits de bizutage :
- pour l'enseignement supérieur, le décret n° 85-827 du 31
juillet 1985 relatif à l'ordre dans les enceintes et locaux
universitaires et le décret n° 92-657 du 13 juillet 1992
relatif à la procédure disciplinaire dans les
établissements publics d'enseignement supérieur ;
- pour l'enseignement secondaire, le décret n° 85-1348 du
18 décembre 1985 relatif aux procédures disciplinaires dans
les collèges, lycées et établissements d'éducation
spéciale.
En outre, en ce qui concerne les
obligations s'imposant aux
témoins
(personnels éducatifs par exemple), il n'est
pas inutile de rappeler que le code pénal sanctionne la non-assistance
à personne en danger (art. 223-6) et la non-dénonciation d'un
crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets,
ou encore d'empêcher la récidive (art. 434-1).
S'agissant plus particulièrement des fonctionnaires, ils sont
également tenus, en application de l'article 40 du code de
procédure pénale, d'informer le procureur de la République
de tout crime ou délit dont ils ont eu connaissance dans l'exercice de
leurs fonctions.
Lors de son audition devant la commission, M. Gérard Devis, proviseur du
Lycée Pothier d'Orléans, a à cet égard
précisé qu'en cas de faits répréhensibles de
bizutage, il avait la possibilité d'intervenir sur le plan disciplinaire
par des sanctions allant du simple avertissement à l'exclusion
temporaire ou définitive après passage devant le conseil de
discipline, et le cas échéant d'avertir le Procureur de la
République.
*
Nonobstant le large éventail des sanctions existantes,
les auteurs du projet de loi ont jugé nécessaire la
définition d'un nouveau délit inséré dans le code
pénal (
art. 225-16-1 nouveau
) qui a pour objet de sanctionner, en
dehors des violences, menaces ou atteintes sexuelles déjà
réprimées par le code pénal, des faits de bizutage portant
atteinte à la dignité de la personne humaine.
Cette infraction punie de 6 mois d'emprisonnement et de 50 000 francs
d'amende
4(
*
)
est définie, dans la
rédaction initiale du projet de loi, comme "
le fait pour un
élève ou un étudiant, d'imposer à un autre
élève ou étudiant en exerçant des contraintes ou
des pressions de toute nature, des actes, des attitudes ou des comportements
contraires à la dignité de la personne humaine, lors de
manifestation ou de réunion en milieu scolaire ou
éducatif
".
L'Assemblée nationale a considéré cette définition
trop restrictive et, suivant la proposition de sa commission des Lois, l'a
étendue aux milieux sportif et associatif en retenant la
rédaction suivante : "
le fait pour une personne de faire subir
à une autre personne, par des contraintes ou des pressions de toute
nature, des actes ou comportements portant atteinte à la dignité
de la personne humaine lors de manifestations ou de réunions
liées aux milieux scolaire, éducatif, sportif ou
associatif
".
En outre, l'Assemblée nationale a souhaité que puisse être
mise en cause la responsabilité des associations d'anciens
élèves et des établissements d'enseignement qui
cautionnent fréquemment les pratiques de bizutage.
A cette fin, elle a inséré dans le projet de loi, sur la
proposition de sa commission des Lois, un nouvel article du code pénal
(
art. 225-16-
3
nouveau)
instituant la
responsabilité pénale des personnes morales
en cas de
délit de bizutage.
Les sanctions encourues seraient les suivantes :
- l'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du
code pénal (quintuple du taux prévu pour les personnes physiques)
;
- la fermeture définitive ou provisoire (pour une durée de 5 ans
au plus) de l'établissement ayant servi à commettre les faits
incriminés ainsi que l'affichage ou la diffusion de la décision
prononcée (peines mentionnées aux 4° et 9° de l'article
131-39 du code pénal).
*
Tout en approuvant le souci des auteurs du projet de loi de
réprimer plus efficacement certains abus déplorables
constatés au cours de séances de bizutage, votre commission des
Lois s'est cependant interrogée sur la nécessité de
créer un nouveau délit pour sanctionner les formes
répréhensibles de bizutage.
Elle a en effet constaté que les infractions déjà
prévues par le code pénal, notamment les violences et les
agressions sexuelles, apparaissaient suffisantes pour permettre de sanctionner
ces agissements, ainsi que l'ont souligné plusieurs des personnes
entendues, en particulier Mme Marie-Elisabeth Cartier.
En particulier, les violences sont sanctionnées de trois ans
d'emprisonnement et 300.000 F d'amende, même lorsqu'elles n'ont
entraîné aucune incapacité de travail, lorsqu'elles sont
commises "
par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur
ou de complice
" ou "
avec
préméditation
" (art. 222-13, 8° et 9° du code
pénal). Il convient à cet égard de souligner que
l'interprétation jurisprudentielle de la notion de violences permet de
réprimer celles qui, sans atteindre matériellement la personne
qui en est la victime, sont cependant de nature à provoquer un choc
émotif.
De plus, selon les termes mêmes de la circulaire diffusée dans les
établissements à l'initiative de Mme Ségolène
Royal, ministre chargé de l'enseignement scolaire, "
le
consentement de la victime ou le caractère "ludique" de l'acte,
souvent
invoqué par les adeptes du bizutage, ne peuvent à
l'évidence être retenus dès lors que l'élève
ou l'étudiant est contraint par le groupe, par les anciens, par la
tradition à se " plier " à une pratique ".
Ce constat a d'ailleurs été également effectué par
le Conseil d'Etat qui, selon les informations diffusées par la presse, a
fait observer dans son avis sur le projet de loi que "
les
dispositions
actuelles du code pénal permettent de réprimer ceux de ces
excès qui entrent dans la qualification de violences, menaces ou
atteintes sexuelles
" et que "
l'objectif poursuivi
devrait
pouvoir être atteint en engageant des poursuites contre les bizuteurs et
non pas en créant une nouvelle incrimination difficile à
appliquer par le juge pénal
".
D'autre part, la définition retenue pour le nouveau délit risque
de rendre celui-ci difficile à caractériser car elle
nécessite une appréciation subjective de la part du juge dans la
mesure où l'atteinte à la dignité de la personne humaine
n'est pas précisément définie.
En effet, l'atteinte à la dignité de la personne humaine n'est
pas réprimée en tant que telle par le code pénal,
même si il existe déjà des infractions dont la
définition fait appel à cette notion, comme par exemple le fait
de soumettre une personne à des conditions de travail ou
d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine (art. 225-14)
ou encore la diffusion de messages "
à caractère violent
ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la
dignité humaine
" (art. 227-24).
On peut en outre s'interroger sur la limitation à certains milieux
particuliers de la répression envisagée de l'atteinte à la
dignité humaine qui constitue une incrimination grave, ainsi que sur
l'insuffisance relative de la sanction de six mois d'emprisonnement
prévue. L'incrimination nouvelle risquerait dans certains cas d'aboutir
à une répression moindre, dans la mesure où certains faits
susceptibles d'être commis dans le cadre d'un bizutage sont d'ores et
déjà punis de peines supérieures.
Au surplus, le texte proposé, de par son caractère vague et
" comportemental ", pourrait être dangereusement
détourné de son objet initial.
Par ailleurs, on peut également s'interroger sur la pertinence de la
disposition introduite par l'Assemblée nationale pour prévoir la
responsabilité pénale des personnes morales pour délit de
bizutage. En effet, suivant le principe posé à l'article 121-2 du
code pénal, les personnes morales sont responsables des
"
infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou
représentants
".
Or, le bizutage peut-il être considéré comme ayant
été commis pour le compte d'une association d'anciens
élèves ou d'un établissement d'enseignement par ses
organes ou représentants?
*
Pour l'ensemble des raisons qui viennent d'être exposées, votre commission des Lois vous propose donc d'adopter un amendement de suppression de l'article 10 du présent projet de loi.
Article 11
(art. 226-14 du code
pénal)
Levée du secret professionnel
Cet article, adopté sans modification par
l'Assemblée nationale, tend à préciser explicitement que
les atteintes sexuelles font partie des sévices qui peuvent être
dénoncés aux autorités judiciaires, médicales ou
administratives, par dérogation à la règle du secret
professionnel, lorsqu'ils ont été infligés à un
mineur de quinze ans ou à une personne particulièrement
vulnérable.
Dans le droit actuel, l'article 226-13 du code pénal sanctionne d'un an
d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende la violation du secret
professionnel, mais l'article 226-14 du même code prévoit
certaines exceptions à la règle du secret.
Ainsi, hormis les autres cas où la loi impose ou autorise la
révélation du secret, la règle du secret professionnel est
levée :
- d'une manière générale, à l'égard de
quiconque révèle aux autorités judiciaires,
médicales ou administratives des sévices ou privations
infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne
particulièrement vulnérable ;
- et, s'agissant plus particulièrement des médecins, à
l'égard de ceux d'entre eux qui, avec l'accord de la victime, portent
à la connaissance du procureur de la République des
sévices permettant de présumer des violences sexuelles.
Afin de faire apparaître clairement la possibilité pour les
assistantes sociales ou les enseignants, par exemple, de dénoncer des
atteintes sexuelles commises, même sans violence, à l'égard
de mineurs âgés de moins de quinze ans, l'article 11 du projet de
loi propose de mentionner explicitement les atteintes sexuelles parmi les
" sévices " qui peuvent être
révélés aux autorités sans porter atteinte au
secret professionnel.
Votre commission des Lois vous propose de compléter cet article par un
amendement
tendant à préciser, par cohérence avec
la modification de l'article 226-14 du code pénal concernant la
levée du secret professionnel, que l'obligation de dénonciation
de mauvais traitements ou privations infligés à un mineur de
quinze ans, prévue par l'article 434-3 du code pénal, s'applique
également en cas d'atteintes sexuelles.
Votre commission a adopté le présent article 11 ainsi
modifié.
Article 12
(art. 227-18, 227-18-1, 227-19, 227-21 et
227-22 du code pénal)
Aggravation des sanctions de certaines
infractions commises
en milieu scolaire à l'égard de
mineurs
Cet article tend à faire une circonstance aggravante de
certaines infractions commises à l'égard des mineurs le fait
d'avoir commis l'infraction "
à l'intérieur d'un
établissement scolaire ou, à l'occasion des entrées ou des
sorties des élèves, aux abords immédiats d'un tel
établissement
".
Les infractions visées font toutes partie des infractions
définies dans la section V du chapitre VII du titre II du Livre
deuxième du code pénal, intitulée " De la mise en
péril des mineurs ".
Il s'agit plus précisément des délits suivants :
- le délit de provocation d'un mineur à l'usage de
stupéfiants (art. 227-18) pour lequel les sanctions seraient
portées à 7 ans d'emprisonnement et un million de francs d'amende
(au lieu de 5 ans d'emprisonnement et 700 000 F d'amende) ;
- le délit de provocation d'un mineur au trafic de stupéfiants
(art. 227-18-1) pour lequel les peines seraient élevées
à 10 ans d'emprisonnement et 2 millions de francs d'amende (au lieu de 7
ans d'emprisonnement et un million de francs d'amende) ;
- le délit de provocation d'un mineur à l'alcoolisme (art.
227-19), qui serait désormais sanctionné de 3 ans
d'emprisonnement et 500 000 F d'amende (au lieu de 2 ans d'emprisonnement
et 300 000 F d'amende) ;
- le délit de provocation d'un mineur à la commission de crimes
ou de délits (art. 227-21), qui serait désormais puni de 7 ans
d'emprisonnement et un million de francs d'amende (au lieu de 5 ans
d'emprisonnement et un million de francs d'amende) ;
- enfin, le délit de corruption de mineur (art. 227-22), anciennement
dénommé délit d'excitation de mineur à la
débauche, pour lequel les sanctions seraient portées à 7
ans d'emprisonnement et 700 000 F d'amende (au lieu de 5 ans d'emprisonnement
et 500 000 F d'amende).
Dans le souci de renforcer la lutte contre la délinquance en milieu
scolaire dont on déplore aujourd'hui le développement, l'article
12 du projet de loi propose donc d'aggraver la répression de l'ensemble
de ces infractions lorsqu'elles sont commises à l'intérieur ou
à proximité immédiate d'un établissement scolaire.
L'Assemblée nationale a adopté cet article après l'avoir
modifié de deux amendements d'ordre rédactionnel.
Afin de réprimer plus efficacement la violence en milieu scolaire, votre
commission vous propose de compléter cet article par un
amendement
tendant à aggraver les peines applicables en cas de violences
commises à l'intérieur ou à proximité d'un
établissement scolaire ou éducatif, en ajoutant une nouvelle
circonstance aggravante aux articles 222-12 (violences ayant
entraîné une incapacité de travail de plus de huit jours)
et 222-13 (violences ayant entraîné une incapacité de
travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant
entraîné aucune incapacité de travail) du code
pénal. Cet amendement reprend ainsi une suggestion formulée par
M. Yvon Tallec au cours de son audition devant la commission.
Elle vous propose également un
amendement
rédactionnel.
Votre commission a adopté l'article 12 ainsi modifié.
Article additionnel après l'article 12
(art.
227-23 du code pénal)
Répression de la diffusion d'une
représentation
pornographique de mineur
Après l'article 12, votre commission vous propose
d'insérer un article additionnel tendant à réprimer la
diffusion de représentations de mineurs à caractère
pornographique (par exemple des images virtuelles) en visant à l'article
227-23 du code pénal, non seulement l'image pornographique, mais
également la " représentation " pornographique d'un
mineur.
Le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou de transmettre une
représentation d'un mineur présentant un caractère
pornographique, ou encore de la diffuser par quelque moyen que ce soit, serait
ainsi sanctionné de un an d'emprisonnement et 300.000 F d'amende.
On notera que l'Assemblée nationale a déjà prévu,
à l'article 9, à titre de circonstance aggravante, la sanction de
la diffusion d'une représentation pornographique de mineur lorsqu'elle
est opérée par l'intermédiaire d'un réseau de
télécommunications. Il convient donc d'incriminer la diffusion
d'une représentation pornographique de mineur d'une manière
générale et non dans cette seule circonstance aggravante.
A cette fin, votre commission vous propose d'adopter
un amendement
tendant à insérer un article additionnel.
Article 13
(art. 227-25 du code
pénal)
Aggravation des peines en cas d'atteinte sexuelle
sur un
mineur de quinze ans
Cet article, adopté sans modification par
l'Assemblée nationale, tend à porter de 2 à 5 ans
d'emprisonnement et de 200 000 F à 500 000 F
d'amende les peines encourues pour les atteintes sexuelles sur un mineur de
quinze ans commises "
sans violence, contrainte, menace ni
surprise
".
Dans le droit actuel, ces atteintes sont punies par l'article 227-25 du code
pénal de 2 ans d'emprisonnement et 200 000 F d'amende, peines qui sont
élevées par l'article 227-26 à 10 ans d'emprisonnement et
un million de francs d'amende en cas de circonstances aggravantes (inceste,
infraction commise par une personne ayant autorité sur la victime ou
abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions, infraction
commise par plusieurs personnes ou encore infraction accompagnée du
versement d'une rémunération).
On notera que dans l'ancien code pénal, l'attentat à la pudeur
sans violence ni contrainte ni surprise sur un mineur de quinze ans
était puni d'un emprisonnement de 3 à 5 ans et d'une amende de 6
000 à 60 000 F (art. 331, 1er alinéa).
L'aggravation des sanctions des atteintes sexuelles sans violence sur un mineur
de 15 ans proposée par l'article 13 du projet de loi est, selon
l'exposé des motifs, "
justifiée à la fois par la
gravité de ces agissements et par le fait qu'en cas de circonstances
aggravantes les peines sont portées à 10 ans
d'emprisonnement et un million de francs d'amende
".
Les peines retenues par le projet de loi : 5 ans d'emprisonnement et 500 000 F
d'amende, correspondent à celles qui avaient été
adoptées par le Sénat pour ces infractions au moment de la
discussion du nouveau code pénal, suivant les propositions de votre
rapporteur et de votre commission des Lois.
Votre commission a adopté cet article
sans modification
.
Article 14
(art. 222-22, 227-26 et 227-27 du code
pénal)
Répression des infractions sexuelles commises à
l'étranger
Afin d'améliorer la répression de ce qu'il est
convenu d'appeler le " tourisme sexuel ", cet article tend à
étendre l'application de la loi pénale française à
l'ensemble des crimes et délits à caractère sexuel commis
à l'étranger contre des mineurs par des Français ou des
personnes résidant habituellement en France.
A cet égard, il n'est pas inutile de rappeler les principes suivant
lesquels le droit pénal français est ou non applicable à
des infractions commises à l'étranger.
Selon l'article 113-6 du code pénal, la loi pénale
française est applicable à tout crime commis par un
Français hors du territoire de la République, mais elle n'est
applicable aux délits commis par des Français hors du territoire
de la République que "
si les faits sont punis par la
législation du pays où ils ont été
commis
" (principe dit de la double incrimination).
Par ailleurs, l'article 113-7 prévoit que lorsque la victime est de
nationalité française, la loi pénale française est
applicable à tout crime et à tout délit puni
d'emprisonnement commis par un Français ou par un étranger hors
du territoire de la République.
Dans tous les cas, la poursuite des délits est cependant
subordonnée à la requête du ministère public et
à une plainte de la victime ou une dénonciation officielle par
l'autorité du pays concerné, conformément à
l'article 113-8.
A l'heure actuelle, une seule exception a été prévue
à l'application de ces règles générales. Elle
concerne la prostitution enfantine à l'étranger et est issue de
la loi n° 94-84 du 1er février 1994 qui a
complété l'article 227-26 du code pénal afin de rendre la
loi pénale française applicable aux atteintes sexuelles sans
violence commises à l'étranger sur un mineur de quinze ans
lorsqu'elles s'accompagnent du versement d'une rémunération.
En ce qui concerne les autres pays européens, ainsi que l'indique
l'étude précitée du service des affaires
européennes du Sénat, nombre d'entre eux ont depuis le
début des années 90, adopté des clauses
d'extraterritorialité. C'est notamment le cas de l'Allemagne, de
l'Autriche, de la Belgique et de l'Italie, qui peuvent poursuivre leurs
ressortissants qui se sont rendus coupables d'abus sur des mineurs à
l'étranger, quel que soit le pays où l'infraction a
été commise.
Par ailleurs, le Conseil de l'Union européenne a récemment
adopté une action commune déjà présentée
dans le présent rapport, par laquelle les Etats membres se sont
engagés à prévoir une compétence extraterritoriale
à l'égard des faits d'"
exploitation sexuelle
"
d'enfants commis à l'étranger par leurs nationaux et leurs
résidents à titre habituel.
L'article 14 du projet de loi s'inscrit dans le cadre de cette action commune
en étendant l'applicabilité de la loi pénale
française à l'ensemble des atteintes sexuelles sur des mineurs
commises par des Français à l'étranger.
· Ainsi, le
paragraphe I
de cet article prévoit-il, par
une modification de l'article 222-22 du code pénal, de rendre la loi
pénale française applicable à toute agression sexuelle
contre un mineur
5(
*
)
commise à
l'étranger par un Français ou une personne résidant
habituellement sur le territoire français :
- même si les faits ne sont pas punis par la législation du pays
où ils ont été commis, par dérogation à
l'article 113-6 précité ;
- et sans exiger une plainte préalable de la victime ou une
dénonciation officielle des faits par les autorités du pays, par
exception aux dispositions de l'article 113-8 précité.
· Le
paragraphe II
de l'article 14 du projet de loi tend pour sa
part à supprimer la disposition actuelle de l'article 227-26 du code
pénal qui a été analysée plus haut, dans la mesure
où le contenu en est repris dans une disposition plus
générale insérée par le
paragraphe III.
· Enfin, ce dernier paragraphe a pour objet d'étendre
l'applicabilité de la loi pénale française, dans les
mêmes conditions que celles prévues au paragraphe I, pour un
certain nombre d'infractions commises à l'étranger par des
Français ou des personnes résidant habituellement en France.
Les infractions ainsi visées sont les suivantes :
- le délit de corruption de mineur (art. 227-22 du code pénal) ;
- l'enregistrement ou la diffusion d'une image de mineur présentant un
caractère pornographique (art. 227-23) ;
- et les atteintes sexuelles sans violence contre des mineurs (art. 227-25
à 227-27).
Votre commission approuve la répression du " tourisme
sexuel "
prévue par le projet de loi.
Après avoir entendu les observations formulées sur ce point par
Mme Marie-Elisabeth Cartier et M. Philippe Jeannin, elle a cependant
estimé que l'extension de l'applicabilité de la loi pénale
française à certains crimes et délits à
caractère sexuel commis à l'étranger contre des mineurs
par "
des personnes résidant habituellement en
France
"
risquait de susciter des difficultés d'application.
En effet, il n'existe pas de définition pénale de la notion de
résidence habituelle en France et les règles
générales concernant l'application de la loi pénale
française pour des crimes ou des délits commis à
l'étranger (art. 113-6 et 113-7 du code pénal) ne font pas un
sort particulier aux "
personnes résidant habituellement en
France
".
Votre commission vous propose donc d'adopter un
amendement
tendant
à limiter la portée de l'article 14 aux seuls ressortissants
français en supprimant la mention des résidents habituels.
Elle a adopté l'article 14 ainsi modifié.
Article 15
Responsabilité pénale des
personnes morales en cas
d'infractions mettant en péril des
mineurs
Cet article a pour objet d'insérer dans le code
pénal un article 227-28-1 afin de permettre de déclarer les
personnes morales responsables pénalement des infractions
suivantes :
- provocation d'un mineur à l'usage ou au trafic de stupéfiants,
à la consommation habituelle ou excessive de boissons alcooliques,
à la mendicité ou à commettre habituellement des crimes et
des délits ;
- corruption de mineur ;
- enregistrement, en vue de sa diffusion, de l'image pornographique d'un
mineur ;
- diffusion d'un message violent ou pornographique susceptible d'être
perçu par un mineur ;
- atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans.
Les peines encourues par les personnes morales condamnées pour l'une de
ces infractions sont :
- l'amende, dont le taux peut atteindre cinq fois celui de l'amende
prévu pour les personnes physiques ;
- l'interdiction d'exercer l'activité à l'occasion de l'exercice
de laquelle l'infraction a été commise ;
- le placement sous surveillance judiciaire pour cinq ans au plus ;
- la fermeture d'un ou plusieurs établissements ;
- l'exclusion des marchés publics ;
- l'interdiction, pour cinq ans au plus, d'émettre des
chèques ;
- la confiscation de la chose qui a servi à commettre l'infraction ou
qui en est le produit ;
- la diffusion de la décision de condamnation.
Par ailleurs, en cas d'atteinte sexuelle sur un mineur de quinze ans
accompagnée du versement d'une rémunération, la personne
morale encourt la dissolution.
Votre commission constate que, malgré le caractère exceptionnel
que devait revêtir, dans l'esprit du législateur du nouveau code
pénal, la responsabilité pénale des personnes morales, la
représentation nationale est encore une fois appelée à
étendre celle-ci à de nouvelles infractions. Toutefois, compte
tenu de la gravité desdites infractions, elle a adopté le
présent article
sans modification
.
Article 16
Peines complémentaires applicables
aux personnes
physiques coupables d'atteintes aux mineurs
ou à la
famille
Cet article a pour objet de compléter
l'article 227-29 du code pénal, relatif aux peines
complémentaires encourues par les personnes physiques coupables
d'atteintes aux mineurs ou à la famille afin d'y ajouter :
- la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée
à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit ;
- l'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou
bénévole impliquant un contact habituel avec les mineurs.
Votre commission a adopté cet article
sans modification
.
Article 17
Responsabilité pénale des
personnes morales en cas
d'association de malfaiteurs
Cet article a pour objet d'insérer dans le code
pénal un article 450-4 afin de permettre de déclarer les
personnes morales pénalement responsables de l'infraction d'association
de malfaiteurs.
Cette disposition va donc bien au-delà de l'objet du présent
projet de loi. Toutefois, comme le précise l'exposé des motifs,
cet article 17 sera notamment applicable aux agences de voyage proposant
du tourisme sexuel.
Ainsi, constatant que cet article n'était pas dépourvu de lien
avec le projet de loi et pouvait présenter une certaine utilité
dans la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants, votre commission l'a
adopté
sans modification
.
CHAPITRE II
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE
DE
PROCÉDURE PÉNALE ET CONCERNANT
LA PROTECTION DES
VICTIMES
Article 18A et 18
Recevabilité de la
constitution de partie civile
de certaines associations
· L'article 18A, inséré par
l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des Lois, a
pour objet de modifier l'article 2-2 du code de procédure
pénale.
En sa rédaction actuelle, ledit article 2-2 permet aux associations
ayant pour objet statutaire de lutter contre les violences sexuelles d'exercer
les droits reconnus à la partie civile pour certaines infractions :
meurtre ou assassinat, tortures ou violences, agressions ou atteintes
sexuelles... Toutefois, la recevabilité de cette action est
subordonnée à l'accord de la victime ou, si celle-ci est mineure,
du titulaire de l'autorité parentale ou du représentant
légal.
Dans son rapport écrit, Mme Frédérique Bredin juge
contestable la nécessaire intervention du représentant du
mineur : "
en effet, (il) peut, par opposition
d'intérêt -notamment en cas d'inceste- ou même simple
désintérêt, refuser son accord
".
L'article 18A du projet de loi limite donc l'intervention du
représentant légal du mineur à l'hypothèse
où celui-ci n'est pas en état de donner son accord.
· Le paragraphe I de l'article 18 vise à modifier l'article
2-3 du code de procédure pénale afin d'étendre aux
associations dont l'objet statutaire est la défense des mineurs victimes
d'atteintes sexuelles la faculté d'exercer les droits reconnus à
la partie civile (lorsque l'action publique a été mise en
mouvement par le ministère public ou la partie lésée) en
ce qui concerne certaines infractions : violences aggravées, viol
aggravé, agression sexuelle sur un mineur de quinze ans ou une personne
vulnérable, corruption de mineur...
· Le paragraphe II, inséré par l'Assemblée
nationale, introduit dans le code de procédure pénale un
article 2-16 afin de permettre aux associations familiales
déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits
d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne
"
les faits portant atteinte à la dignité de la personne
ou mettant en péril les mineurs
". Toutefois, sauf lorsque la
victime n'est pas désignée, la recevabilité de cette
action est subordonnée à l'accord de la victime ou, si celle-ci
est mineure, à celui du titulaire de l'exercice de l'autorité
parentale ou du représentant légal à condition qu'il ne
soit pas impliqué dans les faits incriminés.
En vertu de l'adage selon lequel "
nul ne plaide par
procureur
", votre commission juge souhaitable d'éviter de
multiplier outre mesure la constitution de partie civile des associations. Par
ailleurs, M. Alain Boulay, au nom des parents d'enfants victimes, a mis en
garde contre les risques de dérives, estimant que l'action des
associations devait à tout le moins être subordonnée
à l'accord de la victime.
Votre commission, qui constate que l'article 18A a pour simple objet de
subordonner l'action des associations à l'accord du mineur lorsqu'il est
en état de le donner, a donc adopté cet article
sans
modification
.
En revanche, et comme l'avait notamment souhaité
Mme le professeur Cartier, elle vous soumet un
amendement
tendant à supprimer le paragraphe II de l'article 18, qu'elle
a adopté ainsi modifié.
Article 18 bis et 18 ter
Délai de prescription
de l'action publique pour
certains crimes ou délits commis contre les
mineurs
Ces articles ont pour objet de modifier les articles 7
et
8 du code de procédure pénale, relatifs à la prescription
de l'action publique en matière criminelle et correctionnelle, en leurs
dispositions spécifiques aux infractions contre les mineurs.
En l'état actuel du droit, le délai de prescription de l'action
publique pour un crime ou un délit commis sur un mineur ne commence
à courir qu'à compter de la majorité lorsque l'auteur de
l'infraction est un ascendant ou a autorité sur le mineur. Le code de
procédure pénale énonce donc, pour les atteintes aux
mineurs, une dérogation que l'on peut présenter comme
générale
in rem
(car concernant tout crime et tout
délit) et spéciale
in personam
(car concernant les seules
personnes ayant autorité sur le mineur).
Les articles 18
bis
et 18
ter
confèrent désormais
à la dérogation concernant la prescription de l'action publique
pour une infraction sur un mineur un caractère spécial
in
rem
et général
in personam
:
- spéciale
in rem
puisque seules certaines infractions seraient
désormais concernées par ce point de départ du
délai de prescription à compter de la majorité de la
victime : les tortures ou actes de barbarie, les violences, le viol, les
agressions sexuelles, le proxénétisme, la corruption de mineur et
les atteintes sexuelles ;
- générale
in personam
, puisque ce point de départ
spécifique du délai de prescription s'appliquerait quel que soit
l'auteur de l'infraction et non plus si celui-ci a autorité sur la
victime.
Par ailleurs, pour deux délits, le délai de prescription de
l'action publique est porté de trois à dix ans. Il s'agit :
- des agressions sexuelles commises par une personne ayant autorité sur
le mineur ou par plusieurs personnes (article 222-30 du code
pénal) ;
- des atteintes sexuelles sur un mineur de moins de quinze
ans (article 227-26 du code pénal).
Votre commission approuve dans leur principe les modifications proposées
s'agissant du point de départ du délai de prescription de
l'action publique. Il lui semble en effet justifié de ne pas distinguer
selon que l'auteur des faits a ou n'a pas autorité sur le mineur et ce
d'autant plus que, pour beaucoup d'enfants, tout adulte a en fait une certaine
autorité. De même, il lui paraît opportun d'établir
une distinction entre les infractions concernées par ce point de
départ spécifique, lequel, à l'expérience, ne
paraît pas avoir de véritables justifications pour certains
délits, notamment lorsque ceux-ci sont involontaires (et ne constituent
donc pas par hypothèse des actes de maltraitance).
Néanmoins, elle s'interroge sur la distinction faite entre les crimes,
et en particulier sur l'exclusion du report du délai à la
majorité de la victime en cas de meurtre ou d'assassinat (ou
plutôt de tentative). Il lui semble en effet que la tentative de meurtre
est aussi traumatisante pour un enfant qu'un autre crime et l'est souvent
davantage que certaines délits dont pourtant le délai de
prescription pourrait être plus long. Ainsi, en cas de tentative de
meurtre sur un enfant de sept ans, la prescription serait acquise dix ans plus
tard alors que, pour une atteinte sexuelle, elle le serait trois ans
après sa majorité, soit quatorze ans plus tard (voire
vingt-et-un ans plus tard si, comme le propose l'article 18
ter
, le
délai de prescription des atteintes sexuelles était porté
de trois à dix ans)
Ces considérations ont conduit votre commission à adopter
à l'article 18
bis
un
amendement
selon lequel,
pour tout crime contre un mineur, le délai de prescription de l'action
publique courrait à compter de la majorité de la victime.
Votre commission a en revanche émis de plus fortes objections sur le
second volet du dispositif proposé, à savoir l'allongement de
trois à dix ans du délai de prescription des délits
sexuels. Lors de son audition, M. Philippe Jeannin, procureur de la
République à Meaux, avait d'ailleurs indiqué que rien ne
justifiait véritablement une telle durée pour ces infractions.
Par ailleurs, l'alignement de la procédure des délits sur celle
des crimes conduirait à terme à vider de sa substance la
distinction entre la procédure criminelle et la procédure
correctionnelle. Ce serait à tout le moins un précédent
qui ouvrirait la porte à d'autres dérogations et constituerait
une atteinte à la cohérence du nouveau code pénal.
C'est pourquoi votre commission vous propose à
l'article 18
ter
un
amendement
ayant pour objet de
supprimer le délai de prescription de dix ans prévu pour
certains délits.
Elle a adopté les articles 18
bis
et 18
ter
modifiés par les amendements ci-dessus présentés ainsi que
par un simple
amendement
de précision.
Articles 18 quater et 18 quinquies
Décisions de
classement sans suite
Ces articles insérés par l'Assemblée
nationale à l'initiative de sa commission des Lois, ont pour objet de
modifier l'article 40 du code de procédure pénale en ses
dispositions relatives aux décisions de classement sans suite.
· L'article 18
quater
prévoit que, en cas de
décision de classement, l'information du plaignant et, si elle est
identifiée, de la victime s'effectuera par écrit.
· L'article 18
quinquies
impose la motivation des
décisions de classement sans suite lorsqu'elles concernent certaines
infractions commises contre un mineur à savoir :
- le viol et les autres agressions sexuelles, y compris l'exhibition ;
- la corruption de mineur ;
- la diffusion de l'image pornographique d'un mineur ;
- la diffusion d'un message à caractère violent ou pornographique
susceptible d'être perçu par un mineur ;
- les atteintes sexuelles.
Votre commission comprend le souci de l'Assemblée nationale d'assurer
une meilleure information des plaignants en cas de décision de
classement sans suite.
Les articles 18
quater
et 18
quinquies
soulèvent toutefois
une question d'ordre général, qui ne concerne pas les seules
infractions sexuelles, même si la seconde de ces dispositions ne visent
que ces dernières.
Au demeurant, on observera que les infractions visées par l'article 18
quinquies
pouvant donner lieu à constitution de partie civile, la
décision de classement ne fait en rien obstacle à la mise en
mouvement de l'action publique par la victime ou ses ayants-droit.
Ainsi, considérant que l'information du plaignant en cas de
décisions de classement sans suite relève d'une démarche
plus générale (la motivation ayant d'ailleurs été
proposée par la commission de réflexion sur la justice
présidée par M. Pierre Truche), votre commission ne souhaite pas
anticiper la réflexion d'ensemble sur le statut du parquet. C'est
pourquoi elle a adopté deux
amendements
tendant à
supprimer ces articles.
Article 19
Protection des mineurs victimes
Cet article a pour objet d'insérer dans le livre IV du
code de procédure pénale, relatif aux procédures
particulières, un titre XIX, composé des nouveaux
articles 706-47 à 706-54 et intitulé "
de la
procédure applicable aux infractions de nature sexuelle et du statut des
mineurs victimes
".
·
L'article 706-47 a pour simple objet de renvoyer aux
articles 7 et 8 du code de procédure pénale pour le calcul
du délai de prescription de l'action publique
pour les crimes et
délits contre les mineurs.
Votre commission vous propose un
amendement
tendant à supprimer
cette disposition qui lui paraît inutile et en outre
rédigée de manière ambiguë : en effet, en
indiquant que le délai de prescription est fixé par lesdits
articles 7 et 8 "
lorsque la victime est
mineure
", cet
article 706-47 laisse accroire que ces articles 7 et 8 ne concernent pas
également les majeurs.
·
L'article 706-48 impose avant tout jugement sur le fond une
expertise médicale des auteurs d'infractions sexuelles
.
Cette expertise doit avoir lieu en cas :
- de meurtre ou assassinat d'un mineur précédé ou
accompagné de viol ou d'acte de barbarie. On observera, dans ce cas, que
l'expertise n'est éxigée que si la victime est mineure alors que,
selon l'article 1
er
bis
, le suivi socio-judiciaire est
encouru même si la victime est ou était majeure ;
- de viol ou d'agression sexuelle, y compris l'exhibition, quel que soit
l'âge de la victime ;
- de corruption de mineur ;
- de diffusion de l'image pornographique d'un mineur ;
- de diffusion d'un message violent ou pornographique susceptible d'être
perçu par un mineur ;
- d'atteinte sexuelle.
Cette expertise peut être ordonnée dès le stade de
l'enquête par le procureur de la République. L'expert doit
être interrogé sur l'opportunité d'une injonction de soins
dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire. Votre commission a adopté un
amendement
déplaçant cette précision afin de
souligner que l'expert doit être interrogé même si
l'expertise est réalisée à un autre stade que celui de
l'enquête.
L'expertise est ensuite communiquée à l'administration
pénitentiaire en cas de condamnation à une peine
d'emprisonnement, "
afin de faciliter le suivi médical et
psychologique en détention
". Votre commission a adopté
un
amendement
substituant la notion de peine privative de liberté
à celle d'emprisonnement afin de tenir compte du fait que l'auteur de
l'infraction pourra également être condamné à une
peine de réclusion.
· Après l'article 706-48, votre commission vous propose un
amendement
insérant un article 706-48-1 afin de prévoir
que tout mineur victime d'une infraction sexuelle sera assisté d'un
avocat lors de la procédure (choisi par lui, son représentant
légal ou le bâtonnier) et ce dès le début de
l'enquête. La rédaction proposée s'inspire de celle de
l'article 4-1 de l'ordonnance de 1945 relative à l'enfance
délinquante.
·
L'article 706-49 prévoit l'expertise
médico-psychologique des mineurs victimes d'une infraction sexuelle
.
Cette expertise, qui concerne les infractions énumérées au
futur article 706-48 est destinée "
à
apprécier la nature et l'importance du préjudice subi et à
établir si celui-ci rend nécessaire des traitements ou des soins
appropriés
". Elle peut être ordonnée dès
le stade de l'enquête par le procureur de la République.
Le juge d'instruction peut cependant, par ordonnance motivée,
décider qu'il n'y a pas lieu de prescrire cette expertise. Afin de
réparer un oubli, lié au fait que, en cas de comparution
immédiate, le juge d'instruction ne serait par hypothèse pas
appelé à intervenir, votre commission a adopté un
amendement
étendant au président du tribunal la
possibilité de décider qu'une expertise n'est pas
nécessaire.
·
L'article 706-50 traite des conséquences de l'ouverture
d'une enquête pour infraction sexuelle sur la procédure
d'assistance éducative dont peut faire l'objet le mineur victime d'une
infraction sexuelle
.
Si, au début de l'enquête, le mineur ne fait pas
déjà l'objet d'une procédure d'assistance
éducative, le procureur de la République apprécie
l'opportunité d'en requérir l'ouverture auprès du juge des
enfants.
Si, au début de l'enquête, le juge des enfants est
déjà saisi, le procureur de la République ou le juge
d'instruction l'informe sans délai de l'existence d'une procédure
concernant le mineur victime.
En toute hypothèse, dès lors qu'une procédure d'assistance
éducative a été ouverte, le procureur de la
République ou le juge d'instruction communique au juge des enfants
toutes pièces utiles afin de lui permettre de s'assurer que le mineur
fait l'objet de soins justifiés par son état.
Votre commission a adopté un
amendement
tendant à
réécrire cet article afin de le purger des précisions qui
ne lui paraissent pas utiles.
·
Les articles 706-51 et 706-51-1 permettent la désignation
d'un administrateur
ad hoc
chargé d'assister le mineur
victime
.
En l'état actuel du droit, régi par l'article 87-1 du code
de procédure pénale, la faculté de désigner un
administrateur
ad hoc
est ouverte au juge d'instruction
"
saisi
de fait commis volontairement à l'encontre d'un enfant mineur par les
titulaires de l'exercice de l'autorité parentale ou par l'un d'entre
eux
". Cet administrateur exerce, s'il y a lieu au nom de
l'enfant,
les droit reconnus à la partie civile.
L'article 87-1, également applicable à la juridiction de
jugement, impose par ailleurs au juge, en cas de constitution de partie civile,
de désigner un avocat d'office pour le mineur s'il n'en a pas
déjà été choisi un.
La désignation d'un administrateur est donc actuellement facultative et
limitée à des hypothèses bien précises : les
faits commis volontairement par les titulaires de l'autorité parentale.
Afin de remédier à la possible insuffisante prise en compte des
intérêts du mineur par ses représentants légaux
alors même que ceux-ci n'auraient pas commis l'infraction, le projet de
loi prévoit de rendre obligatoire la désignation d'un
administrateur
ad hoc
dès lors que deux conditions sont
réunies :
- les faits ont été commis volontairement (condition
déjà prévue aujourd'hui). Ainsi,
la désignation
d'un administrateur
ad hoc
pourrait intervenir pour toute infraction
quel qu'en soit l'auteur, à l'exclusion de celles commises par
imprudence ou négligence
;
- la protection du mineur n'est pas complètement assurée par ses
représentants légaux ou par l'un d'entre eux.
Le texte proposé pour l'article 706-51-1 précise que le
"
mandataire
"
ad hoc
est désigné soit
parmi les proches de l'enfant, soit sur une liste de personnalités
présentées par les associations agréées pour la
défense de l'enfance, les associations de défense des victimes ou
par le conseil général. Un décret fixe les
modalités de constitution de ces listes, de l'agrément des
personnes qui y figurent et, s'il y a lieu, de leur rémunération.
Ainsi qu'il a été indiqué dans l'exposé
général du présent rapport, votre commission estime
souhaitable de préciser, d'une part, que l'administrateur
ad hoc
pourra être désigné dès le stade de l'enquête
et, d'autre part, qu'il devra assurer la protection des intérêts
du mineur dans leur ensemble et non seulement exercer les droits de la partie
civile. Aussi a-t-elle adopté un
amendement
à cette fin
à l'article 706-51.
Elle vous propose par ailleurs un
amendement
tendant à supprimer
l'article 706-51-1, les modalités de désignation de
l'administrateur ad hoc ne lui paraissant pas relever du domaine de la loi.
·
Les articles 706-52 à 706-54 sont relatifs aux auditions et
confrontations des mineurs victimes d'une infraction sexuelle
.
Selon l'exposé des motifs, l'un des objectifs du projet de loi consiste
à "
éviter le traumatisme résultant
d'interrogatoires répétés
".
Aussi l'article 706-52 précise-t-il que le juge d'instruction ne
procède aux auditions et confrontations des mineurs victimes d'une
infraction sexuelle que lorsque ces actes sont "
strictement
nécessaires à la manifestation de la
vérité
".
Dans le même esprit, l'article 706-53 dispose que l'audition lors de
l'enquête ou de l'information du mineur victime d'une telle infraction
fait "
autant que possible
" l'objet d'un
enregistrement
audiovisuel. Toutefois, le mineur ou, s'il n'est pas en état de le
faire, son représentant légal doit donner son consentement.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit que,
sous cette réserve, l'enregistrement doit être autorisé par
le procureur de la République ou par le juge d'instruction. Il
précise cependant que le refus doit être motivé, semblant
par là-même conférer un pouvoir d'appréciation au
magistrat compétent.
Le procureur de la République, le juge d'instruction ou l'officier de
police judiciaire peuvent requérir toute personne qualifiée pour
procéder à cet enregistrement. En vertu de l'article 60 du
code de procédure pénale, auquel renvoie l'article 706-53,
cette personne prête serment par écrit d'apporter son concours
à la justice en son honneur et en sa conscience. Elle est, en tant que
personne concourant à la procédure, tenue au secret de
l'enquête et de l'instruction.
Une copie des enregistrements est établie aux fins d'en faciliter la
consultation au cours de la procédure.
Les copies sont inventoriées et versées au dossier. Les originaux
sont placés sous scellés et fermés.
Sur décision du juge d'instruction ou de la juridiction de jugement, les
enregistrements peuvent être visionnés au cours de la
procédure et être consultés par les experts. Cette
consultation peut être faite à partir de la copie. Mais la
consultation à partir de l'original est de droit si une partie le
demande ; les scellés sont alors ouverts par la juridiction.
A l'initiative de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a
prévu que les copies des enregistrements pouvaient être
visionnées par les avocats des parties au palais de justice.
L'article 706-54 prévoit que les auditions ou confrontations d'un
mineur victime d'une infraction sexuelle sont réalisées, sur
décision du procureur de la République ou du juge d'instruction,
en présence d'un psychologue ou d'un médecin spécialiste
de l'enfance ou d'un membre de la famille du mineur ou de l'administrateur
ad hoc
ou d'une personne mandatée par le juge des enfants.
Votre commission approuve dans son principe la possibilité de
procéder à l'enregistrement de la déposition d'un mineur
victime d'infraction sexuelle afin d'éviter autant que faire se peut les
conséquences traumatisantes des dépositions
répétées.
Il convient toutefois d'éviter, comme l'a notamment souhaité
Mme Christiane Berkani, juge d'instruction à Paris, de
conférer un caractère automatique à cet enregistrement.
Par ailleurs, il est fondamental d'éviter que l'enregistrement ne
conduise à figer les choses en faisant irrémédiablement
obstacle à toute nouvelle audition de l'enfant. Une telle
interprétation serait lourde de conséquences pour les droits de
la défense (car il convient de pouvoir contester une affabulation de
l'enfant, qui n'est pas à exclure) ou pour l'enfant lui-même (qui
pourrait se trouver totalement inhibé lors de l'enregistrement). A cette
fin, votre commission vous propose deux amendements.
- Le premier
amendement
complète l'article 706-52 afin de
préciser que la nécessité de l'audition du mineur
s'appréciera indépendamment de la réalisation d'un
enregistrement.
- Le second
amendement
réécrit l'article 706-53 afin
d'y apporter les compléments suivants :
- l'enregistrement ne pourra être utilisé qu'au cours de
l'instruction. Il serait notamment incompatible avec le principe de
l'oralité des débats criminels de pouvoir l'utiliser devant la
cour d'assises ;
- que seules les parties, leurs avocats ou les experts pourront visionner les
enregistrements ou leurs copies et ce en présence du juge d'instruction
ou (notamment si les demandes tendant à les visionner se multiplient,
faisant ainsi peser une charge de travail excessive sur ce magistrat) d'un
greffier. Cette précision lui paraît constituer un gage
supplémentaire de respect de la confidentialité de
l'enregistrement ;
- une transcription de l'enregistrement sera effectuée, laquelle rendra
donc inutile la réalisation d'une copie. Cette transcription sera
versée au dossier ;
- la publication de l'enregistrement (même après le procès)
sera sanctionnée d'un an d'emprisonnement et de 100.000 F
d'amende ;
- l'enregistrement sera détruit à l'issue d'un délai de
cinq ans à compter de l'extinction de l'action publique
(condamnation, acquittement, prescription...).
*
Votre commission a adopté le présent article 19 modifié par les amendements ci-dessus présentés.
Articles 19 bis et 19 ter
Réductions de peine
susceptibles
d'être accordées aux auteurs d'infractions
sexuelles
Ces articles, insérés par l'Assemblée
nationale, ont tous deux pour objet de modifier l'avant-dernier alinéa
de l'article 722 du code de procédure pénale.
En sa rédaction actuelle, cette dernière disposition impose une
expertise psychiatrique préalable pour les aménagements de peine
dont pourraient bénéficier les personnes condamnées pour
meurtre ou assassinat d'un mineur de quinze ans accompagné de viol ou
d'actes de barbarie ou pour une infraction sexuelle. Toutefois, cette expertise
n'est pas exigée pour les réductions de peines et les
autorisations de sortie sous escorte.
L'article 19
bis
précise que, parmi les
réductions de peines, seules celles n'entraînant pas de
libération immédiate ne nécessiteront pas une expertise.
A contrario
, une expertise sera nécessaire pour les
réductions de peine entraînant une libération
immédiate c'est-à-dire pour celles accordées lors de la
dernière année de l'incarcération. Votre rapporteur
s'interroge sur l'opportunité de cet article qui, selon les informations
fournies par M. Faucher, correspondrait à un surplus de 2 à
3.000 expertises par an pour un résultat pour le moins
limité puisque, au pire, elles allongeraient la détention de
quelques mois. Au surplus, en vertu du futur article 763-6 du code de
procédure pénale (article 5 du projet de loi), le condamné
fera en tout état de cause l'objet d'une expertise avant sa
libération s'il est assujetti à une obligation de soins.
L'article 19
ter
étend l'obligation de l'expertise
à tous les meurtres ou assassinats avec viol ou actes de barbarie commis
contre des mineurs, quel que soit leur âge.
Votre commission a adopté un
amendement
de suppression de
l'article 19
bis
. Elle a en revanche adopté l'article 19
ter
sans modification.
Article 20
Peines ne pouvant être
prononcées contre un mineur
Cet article a été supprimé par
l'Assemblée nationale qui en a repris le dispositif au sein de
l'article 31
quinquies
.
Votre commission vous propose de
maintenir cette suppression
.
Article 21
Prise en charge par l'Etat des soins
dispensés
aux mineurs victimes d'infractions sexuelles
Cet article a pour objet de compléter
l'article L.322-3 du code de la sécurité sociale afin de
permettre la prise en charge par l'Etat des soins dispensés au mineur de
moins de quinze ans victimes :
- d'un viol ou d'une autre agression sexuelle, y compris
l'exhibitionnisme ;
- de corruption de mineur ;
- de la diffusion de son image présentant un caractère
pornographique ;
- de la diffusion d'un message violent ou pornographique ;
- d'une atteinte sexuelle.
Ainsi qu'il a été indiqué dans l'exposé
général du présent rapport, votre commission vous propose
un
amendement
tendant à étendre à tous les mineurs
victimes de ces infractions (et non seulement à ceux âgés
de moins de quinze ans) la prise en charge de ces soins par
l'assurance-maladie.
Elle a adopté cet article ainsi modifié.
CHAPITRE III
INTERDICTION DE METTRE À LA
DISPOSITION
DES MINEURS CERTAINS DOCUMENTS
PORNOGRAPHIQUES OU POUVANT
PORTER ATTEINTE
À LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE HUMAINE
Ce chapitre vise, pour reprendre les termes de l'exposé
des motifs du projet de loi, à faire disparaître une lacune de
notre ordre juridique.
En effet, alors que la loi du 16 juillet 1949 sur les publications
destinées à la jeunesse "
permet au ministre de
l'intérieur d'interdire la vente aux mineurs des publications dont le
contenu est susceptible de porter atteinte à la dignité de la
personne humaine, notamment du fait de leur caractère pornographique,
(...) il n'existe aucun dispositif analogue en ce qui concerne les
vidéogrammes (vidéocassettes enregistrées sur support
magnétique, vidéodisques enregistrés sur support
électronique) et les programmes informatiques (notamment ceux des jeux
vidéo).
Le visa d'exploitation, dont l'obtention est obligatoire avant la diffusion
d'un film et qui permet d'interdire certains d'entre eux aux moins de
18 ans (oeuvres pornographiques) ou aux moins de 16 ans ou aux moins
de 12 ans, ne vaut que pour les oeuvres projetées dans les salles
de cinéma. Or, la plupart des films pornographiques diffusés sur
vidéocassette ne font l'objet d'aucune exploitation en salle avant leur
mise sur le marché. Ainsi, ils échappent entièrement
à l'obligation d'obtenir un visa d'exploitation.
Quant aux autres documents vidéo, aucune législation ne permet
d'interdire leur vente aux mineurs
. "
Le projet de loi prévoit donc un dispositif quasiment analogue à
celui de la loi de 1949 pour les vidéogrammes et les programmes
informatiques.
Article 22
Interdiction de vente aux mineurs
de
certains documents vidéo
Cet article fixe le champ d'application du dispositif
proposé et définit les pouvoirs dont disposera
"
l'autorité administrative
". Selon les informations
fournies à votre rapporteur, celle-ci sera le ministre de
l'intérieur qui, compte tenu du nombre considérable de cassettes,
pourra recourir à des délégations à des
autorités déconcentrées.
·
Le champ d'application du dispositif proposé
.
Le dispositif du projet de loi est appelé à s'appliquer à
"
la mise à disposition du public de tout document fixé
soit sur support magnétique à lecture optique, soit sur support
semi-conducteur, tel que notamment vidéocassette, vidéodisque,
jeu électronique
".
Le champ d'application ainsi défini appelle trois observations ;
- tout d'abord, l'énumération donnée par le projet de loi
n'a pas de caractère limitatif. Le présent article 22
précise d'ailleurs
in fine
"
qu'un décret en
Conseil d'Etat précise, en tant que de besoin, les catégories de
documents qui peuvent faire l'objet d'une interdiction
". Il
pourrait
ainsi utilement viser le CD Rom ;
- ensuite, l'interdiction susceptible d'être prononcée concerne
non pas le document lui-même mais sa mise à la disposition du
public ;
- enfin, l'article 22 exclut de son champ d'application les documents qui
constituent la reproduction intégrale d'une oeuvre
cinématographique ayant obtenu le visa de représentation et
d'exportation hors de la Communauté européenne. Toutefois, cette
exclusion ne s'applique pas aux documents soumis de plein droit à
interdiction en application de l'article 24 (ci-après
commenté).
·
Les pouvoirs de l'autorité administrative
.
Lorsqu'un document entrant dans le champ d'application du dispositif
"
présente un danger pour la jeunesse en raison de son
caractère pornographique ou de la place faite au crime, à la
violence, à la discrimination ou à la haine raciales, à
l'incitation à l'usage, à la détention ou au trafic de
stupéfiants
" (formule reprise de la loi de 1949, qui vise en
outre les publications dites licencieuses), l'autorité administrative
peut interdire :
- de le proposer, de le donner, de le louer ou de le vendre à des
mineurs ;
- de faire en faveur du document de la publicité par quelque moyen que
ce soit, celle-ci demeurant néanmoins possible dans les lieux dont
l'accès est interdit aux mineurs.
L'autorité administrative dispose, dès lors que les conditions
sont remplies, d'un pouvoir discrétionnaire pour prononcer ou ne pas
prononcer l'interdiction. Toutefois, si elle décide de la prononcer,
elle doit observer deux règles :
- elle ne saurait limiter une interdiction à la publicité,
l'article 22 précisant que l'autorité administrative peut
prononcer soit la première interdiction (celle de la cession aux
mineurs) soit les deux interdictions conjointement (une réserve analogue
est prévue par la loi de 1949) ;
- elle doit tenir compte du "
degré de danger pour la jeunesse
que présente le document
" pour décider de prononcer
seule la première interdiction ou les deux interdictions. Cette
réserve ouvre la voie à un contrôle du juge administratif
sur le choix de la mesure prononcée.
La décision de l'autorité administrative prend la forme d'un
arrêté motivé pris après avis d'une commission
(présentée à l'article 23) et publié au
Journal officiel.
Votre commission a adopté cet article modifié par un simple
amendement
rédactionnel.
Article 23
Commission administrative chargée de
donner un avis
sur les mesures d'interdiction
Cet article a pour objet de créer une commission
administrative chargée de donner un avis sur les mesures d'interdiction
envisagées, qui rappelle la commission, instituée par la loi de
1949, chargée de la surveillance et du contrôle des publications
destinées à l'enfance et à l'adolescence.
Cette commission, dont la composition et les modalités de fonctionnement
sont fixées par décret en Conseil d'Etat, comprend :
- un membre du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, qui exerce les
fonctions de président ;
- des représentants de l'administration ;
- des professionnels des secteurs concernés ;
- des personnes chargées de la protection de la jeunesse.
Reprenant la substance d'une disposition de la loi de 1949, l'Assemblée
nationale a précisé que cette commission aurait également
qualité pour signaler à l'autorité administrative les
documents qui lui paraîtraient justifier une interdiction.
Quoique la composition d'une commission administrative chargée de donner
un simple avis consultatif lui paraîssent relever plutôt du domaine
du pouvoir réglementaire, votre commission a, dans un souci de
précision, adopté cet article
sans modification
.
Article 24
Interdiction de céder aux mineurs des
vidéocassettes
pornographiques ou d'incitation à la
violence
Cet article énumère des documents dont la
cession aux mineurs est interdite de plein droit.
Sont visés les documents reproduisant des oeuvres
cinématographiques auxquelles s'appliquent les articles 11 et 12 de
la loi de finances pour 1976 (c'est-à-dire les films pornographiques ou
d'incitation à la violence).
L'article 24 précise que cette interdiction de plein droit par
l'autorité administrative peut se combiner avec l'interdiction de la
publicité en faveur du document.
Il permet à l'éditeur, au producteur, à l'importateur ou
au distributeur chargé de la diffusion en France du support soumis
à interdiction de demander à en être relevé.
L'autorité administrative se prononce après avis de la commission
ci-dessus présentée. Selon les informations fournies à
votre rapporteur, ce dispositif vise à permettre la cession aux mineurs
de documents qui, bien qu'entrant dans le champ des articles 11 et 12 de
la loi de finances pour 1976, ne sont plus, en raison de l'évolution des
moeurs, considérés comme présentant un danger pour la
jeunesse.
Votre commission a adopté cet article modifié par un
amendement
de précision.
Article 25
Mention de l'interdiction de vente aux
mineurs
Cet article impose la mention apparente de l'interdiction
prononcée par l'autorité administrative sur chaque unité
de conditionnement des exemplaires édités et diffusés.
Un décret en Conseil d'Etat déterminera les modalités
d'application de cette obligation. Il fixera notamment le délai dans
lequel elle devra être mise en oeuvre et les sanctions en cas
d'inexécution. Le défaut de mention sur un exemplaire sera donc
une infraction de nature contraventionnelle, pour laquelle le décret ne
saurait aller au-delà d'un maximum de 10.000 F d'amende (ou de
20.000 F en cas de récidive).
Votre commission a adopté cet article
sans modification
.
Article 26
Sanctions en cas d'inobservation d'une
interdiction
Cet article prévoit un emprisonnement d'un an et une
amende de 100.000 F à l'encontre de la personne qui contreviendra
aux interdictions prononcées par l'autorité administrative ou
à l'interdiction de plein droit prévue par l'article 24.
A titre de comparaison, rappelons que la loi de 1949 prévoit, dans cette
hypothèse, un an d'emprisonnement et 25.000 F d'amende.
Votre commission a adopté cet article
sans modification
.
Article 27
Sanctions en cas de manoeuvres
frauduleuses
Reprenant une solution consacrée par la loi de 1949,
cet article prévoit une peine de deux ans d'emprisonnement et de
200.000 F d'amende pour la personne qui, par des changements de titres ou
de supports, des artifices de présentation ou de publicité ou par
tout autre moyen, aura éludé ou tenté d'éluder
l'application des dispositions relatives à l'interdiction. La loi de
1949 prévoit pour sa part des peines de deux ans d'emprisonnement et de
50.000 F d'amende.
Votre commission a adopté cet article
sans modification
.
Article 28
Peine complémentaire
applicable
aux personnes physiques
Cet article dispose que les personnes coupables des
infractions prévues aux articles 26 et 27 pourront être
également condamnées à la peine complémentaire de
confiscation de la chose qui a servi à commettre l'infraction ou
était destinée à la commettre ou de la chose qui en est le
produit.
La peine de confiscation est également prévue par la loi de 1949.
Votre commission a adopté cet article
sans modification
.
Article 29
Responsabilité pénale des
personnes morales
Cet article permet de déclarer les personnes morales
pénalement responsables des infractions prévues aux
articles 26 et 27.
Elles encourent alors une peine d'amende ainsi que la peine de confiscation de
la chose qui a servi à commettre l'infraction ou qui en est le produit.
Votre commission a adopté cet article
sans modification
.
TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES ET DE COORDINATION
Article 30 et 31
Exécution de la peine d'une
personne condamnée
à un suivi socio-judiciaire dans les
territoires d'outre-mer et à Mayotte
Ces articles ont pour objet d'insérer au sein du code
de procédure pénale des articles 873-1 et 902 du code de
procédure pénale, afin de prévoir que, dans les TOM (futur
article 873-1) ou à Mayotte (futur article 902), la personne
condamnée à un suivi socio-judiciaire comprenant une injonction
de soin exécutera sa peine privative de liberté, si elle doit en
subir une, dans un établissement pénitentiaire permettant de lui
assurer un suivi médical et psychologique adapté.
Une telle précision est apparue nécessaire dans la mesure
où l'article 718 du code de procédure pénale, qui
prévoit l'incarcération des délinquants sexuels dans un
tel établissement, n'est applicable ni dans les TOM ni dans la
collectivité territoriale de Mayotte.
Votre commission a adopté cet article
sans modification
.
Article 30 bis
Mention au casier judiciaire de la
condamnation
à une peine de suivi socio-judiciaire
Cet article, inséré par l'Assemblée
nationale à l'initiative du Gouvernement, vise à compléter
l'article 133-16 du code pénal, relatif aux effets de la
réhabilitation de plein droit.
En vertu de l'article 133-13 dudit code, le point de départ du
délai ouvrant droit à réhabilitation court à
compter de l'exécution de l'emprisonnement. Or, compte tenu, d'une part,
du délai de réhabilitation et, d'autre part, de la durée
possible du suivi socio-judiciaire ou de la peine d'interdiction d'exercer une
activité impliquant un contact avec des mineurs, la
réhabilitation pourrait être acquise alors que le condamné
serait toujours soumis au suivi socio-judiciaire ou à ladite peine
complémentaire. Comme la réhabilitation a notamment pour effet
d'effacer la condamnation du casier judiciaire, les employeurs potentiels
pourraient embaucher une personne sans savoir qu'elle est frappée de
l'interdiction d'exercer l'emploi à laquelle on la destine. Pour
reprendre l'exemple donné par Mme Guigou devant l'Assemblée
nationale, un centre de loisirs désireux d'engager un éducateur
pour des mineurs peut être amené, sans le savoir, à
recruter une personne qui aura été condamnée pour
infractions sexuelles, puisque le bulletin n° 3 de son casier
judiciaire portera la mention " néant ".
L'article 30
bis
précise donc que, lorsque la personne
réhabilitée a été condamnée au suivi
socio-judiciaire ou à la peine d'exercer une activité
professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec
des mineurs, la réhabilitation ne produit ses effets qu'à la fin
de la mesure.
De même, il complète l'article 777 du code de
procédure pénale afin de préciser que le bulletin
n° 3 comprendra, pendant la durée de la mesure, les
décisions prononçant le suivi socio-judiciaire ou la peine
d'interdiction d'exercer une activité impliquant un contact habituel
avec des mineurs.
Votre commission a adopté cet article
sans modification
.
Article 31 bis
Réparation du dommage
causé à un mineur victime
de violences ou d'atteintes
sexuelles
Cet article, inséré par l'Assemblée
nationale à l'initiative de sa commission des Lois, tend à
introduire au sein du code civil un article 388-3 afin de préciser
que, lorsqu'un dommage est causé par des tortures, des actes de
barbarie, des violences ou des atteintes sexuelles contre un mineur, il est
tenu compte de l'âge de celui-ci pour évaluer la gravité du
préjudice subi et fixer sa réparation.
Votre commission s'interroge sur l'opportunité d'une telle
précision qui lui paraît aller de soi. Elle pourrait même
être source de difficulté en induisant un raisonnement
a
contrario
selon lequel l'âge de la victime ne serait pas pris en
compte lorsque le dommage ne résulterait pas d'une atteinte sexuelle.
C'est pourquoi votre commission a adopté un
amendement
tendant
à supprimer l'article 31
bis
.
Article 31 ter
Allongement de la prescription de
l'action
en responsabilité civile pour les dommages
causés
à un mineur résultant de violences ou
d'agressions sexuelles
Cet article, inséré par l'Assemblée
nationale à l'initiative de sa commission des Lois, a pour objet de
compléter l'article 2270-1 du code civil.
En sa rédaction actuelle, cette dernière disposition
énonce que les actions en responsabilité civile
extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la
manifestation du dommage ou de son aggravation.
L'article 31
ter
propose une exception à cette
règle en portant à vingt ans ce délai lorsque le
dommage est causé par des tortures, des actes de barbarie, des violences
ou des agressions sexuelles contre un mineur.
Votre commission a adopté cet article
sans modification
.
Article 31 quater
Preuve de la
vérité des faits diffamatoires
lorsqu'ils sont constitutifs
d'infractions sexuelles
Cet article, inséré par l'Assemblée
nationale à l'initiative de sa commission des Lois, a pour objet de
modifier l'article 35 de la loi du 29 juillet 1981 sur la
liberté de la presse en ses dispositions relatives à la preuve de
la vérité des faits diffamatoires.
En sa rédaction actuelle, cet article 35 prévoit trois
hypothèses dans lesquelles la vérité des faits
diffamatoires,
l'exceptio veritatis
, ne peut être prouvée :
a) lorsque l'imputation concerne la vie privée de la personne ;
b) lorsque l'imputation se réfère à des faits qui
remontent à plus de dix années ;
c) lorsque l'imputation se réfère à un fait constituant
une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu
à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la
révision.
Le présent article 31
quater
prévoit une
exception à cette triple exception : la vérité des
faits diffamatoires pourrait toujours être prouvée, même
dans ces hypothèses, s'agissant d'agressions ou d'atteintes sexuelles
contre un mineur.
A l'Assemblée nationale, Mme Frédérique Bredin a
précisé que "
ces dispositions permettraient
d'éviter qu'une victime d'infraction sexuelle faisant publiquement
état de sévices subis, alors même que les faits remontent
à plus de dix ans ou sont couverts par la prescription, ne soit
condamnée pour diffamation
".
Votre commission a adopté cet article
sans modification
.
Article 31 quinquies
Peines ne pouvant être
prononcées contre les mineurs
Cet article reprend l'article 20 du projet de loi
initial, que l'Assemblée nationale a opportunément
préféré, eu égard à son contenu, placer dans
le titre III, relatif aux dispositions diverses. Il modifie
l'article 20-4 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative
à l'enfance délinquante qui énumère les peines ne
pouvant être prononcées à l'encontre d'un mineur.
En sa rédaction actuelle, cet article 20-4 vise les articles
prévoyant lesdites peines.
Le présent article 31
quinquies
a pour simple objet de
substituer à cette énumération par renvoi une
énumération descriptive des peines en question. Il n'apporte donc
aucune modification de fond.
Votre commission a adopté cet article
sans modification
.
Article 31 sexies
Possibilité de saisir en
douane les objets
comportant des images pédophiles
Cet article, inséré par l'Assemblée
nationale à l'initiative de M. Jean-Luc Warsmann, a pour objet de
compléter l'article 38 du code des douanes afin de permettre aux
agents des douanes de saisir les objets comportant des images ou des
représentations de mineur à caractère pornographique.
Votre commission l'a adopté
sans modification
.
Article 32
Information du chef d'un
établissement scolaire
des audiences de jugement des infractions
commises
dans son établissement
Cet article a pour objet d'imposer au ministère public
d'aviser le chef d'un établissement scolaire de la date et de l'objet de
l'audience de jugement d'un crime ou d'un délit lorsque cette
infraction :
- a été commise dans l'enceinte de son établissement
- ou a concerné, aux abords immédiats de l'établissement,
un élève de celui-ci ou un membre de son personnel.
Cet avis est adressé par lettre recommandée dix jours au
moins avant la date de l'audience ou, en cas de comparution immédiate,
"
dans les meilleurs délai et par tout moyen
".
Votre commission a adopté cet article
sans modification
.
Article 32 bis
Condition de sortie d'un
établissement psychiatrique
d'une personne pénalement
irresponsable
Cet article a pour objet de réécrire
l'article L. 348-1 du code de la santé publique relatif aux
conditions de sortie de l'établissement psychiatrique dans lequel a
été internée d'office une personne ayant
bénéficié d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement
pour démence et jugée susceptible de compromettre l'ordre public
ou la sûreté des personnes.
En sa rédaction actuelle, cet article L. 348-1 subordonne
cette sortie à deux décisions conformes résultant de deux
examens psychiatriques réalisés séparément par deux
psychiatres n'appartenant pas à l'établissement.
Le présent article 32
bis
propose de substituer
à cette procédure l'exigence d'un avis conforme d'une commission
composée de deux médecins, dont un psychiatre n'appartenant pas
à l'établissement, et d'un magistrat désigné par
le premier président de la cour d'appel.
Cette commission, dont les délibérations sont secrètes,
entend l'intéressé ou son représentant, assisté,
s'il le souhaite, d'un avocat, ainsi que le médecin traitant. Elle fait
procéder à toutes expertises qu'elle juge nécessaires.
L'Assemblée nationale a précisé que la voix du magistrat
serait prépondérante en cas de partage des voix.
Cet article 32
bis
a donné lieu à des
réactions forts différentes de la part des personnes entendues
par votre commission ou votre rapporteur :
- certaines ont, à l'instar du Dr Lacour, constaté que ces
dispositions allaient à l'encontre des propositions formulées
récemment par le groupe national d'évaluation de la loi du
27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes
hospitalisées en raison de troubles mentaux, présidé par
Mme Hélène Strohl, inspecteur général des
affaires sociales. Selon les informations fournies à votre rapporteur,
Mme Strohl juge "
peu fondé en droit
" le fait
de
"
faire dépendre la levée d'une mesure d'hospitalisation
contrainte de l'avis d'un magistrat, en conservant le pouvoir de
décision du préfet, alors qu'après avoir
bénéficié de l'application de l'article 122-1 du code
pénal, les poursuites sont abandonnées et la personne
bénéficie d'un non-lieu. La compétence judiciaire ne
s'explique pas, dès lors que la procédure judiciaire est
close
" ;
- d'autres personnes, notamment Mme le Professeur Cartier et les
représentants des associations de victimes entendues par votre
rapporteur, ont estimé utile que la justice ait un droit de regard sur
la sortie des personnes internées en service psychiatrique après
avoir été déclarées irresponsables
pénalement. Mme Elisabeth Guigou a, pour sa part,
déclaré devant l'Assemblée nationale que "
faire
dépendre de l'avis d'une commission toute décision de
levée de l'hospitalisation d'office d'une personne
déclarée pénalement irresponsable constituera une garantie
supplémentaire
". Quant à M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé, il a approuvé
"
les explications
" données par Mme Guigou.
L'examen de cet article 32
bis
relève, par son objet,
de la compétence de votre commission des affaires sociales, qui a
désigné M. Jacques Bimbenet comme rapporteur pour avis de ce
projet de loi. Ainsi qu'il a été indiqué dans
l'exposé général du présent rapport, votre
commission souhaite, avant de se prononcer sur le fond, recueillir les
observations de notre collègue.
C'est pourquoi elle a réservé sa position sur cet article.
Article additionnel après l'article 32
bis
Diffusion de messages pornographiques ou pédophiles
par un
service de communication audiovisuelle
Après l'article 32
bis
, votre commission vous
propose un
amendement
tendant à insérer un article
additionnel afin de compléter l'article 15 de la loi du 30 septembre
1986 relative à la liberté de communication.
En sa rédaction actuelle, cet article 15 comprend un alinéa
unique en vertu duquel "
le Conseil supérieur de l'audiovisuel
veille à la protection de l'enfance et de l'adolescence dans la
programmation des émissions diffusées par un service de
communication audiovisuelle
. "
Ainsi qu'il a été indiqué dans l'exposé
général du présent rapport, votre commission souhaite
édicter au sein de cet article des dispositions permettant d'informer
les offreurs de sites Internet des infractions commises par leurs
cocontractants consistant en la diffusion de messages à caractère
pornographique ou pédophile (articles 227-23 et 227-24 du code
pénal).
Il vous est donc proposé, sur le modèle de l'article 78 de ladite
loi, applicable en cas d'infraction aux règles d'émission, de
confier à des agents habilités et assermentés du CSA le
droit de constater les infractions prévues par les articles 227-23 et
227-24 du code pénal. Leurs procès-verbaux seraient transmis dans
les cinq jours au procureur de la République. Une copie de chaque
procès-verbal serait adressée au président du CSA, au
dirigeant du service de communication coupable de l'infraction ainsi
qu'à l'offreur du site. Informé de la commission d'infractions
par son cocontractant, celui-ci devrait alors, sous peine de complicité,
mettre fin au contrat.
Article 33
Coordination
Cet article a pour simple objet d'opérer une
coordination en abrogeant l'article 87-1 du code de procédure
pénale, relatif à la désignation d'un administrateur
ad
hoc
, qui relèvera désormais, en vertu de l'article 19 du
projet de loi, de l'article 706-51 du code de procédure
pénale.
Votre commission a adopté cet amendement
sans modification.
Article 34
Application de la loi aux TOM et à
Mayotte
Cet article a pour objet de rendre la loi applicable dans les
TOM et dans la collectivité territoriale de Mayotte.
Il précise toutefois que l'article 21, qui modifie le code de la
sécurité sociale, n'y est pas applicable, ledit code n'ayant pas
lui-même été étendu aux TOM et à Mayotte.
L'attention de votre rapporteur a été attirée par notre
excellent collègue Daniel Millaud sur les difficultés
susceptibles d'être posées pour l'application de la loi en
outre-mer.
Tout d'abord, si le projet de loi précise bien que le coût
budgétaire des médecins coordonnateurs sera à la charge de
l'Etat, il est silencieux sur le remboursement des soins dispensés par
le médecin traitant. Ceux-ci devraient donc être à la
charge des territoires.
En deuxième lieu, compte tenu notamment des particularités du
territoire de la Polynésie française (étendue du
territoire, grand comme l'Europe, non-usage du français par de nombreux
condamnés polynésiens, ce qui nécessiteraient des experts
comprenant et parlant le tahitien...), M. Millaud s'est inquiété
de la possibilité d'appliquer effectivement la loi dans les TOM. Cette
préoccupation fort légitime rejoint celle plus
générale de votre commission sur les moyens de mettre en oeuvre
la réforme, point sur lequel votre rapporteur ne manquera pas
d'interroger une nouvelle fois le Gouvernement lors de la séance
publique.
On observera par ailleurs que le présent article 34 étend
aux TOM des articles du code de la santé publique (ceux relatifs aux
médecins coordonnateurs) alors même que ledit code n'est pas
applicable dans ces territoires. Interrogé sur ce point par votre
rapporteur, les services de la Chancellerie lui ont répondu :
"
La non applicabilité de l'ensemble du code de la santé
publique ne signifie pas que les dispositions qui y sont
intégrées par le législateur ne doivent pas s'appliquer
aux TOM, cette question dépendant de la nature des dispositions
considérées, et non de leur insertion, purement formelle, dans un
code ou dans un autre
". Aussi a-t-il été fait observer
que certaines parties dudit code était déjà applicables
dans les TOM, notamment les dispositions relatives aux stupéfiants.
En revanche, les dispositions concernant la levée des internements
psychiatriques résultant de l'article 32
bis
relèvent bien de la compétence des territoires. Elles ne doivent
donc pas y être étendues. Il en va de même pour
l'article 31
sexies
, qui modifie une disposition non
détachable du code des douanes, lequel n'est pas non plus applicable
dans les TOM. C'est pourquoi votre commission a adopté un
amendement
excluant ces deux articles de l'extension aux TOM.
Elle a adopté le présent article 34 ainsi modifié.
ANNEXES
ANNEXE I :
COMPTE-RENDU DES AUDITIONS
PUBLIQUES
DU MERCREDI 15 OCTOBRE 1997
ANNEXE I :
COMPTE-RENDU DES AUDITIONS
PUBLIQUES
DU MERCREDI 15 OCTOBRE 1997
Présidence de M. Jacques Larché,
président
.
Au cours d'une première séance
tenue dans la matinée
, la commission a procédé
à des
auditions publiques
sur le
projet de loi n°11
(1997-1998) relatif à la
prévention
et à la
répression
des
infractions sexuelles
ainsi qu'à la
protection des mineurs victimes.
Après avoir souhaité la bienvenue à
M. Jacques
Bimbenet
,
rapporteur pour avis de la commission des affaires
sociales
,
M. Jacques Larché, président
, a
rappelé que la commission avait jugé utile, compte tenu de
l'importance du projet de loi, d'organiser une journée d'auditions
publiques pour permettre à des personnalités éminentes
d'apporter leur point de vue au législateur qui, dans ce domaine, aurait
à se montrer particulièrement prudent. Il a souligné
l'importance d'éviter de susciter certaines psychoses.
M. Charles Jolibois, rapporteur,
a rappelé les auditions
auxquelles il avait déjà procédé et dont le compte
rendu avait été distribué aux membres de la
commission : l'association pour la défense des usagers de
l'administration, le Barreau de Paris, l'association " Enfance et
sécurité ", l'association pour l'Enfance, les
représentants de plusieurs organisations professionnelles des
psychiatres, le conseil français des associations pour les droits de
l'enfant (COFRADE) et les rapporteurs du comité national
d'éthique.
Il a souligné le caractère délicat du sujet et la
complexité des problèmes à régler. Il a
rappelé qu'après la phase de répression de la faute
commise par les délinquants s'ouvrirait une phase post-pénale au
cours de laquelle un conflit pourrait apparaître entre la
nécessité des soins et la protection de la société.
Il a souhaité être en mesure de faire la synthèse
équilibrée et prudente des éclairages particuliers qui
apparaîtraient au cours de cette journée d'auditions.
La commission a procédé à l'
audition de Mme
Marie-Elisabeth Cartier, professeur de droit pénal à
l'Université de Paris II.
Mme Marie-Elisabeth Cartier
a rappelé que l'objet de la commission
qu'elle avait présidée était à la fois plus large,
puisqu'il concernait la prévention de toute récidive, et plus
étroit, puisqu'il ne s'intéressait qu'aux auteurs de crimes. Elle
a indiqué qu'au-delà du traitement des délinquants
sexuels, il importait d'améliorer au cours de la détention la
situation des criminels afin de mieux préparer leur sortie. Elle a
notamment estimé qu'un trafiquant de stupéfiants pouvait
être aussi dangereux pour des jeunes à sa sortie de prison qu'un
délinquant sexuel.
Elle s'est félicitée de l'application du texte aux auteurs de
délits. Après avoir évoqué les difficultés
d'ordre juridique suscitées par la notion de suivi post-pénal,
elle a approuvé la dénomination de " suivi
socio-judiciaire " proposée par le projet de loi qu'elle a
jugé préférable à celle de " suivi
post-pénal " suggérée par la commission qu'elle
présidait ou de " suivi médico-social " retenue dans le
projet de loi présenté par M. Jacques Toubon.
Elle a estimé que l'institution d'une peine complémentaire
était préférable au recours au sursis avec mise à
l'épreuve, d'ailleurs difficile à envisager en matière
criminelle. Face à l'érosion des peines due aux réductions
de peines ou aux grâces collectives, elle a fait observer que le suivi
socio-judiciaire répondait notamment à la volonté de
rentabiliser les réductions de peines. Elle a estimé logique que
cette peine complémentaire devienne facultative dès lors qu'elle
était étendue aux tribunaux correctionnels et que le juge avait
la possibilité de la prononcer comme peine principale.
Elle a rappelé que la mesure avait plusieurs facettes : surveillance ou
contrôle, d'une part, assistance ou aide à la réinsertion,
d'autre part.
Outre plusieurs observations sur les intitulés et la place de certaines
dispositions,
Mme Marie-Elisabeth Cartier
a formulé plusieurs
remarques sur le fond du texte. Elle a tout d'abord regretté que le
projet n'étende pas le suivi socio-judiciaire à un plus grand
nombre de délinquants, notamment aux trafiquants de stupéfiants.
Elle s'est ensuite interrogée sur la capacité du magistrat
d'apprécier lors de la condamnation initiale l'évolution
potentielle du condamné au cours de sa détention,
particulièrement en matière criminelle, compte tenu de la
durée des peines.
Par analogie avec les sanctions prévues en cas de violation d'une
interdiction de séjour ou de non-respect des obligations d'un travail
d'intérêt général, elle s'est prononcée en
faveur de la définition d'une nouvelle atteinte à
l'autorité de la justice qui permettrait à une juridiction de
sanctionner le non-respect du suivi socio-judiciaire. Elle a en effet
estimé que ni la juridiction saisie de l'infraction initiale, compte
tenu de la durée s'écoulant entre sa décision et la sortie
de prison, ni le juge de l'application des peines, dont le rôle serait
alors étendu à l'excès, ne devraient être
chargés de fixer la peine d'emprisonnement applicable au condamné
qui n'exécuterait pas ses obligations.
Elle a estimé que la faculté pour le tribunal correctionnel de
prononcer le suivi comme peine principale devait avoir pour corollaire
l'institution d'une nouvelle infraction, l'inexécution d'un suivi
socio-judiciaire, assortie d'une sanction particulière.
Elle a jugé excessives les mesures prises par certains des Etats
américains tendant, d'une part, à rendre publique par voie
d'affichage la présence d'un délinquant sexuel et, d'autre part,
à instaurer un suivi civil sans limitation dans le temps.
Elle a estimé que la création d'un fichier national des
délinquants sexuels, dès lors que la protection des
données serait assurée, pouvait jouer un rôle
préventif dans la mesure où il pourrait être
consulté par la police ou la justice. Elle s'est en revanche
déclarée hostile au principe d'un suivi civil des
condamnés, tel qu'il avait été autorisé par la Cour
suprême des Etats-Unis.
Elle a considéré utile d'envisager de proposer des soins au
moment de l'arrestation, période au cours de laquelle l'accusé
reconnaissait fréquemment les faits et serait plus réceptif
à la nécessité des soins avant qu'il n'emprunte le
" chemin du déni ".
En matière de bizutage,
Mme Marie-Elisaberth Cartier
a
estimé nécessaire, avant d'instaurer de nouvelles infractions,
d'effectuer l'inventaire des textes existants, et notamment de tenir compte de
la jurisprudence en matière de coups et blessures volontaires, qui
suffirait à la répression de certaines pratiques de bizutage.
Sur le tourisme sexuel, elle a approuvé l'extension des poursuites aux
Français se rendant dans des pays ne condamnant pas ces infractions,
mais s'est interrogée sur les difficultés liées à
l'application du droit pénal français aux étrangers
résidant en France et se rendant à l'étranger.
Elle a désapprouvé l'ouverture par l'article 18 d'une nouvelle
possibilité d'exercice de l'action civile par des associations.
A propos de l'article 32 bis du projet de loi, inséré par
l'Assemblée nationale sur un amendement de M. Pierre Mazeaud, elle a
indiqué qu'il répondait à l'inquiétude des victimes
et, se référant à l'exemple belge, elle a estimé
qu'il pouvait être utile que la justice ait un droit de regard sur la
sortie des personnes internées en service psychiatrique après
avoir été déclarées irresponsables
pénalement.
M. Jacques Larché, président,
a marqué l'importance
que Mme Marie-Elisabeth Cartier
avait attachée à la
terminologie ainsi que les observations qu'elle avait formulées sur
l'existence de dispositions permettant de réprimer le bizutage,
lorsqu'il prend des formes excessives.
M. Charles Jolibois, rapporteur,
soulignant la résistance des
médecins à l'idée que les soins pourraient être une
peine et rappelant qu'il s'agissait plutôt de sanctionner le non-respect
d'une obligation de se soigner, a pris acte de la qualification de peine
complémentaire donnée par Mme Marie-Elisabeth Cartier
.
Il
a marqué la difficulté pour la cour d'assises de prévoir
par avance la situation de la personne à l'issue de l'exécution
d'une longue peine, et le risque de la voir choisir le maximum prévu
pour cette sanction afin de protéger la société.
Mme Marie-Elisabeth Cartier
a estimé inévitable de
procéder à de nouvelles expertises à la sortie de prison
pour envisager la levée de la peine complémentaire ou le choix
des mesures de contrôle et d'assistance au nombre desquelles figure
l'injonction de soins. Rejetant la possibilité de procéder par
voie d'affichage, elle s'est interrogée sur les mesures à mettre
en place pour assurer un éventuel suivi de la domiciliation des
délinquants sexuels et donner aux autorités la possibilité
de prévenir les personnes qui entreraient en contact avec eux. Plus
généralement, elle s'est interrogée sur la mise en place
d'un code de l'exécution des peines et d'une juridiction de
l'exécution des peines.
En réponse à
M. Robert Badinter,
elle a jugé
souhaitable de pointer l'ensemble des textes susceptibles de sanctionner le
bizutage, se référant notamment à ceux relatifs aux
exhibitions sexuelles ou aux violences volontaires.
M. Charles Jolibois, rapporteur,
a indiqué qu'une circulaire
rappelant aux établissements scolaires les textes susceptibles de
s'appliquer au bizutage avait toutefois omis la mise en danger
délibérée d'autrui.
**
La commission a ensuite entendu les
docteurs Michel Lacour,
psychiatre à l'Hôpital de Poissy
et
Roland Coutanceau,
fondateur d'une antenne de psychiatrie et psychologie légale
réservée aux adultes à La Garenne-Colombes et
président de l'Association de psychiatrie et de psychologie
légale
.
M. Michel Lacour
, précisant qu'il s'exprimait comme simple
" psychiatre public de base ", a tout d'abord considéré
que le projet de loi avait été très sensiblement
amélioré par rapport à celui déposé en
janvier dernier par M. Jacques Toubon, passant " de l'insupportable au
discutable " et d'un " texte d'émotion et de
circonstances " à un " texte de réflexion ".
Il a ensuite relevé qu'en matière d'infractions sexuelles,
l'efficacité des soins n'était pas scientifiquement
démontrée. Il a estimé que subsistait une confusion entre
l'obligation d'un suivi et l'obligation de soins, cette dernière
n'étant fondée qu'à condition que des traitements
médicaux efficaces, existent, comme cela avait été le cas
pour la tuberculose ou la syphilis.
En tant que citoyen, il s'est cependant déclaré favorable
à l'obligation de mesures préventives, persuadé au
demeurant qu'elles pouvaient faire réfléchir nombre
d'intéressés.
Il a regretté que le texte ait quasiment occulté le coût de
ces mesures et passé sous silence les moyens nécessaires à
la création de centres de formation et de recherche, d'autant que la
généralisation des soins se fondait sur un postulat
d'efficacité, voire sur une obligation médicale de
résultat qui lui est apparue totalement illusoire.
Il a également craint qu'en dehors des délinquants sexuels
familiaux -où la récidive était très rare une fois
les enfants partis- les pervers authentiques trouvent une sorte d'alibi dans
l'injonction thérapeutique, dont ils feraient un " instrument
parapluie " sans, pour autant, que s'établisse entre eux et le
médecin une véritable relation psychothérapeutique. Il a
déclaré qu'en fait, aucun praticien ne pouvait jamais être
réellement certain d'avoir traité un pervers.
Il a jugé en revanche positifs plusieurs aspects du projet de loi, en
particulier le signal d'espoir délivré aux familles des victimes,
l'aspect préventif et la fixation d'un cadre légal contraignant
et cohérent qui pouvait au moins dissuader certains délinquants
sexuels de passer à l'acte.
Dans cette perspective, il a souhaité que le texte proposé pour
l'article 131-36-1 du code pénal soit rédigé de
manière plus pédagogique pour que les intéressés
prennent clairement conscience des mesures auxquelles leurs actes pouvaient les
exposer.
Eu égard à l'absence de certitude scientifique quant à
l'efficacité des soins, il a jugé indispensable que la loi
établisse plus clairement l'absence d'obligation de résultat
à la charge des médecins.
Il a de même espéré que le législateur prenne en
meilleur compte le coût réel du dispositif, à une
époque où les contraintes sur les budgets hospitaliers et le
numerus clausus sur les postes de spécialistes alourdissaient
déjà considérablement la charge des établissements
publics.
S'agissant de la délivrance d'attestations du suivi régulier des
soins et, le cas échéant, de la dénonciation en cas
d'interruption du traitement, il a craint que ces mesures faussent le rapport
entre le médecin et son patient, problème mettant moins en cause
le secret médical lui-même que l'authenticité de la
relation thérapeutique.
A propos des enregistrements vidéoscospiques de l'audition des victimes
mineures, sur le principe desquels il s'est déclaré très
favorable, il a jugé nécessaire de prévoir la destruction
des films au bout d'un certain temps, de manière à ce qu'ils ne
risquent pas de resurgir longtemps après, avec tout ce qu'ils pourraient
avoir de traumatisant pour les victimes devenues adultes depuis lors.
D'un point de vue général, il a souhaité qu'on ne passe
pas d'une logique de médicalisation des sorties à une logique de
judiciarisation partielle ou totale du suivi thérapeutique, ajoutant
qu'il avait lutté toute sa vie contre la psychiatrie carcérale.
M. Roland Coutanceau
a d'abord présenté quelques
statistiques montrant qu'en pratique, la récidive en dehors de tout
traitement médical restait finalement très limitée (moins
de 5 % chez les pères incestueux -en général des
beaux-pères dont le remariage avait été un prétexte
au moins inconscient pour assouvir leurs tendances- moins de 10 % pour les
violeurs de femmes adultes et entre 10 % et 20 % chez les pédophiles),
les statistiques du ministère de la justice allant dans le même
sens (viols, 3 à 5 %, attentats à la pudeur, environ 10 %, etc).
Ayant dressé un profil-type des délinquants sexuels (très
peu de névrosés et de psychotiques mais, pour l'essentiel, des
psychopathes, des immaturo-pervers manifestant un égocentrisme infantile
déniant l'altérité de l'autre), il a jugé
fondamental le rôle de l'expertise dans l'établissement du
diagnostic de la probabilité de récidive, donc de la
dangerosité sociale de l'intéressé.
Hors le cas des pédophiles, il a considéré que
globalement, les délinquants sexuels, sauf les pédophiles dans la
classification internationale, ne répondaient pas à la
définition du malade et qu'ils étaient sensibles à la
sanction judiciaire à condition qu'elle se pose clairement en termes
légaux et non médicaux.
Il s'est déclaré convaincu que ce type de délinquants
pouvaient parfaitement comprendre que la société se reconnaisse
le droit d'apprécier leur dangerosité et leur impose des
contraintes d'ordre préventif sous le contrôle de la justice,
alors qu'ils restaient en général indifférents à un
message les invitant simplement à se soigner.
Aussi s'est-il déclaré partisan d'un suivi criminologique
plutôt que thérapeutique.
Il a souligné à cet égard que beaucoup de
délinquants sexuels niaient les faits et qu'à leur égard,
une prise en charge thérapeutique lui paraissait totalement
dépourvue de fondement, d'autant que d'après les statistiques,
seulement 10 % des intéressés demandaient
spontanément à être soignés, les autres refusant le
suivi médical (environ 20 %) ou ne l'acceptant que sous la contrainte.
Soulignant que si chacun était porteur de ses propres fantasmes, seul un
petit nombre d'individus passaient à l'acte, il a fait observer que la
spécificité de la psychiatrie légale était
précisément d'analyser les mécanismes de ce passage
à l'acte et d'en déduire, chez les délinquants sexuels, le
risque de la récidive. Il a ajouté que pour y parvenir, il
fallait absolument que le psychiatre légal ait accès au dossier
judiciaire des intéressés.
Partant toujours du constat que le taux de récidive demeurait
réduit, il a jugé souhaitable que la loi n'institue pas
d'obligations générales et systématiques mais permette de
se focaliser sur les situations à risque, en particulier pour les
délinquants niant les faits.
En tant que psychiatre médico-légal, il a estimé que
c'était aux experts d'éclairer le juge sur les mesures à
prendre au cas par cas, des mesures sociales pouvant d'ailleurs se
révéler aussi efficaces qu'un suivi médical proprement dit
(par exemple, une interdiction professionnelle pour les pédophiles
n'agissant qu'en milieu éducatif mais incapables d'agresser un enfant
dans un autre cadre).
Dans cette perspective, il a considéré que le dispositif que la
société était parfaitement fondée à mettre
en place pour prévenir la récidive devait comporter deux volets :
une injonction de soins pour les individus réellement passibles d'un
traitement médical et une obligation de suivi sous contrôle
judiciaire pour les autres (les auteurs niant les faits, en particulier).
Pour que le texte soit réellement applicable sur le terrain, il a
préconisé d'autre part que la loi soit axée sur des
" mesures ciblées ".
Il s'est déclaré défavorable à la double expertise
systématique, peu utile et beaucoup trop coûteuse, jugeant
préférable que, sauf exception, l'expertise soit confiée
à un seul spécialiste parfaitement formé à cette
tâche, l'expert, dans certains cas, pouvant d'ailleurs être un
médecin plutôt qu'un psychiatre.
Il a également estimé qu'eu égard à sa
spécificité, l'acte d'expertise psychiatrique pénale
devait jouir d'un statut fiscal adapté, ajoutant que le ministère
de la santé devait disposer de crédits à cette fin, faute
de quoi on continuerait de considérer que ces expertises faisaient
supporter au budget de la santé des dépenses qui, normalement,
devraient être imputées sur le budget de la justice.
Enfin, à propos des enregistrements vidéoscopiques, il a
considéré que l'essentiel était moins d'éviter
plusieurs dépositions des victimes que de procéder à ces
auditions avec le plus grand tact, par des adultes spécialement
formés à cette tâche.
Il a jugé que sur ce point, l'enregistrement vidéoscopique devait
demeurer une simple option proposée aux parents de la victime mineure.
M. Jacques Larché, président,
après avoir
remercié les deux intervenants pour la qualité de leurs
exposés, s'est déclaré favorablement surpris par les taux
cités de récidive, somme toute bien moindres qu'on le supposait
ordinairement.
M. Michel Lacour
a fait observer que le taux de récidive
réel demeurait difficile à évaluer, les données
déduites du casier judiciaire ne rendant peut-être pas exactement
compte des réalités, surtout pour les faits de pédophilie
dans le cadre familial.
M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis au nom de la commission des
affaires sociales,
déclarant se placer sur le seul terrain de la
santé publique, a souhaité savoir :
- si les traitements chimiques comportaient des contre-indications
médicales ;
- s'il existait des cas de dissimulation où des personnes auraient feint
d'accepter un traitement médical avec l'idée de l'interrompre
dès que possible ;
- s'il était envisageable pour des médecins de dénoncer
une personne qui cesserait de se présenter aux consultations et si les
médecins qui n'auraient pas satisfait à leur obligation d'alerte
engageraient leur responsabilité personnelle.
M. Roland Coutanceau
a répondu que les traitements hormonaux,
outre qu'ils comportaient en effet certaines contre-indications
médicales, ne pouvaient être prescrits que dans un nombre
très limité des cas, la délinquance sexuelle
n'étant pas générée par un excès hormonal
mais par des fantasmes obsédants altérant les relations entre
l'individu et les autres. Il a estimé que l'agression sexuelle
était une pathologie de la relation humaine, dans laquelle
l'androgène jouait un rôle accessoire. Il a néanmoins
signalé que l'administration de certains antidépresseurs
utilisés dans le traitement d'autres maladies mentales était
expérimentée.
M. Michel Lacour
s'est quant à lui déclaré
réservé sur la dénonciation, ne se considérant
délié du secret médical que si l'individu
présentait un danger patent et immédiat.
M. Charles Jolibois, rapporteur,
a demandé si une juridiction
était réellement en mesure d'imposer une durée
précise de suivi socio-judiciaire et si, sur ce point, l'expertise
pouvait l'éclairer utilement.
M. Michel Lacour
a estimé qu'en dehors de la pédophilie en
milieu familial, la délinquance sexuelle se développait à
partir de représentations mentales quasiment ineffaçables, le
suivi ne pouvant dès lors être envisagé que sur une
durée très longue.
M. Roland Coutanceau
a néanmoins fait observer que le passage
à l'acte n'était jamais une fatalité et que le travail du
psychiatre était précisément d'apprendre aux individus
à gérer leurs fantasmes sans passage à l'acte. Aussi
a-t-il estimé que la durée des mesures prescrites par le juge ne
pouvait être appréciée dans l'absolu. Il a
considéré comme citoyen qu'elle devait en tout état de
cause demeurer limitée.
En réponse à une nouvelle question de
M. Charles Jolibois,
rapporteur, M. Roland Coutanceau
a précisé qu'à son
avis, l'option de recourir à l'enregistrement vidéoscopique
devait être laissée au représentant légal de la
victime mineure.
**La commission a ensuite entendu
M. Philippe Jeannin, Procureur de la
République près le tribunal de grande instance de Meaux
et
M. Yvon Tallec, premier substitut, chef de la douzième section
du parquet des mineurs de Paris
.
M. Philippe Jeannin
a indiqué que l'intervention du parquet en la
matière se situait à trois niveaux : assurer la
fiabilité des signalements des infractions, favoriser la prise en charge
des victimes et élaborer une réponse judiciaire adéquate.
Il a indiqué que de nombreux textes avaient favorisé la
coordination des signalements notamment la loi du 10 juillet 1989 sur la
protection des mineurs. Il a indiqué qu'à l'heure actuelle
80 % des infractions lui étaient signalées par les services
de l'éducation nationale ou du département.
Il a souligné la mobilisation des parquets en réponse aux
réseaux d'associations de protection des intérêts des
victimes.
Il a approuvé la généralisation de point de départ
du délai de prescription de l'action publique à partir de la
majorité du mineur victime sans plus distinguer les liens
éventuels entre l'auteur et la victime. Il a en revanche regretté
que, pour certains délits, agressions et atteintes sexuelles, une
prescription de dix ans ait été envisagée pour des
infractions de degrés très divers ne justifiant pas
nécessairement une telle durée.
Il a marqué sa préférence pour la
généralisation du départ du décompte à la
majorité avec un délai de prescription de dix ans pour les crimes
et de trois ans pour les délits.
S'agissant du tourisme sexuel,
M. Philippe Jeannin
s'est
interrogé sur les difficultés d'application aux résidents
et sur la possibilité de couvrir par ce texte le cas d'un enseignant
exerçant à l'étranger.
A propos de l'accueil des victimes, il a approuvé la prise en compte par
le projet de loi de la pratique des parquets pour l'échange
d'informations avec les juges d'instruction et les juges des enfants dont il a
rappelé qu'ils étaient saisis systématiquement lorsque le
mineur ne pouvait demeurer dans sa famille.
Il a souhaité que, sous réserve de moyens supplémentaires,
le tuteur " ad hoc " puisse être nommé dès le
début de l'enquête pour lui permettre d'accompagner le mineur
pendant le déroulement des auditions et expertises. Il a fait
référence à l'expérience déjà riche
des maisons de la justice et du droit ou des antennes de justice en
matière d'accueil des victimes et précisé qu'une formation
adaptée avait été mise en place à cet effet
à Meaux. Il a également souligné le développement
d'une défense spécialisée des mineurs au sein des barreaux.
Il a estimé que l'enregistrement vidéo de la déposition du
mineur pouvait constituer un progrès compte tenu des garanties
données par la loi qu'il a néanmoins jugées complexes
à mettre en oeuvre notamment au regard des droits de la défense.
Il a toutefois souhaité que l'enregistrement demeure facultatif car il
ne permettrait pas toujours d'éviter d'effectuer des confrontations.
Dans ce cas, il a estimé que la présence du tuteur ad hoc
donnerait une garantie au mineur victime tout en précisant que certains
magistrats refusaient parfois la présence de l'adulte responsable dont
la situation peut être ambiguë.
Il a toutefois considéré que dans les nombreux cas où
l'auteur reconnaissait les faits et ne variait pas, l'enregistrement
vidéo pourrait constituer l'unique audition du mineur.
Il s'est préoccupé de la coordination et du financement des
moyens nécessaires pour recevoir et suivre les victimes.
Il a souligné la faiblesse des moyens disponibles pour assurer un suivi
de type criminologique, notamment pour les éventuelles interdictions
faites aux délinquants de paraître dans des lieux
fréquentés par les mineurs. Il a estimé que si le
contrôle était praticable pour les interdictions relatives
à l'exercice d'une profession, voire pour celles destinées
à protéger des victimes dénommées, il serait en
revanche difficilement mis en oeuvre à l'égard d'autres lieux
publics fréquentés par les enfants. A l'égard de
l'injonction de soins, dans l'hypothèse où une nouvelle
juridiction serait compétente en cas d'inobservation de l'obligation, il
a estimé souhaitable de donner au Parquet la possibilité de la
saisir.
M. Jacques Larché, président,
a souligné
l'excellence des relations susceptibles de s'établir entre Parquet et
conseils généraux. Il a relevé l'importance de la prise en
compte des droits de la défense dans le traitement de l'enregistrement
vidéo.
M. Yvon Tallec
a indiqué que sur 986 affaires traitées par
sa section en 1996, la moitié avait concerné des violences
sexuelles à l'égard de mineurs et que plus des trois quarts
d'entre eux avaient moins de 15 ans. Il a constaté un accroissement
annuel de 8,2 % de ces infractions et une baisse de l'âge des victimes.
Il a indiqué que 38,9 % des auteurs avaient un lien familial ou avaient
autorité sur la victime et que 25 % des auteurs étaient
eux-mêmes des mineurs.
Il s'est préoccupé de la difficulté pour le Parquet de
recueillir les informations nécessaires pour requérir la mesure
de suivi socio-judiciaire. Il a marqué l'insuffisance des moyens et
l'accroissement des délais pour la mise en oeuvre des mesures
complémentaires telles que le sursis avec mise à l'épreuve
ou le travail d'intérêt général. Il a
souhaité voir traiter cette question lors de l'examen du budget de la
justice.
Il a souligné la nécessité d'améliorer le
" phasage " de la procédure mise en place par le projet de
loi. Lorsque le suivi socio-judiciaire est requis à titre de peine
principale, il a estimé que l'immédiateté de
l'exécution de la mesure permettait à la juridiction de se
prononcer en connaissance de cause. En revanche, il lui a paru
préférable de renvoyer à la juridiction initiale
plutôt qu'au juge d'application des peines l'appréciation, au vu
de nouvelles expertises, de la mise en place de la peine complémentaire
à l'issue de l'accomplissement d'une peine d'emprisonnement qui peut
durer quinze ans, voire davantage.
Favorable au rééquilibrage de l'échelle de certaines
peines effectué par l'Assemblée nationale, il a
suggéré de compléter l'article 227-27 du code pénal
pour créer une circonstance aggravante susceptible de freiner
l'entrée dans la prostitution des mineurs fugueurs de quinze à
dix-huit ans. Il a regretté l'abandon en première lecture par
l'Assemblée nationale de l'infraction de détention de
cassette-vidéo à caractère pornographique mettant en
scène des mineurs, en faisant état des limites de la poursuite
des détenteurs de telle cassette par le biais du recel.
Il a plaidé pour la fixation d'une rémunération des
administrateurs ad hoc aujourd'hui bénévoles qui ne
bénéficieraient pas du remboursement de leurs frais.
Marquant son intérêt particulier pour l'enregistrement
vidéo de l'audition des victimes, il a souhaité qu'il soit
étendu à l'ensemble des cas de maltraitance des mineurs dont il a
rappelé qu'ils ne se limitaient pas aux violences sexuelles. Il a
toutefois marqué une réserve à l'égard de l'impact
des images et souhaité voir préciser la rédaction des
dispositions relatives au nombre d'enregistrements ou de copies, au moment de
l'enregistrement, à sa protection et à son utilisation. Il a
estimé que copies et originaux devraient être placés sous
scellés et ne pouvoir être visionnés que dans le cabinet du
juge d'instruction.
Sur le bizutage, il a contesté l'intérêt de la nouvelle
disposition proposée en indiquant qu'il y avait en pratique toujours
" violence ". Il a suggéré de prévoir
plutôt à l'article 222-13 du code pénal une circonstance
aggravante pour les infractions commises en milieu scolaire.
En réponse à
M. Charles Jolibois, rapporteur, MM. Philippe
Jeannin et Yvon Tallec
ont estimé que le procureur pourrait
être compétent pour nommer le tuteur ad hoc en début
d'enquête sans procédure d'appel.
M. Philippe Jeannin
a rappelé que ces procédures
étaient traitées en temps réel.
M. Yvon Tallec
a indiqué que le texte était à l'heure actuelle
incohérent puisqu'il faisait apparaître le tuteur lors de
l'enregistrement vidéo alors qu'il n'était nommé qu'au
stade de l'instruction. Il a en outre estimé que l'avis du mineur
devrait être recueilli préalablement à l'enregistrement et
que le parquet devrait pouvoir passer outre à un éventuel refus
du représentant légal.
En réponse à
M. Philippe de Bourgoing, MM. Yvon Tallec et
Philippe Jeannin
ont marqué une préférence pour
l'appellation d'administrateur ad hoc.
En réponse à
M. Michel Dreyfus-Schmidt
qui se
préoccupait des droits de la défense,
M. Yvon Tallec
a
précisé que le juge d'instruction pourrait décider de
procéder à l'ouverture des scellés ;
M. Philippe
Jeannin
a estimé quant à lui que la vidéo serait
vraisemblablement considérée comme une pièce du dossier
plutôt que comme une pièce à conviction et qu'il faudrait
en conséquence organiser un accès pour la défense qui
permette d'éviter une diffusion inconsidérée de la
vidéo.
**Puis, la commission des Lois a entendu le
Dr Claude Balier,
président d'une commission qui a inspiré le projet de loi et
fondateur du service médico-psychologique régional de la prison
de Varces (Isère)
.
Le
Dr Claude Balier
a indiqué que son exposé reposait sur
quinze années d'expériences de chef de service à la maison
d'arrêt de Varces.
Il a rappelé avoir conduit en 1996, à la demande de la direction
générale de la santé, une réflexion sur le suivi
médical des auteurs d'infractions sexuelles, portant sur un
échantillon de 176 délinquants sexuels
incarcérés dans 17 sites. Sur ces
176 délinquants, 65 % avaient été coupables
d'agressions sur mineurs consistant pour la moitié des cas dans des
viols. Dans 35 % des cas, l'agression avait été commise sur
un adulte.
Le
Dr Claude Balier
a estimé qu'on ne naissait pas pervers, ce
terme devant être évité en raison de sa connotation morale,
que le délinquant sexuel avait la plupart du temps subi un grave
traumatisme et que, en conséquence, savoir ce qui se passait
profondément chez le sujet c'était déjà pouvoir le
soigner.
Le
Dr Claude Balier
a estimé que 30 % au moins des
délinquants sexuels avaient fait l'objet d'abus sexuels dans leur
enfance. Il a insisté sur le fait que les relations parentales
déficitaires étaient à l'origine d'un traumatisme
précoce, d'où il résultait un problème
d'identité puisque la victime apparaissait ensuite comme agresseur.
Il a fait observer que le délinquant sexuel avait un comportement
extérieur satisfaisant et qu'il fallait donc aller au-delà de
simples rencontres périodiques en mettant la personne devant ses
responsabilités.
Il a souligné que les infractions sexuelles traduisaient non une
maladie, mais un trouble du comportement lié à un vide
relationnel.
Evoquant ensuite le problème de la récidive, le
Dr Claude
Balier
a indiqué que le tiers des 176 personnes avaient
déjà été incarcérées, dont la
moitié pour des actes délictuels, le plus souvent commis juste
après l'adolescence. Il a ajouté que la rédicive
s'accompagnait d'une aggravation des actes commis comme si cette escalade
marquait l'impossibilité d'une solution satisfaisante.
Le
Dr Claude Balier
a ensuite évoqué la question du suivi
socio-judiciaire. Il a souligné que 15 % des agresseurs niaient les
faits, rendant ainsi les médecins impuissants devant leur cas. Dans ce
cas de figure, une peine systématique de suivi médical
s'avérerait inutile alors même qu'il s'agissait des cas les plus
graves. En revanche, 10 % seulement des personnes ayant fait l'objet de
l'enquête avaient demandé un suivi.
Le
Dr Claude Balier
a estimé dangereux de penser qu'un traitement
hormonal puisse suffire dans la mesure où ce traitement n'avait pas
d'effet curatif et ne règlait donc pas définitivement le
problème de la récidive. Il a par ailleurs insisté sur la
nécessité de ne pas confondre le traitement et le suivi
socio-judiciaire.
Il a estimé souhaitable de susciter une relation thérapeutique,
soulignant que le traitement de fond devrait être engagé en maison
d'arrêt avant même le jugement et déboucher sur un suivi de
longue haleine.
Enfin le
Dr Claude Balier
a évoqué le problème de
la formation des experts intervenant dans les établissements, jugeant
ceux-ci désemparés devant l'ampleur des questions à
régler.
**La commission a ensuite entendu
M. Pascal Faucher, président
de l'association nationale des juges de l'application des peines
et
M. Godefroy du Mesnil du Buisson, vice-président de cette
association.
M. Pascal Faucher
a d'abord indiqué que son discours serait
cohérent avec celui des psychiatres que la commission avait entendus
précédemment et sans doute avec celui des victimes qu'elle
entendrait par la suite.
M. Pascal Faucher
a fait observer que son expérience
d'assesseur au sein des juridictions de jugement lui permettait d'avoir une vue
d'ensemble de la question.
Soulignant qu'une juste peine devait s'entendre comme une peine à
réajuster en fonction des nécessités, il s'est
interrogé ensuite sur les solutions à adopter pour les personnes
concernées à leur sortie de prison.
Il a approuvé globalement le projet de loi.
Au sujet des pères incestueux,
M. Pascal Faucher
a
indiqué que la sanction pénale introduisait une barrière
réelle à la récidive puisque les drames familiaux
sanctionnés par les tribunaux débouchaient rarement sur un
renouvellement des faits. Aussi a-t-il estimé qu'il pourrait suffire de
rappeler périodiquement à ces personnes, dans le cadre d'un suivi
socio-judiciaire, les risques qu'elles encourraient en cas de récidive.
Il s'est déclaré favorable à la possibilité pour le
juge de l'application des peines de prendre des décisions
exécutoires d'incarcération dans l'hypothèse où les
mesures prévues dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire n'auraient pas
été respectées.
Il a fait le parallèle avec la procédure du sursis avec mise
à l'épreuve dans laquelle la sanction pour inexécution ne
peut intervenir qu'au terme d'une procédure trop lourde pour être
efficace.
M. Pascal Faucher
a souligné que le projet de loi
améliorait de manière fort opportune la coordination entre la
juridiction, le médecin et le juge de l'application des peines
évitant ainsi que ne s'écoulent plusieurs mois avant que le juge
de l'application des peines ne connaisse du dossier déjà
traité par la juridiction.
M. Pascal Faucher
a exposé les critiques encourues selon lui par
le projet de loi.
Après avoir estimé que, face à la diversité des
personnalités et des auteurs, la juridiction ne devait pas être
obligée de prononcer le suivi socio-judiciaire, il a souligné que
le bénéfice des réductions de peine devait
nécessairement être lié à une démarche
positive du délinquant et que cette perspective pouvait notamment
l'inciter à suivre un traitement.
Il a ensuite insisté sur la réalité carcérale en
prenant exemple sur les difficultés d'application de la loi du
1er février 1994 concernant la " perpétuité
réelle ". Rappelant que selon cette loi, les condamnés
concernés devaient être placés dans des
établissements spécialisés, il a fait observer que le
décret d'application avait classé, face à la carence des
moyens, la quasi-totalité des établissements en
établissements spécialisés.
Il a en conséquence relevé que la plupart des
établissements pénitentiaires n'étaient pas suffisamment
fournis en personnel spécialisé pour entreprendre un travail de
fond efficace et a jugé indispensable de prévoir les moyens
correspondants à la mise en oeuvre de la loi. Il a notamment
estimé contradictoire de demander à un détenu de suivre
des soins et de ne pas lui permettre effectivement de les suivre faute de
moyens.
M. Pascal Faucher
a estimé qu'une simple réforme du
sursis avec mise à l'épreuve aurait pu suffire à un
traitement satisfaisant du problème posé par le projet de loi.
Il a indiqué que, pour 180 juridictions, il n'y avait que
177 juges de l'application des peines répartis sur une centaine de
tribunaux, ce qui avait pour conséquence, dans 80 juridictions, de
contraindre les autres magistrats à faire fonction de juge de
l'application des peines. Il a fait valoir que chaque année
160.000 mesures devaient être suivies par les juges de l'application
des peines, ce qui conduisait dans les faits un nombre d'entre eux à
renoncer purement et simplement à suivre certains dossiers.
M. Pascal Faucher
a souligné les difficultés
résultant de l'introduction d'une peine avec un suivi à
poursuivre sur de longues périodes (de cinq à dix ans), laquelle
risquait de ne pouvoir être traitée de manière
satisfaisante faute de moyens.
Il a ensuite suggéré plusieurs modifications au projet de loi.
Il a considéré que l'exigence d'une double expertise avant le
prononcé de l'injonction de soins, introduite par l'Assemblée
nationale, ne pourrait pas être utilement suivie faute de la
possibilité de trouver sur place des experts en nombre suffisant.
S'agissant de la disposition du projet de loi conférant au juge pour
enfants les compétences du juge de l'application des peines
jusqu'à l'âge de 21 ans à partir duquel le juge de
l'application des peines interviendrait,
M. Pascal Faucher
a
regretté son manque de souplesse. Il a en effet regretté que le
juge pour enfants cesse subitement de traiter le dossier d'une personne qui
atteindrait son 21ème anniversaire alors même que le suivi
devrait s'arrêter quelques mois après. En conséquence, il a
proposé de se limiter à permettre au juge pour enfants de se
désister en faveur du juge de l'application des peines.
Par ailleurs,
M. Pascal Faucher
a regretté que le projet
transmis au Sénat ne précise pas clairement le point de
départ de la mesure de suivi lorsqu'elle constitue une peine principale.
Il a proposé de préciser qu'elle débuterait dès que
la condamnation serait exécutoire.
M. Godefroy du Mesnil du Buisson
s'est réjoui de ce que le projet
de loi aménage une meilleure information du thérapeute et, par
voie de conséquence, du juge de l'application des peines. Cette
meilleure information lui a paru de nature à apporter une réponse
plus cohérente et plus efficace à chaque problème.
Il a rappelé que le projet de loi permettrait de proposer un traitement
au condamné mais que cette disposition risquait de ne pas recevoir une
application suffisamment effective, faute de moyens.
M. Michel Dreyfus-Schmidt
a demandé au Dr Claude Balier si la
possibilité pour le médecin coordonnateur de s'opposer au choix
du médecin traitant ne posait pas un problème
déontologique ?
Le
Dr Claude Balier
a répondu que le médecin
coordonnateur, défini par la loi comme un expert, devait se placer du
côté des thérapeutes. Il a indiqué qu'on pourrait
éventuellement prévoir la nomination d'un médecin dans
chaque département par la direction générale de la
santé.
Il a fait valoir que, d'après son expérience, les
délinquants envoyés chez le médecin de leur choix se
rendaient parfois chez n'importe quel spécialiste, ce qui
s'avérait évidemment inefficace.
M. Michel Dreyfus-Schmidt
s'est interrogé sur l'efficacité
d'une réforme qui se limiterait au sursis avec mise à
l'épreuve s'agissant des personnes incarcérées.
En réponse,
M. Pascal Faucher
a indiqué que le suivi
socio-judiciaire intervenait après la libération.
M. Charles Jolibois, rapporteur
, a rappelé qu'il convenait de
distinguer deux logiques distinctes : d'une part, pendant
l'incarcération, l'incitation aux soins ; d'autre part,
après l'incarcération, le suivi socio-judiciaire.
M. Michel Dreyfus-Schmidt
a demandé s'il ne serait pas
souhaitable de prévoir le regroupement de toutes les personnes devant
être suivies dans un même établissement
spécialisé.
M. Pascal Faucher
a répondu que l'insuffisance des moyens
conduirait probablement à classer la majeure partie des
établissements en établissement spécialisés, comme
cela avait été décidé pour les
établissements spécialisés prévus par la loi de
1994.
M. Michel Dreyfus-Schmidt
a ensuite interrogé M. Pascal Faucher
sur la nécessité de la participation du juge de l'application des
peines au débat avec les différentes parties prenantes compte
tenu des charges lourdes qu'il assumait par ailleurs.
M. Pascal Faucher
a répondu que le débat ne
concernerait qu'un petit nombre de situations et qu'il ne serait pas source
d'un travail supplémentaire considérable le dossier étant
de toute façon déjà constitué par le tribunal
correctionnel.
M. Michel Dreyfus-Schmidt
a également interrogé M.
Pascal Faucher sur l'opportunité de l'intervention du juge des
enfants à la place du juge de l'application des peines pour les
personnes de moins de 21 ans.
M. Pascal Faucher
a répondu que sa proposition contenait la
possibilité pour le juge des enfants de se dessaisir en fonction de son
appréciation de la situation.
M. Jacques Larché, président
, a rappelé que le juge
des enfants était compétent pour les mineurs et les " jeunes
majeurs ", à savoir ceux âgés de moins de 21 ans.
M. Pierre Fauchon
, faisant référence aux travaux de la
mission d'information sur les moyens de la justice dont il avait
été le rapporteur, s'est interrogé sur le nombre de juges
de l'application des peines qui serait nécessaire pour leur permettre de
remplir efficacement leurs différentes missions.
M. Pascal Faucher
lui a indiqué que, au début des
années 1970, le ministère de la justice avait calculé
qu'il conviendrait d'avoir un juge d'application des peines pour
800 personnes en milieu ouvert et un juge pour 500 personnes en
milieu fermé.
Il a regretté que la pénurie de magistrats conduise nombre de
juges de l'application des peines à accomplir des tâches de
remplacement au lieu de leurs fonctions spécifiques.
M. Jacques Larché, président
, a rappelé en
conclusion qu'il n'était pas possible de mettre une réforme en
application sans en avoir prévu les moyens correspondants. Il a
regretté que le projet soit silencieux sur les moyens dont le
ministère de la santé aurait besoin pour mettre en oeuvre la
législation nouvelle.
Il a rappelé que le problème d'une législation nouvelle
non accompagnée des moyens, phénomène
dénoncé par la commission sur tous les bancs, était
récurrent comme l'avait confirmé l'exemple de la réforme
de la cour d'assises. Il a indiqué qu'il interrogerait le Gouvernement
à ce sujet.
**Puis la commission a entendu
Mme Maggy Leroy-Hyest, médecin
conseiller auprès de l'Inspecteur d'Académie, responsable du
service de promotion de la santé en faveur des élèves de
Seine-Saint-Denis.
Mme Maggy Leroy-Hyest
a tout d'abord indiqué que les médecins
du service de promotion de la santé en faveur des élèves
de Seine-Saint-Denis avaient reçu cette année 1.553 appels
relatifs à des enfants en danger, nombre en progression de 43 %
depuis cinq ans, et que parmi ces appels, 82 concernaient des suspicions d'abus
sexuels, soit plus de deux par semaine.
Elle a précisé que selon le degré de gravité et
d'urgence, un choix était fait entre un signalement immédiat au
procureur de la République et au service d'aide sociale à
l'enfance, ou une concertation préalable entre les différents
intervenants auprès de l'enfant.
Elle a, par ailleurs, noté une augmentation préoccupante du
nombre de jeunes agressés par d'autres jeunes.
Mme Maggy Leroy-Hyest
a ensuite expliqué qu'en Seine-Saint-Denis,
des comités de lutte contre les abus sexuels avaient été
mis en place afin d'organiser des séances de prévention dans les
écoles et établissements, et qu'à l'occasion de ces
séances, certains enfants révélaient des maltraitances ou
des abus sexuels. D'une manière générale, elle a
constaté que les révélations étaient le plus
souvent faites aux enseignants ou aux chefs d'établissement qui
faisaient le cas échéant appel aux médecins scolaires pour
la rédaction des signalements, le soin de l'interrogatoire proprement
dit étant bien entendu laissé à la police et à la
justice.
Elle a en outre précisé que la famille était alors
prévenue, sauf en cas de violences intra-familiales, et qu'un soutien
psychologique était proposé pour apaiser les traumatismes
éventuels.
Mme Maggy Leroy-Hyest
a cependant regretté que les
médecins scolaires, appelés à faire face également
au développement de la violence scolaire, aient de plus en plus de
difficultés à assurer les tâches habituelles de
santé scolaire.
Elle a en outre déploré que les suites données à un
signalement ne soient pas connues de l'école ou de
l'établissement, d'où une impossibilité pour le
médecin scolaire d'assurer un suivi efficace des jeunes victimes.
En conclusion, elle a considéré qu'une réponse efficace au
" fléau " de la maltraitance et des abus sexuels reposait
sur
une amélioration portant tout à la fois sur les conditions de
prévention, de révélation, de signalement,
d'accompagnement dans le suivi scolaire et enfin, de l'action judiciaire.
Elle a enfin insisté sur la nécessité de développer
la formation des enseignants et des personnels médico-sociaux sur ces
questions.
A l'issue de cette intervention, le
président Jacques
Larché
a fait observer que l'accroissement du nombre de cas d'abus
sexuels tenait en partie au fait que les tabous existant sur ces sujets
avaient été levés.
Tout en s'associant à cette remarque,
M. Jacques Mahéas
a
fait remarquer qu'on observait en Seine-Saint-Denis des agissements qui
n'existaient pas auparavant. Il s'est en outre interrogé sur les moyens
de lutter contre le développement en milieu scolaire d'infractions comme
les violences ou le trafic de stupéfiants.
Considérant qu'on était en présence d'un véritable
fléau, il a demandé quelles actions pourraient être
engagées, notamment par l'éducation nationale.
En réponse,
Mme Maggy Leroy-Hyest
a insisté sur
l'importance des actions menées en partenariat entre les
différents intervenants concernés.
**
Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi
,
la commission a ensuite entendu
M. Gérard Devis, proviseur du
Lycée Pothier d'Orléans
.
Après avoir rappelé que le Lycée Pothier d'Orléans
avait récemment connu une affaire de bizutage remarquée par les
médias,
M. Gérard Devis
a souhaité qu'un cadre
juridique clair soit défini pour permettre de mener une information
à l'égard des jeunes et pour opérer une distinction
précise entre la loi et le règlement intérieur des
établissements.
En dépit de l'organisation de réunions d'accueil et de
l'incitation des élèves à briser la " loi du
silence ", il a constaté que des comportements transgressifs
subsistaient.
Soulignant le caractère vague de la notion d'atteinte à la
dignité individuelle prévue dans le projet de loi, il a
insisté sur la nécessité de définir clairement la
distinction entre le permis et l'interdit ainsi qu'entre les faits relevant de
sanctions pénales et ceux passibles de simples sanctions disciplinaires.
Il a admis que la " loi du silence ", ainsi que la peur de
la
médiatisation, ont amené à masquer la
réalité pour étouffer certaines affaires, mais il a
considéré que les mentalités avaient cependant
évolué sur ce point.
En conclusion,
M. Gérard Devis
a estimé que l'adoption
d'une loi nouvelle -ou à tout le moins la réactivation des textes
actuels- pourrait avoir un effet positif en faisant comprendre que la loi
s'appliquait aussi à l'intérieur des établissements
scolaires.
Après avoir rappelé, en réponse à une question du
président Jacques Larché
, qu'il avait été
récemment amené à sanctionner un élève dans
une affaire de bizutage, il a précisé à l'intention de
M. Charles Jolibois, rapporteur
, qu'il avait la possibilité
d'intervenir sur le plan disciplinaire par des sanctions allant du simple
avertissement à l'exclusion temporaire ou définitive après
passage devant le conseil de discipline, ou encore d'avertir le procureur de la
République. Il a cependant souligné la nécessité
d'une formation des chefs d'établissement pour leur permettre
d'apprécier la distinction entre une faute disciplinaire et un acte
pénalement répréhensible.
Notant qu'une circulaire récente avait énuméré les
sanctions pénales existantes notamment en cas de violence ou d'agression
sexuelle, il a toutefois relevé qu'en matière de bizutage, il
existait des formes d'atteinte à l'individu qui ne relevaient pas
à proprement parler de la violence ou de l'agression sexuelle.
Soulignant l'ancienneté des pratiques de bizutage,
M. Robert
Pagès
s'est interrogé sur l'opportunité de
légiférer à nouveau alors qu'une circulaire venait de
rappeler les sanctions existantes.
Tout en avouant son incompétence en tant que juriste,
M.
Gérard Devis
a déclaré qu'un éclaircissement
lui apparaissait nécessaire s'agissant des atteintes à la
dignité.
M. Robert Badinter
a alors fait observer que l'interprétation
jurisprudentielle de la notion de violence recouvrait également toutes
les formes de contraintes morales.
M. Jean-Marie Girault
s'est également interrogé sur la
nécessité de légiférer sur le bizutage et a
constaté la tolérance d'un certain nombre de chefs
d'établissement.
M. Gérard Devis
a affirmé que beaucoup de responsables
d'établissements ignoraient ce qui se passait réellement au cours
des séances de bizutage et que l'adoption d'une loi spécifique
aurait un impact psychologique positif auprès de la population scolaire,
ainsi que sur le plan éducatif.
Il a marqué que le problème dépassait le cadre de
l'éducation nationale comme le montrait le cas d'un élève
qui avait été amené à démissionner de
l'Ecole de l'Air à la suite d'un bizutage. Il a déploré
que par la défense du caractère initiatique de ces pratiques, les
défenseurs du bizutage puissent accepter que la loi ne soit pas
appliquée au sein d'une " caste ".
M. Michel Dreyfus-Schmidt
a approuvé ces propos en soulignant
l'effet psychologique que produirait l'adoption d'une disposition
législative spécifique.
Puis la commission a entendu
M. Alain Boulay, président de
l'association Aide aux parents d'enfants victimes.
M. Alain Boulay
, après avoir souligné qu'aucune agression
sexuelle ne pouvait être considérée comme anodine, a fait
valoir que la récidive était quasi-systématique chez les
pédophiles. Il a estimé que, pour évaluer le taux de
récidive réel, il fallait privilégier la prise en compte
de l'acte et non pas de la condamnation.
Tout en relevant que le projet de loi était incomplet,
M. Alain
Boulay
a indiqué que son association y était tout à
fait favorable, notamment parce qu'il paraissait indispensable de ne pas
laisser en liberté des individus dangereux, lesquels devaient faire
l'objet d'une prise en charge dès leur sortie de prison.
Puis, présentant ses principales observations sur le projet de loi,
M. Alain Boulay
a fait valoir que le suivi socio-judiciaire devrait
être expressément qualifié de peine complémentaire.
Il a en outre relevé l'ambiguïté qui caractérisait
l'injonction de soins, laquelle n'apparaissait pas comme obligatoire.
M. Alain Boulay
a également considéré que le choix
du médecin traitant devrait être effectué sur une liste de
médecins spécialisés et formés en
conséquence.
Relevant par ailleurs que les mesures de surveillance répondaient au
souci majeur d'éviter la récidive et le contact des
pédophiles avec des enfants,
M. Alain Boulay
a
suggéré de faire de ces mesures une peine automatique que le juge
de l'application des peines pourrait le cas échéant
aménager par la suite.
Après avoir fait valoir que les personnes en cause étaient
déjà actuellement écartées définitivement de
certaines professions,
M. Alain Boulay
a estimé que
l'interdiction d'exercer toute activité en liaison avec les mineurs ne
devrait pas être limitée à une durée de dix ans.
S'interrogeant par ailleurs sur les conditions de l'application de la loi, il a
suggéré de prévoir une interdiction d'embauche qui aurait
pour effet de sanctionner l'employeur n'ayant pas respecté la
prohibition légale.
M. Alain Boulay
a également proposé de compléter
les mesures d'accompagnement en prévoyant l'interdiction de
résidence dans la région où résidait la victime et
l'interdiction de séjour en France pour les étrangers
condamnés.
Faisant observer que les victimes étaient souvent démunies dans
le déroulement de la procédure, il a suggéré que
les magistrats soient tenus de recevoir les victimes et leur famille dans un
délai très bref après les faits afin de les informer des
conditions de la procédure et de leurs droits.
S'interrogeant sur les conditions de mise en oeuvre du droit pour les
associations d'être parties civiles,
M. Alain Boulay
a
estimé qu'il devrait être subordonné à l'accord des
victimes afin d'éviter que certaines associations n'utilisent certains
procès médiatisés pour faire à bon compte leur
propre publicité, contrairement au souhait des victimes
elles-mêmes. Il s'est donc demandé s'il ne serait pas envisageable
d'établir une hiérarchie entre les parties civiles primaires et
secondaires.
S'agissant de l'enregistrement par vidéo de la déposition de la
victime,
M. Alain Boulay
, tout en relevant qu'il s'agissait d'un
instrument important au service de la procédure, a fait observer qu'il
aboutirait inévitablement à une interprétation de l'image
faisant évoluer la notion même de témoignage.
M. Alain Boulay
a fait observer que si la cassette vidéo devait
constituer une pièce du dossier, il serait souhaitable de prohiber
l'établissement de copies au profit de toutes les parties, afin
d'éviter sa diffusion dans les médias.
Puis, abordant la question de la prise en charge par l'assurance maladie des
soins dispensés aux victimes,
M. Alain Boulay
a estimé
qu'elle devrait être étendue à tous les mineurs quel que
soit leur âge ainsi qu'aux parents et aux frères et soeurs des
victimes. Il a relevé que, faute d'une telle extension, une distorsion
paradoxale existerait entre les victimes et leurs agresseurs.
M. Alain Boulay
a en outre souhaité que le fonds de garantie
prenne en charge les frais de copie du dossier ainsi que les frais d'avocat.
M. Alain Boulay
a fait part de sa surprise devant le fait que la
détention de cassettes pornographiques ne fasse pas l'objet d'une
sanction particulière contrairement à ce qu'avait prévu le
projet de loi déposé par le précédent Gouvernement.
Il s'est par ailleurs déclaré favorable à
différentes mesures du projet de loi, notamment l'allongement des
délais de prescription, la création d'un fichier des empreintes
génétiques, le renforcement de la présence des magistrats
ainsi que les mesures à l'encontre du tourisme sexuel.
M. Alain Boulay
a considéré que les mesures de protection
envisagées devraient être étendues à tous les
mineurs et à tous les cas de maltraitance à l'encontre des
enfants.
Il a souhaité que les services de police et de gendarmerie soient
désormais obligés de signaler les enfants disparus à
Interpol.
En conclusion,
M. Alain Boulay
, après avoir souhaité
l'adoption du projet de loi par le Parlement, a jugé nécessaire
que des moyens financiers et des mesures d'accompagnement soient prévus
pour sa mise en oeuvre.
M. Charles Jolibois, rapporteur,
tout en soulignant que la
détention de cassettes pornographiques semblait pouvoir faire l'objet de
sanctions par l'intermédiaire de l'incrimination du recel, a
néanmoins indiqué que la commission porterait la plus grande
attention à cette question.
M. Jacques Larché, président,
a remercié M. Alain
Boulay de s'être élevé au-dessus des considérations
personnelles pour engager une réflexion d'ensemble sur la question de la
délinquance sexuelle.
La commission a ensuite entendu
Mme Anne-Marie Vignaud, juge des enfants
à Bordeaux
et
Mme Christiane Berkani, juge d'instruction à
Paris pour les mineurs.
Mme Anne-Marie Vignaud
,
juge des enfants à Bordeaux
, a
indiqué qu'une réflexion, doublée d'une
expérimentation menée dans un cadre conventionnel, était
menée dans cette ville depuis 1993 pour tenter de faire
bénéficier d'un statut les enfants victimes d'infractions
sexuelles.
Elle a observé que les règles de procédure pénale
en vigueur n'offraient aucun statut aux mineurs victimes de telles infractions,
traités juridiquement comme des incapables qui, en tant que tels ne
pouvaient choisir un avocat ni demander directement un acte d'instruction.
Elle a estimé que, chaque fois que possible, le titulaire de
l'autorité parentale devait pouvoir accompagner l'enfant concerné
tout au long de la procédure, et ce dès le dépôt de
la plainte.
Reconnaissant que dans 80 % des cas l'auteur de l'infraction était un
membre de la famille, elle a considéré qu'un tiers accompagnateur
devait alors être désigné pour assister la victime. Elle a
insisté sur la nécessité d'inscrire ce principe dans la
loi afin que la présence d'une personne extérieure dans le cours
de la procédure ne soit plus invoquée à l'avenir comme une
cause de nullité. Elle a précisé qu'à Bordeaux
était généralement désigné un membre d'un
service éducatif spécialisé capable d'apporter une
assistance psychologique au mineur victime et de veiller à la
préservation de ses intérêts patrimoniaux.
A l'appui de sa proposition,
Mme Anne-Marie Vignaud
a remis, à
M. Jacques Larché, président
, des projets
d'amendements traduisant ces préoccupations, et dont elle a donné
lecture à la commission.
M. Charles Jolibois, rapporteur,
a fait observer qu'il suffirait de
compléter le texte proposé pour l'article 706-51 du code de
procédure pénale pour conférer au procureur de la
République le pouvoir de désigner un administrateur ad hoc.
M. Robert Badinter
a précisé que, selon Mme Anne-Marie
Vignaud, il s'agissait de désigner un tiers susceptible non seulement
d'assurer la représentation légale de la victime mais
également de lui prêter une assistance au sens large, et notamment
psychologique.
M. Jacques Larché, président,
a souligné en
conclusion l'importance du point de vue exposé par
Mme Anne-Marie
Vignaud.
Constatant que la procédure pénale reconnaissait
expressément les délinquants mineurs en leur accordant par
exemple le bénéfice du ministère d'un avocat,
Mme
Christiane Berkani, juge d'instruction à Paris pour les mineurs
, a
observé que ce n'était pas le cas pour les mineurs victimes et a
estimé nécessaire de combler cette lacune au nom du
parallélisme des formes entre le mineur victime et le mineur
délinquant. Elle a précisé qu'il était
particulièrement difficile pour un enfant de s'exprimer sur des faits
relatifs à son intimité et que le mineur victime devait
être assisté par une tierce personne lors de son entretien avec le
juge d'instruction, chargé de rechercher la manifestation de la
vérité.
En désaccord sur ce point avec
Mme Anne-Marie Vignaud
, elle a
estimé que ce tiers accompagnant ne devait pas être un membre de
sa famille, la présence d'un parent pouvant constituer un frein à
la liberté de parole de l'enfant.
Mme Christiane Berkani
a considéré que l'enregistrement
audiovisuel du témoignage de l'enfant victime était de nature
à lui éviter de réitérer un récit
traumatisant mais qu'il fallait prendre garde à l'utilisation
susceptible d'en être faite et en limiter l'accès aux
professionnels concernés pour empêcher tout risque de diffusion
à l'extérieur du tribunal. Elle a précisé que cet
outil ne devait pas être réservé aux seules infractions
sexuelles, mais utilisé pour tous les actes de maltraitance sur des
mineurs.
Mme Christiane Berkani
a observé que la définition du viol
résultant de l'article 222-23 du code pénal mériterait
d'être précisée dans la mesure où la notion de
pénétration " sur la personne d'autrui " donnait lieu,
en l'absence de décision de la chambre criminelle de la Cour de
cassation, à des interprétations jurisprudentielles divergentes
sur le point de savoir si la fellation imposée à une personne
constituait un viol.
M. Robert Badinter
a indiqué qu'il fallait prendre garde à
l'impact émotionnel des images qui seraient projetées lors de
l'audience grâce à l'enregistrement audiovisuel ; il a
estimé que l'effet sur les jurés pourrait être plus fort
que celui résultant d'un simple témoignage. Approuvant ce point
de vue,
Mme Christiane Berkani
a cependant souligné que
cette technique offrait l'avantage d'éviter la présence de
l'enfant à l'audience.
M. Robert Badinter
a objecté que le
principe de l'oralité des débats criminels rendait impossible son
absence.
Mme Anne-Marie Vignaud
a observé que certains
pédopsychiatres estimaient dangereux pour l'enfant de fixer son
récit en l'enregistrant. Elle a toutefois indiqué que des
expérimentations, inspirées de ce qui était
pratiqué dans les pays anglo-saxons, avaient été
menées à La Réunion.
Mme Christiane Berkani
a précisé que la brigade de
protection des mineurs de Paris avait également procédé
à de telles expérimentations et que d'autres devaient suivre
à compter de la mi-novembre concernant des infractions sexuelles.
En réponse à
M. Jacques Larché, président
,
qui estimait que l'enregistrement vidéo pourrait constituer un
instrument particulièrement dangereux dans les cas, même s'ils
étaient rares, où le récit de l'enfant serait mensonger,
Mme Christiane Berkani
a indiqué qu'au Canada cet
enregistrement faisait l'objet d'une expertise de crédibilité
reposant sur dix-neuf critères scientifiques. Elle a regretté
qu'il n'y ait pas en France de psychiatres formés à ce type
d'expertise.
Mme Anne-Marie Vignaud
a contesté ce rôle dévolu
à des thérapeutes qui n'avaient pas vocation à devenir des
auxiliaires de justice. Elle a de nouveau souligné la
nécessité d'élaborer un véritable statut du mineur
victime d'agressions sexuelles.
La commission a ensuite entendu
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux,
ministre de la justice
.
Soulignant la gravité du sujet en discussion,
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux,
a indiqué que le projet de loi, qui reprenait
l'architecture générale de celui présenté par son
prédécesseur, devait être examiné sans tarder. Elle
a précisé qu'elle s'était attachée à prendre
en considération les observations formulées lors des derniers
débats parlementaires et que, par ailleurs, les modifications
introduites concernaient essentiellement le suivi des délinquants
sexuels dans le but de limiter les risques de récidive.
Faisant référence aux débats de l'Assemblée
nationale, elle a souligné que, si chacun s'accordait à
reconnaître que les infractions sexuelles commises sur des mineurs,
victimes très vulnérables, étaient particulièrement
révoltantes, il fallait se garder de céder à la tentation
d'aggraver à l'excès les peines applicables, une telle
dérive pouvant à la limite déboucher sur la
résurgence du débat sur la peine de mort. Elle a estimé
plus opportun de définir des solutions appropriées pour
améliorer l'efficacité du dispositif pénal existant.
Estimant que, en prévoyant l'institution d'une peine de suivi
médico-social, le projet présenté par son
prédécesseur confondait la peine et la thérapie,
Mme Élisabeth Guigou, garde des sceaux
, a indiqué que
le suivi appliqué au délinquant devait être social et
judiciaire et pas seulement médical, d'autant que le traitement
médical n'était pas toujours possible. Elle a
précisé qu'il devait pouvoir s'exercer pendant le séjour
carcéral, cette faculté étant rappelée tous les six
mois au condamné par le juge de l'application des peines.
Concernant la protection des victimes, elle a rappelé qu'après
une large concertation avec les associations, plusieurs dispositions avaient
été insérées dans le projet de loi, telles que le
différé du délai de prescription des infractions à
la date de la majorité de la victime, l'augmentation du délai de
prescription à dix ans pour les délits les plus graves,
l'obligation d'une expertise médico-psychologique pour faciliter
l'évaluation du préjudice, la représentation du mineur par
un administrateur ad hoc, une limitation du nombre d'auditions de la victime et
l'accompagnement de celle-ci par une personne qualifiée, enfin la
possibilité d'effectuer un enregistrement soit à l'aide d'un
magnétophone soit audiovisuel.
Concernant l'instauration d'une nouvelle infraction pour réprimer le
bizutage,
Mme Élisabeth Guigou, garde des sceaux,
a estimé
qu'elle apparaissait nécessaire dans la mesure où certains
agissements, en particulier des pressions collectives dans le but de
contraindre une étudiante à commettre certains actes sur un
animal, ne répondaient pas aux définitions figurant dans le code
pénal et dès lors échappaient à toute sanction.
M. Charles Jolibois, rapporteur
, s'est interrogé sur les moyens
financiers et humains qui devraient permettre la mise en oeuvre effective des
dispositifs proposés par le projet de loi ainsi que sur le point de
savoir si la Commission nationale de l'informatique et des libertés
(CNIL) avait rendu un avis sur la création d'un fichier national des
empreintes génétiques, introduite dans le texte par
l'Assemblée nationale. Il a également interrogé le garde
des sceaux sur le problème de la répression des infractions
commises par le biais de l'Internet, notamment en cas de diffusion d'images
à caractère pédophile.
M. Michel Dreyfus-Schmidt
s'est étonné de la confusion
faite entre les crimes et les délits en matière de délais
de prescription, il a fait observer que l'édiction d'une prescription
criminelle pour un délit était sans précédent.
M. Jacques Larché, président
, a estimé qu'il
s'agissait en effet d'un sujet délicat.
M. Christian Bonnet
a souligné les risques attachés
à l'irruption des supports audiovisuels dans les instances judiciaires.
Regrettant la tendance à la multiplication des incriminations,
M. Jean-Jacques Hyest
, approuvé par
M. Pierre
Fauchon
, s'est interrogé sur l'utilité d'un nouveau
délit de bizutage dont la définition, faisant
référence à la notion d'atteinte à la
dignité humaine, lui a parue insuffisamment précise.
Distinguant la question de la portée émotionnelle de la
projection audiovisuelle évoquée par
M. Christian Bonnet, M.
Robert Badinter
a indiqué que l'utilisation d'un tel instrument
risquait de soulever des problèmes juridiques complexes au regard des
principes de l'oralité des débats et des droits de la
défense.
M. Jacques Larché, président
, s'est interrogé sur
le point de savoir si les moyens nécessaires à la mise en oeuvre
des dispositifs prévus avaient été intégrés
dans les prévisions budgétaires de tous les ministères
concernés, en particulier le ministère de la santé.
En réponse aux différents intervenants,
Mme Élisabeth
Guigou, garde des sceaux,
a mis l'accent sur l'importance fondamentale du
problème des moyens devant permettre une mise en oeuvre effective des
dispositions adoptées. Elle a rappelé que le budget de son
ministère pour 1998 prévoyait la création de 78 postes de
magistrats, soit la plus forte augmentation depuis dix ans, ces
créations devant être affectées par priorité aux
juges des enfants, aux juges des affaires familiales et au juges de
l'application des peines. Elle a par ailleurs indiqué que
l'élaboration du projet de loi avait été
réalisée en concertation avec les trois autres ministères
concernés, l'Intérieur, la Santé et l'Enseignement
scolaire.
Concernant l'organisation de l'audition des enfants victimes d'infractions
sexuelles, elle a estimé que celle-ci pourrait avoir lieu dans des
services hospitaliers, les agents de police judiciaire et les juges
d'instruction pouvant se déplacer, comme c'est d'ailleurs parfois le cas
en d'autres circonstances.
Mme Élisabeth Guigou, garde des sceaux
, a observé que le
Gouvernement, sans contester l'utilité de créer un fichier
national des empreintes génétiques, avait estimé qu'une
telle initiative ressortissait à la compétence
réglementaire. Elle a indiqué que la CNIL avait été
saisie et qu'une réflexion interministérielle avait
été engagée entre le ministère de la défense
et la chancellerie pour déterminer les personnes devant être
fichées ainsi que les modalités de contrôle et
d'utilisation du fichier. Elle a estimé que l'accès à ce
fichier devrait être réservé aux magistrats.
Concernant les infractions commises sur l'Internet, elle a observé que
les gestionnaires de serveurs, n'ayant généralement pas
connaissance des contenus diffusés, pouvaient difficilement être
tenus pour complices mais que cela ne devait pas justifier une absence de
contrôle. Elle a considéré que ce problème devrait
être traité dans un projet de loi spécifique
préparé sous la responsabilité du ministre de la
Communication.
Mme Élisabeth Guigou, garde des sceaux
, a souligné que
l'allongement du délai de prescription des délits en
matière sexuelle s'il ne correspondait pas à un idéal de
cohérence juridique, paraissait néanmoins nécessaire dans
la mesure où la victime, éprouvant souvent un sentiment de
culpabilité, surtout lorsque l'auteur de l'infraction était un
parent, avait besoin de temps avant d'oser révéler les faits.
Rappelant que l'enregistrement avait vocation à limiter le traumatisme
de la victime en limitant le nombre des auditions, elle a estimé que son
utilisation devait rester une simple faculté, sur laquelle il convenait
de s'en remettre à la sagesse des magistrats.
Concernant le nouveau délit de bizutage, elle a confirmé qu'il
lui était apparu nécessaire de pouvoir réprimer certaines
formes de pressions collectives.
M. Jacques Larché,
président
, a considéré qu'un tel comportement pouvait
déjà être regardé comme constitutif d'une violence
au sens du code pénal.
**Enfin la commisson a entendu
Mme Ségolène Royal, ministre
délégué auprès du ministre de l'éducation
nationale, de la recherche et de la technologie, chargé de
l'enseignement scolaire
.
En préambule, le
président Jacques Larché
a
demandé au ministre si les dispositions actuelles du code pénal
ne permettaient pas d'ores et déjà de réprimer ce qui
pouvait être abusif dans les " bizutages " traditionnels.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué
auprès du ministre de l'éducation nationale, de la recherche et
de la technologie, chargé de l'enseignement scolaire,
a
marqué que si la plupart du temps, les agissements
répréhensifs trouvaient une qualification dans le code
pénal, les victimes n'osaient pas porter plainte le plus souvent.
Elle a précisé que le numéro vert " SOS
bizutage " mis en place par le ministère recevait une quarantaine
d'appels par jour et que ces signalements avaient entraîné
l'application de sanctions disciplinaires, notamment au lycée Thiers
à Marseille, ainsi que la fermeture de deux établissements de
l'Ecole Nationale Supérieure des Arts et Métiers (ENSAM).
Déplorant les difficultés à rompre la " loi du
silence ", le ministre a estimé qu'aucune tradition ne pouvait
justifier certaines brimades et qu'une nouvelle loi permettrait
d'éradiquer de tels excès.
Elle a rappelé que les nombreuses circulaires interdisant le bizutage
étaient restées sans effet faute de plaintes
déposées par les victimes.
Elle a en outre expliqué que la logique du bizutage, selon laquelle les
victimes seraient apparemment consentantes, conduisait parfois les
élèves à exercer des violences sur eux-mêmes - comme
par exemple le rasage des organes sexuels- suite à des pressions
psychologiques.
Après avoir évoqué le classement sans suite d'une plainte
déposée par un élève de l'ENSAM, amaigri de huit
kilogrammes à la suite d'un bizutage, le ministre a regretté que
les élèves ou les étudiants les plus faibles
pâtissent le plus de la transgression des interdits au nom de pseudo
traditions.
M. Charles Jolibois, rapporteur
, a considéré que les
différentes incriminations prévues par le code pénal
permettaient d'atteindre toutes les hypothèses visées, soulignant
en particulier la répression de la mise en danger d'autrui et des
violences, le cas échéant même lorsqu'elles n'ont pas
entraîné d'incapacité de travail. Sur ce dernier point, il
a fait observer que la Cour de cassation prenait en compte le " choc
émotif " causé par des violences n'ayant pas
occasionné de dommages matériels directs pour la victime.
Le rapporteur a en outre marqué que, même en l'absence de plainte,
les autorités investies du pouvoir disciplinaire avaient la
possibilité de saisir le procureur de la République aux fins de
poursuites.
Enfin, il a estimé qu'un texte pénal destiné à
sanctionner des comportements serait très difficile à
rédiger.
M. Michel Dreyfus-Schmidt
a défendu " l'effet
d'affiche " que pourrait avoir le vote d'un nouveau texte, en montrant
clairement que certaines limites ne pouvaient être
dépassées. Il s'est cependant interrogé sur la limitation
de l'infraction adoptée par l'Assemblée nationale aux milieux
scolaire, éducatif, sportif ou associatif, considérant que
d'éventuels comportements répréhensibles non visés
par le code pénal actuel devraient être réprimés
d'une manière générale.
M. Jacques Larché, président,
a admis la
réalité du problème posé par les abus du bizutage.
M. Charles Jolibois, rapporteur
, a, pour sa part, noté que les
bizutages occasionnaient parfois des accidents.
Le ministre a de nouveau souligné que les rares plaintes
déposées pour bizutage avaient été classées
sans suite au motif que les victimes étaient consentantes.
M. Robert Badinter
s'est déclaré partisan d'une
répression du bizutage mais a fait part de sa préoccupation de
préserver la hiérarchie des valeurs consacrée par le
nouveau code pénal. Considérant que l'atteinte à la
dignité humaine constituait une incrimination majeure, il s'est
interrogé sur l'insuffisance relative de la sanction de six mois
d'emprisonnement prévue. Il a ajouté que l'incrimination nouvelle
risquait d'aboutir à une répression moindre, dans la mesure
où certains faits commis dans le cas de bizutage étaient d'ores
et déjà punis de peines supérieures.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué
auprès du ministre de l'éducation nationale, de la recherche et
de la technologie, chargé de l'enseignement scolaire,
a
déclaré qu'il était nécessaire de trouver une
nouvelle incrimination pour poursuivre des actes dégradants ou des
humiliations qui ne trouvaient pas de qualification dans le code pénal.
Elle a insisté sur la sujétion des jeunes bizutés qui
n'osaient pas se plaindre parce qu'ils tenaient à poursuivre leurs
études.
M. Robert Badinter
lui a cependant fait observer que le texte
prévu par le projet de loi ne réglait pas le problème
posé par la " complicité " de la victime.
ANNEXE 2
AUDITIONS DU RAPPORTEUR
- Association pour la défense des usagers de
l'administration : M. Jean-Claude Delarue, président ;
-
Association des secteurs de psychiatrie en milieu
pénitentiaire : Docteur Catherine Paulet, vice-présidente ;
-
Syndicat des psychiatres français
: Dr Kipman;
-
Syndicat des psychiatres des hopitaux : Dr Yves Hemery
;
-
Syndicat des psychiatres d'exercice public : Dr Gérard
Dubret
;
-
Syndicat des psychiatres de secteur :
Mme de Beaurepaire ;
-
Barreau de Paris : Me Vatier, bâtonnier, accompagné
de Me Violette Gornuy et de Me Naslednikov
- Comité consultatif national d'éthique : MM.Jean Michaud et
Victor Courtecuisse ;
- Enfance et sécurité : M. Jean-Maxime Baye,
président ;
- Fondation pour l'enfance : Mme Poilpot, directrice ;
- Comité Français pour les droits de l'Enfant : M. Pascal
Vivet, secrétaire général adjoint.
ANNEXE 2
AUDITIONS DU RAPPORTEUR
A N N E X E
au
Tableau comparatif
Textes cités en référence dans le projet de loi
I. Code pénal
Art. 62, dans la rédaction antérieure
aux lois n° 92-683 à 92-686 du 22 juillet
1992. --
Sans préjudice de l'application des articles 103
et 104 du présent code, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à
trois ans et d'une amende de 360 F à 20.000 F ou de l'une de ces
deux peines seulement, celui qui, ayant connaissance d'un crime
déjà tenté ou consommé, n'aura pas, alors qu'il
était encore possible d'en prévenir ou limiter les effets ou
qu'on pouvait penser que les coupables ou l'un d'eux commettraient de nouveaux
crimes qu'une dénonciation pourrait prévenir, averti
aussitôt les autorités administratives ou judiciaires.
Sera puni d'un emprisonnement de deux mois à quatre ans et d'une amende
de 2.000 F à 20.000 F ou de l'une de ces deux peines seulement
celui qui, ayant connaissance de sévices ou de privations
infligés à un mineur de quinze ans, n'en aura pas, dans les
circonstances définies à l'alinéa précédent,
averti les autorités administratives ou judiciaires.
Sont exceptés des dispositions du présent article les parents ou
alliés, jusqu'au quatrième degré inclusivement, des
auteurs ou complices du crime ou de la tentative sauf en ce qui concerne les
crimes commis sur les mineurs de quinze ans.
Art. 113-6. --
La loi pénale
française est applicable à tout crime commis par un
Français hors du territoire de la République.
Elle est applicable aux délits commis par des Français hors du
territoire de la République si les faits sont punis par la
législation du pays où ils ont été commis.
Il est fait application du présent article lors même que le
prévenu aurait acquis la nationalité française
postérieurement au fait qui lui est imputé.
Art. 113-8. --
Dans les cas prévus aux
articles 113-6 et 113-7, la poursuite des délits ne peut être
exercée qu'à la requête du ministère public. Elle
doit être précédée d'une plainte de la victime ou de
ses ayants droit ou d'une dénonciation officielle par l'autorité
du pays où le fait a été commis.
Art. 121-2. --
Les personnes morales, à
l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement, selon les
distinctions des articles 121-4 à 121-7 et dans les cas prévus
par la loi ou le règlement, des infractions commises, pour leur compte,
par leurs organes ou représentants.
Toutefois, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont
responsables pénalement que des infractions commises dans l'exercice
d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de
délégation de service public.
La responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle
des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits.
Art. 131-38. --
Le taux maximum de l'amende
applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui
prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime
l'infraction.
Art. 131-39. --
Lorsque la loi le prévoit
à l'encontre d'une personne morale, un crime ou un délit peut
être sanctionné d'une ou de plusieurs des peines suivantes :
1° La dissolution, lorsque la personne morale a
été créée ou, lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un
délit puni en ce qui concerne les personnes physiques d'une peine
d'emprisonnement supérieure à cinq ans, détournée
de son objet pour commettre les faits incriminés ;
2° L'interdiction, à titre définitif ou pour une
durée de cinq ans au plus, d'exercer directement ou indirectement une ou
plusieurs activités professionnelles ou sociales ;
3° Le placement, pour une durée de cinq ans au plus,
sous surveillance judiciaire ;
4° La fermeture définitive ou pour une durée de
cinq ans au plus des établissements ou de l'un ou de plusieurs des
établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits
incriminés ;
5° L'exclusion des marchés publics à titre
définitif ou pour une durée de cinq ans au plus ;
6° L'interdiction, à titre définitif ou pour une
durée de cinq ans au plus, de faire appel public à
l'épargne ;
7° L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus,
d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait
de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont
certifiés ou d'utiliser des cartes de paiement ;
8° La confiscation de la chose qui a servi ou était
destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le
produit ;
9° L'affichage de la décision prononcée ou la
diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de
communication audiovisuelle.
Les peines définies aux 1° et 3° ci-dessus ne sont pas
applicables aux personnes morales de droit public dont la responsabilité
pénale est susceptible d'être engagée. Elles ne sont pas
non plus applicables aux partis ou groupements politiques ni aux syndicats
professionnels. La peine définie au 1° n'est pas applicable aux
institutions représentatives du personnel.
Art. 132-44. --
Les mesures de contrôle
auxquelles le condamné doit se soumettre sont les suivantes :
1° Répondre aux convocations du juge de l'application
des peines ou de l'agent de probation désigné ;
2° Recevoir les visites de l'agent de probation et lui
communiquer les renseignements ou documents de nature à permettre le
contrôle de ses moyens d'existence et de l'exécution de ses
obligations ;
3° Prévenir l'agent de probation de ses changements
d'emploi ;
4° Prévenir l'agent de probation de ses changements de
résidence ou de tout déplacement dont la durée
excéderait quinze jours et rendre compte de son retour ;
5° Obtenir l'autorisation préalable du juge de
l'application des peines pour tout déplacement à
l'étranger et, lorsqu'il est de nature à mettre obstacle à
l'exécution de ses obligations, pour tout changement d'emploi ou de
résidence.
Art. 132-45. --
La juridiction de condamnation ou
le juge de l'application des peines peut imposer spécialement au
condamné l'observation de l'une ou de plusieurs des obligations
suivantes :
1° Exercer une activité professionnelle ou suivre un
enseignement ou une formation professionnelle ;
2° Etablir sa résidence en un lieu
déterminé ;
3° Se soumettre à des mesures d'examen médical,
de traitement ou de soins, même sous le régime de
l'hospitalisation ;
4° Justifier qu'il contribue aux charges familiales ou acquitte
régulièrement les pensions alimentaires dont il est
débiteur ;
5° Réparer en tout ou partie, en fonction de ses
facultés contributives, les dommages causés par l'infraction,
même en l'absence de décision sur l'action civile ;
6° Justifier qu'il acquitte en fonction de ses facultés
contributives les sommes dues au Trésor public à la suite de la
condamnation ;
7° S'abstenir de conduire certains véhicules
déterminés par les catégories de permis prévues par
le Code de la route ;
8° Ne pas se livrer à l'activité professionnelle
dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a
été commise ;
9° S'abstenir de paraître en tout lieu
spécialement désigné ;
10° Ne pas engager de paris, notamment dans les organismes de
paris mutuels ;
11° Ne pas fréquenter les débits de
boissons ;
12° Ne pas fréquenter certains condamnés,
notamment les auteurs ou complices de l'infraction ;
13° S'abstenir d'entrer en relation avec certaines personnes,
notamment la victime de l'infraction ;
14° Ne pas détenir ou porter une arme.
Art. 222-1. --
Le fait de soumettre une personne
à des tortures ou à des actes de barbarie est puni de quinze ans
de réclusion criminelle.
Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la
période de sûreté sont applicables à l'infraction
prévue par le présent article.
Art. 222-2. --
L'infraction définie
à l'article 222-1 est punie de la réclusion criminelle à
perpétuité lorsqu'elle précède, accompagne ou suit
un crime autre que le meurtre ou le viol.
Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la
période de sûreté sont applicables à l'infraction
prévue par le présent article.
Art. 222-3. --
L'infraction définie à
l'article 222-1 est punie de vingt ans de réclusion criminelle
lorsqu'elle est commise :
1° Sur un mineur de quinze ans ;
2° Sur une personne dont la particulière
vulnérabilité, due à son âge, à une maladie,
à une infirmité, à une déficience physique ou
psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de
son auteur ;
3° Sur un ascendant légitime ou naturel ou sur les
père ou mère adoptifs ;
4° Sur un magistrat, un juré, un avocat, un officier
public ou ministériel, un militaire de la gendarmerie, un fonctionnaire
de la police nationale, des douanes, de l'administration pénitentiaire
ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique ou
chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à
l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, lorsque la
qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur ;
5° Sur un témoin, une victime ou une partie civile, soit
pour l'empêcher de dénoncer les faits, de porter plainte ou de
déposer en justice, soit en raison de sa dénonciation, de sa
plainte ou de sa déposition ;
6° Par le conjoint ou le concubin de la victime ;
7° Par une personne dépositaire de l'autorité
publique ou chargée d'une mission de service public dans l'exercice ou
à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission ;
8° Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur
ou de complice ;
9° Avec préméditation ;
10° Avec usage ou menace d'une arme.
L'infraction définie à l'article 222-1 est également
punie de vingt ans de réclusion criminelle lorsqu'elle est
accompagnée d'agressions sexuelles autres que le viol.
La peine encourue est portée à trente ans de réclusion
criminelle lorsque l'infraction définie à l'article 222-1
est commise sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime,
naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le
mineur.
Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la
période de sûreté sont applicables aux infractions
prévues par le présent article.
Art. 222-4. --
L'infraction définie à
l'article 222-1 est punie de trente ans de réclusion criminelle
lorsqu'elle est commise de manière habituelle sur un mineur de quinze
ans ou sur une personne dont la particulière
vulnérabilité, due à son âge, à une maladie,
à une infirmité, à une déficience physique ou
psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de
son auteur.
Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la
période de sûreté sont applicables à l'infraction
prévue par le présent article.
Art. 222-5. --
L'infraction définie à
l'article 222-1 est punie de trente ans de réclusion criminelle
lorsqu'elle a entraîné une mutilation ou une infirmité
permanente.
Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la
période de sûreté sont applicables à l'infraction
prévue par le présent article.
Art. 222-8. --
L'infraction définie à
l'article 222-7 est punie de vingt ans de réclusion criminelle
lorsqu'elle est commise :
1° Sur un mineur de quinze ans ;
2° Sur une personne dont la particulière
vulnérabilité, due à son âge, à une maladie,
à une infirmité, à une déficience physique ou
psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de
son auteur ;
3° Sur un ascendant légitime ou naturel ou sur les
père ou mère adoptifs ;
4° Sur un magistrat, un juré, un avocat, un officier
public ou ministériel, un militaire de la gendarmerie, un fonctionnaire
de la police nationale, des douanes, de l'administration pénitentiaire
ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique ou
chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à
l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, lorsque la
qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur ;
5° Sur un témoin, une victime ou une partie civile, soit
pour l'empêcher de dénoncer les faits, de porter plainte ou de
déposer en justice, soit en raison de sa dénonciation, de sa
plainte ou de sa déposition ;
6° Par le conjoint ou le concubin de la victime ;
7° Par une personne dépositaire de l'autorité
publique ou chargée d'une mission de service public dans l'exercice ou
à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission ;
8° Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur
ou de complice ;
9° Avec préméditation ;
10° Avec usage ou menace d'une arme.
La peine encourue est portée à trente ans de réclusion
criminelle lorsque l'infraction définie à l'article 222-7
est commise sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime,
naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le
mineur.
Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la
période de sûreté sont applicables aux infractions
prévues par le présent article.
Art. 222-9. --
Les violences ayant
entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sont
punies de dix ans d'emprisonnement et de 1.000.000 F d'amende.
Art. 222-10. --
L'infraction définie
à l'article 222-9 est punie de quinze ans de réclusion
criminelle lorsqu'elle est commise :
1° Sur un mineur de quinze ans ;
2° Sur une personne dont la particulière
vulnérabilité, due à son âge, à une maladie,
à une infirmité, à une déficience physique ou
psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de
son auteur ;
3° Sur un ascendant légitime ou naturel ou sur les
père ou mère adoptifs ;
4° Sur un magistrat, un juré, un avocat, un officier
public ou ministériel, un militaire de la gendarmerie, un fonctionnaire
de la police nationale, des douanes, de l'administration pénitentiaire
ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique ou
chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à
l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, lorsque la
qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur ;
5° Sur un témoin, une victime ou une partie civile, soit
pour l'empêcher de dénoncer les faits, de porter plainte ou de
déposer en justice, soit en raison de sa dénonciation, de sa
plainte ou de sa déposition ;
6° Par le conjoint ou le concubin de la victime ;
7° Par une personne dépositaire de l'autorité
publique ou chargée d'une mission de service public dans l'exercice ou
à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission ;
8° Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur
ou de complice ;
9° Avec préméditation ;
10° Avec usage ou menace d'une arme.
La peine encourue est portée à vingt ans de réclusion
criminelle lorsque l'infraction définie à l'article 222-9
est commise sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime,
naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le
mineur.
Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la
période de sûreté sont applicables aux infractions
prévues par le présent article.
Art. 222-11. --
Les violences ayant
entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de
huit jours sont punies de trois ans d'emprisonnement et de 300.000 F
d'amende.
Art. 222-12. --
L'infraction définie
à l'article 222-11 est punie de cinq ans d'emprisonnement et de
500.000 F d'amende lorsqu'elle est commise :
1° Sur un mineur de quinze ans ;
2° Sur une personne dont la particulière
vulnérabilité, due à son âge, à une maladie,
à une infirmité, à une déficience physique ou
psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de
son auteur ;
3° Sur un ascendant légitime ou naturel ou sur les
père ou mère adoptifs ;
4° Sur un magistrat, un juré, un avocat, un officier
public ou ministériel, un militaire de la gendarmerie, un fonctionnaire
de la police nationale, des douanes, de l'administration pénitentiaire
ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique ou
chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à
l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, lorsque la
qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur ;
5° Sur un témoin, une victime ou une partie civile, soit
pour l'empêcher de dénoncer les faits, de porter plainte ou de
déposer en justice, soit en raison de sa dénonciation, de sa
plainte ou de sa déposition ;
6° Par le conjoint ou le concubin de la victime ;
7° Par une personne dépositaire de l'autorité
publique ou chargée d'une mission de service public dans l'exercice ou
à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission ;
8° Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur
ou de complice ;
9° Avec préméditation ;
10° Avec usage ou menace d'une arme.
Les peines encourues sont portées à dix ans d'emprisonnement et
à 1.000.000 F d'amende lorsque l'infraction définie à
l'article 222-11 est commise sur un mineur de quinze ans par un ascendant
légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant
autorité sur le mineur. Les peines sont portées à sept ans
d'emprisonnement et 700.000 F d'amende lorsque cette infraction est
commise dans deux des circonstances prévues aux 1° à
10° du présent article. Les peines sont portées à dix
ans d'emprisonnement et 1.000.000 F d'amende lorsqu'elle est commise dans
trois de ces circonstances.
Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la
période de sûreté sont applicables aux infractions
prévues par le précédent alinéa.
Art. 222-13. --
Les violences ayant
entraîné une incapacité de travail inférieure ou
égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune
incapacité de travail sont punies de trois ans d'emprisonnement et de
300.000 F d'amende lorsqu'elles sont commises :
1° Sur un mineur de quinze ans ;
2° Sur une personne dont la particulière
vulnérabilité, due à son âge, à une maladie,
à une infirmité, à une déficience physique ou
psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de
leur auteur ;
3° Sur un ascendant légitime ou naturel ou sur les
père ou mère adoptifs ;
4° Sur un magistrat, un juré, un avocat, un officier
public ou ministériel, un militaire de la gendarmerie, un fonctionnaire
de la police nationale, des douanes, de l'administration pénitentiaire
ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique ou
chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à
l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, lorsque la
qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur ;
5° Sur un témoin, une victime ou une partie civile, soit
pour l'empêcher de dénoncer les faits, de porter plainte ou de
déposer en justice, soit en raison de sa dénonciation, de sa
plainte ou de sa déposition ;
6° Par le conjoint ou le concubin de la victime ;
7° Par une personne dépositaire de l'autorité
publique ou chargée d'une mission de service public dans l'exercice ou
à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission ;
8° Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur
ou de complice ;
9° Avec préméditation ;
10° Avec usage ou menace d'une arme.
Les peines encourues sont portées à cinq ans d'emprisonnement et
à 500.000 F d'amende lorsque l'infraction définie au premier
alinéa est commise sur un mineur de quinze ans par un ascendant
légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant
autorité sur le mineur. Les peines sont également portées
à cinq ans d'emprisonnement et 500.000 F d'amende lorsque cette
infraction, ayant entraîné une incapacité totale de travail
inférieure ou égale à huit jours, est commise dans deux
des circonstances prévues aux 1° à 10° du
présent article. Les peines sont portées à sept ans
d'emprisonnement et 700.000 F d'amende lorsqu'elle est commise dans trois
de ces circonstances.
Art. 222-14. --
Les violences habituelles sur un
mineur de quinze ans ou sur une personne dont la particulière
vulnérabilité, due à son âge, à une maladie,
à une infirmité, à une déficience physique ou
psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de
leur auteur sont punies :
1° De trente ans de réclusion criminelle lorsqu'elles
ont entraîné la mort de la victime ;
2° De vingt ans de réclusion criminelle lorsqu'elles ont
entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ;
3° De dix ans d'emprisonnement et de 1.000.000 F d'amende
lorsqu'elles ont entraîné une incapacité totale de travail
pendant plus de huit jours ;
4° De cinq ans d'emprisonnement et de 500.000 F d'amende
lorsqu'elles n'ont pas entraîné une incapacité totale de
travail pendant plus de huit jours.
Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la
période de sûreté sont applicables aux cas prévus
aux 1° et 2° du présent article.
Art. 222-15. --
L'administration de substances
nuisibles ayant porté atteinte à l'intégrité
physique ou psychique d'autrui est punie des peines mentionnées aux
articles 222-7 à 222-14 suivant les distinctions prévues par ces
articles.
Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la
période de sûreté sont applicables à cette
infraction dans les mêmes cas que ceux prévus par ces articles.
Art. 222-22. --
Constitue une agression sexuelle
toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise.
Art. 222-23. --
Tout acte de
pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la
personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol.
Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle.
Art. 222-24. --
Le viol est puni de vingt ans de
réclusion criminelle :
1° Lorsqu'il a entraîné une mutilation ou une
infirmité permanente ;
2° Lorsqu'il est commis sur un mineur de quinze ans ;
3° Lorsqu'il est commis sur une personne dont la
particulière vulnérabilité, due à son âge,
à une maladie, à une infirmité, à une
déficience physique ou psychique ou à un état de
grossesse, est apparente ou connue de l'auteur ;
4° Lorsqu'il est commis par un ascendant légitime,
naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la
victime ;
5° Lorsqu'il est commis par une personne qui abuse de
l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;
6° Lorsqu'il est commis par plusieurs personnes agissant en
qualité d'auteur ou de complice ;
7° Lorsqu'il est commis avec usage ou menace d'une arme.
Art. 222-25. --
Le viol est puni de trente ans de
réclusion criminelle lorsqu'il a entraîné la mort de la
victime.
Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la
période de sûreté sont applicables à l'infraction
prévue par le présent article.
Art. 222-26. --
Le viol est puni de la
réclusion criminelle à perpétuité lorsqu'il est
précédé, accompagné ou suivi de tortures ou d'actes
de barbarie.
Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la
période sûreté sont applicables à l'infraction
prévue par le présent article.
Art. 222-27. --
Les agressions sexuelles autres que
le viol sont punies de cinq ans d'emprisonnement et de 500.000 F d'amende.
Art. 222-28. --
L'infraction définie
à l'article 222-27 est punie de sept ans d'emprisonnement et de
700.000 F d'amende :
1° Lorsqu'elle a entraîné une blessure ou une
lésion ;
2° Lorsqu'elle est commise par un ascendant légitime,
naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la
victime ;
3° Lorsqu'elle est commise par une personne qui abuse de
l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;
4° Lorsqu'elle est commise par plusieurs personnes agissant en
qualité d'auteur ou de complice ;
5° Lorsqu'elle est commise avec usage ou menace d'une arme.
Art. 222-29. --
Les agressions sexuelles autres que
le viol sont punies de sept ans d'emprisonnement et de 700.000 F d'amende
lorsqu'elles sont imposées :
1° A un mineur de quinze ans ;
2° A une personne dont la particulière
vulnérabilité due à son âge, à une maladie,
à une infirmité, à une déficience physique ou
psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de
son auteur.
Art. 222-30. --
L'infraction définie
à l'article 222-29 est punie de dix ans d'emprisonnement et de
1.000.000 F d'amende :
1° Lorsqu'elle a entraîné une blessure ou une
lésion ;
2° Lorsqu'elle est commise par un ascendant légitime,
naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur la
victime ;
3° Lorsqu'elle est commise par une personne qui abuse de
l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;
4° Lorsqu'elle est commise par plusieurs personnes agissant en
qualité d'auteur ou de complice ;
5° Lorsqu'elle est commise avec usage ou menace d'une arme.
Art. 222-31. --
La tentative des délits
prévus par les articles 222-27 à 222-30 est punie des mêmes
peines.
Art. 222-32. --
L'exhibition sexuelle
imposée à la vue d'autrui dans un lieu accessible aux regards du
public est punie d'un an d'emprisonnement et de 100.000 F d'amende.
Art. 226-13. --
La révélation d'une
information à caractère secret par une personne qui en est
dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une
fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de
100.000 F d'amende.
Art. 227-18. --
Le fait de provoquer directement un
mineur à faire un usage illicite de stupéfiants est puni de cinq
ans d'emprisonnement et de 700.000 F d'amende.
Lorsqu'il s'agit d'un mineur de quinze ans, l'infraction définie par le
présent article est punie de sept ans d'emprisonnement et de
1.000.000 F d'amende.
Art. 227-18-1. --
Le fait de provoquer directement
un mineur à transporter, détenir, offrir ou céder des
stupéfiants est puni de sept ans d'emprisonnement et de 1.000.000 F
d'amende.
Lorsqu'il s'agit d'un mineur de quinze ans, l'infraction définie par le
présent article est punie de dix ans d'emprisonnement et de
2.000.000 F d'amende.
Art. 227-19. --
Le fait de provoquer directement un
mineur à la consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques
est puni de deux ans d'emprisonnement et de 300.000 F d'amende.
Lorsqu'il s'agit d'un mineur de quinze ans, l'infraction définie par le
présent article est punie de trois ans d'emprisonnement et de
500.000 F d'amende.
Art. 227-20. --
Le fait de provoquer directement un
mineur à la mendicité est puni de deux ans d'emprisonnement et de
300.000 F d'amende.
Lorsqu'il s'agit d'un mineur de quinze ans, l'infraction définie par le
présent article est punie de trois ans d'emprisonnement et de
500.000 F d'amende.
Art. 227-21. --
Le fait de provoquer directement un
mineur à commettre habituellement des crimes ou des délits est
puni de cinq ans d'emprisonnement et de 1.000.000 F d'amende.
Lorsqu'il s'agit d'un mineur de quinze ans, l'infraction définie par le
présent article est punie de sept ans d'emprisonnement et de
1.000.000 F d'amende.
Art. 227-22. --
Le fait de favoriser ou de tenter
de favoriser la corruption d'un mineur est puni de cinq ans d'emprisonnement et
de 500.000 F d'amende. Ces peines sont portées à sept ans
d'emprisonnement et 700.000 F d'amende lorsque le mineur est
âgé de moins de quinze ans.
Les mêmes peines sont notamment applicables au fait, commis par un
majeur, d'organiser des réunions comportant des exhibitions ou des
relations sexuelles auxquelles un mineur assiste ou participe.
Art. 227-23. --
Le fait, en vue de sa diffusion, de
fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image d'un mineur lorsque cette image
présente un caractère pornographique est puni d'un an
d'emprisonnement et de 300.000 F d'amende.
Le fait de diffuser une telle image, par quelque moyen que ce soit, est puni
des mêmes peines.
Les peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et à
500.000 F d'amende lorsqu'il s'agit d'un mineur de quinze ans.
Art. 227-24. --
Le fait soit de fabriquer, de
transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le
support un message à caractère violent ou pornographique ou de
nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine,
soit de faire commerce d'un tel message, est puni de trois ans d'emprisonnement
et de 500.000 F d'amende lorsque ce message est susceptible d'être
vu ou perçu par un mineur.
Lorsque les infractions prévues au présent article sont soumises
par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions
particulières des lois qui régissent ces matières sont
applicables en ce qui concerne la détermination des personnes
responsables.
Art. 227-25. --
Le fait, par un majeur, d'exercer
sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la
personne d'un mineur de quinze ans est puni de deux ans d'emprisonnement et de
200.000 F d'amende.
Art. 227-26. --
L'infraction définie
à l'article 227-25 est punie de dix ans d'emprisonnement et de
1.000.000 F d'amende :
1° Lorsqu'elle est commise par un ascendant légitime,
naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur la
victime ;
2° Lorsqu'elle est commise par une personne qui abuse de
l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;
3° Lorsqu'elle est commise par plusieurs personnes agissant en
qualité d'auteur ou de complice ;
4° Lorsqu'elle s'accompagne du versement d'une
rémunération.
Dans le cas où l'infraction prévue par le 4° du
présent article est commise à l'étranger, la loi
pénale française est applicable par dérogation au
deuxième alinéa de l'article 113-6 et les dispositions de la
seconde phrase de l'article 113-8 ne sont pas applicables.
Art. 227-27. --
Les atteintes sexuelles sans
violence, contrainte, menace ni surprise sur un mineur âgé de plus
de quinze ans et non émancipé par le mariage sont punies de deux
ans d'emprisonnement et de 200.000 F d'amende :
1° Lorsqu'elles sont commises par un ascendant légitime,
naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur la
victime ;
2° Lorsqu'elles sont commises par une personne qui abuse de
l'autorité que lui confèrent ses fonctions.
Art. 450-1. --
Constitue une association de
malfaiteurs tout groupement formé ou entente établie en vue de la
préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits
matériels, d'un ou plusieurs crimes ou d'un ou plusieurs délits
punis de dix ans d'emprisonnement.
La participation à une association de malfaiteurs est punie de dix ans
d'emprisonnement et de 1.000.000 F d'amende.
II. Code de procédure pénale
Art. 8. --
En matière de
délit, la prescription de l'action publique est de trois années
révolues ; elle s'accomplit selon les distinctions
spécifiées à l'article précédent.
Lorsque la victime est mineure et que le délit a été
commis par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par une personne
ayant autorité sur elle, le délai de prescription ne commence
à courir qu'à partir de sa majorité.
Art. 11. --
Sauf dans les cas où la loi en
dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la
procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est
secrète.
Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret
professionnel dans les conditions et sous les peines des articles 226-13 et
226-14 du Code pénal.
Art. 60. --
S'il y a lieu de procéder
à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques
qui ne peuvent être différés, l'officier de police
judiciaire a recours à toutes personnes qualifiées.
Sauf si elles sont inscrites sur une des listes prévues à
l'article 157, les personnes ainsi appelées prêtent, par
écrit, serment d'apporter leur concours à la justice en leur
honneur et en leur conscience.
Art. 122. --
Le juge d'instruction peut, selon les
cas, décerner mandat de comparution, d'amener, de dépôt ou
d'arrêt.
Le mandat de comparution a pour objet de mettre la personne à l'encontre
de laquelle il est décerné en demeure de se présenter
devant le juge à la date et à l'heure indiquées par ce
mandat.
Le mandat d'amener est l'ordre donné par le juge à la force
publique de conduire immédiatement la personne à l'encontre de
laquelle il est décerné devant lui.
Le mandat de dépôt est l'ordre donné par le juge au chef de
l'établissement pénitentiaire de recevoir et de détenir la
personne. Ce mandat permet également de rechercher ou de
transférer la personne lorsqu'il lui a été
précédemment notifié.
Le mandat d'arrêt est l'ordre donné à la force publique de
rechercher la personne à l'encontre de laquelle il est
décerné et de la conduire à la maison d'arrêt
indiquée sur le mandat, où elle sera reçue et
détenue.
Art. 123. --
Tout mandat précise
l'identité de la personne à l'encontre de laquelle il est
décerné ; il est daté et signé par le
magistrat qui l'a décerné et est revêtu de son sceau.
Les mandats d'amener, de dépôt et d'arrêt mentionnent en
outre la nature des faits imputés à la personne, leur
qualification juridique et les articles de loi applicables.
Le mandat de comparution est signifié par huissier à celui qui en
est l'objet ou est notifié à celui-ci par un officier ou agent de
la police judiciaire, ou par un agent de la force publique, lequel lui en
délivre copie.
Le mandat d'amener ou d'arrêt est notifié et exécuté
par un officier ou agent de la police judiciaire ou par un agent de la force
publique, lequel en fait l'exhibition à la personne et lui en
délivre copie.
Si la personne est déjà détenue pour une autre cause, la
notification lui est faite comme il est dit à l'alinéa
précédent, ou, sur instructions du procureur de la
République, par le chef de l'établissement pénitentiaire
qui en délivre également une copie.
Les mandats d'amener et d'arrêt peuvent, en cas d'urgence, être
diffusés par tous moyens.
Dans ce cas, les mentions essentielles de l'original et spécialement
l'identité de la personne à l'encontre de laquelle il est
décerné, la nature des faits qui lui sont imputés et leur
qualification juridique, le nom et la qualité du magistrat mandant
doivent être précisés. L'original ou la copie du mandat est
transmis à l'agent chargé d'en assurer l'exécution dans
les délais les plus brefs.
Art. 124. --
Les mandats sont exécutoires
dans toute l'étendue du territoire de la République.
Art. 126. --
Toute personne arrêtée en
vertu d'un mandat d'amener, qui a été maintenue pendant plus de
vingt-quatre heures dans la maison d'arrêt sans avoir été
interrogée, est considérée comme arbitrairement
détenue.
Les articles 432-4 à 432-6 du Code pénal sont applicables aux
magistrats ou fonctionnaires qui ont ordonné ou sciemment
toléré cette détention arbitraire.
Art. 127. --
Si la personne recherchée en
vertu d'un mandat d'amener est trouvée à plus de deux cents
kilomètres du siège du juge d'instruction qui a
délivré le mandat, elle est conduite dans les vingt-quatre
heures, soit, avec son accord, devant le juge d'instruction qui a
délivré ce mandat, soit devant le procureur de la
République du lieu de l'arrestation.
Art. 128. --
Ce magistrat l'interroge sur son
identité, reçoit ses déclarations, après l'avoir
avertie qu'elle est libre de ne pas en faire, l'interpelle afin de savoir si
elle consent à être transférée ou si elle
préfère prolonger les effets du mandat d'amener, en attendant, au
lieu où il se trouve, la décision du juge d'instruction saisi de
l'affaire. Si la personne déclare s'opposer au transfèrement,
elle est conduite dans la maison d'arrêt et avis immédiat est
donné au juge d'instruction compétent. L'original ou la copie du
procès-verbal de la comparution contenant un signalement complet est
transmis sans délai à ce magistrat, avec toutes les indications
propres à faciliter la reconnaissance d'identité.
Ce procès-verbal doit mentionner que la personne a reçu avis
qu'elle est libre de ne pas faire de déclaration.
Art. 129. --
Le juge d'instruction saisi de
l'affaire décide, aussitôt après la réception de ces
pièces, s'il y a lieu d'ordonner le transfèrement.
Art. 130. --
Lorsqu'il y a lieu à
transfèrement dans les conditions prévues par les
articles 128 et 129, la personne doit être conduite devant le juge
d'instruction qui a délivré le mandat dans les quatre jours de la
notification du mandat.
Toutefois, ce délai est porté à six jours en cas de
transfèrement d'un département d'outre-mer vers un autre
département ou de la France métropolitaine vers un
département d'outre-mer.
Art. 130-1. --
En cas de non-respect des
délais fixés par les articles 127 et 130, la personne est
libérée, sur ordre du juge d'instruction saisi de l'affaire,
à moins que sa conduite ait été retardée par des
circonstances insurmontables.
Art. 131. --
Si la personne est en fuite ou si elle
réside hors du territoire de la République, le juge
d'instruction, après avis du procureur de la République, peut
décerner contre elle un mandat d'arrêt si le fait comporte une
peine d'emprisonnement correctionnelle ou une peine plus grave.
Art. 132. --
La personne saisie en vertu d'un
mandat d'arrêt est conduite sans délai dans la maison
d'arrêt indiquée sur le mandat, sous réserve des
dispositions de l'article 133, alinéa 2.
Le chef d'établissement délivre à l'agent chargé de
l'exécution une reconnaissance de la remise de la personne.
Art. 133. --
Dans les vingt-quatre heures de
l'incarcération de la personne, il est procédé à
son interrogatoire et il est statué sur le maintien de sa
détention dans les conditions prévues par l'article 145. A
défaut et à l'expiration de ce délai, les dispositions des
articles 125, troisième alinéa, et 126 sont applicables.
Si la personne est arrêtée à plus de deux cents
kilomètres du siège du juge d'instruction qui a
délivré le mandat, elle est conduite immédiatement devant
le procureur de la République du lieu de l'arrestation, qui
reçoit ses déclarations, après l'avoir avertie qu'elle est
libre de ne pas en faire. Mention est faite de cet avis au procès-verbal.
Le procureur de la République informe sans délai le magistrat qui
a délivré le mandat et requiert le transfèrement. Si
celui-ci ne peut être effectué immédiatement, le procureur
de la République en réfère au juge mandant.
Lorsqu'il y a lieu à transfèrement, la personne doit être
conduite à la maison d'arrêt indiquée sur le mandat dans
les délais prévus à l'article 130. Les dispositions de
l'article 130-1 sont applicables.
Art. 134. --
L'agent chargé de
l'exécution d'un mandat d'amener ou d'arrêt ne peut s'introduire
dans le domicile d'un citoyen avant 6 heures ni après 21 heures.
Il peut se faire accompagner d'une force suffisante pour que la personne ne
puisse se soustraire à la loi. La force est prise dans le lieu le plus
proche de celui où le mandat doit s'exécuter et elle est tenue de
déférer aux réquisitions contenues dans ce mandat.
Si la personne ne peut être saisie, un procès-verbal de
perquisition et de recherches infructueuses est adressé au magistrat qui
a délivré le mandat.
Art. 703. --
Toute demande présentée
par un condamné en vue d'être relevé d'une interdiction,
d'une déchéance ou d'une incapacité ou d'une mesure de
publication, formée en application des dispositions du premier
alinéa de l'article 702-1 précise la date de la condamnation
ainsi que les lieux où a résidé le requérant depuis
sa condamnation ou sa libération.
Elle est adressée, selon le cas, au procureur de la République ou
au procureur général qui s'entoure de tous les renseignements
utiles, prend, s'il y a lieu, l'avis du juge de l'application des peines et
saisit la juridiction compétente.
La juridiction saisie statue en chambre du conseil sur les conclusions du
ministère public, le requérant ou son conseil entendus ou
dûment convoqués. S'il paraît nécessaire d'entendre
un condamné qui se trouve détenu, il peut être
procédé conformément aux dispositions de l'article 712 du
présent code.
La décision est signifiée à la requête du
ministère public lorsqu'elle est rendue hors de la présence du
requérant ou de son conseil. Elle peut être, selon le cas,
frappée d'appel ou déférée à la Cour de
cassation.
Mention de la décision par laquelle un condamné est relevé
totalement ou partiellement d'une interdiction, déchéance ou
incapacité ou d'une mesure de publication est faite en marge du jugement
ou de l'arrêt de condamnation et au casier judiciaire.
Art. 718. --
La répartition des
condamnés dans les prisons établies pour peines s'effectue compte
tenu de leur catégorie pénale, de leur âge, de leur
état de santé et de leur personnalité.
Dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, les
personnes condamnées pour le meurtre ou l'assassinat d'un mineur de
quinze ans précédé ou accompagné d'un viol, de
tortures ou d'actes de barbarie ou pour toute infraction visée aux
articles 222-23 à 222-32 et 227-25 à 227-27 du Code pénal
exécutent leur peine dans des établissements
pénitentiaires permettant d'assurer un suivi médical et
psychologique adapté.
Art. 722. --
Auprès de chaque
établissement pénitentiaire, le juge de l'application des peines
détermine pour chaque condamné les principales modalités
du traitement pénitentiaire . Dans les limites et conditions
prévues par la loi, il accorde les placements à
l'extérieur, la semi-liberté, les réductions,
fractionnements et suspensions de peines, les autorisations de sortie sous
escorte, les permissions de sortir, la libération conditionnelle ou il
saisit la juridiction compétente pour aménager l'exécution
de la peine. Sauf urgence, il statue après avis de la commission de
l'application des peines.
Cette commission est réputée avoir rendu son avis si celui-ci
n'est pas intervenu dans le délai d'un mois à compter du jour de
sa saisine.
Le juge de l'application des peines donne en outre son avis, sauf urgence, sur
le transfert des condamnés d'un établissement à un autre.
La commission de l'application des peines est présidée par le
juge de l'application des peines ; le procureur de la République et le
chef de l'établissement en sont membres de droit .
Les mesures énumérées au premier alinéa, à
l'exception des réductions de peines et des autorisations de sortie sous
escorte, ne peuvent être accordées sans une expertise
psychiatrique préalable à une personne condamnée pour le
meurtre ou l'assassinat d'un mineur de quinze ans précédé
ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie, ou
condamnée pour l'une des infractions visées aux articles 222-23
à 222-32 et 227-25 à 227-27 du code pénal. L'expertise est
réalisée par trois experts lorsque la personne a
été condamnée pour le meurtre, l'assassinat ou le viol
d'un mineur de quinze ans.
Lorsque ces mesures sont accordées par le juge de l'application des
peines en faveur d'une personne visée à l'alinéa
précédent, elles peuvent être déférées
devant la chambre d'accusation par le procureur de la République dans
les vingt-quatre heures suivant leur notification à celui-ci.
L'exécution de la décision du juge de l'application des peines
est suspendue jusqu'à l'expiration de ce délai ; le recours
formé par le procureur de la République suspend également
cette exécution jusqu'à ce que la chambre d'accusation ait
statué.
Art. 739. --
Lorsqu'une condamnation est assortie
du sursis avec mise à l'épreuve, le condamné est
placé sous le contrôle du juge de l'application des peines dans le
ressort duquel il a sa résidence habituelle ou, s'il n'a pas en France
de résidence habituelle, sous le contrôle du juge de l'application
des peines dans le ressort duquel la juridiction qui a prononcé la
condamnation a son siège.
Au cours du délai d'épreuve, le condamné doit satisfaire
à l'ensemble des mesures de contrôle prévues par l'article
132-44 du Code pénal et à celles des obligations
particulières prévues par l'article 132-45 du même code qui
lui sont spécialement imposées, soit par la décision de
condamnation, soit par une décision que peut, à tout moment,
prendre le juge de l'application des peines.
Lorsqu'une obligation particulière est ordonnée par le juge de
l'application des peines, cette décision est exécutoire par
provision. Toutefois, elle peut être soumise par le condamné, dans
le délai de un mois à compter de la notification qui lui en est
faite, à l'examen du tribunal correctionnel qui peut la valider, la
rapporter ou la modifier. Si le tribunal impose une obligation
différente de celle qu'avait prévue le juge de l'application des
peines, sa décision se substitue à celle du juge de l'application
des peines à compter du jour où elle est notifiée à
l'intéressé.
Le juge de l'application des peines peut, en outre, à tout moment, par
une décision immédiatement exécutoire, aménager ou
supprimer les obligations particulières auxquelles a été
soumis le condamné.
Art. 740. --
Au cours du délai
d'épreuve, le juge de l'application des peines sous le contrôle de
qui le condamné est placé s'assure, soit par lui-même, soit
par toute personne qualifiée, de l'exécution des mesures de
contrôle et d'aide et des obligations imposées à ce
condamné.
Si les actes nécessaires à cette fin doivent être
effectués hors des limites de son ressort, il charge d'y procéder
ou d'y faire procéder le juge de l'application des peines
territorialement compétent.
Art. 777. --
Le bulletin n. 3 est le relevé
des condamnations suivantes prononcées pour crime ou délit,
lorsqu'elles ne sont pas exclues du bulletin n. 2 :
1° Condamnations à des peines privatives de liberté d'une
durée supérieure à deux ans qui ne sont assorties d'aucun
sursis ou qui doivent être exécutées en totalité par
l'effet de révocation du sursis ;
2° Condamnations à des peines privatives de liberté de la
nature de celles visées au 1° ci-dessus et d'une durée
inférieure ou égale à deux ans, si la juridiction en a
ordonné la mention au bulletin n. 3 ;
3° Condamnations à des interdictions, déchéances ou
incapacités prononcées sans sursis, en application des articles
131-6 à 131-11 du Code pénal, pendant la durée des
interdictions, déchéances ou incapacités.
Le bulletin n. 3 peut être réclamé par la personne qu'il
concerne, il ne doit, en aucun cas, être délivré à
un tiers .
III. Code de la santé publique
Art. L. 348. -- Lorsque les autorités judiciaires estiment que l'état mental d'une personne qui a bénéficié d'un non-lieu, d'une décision de relaxe ou d'un acquittement en application des dispositions de l'article 122-1 du code pénal pourrait compromettre l'ordre public ou la sûreté des personnes, elles avisent immédiatement le préfet, qui prend sans délai toute mesure utile, ainsi que la commission mentionnée à l'article L. 332-3. L'avis médical visé à l'article L. 342 doit porter sur l'état actuel du malade.
IV. Code des douanes
Art. 38. --
1. Pour l'application du
présent code, sont considérées comme prohibées
toutes marchandises dont l'importation ou l'exportation est interdite à
quelque titre que ce soit, ou soumise à des restrictions, à des
règles de qualité ou de conditionnement ou à des
formalités particulières.
2. Lorsque l'importation ou l'exportation n'est permise que sur
présentation d'une autorisation, licence, certificat, etc., la
marchandise est prohibée si elle n'est pas accompagnée d'un titre
régulier ou si elle est présentée sous le couvert d'un
titre non applicable.
3. Tous titres portant autorisation d'importation ou d'exportation (licences ou
autres titres analogues) ne peuvent, en aucun cas, faire l'objet d'un
prêt, d'une vente, d'une cession et, d'une manière
générale, d'une transaction quelconque de la part des titulaires
auxquels ils ont été nominativement accordés.
4. Au titre des dispositions dérogatoires prévues à
l'article 2 bis, les dispositions du présent article sont applicables
aux marchandises relevant des articles 2, 3, 4, 5, 16, 17 et 19 de la loi
n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis
à certaines restrictions de circulation et à la
complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et
de douane, aux marchandises présentées sous une marque
contrefaite, ainsi qu'aux produits sanguins labiles définis par le code
de la santé publique, aux organes, tissus, cellules ou gamètes
issus du corps humain mentionnés à l'article 18 de la loi
précitée, aux radio-éléments artificiels
définis à l'article L. 631 du code de la santé publique et
aux déchets relevant de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975
relative à l'élimination des déchets et à la
récupération des matériaux et des textes pris pour son
application.
V. Loi de finances pour 1976
n° 75-1278 du
30 décembre 1975
Art. 11. --
I. -- La
taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux majoré sur
les cessions de droits portant sur les films pornographiques ou d'incitation
à la violence, ainsi que sur les droits d'entrée pour les
séances au cours desquelles ces films sont projetés.
La taxe au taux majoré s'applique indépendamment des
exonérations ou des réductions de taux prévues par les
dispositions législatives en vigueur. L'augmentation de charge fiscale
qui résulte de l'application de ce taux n'est pas prise en compte pour
le calcul de la compensation instituée par l'article 20-V de la loi
de finances pour 1970 du 24 décembre 1969.
II. -- 1. Il est institué un
prélèvement spécial de 20 % sur la fraction des
bénéfices industriels et commerciaux imposables à
l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le
revenu qui résulte de la production, de la distribution ou de la
représentation de films pornographiques ou d'incitation à la
violence.
Cette fraction est déterminée en multipliant le
bénéfice fiscal, hors report déficitaire, par le rapport
existant pour la période d'imposition en cause entre le chiffre
d'affaires passible du taux majoré de la taxe sur la valeur
ajoutée en application du I ci-dessus et le chiffre d'affaires total.
2. Les films pornographiques ou d'incitation à la violence au sens
du I ci-dessus, qui ne sont pas soumis aux procédures d'agrément
prévues en matière de soutien financier de l'Etat à
l'industrie cinématographique ou qui sont produits par des entreprises
non établies en France, donnent lieu au versement par les distributeurs
d'une taxe spéciale dont le montant est fixé forfaitairement
à une somme de 300.000 F pour les films de long métrage et
à une somme de 150.000 F pour les films de court métrage.
Le montant de cette taxe est révisé chaque année, au
1
er
janvier, en proportion de l'accroissement annuel des
ressources du compte de soutien financier de l'industrie
cinématographique.
La taxe est versée au plus tard à la date de la première
projection publique du film. Pour les films déjà mis en
exploitation avant la date d'entrée en vigueur du présent
paragraphe qui sera fixée par le décret prévu au
paragraphe VI, la taxe est versée au plus tard à la date de
la première projection publique postérieure à cette
entrée en vigueur.
3. Le montant du prélèvement et de la taxe, versé en
application des 1 et 2 du présent paragraphe, n'est pas admis en
déduction pour l'établissement de l'impôt sur les
sociétés ou de l'impôt sur le revenu.
III. -- Le produit du prélèvement et de la taxe
prévus au II ci-dessus est affecté au fonds de soutien à
l'industrie cinématographique.
IV. -- Dans l'article 1621 du Code général
des impôts, après l'alinéa :
" Au-delà, la taxe est majorée de 0,10 F chaque fois
que le prix de la place atteint un multiple de 1 F ", insérer
un alinéa nouveau ainsi rédigé :
" Ces taux sont multipliés par 1,5 en cas de projection de films de
caractère pornographique ou d'incitation à la violence. "
V. -- Les spectacles cinématographiques auxquels
s'appliquent les dispositions du présent article sont
désignés par le ministre chargé du cinéma
après avis de la commission de contrôle des films
cinématographiques. Les réclamations et les recours contentieux
relatifs à ces décisions sont instruits par le département
de la culture.
VI. -- Un décret en Conseil d'Etat détermine les
modalités d'application du présent article. Il fixe
également, en ce qui concerne le prélèvement et la taxe
spéciale prévus au paragraphe II ci-dessus, les conditions
d'établissement et de recouvrement, les obligations des redevables, les
règles de contentieux, les garanties de recouvrement et les sanctions
applicables.
Art. 12. --
La taxe additionnelle aux prix des places
perçue postérieurement au 1
er
janvier 1976
à l'occasion de la projection de films pornographiques ou d'incitation
à la violence cesse d'être prise en compte pour le calcul des
subventions de forme automatique allouées, au titre du soutien financier
de l'industrie cinématographique, aux films et aux salles.
A compter du 1
er
janvier 1976, les films visés au
précédent alinéa et les salles où ils sont
projetés sont exclus du bénéfice de toute forme d'aide
sélective au titre du soutien financier.
Les salles qui sont spécialisées dans la projection de films
pornographiques visés au premier alinéa perdent, à compter
du 1
er
janvier 1976, le bénéfice de toute
subvention au titre du soutien financier.
La liste des films auxquels s'appliquent les dispositions du présent
article est établie par le ministre chargé du cinéma
après avis de la commission de contrôle des films
cinématographiques ; le ministre chargé du cinéma
communique chaque année au rapporteur spécial du budget de la
culture des commissions des finances des deux assemblées et aux
rapporteurs pour avis des commissions des affaires culturelles des deux
assemblées, avant le dépôt du projet de loi de finances, la
liste des films exclus du soutien automatique et sélectif et celle des
films admis à ce bénéfice.
Un décret fixe les modalités d'application du présent
article afin, notamment, d'aménager les procédures d'octroi des
décisions d'agrément pour les films de long métrage, de
définir les conditions de la spécialisation des salles
visées au troisième alinéa et de déterminer les
conséquences encourues, par voie d'exclusions temporaires du
bénéfice du soutien financier, par les salles non
spécialisées dans lesquelles seraient projetés des films
pornographiques visés au premier alinéa.
1 L'article 13 du projet de loi tend par ailleurs à aggraver les peines applicables en cas d'atteinte sexuelle sans violence, contrainte, menace ou surprise sur la personne d'un mineur de quinze ans en les portant de deux ans d'emprisonnement et 200 000 francs d'amende à cinq ans d'emprisonnement et 500 000 francs d'amende.
2
Ces dernières peines sont déjà
encourues lorsqu'il s'agit de l'image d'un mineur de quinze ans.
3
" Bizut -De l'humiliation dans les grandes
écoles " - Aude Wacziarg - Avant-propos de Pierre-Gilles de Gennes
4
Le projet de loi prévoit le doublement de ces peines si le
délit est commis sur une personne dont la particulière
vulnérabilité est apparente ou connue de son auteur, telle qu'une
femme enceinte, par exemple (art. 225-16-2 nouveau du code pénal).
5
Alors que la rédaction initiale du projet de loi limitait
la portée de cette disposition aux infractions commises sur des mineurs
de 15 ans, l'Assemblée nationale l'a étendu aux agressions
commises sur des mineurs âgés de plus de 15 ans.