N° 458
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 mars 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission de l'aménagement du
territoire
et du développement durable (1) sur la proposition de
loi, adoptée par
l'Assemblée nationale après
engagement de la procédure accélérée,
visant
à réduire
l'impact environnemental de
l'industrie
textile,
Par Mme Sylvie VALENTE LE HIR,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de :
M. Jean-François Longeot, président ;
Mmes Nicole Bonnefoy,
Marta de Cidrac, MM. Hervé
Gillé, Rémy Pointereau, Mme Nadège Havet,
M. Guillaume Chevrollier,
Mme Marie-Claude Varaillas,
MM. Jean-Yves Roux, Cédric Chevalier, Ronan Dantec,
vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Audrey
Bélim, MM. Pascal Martin, Jean-Claude Anglars,
secrétaires ; Mme Jocelyne Antoine, MM. Jean Bacci,
Alexandre Basquin, Jean-Pierre Corbisez, Jean-Marc Delia, Stéphane
Demilly, Gilbert-Luc Devinaz, Franck Dhersin,
Alain Duffourg,
Sébastien Fagnen, Jacques Fernique, Fabien Genet, Éric Gold,
Daniel Gueret, Mme Christine Herzog,
MM. Joshua Hochart, Olivier
Jacquin, Didier Mandelli, Damien Michallet, Louis-Jean de Nicolaÿ,
Saïd Omar Oili,
Alexandre Ouizille, Clément Pernot,
Mme Marie-Laure Phinera-Horth, M. Bernard Pillefer, Mme Kristina
Pluchet,
MM. Pierre Jean Rochette, Bruno Rojouan, Jean-Marc Ruel,
Mme Denise Saint-Pé, M. Simon Uzenat, Mme Sylvie Valente
Le Hir, MM. Paul Vidal, Michaël Weber..
Voir les numéros :
Assemblée nationale (17ème législ.) : |
2129, 2307 et T.A. 258 |
|
Sénat : |
431 (2023-2024) et 459 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
Le 19 mars 2025, suivant les orientations de la rapporteure Sylvie Valente Le Hir, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a adopté à l'unanimité la proposition de loi visant à réduire l'impact environnemental de l'industrie textile.
Cette proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale il y a un an, encadre opportunément la mode éphémère - plus connue sous le nom de « fast fashion » - pratique commerciale aux conséquences environnementales, sociales, sanitaires et économiques délétères, caractérisée par le renouvellement rapide de larges collections proposées à prix modique.
L'objectif de ce texte est double :
- inciter le consommateur à privilégier une consommation responsable par une information obligatoire sur l'impact de la mode éphémère et une régulation de la publicité ;
- responsabiliser davantage les producteurs, en modulant les écocontributions1(*) en fonction de l'empreinte environnementale des vêtements mis sur le marché de la mode et en renforçant les moyens de lutte contre la fraude aux écocontributions.
La commission partage le bien-fondé d'une démarche cohérente qui ne fait que s'inscrire dans la continuité de l'action du législateur marquée par l'adoption de plusieurs lois emblématiques (loi « AGEC » de 20202(*), loi « Climat-résilience » de 20213(*), loi « REEN » de 20214(*)). C'est pourquoi, après avoir entendu une quarantaine d'acteurs de la filière, elle souscrit à l'économie générale de ce texte qu'elle a souhaité améliorer, guidée par deux préoccupations :
- en sécuriser l'application en proposant des dispositifs alternatifs tout aussi pragmatiques et efficaces, afin d'assurer une meilleure compatibilité de notre droit national avec le droit européen ;
- cibler au mieux l'application des mesures de régulation proposées pour que les acteurs français ou européens du secteur de la mode ne soient pas injustement pénalisés.
En définitive, la commission a approuvé un texte attendu par l'ensemble de la filière textile, indispensable pour assurer une transition écologique socialement juste de ce secteur et essentiel pour préserver le maillage territorial de nos commerces et la vie de nos territoires.
I. LA MODE ÉPHÉMÈRE : UN CHANGEMENT D'ÉCHELLE, SOURCE D'EXTERNALITÉS NÉGATIVES
A. UN MODÈLE ÉCONOMIQUE FONDÉ SUR UNE PRODUCTION JETABLE DE MASSE
Le secteur du textile est confronté à un changement de paradigme : entre 2010 et 2023, le nombre de vêtements mis sur le marché en France est passé de 2,3 milliards à 3,2 milliards5(*), soit une augmentation de 39 %, sous l'effet d'une évolution dans le regard porté sur le prêt-à-porter par le consommateur, qu'il considère comme un consommable comme un autre.
Source : ADEME
Cette production massive correspond à un modèle de production et de consommation de textile appelé mode éphémère - autrement dénommé « fast fashion » ou « ultra fast fashion ». Les entreprises les plus emblématiques de ce modèle économique sont des grandes sociétés, implantées dans des pays d'Asie du Sud-Est, comme Shein ou Temu, qui :
- commercialisent exclusivement leurs produits sur des plateformes numériques (800 millions de colis sont ainsi entrés en France en 2024, dont 90 % proviennent de Chine6(*)) ;
- proposent de très larges gammes de vêtements fréquemment renouvelées, comptant des millions de références annuelles (environ 3 500 nouvelles références journalières pour certaines plateformes7(*)), souvent conçues avec l'aide de l'intelligence artificielle ;
- vendent ces vêtements à prix très bas en pratiquant des promotions régulières ;
- et les produisent bien souvent avec des matériaux de moindre qualité ou peu durables.
Le consommateur est ainsi incité à acheter massivement ces produits, sous l'effet d'une publicité particulièrement agressive.
* 1 Les écocontributions sont des contributions financières versées par les producteurs, importateurs ou distributeurs de certains produits pour financer la collecte, le recyclage et la gestion des déchets, dans le cadre de la responsabilité élargie du producteur (REP).
* 2 Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.
* 3 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
* 4 Loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France.
* 5 Source : ADEME.
* 6 Source : DGDDI.
* 7 Source : ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique.