B. LES PRINCIPALES ORIENTATIONS
1. Les recettes
Le financement du budget annexe de l'aviation civile est en crise : la multiplication des contentieux, ces dernière années, -qui a amené le Sénat, il y a peu, à devoir valider certaines redevances illégalement perçues 1( * ) -, révèle la fragilité des recettes du budget annexe. En effet, d'une part un budget annexe ne doit être financé que de façon réduite par des ressources fiscales et, doit faire appel, pour l'essentiel, à des redevances ; d'autre part, les redevances doivent être la contrepartie directe et proportionnelle d'un service rendu aux usagers. Ces principes se sont peu à peu érodés.
a) Le projet de loi de finances dans sa version initiale
La
subvention de l'Etat
se maintient, pour la 3ème année
consécutive, à
215 millions de francs
, ce qui, en
termes réels, traduit en réalité
un nouveau
désengagement de ce dernier
et un nouveau déplacement de
l'équilibre entre contribuable national et contribuable
" spécialisé ", au détriment de ce dernier.
Dans ces conditions, avec un recours à l'emprunt en diminution
(- 20,4 %), l'augmentation des recettes du budget annexe pèse
exclusivement sur les compagnies aériennes et les passagers, par le
biais des
redevances et taxes.
La répartition des recettes est
donnée ci-dessous :
-
la redevance de route
, due par les compagnies
empruntant l'espace aérien français, devrait voir son produit
s'établir à
4.985 millions de francs
en 1999, contre
4.759 millions de francs en 1998, soit une
augmentation de
4,75 % ;
-
la redevance pour services terminaux de la circulation
aérienne
(RSTCA), due par les compagnies au titre d'un atterrissage
et d'un décollage jusqu'à une distance de 20 km autour des
aérodromes, s'établit, dans le projet initial, à
1.128 millions de francs
2(
*
)
,
soit une
augmentation de
0,62 % ;
-
la taxe de sécurité et de sûreté
(TSS)
venait, quant à elle, s'établir dans le projet initial à
1.279,5 millions de francs, en
hausse de 8,17 %.
Les taux de
la TSS étaient maintenus, dans le projet de loi de finances, à
leur niveau de 1998, soit 20 F par passager embarqué à
destination d'un Etat-membre de l'Union européenne et 35 F par
passager pour les autres destinations.
Mais le Gouvernement a déposé plusieurs amendements au projet
de loi de finances qui, adoptés par l'Assemblée nationale, ont
modifié les recettes du BAAC.
b) La refonte du mode de financement du budget annexe, adoptée par l'Assemblée nationale, ne doit pas porter atteinte aux missions d'aménagement du territoire
Comme
votre commission l'a déjà évoqué lors de la
discussion du rapport présenté par votre rapporteur pour avis sur
le projet de loi
3(
*
)
relatif
à certains services aéroportuaires, un arrêt du Conseil
d'Etat du 20 mai 1998
a remis en cause le régime actuel de
perception de la RSTCA.
Cet arrêt a, rappelons-le, une portée plus large que cette seule
redevance perçue par l'Etat. Il remet en effet en cause le mode de
financement de certaines missions exercées par les
exploitants
d'aérodromes,
concernant notamment les services de
sécurité-incendie-sauvetage sur les aéroports, la lutte
contre le péril aviaire, les dépenses de sûreté et
les dépenses liées aux contrôles environnementaux.
Le Gouvernement a donc proposé plusieurs amendements à la loi de
finances, afin de substituer
un financement par taxes
à l'actuel
financement par redevances des missions ci-dessus
énumérées.
Au-delà de la taxe d'aéroport destinée aux gestionnaires
d'aérodromes, les principaux changements adoptés par
l'Assemblée nationale ont les conséquences
schématisées ci-après pour les recettes du Budget annexe
et du Fonds de péréquation des transports
aériens :
DISPOSITIF ACTUEL |
|
AMENDEMENTS ADOPTÉS |
BUDGET ANNEXE
|
|
BUDGET ANNEXE
|
FONDS DE PÉRÉQUATION DU TRANSPORT AÉRIEN |
|
FONDS D'INTERVENTION POUR LES AÉROPORTS ET LE TRANSPORT AÉRIEN 4( * ) |
- Taxe de péréquation |
|
- suppression taxe de
péréquation,
|
La
taxe d'aviation civile
La taxe d'aviation civile
, instaurée, d'après l'amendement
n° 488 du Gouvernement adopté par l'Assemblée
nationale, au 1er janvier 1999 au profit de l'Etat, et due par les
compagnies aériennes, est destinée
à remplacer la taxe
de sécurité et de sûreté (TSS)
, prévue
à l'article 302 bis K du code général des impôts,
qui finance actuellement les missions régaliennes du budget annexe de
l'aviation civile, ainsi que la
taxe de péréquation du
transport aérien,
prévue à l'article 302 bis Z du
même code, qui alimente le fonds de péréquation des
transports aériens (FPTA) et permet de subventionner des liaisons
aériennes économiquement non rentables mais présentant un
intérêt pour l'aménagement du territoire.
La nouvelle taxe serait de
23 francs
pour les vols
intra-communautaires et
39 francs
pour les vols internationaux.
Rappelons que la TSS est, depuis le 1er janvier 1998, fixée
à respectivement 20 et 35 francs pour ces deux catégories de
vols, tandis que le montant de la taxe de péréquation est d'un
franc par passager.
Le produit de la taxe d'aviation civile serait affecté pour partie au
budget annexe et pour partie au nouveau fonds d'intervention, le FIATA.
La taxe d'aéroport
Pour remédier au problème réel du financement de certains
services aéroportuaires effectués par les
gestionnaires
d'aérodromes
, l'amendement n° 39 adopté au projet
de loi de finances par l'Assemblée nationale sur la proposition du
Gouvernement crée au bénéfice des exploitants
d'aérodromes une "
taxe d'aéroport
", qui
relève, d'après l'exposé des motifs de l'amendement, de la
catégorie des " impositions de toute nature ". Le Gouvernement
part du principe que les redevances aéroportuaires baisseraient à
due concurrence du produit de cette nouvelle taxe.
Le principe et le champ d'application
L'assiette
de la taxe d'aéroport est fonction, pour chaque
aéroport, du nombre de passagers embarqués.
Le taux
de cette taxe est défini pour chaque aéroport par
un arrêté
des ministres chargés du budget et de
l'aviation civile, suivant des critères posés par la loi de
finances :
- il est établi en fonction
du coût des
activités
de sécurité-incendie et de
sûreté correspondant aux normes internationales prévues en
la matière ;
- le taux se situe à
l'intérieur d'une fourchette
qui
est fonction du trafic de la plate-forme. Cinq classes d'aérodromes sont
ainsi définies :
CLASSE |
|
1 |
2 |
3 |
4 |
5 |
Trafic de la dernière année connue |
Minimum
|
10 000 001
|
4 000 001
|
400 001
|
50 0001
|
de 1.001
|
Tarif par passager |
Minimum
|
16 F
|
8 F
|
17 F
|
32 F
|
65 F
|
Votre
commission remarque d'emblée que cette démarche de tarification
au plus près des coûts est très pénalisante pour les
petites plates-formes. Elle aura l'occasion de revenir sur les vives
réserves que lui inspire ce dispositif.
La date d'entrée en vigueur
est fixée au
1er avril 1999.
Pour le champ d'application,
deux incertitudes demeurent quant à
l'application de ces taxes d'aéroport :
- son application aux TOM nécessitera une
délibération de leurs assemblées ;
- le statut particulier de l'aéroport de Bâle-Mulhouse, qui
relève d'une convention Franco-Suisse, nécessite un accord
international pour assujettir à la taxe le passager embarqué en
provenance de Suisse.
Le Gouvernement propose donc de financer transitoirement, en 1999, ces
plates-formes au moyen du nouveau fonds d'intervention pour les
aéroports et le transport aérien (FIATA).
L'impérieuse nécessité de veiller à la
compétitivité des plus petites les plates-formes,
nécessaires à l'aménagement du territoire.
Au-delà des problèmes éventuels de conformité de la
taxe d'aéroport aux dispositions de l'ordonnance organique de 1959
relative aux lois de finances, votre commission s'inquiète des
conséquences pratiques de cette nouvelle imposition.
Les fourchettes de taux retenues pour les cinq classes d'aéroport sont
en effet très progressives, le tarif de la taxe d'aéroport par
passager pouvant aller
jusqu'à 99 francs pour une petite
plate-forme aéroportuaire de classe 5
, à plus faible
trafic, alors qu'il serait inférieur à 20 francs pour les
plus gros aéroports.
Comme elle l'a déjà indiqué, votre commission estime
que le choix d'établir la taxe d'aéroport en fonction de la
réalité des coûts de chaque plate-forme est très
pénalisant pour les aéroports connaissant un faible trafic.
Comment souscrire à un dispositif si manifestement contraire à
l'aménagement du territoire ?
Le Gouvernement a beau jeu d'indiquer que les coûts sont
inférieurs aux coûts réels
que peuvent occasionner
ces activités sur les petites plates-formes, qui peuvent s'élever
jusqu'à 600 francs par passager (surtout pour les aéroports
connaissant le trafic le plus faible), alors que la taxe serait limitée
à 99 francs au plus. La péréquation
opérée, de 15 millions de francs en 1999, serait à
son sens suffisante, alors qu'elle ne représenterait qu'environ
1,5 % du total de la taxe ! Cette argumentation n'est pas
recevable pour votre commission, alors qu'il y va de la survie des petits
aéroports. Cet amendement équivaut, à son sens, à
une restructuration inavouée du réseau aéroportuaire
français et à une concentration du trafic sur les gros et moyens
aéroports.
Comment penser qu'on puisse taxer de près de 100 francs un
passager aérien au motif qu'il habite dans une zone relativement
isolée du territoire ! Au-delà même de l'aménagement
du territoire, c'est la conception républicaine de
l'égalité qui est en jeu !
Ainsi, au motif que le coût unitaire de la sûreté et de la
sécurité des passagers est plus élevé sur les
petits aéroports que sur les grands, les usagers du transport
aérien pourraient -pour des prestations identiques- y payer
une taxe douze fois plus élevée ! Et il ne s'agirait
pas là de quelques cas isolés : ce sont potentiellement
30 aéroports qui seraient concernés par le taux le plus
élevé (99 francs)
, qui sont, par ordre de trafic
décroissant :
Cherbourg, Agen, Castres, Bergerac, Aurillac,
Carcassonne, Tours, Epinal, Ouessant, Cannes, Roanne, Le Puy, Dole, Lyon-Bron,
La Mole, Le Touquet, Nancy, Saint-Nazaire, Valence, Châteauroux,
Montluçon, Colmar, Cognac, Laval, Troyes, Valenciennes, Gap, Calais,
Morlaix
et
Orléans
.
Ce système semble en outre remettre en cause, dans certains cas,
l'économie actuelle de certains aéroports, qui
bénéficient d'ailleurs parfois de subventions d'équilibre
des collectivités locales. Avec l'amendement adopté par
l'Assemblée, chaque plate-forme sera " tenue " de percevoir
une taxe fixée au niveau national et certaines ne pourront baisser leurs
redevances à due concurrence, ces dernières étant parfois
d'un montant inférieur (on pense notamment aux aéroports de moins
de 100.000 passagers par an) à l'hypothèse basse du produit
de la future taxe d'aéroport.
Au cas où de telles dispositions seraient retenues, votre rapporteur
pour avis estime qu'il conviendrait qu'elles soient modifiées pour
intégrer ces préoccupations.
2. Les dépenses
a) Le personnel, premier poste de dépense, fortement évolutif
Le
budget annexe est, pour moitié, un budget de rémunérations.
Les dépenses de personnel, qui représentent
4.199
millions de francs, soit 48 % du total du budget
annexe, augmentent de 5,2 % par rapport à 1998
, après
une augmentation de 6 % l'an passé. Au total, ce poste aura cru de
26,8 % depuis 1995.
Ce chiffre ne paraît pas cohérent
avec l'impératif de maîtrise de la dépense publique.
Une partie de cette augmentation (+2,4 %) résulte des engagements
pris dans le passé (incidence en année pleine de la
revalorisation 1998 du point de fonction publique, revalorisation de 1,3 %
en 1999, application du " protocole Durafour " à certains
corps, application de l'accord salarial fonction publique...). Le nouveau
protocole d'accord conclu le 3 novembre 1997 entre le ministère de
l'Equipement et les organisations syndicales représentatives, et qui
couvre la période 1999-2001, produit lui aussi ses effets. Ce sont
principalement la revalorisation des rémunérations et, dans une
moindre mesure, l'accroissement des effectifs, qui expliquent ce gonflement
budgétaire.
b) Les dépenses d'investissement
les
dépenses d'investissement s'établissent à
1.683 millions de francs (- 11,6 %). Elles sont
en baisse de
9,8 %
, si l'on excepte les crédits de construction du nouveau
siège de la DGAC en autorisations de programme, et de
8 %
en
crédits de paiement.
- Navigation aérienne
Les crédits d'investissement sont en baisse, tant en autorisations de
programme (AP) (de 1300 millions de francs à
1.155,5 millions
entre les lois de finances initiales pour 1998 et
1999, soit une
baisse de 11,1 %)
qu'en crédits de paiement
(CP) (
1.195,5 millions de francs, en baisse de 12,7 %).
En
5 ans, si les crédits de la navigation aérienne auront cru
de 23,2 %, c'est principalement sous l'effet de la hausse des
crédits de fonctionnement (+ 29 %)
qui représentent
désormais 78,1 % du total de cet agrégat.
- Bases aériennes
Si l'on exclut le solde des crédits affectés à la
construction du nouveau siège de la DGAC inscrit au budget
(51,8 millions de francs de CP), on observe
une baisse de l'enveloppe
demandée
pour les autorisations de programme (-9,7 % pour un
montant de crédits demandés de 350 millions de francs) et
une hausse des crédits de paiement (+ 4,3 %, soit
368,3 millions de CP).
Ces crédits qui sont destinés aux infrastructures
aéroportuaires incluent des
mesures de sûreté
qui
comportent, pour une mise en service avant l'an 2000 :
- la généralisation de la mise en sécurité de
l'accès aux zones réservées sur les 34 plus grands
aéroports ;
- la modernisation du contrôle des bagages de soute, avec un
objectif de fin d'équipement des aérogares en 2002.
Toutefois, alors que le coût de ces équipements de
sûreté est considérable, les moyens d'investissements
consacrés à cette fonction sont en simple stagnation.
c) Présentation par agrégats fonctionnels du budget annexe
La
présentation du budget annexe par " agrégats ", incluse
dans le projet de loi de finances, permet, en récapitulant et ventilant
par fonction les crédits figurant aux articles budgétaires,
d'établir
les dépenses des différentes fonctions de la
DGAC
.
Les graphiques suivants permettent de visualiser leur part relative dans le
budget annexe, qu'il s'agisse des dépenses d'exploitation ou des
dépenses en capital :