TITRE VI
ALIGNER LES DROITS DES TRÈS PETITES ENTREPRISES SUR CEUX DES PARTICULIERS

Article 13
Aligner les droits des très petites entreprises
sur ceux des particuliers en matière bancaire

Cet article vise à aligner les droits des très petites entreprises sur ceux des particuliers en matière bancaire.

En premier lieu il apporte une précision au code monétaire et financier (CMF) de manière à garantir la gratuité de toute clôture de comptes bancaires détenus par des professionnels. Cette précision ne change pas l'état du droit, puisque le CMF prévoit déjà une telle gratuité sans distinction de personnes. Toutefois, des frais peuvent être prélevés en pratique par les établissements bancaires lors des clôtures de comptes réalisés pour des clients professionnels. La précision apportée par cet article est donc bienvenue, dans la mesure où elle permet de lever une ambiguïté sur la portée du droit à clôturer gratuitement un compte bancaire.

En second lieu, l'article 13 prévoit une obligation pour les établissements de crédit d'envoyer gratuitement un relevé annuel de frais bancaires à leurs clients microentreprises (couramment appelées « très petites entreprises » ou TPE). L'impact de cette obligation, déjà prévue pour les clients particuliers et associations, sera probablement limité à l'égard de l'objectif de simplification du projet de loi. Elle permettra toutefois aux TPE, qui disposent de peu de ressources pour comparer les offres disponibles sur le marché bancaire, de bénéficier d'une meilleure lisibilité de leur frais de gestion de compte.

1. Les établissements de crédits TPE appliquent des frais de gestion de compte de manière différenciée entre les particuliers et les professionnels, parfois de manière injustifiée

1.1. Une nécessaire clarification du champ d'application de la gratuité de clôture de tout compte bancaire de manière à garantir son application à l'ensemble des professionnels

a) La gratuité de clôture de tout compte bancaire est en principe garantie sans distinction de personne

Le I. de l'article L. 312-1-7 du code monétaire et financier (CMF) dispose que la « clôture de tout compte de dépôt ou compte sur livret est gratuite », sans distinction de personne.

Cette disposition est dès lors censée s'appliquer aux particuliers comme aux professionnels, d'autant plus que l'article L. 312-1-7 figure à la sous-section 2 du chapitre II de ce même code, relative aux relations des établissements de crédit avec le client, toutes clientèles confondues.

b) Des frais de clôture de compte sont toutefois appliqués aux professionnels dans la pratique

Il ressort toutefois des informations contenues dans l'étude d'impact du projet de loi, confirmées par les auditions du rapporteur, que des frais peuvent, dans la pratique, être prélevés par les établissements bancaires pour l'acte de clôture de compte bancaire pour les clients professionnels.

L'intention du législateur sur la portée de ce principe de gratuité ne fait pourtant aucun doute à la lecture du rapport105(*) de notre ancienne collègue Michèle André, rapporteure pour avis de la commission des finances sur la loi du 17 mars 2014106(*), texte à l'origine de l'article L. 312-1-7 du CMF. Le rapport précise en effet que cette disposition prévoit « la gratuité de la clôture de tout compte de dépôt ou compte sur livret, alors que la norme professionnelle de la Fédération française bancaire (FBF) limitait cette gratuité aux seuls comptes tenus par des particuliers ».

Pour autant, l'absence de précision de la disposition légale créée une ambiguïté qu'il semble nécessaire de lever.

1.2. L'obligation pour les établissements bancaires de transmettre un relevé annuel de frais de gestion de compte est aujourd'hui seulement limitée aux clients particuliers et associations

Le III de l'article L. 314-7 du CMF prévoit que les établissements bancaires doivent transmettre « aux personnes physiques et aux associations » un document, sur support papier ou par voie dématérialisée, au cours du mois de janvier de chaque année, récapitulant le total des sommes qu'ils ont perçues, au cours de l'année civile, dans le cadre :

- de la gestion de leur compte de paiement ;

- dans l'application du contrat-cadre de services de paiement ;

- ou d'une convention de compte de dépôt.

Concernant le compte de dépôt, le relevé récapitulatif doit également présenter « les intérêts perçus au titre d'une position débitrice de celui-ci ».

Le relevé doit en outre distinguer, pour chaque catégorie de produits ou services liés à la gestion du compte de paiement ou de dépôt, « le sous-total des frais perçus et le nombre de produits ou services correspondant ».

En revanche, le CMF ne prévoit aucune disposition visant à obliger les établissements bancaires à transmettre dans le cadre d'un relevé annuel une synthèse de ces informations à leurs clients professionnels. Ces derniers sont toutefois informés des frais bancaires payés par l'intermédiaire des supports et outils mis à leur disposition par leurs banques. Ainsi, les banques communiquent à leurs clients professionnels toutes les informations sur les frais bancaires nécessaires à la tenue de la comptabilité de l'entreprise sous forme d'un relevé mensuel. Ils ont en outre accès aux plaquettes tarifaires dédiées.

2. Le dispositif proposé : une clarification de la portée du droit à clôturer gratuitement tout compte bancaire et une extension de l'obligation pour les établissements bancaires de transmission d'un relevé de frais de gestion de compte aux TPE clientes

2.1. Une clarification du champ d'application du droit à clôturer gratuitement tout compte bancaire et livret

Le 1° du I de l'article 13 apporte une précision au code monétaire et financier de manière à garantir la gratuité de toute clôture de comptes bancaires détenus par des professionnels. Pour ce faire, il prévoit explicitement que ce principe de gratuité s'applique la clôture de tout compte de dépôt ou compte sur livret « appartenant à une personne physique ou morale ».

Le 3° du I procède en outre à une coordination au sein des articles L. 752-2, L. 753-2 et L. 754-2 du CMF- qui concernent respectivement l'application des dispositions relatives aux comptes et dépôts en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et aux îles Walis et Futuna - afin de garantir l'application du principe de gratuité de clôture de tout compte et livret sur le territoire de ces collectivités régies par le principe de spécialité législative.

2.2. L'extension de l'obligation pour les établissements bancaires de transmettre un relevé annuel de frais de gestion de compte pour leurs TPE clientes

Le 2° du I étend le champ d'application de l'obligation pour les établissements bancaires de transmettre un relevé annuel de frais de gestion de compte pour leurs clients, en prévoyant que ce relevé, actuellement communiqué aux seuls particuliers et associations, est également transmis « aux microentreprises au sens de l'article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008107(*) », couramment appelées « très petites entreprises » ou « TPE ». Elle a ainsi vocation à s'appliquer à plus de 2,1 millions de TPE, soit 93,6 % du total des entreprises en France.

Ce même article 51 distingue en effet les entreprises selon les quatre catégories suivantes :

« - les microentreprises ;

- les petites et moyennes entreprises ;

- les entreprises de taille intermédiaire ;

- les grandes entreprises. »

Cet article précise que « les critères permettant de déterminer la catégorie d'appartenance d'une entreprise » sont renvoyés à un décret. Ainsi, le décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008108(*) définit la microentreprise comme une entreprise qui :

- d'une part, occupe moins de 10 personnes ;

- d'autre part, a un chiffre d'affaires annuel ou un total de bilan n'excédant pas 2 millions d'euros.

En outre, le II prévoit de différer l'entrée en vigueur de cette nouvelle obligation au 1er janvier 2025, afin de laisser aux établissements bancaires le temps de mener les transformations organisationnelles, notamment en matière de système d'informatique, pour se mettre en conformité avec leurs nouvelles obligations.

Les a) et b) du 4° du I procèdent en outre à une coordination similaire à celle opérée au sein du 3° du I, en modifiant les articles L. 752-10, L. 753-10 et L. 754-8 du CMF, de manière à garantir l'application de cette nouvelle obligation en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie Française et à Wallis et Futuna.

3. Des avancées qui auront un impact limité en matière de simplification des relations entre les établissements bancaires et leurs clients professionnels

2.1. Une clarification bienvenue de la gratuité de la clôture de compte

La précision opérée par l'article 13 ne change pas l'état du droit, puisque le CMF prévoit déjà la gratuité de clôture de tout compte bancaire sans distinction de personnes. Cette précision apparaît toutefois opportune, dans un souci de clarté et de lisibilité du droit. Elle pourrait ainsi permettre, comme l'a souligné le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi, de « prévenir d'éventuels litiges » entre les établissements bancaires et leurs clients professionnels.

2.2. L'obligation d'envoi d'un relevé annuel de frais : une disposition à l'impact limité qui permettra aux TPE de disposer de davantage de visibilité sur leurs frais de gestion de compte

a) Un manque de lisibilité sur les frais de gestion de compte qui plaide pour l'extension de l'obligation d'envoi d'un relevé annuel de frais de gestion de compte aux TPE clientes

La commission spéciale est favorable à cette mesure qui permettra aux TPE de disposer d'une meilleure lisibilité en matière de tarification bancaire, et in fine, de favoriser la mise en concurrence des établissements bancaires. Il est en outre pertinent de limiter le champ d'application de cette mesure aux seuls TPE, dans la mesure où ces structures, et notamment les entreprises de proximité, disposent de peu de ressources internes pour comparer les différentes offres disponibles sur le marché bancaire, contrairement aux entreprises de plus grande taille.

Par ailleurs, l'obligation d'envoi d'un relevé annuel de frais pour les TPE répond à une préoccupation exprimée par les professionnels. En effet, d'après le rapport109(*) de l'Observatoire du financement des entreprises du 7 mai 2021, 32 % d'un échantillon de 1519 TPE/PME considèrent que les offres bancaires sont « peu ou pas comparables », et seulement 10 % d'entre elles considèrent que ces offres sont « facilement comparables ».

b) Une disposition à l'impact toutefois limitée, et qui pourrait se traduire par des frais supplémentaires pour les TPE/PME clientes

Si la commission spéciale partage les objectifs de cette mesure, il convient toutefois de souligner son impact limité à l'égard de l'objectif de simplification portée par le projet de loi.

Par ailleurs, cette mesure impliquera nécessairement des coûts supplémentaires pour les établissements bancaires. D'après la Fédération bancaire française (FBF) les coûts minimaux de développement informatique seraient d'environ 1 million d'euros pour chaque groupe bancaire, et les coûts annuels de gestion de plusieurs centaines de milliers d'euros. Il serait regrettable que ces surcoûts se répercutent in fine sur les TPE clientes.

Malgré ces réserves, et compte tenu des avancées impliquées par cette mesure en matière de transparence des frais bancaires, la commission spéciale propose d'adopter l'article 13 sans modification.

La commission a adopté l'article 13 sans modification.

Article 14
Simplifier et faciliter les relations
avec les prestataires de services d'assurance

Cet article vise à :

- généraliser à tous les contrats d'assurance de dommages et de personnes l'obligation pour l'assureur de motiver sa décision de résiliation unilatérale du contrat, cette obligation étant aujourd'hui limitée aux seuls contrats couvrant les particuliers ;

- ouvrir la faculté pour les petites entreprises de résilier sans frais ni pénalité, à partir d'un an à compter de la première prise d'effet, certains contrats d'assurance de dommages :

- encadrer les délais d'indemnisation des assurés pour les dommages causés aux biens.

La commission spéciale souscrit aux objectifs de rééquilibrage des relations entre assureurs et assurés portés par ces mesures, qu'elle a par ailleurs proposé d'enrichir par l'adoption de plusieurs amendements du rapporteur.

La commission spéciale a tout d'abord ajusté les délais d'indemnisation des sinistres :

- d'une part, en réduisant, par un amendement COM-325, le délai dont disposent les assureurs pour proposer une indemnisation ou une réparation, qui apparaissait trop élevé ;

- d'autre part, en précisant, par un amendement COM-326, le délai dont dispose l'assureur pour verser l'indemnisation une fois cette proposition acceptée. La fixation de ce délai faisait en effet l'objet d'un renvoi à un décret en Conseil d'État qui n'apparaissait pas justifié.

Par ailleurs, et en contrepartie, elle a adopté un amendement COM-328 prévoyant une évaluation par le Gouvernement de l'efficacité de ce dispositif d'encadrement des délais d'indemnisation au plus tard deux ans à compter de son entrée en vigueur.

La commission spéciale a en outre introduit, par un amendement COM-327, un mécanisme de sanction en cas de non-respect du délai dont dispose l'assuré pour formuler une proposition d'indemnisation ou de réparation, afin de garantir l'effectivité du dispositif.

Enfin, par un amendement COM-324, elle a précisé à la marge le champ d'application du droit de réalisation infra-annuelle (RIA) des contrats d'assurance de dommage aux biens ouverts aux entreprises, dont la portée demeure toutefois limitée et incertaine.

1. Le code des assurances prévoit un encadrement des possibilités de résiliation des contrats d'assurance et, dans certains cas, des délais d'indemnisation des sinistres

1.1. Le droit de résiliation unilatérale des contrats d'assurance est encadré tant pour les assureurs que pour les assurés

a) La résiliation unilatérale d'un contrat d'assurance ne doit pas nécessairement s'accompagner d'éléments de motivation

Les obligations entre assureurs et assurés sont définies au sein du chapitre du III du titre Ier du livre Ier du code des assurances.

L'article L. 113-12 du même code prévoit les conditions dans lesquelles l'assureur et l'assuré ont la possibilité de résilier unilatéralement le contrat, à l'exception des assurances vies.

Lorsque la résiliation est exercée par l'assuré, celle-ci doit être notifiée par un des moyens mentionnés au I de l'article L. 113-14, c'est-à-dire :

« - par lettre ou tout autre support durable ;

- par déclaration faite au siège social ou chez le représentant de l'assureur ;

- par acte extrajudiciaire ;

- lorsque l'assureur propose la conclusion du contrat par un mode de communication à distance, par le même mode de communication ;

- par tout autre moyen prévu par le contrat. »

Lorsque ce droit de résiliation unilatérale est exercé par l'assureur, ce dernier notifie l'assuré dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 113-14 précité, uniquement lorsque l'assuré est un professionnel. En revanche, lorsque l'assuré est un particulier, l'exercice de ce droit de résiliation par l'assureur nécessite l'envoi d'une lettre recommandée.

L'article L. 113-12-1 prévoit que la décision de résiliation unilatérale par les assureurs ne doit obligatoirement être motivée que lorsque le contrat d'assurance couvre « une personne physique en dehors de son activité professionnelle », c'est-à-dire, lorsque l'assuré est un particulier.

b) La résiliation unilatérale du contrat d'assurance peut, dans certains cas, être réalisée par les particuliers sans attendre la date anniversaire du contrat

L'article L. 113-12 dispose que « les conditions de résiliation, particulièrement le droit pour l'assureur et l'assuré de résilier le contrat tous les ans, sont fixées par la police d'assurance ».

Par dérogation à ce même article, l'article L. 113-15-2 du code des assurances, introduit par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014110(*), ouvre la possibilité pour l'assuré de résilier son contrat sans attendre la date anniversaire de celui-ci. En effet, le premier alinéa de cet article dispose qu'à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la première souscription du contrat, l'assureur le peut résilier gratuitement et à tout moment. Cette faculté est toutefois uniquement limitée aux seuls particuliers.

Ce même alinéa renvoie à un décret en Conseil d'État les branches ou catégories de contrats concernés par cette faculté de résiliation infra-annuelle (RIA). Ainsi, l'article 1er du décret n° 2014-1685 du 29 décembre 2014 créée un article R. 113-11 au sein du code des assurances, qui fixe la liste des contrats éligibles à la RIA.

Le code des assurances prévoit deux autres cas dans lesquels la RIA est possible pour les assureurs, il s'agit :

des contrats de complémentaire santé, comme le dispose le septième alinéa de l'article L. 113-15-2 du code des assurances depuis la loi n° 2019-733 du 14 juillet 2019111(*).

des contrats d'assurance emprunteur, comme prévu à l'article L. 113-12-2 du code des assurances depuis la loi n° 2022-270 du 28 février 2022112(*).

Le deuxième alinéa de l'article L. 113-15-2 prévoit par ailleurs un droit d'information de l'assuré sur cette faculté de RIA, qui doit être mentionnée « dans chaque contrat d'assurance » et rappelée « avec chaque avis d'échéance de prime ou de cotisation ».

Enfin, le quatrième alinéa de ce même article précise que, lorsque l'assuré exerce son droit de RIA, il « n'est redevable que de la partie de prime ou de cotisation correspondant à la période pendant laquelle le risque est couvert, cette période étant calculée jusqu'à la date d'effet de la résiliation. » L'assureur doit ainsi rembourser le solde à l'assuré, dans un délai de trente jours à compter de la date de résiliation. À défaut de remboursement dans ce délai, les sommes dues à l'assuré portent intérêts au taux légal.

Les professionnels ne peuvent quant à eux résilier qu'à la date anniversaire du contrat, dans la mesure où ils sont exclus du champ d'application de l'article L.113-15-2.

1.2. Les délais d'indemnisation des sinistres ne sont encadrés que dans certaines situations spécifiques

L'article L. 113-5 du code des assurances prévoit que « l'assureur doit exécuter dans le délai convenu la prestation déterminée par le contrat ». Ainsi, en matière d'encadrement des délais d'indemnisation d'un sinistre, la liberté contractuelle s'applique en principe.

Par exception, ces délais font l'objet d'un encadrement dans le cadre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2021-1837 du 28 décembre 2021113(*). Le quatrième alinéa de l'article L. 125-2 du code des assurances fixe les délais suivants :

- à compter de la déclaration de sinistre, l'assureur a un mois pour informer l'assuré des modalités de mise en jeu des garanties prévues au contrat et pour ordonner une expertise lorsqu'il le juge nécessaire ;

- l'assureur fait une proposition d'indemnisation ou de réparation en nature dans un délai d'un mois à compter de la réception de l'état estimatif transmis par l'assuré (en l'absence d'expertise) ou de la réception du rapport d'expertise ;

- à compter de la réception de l'accord de l'assuré sur la proposition d'indemnisation, l'assureur a un délai d'un mois pour missionner l'entreprise de réparation ou 21 jours pour verser l'indemnisation.

2. Le dispositif du présent projet de loi apporte plusieurs mesures de rééquilibrage au profit des assurés, notamment les petites entreprises, dans leurs relations avec les assureurs

2.1. La création d'une obligation de motivation des décisions de résiliation unilatérale

L'article 14 du projet de loi de simplification de la vie économique prévoit d'étendre l'obligation de motivation par les assureurs de leurs décisions unilatérales de résiliation du contrat, déjà applicable aux contrats couvrant les particuliers, aux contrats couvrant les professionnels.

Pour ce faire, il supprime la mention des particuliers dans l'article L. 113-12-1 du code des assurances, de manière à ce que cette obligation puisse s'appliquer sans aucune restriction de périmètre.

2.2. L'extension de la possibilité de résiliation infra-annuelle pour les petites entreprises et pour certains contrats d'assurance

L'article 14 vise également à étendre la possibilité de résiliation infra-annuelle (RIA) de certains contrats d'assurance aux petites entreprises. Pour ce faire, il insère au sein du code des assurances un nouvel article L. 113-15-2-1, qui prévoit les conditions d'exercice de ce droit.

Le premier alinéa de cet article prévoit que la RIA ne concerne que les « contrats d'assurance couvrant les dommages directs à des biens » souscrits par de « petites entreprises » dont la définition est renvoyée à un décret en Conseil d'État. Ce droit de résiliation pourra s'exercer à « l'expiration d'un délai d'un an à compter de la première prise d'effet » des contrats et adhésions tacitement reconductibles.

Toutefois, ce même alinéa prévoit que seront exclus du dispositif certains contrats d'assurance de dommages directs aux biens dont la liste sera établie par ce même décret en Conseil d'État, qui précisera par ailleurs les modalités d'application du nouvel article L. 113-15-2-1 du code des assurances. D'après l'étude d'impact, l'exclusion de certains contrats d'assurance s'expliquent se justifient par leurs « particularités » ou « complexité intrinsèque », qui rendent en pratique impossible la RIA.

Le premier alinéa du même article prévoit également une obligation de notification de cette demande de résiliation dans les conditions prévues à l'article. 113-4, laquelle prend effet un mois après que l'assureur ait reçu cette notification.

Un droit d'information de l'assuré sur ce droit est en outre garanti au deuxième alinéa de ce nouvel article L. 113-15-2-1, qui précise que ce droit de résiliation « est mentionné dans chaque contrat » et « rappelé avec chaque avis d'échéance de prime ou de cotisation ».

Ce même article précise, comme c'est le cas pour les particuliers, qu'en cas de RIA, l'assuré n'est redevable « que de la partie de prime ou de cotisation correspondant à la période pendant laquelle le risque est couvert ». Cette période est calculée « jusqu'à la date d'effet de la résiliation ». L'assureur est donc tenu de rembourser le solde, « dans un délai de trente jours à compter de la date de résiliation ». À défaut, les sommes dues produisent de plein droit des intérêts au taux légal.

Enfin, le RIA ne pourra s'appliquer, en application du 1° du II de l'article 14 du présent projet de loi, qu'aux contrats conclus ou tacitement reconduits à compter de la publication du décret en Conseil d'État précité.

2.3. Un encadrement des délais d'indemnisation pour les dommages aux biens

Enfin, l'article 14 prévoit un dispositif d'encadrement des délais d'indemnisation des dommages aux biens. Pour ce faire, il crée un nouvel article L. 121-18 à la fin du chapitre Ier du titre II du code des assurances qui concerne les dispositions relatives aux assurances de dommages. Le dispositif de cet article prévoit plus particulièrement :

- un premier délai laissé aux assureurs pour proposer une indemnisation, une réparation en nature, ou pour motiver un éventuel refus de prise en charge du sinistre, qui est fixé à 6 mois à compter de la déclaration du sinistre en cas de recours à un expert, ou deux mois dans les autres cas.

- un deuxième délai, dont la fixation est renvoyée à un décret en Conseil d'État, et dans lequel l'assureur devra, à compter de l'accord de l'assuré sur la proposition formulée par l'assureur, verser l'indemnisation, ou missionner l'entreprise de réparation.

Le nouvel article L. 121-18 dispose par ailleurs que, si l'assureur ne verse pas l'indemnisation à l'expiration de ce dernier délai, la somme due porte droit, sauf cas fortuit ou de force majeur, à intérêt au taux légal en vigueur. En revanche il convient de souligner qu'aucune sanction n'est prévue en cas de non-respect par l'assureur du premier délai dont il dispose pour formuler la proposition d'indemnisation.

Par ailleurs, un décret en Conseil d'État définira les « situations particulières » qui permettront de déroger au délai fixé à l'assureur pour proposer une indemnisation ou une réparation, ainsi que le champ des contrats qui, en raison de leurs spécificités, seront exclus du dispositif.

Enfin, ce dispositif d'encadrement des délais d'indemnisation ne sera pas rétroactif, puisqu'en application du 2° du II de l'article 14 du présent projet de loi, il ne s'appliquera qu'aux contrats conclus ou tacitement reconduits à compter le publique de ce même décret en Conseil d'État.

3. La commission spéciale propose d'enrichir le dispositif d'encadrement des délais et de préciser à la marge le champ d'application de la RIA ouverte aux petites entreprises

3.1. L'extension de la possibilité de résiliation infra-annuelle : un dispositif au champ d'application incertain et dont la portée devrait être très limitée

En premier lieu, la commission spéciale salue la disposition visant à étendre l'obligation de motivation de la résiliation par l'assureur des contrats d'assurance souscrits par les professionnels, qui va dans le sens d'une meilleure transparence des relations entre assureurs et assurés.

Elle souscrit en outre au principe d'extension de la RIA aux petites entreprises, qui leur permettra ainsi de disposer de davantage de souplesse dans la gestion de leurs contrats d'assurance, tout en bénéficiant d'un levier pour stimuler la concurrence entre assureurs. Il est par ailleurs justifié que cette disposition soit uniquement étendue aux petites entreprises, celles-ci n'ayant pas de services de gestion de leurs contrats d'assurance comparable à ceux des grandes entreprises.

Il convient toutefois de relever le caractère imprécis du champ d'application de cette mesure. Plus particulièrement, la notion de « petites entreprises » ne fait l'objet d'aucune définition précise dans le droit en vigueur, et peut par ailleurs susciter une confusion avec les notions de petites et moyennes entreprises (PME) et très petites entreprises (TPE), nuisant ainsi à la clarté de cette disposition. Le Conseil d'État estime par ailleurs dans son avis sur le présent projet de loi « qu'il revient au législateur » d'en définir le champ d'application. Il convient dès lors de ne pas offrir au pouvoir réglementaire trop de latitude dans ce travail de précision du champ d'application du dispositif.

C'est pourquoi la commission spéciale a adopté un amendement COM-324 du rapporteur visant à préciser que les entreprises pourront bénéficier de la RIA dès lors que la surface de l'établissement professionnel assuré est inférieure à un seuil fixé par un décret en Conseil d'État.

Il ressort en effet des travaux de la commission spéciale que la notion de « petites entreprises » devrait, dans le cadre de ce dispositif, se fonder sur un critère de surface assurable, dans la mesure où celle-ci est :

directement en lien avec le contrat d'assurance et nécessairement déclarée auprès de l'assureur lors de la souscription du contrat ;

peu volatile, contrairement au chiffre d'affaires ou au nombre d'employés qui permettent de caractériser les PME et TPE ;

cohérente avec d'autres dispositions du code des assurances, puisque la surface assurable sert de référence pour la détermination des franchises applicables aux contrats d'assurance des catastrophes naturelles.

Le seuil fixé par ce décret en Conseil d'État sera susceptible de varier selon la nature de l'activité économique concernée, afin de prendre en considération les spécificités liées à certaines professions, telles que les exploitants agricoles par exemple, qui disposent par nature de surfaces assurables plus importantes.

Toutefois, malgré cette précision, le champ d'application exact de cette mesure demeure incertain, compte tenu du renvoi à un décret en Conseil d'État de la définition de la liste des contrats exclus de cette mesure. Or, la superposition de l'ensemble des dérogations envisagées à ce stade par le Gouvernement pourrait in fine conduire à réduire considérablement la portée de cette mesure. Les informations contenues dans l'étude d'impact permettent en effet d'identifier les types de garanties qui pourraient être exclus de la RIA, telles que les assurances pertes d'exploitation, « grands risques » et responsabilité civile notamment.

Or les contrats d'assurance de dommages souscrits par des professionnels sont dans la majorité des cas des contrats « multirisques » comprenant a minima l'une de ces garanties en question. Dès lors, ces contrats seraient exclus de la mesure et le champ d'application du dispositif s'en trouverait sensiblement réduit.

3.2. S'il convient de saluer l'objectif d'accélération des délais d'indemnisation des sinistres, le dispositif n'en demeure pas moins perfectible

La commission spéciale ne peut que souscrire à l'objectif d'accélération des délais d'indemnisation en matière d'assurance dommages aux biens. Toutefois le dispositif proposé semble perfectible à plusieurs égards.

Tout d'abord, les délais dans lesquels l'assureur doit proposer une indemnisation ou une réparation ne semblent pas assez ambitieux. Concernant les sinistres ne nécessitant pas d'expertise, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a souligné, dans les informations qu'elle a transmises aux rapporteurs, que ces sinistres ne posent généralement aucune difficulté particulière en termes de détermination des causes et d'évaluation des dommages, souvent de faible ampleur, ce qui justifierait dès lors de fixer des délais d'indemnisation plus courts.

Concernant les sinistres requérant une expertise, le délai de 6 mois accordé aux assureurs apparaît trop élevé en comparaison avec les règles fixées par nos voisins européens en la matière. En Belgique, lorsqu'un expert est désigné, la proposition d'indemnisation doit être présentée dans les 3 mois dans certains cas tels que la responsabilité civile automobile et ou l'assurance incendie.

La commission spéciale a donc adopté un amendement COM-325 du rapporteur visant à réduire le délai accordé aux assureurs pour proposer une indemnisation ou une proposition de réparation, en les ramenant à 4 mois pour les sinistres requérant une expertise, et à un mois sinon, contre respectivement 6 et deux mois dans le projet de loi initial.

Ces délais semblent raisonnables et ne devraient pas être de nature à empêcher les assureurs de remplir leurs obligations. Il est toutefois nécessaire que le Parlement dispose d'éléments objectifs pour évaluer l'efficacité du dispositif résultant de cette modification. C'est pourquoi la commission spéciale a adopté un amendement COM-328 du rapporteur prévoyant que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur du dispositif, un rapport visant à évaluer l'efficacité du dispositif et à étudier l'opportunité de modifier les délais d'indemnisation fixés.

Par ailleurs, il n'est pas justifié que la fixation du « deuxième » délai dans lequel l'assureur doit procéder au versement de l'indemnisation ou missionner l'entreprise chargée de procéder à la réparation soit renvoyé à un décret en Conseil d'État. D'une part, les délais d'encadrement des propositions d'indemnisation ou de réparation en nature prévus dans le présent article sont bien directement fixés par le législateur. D'autre part, des dispositions comparables de l'article L.125-2 du code des assurances relatives aux délais d'indemnisation en matière de catastrophes naturelles ne prévoient aucun renvoi à une mesure réglementaire pour la fixation de ces délais. L'amendement COM-326 du rapporteur propose donc, en cohérence avec les dispositions du code des assurances relatives à l'encadrement des délais d'indemnisation des catastrophes naturelles, d'inscrire ce délai « en dur » dans la loi, en le fixant à 21 jours pour verser l'indemnité due et à un mois pour missionner l'entreprise de réparation.

Enfin, il apparaît nécessaire, afin de garantir l'effectivité du dispositif, de prévoir un mécanisme de sanction en cas de non-respect par l'assureur du délai de proposition d'indemnisation ou de réparation. C'est le sens de l'amendement COM-327 du rapporteur, qui prévoit une obligation pour l'assureur, dès lors que les délais précités ne sont pas respectés, de verser à l'assuré une somme forfaitaire portant droit à intérêts, et dont le montant sera défini par à un décret.

La commission a adopté l'article 14 ainsi modifié.


* 105 Avis n° 795 (2012-2013) de Mme Michèle ANDRÉ, déposé le 23 juillet 2013.

* 106 Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.

* 107 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 108 Décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d'appartenance d'une entreprise pour les besoins de l'analyse statistique et économique.

* 109 Rapport l'Observatoire du financement des entreprises « Accès des TPE et PME aux services bancaires » du 7 mai 2021.

* 110 Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.

* 111 Loi n° 2019-733 du 14 juillet 2019 relative au droit de résiliation sans frais de contrats de complémentaire santé.

* 112 Loi n° 2022-270 du 28 février 2022 pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l'assurance emprunteur.

* 113 Loi n° 2021-1837 du 28 décembre 2021 relative à l'indemnisation des catastrophes naturelles.

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