B. L'IVG N'EST PAS MENACÉE EN FRANCE
L'existence en France d'une menace réelle au recours à l'IVG n'est pas démontrée, aucun parti politique n'ayant notamment, à la connaissance de la rapporteure, jamais remis en question le principe de l'IVG. Le Gouvernement reconnaît lui-même que « cette liberté n'est pas aujourd'hui directement menacée ou remise en cause, hormis par quelques courants de l'opinion heureusement très minoritaires »5(*).
À cet égard, la situation institutionnelle en France n'est en rien comparable avec celle des États-Unis, où la Cour suprême a renvoyé aux États fédérés la compétence pour légiférer sur l'avortement dans son arrêt Dobbs v. Jackson rendu le 24 juin 20226(*). La France est une République indivisible dans laquelle le législateur national dispose d'une plénitude de compétence et les lois sont les mêmes pour tous.
Le comité présidé par Simone Veil en décembre 2008 n'avait d'ailleurs pas recommandé de modifier le Préambule ni d'intégrer à la Constitution de droits et libertés liés à la bioéthique, laquelle intégrait l'IVG, et refusait aussi d'y « inscrire des dispositions de portée purement symbolique ».
C. UNE CONSTITUTIONNALISATION NE RÉSOUDRAIT AUCUNEMENT LES PROBLÈMES D'ACCÈS À L'IVG
La constitutionnalisation ne permettrait pas de résoudre la question de l'effectivité de l'accès à l'IVG, qui est la seule à même de garantir la liberté de la femme à y recourir. La commission a pleinement conscience des difficultés d'accès, d'ailleurs déjà relevées par la commission des affaires sociales7(*) et la délégation aux droits des femmes du Sénat8(*), qui peuvent exister pour les femmes souhaitant avorter.
Il est anormal que certaines femmes souhaitant recourir à une IVG ne puissent le faire dans de bonnes conditions, en particulier dans certains territoires.
D. LE CHANGEMENT DE NATURE DE LA CONSTITUTION SERAIT DOMMAGEABLE
La Constitution du 4 octobre 1958 n'a pas été conçue pour qu'y soient intégrées toutes les déclinaisons des droits et libertés énoncés de manière générale dans son Préambule.
De plus, comme l'avait déjà relevé la rapporteure, pourquoi alors se limiter à l'IVG et ne pas constitutionaliser d'autres manifestations de la liberté qui n'ont pas, non plus, en tant que telle, valeur constitutionnelle, comme le mariage pour les personnes de même sexe ou d'autres droits liés à la santé ou la bioéthique ?
* 5 Voir l'exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle.
* 6 Supreme Court of the United States, Dobbs, State Health officer of the Mississippi department of health, et al. v. Jackson Women's health organization et al., n° 19-1392, decided June 24, 2022. Cet arrêt est consultable sur le site internet de la Cour suprême des États-Unis.
* 7 Voir le rapport n° 263 (2020-2021) fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat par Laurence Rossignol, déposé le 13 janvier 2021, sur la proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement.
* 8 Voir « Femmes et santé : les enjeux d'aujourd'hui », rapport d'information n° 592 (2014-2015) fait au nom de la délégation aux droits des femmes par Annick Billon et Françoise Laborde, déposé le 2 juillet 2015.