TITRE XII : DISPOSITIONS DIVERSES

Article 28
Constitutionnalité d'une procédure de saisie-vente

L'article 28 vise à tirer les conséquences de la décision n° 2023-1068 QPC du 17 novembre 2023 par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution certaines dispositions relatives à l'office du juge de l'exécution au motif que le législateur n'ayant pas prévu, pour le cas de la saisie des droits incorporels, un droit de recours effectif - aucune disposition ne permettant au débiteur saisi de contester devant le juge de l'exécution le montant de la mise à prix fixé unilatéralement par le créancier poursuivant - de telles dispositions étaient entachées d'une incompétence négative portant atteinte à un droit constitutionnellement garanti. Le Conseil ayant reporté l'effet de cette censure, les dispositions en cause seront abrogées à compter du 1er décembre 2024.

Ces dispositions n'ayant pour objet que de combler un vide juridique, la commission les a accueillies favorablement.

1. Le dispositif proposé : tirer les conséquences juridiques d'une décision du Conseil constitutionnel

La procédure de saisie de droits incorporels est une voie d'exécution permettant au titulaire d'une créance d'en obtenir le paiement par la saisie et la vente de droits incorporels tels que des valeurs mobilières ou parts sociales dont le débiteur est titulaire. Le régime en est prévu aux articles L. 231-1 à L. 233-1 du code des procédures civiles d'exécution (CPCE).

Saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le sujet, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a relevé que l'article « L. 322-6 du code des procédures civiles d'exécution, créé par l'ordonnance n° 2011-1895 du 19 décembre 2011, a instauré un recours permettant au débiteur, en cas d'insuffisance manifeste du montant de la mise à prix, de saisir le juge afin de voir fixée une mise à prix en rapport avec la valeur vénale de l'immeuble et les conditions du marché269(*). » Constatant l'absence de disposition équivalente s'agissant de la procédure de saisie des droits incorporels, elle a jugé sérieuse la question posée et l'a transmise au Conseil constitutionnel.

Ce dernier, dans sa décision n° 2023-1068 QPC du 17 novembre 2023, le Conseil constitutionnel a considéré qu'au regard « des conséquences significatives qu'est susceptible d'entraîner pour le débiteur la fixation du montant de la mise à prix des droits saisis, il appartenait au législateur d'instaurer une voie de recours » devant le juge de l'exécution. À défaut d'une telle voie de recours, le Conseil constitutionnel a considéré que les dispositions contestées sont entachées d'incompétence négative dans des conditions affectant le droit à un recours juridictionnel effectif270(*). Il a en conséquence censuré les dispositions générales prévues à l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire prévoyant la compétence du juge de l'exécution pour connaître « des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée », quelle que soit la procédure d'exécution concernée. Reconnaissant le caractère manifestement excessif qu'aurait dès lors une censure immédiate, il a différé l'effet de celle-ci au 1er décembre 2024.

Le présent article tend à tirer les conséquences juridiques de cette décision en prévoyant :

- le rétablissement des dispositions censurées au sein de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire (I de l'article) ;

- la création pour le débiteur d'une voie de recours en cas d'insuffisance manifeste du montant de la mise à prix, reproduite à partir des dispositions en vigueur de l'article L. 322-6 du code des procédures civiles d'exécution ;

- une mesure de coordination (III de l'article).

2. La position de la commission : des mesures consensuelles et nécessaires

Si ces dispositions n'auront pas d'effet direct sur la vie économique des entreprises, la commission n'a pu qu'en approuver la teneur.

En effet, les effets juridiques de l'abrogation de ces dispositions seraient particulièrement préjudiciables aux justiciables, la suppression de la compétence du juge de l'exécution pour connaître de l'ensemble des contestations relatives à des procédures d'exécution reportant mécaniquement de tels litiges devant le tribunal judiciaire sous des procédures nettement plus lourdes que celles en vigueur devant le juge de l'exécution.

En conséquence, la commission a adopté le présent article sans modification.

La commission a adopté l'article 28 sans modification.

Article 29 (nouveau)
Correction d'une erreur de renvoi juridique lors de la réécriture par ordonnance du code de la construction et de l'habitation

Cet article additionnel par la commission spéciale sur proposition de Nadège Havet et des membres du groupe « Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants » vise à corriger une erreur de renvoi juridique effectuée lors de la rédaction de l'ordonnance du 29 janvier 2020 relative à la réécriture des règles de construction.

La commission spéciale a adopté cet amendement portant article additionnel ainsi rédigé.

Pour la construction, l'entretien et la rénovation des bâtiments, les prestations des architectes, des entrepreneurs d'ouvrages et des techniciens qui ont donné lieu à un commencement d'exécution à la suite d'études, de devis ou de marchés peuvent faire l'objet de versements d'acomptes. Le cas échéant, le délai de paiement de ces acomptes est encadré, ne pouvant dépasser 60 jours après la date d'émission de la facture, même si un délai supplémentaire peut parfois être convenu entre les parties sous certaines conditions.

Depuis la réécriture du livre Ier du code de la construction et de l'habitation par l'ordonnance du 29 janvier 2020271(*), le renvoi juridique vers ces délais de paiement est erroné, puisque faisant référence à l'ancien article L. 441-6 du code de commerce, lui-même réécrit par l'ordonnance du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce272(*), alors qu'il convient de renvoyer aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 441-10 du code de commerce.

La commission spéciale a donc adopté l'amendement COM-218 portant article additionnel afin d'effectuer cette correction de renvoi juridique.

La commission a adopté l'article 29 ainsi rédigé.


* 269 Cour de cassation, civ. 2ème, n°  23-12.267, 12 septembre 2023.

* 270 Saisi dans le cadre d'une QPC, le Conseil constitutionnel ne peut déclarer contraires à la Constitution des dispositions sur le fondement d'une incompétence négative du législateur que dans la mesure où elles portent atteinte à un droit ou une liberté constitutionnellement garantis.

* 271  Ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020 relative à la réécriture des règles de construction et recodifiant le livre Ier du code de la construction et de l'habitation.

* 272  Ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées.

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