3. La création d'une Agence de coopération des régulateurs nationaux
Selon la proposition de règlement dédiée à cette question, une Agence de coopération des régulateurs de l'énergie serait créée et chargée de compléter, au plan communautaire, les tâches des autorités de régulation nationales et de coordonner leurs missions.
a) Une coopération insuffisante entre régulateurs ?
En vertu des pratiques actuelles, les vingt-sept autorités de régulation de l'Union européenne sont regroupées au sein du groupe des régulateurs européens dans le domaine de l'électricité et du gaz ( ERGEG 45 ( * ) ). Créé le 11 novembre 2003 par décision de la Commission européenne, ERGEG est une autorité consultative indépendante placée auprès de la Commission, chargée de la conseiller et de l'assister dans son action visant à consolider le marché intérieur de l'énergie. Ce groupe a également pour tâche de faciliter la consultation des autorités de régulation nationales ainsi que leur coordination et leur coopération en contribuant à l'application uniforme, dans tous les Etats membres, des dispositions des directives ouvrant les marchés de l'électricité et du gaz à la concurrence, ainsi que des éventuelles futures dispositions législatives communautaires dans le domaine de l'électricité et du gaz.
Par ailleurs, dans le prolongement du regroupement informel en 2000 des autorités de régulation des dix Etats membres de l'Union européenne, les dirigeants des régulateurs se sont également regroupés en 2003 au sein d'une instance, dénommée Conseil des régulateurs énergétiques européens (CEER 46 ( * ) ), dotée du statut d'association à but non lucratif en application de la législation belge. Le CEER réunit quant à lui les vingt-sept régulateurs de l'Union européenne, auxquels s'ajoutent les régulateurs islandais et norvégien. Le CEER agit essentiellement comme une plateforme de discussions, d'échange et d'assistance entre régulateurs, en coopération avec les services de la Commission européenne.
Tout en jugeant que les activités de l'ERGEG ont, au cours des années passées, contribué de manière positive à l'achèvement des marchés intérieurs, la Commission estime que cet organe n'a cependant pas donné l'impulsion décisive pour développer les normes et approches qui s'imposent pour lever les barrières à la création définitive d'un marché unifié et que ses règles de gouvernance, qui imposent l'assentiment des tous les partenaires, ne donnent pas de résultats satisfaisants. Après avoir analysé plusieurs options -renforcement des prérogatives d'ERGEG ou prise en charge par elle-même des missions de coordination-, la Commission conclut qu'une entité distincte, indépendante et étrangère à elle-même, serait la mieux à même d'accomplir ces tâches, ce qu'a confirmé le Conseil européen de mars 2008.
b) La création d'un organisme distinct
Considérant que la création d'une nouvelle agence constitue la forme la plus appropriée pour organiser la coordination entre régulateurs énergétiques, la proposition de règlement institue une Agence de coopération des régulateurs de l'énergie chargée de fournir aux régulateurs un cadre de coopération, notamment sur les questions transfrontalières, et qui se substituerait donc à l'ERGEG 47 ( * ) . L'Agence aurait également pour mission d'assister et de guider les régulateurs dans leur mission d'application des directives. Cette expertise serait rendue possible par la remontée d'information obligatoire des autorités nationales vers ses services. L'Agence pourrait en outre informer la Commission européenne des manquements qu'elle constate dans sa mission de surveillance. En ce qui concerne la coopération transfrontalière, elle arrêterait le régime réglementaire d'une interconnexion à la demande des deux autorités de régulation concernées ou en cas de désaccord entre ces dernières.
L'Agence serait plus particulièrement chargée de la surveillance réglementaire de la coopération entre gestionnaires de réseaux , notamment des deux Réseaux européens de coopérations des GRT (électricité et gaz) créés par les deux autres propositions de règlements. Elle serait ainsi impliquée dans la définition des priorités à travers le programme de travail de ces deux organismes, dans l'examen de leur plan d'investissement décennal ou des bilans d'adéquation offre/demande et dans la préparation des codes techniques et commerciaux 48 ( * ) . Elle pourrait en particulier demander à la Commission de rendre ces codes juridiquement contraignants dans le cas où leur application par les GRT s'avérerait insuffisante ou inadaptée.
Enfin, l'Agence disposerait d'un rôle consultatif général à l'égard de la Commission pour la régulation des marchés, et pourrait publier des orientations non contraignantes pour diffuser les bonnes pratiques parmi les régulateurs. Elle aurait aussi la possibilité d'examiner toute décision d'une autorité de régulation nationale ayant des effets directs sur le marché intérieur et d'émettre un avis sur celle-ci à l'intention de la Commission.
S'agissant de la gouvernance de l'Agence, celle-ci serait composée :
- d'un conseil d'administration de douze membres, dont la moitié serait désignée par le Conseil européen, et l'autre par la Commission, pour une durée de cinq ans renouvelable une fois. Ses décisions seraient adoptées sur la base d'une majorité des deux tiers. Ce conseil adopterait notamment le programme annuel de travail de l'Agence ;
- d'un directeur , nommé pour cinq ans par le conseil d'administration parmi une liste d'au moins deux candidats établie par la Commission. Le directeur représenterait l'Agence et serait indépendant de tout organisme ou Etat membre ;
- d'un conseil des régulateurs , composé d'un représentant de l'autorité nationale de régulation de chaque Etat membre et d'un représentant de la Commission. Le conseil des régulateurs prendrait ses décisions à la majorité des deux tiers également, le représentant de la Commission ne prenant cependant pas part au vote. Le conseil des régulateurs émettrait tous les avis ou recommandations, et prendrait toutes les décisions, ayant trait aux pouvoirs opérationnels de l'Agence ;
- d'une commission de recours , indépendante des deux précédents organes, composée de six membres proposés par la Commission pour leur expérience du secteur de l'énergie et nommés par le conseil d'administration pour un mandat, renouvelable, d'une durée de cinq ans. Les membres de la commission ne pourraient exercer d'autres fonctions au sein du conseil d'administration ou du conseil des régulateurs de l'Agence. La commission pourrait être saisie par toute personne contestant une décision de l'Agence, qui concernerait cette personne directement et individuellement.
La Commission européenne estime, dans son exposé des motifs, que pour remplir ses missions l'Agence aurait besoin d'une cinquantaine d'employés et évalue son budget annuel entre 6 et 7 millions d'euros par an, l'essentiel étant consacré aux dépenses de rémunération.
* 45 European Regulators' Group for Electricity and Gas .
* 46 Council of European Energy Regulators .
* 47 Le CEER étant maintenu dans la mesure où il s'agit d'une instance de dialogue et d'échanges, moins formelle que l'ERGEG.
* 48 Qui concernent des sujets touchant à la sécurité du système électrique, comme les règles de sûreté et les contrats de secours.