III. LE PLAN EMPLOIS-JEUNES APPARAÎT COMME UN EXPÉDIENT FACE AU DÉFI DU CHÔMAGE DES JEUNES
Un peu plus d'un an après le vote de la loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes, vos rapporteurs ont souhaité procéder, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances, à un examen approfondi de la mise en oeuvre de ce dispositif.
A. LE DISPOSITIF EMPLOIS-JEUNES A PERDU EN VISIBILITÉ CE QU'IL A GAGNÉ EN GÉNÉRALITÉ
1. Un dispositif dévoyé par rapport à ses objectifs premiers
a) La logique originelle du projet de loi
L'exposé des motifs du projet de loi
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)
assignait deux objectifs au
dispositif :
" répondre à des besoins
émergents ou non satisfaits par la
création d'activités
d'utilité sociale, culturelle, sportive, d'environnement, de
proximité
"
et
" créer 350.000 emplois
permettant aux jeunes de rentrer durablement dans la vie active en faisant
d'eux de véritables
agents du développement
économique
"
.
L'aide devait s'inscrire
" dans une
logique de financement
forfaitaire d'activités et non de contrats d'emplois aidés ou de
dispositifs d'insertion de publics
"
; elle devait reposer
" sur une logique nouvelle d'appels à projets appuyés par
des aides à l'ingénierie "
. Le programme était
censé miser
" sur la responsabilité d'acteurs locaux,
collectivités locales, associations, établissements publics, pour
faire émerger des
projets par bassin d'emplois
, la
responsabilité des jeunes qui auront les
droits et devoirs de tout
salarié
, la responsabilité des employeurs qui les recrutent
et permettent leur
professionnalisation
"
.
Le projet de loi, tel qu'il avait été déposé
à l'Assemblée nationale, ne prévoyait pas la
possibilité d'emplois-jeunes à l'Education nationale,
l'exposé des motifs précisait explicitement que les services de
l'Etat comme les entreprises du secteur privé concurrentiel ne pouvaient
y prétendre. La seule exception était constituée par les
adjoints de sécurité dont le principe était posé
par l'article 2 du projet de loi.
b) La conformation insolite du dispositif voté
Le champ
d'application du dispositif a évolué formellement lors de
l'examen du texte à l'Assemblée nationale puisque les
activités éducatives ont été expressément
mentionnées. Par ailleurs, il a été
considéré que les collèges et lycées ayant la
qualité d'établissement public ne constituaient pas des
" services de l'Etat ". On observe que la pirouette, d'ordre
juridique, avait surtout pour objet de couvrir le changement d'orientation du
dispositif.
L'extension du plan emploi-jeunes à l'Administration a perturbé
la logique du dispositif. Par ailleurs, les entreprises publiques ont
été " sollicitées " pour accueillir des
emplois-jeunes, ceci en contradiction avec l'esprit du texte qui proscrivait
l'extension du plan au secteur concurrentiel.
Dans ces conditions, on peut considérer qu'il existe aujourd'hui,
derrière une même appellation générique et
médiatique, plusieurs dispositifs emplois-jeunes :
1) le premier dispositif, le plus proche du projet originel, concerne les
activités émergentes
qui ont vocation à être
pérennisées et " solvabilisées ". Les
associations sont en pointe sur ce créneau, la RATP et les organismes
HLM mènent, avec une réussite inégale, des
expériences en ce sens. Ces emplois, auxquels devait s'identifier le
plan emplois-jeunes, sont marginaux dans le total des emplois
créés ; ils apparaissent de plus en plus comme des faire-valoir.
Seule cette catégorie d'emplois-jeunes peut participer au
développement économique tel qu'il était
évoqué dans l'exposé des motifs du projet de loi.
2) le second dispositif est constitué par les emplois-jeunes qui
occupent des emplois déjà existants ou viennent renforcer les
effectifs. Le plan prend alors la forme d'un
programme d'emplois
aidés
. C'est largement le cas des emplois-jeunes créés
à l'Education nationale, à la SNCF, à la Poste ou pour
partie dans le secteur sanitaire et social. Dans ce cas, l'objectif premier
consiste pour le Gouvernement à faire baisser le taux de chômage
des jeunes en subventionnant des emplois ; l'employeur, quant à
lui, tire bénéfice de l'effet d'aubaine que peut constituer une
subvention égale à 80 % du SMIC. Lorsque l'employeur est
l'Etat, le dispositif prend la forme d'une " sous-fonction publique ".
3) la troisième forme que peut revêtir le plan emplois-jeunes
est celle d'un
dispositif d'insertion de publics spécifiques
.
C'est le cas pour le quota d'adjoints de sécurité attribué
aux " jeunes de banlieue ". C'est aussi le cas pour certains jeunes
peu diplômés recrutés par la RATP ou la SNCF. L'entreprise
accepte de prendre le risque d'un échec étant donné la
prime qui lui est proposée. Cette catégorie d'emplois-jeunes
s'inscrit dans la logique des politiques de la ville de " discrimination
positive ".
4) enfin, le dispositif peut prendre la forme d'une
voie
d'entrée dans l'administration
par la petite porte. C'est le cas des
adjoints de sécurité qui devraient bénéficier de
places dans le cadre des concours internes de gardiens de la paix.
Ces premières conclusions confirment assez largement les craintes
exprimées par la commission des Affaires sociales lors de la discussion
du texte :
le plan emplois-jeunes ne constitue pas une politique mais
une boîte à outils pour faire baisser le taux de chômage des
jeunes sans aucune vision globale de long terme, à la différence
d'autres dispositifs comme l'apprentissage et l'alternance dont il freine par
ailleurs le développement.