NOTE DE SYNTHESE
La
présente étude analyse le régime juridique de la
prostitution féminine dans plusieurs pays européens,
l'Allemagne, l'Angleterre et le Pays de Galles, la Belgique, le Danemark,
l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas et la Suède.
Trois
aspects ont été
retenus
: les
dispositions pénales, fiscales et sociales applicables à la
prostitution féminine. En revanche, les mesures particulières
relatives à la prostitution enfantine n'ont pas été prises
en compte.
Cet examen permet de mettre en évidence que :
- dans aucun des pays étudiés, l'exercice individuel de la
prostitution ne constitue une infraction ;
- à l'exception de l'Espagne et des Pays-Bas, tous les pays condamnent
toutes les formes de proxénétisme ;
- la Suède est le seul pays où l'achat de services sexuels soit
prohibé en toutes circonstances ;
- dans tous les pays sauf aux Pays-Bas, l'absence de reconnaissance juridique
de la profession empêche les prostituées de disposer d'une
couverture sociale complète ;
- sauf en Espagne, les revenus des prostituées sont imposables.
1) Dans aucun des pays étudiés, l'exercice individuel de la
prostitution ne constitue une infraction
Le dernier pays qui a abrogé les dispositions du code pénal
condamnant l'exercice individuel de la prostitution est le Danemark
. En
effet, la loi danoise du 17 mars 1999 relative à la
dépénalisation de la prostitution, entrée en vigueur le
1
er
juillet de la même année, a supprimé un
article du code pénal, tombé en désuétude depuis
plusieurs années et en vertu duquel la police avait le devoir d'adresser
une injonction aux personnes qui ne subvenaient pas à leurs besoins de
façon licite. Or, la prostitution, au même titre que les jeux
d'argent ou le fait de se faire entretenir par une femme vivant de la
prostitution, était (et continue à être)
considérée comme une activité illégale.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi danoise, plus aucun des pays sous
revue ne punit l'exercice individuel de la prostitution, mais
la plupart des
pays étudiés
continuent à sanctionner certaines
formes de prostitution, notamment le racolage
. Cependant, en Espagne, aux
Pays-Bas et en Suède, cette infraction particulière n'existe pas.
2) A l'exception de l'Espagne et des Pays-Bas, tous les pays condamnent
toutes les formes de proxénétisme
Tous les autres pays étudiés condamnent explicitement le
proxénétisme sous toutes ses formes
: incitation
à la prostitution, exploitation d'une personne en situation de
faiblesse, proxénétisme hôtelier...
En revanche -et contrairement à celui de 1973-, le code pénal
espagnol de 1995 ne sanctionne pas le proxénétisme de
façon générale. Il punit seulement le fait de profiter de
certaines circonstances (âge, relation de supériorité...)
pour amener une personne à se prostituer.
De même, aux Pays-Bas, la loi du 28 octobre 1999, dite loi portant
suppression de l'interdiction générale des établissements
de prostitution, qui est entrée en vigueur le
1
er
octobre 2000, a abrogé l'article du code
pénal qui condamnait le proxénétisme de façon
générale. Elle a également introduit dans le code des
communes un nouvel article, qui permet au conseil municipal de fixer les
conditions relatives à l'exercice de la prostitution. Désormais,
le proxénétisme est légal, dans la mesure où la
prostitution est volontaire. Cette réforme a permis d'aligner le droit
sur le pratique, car, depuis de nombreuses années, aucune poursuite
n'était engagée contre les proxénètes en l'absence
de trouble à l'ordre public ou de violences.
3) La Suède est le seul pays où l'achat de services sexuels
soit prohibé en toutes circonstances
En Suède, depuis le 1
er
janvier 1999, date de
l'entrée en vigueur de la loi sur l'interdiction de l'achat de services
sexuels, les clients des prostituées peuvent être condamnés
au paiement d'une amende, voire à une peine d'emprisonnement de six
mois.
Deux autres pays, le Danemark et les Pays-Bas, ont récemment
adopté des dispositions sur
l'interdiction de l'achat de services
sexuels, mais elles s'appliquent seulement
lorsque la prostituée
est une mineure
. La nouvelle loi danoise sur la
dépénalisation de la prostitution dispose que l'achat de services
sexuels auprès d'une mineure constitue une infraction passible d'une
peine de prison d'au plus deux ans. Aux Pays-Bas, la loi du 28 octobre 1999
sanctionne désormais les clients des prostituées dont l'âge
est compris entre 16 et 18 ans, la disposition antérieure qui punit les
clients des mineures âgées de 12 à 16 ans restant en
vigueur.
Sans avoir nécessairement érigé l'achat de services
sexuels en infraction spécifique, tous les autres pays, dans le cadre de
la lutte contre la pédophilie, condamnent le fait d'avoir des relations
sexuelles avec des enfants dont l'âge est inférieur à une
limite, qui varie entre 12 et 16 ans.
Par ailleurs,
la loi anglaise de 1985 sur les infractions sexuelles
en
a créé une nouvelle, la
" drague
motorisée "
, qui consiste, pour un homme qui se trouve dans (ou
sur) un véhicule à moteur ou qui vient d'en descendre, à
accoster une femme à plusieurs reprises pour lui proposer l'achat de ses
services.
4) Dans tous les pays sauf aux Pays-Bas, l'absence de reconnaissance
juridique de la profession empêche les prostituées de disposer
d'une couverture sociale complète
Aux Pays-Bas, les prostituées jouissent de la même protection
sociale que les salariés ou que les travailleurs indépendants,
selon le régime sous lequel elles exercent leur activité.
Dans les autres pays, les dispositions pénales sur le
proxénétisme interdisent aux prostituées de conclure des
contrats de travail et d'avoir le statut de
salariées.
Toutefois,
la jurisprudence belge considère le plus souvent
comme salariées les serveuses de bar qui se prostituent.
Par ailleurs,
bien que la prostitution ne constitue pas une infraction,
son
exercice est généralement considéré
comme relevant de l'économie souterraine
, et les prostituées
vivent en marge de la légalité. En Allemagne et en Italie, le
code civil prévoit en effet la nullité des contrats qui
contreviennent aux bonnes moeurs, tandis que, dans les autres pays, cette
absence de reconnaissance n'est pas explicite. Par conséquent,
sauf
en Belgique,
où les caisses de sécurité sociale des
indépendants ne peuvent pas refuser
leur
affiliation,
les prostituées ne peuvent pas avoir le statut de travailleur
indépendant.
Elles doivent donc souscrire une assurance volontaire, à moins que leur
pays -c'est le cas pour l'Angleterre, le Danemark, l'Italie et la Suède-
n'offre une couverture sociale minimale à tous les résidents,
indépendamment de leur activité professionnelle.
5)
Les revenus des prostituées sont imposables dans tous les pays
sauf en Espagne
Conséquence logique de son appartenance à l'économie
souterraine, la prostitution ne constitue pas une activité imposable en
Espagne.
Inversement, la reconnaissance juridique de la prostitution aux Pays-Bas
justifie que les revenus qui en proviennent soient imposables, et que le
régime fiscal diffère selon que leur titulaire est salarié
ou travailleur indépendant.
La situation est peu ou prou la même en Belgique, où cependant la
répression du proxénétisme constitue un obstacle majeur
à la déclaration des prostituées comme salariées.
Dans les autres pays, c'est-à-dire l'Allemagne, l'Angleterre et le Pays
de Galles, le Danemark, l'Italie et la Suède, les revenus des
prostituées sont imposables, car le fait générateur de
l'impôt est indépendant de la légalité de
l'activité.
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Bien que la prostitution ne constitue en soi une infraction dans aucun des pays étudiés, les Pays-Bas sont actuellement le seul à la considérer comme une activité professionnelle à part entière . En Allemagne, le gouvernement s'est récemment engagé à améliorer le statut des prostituées, notamment parce que leur non-reconnaissance par la législation sociale lui paraît incohérent par rapport à leur reconnaissance fiscale. Un groupe de travail rassemblant des élus du SPD et des Verts est donc en train d'élaborer une proposition de loi sur la reconnaissance professionnelle de la prostitution.