ALLEMAGNE
La
prostitution ne constitue pas en soi une infraction, mais toute organisation de
la profession se heurte aux dispositions du code pénal condamnant le
proxénétisme
.
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1) Le régime pénal
a) La prostitution
L'exercice de la prostitution n'est pas
répréhensible en soi, mais certaines formes de prostitution sont
condamnées
, non seulement par le code pénal mais aussi par
d'autres textes.
Les articles 184a et 184b du code pénal
condamnent
respectivement :
- l'exercice de la prostitution à proximité des écoles ou
d'autres endroits destinés à être fréquentés
par des
mineurs
;
- le fait de contrevenir de façon persistante à des
interdictions locales
d'exercer la prostitution dans certains lieux ou
à certains moments de la journée. La peine maximale encourue
consiste en un emprisonnement de six mois.
En effet,
la loi d'introduction au code pénal
laisse aux
Länder
la possibilité d'interdire l'exercice de la
prostitution à certains moments de la journée ou dans certains
endroits, dans certaines rues d'une commune donnée, voire sur la
totalité du territoire des communes de moins de
50 000 habitants, ce qui signifie que les communes de plus de
50 000 habitants ont l'obligation d'autoriser la prostitution dans
certains quartiers.
En revanche, la même loi proscrit, quelle que soit la taille de la
commune, le fait de circonscrire l'exercice de la prostitution à
certaines rues ou à certains immeubles.
Tous les
Länder
, sauf celui de Berlin, ont utilisé la
possibilité que leur offre la loi d'interdire l'exercice de la
prostitution dans certains lieux. Il existe donc de telles interdictions dans
la plupart des grandes villes.
La
loi sur les " infractions administratives
"
(1(
*
))
(
Ordnungswidrigkeiten
)
sanctionne :
- les contraventions aux interdictions locales ;
- le racolage lorsqu'il est susceptible d'importuner les passants. Le racolage
est passible d'une amende d'au plus 1 000 DEM (soit environ
3 400 FRF).
b) Le proxénétisme
Le
code pénal condamne explicitement plusieurs formes de
proxénétisme
.
L'article 181a sanctionne le proxénétisme de
façon générale
:
"
(1) Est puni d'un emprisonnement de six mois à
cinq ans, celui qui :
" 1. exploite une personne qui se livre à la prostitution ;
" 2. pour en tirer profit, surveille une personne dans l'exercice de la
prostitution, détermine le lieu, le moment, l'étendue ou tout
autre élément de cette activité, ou prend des mesures pour
empêcher cette personne d'abandonner la prostitution ;
et entretient à cet égard avec cette personne des relations non
occasionnelles.
" (2) Est puni d'un emprisonnement pouvant atteindre trois ans ou d'une
amende celui qui, à titre professionnel et en s'entremettant dans la
perspective de relations sexuelles, incite une personne à la
prostitution et entretient à cet égard avec cette personne des
relations non occasionnelles.
" (3) Est également puni des peines prévues aux alinéas 1
et 2, celui qui se livre sur son conjoint aux actes mentionnés à
l'alinéa 1, n°
s
1 et 2, ou l'incite à ceux
décrits à l'alinéa 2.
"
L'article 180b
du code pénal condamne
l'exploitation d'une
personne en situation de faiblesse :
"
(1) Celui qui, pour en tirer profit et connaissant sa situation de
détresse, influence une personne afin de la décider à
commencer ou à poursuivre la prostitution est puni d'un emprisonnement
pouvant atteindre cinq ans ou d'une amende. Est sanctionné de la
même façon celui qui, pour en tirer profit et connaissant la
situation de détresse consécutive à son séjour dans
un pays étranger, amène une personne à se livrer à
des actes sexuels sur ou devant un tiers ou à laisser un tiers se livrer
à des actes sexuels sur elle.
" (2) Est puni d'un emprisonnement de six mois à dix ans celui
qui influence une personne afin de la décider à commencer ou
à poursuivre la prostitution ou l'amène à commencer ou
à poursuivre cette activité :
"1. lorsqu'il connaît la situation de détresse consécutive
au séjour de cette personne dans un pays étranger ;
" 2. lorsque cette personne a moins de 21 ans.
" (3) Dans les cas visés à l'alinéa 2, la simple
tentative est punissable.
"
L'article 181 du même code
prévoit des
sanctions
plus sévères
lorsque le proxénétisme se double
de l'emploi de la
force
et de la
tromperie
:
"
(1) Est puni d'un emprisonnement de un à dix ans celui
qui :
" 1. par la violence, par la menace d'un préjudice important, ou par la
ruse, amène une personne à se livrer à la
prostitution ;
" 2. racole une personne par la ruse ou l'entraîne, contre sa
volonté, par la violence, par la menace d'un préjudice important
ou par la ruse, afin, et connaissant sa situation de détresse
consécutive à son séjour dans un pays étranger, de
l'amener à se livrer à des actes sexuels sur ou devant un tiers
ou de laisser un tiers se livrer à des actes sexuels sur elle ;
" 3. racole, à titre professionnel, une personne afin, et connaissant sa
situation de détresse consécutive à son séjour dans
un pays étranger, de la déterminer à commencer ou à
poursuivre la prostitution.
" (2) Dans les cas les moins graves, la peine de prison est comprise entre
six mois et cinq ans.
"
Sous la dénomination " incitation à la prostitution ",
l'
article
180a
du code pénal
condamne deux
formes de
proxénétisme hôtelier
. Il sanctionne le
fait d'exploiter ou de diriger un établissement dans lequel des
personnes se livrent à la prostitution :
- lorsque ces personnes sont maintenues dans une relation de dépendance
personnelle ou économique ;
- ou lorsque l'exercice de la prostitution est favorisé par des mesures
qui dépassent la simple mise à disposition d'un logement.
L'" incitation à la prostitution " est punie par un
emprisonnement d'au plus trois ans ou par une amende.
La jurisprudence interprète cet article de façon très
extensive : plusieurs jugements récents ont affirmé que le
fait de faire bénéficier les prostituées
d'équipements sanitaires de bonne qualité, voire de leur fournir
des préservatifs, constituait une forme d'" incitation à la
prostitution ".
c) L'achat de services sexuels
L'achat de services sexuels ne constitue pas une infraction . Cependant, le code pénal condamne le fait d'avoir des relations sexuelles avec des enfants de moins de 14 ans .
2) Le régime social
L'article 138 du code civil
prévoit la
nullité des actes juridiques qui
contreviennent aux bonnes
moeurs
, ce qui empêche les prostituées de conclure des
contrats avec leurs clients et d'être considérées comme des
prestataires de services exerçant une profession libérale.
Par ailleurs, le fait de favoriser les rapprochements entre clients et
prostituées et d'en tirer une rémunération est condamnable
au titre de l'article 181a du code pénal ou de l'article 180a
du même code, de sorte que les prostituées ne peuvent pas conclure
des contrats de travail avec les exploitants des établissements
spécialisés.
L'activité des prostituées n'a donc aucune base légale et
les prostituées ne peuvent jouir
d'aucune couverture sociale,
à moins de souscrire une assurance volontaire.
C'est pourquoi les Verts et le SPD ont déposé, respectivement en
novembre 1996 et en juin 1997, une proposition de loi visant à
reconnaître la validité des contrats passés entre les
prostituées et leurs clients
(2(
*
))
. La commission des femmes du Bundestag a
débattu publiquement de ces propositions de loi en janvier 1998. Elles
ont été repoussées en juin 1998.
3) Le régime fiscal
Le
règlement général sur les impôts
précise
que le fait générateur de l'impôt est indépendant de
la légalité de l'activité considérée ou du
fait qu'elle est contraire aux bonnes moeurs. La jurisprudence de la Cour
fédérale des finances est constante sur ce point.
En mai 2000, la
Cour constitutionnelle fédérale
a
réaffirmé cette position en rappelant que l'interdiction de
travailler qui s'applique à certains étrangers vaut en
particulier pour la prostitution, qu'elle qualifie d'" activité
rémunératrice ".
La prostitution justifie donc que celui qui l'exerce paie des
impôts :
l'impôt sur le revenu
au titre des
" revenus divers ", l'administration fiscale acceptant la
déduction des frais professionnels (cosmétiques, frais de
transport, petites annonces, loyers...) sur présentation de
justificatifs, ainsi que
la TVA
au taux de 15 %,
c'est-à-dire au taux normal, avec possibilité de
récupérer celle qui a été payée sur les
dépenses.