2. Une réforme des cotisations patronales qui reste à définir
Comme le
soulignait notre collègue Alain Gournac dans son rapport
11(
*
)
sur la proposition de loi
n° 372 tendant à alléger les charges sur les bas
salaires :
" l'allégement des charges sur les bas
salaires doit être considéré comme un dispositif d'urgence,
il ne se substitue pas à une réflexion sur les moyens d'une
réforme des cotisations patronales "
.
Un rapport a été établi au printemps 1997 par M.
Jean-François Chadelat préconisant la prise en compte de la
valeur ajoutée dans le calcul des cotisations patronales. Les
réactions ont été vives de la part des chefs d'entreprises
qui ont souligné qu'une telle modification reviendrait à
pénaliser les entreprises les plus exposées à la
concurrence internationale et les plus innovantes.
Avantages, inconvénients et difficultés d'une cotisation
assise sur la valeur ajoutée
Avantages
-
progression identique au PIB marchand, par définition
(PIB marchand = somme des valeurs ajoutées)
- ralentissement de la substitution du capital au travail
Inconvénients
-
défavorable à l'investissement
- défavorable à l'esprit d'entreprise
- risques de délocalisation (rapport La Martinière, p.46-47)
Difficultés
-
définition de la valeur ajoutée
- organisme de recouvrement (URSSAF ou administration fiscale)
- déclarations particulières
- possibilités de manipulation avantageuse des déclarations
- inadaptation de la nouvelle assiette aux administrations publiques, aux
associations,
aux emplois familiaux, aux entreprises agricoles et aux entreprises ayant une
valeur
ajoutée inférieure à 3 millions de francs
Afin de faire progresser le débat, le Premier ministre a souhaité
disposer de nouveaux éléments et a demandé un autre
rapport à M. Edmond Malinvaud.
Celui-ci a conclu que les réformes de la fiscalité et de la
parafiscalité qui concerneraient indistinctement toutes les
qualifications auraient beaucoup moins d'effet sur le coût réel du
travail que leurs impacts directs conduisaient à le faire penser. Il a
estimé que tout mode de financement avait finalement pour effet de faire
payer par le travail le coût de la protection sociale. Il a
considéré que le choix d'une assiette assise sur la valeur
ajoutée constituerait un " pari risqué " qui pourrait
se traduire par une moindre prise de risque pour les entreprises innovatrices,
ceci pour un gain assez faible en termes d'emplois.
M. Edmond Malinvaud a fait part de sa préférence pour une
baisse des cotisations patronales portant sur les seuls bas salaires et pouvant
s'appliquer aux salaires jusqu'à deux fois le SMIC (à comparer
avec le seuil de 1,30 dans le cadre de la ristourne dégressive
actuelle).
Les conclusions du rapport Malinvaud ont mis le gouvernement dans l'embarras.
Le programme du parti socialiste pour les élections législatives
ne promettait-il pas une
" modification progressive de l'assiette d'une
partie des cotisations patronales les faisant reposer sur l'ensemble de la
richesse produite par les entreprises et non sur le seul
travail "
12(
*
)
?
Une partie de la majorité reste d'ailleurs acquise
13(
*
)
à une telle réforme
alors qu'il est maintenant démontré qu'elle pourrait avoir des
conséquences dommageables sur la croissance et donc sur l'emploi.
Mme Martine Aubry, ministre de l'Emploi avait déclaré
14(
*
)
au printemps souhaiter une
réforme dès l'automne à l'occasion de l'examen du projet
de loi de financement de la sécurité sociale. Les incertitudes
sur le contenu de la réforme ont amené le Premier ministre
à arbitrer en faveur d'une baisse de la part salariale de la taxe
professionnelle.
Il reste que les partenaires sociaux ont été consultés sur
un projet de réforme prévoyant un abattement dégressif sur
les salaires jusqu'à 15.000 à 16.000 francs, l'allégement
étant particulièrement significatif jusqu'à 1,8 fois le
SMIC. Cette mesure serait financée par les 43 milliards de francs
de la ristourne dégressive, par un surcroît de cotisations sur les
salaires supérieurs à 15 ou 16000 francs et par d'autres recettes
encore à déterminer.
La perspective d'une augmentation des prélèvements sur les
revenus des cadres moyens et supérieurs a de quoi faire
réfléchir. Des économies sur les budgets de l'Etat et de
la sécurité sociale ne pourraient-elles pas pourvoir au
financement d'une telle réforme ? Faut-il rappeler que le travail
qualifié est de plus en plus mobile dans un espace européen
unifié et qu'il est adverse à des augmentations des
prélèvements obligatoires ?
Le report de la réforme des cotisations patronales illustre parfaitement
l'état d'inaboutissement de la réflexion sur le sujet
malgré le nombre considérable de rapports publiés sur la
question.
La réforme des cotisations patronales : une longue série de rapports
1974
Rapport de Léon Boutbien, (Conseil économique et social)
1975 Rapport de la commission Granger (ministère du travail)
1976 Rapport du comité des revenus et des transferts du VIIème
Plan
1978 Rapport Ripert (Commissariat Général du Plan)
1981 Rapport Maillet (Direction de la Sécurité sociale)
1982 Rapport de Castries (Inspection générale des finances)
1982 Rapport Peskine (ministère de la solidarité nationale)
1983 Rapport Bazy-Malaury et Buisson de Courson
1994 Rapport Foucault (Commissariat général du Plan)
1996 Rapport du groupe de travail sur la réforme des
prélèvements obligatoires (rapport La Martinière)
1997 Rapport de M. Jean-François Chadelat
1998 Rapport de M. Edmond Malinvaud
Par ailleurs, il est à noter, comme le souligne M. Charles Descours
dans son rapport
15(
*
)
sur le
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 que
le rapport Malinvaud n'aborde qu'accessoirement le problème du
financement de la protection sociale. Or, il est aujourd'hui acquis qu'il ne
peut y avoir de réforme des modalités de financement de la
sécurité sociale sans une réflexion conjointe sur les
prélèvements sur les ménages et les entreprises, d'une
part, et sur la cohérence et la pérennité des sources de
financement de la sécurité sociale, d'autre part.