CHAPITRE II - PROTECTION DES VICTIMES DE LA PROSTITUTION ET CRÉATION D'UN PARCOURS DE SORTIE DE LA PROSTITUTION
Section 1 - Dispositions
relatives à l'accompagnement
des victimes de la prostitution
Article 3 (article L. 121-9 du code de l'action
sociale et des familles, articles 42 et 121 de la loi n° 2003-239 du
18 mars 2003 pour la sécurité intérieure) -
Création d'un parcours de sortie de la prostitution et codification
d'une disposition de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la
sécurité intérieure
Objet : Cet article crée un parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle pour les personnes victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains.
I - Le texte voté par le Sénat
En première lecture, votre commission spéciale avait, sur proposition conjointe de sa rapporteure et du président Jean-Pierre Godefroy, réécrit en grande partie le présent article.
Outre plusieurs précisions et améliorations d'ordre rédactionnel, elle avait prévu la création d'une commission ad hoc chargée d'assurer le suivi et l'accompagnement des personnes engagées dans le parcours de sortie. Elle avait précisé que cette instance devrait être composée de quatre collèges de taille équivalente représentant les services de la justice, de l'Etat, les collectivités territoriales et les associations. En séance publique, la participation de professionnels de santé avait été ajoutée.
Votre commission spéciale avait également substitué aux termes « parcours de sortie de la prostitution » ceux de « projet d'insertion sociale et professionnelle » . Loin d'être purement sémantique, ce changement visait à tenir compte de la réalité des situations vécues par les personnes concernées. Aux yeux du Sénat, il n'était pas souhaitable de leur imposer un parcours linéaire fait d'étapes prédéfinies. C'est la construction d'un projet personnalisé qui devait leur permettre de se réinsérer de façon durable.
Les droits ouverts par l'entrée dans le projet d'insertion sociale et professionnelle avaient été précisés afin que l'accès aux dispositifs de droit commun soit la priorité et pour laisser à l'administration fiscale le choix d'accorder ou non des remises fiscales.
Il avait également été précisé que le préfet devrait tenir compte des difficultés rencontrées par les personnes engagées dans le projet d'insertion sociale et professionnelle au moment de décider du renouvellement de celui-ci.
Enfin, il avait été prévu que l'ensemble des associations qui ont pour objet l'aide et l'accompagnement des personnes en difficulté, et non les seules associations qui interviennent auprès des personnes prostituées, pourraient demander à bénéficier de l'agrément leur permettant d'élaborer et de mettre en oeuvre le projet d'insertion sociale et professionnelle.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a retenu une grande partie des changements et clarifications adoptés au Sénat. Seuls trois points ont fait l'objet de modifications substantielles de sa part.
En premier lieu, l'Assemblée nationale est revenue à la notion de parcours, tout en retenant une partie de la formulation adoptée au Sénat. C'est désormais un « parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle » qui pourrait être proposé. S'agissant des victimes de la traite susceptibles de bénéficier du parcours, elle a précisé qu'il ne pouvait s'agir que des victimes de « la traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle » .
L'Assemblée nationale a de nouveau restreint aux seules associations qui aident et accompagnent les personnes prostituées la possibilité de disposer d'un agrément pour participer au parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle.
Enfin, elle a précisé que l'instance départementale chargée du suivi du parcours de sortie serait notamment composée de représentants des services de police et de gendarmerie avant d'assouplir, en séance publique, ses règles de composition : il n'est désormais plus indiqué que ses différents collèges devront être de taille égale.
II - La position de la commission spéciale
Votre commission spéciale se satisfait de la convergence de vues avec l'Assemblée nationale sur l'essentiel du dispositif d'accompagnement des personnes victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains, tel qu'il est prévu par le présent article. Pour cette raison, elle n'a pas souhaité apporter de modifications substantielles à un article dont elle estime le dispositif aujourd'hui équilibré.
Elle note cependant qu'en ouvrant le parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle aux seules victimes de la traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle - en dehors des victimes de la prostitution et du proxénétisme -, l'Assemblée nationale a introduit une restriction qui n'apparaît pas dans le reste du texte de la proposition de loi. Ce dernier renvoie en effet systématiquement aux victimes de la traite des êtres humains en général. Cette restriction peut être justifiée par des raisons pratiques liées à la façon dont sera conçu et mis en oeuvre le parcours. Il conviendra malgré tout, au moment de l'évaluation de la proposition de loi, de s'interroger sur la correcte articulation entre le parcours de sortie et les autres mesures d'accompagnement et de protection prévues par le texte, notamment le dispositif de mise à l'abri mentionné au présent article qui, lui, sera ouvert à l'ensemble des victimes de la traite des êtres humains.
Votre commission spéciale avait souhaité que l'ensemble des associations, qu'elles soient généralistes ou qu'elles aient pour objet spécifique l'aide et l'accompagnement des personnes prostituées, puissent élaborer et mettre en oeuvre le parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle. Sur ce point, comme sur le précédent, c'est la question de la continuité de la prise en charge des personnes qui doit être posée : il serait regrettable que des associations généralistes, amenées à mettre à l'abri des victimes de la prostitution, du proxénétisme ou de la traite, ne puissent les accompagner de façon durable dans le cadre du parcours, faute d'avoir pu se voir délivrer l'agrément prévu par le présent article. Aussi votre commission spéciale a-t-elle adopté un amendement présenté par MM. Jean-Pierre Godefroy et Jean-Claude Boulard visant à ce que l'ensemble des associations qui aident et accompagnent les personnes en difficulté puissent demander l'agrément ( n° COM-3 ). Cette rédaction diffère de celle adoptée en première lecture en ce qu'il n'est plus fait référence explicitement à l'objet statutaire des associations, solution qui devrait permettre davantage de souplesse dans la mise en oeuvre de la loi.
Sur proposition de sa rapporteure, votre commission spéciale a par ailleurs adopté un amendement ( n° COM-19 ) prévoyant, pour plus de simplicité, la présence d'un seul magistrat au sein de l'instance départementale chargée d'organiser et de coordonner l'action en faveur des victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains.
Votre commission spéciale a adopté l'article 3 ainsi modifié. |
Article 3 bis (article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation) - Publics prioritaires pour l'attribution de logements sociaux
Objet : Cet article, introduit au Sénat en première lecture, élargit la liste des publics prioritaires pour l'attribution de logements sociaux aux personnes engagées dans le parcours de sortie de la prostitution ainsi qu'aux personnes victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme.
I - Le texte voté par le Sénat
Le présent article est issu d'un amendement adopté en première lecture par votre commission spéciale, sur proposition de son président Jean-Pierre Godefroy et de plusieurs membres du groupe socialiste. Il a pour objet de compléter la liste des publics prioritaires pour l'attribution de logements sociaux, dressée à l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation en y ajoutant :
- les personnes engagées dans le projet d'insertion sociale et professionnelle créé à l'article 3 de la présente proposition de loi ;
- celles qui sont victimes de l'infraction de traite des êtres humains ou de proxénétisme.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
En deuxième lecture, la commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté deux amendements de coordination, dont l'un visant à substituer aux termes « projet d'insertion sociale et professionnelle » ceux de « parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle » .
II. - La position de la commission spéciale
Les amendements adoptés par l'Assemblée nationale en deuxième lecture n'apportent aucune modification de fond au présent article. Sur proposition de sa rapporteure, votre commission spéciale a adopté un amendement de coordination avec l'article 4 de la loi du 31 mai 1990 4 ( * ) relatif aux plans locaux d'action pour le logement des personnes défavorisées ( n° COM-16 ).
Votre commission spéciale a adopté l'article 3 bis ainsi modifié. |
Article 6 (articles L. 316-1 et L. 316-1-1 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Admission au séjour des étrangers victimes de la traite des êtres humains ou du proxénétisme
Objet : L'article 6 modifie le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin de faciliter l'obtention d'un titre de séjour pour les victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme.
Cet article proposait notamment de créer un nouvel article L. 316-1-1 au sein du CESEDA prévoyant qu'une autorisation provisoire de séjour (APS) d'une durée de six mois pourra être délivrée à l'étranger victime de proxénétisme ou de traite qui, ayant cessé l'activité de prostitution, est engagé dans le parcours de sortie de la prostitution mis en place par l'article 3. Cette APS serait renouvelable pendant toute la durée du parcours de sortie de la prostitution.
I - Le texte voté par le Sénat
La commission spéciale avait adopté en première lecture :
- un amendement de la rapporteure et du président supprimant l'obligation d'avoir cessé l'activité de prostitution pour bénéficier de l'autorisation provisoire de séjour ;
- un amendement du président prévoyant une délivrance de plein droit de cette autorisation de séjour provisoire ;
- un amendement du même auteur portant la durée de cette autorisation provisoire à un an (au lieu de six mois) ;
- enfin, un amendement du même auteur prévoyant que l'APS est « renouvelée » au lieu de « renouvelable » afin de rendre ce renouvellement automatique.
Ces modifications avaient été adoptées par le Sénat en séance.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
En deuxième lecture, la commission spéciale de l'Assemblée nationale, sur la proposition de sa rapporteure, a réintroduit la condition de cessation de l'activité de prostitution pour la délivrance de l'APS .
En outre, en séance publique, les députés ont adopté un amendement de la rapporteure prévoyant que l'autorisation provisoire de séjour sera délivrée pour une durée minimale de six mois et non d'un an et que sa délivrance ne sera pas automatique .
La rapporteure a en effet estimé qu'il était essentiel que la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », délivrée en application de l'article L. 316-1 du CESEDA aux victimes de la traite des êtres humains ou du proxénétisme qui dénoncent et aident à démanteler les réseaux, soit plus attractive que l'autorisation provisoire de séjour délivrée en application du nouvel article L. 316-1-1 aux personnes prostituées engagées dans le parcours d'accompagnement prévu par l'article 3.
III - La position de la commission
Votre commission spéciale n'a adopté au présent article qu'un amendement de coordination de votre rapporteure avec le projet de loi relatif aux droits des étrangers en cours d'examen au Sénat et dont l'article 13 prévoit l'abrogation de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (obligation de disposer d'un visa de plus trois mois pour pouvoir bénéficier d'une carte de séjour temporaire), les dispositions de cet article étant transférées à l'article L. 313-2 du même code ( n° COM-18 ).
Votre commission spéciale a adopté l'article 6 ainsi modifié. |
Article 8 (article L. 851-1 du code de la sécurité sociale) - Extension de l'allocation de logement temporaire aux associations agréées pour l'accompagnement des victimes de la prostitution
Objet : Cet article étend la possibilité de bénéficier de l'allocation de logement temporaire aux associations agréées dans le cadre du parcours de sortie de la prostitution.
I - Le texte voté par le Sénat
L'article L. 851-1 du code de la sécurité sociale permet à certaines structures ayant conclu une convention avec l'Etat de bénéficier de l'allocation de logement temporaire pour le logement de personnes défavorisées. Le présent article étend la liste de ces structures aux associations qui seront chargées d'accompagner les personnes engagées dans le parcours de sortie de la prostitution créé à l'article 3 de la proposition de loi.
En première lecture, votre commission spéciale avait adopté un amendement de simplification rédactionnelle, par coordination avec les changements introduits à ce même article 3.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
En deuxième lecture, la commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté un amendement opérant des coordinations dans le code de l'action sociale et des familles et dans celui de la construction et de l'habitation.
III - La position de la commission spéciale
Votre commission spéciale prend acte des coordinations opérées par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.
Votre commission spéciale a adopté l'article 8 sans modification. |
Article 9 bis (articles 222-3, 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13, 222-24 et 222-28 du code pénal) - Aggravation des sanctions à l'encontre des personnes ayant commis des faits de violence à l'encontre de personnes prostituées
Objet : Le présent article vise à ajouter les personnes qui se livrent à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, à la liste des personnes vulnérables, ce qui entraîne une aggravation des sanctions en cas de violences, d'agressions sexuelles ou de viols commis à leur encontre.
Issu d'un amendement de Mme Seybah Dagoma et d'un sous-amendement du Gouvernement, adoptés en première lecture par l'Assemblée nationale, cet article a pour objet d'aggraver les peines encourues par les personnes auteures de faits de violence à l'encontre de personnes prostituées au cours de leur activité de prostitution.
I - Le texte voté par le Sénat
À l'initiative conjointe de son président et de sa rapporteure, la commission spéciale du Sénat avait supprimé le présent article, considérant que le code pénal prévoit d'ores et déjà de nombreuses circonstances aggravantes lorsque des infractions sont commises à l'encontre de personnes considérées comme étant particulièrement vulnérables.
II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale
En deuxième lecture, la commission spéciale de l'Assemblée nationale a toutefois estimé que la notion générale de vulnérabilité telle qu'elle est définie par le code pénal ne protégeait pas nécessairement l'ensemble des personnes prostituées à raison de leur activité et a rétabli le présent article.
III - La position de la commission
Votre commission spéciale est revenue à sa position de première lecture par le biais de l'adoption d'un amendement de M. Jean-Pierre Godefroy supprimant le présent article ( n° COM-7 ).
Votre commission spéciale a supprimé l'article 9 bis . |
Article 11 (article 2-22 du code de procédure pénale) - Admission des associations dont l'objet est la lutte contre le proxénétisme, la traite des êtres humains et l'action sociale en faveur des personnes prostituées, à exercer les droits reconnus à la partie civile
Objet : Le présent article prévoit que les associations dont l'objet est la lutte contre le proxénétisme, la traite des êtres humains et l'action sociale en faveur des personnes prostituées, pourront exercer les droits reconnus à la partie civile.
I - Le texte voté par le Sénat
En première lecture, la commission spéciale du Sénat avait supprimé la possibilité pour les associations reconnues d'utilité publique de se porter partie civile sans l'accord de la victime de proxénétisme ou de traite des êtres humains (les associations « ordinaires » à qui le présent article ouvre cette possibilité de se porter partir civile devant pour leur part avoir obtenu l'accord de la victime).
II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a rétabli cette disposition. Estimant que les associations reconnues d'utilité publique feraient preuve du discernement nécessaire à un usage pertinent de la faculté qui leur est ouverte par le présent article, votre commission spéciale a confirmé la position de l'Assemblée nationale .
Votre commission spéciale a adopté l'article 11 sans modification. |
Section 2 Dispositions portant transposition de l'article 8 de la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil
Article 13 (article 225-10-1 du code pénal) - Abrogation du délit de racolage public
Objet : Le présent article tend à abroger le délit de racolage public.
I - Le texte voté par le Sénat
Cet article ayant pour objet d'abroger les dispositions relatives au délit de racolage avait été supprimé par le Sénat en première lecture par l'adoption, en séance publique, d'un amendement de M. Jean-Vierre Vial, président, et plusieurs de ses collègues. L'auteur de l'amendement avait en effet considéré, à la suite des auditions des forces de l'ordre menées par la commission spéciale, que la police et la gendarmerie ne pouvaient sans dommage se voir priver de cette procédure, la seule selon eux permettant de recueillir auprès des personnes prostituées des éléments sur les réseaux de proxénétisme.
II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale
Le présent article a été rétabli à l'identique en deuxième lecture par la commission spéciale de l'Assemblée nationale.
III - La position de la commission
La commission a longuement débattu des dispositions concernant le délit de racolage, envisageant l'instauration d'un délit de racolage adapté au niveau local. Certains membres ont à cet égard exprimé leur préoccupation de conserver la possibilité pour les forces de l'ordre de recueillir auprès des personnes prostituées des informations sur les réseaux de proxénétisme ou de traite. Toutefois, une telle possibilité n'a finalement pas été retenue.
Votre commission spéciale a adopté l'article 13 sans modification. |
Article 14 (articles 225-20 et 225-25 du code pénal, article 398-1 du code de procédure pénale) - Coordinations dans le code pénal et le code de procédure pénale liées à l'abrogation du délit de racolage
Objet : Le présent article tend à effectuer les coordinations nécessaires dans le code pénal et le code de procédure pénale afin de tirer les conséquences de l'abrogation, par l'article 13, de l'article 225-10-1 du code pénal relatif au délit de racolage.
Cet article avait été supprimé par le Sénat en première lecture par cohérence avec la suppression de l'article 13. La commission spéciale de l'Assemblée nationale ayant rétabli ce dernier article, elle a logiquement rétabli l'article 14 en deuxième lecture.
Par cohérence avec sa position à l'article 13, votre commission spéciale a adopté le présent article sans modification.
Votre commission spéciale a adopté l'article 14 sans modification. |
* 4 Loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement.