Article 34
(art. 35 quater de l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre
1945)
Amélioration du régime de la zone
d'attente
Le
présent article modifie l'article 35
quater
de l'ordonnance du
2 novembre 1945 relatif au maintien des étrangers non admis en zone
d'attente. L'article 35
quater
n'est pas réécrit au
contraire de l'article 35
bis
. L'équilibre du dispositif n'est
pas bouleversé mais d'importants changements sont apportés.
1. Les zones d'attente
Lorsqu'un étranger arrive en France par la voie maritime, ferroviaire ou
aérienne et qu'il n'est pas autorisé à entrer sur le
territoire, ou encore qu'il demande son admission au titre de l'asile, ou enfin
qu'il se trouve en transit et ne peut embarquer vers le pays de destination
finale, il peut être maintenu dans la zone d'attente de la gare
ferroviaire, du port ou de l'aéroport.
La zone d'attente, contrairement à une idée répandue,
n'est pas soumise à un régime d'extraterritorialité
fictif. Il s'agit toujours du territoire français. Mais les
règles de l'entrée et du séjour en France y sont
différentes
.
Le plus souvent, le maintien en zone d'attente fait suite à un refus
d'entrée
189(
*
)
. Il est
prononcé par le chef du service du contrôle aux frontières
pour une durée maximale de 48 heures, renouvelable une fois, soit quatre
jours en tout. A l'expiration du délai de quatre jours, si
l'étranger se trouve toujours en zone d'attente, l'autorité
judiciaire doit obligatoirement être saisie
. Le magistrat peut
prolonger le maintien pour huit jours. A l'expiration de ce délai, le
maintien peut être renouvelé une nouvelle fois pour huit jours
à titre exceptionnel. La durée totale maximum est donc de vingt
jours.
Le juge de la liberté et de la détention (JLD) vérifie
que l'étranger est maintenu le temps strictement nécessaire
à son départ
. S'il s'agit d'un demandeur d'asile et s'il est
saisi avant que le ministre de l'intérieur n'ait pris sa
décision, le juge peut refuser la prolongation s'il estime que la
demande de l'étranger n'est pas «
manifestement
infondée
». Certains juges estiment néanmoins que
ce contrôle leur échappe.
Il existe 122 zones d'attente mais les trois-quarts des maintenus le sont
dans la zone d'attente de Roissy que votre rapporteur a visité. En 2002,
26.787 refus d'admission ont été prononcés et 20.800
personnes ont été placées en zone d'attente.
On
constate une forte augmentation depuis cinq années du nombre de refus
d'admission et par conséquent du nombre de personnes maintenues en zone
d'attente.
Cela se répercute directement sur le contentieux de
l'article 35
quater
qui est passé, au tribunal de grande instance
de Bobigny, de 3000 affaires en 1998 à 12 000 affaires en 2002. Les
projections sur l'année 2003 s'établissent sur une base de
16.000 affaires.
En 2002, sur les 12.000 décisions rendues par le TGI de Bobigny 2443 ont
refusé de prolonger le maintien en zone d'attente. Vingt motifs peuvent
être relevés dont quatre expliquent à eux seuls 49 %
de ces décisions :
- délais excessifs entre le contrôle, l'interpellation ou la
mise à disposition et la notification du maintien en zone
d'attente ;
- vices de forme procédurale ;
- minorité de l'étranger ;
- délai excessif de traitement de la demande d'asile.
Il convenait donc de sécuriser juridiquement le maintien en zone
d'attente, d'assouplir la procédure et de l'adapter à des flux
devenus massifs en quelques années et nécessitant une nouvelle
organisation des moyens.
2. Les modifications de l'article 35
quater
La création de zones d'attente à proximité du lieu de
débarquement
Le premier alinéa du I de l'article 35
quater
est modifié
afin de rendre possible la création d'une zone d'attente à
proximité du lieu de débarquement d'étrangers en cas
d'arrivée par mer. Il appartient au représentant de l'Etat dans
le département de délimiter la zone d'attente qui s'étend
des lieux de débarquement à ceux où sont effectués
les contrôles des personnes. Cette mesure tire les leçons de
l'échouage en février 2001 du cargo «
East
sea
»
avec à son bord plus de 900 migrants
d'origine kurde. Le renforcement du contrôle de nos côtes a
évité jusqu'à présent la répétition
de ce type d'évènements.
Le cinquième alinéa du I de l'article 35
quater
permet
d'inclure dans la zone d'attente, ou à proximité, de la gare, du
port et de l'aéroport, un ou plusieurs lieux d'hébergement
assurant des prestations de type hôtelier
. Votre commission vous
propose d'étendre cette possibilité, par coordination, aux zones
d'attente créées à proximité du lieu de
débarquement.
La garantie des droits des étrangers
Le deuxième alinéa du I de l'article 35
quater
concerne
l'information de l'étranger sur ses droits et devoirs, par
l'intermédiaire d'un interprète si nécessaire. Le projet
de loi reprend la rédaction de cet alinéa en y insérant
les dispositions du deuxième alinéa du II de l'article 35
quater
qui autorise l'étranger à quitter à tout
moment la zone d'attente pour toute destination située hors de France.
Il précise également que l'étranger est informé
«
dans les meilleurs délais
» et non
«
immédiatement
» de ses droits et devoirs.
Il est rappelé que l'étranger peut demander l'assistance d'un
médecin, d'un interprète ou d'un avocat et que la notification de
ses droits et devoirs lui est faite dans une langue qu'il comprend. Cette
réécriture du deuxième alinéa du I de l'article 35
quater
est issu d'un amendement de l'Assemblée nationale.
Le procureur de la République peut visiter les zones d'attente quand il
le souhaite et au moins une fois par an.
Votre commission vous soumet un
amendement de précision au 10° du paragraphe I de cet article, la
désignation de la partie de l'article modifiée étant
erronée.
Rappelons que l'article 34
bis
du projet de loi qui encadre le recours
à l'interprétariat, en insérant dans l'ordonnance du 2
novembre 1945 un nouvel article 35
sexies
, s'applique à la
procédure du maintien en zone d'attente.
La sécurisation juridique du maintien en zone d'attente :
Au cours de la procédure, l'étranger maintenu en zone
d'attente est appelé à se déplacer fréquemment,
notamment pour se rendre aux audiences devant le juge des libertés et de
la détention ou devant le juge administratif éventuellement.
Il peut aussi avoir besoin de soins médicaux particuliers. Les
étrangers pour lesquels existe un doute sur leur minorité
effectuent souvent des tests osseux à l'hôpital. Ces
déplacements sont souvent le prétexte de vices de
procédure pour les étrangers qui les soulèvent
systématiquement devant le juge
. Malgré une jurisprudence de
la cour de cassation, il est donc nécessaire d'inscrire dans la loi que
la zone d'attente s'étend sans décision particulière aux
lieux dans lesquels l'étranger doit se rendre.
A cette fin, un
nouvel alinéa est ajouté au I de l'article 35
quater
.
Le VIII de l'article 35
quater
de l'ordonnance du 2 novembre 1945 permet
déjà les transferts vers une autre zone d'attente si le
départ du territoire national ne peut avoir lieu depuis la zone
d'attente.
Le projet de loi rend également possible les transferts
d'une zone d'attente à une autre pendant toute la durée de la
rétention pour des raisons pratiques, opérationnelles ou de
respect des conditions minimales d'hébergement et de confort
.
L'Assemblée nationale a néanmoins encadré cette
faculté en la limitant aux cas de nécessité.
Au premier alinéa du II de l'article 35
quater
, il est
indiqué que le procureur de la République est informé sans
délai de la décision de maintien en zone d'attente. A la suite
d'un amendement de l'Assemblée nationale, le projet de loi assouplit la
procédure, le procureur étant informé
« dans
les meilleurs délais »
.
Mais surtout, le projet de loi
prévoit que lorsque la notification faite à l'étranger
mentionne que le procureur de la République a été
informé dans les meilleurs délais de la décision de
placement en zone d'attente, cette mention fait foi, sauf preuve contraire, de
l'information des date et heure de la notification.
En effet, l'absence de
preuve de l'information du parquet est fréquemment invoquée
devant le JLD. Le TGI de Bobigny retient dans certaines décisions le non
horodatage de l'avis au Parquet pour refuser le maintien en zone d'attente. Ce
sera désormais à l'étranger de prouver que le parquet n'a
pas été informé.
Votre commission vous soumet un amendement rédactionnel
précisant que la mention sur la notification à l'étranger
de l'information du procureur de la République fait foi, sauf preuve
contraire de la notification «
au procureur de la
République
».
Par ailleurs, le projet de loi confère, comme pour la rétention
administrative
190(
*
)
, un
caractère suspensif à l'appel
. Lorsque le ministère
public, qui interjette appel sans délai, demande le caractère
suspensif de l'appel, le président de la cour d'appel ou son
délégué décide sans délai s'il y a lieu de
conférer un effet suspensif à l'appel. Il apprécie la
demande en fonction des garanties de représentation dont dispose
l'étranger et rend une ordonnance motivée rendue
contradictoirement non susceptible de recours. L'étranger est maintenu
à la disposition de la justice jusqu'à ce que cette ordonnance
soit rendue et, si elle donne un effet suspensif à l'appel du
ministère public, jusqu'à ce qu'il soit statué sur le
fond. Un amendement de l'Assemblée nationale a limité au
ministère public la faculté de demander la caractère
suspensif de l'appel. Le projet de loi initial permettait au
représentant de l'administration et à l'intéressé
de faire une telle demande.
De la même manière que pour la rétention administrative
à l'article 33 du projet de loi,
votre commission vous soumet un
amendement
tendant à maintenir l'étranger à la
disposition de la justice pendant quatre heures après la notification de
l'ordonnance du juge des libertés et de la détention en
première instance. Ce dispositif s'inspire du
référé-détention prévu aux articles 148-1-1
et 187-3 du code de procédure pénale insérés par la
loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice.
Un autre amendement
complète ce dispositif en précisant
que le ministère public dispose de quatre heures pour interjeter appel
et demander le caractère suspensif de celui-ci.
Enfin, un amendement de l'Assemblée nationale, à l'initiative du
rapporteur M. Thierry Mariani, complète par un nouvel alinéa le
IV de l'article 35
quater
et prévoit que
lorsqu'un
étranger non admis dépose une demande d'asile dans les quatre
derniers jours de la durée légale de son maintien en zone
d'attente, celle-ci sera prorogée d'office de quatre jours à
partir du dépôt de la demande d'asile par simple décision
du chef du service de la police nationale ou des douanes, chargés du
contrôle aux frontières, ou d'un fonctionnaire
désigné par lui.
Cette prorogation respecte la condition de
temps strictement nécessaire à l'éloignement de
l'étranger. La demande d'asile de l'étranger requiert
mécaniquement un peu plus de temps pour mener à bien, dans le cas
où cette demande a été jugée manifestement
infondée, le rapatriement.
Votre commission vous soumet un amendement supprimant la décision
écrite du chef de service chargé du contrôle aux
frontières.
La prorogation étant d'office, cette
décision n'est pas nécessaire. Il précise également
que le juge des libertés et de la détention est
immédiatement informé de cette prorogation.
S'adapter à des flux massifs
L'engorgement du TGI de Bobigny illustre le changement d'échelle
intervenu depuis quelques années. L'explosion du contentieux du 35
quater
et ses implications matérielles requièrent des
réponses adaptées.
En premier lieu, le projet de loi modifie le II de l'article 35
quater
pour actualiser le grade des fonctionnaires habilités
à prononcer le maintien en zone d'attente.
Dans le droit actuel,
seul le chef du service de la police nationale chargé du contrôle
aux frontières ou un fonctionnaire désigné par lui,
titulaire au moins du grade d'inspecteur peut prononcer le maintien en zone
d'attente. Le projet de loi étend au grade de brigadier cette
délégation, tenant compte de la réforme des corps de la
police nationale engagée par la loi n°95-73 du 21 janvier 1995
d'orientation et de programmation pour la sécurité. Ces
brigadiers peuvent être officiers de police judiciaire. Le texte
précise également que la décision de maintien peut
être prise par le chef du service des douanes chargé du
contrôle aux frontières ou un fonctionnaire désigné
par lui titulaire au moins du grade de contrôleur. Cela devrait permettre
d'augmenter le nombre de fonctionnaires habilités à maintenir en
zone d'attente et de répondre ainsi à l'augmentation des flux
.
On relèvera aussi que ce sont les mêmes fonctionnaires qui sont
habilités à refuser l'entrée sur le territoire
français
191(
*
)
et
à prononcer le maintien en zone d'attente. La chaîne
décisionnelle est cohérente.
En deuxième lieu,
l'assistance de l'interprète peut se faire
par l'intermédiaire de moyens de télécommunication
en
vertu de l'article 34
bis
du projet de loi. L'arrivée de nombreux
étrangers dont on ne peut anticiper ni l'origine, ni la langue, rend
nécessaire de pouvoir faire appel rapidement à un
interprète par téléphone.
En dernier lieu, le projet de loi modifie le III de l'article 35
quater
de l'ordonnance du 2 novembre 1945 qui prévoit actuellement que le JLD
statue au siège du tribunal de grande instance.
L'ordonnance permet
déjà, depuis la loi n° 92-625 du 6 juillet 1992, que le juge
statue dans une salle d'audience spécialement aménagée sur
l'emprise ferroviaire, portuaire ou aéroportuaire
. Cette
dernière disposition n'a jamais été mise en oeuvre, faute
de décret en Conseil d'Etat.
Le projet de loi vise donc à
rendre obligatoire la tenue des audiences dans ces salles dès lors qu'il
en existe une à proximité de la zone d'attente. Le juge doit y
statuer.
L'effet immédiat de cette disposition sera de
délocaliser les audiences de Bobigny à Roissy. L'Assemblée
nationale a préservé la possibilité de tenir,
concomitamment aux audiences de maintien en zone d'attente dans la salle
spécialement aménagée, une seconde audience au
siège du TGI si l'importance quantitative du contentieux le demande.
La possibilité de délocaliser les audiences est ancienne. Elle
présente un intérêt particulier à proximité
des zones d'attente importantes, Roissy étant le cas le plus
éclairant. Près de la zone d'attente de Roissy a
été construite dans le courant de l'année 2001 une salle
d'audience.
Une telle salle offre plusieurs avantages :
-
elle permet une gestion plus rationnelle des effectifs de police
chargés de transférer les étrangers de la zone d'attente
au TGI
. Selon l'étude d'impact du projet de loi, chaque audience au
tribunal mobilise en moyenne
soixante fonctionnaires par jour
pour
assurer les escortes ;
-
elle améliore les conditions de vie des étrangers en zone
d'attente
. Actuellement, les étrangers doivent se lever très
tôt pour être présents à une audience le matin. Si
l'audience prend du retard, ils ne passent devant le juge que
l'après-midi et, dans tous les cas, ils ne rejoignent la zone d'attente
qu'une fois l'audience terminée pour tous les étrangers. Au
tribunal, les conditions d'attente ou de restauration sont médiocres. A
l'inverse, si la salle d'audience est à proximité
immédiate de la zone d'attente, les étrangers, parfois en
famille, ne quittent la zone que le temps de l'audience.
Votre rapporteur a pu visiter au cours de ses déplacements la salle
d'audience à Roissy et assister à des audiences au titre du 35
quater
au TGI de Bobigny.
La salle offre des conditions de travail
excellentes
. De larges espaces sont aménagés pour les
avocats, les greffiers et les juges. Sans doute la signalisation de la salle
est-elle imparfaite ainsi que son accessibilité. Mais quelques travaux
devraient y pourvoir facilement. Votre rapporteur a également
constaté l'extrême tension des audiences au TGI de Bobigny et
l'étroitesse des lieux. Il semble peu contestable que les conditions
matérielles seraient meilleures pour tous à Roissy.
Toutefois, la délocalisation des audiences en dehors du Palais de
justice a soulevé certaines oppositions motivées à la fois
par des questions de principe et des interrogations quant à
l'organisation pratique de cette délocalisation.
Or, la délocalisation des audiences existe déjà dans le
cadre
des audiences foraines
tel que le prévoit l'article
L.7-10-1-1 du code l'organisation judiciaire.
Le fait que la salle soit dans ou attenante à la zone d'attente, qui
appartient au ministère de l'Intérieur, ne suffit pas à
lui seul à remettre en cause l'indépendance des juges.
En premier lieu, le terrain et les murs pourront être
transférés au ministère de la Justice. A cet égard,
votre commission vous soumet un amendement indiquant que la salle d'audience
doit être affectée au ministère de la justice. En second
lieu, on remarquera que des bâtiments ne relevant pas du ministère
de la Justice accueillent des tribunaux, notamment les mairies. Il n'y a pas
là pour autant atteinte à l'indépendance des juges.
Une
réflexion pourrait cependant s'engager utilement sur la façon de
mieux différencier la salle de la zone d'attente en jouant sur
l'architecture et la signalisation. Si d'autres salles en dehors de celle de
Roissy venaient à être construites, le souci de
différencier nettement la salle des autres constructions devrait
être présent dès la conception du projet.
Concernant l'organisation de cette délocalisation, il est certain que
des moyens particuliers devront être déployés. Votre
rapporteur souligne, à cet égard, la nécessité d'un
système de taxis ou de navettes performant entre le TGI et la salle
afin d'assurer le transport des juges, des avocats, des greffiers et autres
auxiliaires de justice comme les interprètes mais aussi celui des
dossiers dans des conditions de sécurité optimales.
Le ministre de l'intérieur, lors de son audition par la commission, a
apporté des garanties allant en ce sens.
On notera pour terminer que le projet de loi permet
la tenue des audiences
par visio-conférence
192(
*
)
.
Enfin, votre commission vous soumet un amendement rédactionnel.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 34
ainsi
modifié.